Pallandt La métamorphose de la forme - /Metamorphosis of Form - De Ketelfactory
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Appetizers R o o sma rijn Pa lla n d t 47 © Yamandu Roos Roosmarijn 2. Pallandt La métamorphose de la forme /Metamorphosis of Form Interview par /by Rachel Morón Photos courtesy of Roosmarijn Pallandt 3. 4. 5. 1 — Détail d’un textile de 3,60 mètres réalisé avec la fibre de l’écorce /Detail of a 3.60 Les paysages sombres et spirituels qui habitent les œuvres meter textile made of the fiber of the inner aux multiples facettes de Roosmarijn Pallandt évoquent et bark, courtesy of Roosmarijn Pallandt incarnent les thèmes du souvenir, du mythe et de la 2 — Roosmarijn Pallandt 3-5 — Untitled transformation. TLmag s’est entretenu avec l’artiste sur la perpétuelle mutation de ses méthodes, les voyages entrepris au titre de son parcours créatif et les enseignements tirés de ses collaborations avec des artisans d’horizons et de culture variés. The dark and spiritual landscapes found in the multifaceted work of Roosmarijn Pallandt echo and embody themes of recollection, myth and transformation. TLmag sat down with the artist to learn more about the artist’s ever-changing methodologies, the journeys her practice has brought her on, and the lessons she has learnt from the (crafts)people she’s worked with along the way.
Appetizers R o o s mari j n Pal l an dt 48 Appetizers R o o sma rijn Pa lla n d t 49 mon sens de l’orientation. Pour recréer cette expérience du lieu et jouer avec notre conception collective de la texture, 6-7 — Untitled j’emploie de très anciennes techniques 8 — Fibre d’écorce /Bark fiber photographiques, comme le tirage au 9 — Fibre d’écorce fendue /Splitting of bark fiber sel de platine ou à l’encre carbone. Une grande dose de concentration et de patience s’impose pour faire émerger une impression de texture et de profon- deur à partir de ces supports, tous deux monochromatiques. Bien qu’étrangères au travail du textile, ces techniques renvoient elles aussi à une temporalité biologique propre. TLmag : Qu’avez-vous retenu des com- munautés et des lieux que vous avez découverts ? 6. 7. R.P. : J’ai constaté qu’une tendance natu- relle à la turbulence sous-tend la réalité TLmag : Vous avez mis au point une influencé ma façon de travailler. Les ber- rythmés par une succession d’activités qui nous entoure et qu’en se mettant au méthode de travail qui vous est propre et gers, agriculteurs, tisserands, chasseurs, aux durées bien déterminées. Elles per- diapason de cette mystérieuse logique, que vous réinventez constamment, au gré shamans et pêcheurs que j’ai eu la chance mettent à mon sens d’établir des liens on développe une plus grande sensibilité de vos besoins de création. Vous avez de croiser sur mon chemin m’ont enseigné privilégiés au sein de la société et avec le à l’environnement dans son ensemble. monté des installations au moyen de pho- qu’il n’existe pas de hiérarchie de valeur reste du vivant. Enfin, les textiles jouent tographies, de pellicule au format 16 mm, entre le destin des êtres humains et celui un rôle d’intermédiaire direct entre le TLmag : Votre dernier projet de recherche de matériel sonore et de surfaces en deux des ressources naturelles, qui sont entre- corps humain et le monde qui l’entoure. revêt une dimension aquatique. Pourriez- dimensions, mais également créé des lacés et interdépendants. Plus qu’une simple traduction de l’envi- vous nous en dire quelques mots ? objets uniques en collaboration avec des Mes plus récents travaux portent sur ronnement, ils en sont le reflet : l’arbre R.P. : L’eau figure parmi les éléments les tisserands du monde entier. Comment la métamorphose de la forme. Comme se comporte de la même façon dans son plus énigmatiques que la terre ait jamais vous êtes-vous lancée dans l’art ? la mémoire et le mythe, la nature ren- milieu textile que dans son milieu naturel, portés : elle est essentielle à notre consti- Roosmarijn Pallandt : Je me suis d’abord ferme des motifs qui évoluent au fil de deux espaces à la fois visibles et invi- tution, mais nous sommes étrangers à la intéressée à la danse, aux arts du spec- leurs répétitions spatiales et tempo- sibles qui invitent à la rêverie. Tissés de sienne. Telle est la réalité, dans toute son tacle et à nos représentations du souvenir, relles. Notre relation au monde naturel langage, les textiles en sont le négatif. irréconciliable complexité. Je suis depuis c’est-à-dire à l’expression du corps et à la n’est pas unilatérale : les plantes intera- longtemps fascinée par la constance de façon dont il s’inscrit dans l’espace et le gissent elles aussi avec le genre humain. TLmag : Malgré leur dimension collabora- ses cycles, sa mémoire et sa faculté de temps. J’ai ensuite exploré les constantes À travers mes œuvres, j’aspire à créer un tive, vos créations représentent des transformation. Face à la multiplication ondulations qui parcourent les « lieux », flux perpétuel et multidimensionnel de paysages souvent vidés de toute présence des crises hydriques à travers le monde, les « endroits », et mes méthodes ont évo- vagues, de motifs, de rythmes et de tex- humaine, empreints de solitude et d’isole- il faut de toute urgence nous réadapter lué en conséquence. À l’heure actuelle, tures propices à l’immersion du public. ment. Peut-on entrer en communion avec à son rythme naturel. Ce projet porte la forme de mes créations ne cesse de se un paysage sans l’habiter au préalable ? principalement sur le milieu aquatique : métamorphoser au gré de l’espace et du TLmag : Les textiles semblent occuper R.P. : Ne vous fiez pas aux apparences, la j’utilise la gravité, les ondes et les motifs temps. Loin de se limiter à une perspec- une place centrale dans vos collabora- présence humaine imprègne chacune de de l’eau pour créer des références tac- tive purement anthropocentrique, ma tions et dans l’ensemble de votre œuvre. mes œuvres. Les forêts, déserts et mon- tiles et aiguiser notre sensibilité aux 8. fascination pour l’espace englobe désor- Que représentent-ils à vos yeux ? tagnes que je photographie sont en effet subtiles harmonies qui régissent nos rap- mais notre rapport au règne végétal. Ces R.P. : Je collabore avec des tisserands chargés de sens et revêtent une immense ports au végétal, et vice-versa. Ce projet dernières années, j’ai voyagé à la ren- chevronnés pour produire des textiles importance aux yeux des peuples qui repose aussi bien sur la recherche scien- contre de peuples nomades. Rompus aux au moyen de différentes fibres végé- m’y ont accompagnée. Il s’agit souvent tifique que sur les sagesses millénaires et longues migrations à travers des paysages tales. Gardiens de la vie de leurs racines d’espaces sacrés où l’on peut établir un les artisanats traditionnels. changeants, ils y ont appris à déceler le à leurs plus hautes branches, les arbres contact avec les ancêtres et les esprits changement en déchiffrant les textures occupent une place centrale dans mes de la forêt et/ou trouver de l’eau douce. Expositions à venir : et motifs inscrits au creux de la nature et projets. En travaillant ce matériau brut de En m’y conduisant, ces peuples ont La diosa verde reloaded, group show, MAZ Museo de Arte de Zapopan, à analyser l’ascendant qu’exercent les nos forêts, j’ai l’impression de percer les éveillé ma curiosité pour la relation phy- 18 mars-15 août 2021 éléments naturels sur la temporalité de rouages du temps et de l’espace, et par sique et spirituelle qu’ils entretiennent Roosmarijn Pallandt, solo show, toute chose. L’espace qu’ils habitent leur là même les desseins de leur Artisan. Au au quotidien avec ces lieux. Après y avoir De Ketelfactory, Schiedam, 29 mai- fin juillet, 2021 exige de se déplacer, de prêter attention contact des textiles, j’entre par ailleurs en cheminé avec eux, j’y retourne toujours Roosmarijn Pallandt, solo show, OIST et de s’adapter. Mes expériences au sein phase avec la temporalité universelle, et seule, à la tombée de la nuit. Je ne pho- Okinawa University for Science de tribus nomades et autochtones évo- non plus seulement humaine. Les subs- tographie qu’au crépuscule du matin ou & Technology, Japon. 2022 luant au milieu de montagnes, de déserts, tances végétales puisent leurs propriétés du soir, de préférence sous la pleine lune : www.roosmarijnpallandt.com de glaciers et de luxuriantes jungles, dans la nature ; qu’il s’agisse de teindre les couleurs se muent alors en ombres et @roosmarijnpallandt entre autres, en Iran, au Tibet, au Népal, ou de tisser, leur emploi repose sur des mon regard s’engourdit, perturbant com- TL # 35 maz.zapopan.gob.mx au Pérou, au Mexique, ont profondément cycles très similaires au cycle de la vie, plètement ma perception de l’espace et deketelfactory.nl 9.
Appetizers R o o s mari j n Pal l an dt 50 Appetizers R o o sma rijn Pa lla n d t 51 TLmag: You have developed a distinct types of plant yarns. The tree has an impor- our collective sense of texture, I use research methodology that is continuously tant place in my projects as well: from root some of the oldest photo techniques, like changing and adapting to your creative to the tallest tip, trees are the caretakers of platinum and carbon printing. Both these needs. Installations can include photog- life on so many levels. To work with the raw processes demand focus and patience raphy, 16 mm film, 2D surfaces and sound, materials from the forest, the tree, feels like in order to create texture and depth in a but you also have made unique objects in I’m working with the direct translation of the monochromatic palette. Although it is collaboration with weavers from around the inner workings of time and space within the a completely different way of working, world. How did your artistic practice begin? forest and within the weaver who created these techniques somehow also embody Roosmarijn Pallandt: My early prac- the fabric. Additionally, textiles encapsulate a different kind of biological time, just like tice mostly focuse d on dance and the feeling of being in tune with the uni- the textiles. performance, and looking at the different verse’s (not the human) time. Weaving and ways we embody memory. In other words, dyeing with plants very closely resembles TLmag: What is an important lesson that it was mainly focused around the body’s the cycles of life while receiving energy you learned from the communities and expression and articulation in space and from nature. They all demand (for a cer- environments you visited? time. I then began to explore the constant tain amount of time) a specific sequence of RP: That there is a natural tendency to the ripples of ‘place’ and ’emplacement’, and events; they require alignment. I think tex- way things are, and if we could tune in to my methodologies extended themselves. tiles form beautiful connections with which the strange logic of turbulence, we can My practice is now in a continual state of human beings can coincide and connect foster a heightened sensitivity for the en- metamorphosis of form in relation to space with each other and all living organisms vironment as a whole. and time. Today, my fascinations have ex- around us. tended not only a humancentric approach Ultimately, I find that textiles are direct me- TLmag: Your latest work is based on but also one that looks at the interaction diators between the human body and the research that takes place underwater. of plants with humans as well. Over the surrounding environment. One is not mere- Could you tell us a bit more about it? past few years, I travelled to meet nomadic ly a translation of the other, but instead, one RP: Water is one of the most mysterious communities. As these communities mi- can be found in the other: the tree behaves elements on earth. On the one hand, we grate across vast distances and different the same in the forest as it does in the are primarily comprised of it, and on the landscapes, they are able to read changes textile. Both visible and invisible, they are other, it is something that cannot be em- in nature through patterns and textures, places in which to dream: they refute lan- bodied by us. We are both of these things, finding ways in which the elements de- guage because they are made of it. inextricably and at once. For many years, termine the exact timing of things. They I have been drawn to the law of cease- find themselves in a space that demands TLmag: Although your work has a col- less cycles and its memory and power to movement, attention and flexibility. Being laborative aspect to it, the final result transform. Looking into the water crises able to meet and travel with nomadic tribes conveys a sense of loneliness or isolation that our planet currently faces, align- and indigenous communities who inhabit as the landscapes you photograph are ing with the natural rhythms is urgently mountains, deserts, glaciers and dense often empty and rarely feature people. important. For this specific research jungles [in Iran, Tibet, Nepal, Peru, Japan Does the human not need to be a part of project, I mainly work underneath the sur- and Mexico amongst other places] has the landscape for us to be in a relation- face of the water. I use gravitational pulls, left a profound impression on me and my ship with it? waves and patterns to create tactile ref- practice. The shepherds, farmers, weav- RP: Even though people seem to be erences that may make us more sensitive ers, hunters, shamans, and fishermen with missing in my images, they are present to the subtle harmonies by which plants whom I was fortunate to meet, showed me in every detail. The forests, deserts or interact with people and vice versa. The how (raw) material and the human beings mountains that I photograph are places work will focus on scientific research as are connected and equally important – loaded with meaning and great impor- well as ancient wisdom and craft. that there is no hierarchy of values – both tance to the people who brought me domains are one and inseparable. there. They are often sacred places Upcoming exhibitions include: Most recently, my work has evolved around where one can travel to the other realm, ‘La diosa verde reloaded,’ Group show, MAZ Museo de Arte de Zapopan, March the metamorphosis of form. Patterns connect to the spirits of the forests and 18-August 15, 2021 change by repetition in time and space, so ancestors and/or are areas where fresh- ‘Roosmarijn Pallandt,’ Solo exhibition, De do memory and myth. It is not only how we water runs. People brought me to these Ketelfactory, Schiedam, May 29-end of July, 2021 interact with the natural world, but actually places and made me curious about the ‘Roosmarijn Pallandt,’ Solo exhibition, how plants interact with us. I hope to create daily and spiritual rhythms that align them OIST Okinawa University for Science & work that allows you to step into a multi- to that place. Despite the shared walks Technology, Japan. TBD 2022 dimensional and continuous flow of waves, and time spent inside together, I always www.roosmarijnpallandt.com patterns, rhythms, and textures. return to these spots by myself after @roosmarijnpallandt the light has fallen. I only photograph by maz.zapopan.gob.mx TLmag: Textiles in particular seem to dusk and dawn, or night time (preferably deketelfactory.nl play an essential role in the collaboration with a full moon), because that is when process and in your practice as a whole. colours turn to shadows, my gaze slows What is the significance of working with down, and as a result, the way I perceive this material for you? and orient myself in space completely 10 — Détail d’un textile de 3,60 mètres réalisé RP: The textiles that I make in collaboration changes. To bring this experience of TL # 35 avec la fibre de l’écorce /Detail of a 3.60 meter with skilled weavers are made of various place to the surface and to engage with textile made of the fiber of the inner bark 10.
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