Peut-on appliquer les oeuvres de fiction aux sciences de gestion ?
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INTRODUCTION CAROLINE JULLIOT Université du Mans MARC LENGLET AURÉLIEN ROUQUET NEOMA Business School Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ? E n sciences de gestion, il est entendu depuis de nom- breuses années que la littérature, et plus largement toute œuvre de fiction, peut constituer un matériau utile afin d’illustrer les théories gestionnaires. Parmi les exemples archéty- paux célèbres, James March, dont le cours de leadership dispensé à Stanford mobilisait ainsi de grands classiques de la littérature comme Guerre et Paix de Tolstoï, ou encore Don Quichotte de Cervantès (Weill, 2000). Plus spécifiquement, March a eu recours à ces romans célèbres pour illustrer auprès de ses étudiants de MBA les nombreux travaux qu’il avait publiés sur la prise de décision en situation d’incertitude, les limites de la rationalité, le caractère incohérent des conduites humaines, ou bien encore l’ambiguïté inhérente aux contextes décisionnels. Cette approche consistant à utiliser des romans pour illustrer les théories gestionnaires est exemplaire de l’idée largement répandue en sciences de gestion que les œuvres de fiction, si elles peuvent sans doute présenter une utilité pédagogique pour transmettre une théorie ou expliciter des concepts, ne sauraient pour autant ser- DOI:10.3166/rfg.303.69-84 © 2022 Lavoisier
72 Revue française de gestion – N° 303/2022 vir de source légitime en vue de théoriser approche se retrouve, en économie, dans l’action collective. Cela s’expliquerait par le travail de Thomas Piketty : Le Capital le fait qu’il existerait une frontière claire au XXIe siècle convoque des exemples entre d’une part ce qui relève de la fiction, tirés de Jane Austen ou Honoré de Balzac et d’autre part ce qui relève du réel obser- pour rendre plus incarnée son analyse, en vable. N’appartenant pas à l’ordre des faits, diachronie, de la notion de patrimoine. les œuvres fictionnelles ne pourraient ainsi Encore faut-il avoir préalablement établi constituer, selon cette vision très positiviste que ces « données » sont conformes à celles de la science, une source de données pos- du réel, tel qu’il se trouve dépeint par les sible et fiable. En définitive, et en suivant études historiques. La place réservée aux pareille approche, la théorisation en sciences œuvres de fiction ne dépasse pas alors celle de gestion ne pourrait résulter de l’étude de « l’effet de réel », mis en évidence par d’œuvres de fiction mais de celle du seul Roland Barthes (1968) : les éléments tirés réel – celui-ci n’étant, de prime abord et le de la fiction, même les plus apparemment plus souvent, même pas sujet à discussion. réalistes, ne donnent aucune garantie de véracité ; y recourir consiste avant tout à 1. Les œuvres de fiction, cantonnées à inscrire le discours dans une stratégie per- illustrer les sciences humaines et sociales suasive. Les éléments mobilisés font vrai, Cette approche dominante de la fiction parce qu’ils frappent davantage l’imagina- comme « illustration » de théories pré- tion du lectorat, qui entretient déjà avec eux existantes n’est pas propre aux sciences une relation de familiarité, que des propos de gestion, et se retrouve largement pré- abstraits, des statistiques, ou même des sente dans d’autres champs des sciences exemples avérés mais obscurs qui ne « par- humaines et sociales. Pareille démarche leront » pas aussi directement. illustrative a ainsi été développée par À un niveau plus fondamental, une telle Sigmund Freud dans le cas de la psycha- vision rejoint des courants contemporains nalyse : pour appuyer les théories qu’il hostiles à la fiction. À l’heure où les fake développe, celui-ci va puiser entre autres news et l’idée d’une « post-vérité » sont des exemples célèbres dans le mythe d’Œdipe notions couramment débattues dans l’es- tel que raconté par Sophocle, la tragédie pace public, de nombreux auteurs appellent shakespearienne – Hamlet ou Le Roi Lear, à établir une frontière nette entre ce qui l’œuvre de Dostoïevski, etc. Au risque, relève du fait et ce qui appartient à la fic- d’ailleurs, de biaiser totalement les enjeux tion. Ainsi de Lavocat (2016, p. 71), pour de l’œuvre ainsi asservie à une grille de qui le postmodernisme, à l’origine de ce lecture qui n’a rien à voir avec son contexte qu’elle nomme « la mouvance panfiction- de production – comme le reproche notam- naliste », n’a eu de cesse de remettre en ment le spécialiste de la Grèce ancienne cause la frontière entre deux règnes qui ne Jean-Pierre Vernant dans un article célèbre, ressortissent pas au même régime ontolo- qui rappelle qu’Œdipe ne saurait être atteint gique : « nous plaidons, en définitive, pour du complexe auquel il a donné son nom une appréhension de la fiction à travers ses (Vernant, 1967). Plus récemment, pareille différentes modalités d’hybridation avec
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ? 73 le factuel, qui font, la plupart du temps, un matériau privilégié de son œuvre, son ressortir les contours de la fictionnalité texte ne sera jamais « producteur de savoir, et de la factualité plutôt qu’elles ne les mais producteur de fiction, de fiction de effacent » (ibid., p. 553). On comprend, en savoir, de savoir-fiction » (Perec, 1979, p. 4). effet, les dangers, aussi bien intellectuels Néanmoins, l’on pourrait aussi considérer que politiques, d’une confusion entre le réel qu’une œuvre de fiction n’est, au même et le fictif – qui aurait inévitablement pour titre que les modèles scientifiques, qu’une conséquence de neutraliser la possibilité représentation de notre monde ; représenta- même du débat, en le réduisant à un rela- tion disposant de ses propres règles, traces tivisme où l’on ne pourrait plus s’accorder d’un rapport particulier au réel, supposant sur aucun critère de facticité, et où tout recomposition, invention, déformation, « pas discours, jusqu’au plus délirant ou gros- de côté » divers. Comprise de la sorte, sièrement mensonger, pourrait être reven- une œuvre de fiction peut se révéler plus diqué comme « alternative fact »1. Il ne « vraie » que le réel lui-même, en le rendant, saurait donc être ici question de nier cette justement, plus lisible : c’est comme ceci séparation, mais bien davantage de nous que les écrivains romantiques la pensaient. interroger sur la fécondité, pour la pensée, Victor Hugo proclamait ainsi la suprématie de se pencher sur des éléments explicite- de certains personnages de fiction, quintes- ment fictionnels – en nous demandant dans sences indépassables de l’humanité réelle : quelle mesure et avec quelle méthodologie « Les types sont des êtres. Ils palpitent, ils spécifique leur prise en compte pourrait respirent, on entend leur pas sur le plancher, néanmoins permettre de compléter, d’enri- ils existent. Ils existent d’une existence plus chir ou de renouveler les approches déjà intense que n’importe qui, se croyant vivant, pratiquées en sciences de gestion. là, dans la rue. Ces fantômes ont plus de Justifier un tel parti-pris théorique va, certes, densité que l’homme. » (Hugo, 1937 [1867], à l’encontre des positions prises par un cer- p. 124). Ou encore : « Un type ne reproduit tain nombre de scientifiques, qui défendent aucun homme en particulier ; il ne se super- depuis longtemps l’idée qu’on ne pourrait, pose exactement à aucun individu ; il résume au fond, rien dire d’aléthique sur la fiction et concentre sous une forme humaine toute (Russell, 2009). À partir du moment où les une famille de caractères et d’esprits. Un faits sont inventés, ils sont en effet tous, à type n’abrège pas, il condense. Il n’est pas proprement parler, faux – et tenter de les un, il est tous » (ibid., p. 123). La question hiérarchiser en fonction de leur degré de serait alors moins de se priver de considérer conformité au réel constituerait donc une les données fictionnelles que de proposer la tentative intrinsèquement et fatalement illu- méthodologie la plus apte à en faire appa- soire. Comme le dit bien Georges Perec, raître la pertinence pour l’étude du réel. écrivain qui fait de la science de son époque Aussi bien pour se garder des mensonges et 1. Expression employée en 2017 par Kelly Conway, conseillère du président Trump, à propos de la foule massée pour acclamer son champion au moment de son investiture.
74 Revue française de gestion – N° 303/2022 illusions qu’elle charrie que pour en tirer, s’il cette œuvre a été écrite avant que Freud ne y a lieu, des réflexions utiles – que le réel, à développe sa théorie, elle peut certes être lue lui seul, ne permettrait aucunement d’établir. et interprétée au prisme des concepts freu- diens. Mais ce que propose Bayard, c’est de 2. Les œuvres de fiction appliquées montrer qu’à partir du Horla, il est possible, aux sciences humaines et sociales en partant du texte, et tout en étant informé de la perspective freudienne, de construire À rebours d’une vision très utilitariste de la une alternative théorique à l’analyse psycha- fiction, qui dénie à cette dernière toute part nalytique, et de développer une autre topique de vérité, une autre approche s’avère donc que celle proposée par le célèbre viennois possible. Elle a notamment été développée dans une logique qui serait au fond abduc- depuis plusieurs années par Pierre Bayard, tive (David, 2000). Une telle perspective dans des essais qui traitent notamment s’appuie notamment sur le fait que l’étan- des liens qui existent entre littérature et chéité supposée entre réel et fiction n’est psychanalyse. Dans son ouvrage Peut-on selon lui pas tenable. Comme toutes celles appliquer la littérature à la psychana- et ceux que Thomas Pavel (1988) appelle lyse ? (2004), qui inspire le titre de cet malicieusement les « intégrationnistes », article, l’auteur défend une thèse qui peut qu’il oppose aux « ségrégationnistes » pos- de prime abord paraître iconoclaste. Selon tulant une séparation stricte entre le réel lui, il serait possible d’inverser la logique et la fiction, Bayard estime au contraire freudienne consistant à appliquer à la litté- qu’il y a continuité entre tous ces univers rature les concepts de la psychanalyse pour parallèles. Pour lui, les personnages des appliquer la littérature à la psychanalyse. œuvres de fiction ont une forme manifeste Précisément, la thèse de Bayard est qu’il d’existence qu’il convient de reconnaître est possible, sous certaines conditions, de et de comprendre au sein de nos imagi- partir des œuvres pour questionner les naires – et donc aussi au sein du monde dans théories psychanalytiques existantes, voire lequel nous vivons, que nous appréhendons en proposer de nouvelles. L’analyse des nous-mêmes exclusivement par le prisme grands classiques de la littérature russe de nos représentations (Goodman, 1979). l’a ainsi récemment amené à réévaluer à Et ce n’est pas Sir Arthur Conan Doyle qui nouveaux frais l’hypothèse que l’identité pourra leur donner tort, lui qui, à l’instar du soit constituée de personnalités multiples, Dr Frankenstein, s’est longtemps vécu qui cohabiteraient sans véritable hiérarchie comme persécuté par sa propre créature, le au sein du même corps, chacune prenant détective Sherlock Holmes (Bayard, 2008). le pouvoir successivement au gré des cir- Loin d’être seulement des affabulations, les constances – théorie éclipsée, au début du œuvres de fiction peuvent ainsi être vues et XXe siècle, par la tripartition freudienne analysées comme porteuses d’éléments de ça-moi-surmoi (Bayard, 2017). vérité. Cela tient à la capacité de la fiction Bayard utilise également la célèbre nouvelle à donner à voir, c’est-à-dire à inventer des de Maupassant Le Horla en vue de ques- mondes qui peuvent s’avérer très riches – et tionner l’approche freudienne. Alors que qui se présentent aussi toujours comme des
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ? 75 miroirs, plus ou moins déformés ou défor- plus virtuelle et symbolique, la capacité mants, de notre monde à nous. Cela tient des œuvres à agir sur le réel révèle parfois également au fait que les œuvres de fiction ses effets pervers. Non seulement le film de ont une capacité bien connue à anticiper et Scorsese The Wolf of Wall Street (2013), qui préfigurer ce qui peut un jour advenir dans le se veut un regard critique et sans conces- réel. Au-delà des œuvres de science-fiction, sion sur le capitalisme débridé, a été accusé comme celles de Jules Verne qui ont décrit d’offrir une image héroïque de son prota- bien avant qu’elles ne voient réellement goniste roublard, le trader-escroc cocaïné le jour un certain nombre d’inventions, de Jordan Belfort spécialisé dans le pump and nombreuses œuvres parviennent à anticiper dump (et condamné par la justice améri- le réel : ainsi de l’œuvre de William Stead, caine, pour ses pratiques, à des amendes qui décrivit quelques années avant qu’il pharamineuses) ; mais, de fait, il a permis n’arrive le naufrage du Titanic, naufrage à son modèle réel de s’enrichir sur sa nou- dans lequel, ironie de l’histoire, Stead périt velle image – touchant des royalties sur les lui-même. Cela tient d’autre part au fait recettes du film scénarisé à partir de ses que les œuvres de fiction peuvent être per- mémoires, et capitalisant sur sa notoriété formatives dans leur appréhension du réel. acquise grâce au cinéma pour se reconvertir Aussi, alors que la bureaucratie initialement comme coach, prêt à former de nouvelles théorisée par Weber dans une logique rela- générations de courtiers aux dents lon- tivement positive, au sens où ce système gues capables de prendre sa suite. Nouvel permettait de substituer aux décisions arbi- exemple qui, au passage, illustre bien la traires des décisions rationnelles prises par porosité entre le réel et la fiction, à l’inverse des organisations structurées, formelles et d’une vision positiviste qui postule comme évoqué plus haut une séparation entre ces impersonnelles, la fiction kafkaïenne et en particulier Le Procès a conduit peu à peu deux mondes. à ce que l’image de la bureaucratie ne se dégrade. Aujourd’hui, une bureaucratie ne 3. Les œuvres de fiction pour renouveler peut, semble-t-il, plus être que kafkaïenne, les théories de l’action collective c’est-à-dire lue et appréhendée sous l’angle Si l’on abonde dans le sens du renverse- de la fiction. ment proposé par Pierre Bayard, on peut La fiction, créatrice de mythes, est ainsi alors défendre l’idée selon laquelle la un des lieux privilégiés où se créent, se fiction peut aussi constituer une source diffusent et s’imposent de nouveaux sys- utile en vue de renouveler les théories tèmes sociaux – tel le Robinson Crusoé de de l’action collective qui sont dévelop- Defoe, qui, par la dynamique symbolique pées en sciences de gestion. Dans le de sa narration, bénit de l’onction anglicane présent dossier, une telle démarche est l’expansion colonialiste de l’impérialisme notamment adoptée par Xavier Philippe, capitaliste, et fut l’un des vecteurs imagi- Vincent Meyer et Jean-Denis Culié. En naires de la promotion du travail comme s’appuyant sur l’œuvre de Michel Houel- valeur en soi (Ost, 2004). À l’heure où la lebecq, les auteurs proposent d’enrichir circulation des valeurs se fait de plus en les travaux menés par le sociologue et phi-
76 Revue française de gestion – N° 303/2022 losophe Zygmunt Bauman, sur la moder- la sociomatérialité, révélant les paradoxes nité liquide. Spécifiquement, l’œuvre de qui traversent la vie organisationnelle : Houellebecq les conduit à conceptualiser c’est notamment dans un constant va-et- le salarié houellebecquien comme étant vient entre travail de déterritorialisation et un « salarié liquide » : soit un salarié pris de reterritorialisation (Deleuze et Parnet, dans un cercle vicieux le rendant tour à 1977) que prennent sens les multiples tour consommateur et produit de consom- résistances déployées par Gaston Lagaffe : mation lui-même – consumé qu’il est par résistance à la logique managériale (les l’organisation qui l’emploie. Face à la supérieurs hiérarchiques n’ont pas prise permanence des changements induits par sur lui), résistance à la rationalité procédu- l’obsolescence programmée, les auteurs rale (Gaston outrepassant constamment les montrent comment le salarié se trouve règles tacites et explicites de l’organisa- rendu liquide (c’est-à-dire liquidé) selon tion), résistance à la logique contractuelle trois dimensions : la liquéfaction tempo- (Gaston interférant systématiquement, relle, qui impose au salarié houellebec- plus ou moins consciemment, dans les quien le règne de l’urgence et du juste-à- tentatives de contractualisation notamment temps ; l’individualisation désocialisante, métaphorisées par De Maesmaker), etc. qui engendre la dilution des liens au tra- Grimand peut ainsi souligner à quel point vail ; et enfin l’enfermement dans la dyade « l’univers de Gaston représente un contre- sujet consommateur/sujet consommé. De point salutaire » (p. 119) à la tradition la sorte, les auteurs démontrent de façon rationaliste en théorie des organisations, tout à fait convaincante la pertinence et enfermée dans des dichotomies vides inca- l’intérêt d’un recours à la fiction houel- pables de restituer ce qui se joue dans les lebecquienne pour faire sens du salariat tensions et paradoxes propres au quotidien moderne et de ses paradoxes inhérents. des organisations. Une démarche similaire se trouve égale- On peut d’ores et déjà trouver un équi- ment développée par Amaury Grimand. valent d’une telle perspective, où la lit- Prolongeant la réflexion qu’il avait initié térature est pensée comme un véritable dans la Revue française de gestion sur le cas « laboratoire d’expérimentation », dans les des Simpsons (Grimand, 2009), Grimand travaux que poursuivent, depuis plusieurs prend cette fois-ci appui sur le personnage décennies, certaines recherches en philoso- de bande dessinée Gaston Lagaffe. La lec- phie et en théorie du droit – aussi bien aux ture des planches de l’œuvre de Franquin États-Unis que dans l’espace francophone le conduit à défendre l’idée que Gaston (Nussbaum, 1995 ; Ost, 2004 et 2010 ; pose la question du sens au travail, et de Laugier, 2019). Celles-ci considèrent en son appropriation. Jouant constamment effet que, par sa capacité à créer des cas à avec la règle, bricolant au sens propre la fois exemplaires et exceptionnels, plus comme au sens figuré, Gaston Lagaffe denses et complexes que tout ce que le réel s’approprie la matière même des objets pourrait offrir, la fiction constitue la voie constitutifs de son espace de travail. Il royale permettant de penser les limites des peut ainsi être vu comme un penseur de théories et des normes qui régissent notre
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ? 77 existence – vertu que lui reconnaissait déjà empirique se trouve par nature difficile Aristote, lequel n’hésitait pas à affirmer, à être collecté (par exemple : les débats dans sa Poétique, que la fable était plus stratégiques dans les conseils de direction riche d’enseignements que l’histoire : « En des entreprises ont lieu sous le sceau de la effet, la différence entre le chroniqueur confidentialité, et le fonctionnement d’or- [ἱστορικὸς] et le poète [ποιητὴς] ne vient ganisations occultes reste le plus souvent pas de ce que l’un s’exprime en vers et inaccessible aux non-membres, comme l’autre en prose (on pourrait mettre en vers exposé par Monahan et Fisher, 2015). Cela l’œuvre d’Hérodote, ce ne serait pas moins peut encore résulter du fait que ce que l’on une chronique en vers qu’en prose) ; mais cherche à analyser ne relève pas réellement la différence est que l’un dit ce qui a eu de l’ordre du conscient, mais bien davan- lieu, l’autre ce qui pourrait avoir lieu ; tage du ressenti inconscient. Dans ce cadre, c’est pour cette raison que la poésie est le matériau fictionnel peut alors être utilisé plus philosophique et plus élevée que la en vue de pallier l’indisponibilité des don- chronique » (1451b, p. 1-5). En écho à cette reconnaissance de la fable, c’est par nées traditionnelles – c’est d’ailleurs dans la lecture du Mesure pour mesure de Sha- ce sens que des historiens commencent à se kespeare que François Ost en vient à se référer à la fiction, notamment pour ce qui demander si les lois pénales ont vraiment concerne les us et coutumes de la vie quo- vocation à être appliquées, réaffirmant par tidienne, pas forcément consignés à travers là, dans au-delà de la lettre du droit, la pos- les archives, et dont les traces effectives sibilité d’une lecture éthique de la loi jus- ont disparu, mais aussi pour recomposer tement illustrée par la fiction (Ost, 2010). de façon plus fine l’histoire des mentalités (ainsi de Lyon-Caen, 2010 et, plus récem- 4. Les œuvres de fiction pour accéder à ment, Foa, 2021). Cela peut enfin tenir à des réalités organisationnelles difficiles la durée des phénomènes que l’on cherche à observer à observer. Au vu des contraintes tempo- relles et institutionnelles qui pèsent sur la Au-delà de l’effort de théorisation rendu recherche, il est parfois difficile de rester possible par les œuvres de fiction, on relè- suffisamment de temps sur le terrain pour vera un second usage pertinent de la fic- saisir un phénomène organisationnel qui se tion – cette fois-ci, d’ordre méthodolo- déploie sur une longue durée. Dans ce cas, gique. Afin de pouvoir formuler et étayer des théories de l’action collective, il faut le matériau fictionnel peut s’avérer particu- évidemment pouvoir s’appuyer sur des lièrement utile et offrir la possibilité d’une données empiriques. Cependant, celles-ci compréhension longitudinale des processus sont parfois difficilement accessibles. Cela au temps long. La fiction a en effet ce peut d’une part tenir au fait que le maté- pouvoir de traverser les lignes temporelles riau empirique ait disparu (par exemple, la par toute sorte de procédés narratifs – que trace d’actions collectives passées dont on ce soit à travers des romans fleuves ou des ne possède que quelques archives) ; mais séries télévisées qui s’étalent sur plusieurs d’autre part résulter de ce que le matériau décennies.
78 Revue française de gestion – N° 303/2022 C’est notamment la perspective qui a été lectives qui pourraient éventuellement être suivie dans ce dossier par Cyrille Sardais et mises en œuvre pour y échapper. Soit en Marine Agogué, dont l’article vise à explo- vue d’anticiper des évolutions sociétales et rer les limites et les dangers du leadership technologiques qui risquent d’advenir dans charismatique. Traiter cette question à partir un temps prochain, et auxquelles il convient de données empiriques réellement collec- de se préparer. Une telle perspective de pro- tées aurait par nature été compliqué (com- jection dans des mondes alternatifs semble ment rendre compte de la chute de ce leader d’autant plus importante et intéressante charismatique que fut Carlos Ghosn ?) : à pour les sciences de gestion que, comme l’inverse, les auteurs proposent de recourir à le rappelle Herbert Simon (1991), ces la série américaine Game of Thrones (2011- sciences sont tout autant concernées par ce 2019), portant à l’écran la série de romans qui est que par ce qui n’est pas encore – et écrits par George R. R. Martin. Analysant qui fait partie du pur possible. la chute du personnage de Daenerys Tar- Dans le présent dossier, c’est un tel parti garyen dans les deux dernières saisons de pris qui se trouve adopté par Léa Dorion la série, Sardais et Agogué peuvent ainsi et Alban Ouahab. Les auteurs partagent mettre clairement en évidence les limites le constat que les mouvements sociaux et et dangers du leadership charismatique, qui organisations alternatives restent influencés trouvent leur origine dans sa labilité d’une par le capitalisme et le patriarcat (ex : Lyon- part, et dans l’absence de contre-pouvoirs Caen, 2010). Pour proposer de nouvelles à la force caractéristique d’un tel compor- lignes de rupture, les auteurs proposent tement d’autre part. L’usage de la fiction de se servir de deux romans qui relèvent permet ici d’interroger un topos réguliè- d’une forme de science-fiction anarchiste rement mobilisé, en dépit de ses lacunes et féministe, écrits par Ursula Le Guin : désormais bien documentées en théorie La Main gauche de la nuit et Les Dépos- des organisations, et de rendre visibles des sédés. En puisant dans ces deux romans, mécanismes qui resteraient sinon invisibles il s’agit pour les auteurs de « désincarcé- faute de données. rer » les imaginaires existants en vue de concevoir des organisations alternatives. 5. Les œuvres de fiction comme source Le choix de ce matériau fictionnel leur d’expérimentation et d’anticipation semble d’autant plus pertinent que les récits On peut enfin identifier un troisième registre de science-fiction traditionnels sont sou- d’utilité des œuvres de fiction : celles-ci vent perçus comme porteurs « de récits permettent en effet de se projeter dans conservateurs, en particulier reproduisant des mondes possibles, qui pourraient bien des imaginaires sexistes et colonialistes » contenir la matière de notre futur (Bayard, (p. 145). L’œuvre de Le Guin leur permet 2017). Soit en vue d’imaginer une évolu- ainsi de montrer en quoi d’autres récits, tion dystopique, qui n’arrive que rarement porteurs d’une réelle dimension utopique, dans le monde réel, mais qu’il reste néan- dessinent des futurs réellement « positifs, moins intéressant d’anticiper par la pensée, souhaitables, alternatifs ». Ces récits, par afin de réfléchir aux logiques d’actions col- l’exorbitance apparente de leurs proposi-
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ? 79 tions (travail reproductif non genré, ins- de cela : l’auteur propose notamment, avec cription du commun dans le langage, faire force démonstration, de transformer l’his- du partage la source de la socialité, extraire toire littéraire de façon à prendre en compte le travail des logiques de domination, etc.), ce possible – un discours sur les écrivaines font travailler nos imaginaires et portent et les écrivains qui rendrait compte avec la en eux les germes de pratiques alternatives souplesse que de tels phénomènes méritent, émancipatrices. de la façon dont leurs œuvres, en tout cas la On le voit, l’originalité de l’approche propo- réception qu’on en fait à chaque époque, se sée dans cet article réside en ce qu’elle per- transforment au fur et à mesure du temps, met d’aller au-delà des stratégies usuelles en les faisant spontanément coïncider avec en sciences de gestion, qui ont jusqu’à pré- les courants d’écriture les plus contempo- sent eu tendance essentiellement à puiser rains. Aux textes possibles répondent ainsi dans la science-fiction traditionnelle à visée de nouvelles réalités organisationnelles, dystopique et scientiste (Gendron et Piers- suscitées par l’activité de lecture (cf. éga- sens, 2019) en vue d’anticiper certaines lement Bayard, 1996) : « Aussi faudrait-il évolutions technologiques. Ainsi, l’analyse se résoudre, si l’on voulait être pleine- proposée par Dorion et Ouahab permet-elle ment rigoureux, à séparer une fois pour de mettre en exergue qu’au côté des œuvres toutes l’histoire événementielle et l’histoire de science-fiction traditionnelles, de très littéraire, et à admettre que les écrivains et nombreuses autres œuvres peuvent s’avérer les artistes relèvent en réalité d’une double intéressantes pour imaginer de nouvelles chronologie » (Bayard, 2009, p. 99). Au formes d’organisation. C’est notamment le même titre, on pourrait tenir que la théorie cas de celles qui mettent au cœur de leur des organisations propose en définitive des réflexion non pas l’anticipation technolo- textes qui mériteraient similaire traitement : gique, comme c’est le cas de la science- il s’agirait alors de « décrire l’avenir aussi fiction, mais bien davantage l’expérimen- précisément que possible », pour justement tation. On peut sans doute évoquer ici les œuvres qui ont contribué à l’émergence de faire place aux survenants (ibid., p. 48), l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Poten- car « si l’écriture se fait bien en compa- tielle), qui possèdent pour la plupart d’entre gnie de certains fantômes, il conviendrait elles cette capacité expérimentale – elles donc d’ajouter, aux revenants que sont les qui tiennent le possible pour incertain, écrivains passés qui nous influencent, une mais certainement pas hasardeux (Oulipo, autre catégorie de fantômes, que je pro- 1981, p. 25). Expérimentation qui opère pose d’appeler des survenants, lesquels sont par l’énonciation de règles ou contraintes convoqués par l’écriture et viennent fournir à suivre, lesquelles constituent une base à l’écrivain – par ce surgissement que tout solide pour développer du nouveau. à la fois il espère et produit – les images On notera d’ailleurs ici que c’est au sein inconscientes bienfaisantes de modèles à de l’Oulipo qu’émerge la notion de « pla- imiter ». Par trop souvent, tels survenants giat par anticipation », redéveloppée par manquent dans les récits portés par les Pierre Bayard il y a une dizaine d’années sciences de gestion.
80 Revue française de gestion – N° 303/2022 Conclusion : Quelles œuvres de vée ; la série Game of Thrones qui s’étend fiction doivent-elles être lues par les sur plus de 70 épisodes et 8 saisons et gestionnaires ? nous transporte sur les continents fictifs de Westeros et d’Essos. D’autre part, et sans Comme toute donnée empirique, le matériau nécessairement illustrer cette visée globale, fictionnel possède néanmoins des domaines d’autres œuvres fictionnelles donnent à de validité et de pertinence. Dans ce cadre, voir dans toute leur richesse les instants et alors que nos sociétés contemporaines répétés de la vie d’une organisation : dans sont marquées par un accroissement de la le présent dossier, c’est clairement le cas de production d’œuvres fictionnelles (que ce l’article sur Gaston Lagaffe, qui représente soit sous forme de livres, de films, de séries de manière complexe et riche la vie de télévisées, d’œuvres théâtrales ou musi- bureau au fil d’une vingtaine de volumes de cales, etc.) dans tous les pays du monde, on bande dessinée, qui incluent de multiples peut se demander lesquelles sont les plus personnages, eux-mêmes héros d’autres susceptibles de renouveler les sciences de bandes dessinées (Fantasio, Spirou, etc.). gestion sur le plan théorique, et doivent en conséquence être l’objet d’attention de la En s’appuyant sur ces deux critères, un pro- part à la fois des chercheurs et chercheuses jet pour de futures recherches pourrait être en sciences de gestion, et des praticiens de constituer une forme de « bibliothèque et praticiennes au sein des organisations. collective idéale » recensant des fictions De ce point de vue, deux types de fictions pouvant être utiles tant aux chercheurs et semblent a priori présenter un potentiel chercheuses en sciences de gestion qu’aux théorique particulièrement intéressant. praticiennes et praticiens. Les œuvres pour- D’une part, les œuvres qui développent un raient alors être cataloguées en fonction de univers fictionnel riche et donnent à voir leur utilité potentielle pour les différentes un monde entier dans sa complexité. Par disciplines des sciences de gestion (straté- construction, de telles œuvres incluent en gie, gestion des ressources humaines, logis- effet une représentation des organisations tique, etc.), ou pour la compréhension de et de l’action collective. On peut ainsi noter tel ou tel type de secteur d’activité (banque, que trois des quatre œuvres mobilisées dans industrie, conseil, etc.), ou encore selon le présent dossier détiennent ce caractère de d’autres logiques qui restent à imaginer. richesse : les sept romans de Michel Houel- Cette bibliothèque pourrait alors servir de lebecq, peuplés de multiples personnages et base dans laquelle les personnes intéressées qui embrassent des sujets aussi variés que pourraient puiser : tant pour nourrir des le clonage, l’art contemporain, la sexualité, enseignements que pour se former à tel ou l’industrie du tourisme, le monde aca- tel sujet. démique, les sectes, l’amour, la religion, Fondamentalement, l’intérêt d’un tel projet etc. ; les deux romans d’Ursula Le Guin serait de contribuer à légitimer définiti- qui donnent à voir la vie pour l’un sur une vement l’usage des œuvres de fiction au planète non genrée et où tous sont herma- sein des sciences de gestion. Cela apparaît phrodites, et pour l’autre sur une planète où d’autant plus important à nos yeux que les personnages n’ont pas de propriété pri- l’usage des fictions existantes comme maté-
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ? 81 riau empirique ne constitue qu’un aspect tions. Non sans avoir auparavant remercié parmi d’autres, des croisements possibles les auteurs et autrices qui ont répondu à existant entre fiction et sciences de gestion. notre appel, et bien sûr les évaluatrices et Comme nous le verrons dans un prochain évaluateurs que nous avons mobilisés, et dossier de la Revue française de gestion, sans qui nous n’aurions pu mener à bien ce la fiction se présente en elle-même, et de travail. Nous tenons ainsi à remercier : Auré- plus en plus souvent, comme une stratégie lien Acquier, Nancy Aumais, Rachel Beau- que les acteurs et actrices des organisations jolin, Christelle Camman, Valérie Chanal, peuvent mettre en œuvre pour parvenir à Sophie Claye-Puaux, Pascale Ezan, Natha- leurs fins, en l’utilisant afin d’explorer ce lie Fabbe-Costes, Corinne Gendron, Oli- que l’avenir leur réserve, afin d’imposer des innovations ou des pratiques autrement vier Germain, Eric Hoppenot, Eve Lamen- difficiles à matérialiser dans les entours de dour, Hervé Laroche, David Meulemans, l’organisation. Agathe Novak-Lechevalier, Ewan Oiry, Mais nous n’en dirons pas plus ici, et vous Baptiste Rappin, Fanny Reniou, Anne- donnons rendez-vous dans un prochain Laure Saives, Katia Schneller, Dilip Subra- numéro pour évoquer ces différentes ques- manian et Jean-Baptiste Suquet. BIBLIOGRAPHIE Aristote [335 av. J.-C.] (1980). La Poétique. Texte, traduction, notes par Roselyne Dupont- Roc et Jean Lallot, Éditions du Seuil, Paris. Barthes R. (1968). « L’effet de réel », Communications, n° 11, p. 84-89. Bayard P. (1994). Maupassant, juste avant Freud, Éditions de Minuit, Paris. Bayard P. (1996). Le hors-sujet. Proust et la digression, Éditions de Minuit, Paris. Bayard P. (2004). Peut-on appliquer la littérature à la psychanalyse ?, Éditions de Minuit, Paris. Bayard P. (2008). L’Affaire du chien des Baskerville, Éditions de Minuit, Paris. Bayard P. (2009). Le plagiat par anticipation, Édition de Minuit, Paris. Bayard P. (2017). L’Énigme Tolstoïevski, Éditions de Minuit, Paris. David A. (2000). « Logique, épistémologie et méthodologie en sciences de gestion : trois hypothèses revisitées », Les nouvelles fondations des sciences de gestion, Vuibert-FNEGE, Paris, p. 83-109. Deleuze G. et Parnet C. (1977). Dialogues, Flammarion, Paris. Foa J. (2021). Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélemy, La Découverte, Paris.
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