Peut-on appliquer les oeuvres de fiction aux sciences de gestion ?

 
CONTINUER À LIRE
INTRODUCTION
CAROLINE JULLIOT
Université du Mans
MARC LENGLET
AURÉLIEN ROUQUET
NEOMA Business School

      Peut-on appliquer les
      œuvres de fiction aux
      sciences de gestion ?

                        E
                                 n sciences de gestion, il est entendu depuis de nom-
                                 breuses années que la littérature, et plus largement toute
                                 œuvre de fiction, peut constituer un matériau utile afin
                        d’illustrer les théories gestionnaires. Parmi les exemples archéty-
                        paux célèbres, James March, dont le cours de leadership dispensé
                        à Stanford mobilisait ainsi de grands classiques de la littérature
                        comme Guerre et Paix de Tolstoï, ou encore Don Quichotte de
                        Cervantès (Weill, 2000). Plus spécifiquement, March a eu recours
                        à ces romans célèbres pour illustrer auprès de ses étudiants de
                        MBA les nombreux travaux qu’il avait publiés sur la prise de
                        décision en situation d’incertitude, les limites de la rationalité,
                        le caractère incohérent des conduites humaines, ou bien encore
                        l’ambiguïté inhérente aux contextes décisionnels.
                        Cette approche consistant à utiliser des romans pour illustrer les
                        théories gestionnaires est exemplaire de l’idée largement répandue
                        en sciences de gestion que les œuvres de fiction, si elles peuvent
                        sans doute présenter une utilité pédagogique pour transmettre une
                        théorie ou expliciter des concepts, ne sauraient pour autant ser-

                                                     DOI:10.3166/rfg.303.69-84 © 2022 Lavoisier
72   Revue française de gestion – N° 303/2022

vir de source légitime en vue de théoriser        approche se retrouve, en économie, dans
l’action collective. Cela s’expliquerait par      le travail de Thomas Piketty : Le Capital
le fait qu’il existerait une frontière claire     au XXIe siècle convoque des exemples
entre d’une part ce qui relève de la fiction,     tirés de Jane Austen ou Honoré de Balzac
et d’autre part ce qui relève du réel obser-      pour rendre plus incarnée son analyse, en
vable. N’appartenant pas à l’ordre des faits,     diachronie, de la notion de patrimoine.
les œuvres fictionnelles ne pourraient ainsi      Encore faut-il avoir préalablement établi
constituer, selon cette vision très positiviste   que ces « données » sont conformes à celles
de la science, une source de données pos-         du réel, tel qu’il se trouve dépeint par les
sible et fiable. En définitive, et en suivant     études historiques. La place réservée aux
pareille approche, la théorisation en sciences    œuvres de fiction ne dépasse pas alors celle
de gestion ne pourrait résulter de l’étude        de « l’effet de réel », mis en évidence par
d’œuvres de fiction mais de celle du seul         Roland Barthes (1968) : les éléments tirés
réel – celui-ci n’étant, de prime abord et le     de la fiction, même les plus apparemment
plus souvent, même pas sujet à discussion.        réalistes, ne donnent aucune garantie de
                                                  véracité ; y recourir consiste avant tout à
1. Les œuvres de fiction, cantonnées à            inscrire le discours dans une stratégie per-
illustrer les sciences humaines et sociales       suasive. Les éléments mobilisés font vrai,
Cette approche dominante de la fiction            parce qu’ils frappent davantage l’imagina-
comme « illustration » de théories pré-           tion du lectorat, qui entretient déjà avec eux
existantes n’est pas propre aux sciences          une relation de familiarité, que des propos
de gestion, et se retrouve largement pré-         abstraits, des statistiques, ou même des
sente dans d’autres champs des sciences           exemples avérés mais obscurs qui ne « par-
humaines et sociales. Pareille démarche           leront » pas aussi directement.
illustrative a ainsi été développée par           À un niveau plus fondamental, une telle
Sigmund Freud dans le cas de la psycha-           vision rejoint des courants contemporains
nalyse : pour appuyer les théories qu’il          hostiles à la fiction. À l’heure où les fake
développe, celui-ci va puiser entre autres        news et l’idée d’une « post-vérité » sont des
exemples célèbres dans le mythe d’Œdipe           notions couramment débattues dans l’es-
tel que raconté par Sophocle, la tragédie         pace public, de nombreux auteurs appellent
shakespearienne – Hamlet ou Le Roi Lear,          à établir une frontière nette entre ce qui
l’œuvre de Dostoïevski, etc. Au risque,           relève du fait et ce qui appartient à la fic-
d’ailleurs, de biaiser totalement les enjeux      tion. Ainsi de Lavocat (2016, p. 71), pour
de l’œuvre ainsi asservie à une grille de         qui le postmodernisme, à l’origine de ce
lecture qui n’a rien à voir avec son contexte     qu’elle nomme « la mouvance panfiction-
de production – comme le reproche notam-          naliste », n’a eu de cesse de remettre en
ment le spécialiste de la Grèce ancienne          cause la frontière entre deux règnes qui ne
Jean-Pierre Vernant dans un article célèbre,      ressortissent pas au même régime ontolo-
qui rappelle qu’Œdipe ne saurait être atteint     gique : « nous plaidons, en définitive, pour
du complexe auquel il a donné son nom             une appréhension de la fiction à travers ses
(Vernant, 1967). Plus récemment, pareille         différentes modalités d’hybridation avec
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ?      73

le factuel, qui font, la plupart du temps,              un matériau privilégié de son œuvre, son
ressortir les contours de la fictionnalité             texte ne sera jamais « producteur de savoir,
et de la factualité plutôt qu’elles ne les            mais producteur de fiction, de fiction de
effacent » (ibid., p. 553). On comprend, en             savoir, de savoir-fiction » (Perec, 1979, p. 4).
effet, les dangers, aussi bien intellectuels            Néanmoins, l’on pourrait aussi considérer
que politiques, d’une confusion entre le réel           qu’une œuvre de fiction n’est, au même
et le fictif – qui aurait inévitablement pour           titre que les modèles scientifiques, qu’une
conséquence de neutraliser la possibilité               représentation de notre monde ; représenta-
même du débat, en le réduisant à un rela-               tion disposant de ses propres règles, traces
tivisme où l’on ne pourrait plus s’accorder             d’un rapport particulier au réel, supposant
sur aucun critère de facticité, et où tout              recomposition, invention, déformation, « pas
discours, jusqu’au plus délirant ou gros-               de côté » divers. Comprise de la sorte,
sièrement mensonger, pourrait être reven-               une œuvre de fiction peut se révéler plus
diqué comme « alternative fact »1. Il ne                « vraie » que le réel lui-même, en le rendant,
saurait donc être ici question de nier cette            justement, plus lisible : c’est comme ceci
séparation, mais bien davantage de nous                 que les écrivains romantiques la pensaient.
interroger sur la fécondité, pour la pensée,            Victor Hugo proclamait ainsi la suprématie
de se pencher sur des éléments explicite-               de certains personnages de fiction, quintes-
ment fictionnels – en nous demandant dans               sences indépassables de l’humanité réelle :
quelle mesure et avec quelle méthodologie               « Les types sont des êtres. Ils palpitent, ils
spécifique leur prise en compte pourrait                respirent, on entend leur pas sur le plancher,
néanmoins permettre de compléter, d’enri-               ils existent. Ils existent d’une existence plus
chir ou de renouveler les approches déjà                intense que n’importe qui, se croyant vivant,
pratiquées en sciences de gestion.                      là, dans la rue. Ces fantômes ont plus de
Justifier un tel parti-pris théorique va, certes,       densité que l’homme. » (Hugo, 1937 [1867],
à l’encontre des positions prises par un cer-           p. 124). Ou encore : « Un type ne reproduit
tain nombre de scientifiques, qui défendent             aucun homme en particulier ; il ne se super-
depuis longtemps l’idée qu’on ne pourrait,              pose exactement à aucun individu ; il résume
au fond, rien dire d’aléthique sur la fiction           et concentre sous une forme humaine toute
(Russell, 2009). À partir du moment où les              une famille de caractères et d’esprits. Un
faits sont inventés, ils sont en effet tous, à          type n’abrège pas, il condense. Il n’est pas
proprement parler, faux – et tenter de les              un, il est tous » (ibid., p. 123). La question
hiérarchiser en fonction de leur degré de               serait alors moins de se priver de considérer
conformité au réel constituerait donc une               les données fictionnelles que de proposer la
tentative intrinsèquement et fatalement illu-           méthodologie la plus apte à en faire appa-
soire. Comme le dit bien Georges Perec,                 raître la pertinence pour l’étude du réel.
écrivain qui fait de la science de son époque           Aussi bien pour se garder des mensonges et

1. Expression employée en 2017 par Kelly Conway, conseillère du président Trump, à propos de la foule massée
pour acclamer son champion au moment de son investiture.
74   Revue française de gestion – N° 303/2022

illusions qu’elle charrie que pour en tirer, s’il   cette œuvre a été écrite avant que Freud ne
y a lieu, des réflexions utiles – que le réel, à    développe sa théorie, elle peut certes être lue
lui seul, ne permettrait aucunement d’établir.      et interprétée au prisme des concepts freu-
                                                    diens. Mais ce que propose Bayard, c’est de
2. Les œuvres de fiction appliquées                 montrer qu’à partir du Horla, il est possible,
aux sciences humaines et sociales                   en partant du texte, et tout en étant informé
                                                    de la perspective freudienne, de construire
À rebours d’une vision très utilitariste de la      une alternative théorique à l’analyse psycha-
fiction, qui dénie à cette dernière toute part      nalytique, et de développer une autre topique
de vérité, une autre approche s’avère donc          que celle proposée par le célèbre viennois
possible. Elle a notamment été développée           dans une logique qui serait au fond abduc-
depuis plusieurs années par Pierre Bayard,          tive (David, 2000). Une telle perspective
dans des essais qui traitent notamment              s’appuie notamment sur le fait que l’étan-
des liens qui existent entre littérature et         chéité supposée entre réel et fiction n’est
psychanalyse. Dans son ouvrage Peut-on              selon lui pas tenable. Comme toutes celles
appliquer la littérature à la psychana-             et ceux que Thomas Pavel (1988) appelle
lyse ? (2004), qui inspire le titre de cet          malicieusement les « intégrationnistes »,
article, l’auteur défend une thèse qui peut         qu’il oppose aux « ségrégationnistes » pos-
de prime abord paraître iconoclaste. Selon          tulant une séparation stricte entre le réel
lui, il serait possible d’inverser la logique       et la fiction, Bayard estime au contraire
freudienne consistant à appliquer à la litté-       qu’il y a continuité entre tous ces univers
rature les concepts de la psychanalyse pour         parallèles. Pour lui, les personnages des
appliquer la littérature à la psychanalyse.         œuvres de fiction ont une forme manifeste
Précisément, la thèse de Bayard est qu’il           d’existence qu’il convient de reconnaître
est possible, sous certaines conditions, de         et de comprendre au sein de nos imagi-
partir des œuvres pour questionner les              naires – et donc aussi au sein du monde dans
théories psychanalytiques existantes, voire         lequel nous vivons, que nous appréhendons
en proposer de nouvelles. L’analyse des             nous-mêmes exclusivement par le prisme
grands classiques de la littérature russe           de nos représentations (Goodman, 1979).
l’a ainsi récemment amené à réévaluer à             Et ce n’est pas Sir Arthur Conan Doyle qui
nouveaux frais l’hypothèse que l’identité           pourra leur donner tort, lui qui, à l’instar du
soit constituée de personnalités multiples,         Dr Frankenstein, s’est longtemps vécu
qui cohabiteraient sans véritable hiérarchie        comme persécuté par sa propre créature, le
au sein du même corps, chacune prenant              détective Sherlock Holmes (Bayard, 2008).
le pouvoir successivement au gré des cir-           Loin d’être seulement des affabulations, les
constances – théorie éclipsée, au début du          œuvres de fiction peuvent ainsi être vues et
XXe siècle, par la tripartition freudienne          analysées comme porteuses d’éléments de
ça-moi-surmoi (Bayard, 2017).                       vérité. Cela tient à la capacité de la fiction
Bayard utilise également la célèbre nouvelle        à donner à voir, c’est-à-dire à inventer des
de Maupassant Le Horla en vue de ques-              mondes qui peuvent s’avérer très riches – et
tionner l’approche freudienne. Alors que            qui se présentent aussi toujours comme des
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ?   75

miroirs, plus ou moins déformés ou défor-          plus virtuelle et symbolique, la capacité
mants, de notre monde à nous. Cela tient           des œuvres à agir sur le réel révèle parfois
également au fait que les œuvres de fiction        ses effets pervers. Non seulement le film de
ont une capacité bien connue à anticiper et        Scorsese The Wolf of Wall Street (2013), qui
préfigurer ce qui peut un jour advenir dans le     se veut un regard critique et sans conces-
réel. Au-delà des œuvres de science-fiction,       sion sur le capitalisme débridé, a été accusé
comme celles de Jules Verne qui ont décrit         d’offrir une image héroïque de son prota-
bien avant qu’elles ne voient réellement           goniste roublard, le trader-escroc cocaïné
le jour un certain nombre d’inventions, de         Jordan Belfort spécialisé dans le pump and
nombreuses œuvres parviennent à anticiper          dump (et condamné par la justice améri-
le réel : ainsi de l’œuvre de William Stead,       caine, pour ses pratiques, à des amendes
qui décrivit quelques années avant qu’il           pharamineuses) ; mais, de fait, il a permis
n’arrive le naufrage du Titanic, naufrage          à son modèle réel de s’enrichir sur sa nou-
dans lequel, ironie de l’histoire, Stead périt     velle image – touchant des royalties sur les
lui-même. Cela tient d’autre part au fait          recettes du film scénarisé à partir de ses
que les œuvres de fiction peuvent être per-        mémoires, et capitalisant sur sa notoriété
formatives dans leur appréhension du réel.         acquise grâce au cinéma pour se reconvertir
Aussi, alors que la bureaucratie initialement      comme coach, prêt à former de nouvelles
théorisée par Weber dans une logique rela-         générations de courtiers aux dents lon-
tivement positive, au sens où ce système           gues capables de prendre sa suite. Nouvel
permettait de substituer aux décisions arbi-       exemple qui, au passage, illustre bien la
traires des décisions rationnelles prises par      porosité entre le réel et la fiction, à l’inverse
des organisations structurées, formelles et        d’une vision positiviste qui postule comme
                                                   évoqué plus haut une séparation entre ces
impersonnelles, la fiction kafkaïenne et en
particulier Le Procès a conduit peu à peu          deux mondes.
à ce que l’image de la bureaucratie ne se
dégrade. Aujourd’hui, une bureaucratie ne          3. Les œuvres de fiction pour renouveler
peut, semble-t-il, plus être que kafkaïenne,       les théories de l’action collective
c’est-à-dire lue et appréhendée sous l’angle       Si l’on abonde dans le sens du renverse-
de la fiction.                                     ment proposé par Pierre Bayard, on peut
La fiction, créatrice de mythes, est ainsi         alors défendre l’idée selon laquelle la
un des lieux privilégiés où se créent, se          fiction peut aussi constituer une source
diffusent et s’imposent de nouveaux sys-           utile en vue de renouveler les théories
tèmes sociaux – tel le Robinson Crusoé de          de l’action collective qui sont dévelop-
Defoe, qui, par la dynamique symbolique            pées en sciences de gestion. Dans le
de sa narration, bénit de l’onction anglicane      présent dossier, une telle démarche est
l’expansion colonialiste de l’impérialisme         notamment adoptée par Xavier Philippe,
capitaliste, et fut l’un des vecteurs imagi-       Vincent Meyer et Jean-Denis Culié. En
naires de la promotion du travail comme            s’appuyant sur l’œuvre de Michel Houel-
valeur en soi (Ost, 2004). À l’heure où la         lebecq, les auteurs proposent d’enrichir
circulation des valeurs se fait de plus en         les travaux menés par le sociologue et phi-
76   Revue française de gestion – N° 303/2022

losophe Zygmunt Bauman, sur la moder-           la sociomatérialité, révélant les paradoxes
nité liquide. Spécifiquement, l’œuvre de        qui traversent la vie organisationnelle :
Houellebecq les conduit à conceptualiser        c’est notamment dans un constant va-et-
le salarié houellebecquien comme étant          vient entre travail de déterritorialisation et
un « salarié liquide » : soit un salarié pris   de reterritorialisation (Deleuze et Parnet,
dans un cercle vicieux le rendant tour à        1977) que prennent sens les multiples
tour consommateur et produit de consom-         résistances déployées par Gaston Lagaffe :
mation lui-même – consumé qu’il est par         résistance à la logique managériale (les
l’organisation qui l’emploie. Face à la         supérieurs hiérarchiques n’ont pas prise
permanence des changements induits par          sur lui), résistance à la rationalité procédu-
l’obsolescence programmée, les auteurs          rale (Gaston outrepassant constamment les
montrent comment le salarié se trouve           règles tacites et explicites de l’organisa-
rendu liquide (c’est-à-dire liquidé) selon      tion), résistance à la logique contractuelle
trois dimensions : la liquéfaction tempo-       (Gaston interférant systématiquement,
relle, qui impose au salarié houellebec-        plus ou moins consciemment, dans les
quien le règne de l’urgence et du juste-à-      tentatives de contractualisation notamment
temps ; l’individualisation désocialisante,     métaphorisées par De Maesmaker), etc.
qui engendre la dilution des liens au tra-      Grimand peut ainsi souligner à quel point
vail ; et enfin l’enfermement dans la dyade     « l’univers de Gaston représente un contre-
sujet consommateur/sujet consommé. De           point salutaire » (p. 119) à la tradition
la sorte, les auteurs démontrent de façon       rationaliste en théorie des organisations,
tout à fait convaincante la pertinence et       enfermée dans des dichotomies vides inca-
l’intérêt d’un recours à la fiction houel-      pables de restituer ce qui se joue dans les
lebecquienne pour faire sens du salariat        tensions et paradoxes propres au quotidien
moderne et de ses paradoxes inhérents.          des organisations.
Une démarche similaire se trouve égale-         On peut d’ores et déjà trouver un équi-
ment développée par Amaury Grimand.             valent d’une telle perspective, où la lit-
Prolongeant la réflexion qu’il avait initié     térature est pensée comme un véritable
dans la Revue française de gestion sur le cas   « laboratoire d’expérimentation », dans les
des Simpsons (Grimand, 2009), Grimand           travaux que poursuivent, depuis plusieurs
prend cette fois-ci appui sur le personnage     décennies, certaines recherches en philoso-
de bande dessinée Gaston Lagaffe. La lec-       phie et en théorie du droit – aussi bien aux
ture des planches de l’œuvre de Franquin        États-Unis que dans l’espace francophone
le conduit à défendre l’idée que Gaston         (Nussbaum, 1995 ; Ost, 2004 et 2010 ;
pose la question du sens au travail, et de      Laugier, 2019). Celles-ci considèrent en
son appropriation. Jouant constamment           effet que, par sa capacité à créer des cas à
avec la règle, bricolant au sens propre         la fois exemplaires et exceptionnels, plus
comme au sens figuré, Gaston Lagaffe            denses et complexes que tout ce que le réel
s’approprie la matière même des objets          pourrait offrir, la fiction constitue la voie
constitutifs de son espace de travail. Il       royale permettant de penser les limites des
peut ainsi être vu comme un penseur de          théories et des normes qui régissent notre
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ?   77

existence – vertu que lui reconnaissait déjà        empirique se trouve par nature difficile
Aristote, lequel n’hésitait pas à affirmer,         à être collecté (par exemple : les débats
dans sa Poétique, que la fable était plus           stratégiques dans les conseils de direction
riche d’enseignements que l’histoire : « En         des entreprises ont lieu sous le sceau de la
effet, la différence entre le chroniqueur           confidentialité, et le fonctionnement d’or-
[ἱστορικὸς] et le poète [ποιητὴς] ne vient          ganisations occultes reste le plus souvent
pas de ce que l’un s’exprime en vers et             inaccessible aux non-membres, comme
l’autre en prose (on pourrait mettre en vers        exposé par Monahan et Fisher, 2015). Cela
l’œuvre d’Hérodote, ce ne serait pas moins          peut encore résulter du fait que ce que l’on
une chronique en vers qu’en prose) ; mais
                                                    cherche à analyser ne relève pas réellement
la différence est que l’un dit ce qui a eu
                                                    de l’ordre du conscient, mais bien davan-
lieu, l’autre ce qui pourrait avoir lieu ;
                                                    tage du ressenti inconscient. Dans ce cadre,
c’est pour cette raison que la poésie est
                                                    le matériau fictionnel peut alors être utilisé
plus philosophique et plus élevée que la
                                                    en vue de pallier l’indisponibilité des don-
chronique » (1451b, p. 1-5). En écho à
cette reconnaissance de la fable, c’est par         nées traditionnelles – c’est d’ailleurs dans
la lecture du Mesure pour mesure de Sha-            ce sens que des historiens commencent à se
kespeare que François Ost en vient à se             référer à la fiction, notamment pour ce qui
demander si les lois pénales ont vraiment           concerne les us et coutumes de la vie quo-
vocation à être appliquées, réaffirmant par         tidienne, pas forcément consignés à travers
là, dans au-delà de la lettre du droit, la pos-     les archives, et dont les traces effectives
sibilité d’une lecture éthique de la loi jus-       ont disparu, mais aussi pour recomposer
tement illustrée par la fiction (Ost, 2010).        de façon plus fine l’histoire des mentalités
                                                    (ainsi de Lyon-Caen, 2010 et, plus récem-
4. Les œuvres de fiction pour accéder à             ment, Foa, 2021). Cela peut enfin tenir à
des réalités organisationnelles difficiles          la durée des phénomènes que l’on cherche
à observer                                          à observer. Au vu des contraintes tempo-
                                                    relles et institutionnelles qui pèsent sur la
Au-delà de l’effort de théorisation rendu
                                                    recherche, il est parfois difficile de rester
possible par les œuvres de fiction, on relè-
                                                    suffisamment de temps sur le terrain pour
vera un second usage pertinent de la fic-
                                                    saisir un phénomène organisationnel qui se
tion – cette fois-ci, d’ordre méthodolo-
                                                    déploie sur une longue durée. Dans ce cas,
gique. Afin de pouvoir formuler et étayer
des théories de l’action collective, il faut        le matériau fictionnel peut s’avérer particu-
évidemment pouvoir s’appuyer sur des                lièrement utile et offrir la possibilité d’une
données empiriques. Cependant, celles-ci            compréhension longitudinale des processus
sont parfois difficilement accessibles. Cela        au temps long. La fiction a en effet ce
peut d’une part tenir au fait que le maté-          pouvoir de traverser les lignes temporelles
riau empirique ait disparu (par exemple, la         par toute sorte de procédés narratifs – que
trace d’actions collectives passées dont on         ce soit à travers des romans fleuves ou des
ne possède que quelques archives) ; mais            séries télévisées qui s’étalent sur plusieurs
d’autre part résulter de ce que le matériau         décennies.
78   Revue française de gestion – N° 303/2022

C’est notamment la perspective qui a été         lectives qui pourraient éventuellement être
suivie dans ce dossier par Cyrille Sardais et    mises en œuvre pour y échapper. Soit en
Marine Agogué, dont l’article vise à explo-      vue d’anticiper des évolutions sociétales et
rer les limites et les dangers du leadership     technologiques qui risquent d’advenir dans
charismatique. Traiter cette question à partir   un temps prochain, et auxquelles il convient
de données empiriques réellement collec-         de se préparer. Une telle perspective de pro-
tées aurait par nature été compliqué (com-       jection dans des mondes alternatifs semble
ment rendre compte de la chute de ce leader      d’autant plus importante et intéressante
charismatique que fut Carlos Ghosn ?) : à        pour les sciences de gestion que, comme
l’inverse, les auteurs proposent de recourir à   le rappelle Herbert Simon (1991), ces
la série américaine Game of Thrones (2011-       sciences sont tout autant concernées par ce
2019), portant à l’écran la série de romans      qui est que par ce qui n’est pas encore – et
écrits par George R. R. Martin. Analysant        qui fait partie du pur possible.
la chute du personnage de Daenerys Tar-          Dans le présent dossier, c’est un tel parti
garyen dans les deux dernières saisons de        pris qui se trouve adopté par Léa Dorion
la série, Sardais et Agogué peuvent ainsi        et Alban Ouahab. Les auteurs partagent
mettre clairement en évidence les limites
                                                 le constat que les mouvements sociaux et
et dangers du leadership charismatique, qui
                                                 organisations alternatives restent influencés
trouvent leur origine dans sa labilité d’une
                                                 par le capitalisme et le patriarcat (ex : Lyon-
part, et dans l’absence de contre-pouvoirs
                                                 Caen, 2010). Pour proposer de nouvelles
à la force caractéristique d’un tel compor-
                                                 lignes de rupture, les auteurs proposent
tement d’autre part. L’usage de la fiction
                                                 de se servir de deux romans qui relèvent
permet ici d’interroger un topos réguliè-
                                                 d’une forme de science-fiction anarchiste
rement mobilisé, en dépit de ses lacunes
                                                 et féministe, écrits par Ursula Le Guin :
désormais bien documentées en théorie
                                                 La Main gauche de la nuit et Les Dépos-
des organisations, et de rendre visibles des
                                                 sédés. En puisant dans ces deux romans,
mécanismes qui resteraient sinon invisibles
                                                 il s’agit pour les auteurs de « désincarcé-
faute de données.
                                                 rer » les imaginaires existants en vue de
                                                 concevoir des organisations alternatives.
5. Les œuvres de fiction comme source            Le choix de ce matériau fictionnel leur
d’expérimentation et d’anticipation              semble d’autant plus pertinent que les récits
On peut enfin identifier un troisième registre   de science-fiction traditionnels sont sou-
d’utilité des œuvres de fiction : celles-ci      vent perçus comme porteurs « de récits
permettent en effet de se projeter dans          conservateurs, en particulier reproduisant
des mondes possibles, qui pourraient bien        des imaginaires sexistes et colonialistes »
contenir la matière de notre futur (Bayard,      (p. 145). L’œuvre de Le Guin leur permet
2017). Soit en vue d’imaginer une évolu-         ainsi de montrer en quoi d’autres récits,
tion dystopique, qui n’arrive que rarement       porteurs d’une réelle dimension utopique,
dans le monde réel, mais qu’il reste néan-       dessinent des futurs réellement « positifs,
moins intéressant d’anticiper par la pensée,     souhaitables, alternatifs ». Ces récits, par
afin de réfléchir aux logiques d’actions col-    l’exorbitance apparente de leurs proposi-
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ?   79

tions (travail reproductif non genré, ins-         de cela : l’auteur propose notamment, avec
cription du commun dans le langage, faire          force démonstration, de transformer l’his-
du partage la source de la socialité, extraire     toire littéraire de façon à prendre en compte
le travail des logiques de domination, etc.),      ce possible – un discours sur les écrivaines
font travailler nos imaginaires et portent         et les écrivains qui rendrait compte avec la
en eux les germes de pratiques alternatives        souplesse que de tels phénomènes méritent,
émancipatrices.                                    de la façon dont leurs œuvres, en tout cas la
On le voit, l’originalité de l’approche propo-     réception qu’on en fait à chaque époque, se
sée dans cet article réside en ce qu’elle per-     transforment au fur et à mesure du temps,
met d’aller au-delà des stratégies usuelles        en les faisant spontanément coïncider avec
en sciences de gestion, qui ont jusqu’à pré-       les courants d’écriture les plus contempo-
sent eu tendance essentiellement à puiser          rains. Aux textes possibles répondent ainsi
dans la science-fiction traditionnelle à visée     de nouvelles réalités organisationnelles,
dystopique et scientiste (Gendron et Piers-        suscitées par l’activité de lecture (cf. éga-
sens, 2019) en vue d’anticiper certaines           lement Bayard, 1996) : « Aussi faudrait-il
évolutions technologiques. Ainsi, l’analyse        se résoudre, si l’on voulait être pleine-
proposée par Dorion et Ouahab permet-elle          ment rigoureux, à séparer une fois pour
de mettre en exergue qu’au côté des œuvres         toutes l’histoire événementielle et l’histoire
de science-fiction traditionnelles, de très
                                                   littéraire, et à admettre que les écrivains et
nombreuses autres œuvres peuvent s’avérer
                                                   les artistes relèvent en réalité d’une double
intéressantes pour imaginer de nouvelles
                                                   chronologie » (Bayard, 2009, p. 99). Au
formes d’organisation. C’est notamment le
                                                   même titre, on pourrait tenir que la théorie
cas de celles qui mettent au cœur de leur
                                                   des organisations propose en définitive des
réflexion non pas l’anticipation technolo-
                                                   textes qui mériteraient similaire traitement :
gique, comme c’est le cas de la science-
                                                   il s’agirait alors de « décrire l’avenir aussi
fiction, mais bien davantage l’expérimen-
                                                   précisément que possible », pour justement
tation. On peut sans doute évoquer ici les
œuvres qui ont contribué à l’émergence de          faire place aux survenants (ibid., p. 48),
l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Poten-            car « si l’écriture se fait bien en compa-
tielle), qui possèdent pour la plupart d’entre     gnie de certains fantômes, il conviendrait
elles cette capacité expérimentale – elles         donc d’ajouter, aux revenants que sont les
qui tiennent le possible pour incertain,           écrivains passés qui nous influencent, une
mais certainement pas hasardeux (Oulipo,           autre catégorie de fantômes, que je pro-
1981, p. 25). Expérimentation qui opère            pose d’appeler des survenants, lesquels sont
par l’énonciation de règles ou contraintes         convoqués par l’écriture et viennent fournir
à suivre, lesquelles constituent une base          à l’écrivain – par ce surgissement que tout
solide pour développer du nouveau.                 à la fois il espère et produit – les images
On notera d’ailleurs ici que c’est au sein         inconscientes bienfaisantes de modèles à
de l’Oulipo qu’émerge la notion de « pla-          imiter ». Par trop souvent, tels survenants
giat par anticipation », redéveloppée par          manquent dans les récits portés par les
Pierre Bayard il y a une dizaine d’années          sciences de gestion.
80   Revue française de gestion – N° 303/2022

Conclusion : Quelles œuvres de                   vée ; la série Game of Thrones qui s’étend
fiction doivent-elles être lues par les          sur plus de 70 épisodes et 8 saisons et
gestionnaires ?                                  nous transporte sur les continents fictifs de
                                                 Westeros et d’Essos. D’autre part, et sans
Comme toute donnée empirique, le matériau        nécessairement illustrer cette visée globale,
fictionnel possède néanmoins des domaines        d’autres œuvres fictionnelles donnent à
de validité et de pertinence. Dans ce cadre,     voir dans toute leur richesse les instants
et alors que nos sociétés contemporaines
                                                 répétés de la vie d’une organisation : dans
sont marquées par un accroissement de la
                                                 le présent dossier, c’est clairement le cas de
production d’œuvres fictionnelles (que ce
                                                 l’article sur Gaston Lagaffe, qui représente
soit sous forme de livres, de films, de séries
                                                 de manière complexe et riche la vie de
télévisées, d’œuvres théâtrales ou musi-
                                                 bureau au fil d’une vingtaine de volumes de
cales, etc.) dans tous les pays du monde, on
                                                 bande dessinée, qui incluent de multiples
peut se demander lesquelles sont les plus
                                                 personnages, eux-mêmes héros d’autres
susceptibles de renouveler les sciences de
                                                 bandes dessinées (Fantasio, Spirou, etc.).
gestion sur le plan théorique, et doivent en
conséquence être l’objet d’attention de la       En s’appuyant sur ces deux critères, un pro-
part à la fois des chercheurs et chercheuses     jet pour de futures recherches pourrait être
en sciences de gestion, et des praticiens        de constituer une forme de « bibliothèque
et praticiennes au sein des organisations.       collective idéale » recensant des fictions
De ce point de vue, deux types de fictions       pouvant être utiles tant aux chercheurs et
semblent a priori présenter un potentiel         chercheuses en sciences de gestion qu’aux
théorique particulièrement intéressant.          praticiennes et praticiens. Les œuvres pour-
D’une part, les œuvres qui développent un        raient alors être cataloguées en fonction de
univers fictionnel riche et donnent à voir       leur utilité potentielle pour les différentes
un monde entier dans sa complexité. Par          disciplines des sciences de gestion (straté-
construction, de telles œuvres incluent en       gie, gestion des ressources humaines, logis-
effet une représentation des organisations       tique, etc.), ou pour la compréhension de
et de l’action collective. On peut ainsi noter   tel ou tel type de secteur d’activité (banque,
que trois des quatre œuvres mobilisées dans      industrie, conseil, etc.), ou encore selon
le présent dossier détiennent ce caractère de    d’autres logiques qui restent à imaginer.
richesse : les sept romans de Michel Houel-      Cette bibliothèque pourrait alors servir de
lebecq, peuplés de multiples personnages et      base dans laquelle les personnes intéressées
qui embrassent des sujets aussi variés que       pourraient puiser : tant pour nourrir des
le clonage, l’art contemporain, la sexualité,    enseignements que pour se former à tel ou
l’industrie du tourisme, le monde aca-           tel sujet.
démique, les sectes, l’amour, la religion,       Fondamentalement, l’intérêt d’un tel projet
etc. ; les deux romans d’Ursula Le Guin          serait de contribuer à légitimer définiti-
qui donnent à voir la vie pour l’un sur une      vement l’usage des œuvres de fiction au
planète non genrée et où tous sont herma-        sein des sciences de gestion. Cela apparaît
phrodites, et pour l’autre sur une planète où    d’autant plus important à nos yeux que
les personnages n’ont pas de propriété pri-      l’usage des fictions existantes comme maté-
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ?   81

riau empirique ne constitue qu’un aspect           tions. Non sans avoir auparavant remercié
parmi d’autres, des croisements possibles          les auteurs et autrices qui ont répondu à
existant entre fiction et sciences de gestion.     notre appel, et bien sûr les évaluatrices et
Comme nous le verrons dans un prochain             évaluateurs que nous avons mobilisés, et
dossier de la Revue française de gestion,          sans qui nous n’aurions pu mener à bien ce
la fiction se présente en elle-même, et de         travail. Nous tenons ainsi à remercier : Auré-
plus en plus souvent, comme une stratégie
                                                   lien Acquier, Nancy Aumais, Rachel Beau-
que les acteurs et actrices des organisations
                                                   jolin, Christelle Camman, Valérie Chanal,
peuvent mettre en œuvre pour parvenir à
                                                   Sophie Claye-Puaux, Pascale Ezan, Natha-
leurs fins, en l’utilisant afin d’explorer ce
                                                   lie Fabbe-Costes, Corinne Gendron, Oli-
que l’avenir leur réserve, afin d’imposer
des innovations ou des pratiques autrement         vier Germain, Eric Hoppenot, Eve Lamen-
difficiles à matérialiser dans les entours de      dour, Hervé Laroche, David Meulemans,
l’organisation.                                    Agathe Novak-Lechevalier, Ewan Oiry,
Mais nous n’en dirons pas plus ici, et vous        Baptiste Rappin, Fanny Reniou, Anne-
donnons rendez-vous dans un prochain               Laure Saives, Katia Schneller, Dilip Subra-
numéro pour évoquer ces différentes ques-          manian et Jean-Baptiste Suquet.

                                      BIBLIOGRAPHIE

Aristote [335 av. J.-C.] (1980). La Poétique. Texte, traduction, notes par Roselyne Dupont-
 Roc et Jean Lallot, Éditions du Seuil, Paris.
Barthes R. (1968). « L’effet de réel », Communications, n° 11, p. 84-89.
Bayard P. (1994). Maupassant, juste avant Freud, Éditions de Minuit, Paris.
Bayard P. (1996). Le hors-sujet. Proust et la digression, Éditions de Minuit, Paris.
Bayard P. (2004). Peut-on appliquer la littérature à la psychanalyse ?, Éditions de Minuit,
 Paris.
Bayard P. (2008). L’Affaire du chien des Baskerville, Éditions de Minuit, Paris.
Bayard P. (2009). Le plagiat par anticipation, Édition de Minuit, Paris.
Bayard P. (2017). L’Énigme Tolstoïevski, Éditions de Minuit, Paris.
David A. (2000). « Logique, épistémologie et méthodologie en sciences de gestion : trois
 hypothèses revisitées », Les nouvelles fondations des sciences de gestion, Vuibert-FNEGE,
 Paris, p. 83-109.
Deleuze G. et Parnet C. (1977). Dialogues, Flammarion, Paris.
Foa J. (2021). Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélemy, La
  Découverte, Paris.
82   Revue française de gestion – N° 303/2022

Gendron C., Pierssens M. (2019). « L’entreprise vue par la science-fiction : d’aujourd’hui à
 demain », Entreprises et Histoire, n° 3, p. 8-13.
Goodman N. (1979). Ways of Worldmaking, Hackett Publishing, New York.
Grimand A. (2009). « Fiction, culture populaire et recherche en gestion », Revue française
 de gestion, vol. 35, n° 194, p. 169-185.
Hugo V. (1937 [1864]). William Shakespeare, in Œuvres Complètes, vol. 35, Éditions de
 l’Imprimerie nationale, Paris.
Laugier S. (2019). Nos vies en séries, Climats, Paris.
Lavocat, F. (2016). Fait et fiction : Pour une frontière, Éditions du Seuil, Paris.
Lyon-Caen J. (2010). L’historien et la littérature, La Découverte, Paris.
Monahan T. et Fisher J. A. (2015). “Strategies for obtaining access to secretive or guarded
 organizations”, Journal of Contemporary Ethnography, vol. 44, n° 6, p. 709-736.
Nussbaum M. (1995). Poetic Justice : The Literary Imagination and Public Life, Beacon
 Press, Boston.
Ost F. (2004). Raconter la loi, Odile Jacob, Paris.
Ost F. (2010). « Mesure pour Mesure de Shakespeare. Les lois sont-elles faites pour être
 appliquées ? », Les Cahiers de la Justice, vol. 4, n° 4, p. 149-177.
Oulipo (1981). Atlas de littérature potentielle, Gallimard, Paris.
Pavel T. (1988). Univers de la fiction, Éditions du Seuil, Paris.
Perec G. (1979). « Entretien avec J-M. le Sidaner », L’Arc, 76.
Piketty T. (2013). Le Capital au XXIe siècle, Éditions du Seuil, Paris.
Russell B. (2009). Fact and Fiction, Routledge, Londres.
Simon H. A. (1991). Sciences des systèmes, sciences de l’artificiel, Dunod, Paris.
Vernant J. P. (1967). « Œdipe sans complexe », repris dans J-P. Vernant et P. Vidal-Naquet
  (1972), Mythe et tragédie en Grèce ancienne, vol. 1, Maspero, Paris.
Weil T. (2000). Invitation à la lecture de James March : réflexions sur les processus de
 décision, d’apprentissage et de changement dans les organisations, Presses des Mines,
 Paris.

Fictions citées

Benioff D. et Weiss D., Game of Thrones (série télévisée, 2011-2019).
Cervantes M., Don Quichotte (1605 et 1615).
Defoe D., Robinson Crusoé (1719).
Doyle C., Sherlock Holmes (1887 sq.).
Franquin A, Série des Gaston Lagaffe (1957 sq.).
Peut-on appliquer les œuvres de fiction aux sciences de gestion ?   83

Houellebecq M., Œuvres (1988).
Kafka F., Le Procès (1925).
Le Guin U., La Main gauche de la nuit (1969).
Le Guin U., Les dépossédés (1974).
Maupassant G., Le Horla (1887).
Scorsese M., The Wolf of Wall-Street (2013).
Shakespeare W., Hamlet (1599 ?-1601 ?).
Shakespeare W., Mesure pour mesure (1603 ?-1604 ?).
Shakespeare W., Le roi Lear (1603 ?-1606 ?).
Sophocle, Œdipe Roi [425 av. J.-C.].
Stead W., How the Mail Steamer went down in Mid Atlantic by a Survivor (1886).
Tolstoï L., Guerre et paix (1865-1869).
Vous pouvez aussi lire