Observations1 L'appréciation des notions de " professionnel " et d'" entreprise " : démarche " au cas par cas " et protection du consommateur ...

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         JURISPRUDENCE

                                                       Observations1
         L’appréciation des notions de « professionnel » et d’« entreprise » :
            démarche « au cas par cas » et protection du consommateur

         INTRODUCTION                                                   somme payée. L’acheteur dépose alors plainte
                                                                        auprès de la Commission de protection des
         Nous commençons par exposer le contexte
                                                                        consommateurs (­ci-après, « C.P.C. »).
         de la question préjudicielle posée, avant
         d’examiner la position adoptée par la Cour                     À la suite de vérifications, la C.P.C. découvre que
         de justice à cette occasion (I). Cet arrêt nous                l’expéditeur de la montre, Madame Kamenova,
         donne ensuite l’opportunité de revenir sur les                 a publié au total huit annonces, dont aucune
         notions fondamentales de « professionnel » et                  ne mentionnait les informations exigées par la
         d’« entreprise » qui déterminent, respective-                  loi bulgare de protection du consommateur.
         ment, l’application ratione personae des droits                Pour cette raison, la C.P.C. décide d’infliger à
         de la consommation européen et belge (II).                     cette dernière des amendes administratives.
         Finalement, nous mentionnons l’adoption de                     Cependant, Madame Kamenova obtient gain
         la directive « omnibus »2, qui vise à améliorer                de cause devant le tribunal compétent au motif
         les droits des consommateurs et leur répara-                   qu’elle n’a pas la qualité de « professionnel » et
         tion (III).                                                    que, dès lors, la loi bulgare de protection du
                                                                        consommateur ne lui est pas applicable. À son
         I. L’ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE DU                            tour, la C.P.C. conteste cette décision devant le
         4 OCTOBRE 2018                                                 tribunal administratif de Varna.
         A. Contexte                                                    C’est dans ce contexte que la question préju-
         Les faits à l’origine de la question préjudicielle             dicielle suivante a été posée à la Cour de
         posée à la Cour sont relativement communs :                    justice : une personne physique qui vend en
         un consommateur achète, via un site bulgare                    ligne un nombre relativement élevé de biens
         de type « eBay », une montre qui semble, une                   d’une valeur importante revêt-elle la qualité de
         fois entre ses mains, ne pas correspondre à l’an-              « professionnel » au sens de la directive sur les
         nonce publiée par le vendeur. Afin de résilier le              pratiques commerciales déloyales ?
         contrat, le consommateur prend contact avec
                                                                        B. Position adoptée par la Cour
         ce dernier, qui refuse toutefois de reprendre
         le bien en échange du remboursement de la                      Dans un premier temps, la Cour de justice refor-
                                                                        mule la question qui lui est soumise et l’étend à
                                                                        la notion de « professionnel », visée par la direc-
         1
              Pauline Limbrée. Avocate au barreau de Liège et assis-    tive relative aux droits des consommateurs3,
              tante à l’UNamur.
         2
              Directive 2019/2161/UE du Parlement européen et
              du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la direc-        3
                                                                            Directive 2011/83/UE du Parlement européen et
              tive 93/13/CEE du Conseil et les directives 98/6/CE,          du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits
              2005/29/CE et 2011/83/UE du Parlement européen                des consommateurs, modifiant la directive 93/13/
              et du Conseil en ce qui concerne une meilleure appli-         CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parle-
              cation et une modernisation des règles de l’Union en          ment européen et du Conseil et abrogeant la direc-
              matière de protection des consommateurs, J.O.U.E.,            tive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du
              18 décembre 2019, L 328/7.                                    Parlement européen et du Conseil, J.O.U.E., L 304/64,

UNamur On Campus (138.48.8.152)
L’appréciation des notions de «professionnel » et d’«entreprise» : démarche « au cas par cas » et protection du consommateur...
Éditions Larcier - © Larcier - 17/09/2020
REVUE DU DROIT DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION - N° 76-77/2019                                                       133
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                 qui est quasi identique à celle de la direc-                   s’il existe une situation de déséquilibre entre le
                 tive sur les pratiques commerciales déloyales4.                professionnel et le consommateur »9.
                 En effet, conformément à l’avis de M. l’avocat                 En conséquence, selon la Cour, pour qualifier
                 général5, elle estime que cette notion, consa-                 de « professionnel » une personne physique, il
                 crée largement par le législateur européen,                    convient d’apprécier si ­celle-ci agit à des fins
                 doit être interprétée de manière homogène                      professionnelles, c’est-à-dire à des fins qui
                 dans les deux instruments précités6.                           entrent dans le cadre de son activité commer-
                 Dans un deuxième temps, la Cour précise que                    ciale, industrielle, artisanale ou libérale10.
                 cette notion doit être déterminée « par rapport                Pour ce faire, l’ensemble des éléments de fait
                 à la notion, corrélative mais antinomique, de                  du cas d’espèce doivent être pris en compte, la
                 consommateur »7 qui implique une position                      démarche étant « au cas par cas »11. En consé-
                 d’infériorité dans le chef de ce dernier. En                   quence, la Cour invite, en l’espèce, la juridiction
                 effet, il ressort de la jurisprudence européenne               de renvoi à déterminer si Madame Kamenova
                 que le consommateur est « réputé être moins                    a agi dans le cadre de son activité commer-
                 informé, économiquement plus faible et juridi-                 ciale lorsqu’elle a publié simultanément huit
                 quement moins expérimenté que son cocon-                       annonces de vente sur la plateforme bulgare.
                 tractant »8. Cette asymétrie est également
                 soulignée par M. l’avocat général, qui précise                 À cet égard, la juridiction européenne précise
                 qu’il convient de « déterminer si une personne                 qu’il convient notamment d’être attentif, dans
                 exerce une activité commerciale qui la place,                  le cadre d’une telle appréciation, aux éléments
                 de ce fait, dans une situation de supériorité à                suivants : le caractère organisé, lucratif et/ou
                 l’égard du consommateur et, par conséquent,                    régulier des ventes en ligne, les compétences
                                                                                techniques et le statut juridique du vendeur,
                                                                                son intention (achète-t-il des biens en vue de
                                                                                les revendre ?), la nature des produits en vente
                     22 novembre 2011(­      ci-après, directive relative aux
                     droits des consommateurs). L’article 2, 2), désigne :
                                                                                et leur prix. Ces critères n’étant ni exclusifs, ni
                     « toute personne physique ou morale, qu’elle soit          exhaustifs, la Cour rappelle que le simple fait
                     publique ou privée, qui agit, y compris par l’intermé-     que la vente poursuive un but lucratif et que
                     diaire d’une autre personne agissant en son nom ou
                                                                                la personne physique publie simultanément
                     pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre
                     de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou   sur une plateforme de vente en ligne plusieurs
                     libérale en ce qui concerne des contrats relevant de la    annonces – tel qu’en l’espèce – ne suffit pas à
                     présente directive ».                                      qualifier cette personne de professionnel12.
                 4
                     Voy. article 2, b), de la directive sur les pratiques
                     commerciales déloyales, selon lequel la notion de          En effet, nous constaterons qu’il existe d’autres
                     professionnel vise « toute personne physique ou            critères à retenir selon les circonstances de la
                     morale qui, pour les pratiques commerciales relevant       cause, notamment ceux recommandés par la
                     de la présente directive, agit à des fins qui entrent
                     dans le cadre de son activité, commerciale, indus-
                     trielle, artisanale ou libérale, et toute personne agis-   9
                                                                                     Av. gén. M. Maciej Szpunar, concl., C.J.U.E., arrêt
                     sant au nom ou pour le compte d’un professionnel ».             Komisia za zashtita na protebitelite c. Zvelina Kame-
                 5
                     Av. gén. M. Maciej Szpunar, concl., C.J.U.E., arrêt             nova, 4 octobre 2018, op. cit., point 52.
                     Komisia za zashtita na protebitelite c. Kamenova,          10
                                                                                     C.J.U.E., arrêt Komisia za zashtita na protebitelite
                     4 octobre 2018, C-105/17, ECLI:EU:C:2018:378,                   c. Kamenova, 4 octobre 2018, op. cit., points 35 et 36.
                     point 39.                                                  11
                                                                                     Av. gén. M. Maciej Szpunar, concl., C.J.U.E., arrêt
                 6
                     C.J.U.E., arrêt Komisia za zashtita na protebitelite            Komisia za zashtita na protebitelite c. Kamenova,
                     c. Kamenova, 4 octobre 2018, op. cit., points 24 et 29.         op. cit., point 50.
                 7
                     Ibidem, point 33.                                          12
                                                                                     C.J.U.E., arrêt Komisia za zashtita na protebitelite
                 8
                     Id., point 34.                                                  c. Kamenova, op. cit., points 38 à 40.

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L’appréciation des notions de «professionnel » et d’«entreprise» : démarche « au cas par cas » et protection du consommateur...
Éditions Larcier - © Larcier - 17/09/2020
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         JURISPRUDENCE

         Commission à l’occasion de ses orientations                         II. LES NOTIONS DE « PROFESSIONNEL »
         concernant la mise en œuvre de la directive sur                     ET D’« ENTREPRISE »
         les pratiques commerciales déloyales13.
                                                                             A. Les notions de « professionnel »
         Dans un troisième temps, et uniquement dans                         et d’« entreprise » : l’enjeu de
         la mesure où la juridiction de renvoi qualifie                      la qualification
         Madame Kamenova de « professionnel », la
                                                                             Il ressort de l’arrêt commenté qu’il n’est pas
         Cour l’invite à apprécier si l’activité en cause
                                                                             aisé de donner avec certitude la qualité de
         « constitue une action, omission, conduite,
                                                                             « professionnel » à l’utilisateur d’une plate-
         démarche ou communication commerciale
                                                                             forme en ligne. Cependant, cette étape est
         en relation directe avec la promotion, la vente
                                                                             un préalable obligatoire à l’identification des
         ou la fourniture d’un produit aux consomma-
                                                                             dispositions légales ou réglementaires poten-
         teurs », autrement dit, une pratique commer-
                                                                             tiellement applicables à ce dernier, selon le
         ciale au sens de la directive 2005/29/CE14.
                                                                             type de relation dans laquelle il est impliqué :
         Dans cette hypothèse, l’omission de Madame
                                                                             B2C, C2C, B2B et C2B.
         Kamenova de fournir certaines informations
         clés au consommateur relèverait de la notion                        Lorsque le vendeur est qualifié d’« entreprise »
         de pratique commerciale trompeuse dans                              et que l’acheteur a la qualité de « consomma-
         la mesure où ­celui-ci a été induit en erreur                       teur » (relation B2C), les dispositions de droit
         par l’annonce publiée, ce qui a pu l’amener à                       de la consommation trouvent à s’appliquer.
         prendre une décision commerciale qu’il n’au-                        ­Celles-ci sont principalement rassemblées dans
         rait pas prise autrement15.                                          le livre VI du Code de droit économique16 et ont
                                                                             notamment pour objet de prescrire des obliga-
         Dans ces circonstances, la Cour conclut qu’une
                                                                             tions d’information à l’« entreprise », d’octroyer
         personne physique, qui publie simultané-
                                                                             un droit de rétractation au « consommateur »
         ment, sur un site Internet, un certain nombre
                                                                             et d’interdire certains types de pratiques, telles
         d’annonces offrant à la vente des biens neufs
                                                                             que les pratiques commerciales déloyales et les
         et d’occasion, ne doit être qualifiée de « profes-
                                                                             clauses abusives. À l’inverse, et contrairement à
         sionnel » et qu’une telle activité ne constitue
                                                                             ce que l’on pourrait croire, la qualification du
         une « pratique commerciale » que lorsque cette
                                                                             vendeur en « consommateur » n’a pas pour
         personne agit à des fins qui entrent dans le
                                                                             effet d’affranchir la relation juridique (C2C)
         cadre de son activité commerciale, industrielle,
                                                                             du respect de toute règle. En effet, certaines
         artisanale ou libérale.
                                                                             dispositions de droit commun devront être
                                                                             observées, notamment l’article 1641 du Code
                                                                             civil qui permet à l’acheteur d’intenter une
                                                                             action en garantie des vices cachés contre le
         13
              Commission européenne, « Document de travail des
              services de la Commission. Orientations concernant la          vendeur. Dans les relations B2B et C2B, rappe-
              mise en œuvre/l’application de la directive 2005/29/           lons que la théorie générale des obligations
              CE relative aux pratiques commerciales déloyales »,            et des contrats constitue généralement le
              SWD (2016) 163 final, 25 mai 2016, pp. 37 et 38.
         14
              C.J.U.E., arrêt Komisia za zashtita na protebitelite
                                                                             seul corpus de règles à respecter17. S’agissant
              c. Kamenova, op. cit., point 42. Voy. l’article 2, d), de la
              directive sur les pratiques commerciales et l’article 1.8,
              23°, du Code de droit économique.                              16
                                                                                  Code de droit économique, M.B., 29 mars 2013.
         15
              Directive sur les pratiques commerciales déloyales,            17
                                                                                  H. Jacquemin, « Les plateformes de l’économie collabo-
              considérant 14 et article 6 ; article VI.99 du Code de              rative à l’épreuve du droit des obligations et des règles
              droit économique.                                                   de protection du consommateur », Enjeux et défis juri-

UNamur On Campus (138.48.8.152)
L’appréciation des notions de «professionnel » et d’«entreprise» : démarche « au cas par cas » et protection du consommateur...
Éditions Larcier - © Larcier - 17/09/2020
REVUE DU DROIT DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION - N° 76-77/2019                                                               135
                                                                                                                                   JURISPRUDENCE

                 toutefois des relations B2B, il est important de                      En droit de l’Union, il faut aussi avoir égard à la
                 souligner le nouveau régime des pratiques de                          notion d’« entreprise », telle qu’interprétée par
                 marché déloyales18, qui interdit, à l’instar des                      la Cour de justice dans le cadre de l’application
                 règles applicables en matière de pratiques                            des articles 101 et 102 du Traité sur le fonction-
                 commerciales déloyales à l’égard des consom-                          nement de l’Union européenne22. Elle consacre
                 mateurs, les pratiques de marché trompeuses                           en effet une conception « fonctionnelle » de la
                 et agressives entre « entreprises ».                                  notion, qui dépend uniquement de la fonction
                                                                                       (économique) exercée par l’entité, et non de sa
                 B. Les notions de « professionnel » et                                forme23 24.
                 d’« entreprise » selon le droit de l’Union
                 européenne                                                            C. La notion d’« entreprise » selon
                 Tel que cela ressort des directives relatives aux                     le droit belge
                 pratiques commerciales déloyales et aux droits                        Suivant l’enseignement consacré en droit euro-
                 des consommateurs, la notion de « profes-                             péen de la concurrence25, le législateur belge
                 sionnel » implique, en droit européen de la                           a défini la notion d’« entreprise », au sens du
                 consommation, que la personne physique                                livre VI du Code de droit économique, comme
                 ou morale concernée agisse à des fins qui                             « toute personne physique ou personne
                 entrent dans le cadre de son activité commer-                         morale poursuivant de manière durable un but
                 ciale, industrielle, artisanale ou libérale. A                        économique, y compris ses associations »26.
                 contrario, la notion de consommateur vise                             Cette définition était auparavant applicable,
                 « toute personne physique qui agit à des fins
                 qui n’entrent pas dans le cadre de son activité
                 commerciale, industrielle, artisanale ou libé-                             mation dans le nouveau code de droit économique,
                                                                                            Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 27.
                 rale »19. Afin de conserver une correspondance                        22
                                                                                            Voy. notamment C.J.C.E., Höfner et Elser c. Macrotron,
                 avec le droit dérivé, le législateur belge a trans-                        23 avril 1991, C-41/90, Rec., I, 1991, pp. 2010 et s.,
                 posé fidèlement cette seconde définition dans                              point 21.
                                                                                       23
                                                                                            À titre d’exemple, mentionnons la jurisprudence de
                 l’ordre juridique belge20. En revanche, la notion                          la Cour de justice selon laquelle les règles en matière
                 de « professionnel » n’est pas consacrée dans                              d’ententes et d’abus de position dominante ne
                 le Code de droit économique, qui lui préfère le                            s’appliquent pas aux organismes qui participent au
                                                                                            régime légal de sécurité sociale. Notons que l’ensei-
                 concept distinct d’« entreprise »21.
                                                                                            gnement de cette jurisprudence ne vaut que lorsque
                                                                                            ces organismes poursuivent un but de nature pure-
                      diques de l’économie de plateforme, J. Clesse et F. Kéfer,            ment sociale. À l’inverse, voy. notamment C.J.U.E.,
                      (dir.), Limal, Anthemis, 2019, pp. 90 et s.                           arrêt AOK Bundesverband, C-264/01, 16 mars 2004,
                 18
                      Loi du 4 avril 2019 modifiant le Code de droit écono-                 C-306/01, C-354/01 et C-355/01, EU:C:2004:105, dispo-
                      mique en ce qui concerne les abus de dépendance                       sitif.
                      économique, les clauses abusives et les pratiques du             24
                                                                                            J. Stuyck, « Le droit de la consommation : protection
                      marché déloyales entre entreprises, M.B., 24 mai 2019.                du consommateur à l’encontre de qui ? Quelques
                 19
                      Voy. notamment l’article 2, 1), de la directive relative              réflexions sur la notion d’entreprise/professionnel
                      aux droits des consommateurs et l’article 2, a), de la                après la loi du 15 avril 2018 portant réforme du droit
                      directive sur les pratiques commerciales déloyales.                   des entreprises à la lumière du droit européen et de
                 20
                      Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2009-2010, Doc. 54 2340/001,        la transformation de la société de la consommation »,
                      p. 38 ; voy. l’article I.1, 2°, du Code de droit économique.          D.C.C.R., 2020/1, p. 5.
                 21
                      Y. Ninane et A. Bochon, « Actualités en matière de               25
                                                                                            Plus précisément, le législateur belge remplace, dans
                      contrats de consommation », Le droit de la consom-                    la définition de la notion d’entreprise au sens du droit
                      mation dans le nouveau code de droit économique,                      de la consommation, l’activité économique par le but
                      Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 80 ; A. Puttemans et                    économique. Cependant, cette modification n’a pas
                      L. Marcus, « L’interdiction des pratiques déloyales…                  d’incidence pratique.
                      envers les consommateurs », Le droit de la consom-               26
                                                                                            Article I.8, 39°, du Code de droit économique.

UNamur On Campus (138.48.8.152)
L’appréciation des notions de «professionnel » et d’«entreprise» : démarche « au cas par cas » et protection du consommateur...
Éditions Larcier - © Larcier - 17/09/2020
136 		                                                      REVUE DU DROIT DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION - N° 76-77/2019
         JURISPRUDENCE

         sauf exceptions, à l’ensemble des dispositions                   de professionnel »33. Le champ d’application
         du Code de droit économique. Cependant, à la                     personnel du droit de la consommation serait
         suite de l’adoption de la loi du 15 avril 201827,                donc, à suivre le législateur national, plus
         elle est devenue particulière28 à certains de                    étendu en droit belge qu’en droit européen.
         ses livres29, au nombre desquels figurent,                       Cependant, ­celui-ci perd de vue que la défini-
         sans surprise, le livre IV intitulé « Protection                 tion de l’article I.8, 39°, du Code de droit écono-
         de la concurrence » et, de manière plus éton-                    mique implique l’exercice d’une activité écono-
         nante, le VI relatif aux pratiques du marché et                  mique de manière durable, exigence nullement
         à la protection du consommateur. En d’autres                     requise en droit européen de la consomma-
         termes, la notion d’« entreprise », au sens du                   tion. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour
         livre VI du Code de droit économique, trouve                     de justice retient « une notion de professionnel
         son pendant européen dans la notion d’« entre-                   plus large que celle d’entreprise »34. En effet,
         prise », consacrée en droit de la concurrence, et                à l’occasion de son arrêt BKK Mobil35, la Cour
         non dans celle de « professionnel », applicable                  considère qu’une caisse d’assurance-­maladie
         en droit de la consommation.                                     ne relèverait pas de la notion d’« entreprise »
         Que penser de la définition d’« entreprise »,                    au sens du droit de la concurrence, en raison
         mentionnée à l’article I.8, 39°, du Code de                      de sa participation à la gestion de la sécurité
         droit économique, et applicable au livre VI du                   sociale (et donc, de l’exercice d’une mission
         Code de droit économique ? Selon les travaux                     d’intérêt général). La Cour de justice exclut
         parlementaires des lois du 6 avril 201030 et du                  effectivement de la notion d’« entreprise » les
         21 décembre 201331, cette définition « présente                  organismes qui participent au régime légal de
         l’avantage d’un rattachement immédiat avec                       la sécurité sociale étant donné que, contraire-
         la loi sur la protection de la concurrence                       ment à la définition qu’elle a retenue, ­ceux-ci
         économique »32 et « englobe toutes les situa-                    n’exercent pas une activité économique. Par
         tions visées expressément dans la définition                     contre, la haute juridiction tient un raison-
                                                                          nement différent s’agissant de la notion de
                                                                          « professionnel ». Tout d’abord, elle précise que,
                                                                          pour les besoins de l’application de la direc-
         27
              Loi du 15 avril 2018 portant réforme du droit des
                                                                          tive sur les pratiques commerciales déloyales,
              entreprises, M.B., 27 avril 2018.
         28
              À vrai dire, le nombre de livres dans lesquels la défini-   cette notion et celle d’« entreprise » « revêtent
              tion « particulière » d’entreprise est appliquée est à ce   une signification et une portée juridique
              point élevé que l’on peut légitimement se demander          identiques »36. Ensuite, elle qualifie la caisse
              laquelle des définitions citées dans le Code de droit
              économique revêt un caractère général.                      d’assurance-­maladie de « professionnelle »
         29
              De même qu’au sein des livres IV, V, XV, VXI et du          au motif notamment que cette notion reçoit
              livre III, titre 3, chapitre 1er du Code de droit écono-    une conception large dans la directive sur les
              mique.
         30
              Loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et
                                                                          pratiques commerciales déloyales et n’exclut
              à la protection du consommateur, M.B., 12 avril 2010.
         31
              Loi du 21 décembre 2013 portant insertion du titre VI       33
                                                                               Doc. parl. Ch. repr., sess. ord. 2012-2013, Doc. 53
              « Pratiques du marché et protection du consomma-                 3018/001, p. 5.
              teur » dans le Code de droit économique et portant          34
                                                                               J. Stuyck, op. cit., p. 8 ; E. Terryn, « La transposition de
              insertion des définitions propres au livre VI, et des            la directive droit des consommateurs en Belgique –
              dispositions d’application de la loi propres au livre VI,        Champ d’application personnel et exclusions »,
              dans les livres Ier et XV du Code de droit économique,           R.E.D.C., 2013, p. 372.
              M.B., 30 décembre 2013.                                     35
                                                                               C.J.U.E., BKK Mobil Oil, 3 octobre 2003, C-59/12,
         32
              Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2009-2010, Doc. 52             EU/C/2013/634.
              2340/005, p. 7.                                             36
                                                                               Ibidem, point 31.

UNamur On Campus (138.48.8.152)
L’appréciation des notions de «professionnel » et d’«entreprise» : démarche « au cas par cas » et protection du consommateur...
Éditions Larcier - © Larcier - 17/09/2020
REVUE DU DROIT DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION - N° 76-77/2019                                                         137
                                                                                                                            JURISPRUDENCE

                 pas les entités poursuivant une mission d’in-                 tion est plus délicate à apprécier dès lors qu’il
                 térêt général, ni celles qui revêtent un statut               convient de déterminer si l’activité en cause
                 de droit public. Par ailleurs, la Cour dépasse le             présente une certaine permanence41 ou, a
                 texte même de la définition de « professionnel »              contrario, si elle est exercée de manière occa-
                 en relevant que l’organisme en question exerce                sionnelle. Assez naturellement, les difficultés
                 une activité rémunérée37.                                     liées à cette appréciation apparaissent dès
                 Ces mêmes arguments sont non seulement                        qu’un particulier s’investit dans la vente de
                 épinglés dans l’arrêt étudié mais en outre                    biens autres que ceux trouvés dans son grenier
                 étendus à la directive relative aux droits des                ou hérités de ses grands-­parents42.
                 consommateurs, la Cour étant, ainsi que cela                  Cela étant, il n’en reste pas moins que le juge
                 a été précisé, en faveur de l’interprétation                  belge doit interpréter le droit national à la
                 homogène de la notion de « professionnel »38.                 lumière des dispositions du droit de l’Union
                 Par ailleurs, pour apprécier ­celle-ci, la Cour fait          dont il découle. Or, nous l’avons observé, la
                 référence, dans chacun de ces deux arrêts, à                  Cour de justice prescrit, à l’occasion de l’arrêt
                 la notion de « consommateur » et à la position                commenté, une appréciation « au cas par cas »
                 d’infériorité que ­celui-ci occupe39. Cependant,              de la notion de « professionnel », qui tient
                 à la différence de l’arrêt BKK Mobil, la Cour ne              compte des circonstances particulières de
                 précise pas si elle considère que Madame                      l’espèce, telles que, notamment, le caractère
                 Kamenova exerce une activité rémunérée                        organisé, lucratif et/ou régulier des ventes et
                 lorsqu’elle publie simultanément plusieurs                    la position de supériorité de l’une des parties
                 annonces de vente en ligne. À cet égard, le juge              à la cause. Les nouvelles orientations relatives
                 européen renvoie la balle au juge national.                   à l’application de la directive sur les pratiques
                 Se pose à présent la question de savoir                       commerciales déloyales allaient déjà dans
                 comment un juge belge apprécierait un cas                     ce sens et relevaient également que « les
                 similaire à celui dont furent saisies les juridic-            personnes dont la principale activité consiste à
                 tions bulgares. Comme on l’a souligné concer-                 vendre des produits en ligne de manière très
                 nant la définition jurisprudentielle de la notion             fréquente, en achetant des produits pour les
                 européenne d’« entreprise », ­  celui-ci devrait              revendre à un prix plus élevé, pourraient par
                 seulement avoir égard à la nature – écono-                    exemple relever de la définition de “profes-
                 mique – de l’activité exercée par le vendeur et à             sionnel” »43.
                 son caractère durable. Concernant la première                 En conséquence, il appartient au juge belge
                 condition, il y a lieu d’entendre, par activité               d’interpréter de manière extensive la notion
                 économique, l’offre de biens ou de services                   d’entreprise lorsqu’elle détermine le champ
                 sur un marché déterminé40. La seconde condi-                  d’application des dispositions qui transposent
                                                                               les directives qui ont pour but de protéger
                                                                               les consommateurs44. En effet, nous l’avons
                 37
                      Notons que cette jurisprudence n’est pas isolée
                      dès lors que, plus récemment, la Cour a tenu le          observé, la notion de « professionnel » est,
                      même raisonnement dans son arrêt Karel De Grote,         compte tenu de l’objectif de protection du
                      voy. C.J.U.E., Karel De Grote Hogeschool, 17 mai 2018,
                      C-147/17, ECLI:EU:C:2018:320.
                 38
                      C.J.U.E., arrêt Komisia za zashtita na protebitelite     41
                                                                                    Voy. Civ. Mons, 24 mars 2011, Act. Fisc., 2011, liv. 1249,
                      c. Kamenova, op. cit., points 30 et 31.                       p. 12.
                 39
                      Ibidem, point 34 ; C.J.U.E., BKK Mobil Oil, op. cit.,    42
                                                                                    H. Jacquemin, op. cit., p. 92.
                      point 35.                                                43
                                                                                    Commission européenne, op. cit., pp. 37 et 38.
                 40
                      E. Terryn, op. cit., p. 381.                             44
                                                                                    E. Terryn, op. cit., p. 382.

UNamur On Campus (138.48.8.152)
L’appréciation des notions de «professionnel » et d’«entreprise» : démarche « au cas par cas » et protection du consommateur...
Éditions Larcier - © Larcier - 17/09/2020
138 		                                                     REVUE DU DROIT DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION - N° 76-77/2019
         JURISPRUDENCE

         consommateur, consacrée de manière large                        spécifier au consommateur si le vendeur est
         par le législateur européen et interprétée tout                 un « professionnel » ou un « consommateur »,
         aussi largement par la Cour de justice.                         sur la base de la déclaration que ce dernier
                                                                         aura faite préalablement47. En effet, le législa-
         III. LES DROITS DES                                             teur européen a constaté que le consomma-
         CONSOMMATEURS ET LEUR                                           teur qui utilise une place de marché en ligne
         RÉPARATION AMÉLIORÉS PAR                                        ne sait pas toujours clairement qui sont ses
         LA DIRECTIVE « OMNIBUS »                                        cocontractants et quelles en sont les impli-
         Les deux directives étudiées dans l’arrêt                       cations pour ses droits et obligations48. Nous
         commenté ont récemment été modifiées en                         avons posé le même constat lors de l’analyse
         vue d’améliorer l’application des droits des                    de l’arrêt commenté puisque les juridictions
         consommateurs et les réparations dont ils                       bulgares elles-mêmes ne s’entendaient pas sur
         peuvent bénéficier45. Arrêtons-nous briève-                     la qualification à donner à l’activité de Madame
         ment sur deux nouveautés introduites en ce                      Kamenova. Par ailleurs, la directive « omnibus »
         sens par la directive « omnibus », qui doit être                dispose que les places de marché devront
         transposée par les États membres avant le                       également préciser l’impact de cette qualifi-
         28 novembre 2021.                                               cation sur les droits du consommateur49. Ainsi,
                                                                         un article 6bis est inséré au sein de la directive
         A. Application des droits
                                                                         sur les droits des consommateurs, listant toute
         des consommateurs
                                                                         une série d’informations à livrer avant que le
         La directive relative aux droits des consom-                    consommateur ne soit lié, sur une place de
         mateurs a été modifiée en vue d’imposer une                     marché en ligne, par un contrat ou une offre
         obligation d’information aux places de marché                   à distance.
         en ligne, c’est-à-dire aux services « utilisant un
                                                                         À cet égard, il est intéressant de rappeler que
         logiciel, y compris un site internet, une partie
                                                                         les places de marché en ligne étaient déjà
         de site internet ou une application, exploités
                                                                         auparavant invitées à respecter une obliga-
         par un professionnel ou pour son compte qui
                                                                         tion similaire par application de la directive
         permettent aux consommateurs de conclure
                                                                         sur les pratiques commerciales déloyales
         des contrats à distance avec d’autres profes-
                                                                         ou, plus précisément, des orientations de la
         sionnels ou consommateurs »46.
                                                                         Commission européenne à ce sujet. En effet,
         En effet, compte tenu de l’asymétrie infor-                     dans ce document, qui n’a aucune valeur juri-
         mationnelle à l’œuvre dans les contrats de                      dique contraignante, la Commission précise
         consommation conclus en ligne, le législateur                   que les places de marché en ligne sont
         européen s’applique, au fur et à mesure de ses                  tenues de prendre les mesures appropriées
         interventions, à intensifier l’obligation générale
         d’information en faveur du consommateur. La                     47
                                                                              Voy. l’article 7, f, de la directive sur les pratiques
         dernière initiative en date s’est matérialisée                       commerciales déloyales, l’article 6bis, 1. b), de la direc-
         par l’adoption de la directive « omnibus » qui                       tive relative aux droits des consommateurs et le consi-
                                                                              dérant 27 de la directive « omnibus ».
         impose aux places de marché en ligne de                         48
                                                                              Voy. le considérant 24 de la directive « omnibus ».
                                                                         49
                                                                              Naturellement, lorsque les règles de protection ne
                                                                              s’appliquent pas, l’information pourra être plus brève
         45
              Voy. le considérant 3 de la directive « omnibus ».              dans la mesure où, dans cette hypothèse, « les four-
         46
              Voy. l’article 2, n), de la directive sur les pratiques         nisseurs ne devraient pas être tenus d’énumérer les
              commerciales déloyales et l’article 2, 17), de la direc-        droits spécifiques des consommateurs », voy. considé-
              tive relative aux droits des consommateurs.                     rant 27 de la directive « omnibus ».

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L’appréciation des notions de «professionnel » et d’«entreprise» : démarche « au cas par cas » et protection du consommateur...
Éditions Larcier - © Larcier - 17/09/2020
REVUE DU DROIT DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION - N° 76-77/2019                                                   139
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                 pour permettre, d’une part, aux fournisseurs                  restitution du bien vendu. Cette faculté, qui est
                 professionnels, de respecter la législation euro-             laissée à l’appréciation du juge, est toutefois
                 péenne, d’autre part, aux consommateurs, de                   peu appliquée en pratique.
                 savoir avec qui ils concluent. Or, ces deux obli-
                 gations relèvent du critère de diligence profes-
                                                                               B. Réparation des droits
                                                                               des consommateurs
                 sionnelle, exigé par l’article 5 de la directive
                 sur les pratiques commerciales déloyales. En                  Les directives susmentionnées ont également
                 d’autres termes, selon l’avis de la Commission,               été modifiées afin d’améliorer les voies de
                 la place de marché qui ne respecte pas l’une de               recours existantes, d’en introduire de nouvelles
                 ces obligations est actuellement susceptible                  et surtout, de permettre aux consomma-
                 de se voir reprocher une pratique commer-                     teurs d’en tirer parti. À cet égard, le considé-
                 ciale déloyale dans la mesure où la violation de              rant 16 de la directive « omnibus » précise que
                 l’obligation en cause est susceptible d’induire               les consommateurs, lésés par des pratiques
                 en erreur les consommateurs50.                                commerciales déloyales, devraient disposer
                                                                               de recours afin d’éliminer tous les effets de ces
                 La récente intervention du législateur euro-
                                                                               pratiques, dont l’appréciation pourrait porter
                 péen transforme donc en obligation la recom-
                                                                               notamment sur leur gravité et leur nature, le
                 mandation, adressée aux plateformes en ligne,
                                                                               préjudice subi par le consommateur, ainsi que
                 de préciser aux consommateurs avec qui ces
                                                                               d’autres circonstances pertinentes, telles que
                 derniers concluent. Cela présente un intérêt,
                                                                               la faute du « professionnel » ou la violation
                 qui est, cependant, tout à fait théorique. En
                                                                               du contrat. À cette fin, la nouvelle directive
                 effet, en pratique, les règles du jeu peuvent
                                                                               introduit un article 11bis au sein de la direc-
                 facilement être tronquées étant donné qu’il
                                                                               tive sur les pratiques commerciales déloyales
                 suffit, pour les vendeurs professionnels, de se
                                                                               selon lequel « les consommateurs victimes de
                 faire passer volontairement pour des consom-
                                                                               pratiques commerciales déloyales disposent
                 mateurs afin d’échapper à l’application des
                                                                               de recours proportionnés et effectifs, qui
                 exigences protectrices du droit de la consom-
                                                                               comprennent la réparation des dommages
                 mation. Ce faisant, ces vendeurs commettraient
                                                                               subis par le consommateur et, le cas échéant,
                 toutefois une pratique commerciale déloyale
                                                                               une réduction du prix ou la fin du contrat ».
                 trompeuse en vertu de l’article VI.100, 22°,
                 du Code de droit économique. En effet, cette                  Tel qu’indiqué, l’article VI.38 du Code de droit
                 disposition qualifie de pratique commerciale                  économique permet déjà au consommateur
                 déloyale trompeuse en toutes circonstances le                 d’obtenir le remboursement des sommes
                 fait d’« affirmer faussement ou donner l’impres-              payées et de garder le bien acheté, pour autant
                 sion que l’entreprise n’agit pas à des fins qui               que, dans la majorité des hypothèses, le juge
                 entrent dans le cadre de son activité profes-                 l’ait décidé. Dès lors, il pourrait être opportun
                 sionnelle, ou se présenter faussement comme                   de modifier l’article VI.38 du Code de droit
                 un consommateur ». Dans ces circonstances,                    économique afin de déterminer, à l’aide des
                 le consommateur peut introduire une action,                   critères relevés dans la directive « omnibus »,
                 en vertu de l’alinéa 2 de l’article VI.38 du Code             des hypothèses dans lesquelles le juge serait
                 de droit économique, afin que le juge ordonne                 tenu de prononcer le remboursement des
                 le remboursement des sommes payées, sans                      sommes payées, sans restitution du bien
                                                                               acheté. Dans ces circonstances, le consomma-
                                                                               teur serait alors encouragé à introduire une
                 50
                      Commission européenne, op. cit., pp. 139 et s.

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L’appréciation des notions de «professionnel » et d’«entreprise» : démarche « au cas par cas » et protection du consommateur...
Éditions Larcier - © Larcier - 17/09/2020
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         JURISPRUDENCE

         procédure visant à exercer ses droits, ce qui                  le juge bénéficie d’une grande liberté d’appré-
         permettrait de rencontrer l’objectif poursuivi                 ciation, qui est intensifiée par les conceptions
         par la directive « omnibus ».                                  (législative et jurisprudentielle) larges de la
                                                                        notion de « professionnel » et encouragée par
         CONCLUSION                                                     l’objectif de protection du consommateur. En
         La notion d’« entreprise » est polysémique. Tout               conséquence, la notion d’entreprise au sens de
         d’abord, à l’échelon européen, où la Cour de                   l’article 1.8, 39°, du Code de droit économique
         justice l’assimile à la notion de professionnel                doit être interprétée de manière extensive.
         dans le cadre de l’application des direc-                      Concernant l’objectif de protection du
         tives relatives aux pratiques commerciales                     consommateur, nous avons noté l’adoption de
         déloyales et aux droits des consommateurs.                     la directive « omnibus », qui impose aux places
         Ensuite, à l’échelon national, où le législateur               de marché d’informer les consommateurs de la
         définit, au moins de deux façons différentes,                  qualité de leur cocontractant. Cette exigence
         la notion d’« entreprise », dont l’une, particu-               semble malheureusement légère au regard
         lière au livre VI du Code de droit économique,                 de l’objectif de transparence poursuivi et de
         emprunte la définition fonctionnelle retenue                   la facilité avec laquelle un « professionnel »
         en droit européen de la concurrence (qui doit                  peu scrupuleux pourrait s’en écarter. Il appar-
         néanmoins être interprétée plus largement51).                  tient donc au législateur belge de dissuader
         L’utilisation d’un même terme pour se référer                  les « professionnels » de faire une déclaration
         à des réalités économiques distinctes est                      volontairement erronée, éventuellement en
         évidemment source d’insécurité juridique.                      permettant au juge d’ordonner, en cas de
         Cependant, l’appréciation, « au cas par cas », de              mauvaise foi, le remboursement des sommes
         la notion d’« entreprise » en droit de la consom-              payées par le consommateur, sans restitution
         mation, telle que décidée par la Cour de justice               du bien vendu.
         dans l’arrêt commenté, permet à cette notion                                                           Pauline Limbrée
         d’évoluer de concert avec la société. En effet,

         51
              C.J.U.E., BKK Mobil Oil, 3 octobre 2003, C-59/12,
              EU/C/2013/634.

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