PRIX LYCÉEN 2018-2019 - lycée Françoise

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PRIX LYCÉEN 2018-2019 - lycée Françoise
PRIX LYCÉEN
            2018-2019

dossier pédagogique
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Lexique et
     introduction à
l'analyse d'ouvrage
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LE LANGAGE DE LA BD
Bande dessinée
Suite de dessins qui racontent une même histoire ou présente un même personnage (Déf. Robert) Récit
en images publié en feuilleton de presse ou en albums. (Déf Larousse)

Vignette ou case
Image généralement cerné d’un trait et faisant partie d’une planche. La vignette est l’unité minimale de
la BD et la base de son langage.

Bulle ou phylactère ou ballon
Espace délimité par un trait qui renferme les paroles que prononcent les personnages. Espace réservé au
texte à l’intérieur de la case

Planche
Nom donné à une page BD. Ensemble de vignettes figurant sur la même page.

Planche originale
Feuille sur laquelle a travaillé le dessinateur. Dessin
définitif d’une page de BD à un format presque tou-
jours plus grand que la parution.

Espace intercase ou gouttière
Espace entre les cases

Récitant ou narrateur
Espace encadré accueillant un commentaire sur l’ac-
tion ou l’intervention du narrateur.

Strip ou bande
Bande horizontale composée d’une ou plusieurs vignettes. Le strip peut être autonome ou composé un
étage de la planche. Ensemble de vignettes figurant sur une même ligne horizontale. Une planche clas-
sique est composée de trois ou quatre strips.

Mise en page ou découpage
Organisation des vignettes sur la surface de la planche

Onomatopée
Mot dont le son imite celui de l’objet qu’il représente. Assemblage de lettres imitant un son, un bruit.

Idéogramme
Signe représentant une idée. L’idéogramme peut se présenter sous forme de des-
sins ou de lettres.
Ex : un nuage transpercé par un éclair pour exprimer la colère, un coeur brisé pour
exprimer le chagrin...

Synopsis
Premier récit qui définit brièvement les personnages, le lieu, l’époque et le fil
conducteur de l’histoire

Crayonné
Etat de la planche avant encrage. Le dessinateur exécute d’abord ses dessins au
crayon, puis il les repasse à l’encre de Chine. Brouillon détaillé de la page, bien sou-
vent sur la planche originale.

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Lettrage
Forme de lettres composant le texte placé dans les bulles ou le
récitant. Mise au net manuelle du texte et des onomatopées.

Lettreur
Personnage qui réalise le lettrage, veille à ce que le texte ne couvre
pas l’image et reste visible.

Encrage ou mise à l’encre
Reprise à l’encre de Chine du dessin crayonné.

Encreur
Personne qui cerne les traits à l’encre de Chine le crayonné.

Scénariste
Personne qui imagine l’histoire et fournit au dessinateur le décou-
page ainsi que les dialogues. Le dessinateur peut aussi être son
propre scénariste.

Coloriste
Assisté spécialisé dans la couleur. Attention de plus en plus on voit
apparaît un travail de coloriste réalisé par un studio graphique par
infographie.

Cadrage
Choix d’un angle de vue et du plan définissant la grosseur du sujet
dans la case (gros plan, plan moyen, vue en plongée, contre-plon-
gée…)

Série
Ensemble de bandes dessinées qui ont pour héros le ou les même(s) personnage(s)

Collection
Ensemble de bandes dessinées ou de séries BD réunit sous un même titre de collection et qui présente la
même maquette.

One shot
Histoire se déroulant en un seul album. Pas de suite : le one-shot est l’opposé de la série.

Roman graphique (de l'anglais graphic novel)
Le format BD du roman graphique comprend un grand nombre de pages, souvent plus d'une centaine.
Le terme est employé dans un sens large, englobant les œuvres non romanesques et les histoires courtes
liées par la même thématique, ainsi que des récits de fiction à travers un certain nombre de genres.

Fanzine
Contraction de "fanatic" et "magazine". Journal publié par des amateurs réalisé bénévolement sans véri-
table périodicité et à faible diffusion.

BD franco-belge 48 cc
Dans le jargon de l'édition, 48CC désigne une bande dessinée de tradition franco-belge, de 48 pages, en
format A4, cartonnée et en couleur.

Fumetti
Nom donné à la BD italienne.

Comics
Nom donné à la BD anglo-saxonne mais principalement production américaine (notamment super-hé-
ros).

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Manfra
Contraction de "manga" et "français". BD format
48cc fortement inspiré du graphisme manga mais
aussi BD format mangas réalisée par des dessina-
teurs français.

Manga
Nom donné à la BD japonaise :

Mangaka
Dessinateur japonais

Shonen
Signifie "jeune garçon" et désigne un manga dont le public visé est plutôt masculin. Action, combat, sport
sont les domaines les plus courant.

Shojo
Signifie "jeune fille" et désigne un manga généralement romantique dont le public visé est essentielle-
ment féminin.

Mangwah
Nommé donné à la BD coréenne

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ÉLÉMENTS D'ANALYSE
        1- PRESENTATION D’INTRODUCTION :

LE TITRE
Le titre de la bande dessinée , que nous révèle-t-il ?
Le titre de la série, tomaison de l’album par rapport à la série.
Le nom du personnage principal apparaît-il ?

LES AUTEURS
Présenter les personnes qui participent à l’élaboration de la bande dessinée :
Scénariste, dessinateur, coloriste, encreur, lettreur, adaptateur, auteur adapté…

ÉDITEUR ET COLLECTION
Dépôt légal, 1ère édition ou réédition

FORME DE PUBLICATION
1-One shot
2-Série (gag d’une ou plusieurs planches, strip, histoire entière, histoire à suivre...)
Couverture + page de garde

        2- TEXTE DANS LA BANDE DESSINEE

LE RECITANT
Quelles sont ses caractéristiques ? : Forme, couleur, typographie..
Quel est le temps employé ? (passé, futur, présent, …)

LE DIALOGUE
Le vocabulaire est-il différent suivant les personnages ?
Que nous apprennent les dialogues des héros ou des personnages secondaires ? (caractère, niveau social,
âge, métier,…)
Par quel(s) adjectif(s) caractériseriez-vous le langage utilisé dans cette bande dessinée ?
Précieux, humoristique, dit historique, argotique, pseudo-intellectuel, branché,…

LES ONOMATOPÉES
Quels types de sons représentent-ils ? Quel lien avec le scénario ? Quand apparaissent-ils ?

LA TYPOGRAPHIE
Le texte est-il écrit à la main ou dactylographié ? Est-il lisible ? Quelle est sa couleur, son épaisseur...

        3– LE GRAPHISME

LE DESSIN
Quelle(s) technique(s) est (sont) utilisée(s) dans cette bande dessinée ?
Encre de chine, gouache, crayons pastel, aquarelle, encre, collage, infographie...
Le dessinateur joue-t-il sur les dessins : trait, point...

LA COULEUR
Quelle(s) couleur(s) est (sont) utilisée(s) dans cette bande dessinée ?
Noir et blanc, noir et blanc + effet de gris, une couleur + noir et / ou blanc, deux ou trois couleurs domi-
nantes, quadrichromie avec ou sans nuances ?
La couleur a-t-elle une fonction symbolique dans la BD ?
La représentation des personnages et des objets est-elle plutôt , réaliste, fantastique, stylisée,.. ?

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LES BULLES
Comment sont-elles représentées ? formes, couleurs, typographie,…leur signification ?
Quel espace occupent-elles par rapport à l’illustration ?

LES IDÉOGRAMMES
Sont-ils nombreux ? Que signifient-ils ?

       4- LE RYTHME DANS LA BANDE DESSINEE

LE RYTHME GRAPHIQUE
Quelles techniques cinématographiques le dessinateur utilise-t-il le plus souvent ?
Plan panoramique, plan moyen, plan américain, plan rapproché, gros plan, très gros plan,
vue en plongée, vue en contre plongée, fondu enchaîné, champ-contre champ.

LE RYTHME DU TEMPS
Comment se déroule la succession des vignettes dans une même planche ?
Mise en page conventionnelle, mise en page décorative, mise en page rhétorique.

       5- COHERENCE DU RECIT

COMPRÉHENSION
L’histoire est-elle facile à comprendre ?

Quel genre de récit développe cette BD ? Policier, science-fiction, espionnage, fantastique, humour, satire
intellectuelle, historique, héroïc fantasy, chroniques sociales, historique...
Quelle est son originalité par rapport à des BD de même genre ?

S’il s’agit d'une BD historique?
L’auteur s’est-il documenté ? Y-a-t-il des anachronismes, des invraisemblances ?

LES PERSONNAGES
Les personnages sont-ils nombreux ?
Le héros a-t-il un ou des faire-valoir(s) ?
Les héros sont-ils stéréotypés ?
Dans quel univers évoluent les personnages ? Réaliste, fictif, caricaturé, humoristique, exotique, histo-
rique, fantastique...

REPÈRES TEMPORELS
Le récit est-il situé dans l’espace et le temps ? où, quand, durée du récit.
Les détails sont-ils abondants ? si oui pourquoi ?

SIGNIFICATION
Si des animaux sont mis en scène, y a-t-il anthropomorphisme ? Quel rôle jouent-ils ?
Y a - t- il des manifestations de racisme, sexisme ou des intentions politiques ?
Les héroïnes dans la BD : ont-elles un rôle important ? Quelle image de la femme renvoient-elles ?

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Prix lycéen :
la sélection 2018-2019
AKKINEN             LA PARTITION DE FLINTHAM
  Iwan Lépingle (Sarbacane)             Barbara Baldi (Ici Même)
                        p.15            p.53

                       CHAOS            THE PRIVATE EYE
Stanislas Moussé (Super Loto)           Brian K. Vaughan(Ubran Comics)
                         p.19           p.57

                    CHARLES             SPINNING
  Alessandro Tota (Cornelius)           Tillie Walden (Gallimard)
                        p.23            p.63

 LA COLERE DE POSÉÏDON                  SUNNY SUNNY ANN !
      Anders Nislen (Atrabile)          Miki Yamamoto (Pika)
                         p.27           p.67

               CRÉPUSCULE               LES VISÉS
    Jérémy Perrodeau (2024)             Giacomo Nanni (Cambourakis)
                       p.33             p.71

     DOWN WITH THE KIDS                 VOYAGES EN ÉGYPTE...
 Dav Guedin (Rouquemoute)               Grégory Jarry (FLBLB)
                     p.39               p.77

                    HUMAINS             LES VOYAGES DE TULIPE
Troubs & Baudoin (L'association)        Sophie Guerrive (2024)
                           p.43         p.83

          ON THE FRONTIER               WOLVEN
               Tôru Izu (Kana)          Enzo Smits (Même pas mal)
                          p.49          p.87

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AKKINEN
ZONE TOXIQUE
    Scénario & Dessin         Iwan Lépingle

               Éditeur        Sarbacane

   Date de publication        Février 2018

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L’HISTOIRE

Gaspar et sa fille, Tessie, vont s'installer dans une ville du Grand Nord. Gaspar a un nouvel emploi dans
l'usine de réhabilitation des sols, Géotrupe. En se promenant, Tessie rencontre diverses personnes. Pek-
ko est un écologiste contestataire qui accuse Géotrupe d'empoisonner l'eau. Lorsqu'il disparaît, la ville se
réveille. Gaspar et Tessie se retrouvent au coeur de l'enquête.

   L'AUTEUR

1974 : Naissance à Orléans d'Iwan Lépingle.

1991 : Iwan débute ses études de mathématiques, une matière qui le passionne. Il profitera aussi de
cette période pour faire de longs voyages en Asie (Inde, Chine, Mongolie) et pour participer à un fanzine
de bande dessinée orléanais. Lépingle est en effet un mordu de BD, qu'il s'agisse de classiques indé-
modables (Corto Maltese, le Garage hermétique, l'Incal) ou des créations d'une nouvelle génération
d'auteurs (Dupuy & Berberian, Guibert, David B., Trondheim, Blain...). En littérature sans image, Iwan
apprécie d'autres voyageurs au long cours (Joseph Conrad, Jack London) tout en lisant les grands Russes
(Tolstoï, Dostoïevski) et toutes sortes de polars. Au cinéma, il aime entre autres Kurosawa, John Huston,
Mankiewicz.

1997 : Titulaire d'une maîtrise de maths pures et d'un CAPES, Iwan Lépingle part enseigner au Maroc en
tant que coopérant.

1999 : Iwan Lépingle devient professeur de maths dans un collège de Blois.

2002 : Mais c'est un conteur qui se cache derrière le pédagogue : les Humanos publient dans la collection
Tohu Bohu Kizilkum, premier album marqué par son goût du voyage et des grands espaces.

2007 : Avec Rio Negro, il poursuit dans une veine encore plus sombre son thème de prédilection, le déraci-
nement des hommes vers les grands espaces...en l'occurence, les plaines sans fin de Patagonie.

   AVIS / CRITIQUES

Sarbacane, zone toxique est accrocheur, avec sa superbe couverture. Il attire l’œil avec une scène origi-
nale qui présage de l’étrange. Dénonçant les pollutions cachées des entreprises d’hydrocarbures, cette
histoire, à défaut d’être étrange, s’avère nécessaire. Iwan Lépingle aborde en effet un tabou qui concerne
chaque continent, chaque mer et toutes les entreprises du type « Géotrupe » : la pollution induite, connue
ou non, cachée ou pas. Avec des expertises qui ne sont pas indépendantes, celui qui anime le bassin
d’emploi local prend souvent des largesses avec la nature environnante. Le trait simple et souple offre
de belles scènes d’extérieur pour lesquelles Iwan est le plus à l’aise. L’ocre rouille est la seule couleur qui
accompagne le noir, le blanc et le gris. Elle figure le poison qui circule dans les veines de la région et les
histoires du village. L’intrigue jongle avec les deux, entretenant ainsi le mystère autour de la disparition de
Pekko. Un album sociologiquement impliqué et original. Une fois de plus Sarbacane publie beau et utile,
une chance pour les lecteurs !
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                                                                                              pour planetebd.com

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Sarbacane est un récit imaginé par Iwan Lépingle (Rio Negro, Kizilkum...) qui nous invite à suivre un père
et sa fille qui viennent s'installer dans cette ville du Nordenland. Gaspar, le père, a trouvé un emploi de
chauffeur de camion, dans la société que dirige Elias, son frère.

D'entrée, nous voyons qu'Elias a quelques secrets et dans les discussions entre les deux frères, nous com-
prenons que celui-ci a un passif. Puis, nous suivrons la jeune Tessie dans ses promenades en ville et ses
alentours. Comme elle, nous croisons quelques habitants d'Akkinen et faisont connaissance avec Aslak et
Pekko.

Nous comprenons vite que l'auteur nous parle de ces exploitations de sables bitumineux qui dé-
truisent les forêts boréales, les sols, qui pourrissent les eaux, comme cela arrive à l'ouest du Canada, dans
l'Athabasca, par exemple, Mais il construit son récit comme un polar. Nous avons une société qui dirige
une ville, des policiers qui semblent corrompus, des gens qui se taisent et un activiste qui veut dévoiler la
vérité. Et lorsqu'il disparait, Tessie et son père, tout comme Aslak, vont tenter de le retrouver.

C'est aussi une histoire de frères, une belle relation père/fille. C'est un récit captivant qui nous tient en ha-
leine tout au long de ses 100 pages. Le suspense est bien amené, nous nous prenns d'amitié pour certains
des personnages comme Tessie, Gaspar, Aslak et quelques autres, que nous ne voulons plus quitter.

La partie graphique est excellente. Tout en bichromie, les pages nous donnent de la chaleur, malgré un
récit qui se déroule dans des régions froides et un ciel blanc.

L'artiste nous plonge dans l'ambiance et l'atmosphère particulière de cette intrigue. La découverte de
la maison d'Aslak et de ses sculptures-robots, par Tessie, est un des moments les plus magiques et poé-
tiques de ce livre. Tout comme lorsque nous découvrons les peintures de Tessie.

Les personnages ont quelque chose de magique qui les rend attachants. Ils expriment à la perfection les
émotions, il suffit par moment de simples regards pour bien comprendre leurs sentiments.

Une oeuvre que je vous invite à lire sans hésiter un instant. Une belle aventure humaine qui nous amène à
réflechir sur certains comportements Humains et à nos relations avec la nature. Une oeuvre passionnante
à ne pas rater.
                                                                                                  Berthold
                                                                                       pour sceneario.com

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Arrivés à Akkinen, Gaspar et sa fille doivent s’acclimater à cette région du Grand Nord. Produits toxiques
rejetés dans une rivière, disparition inquiétante et intégration dans une nouvelle ville sont au cœur de cet
excellent thriller écologique d'Iwan Lépingle chez Sarbacane.

Le récit de Iwan Lépingle bascule en effet dans la seconde partie de l’album dans un thriller écologique
haletant, intelligemment mis en image. L’auteur de Kizilkum et Rio Negro (Les Humanoïdes Associés)
imagine une intrigue de premier plan. Si l’adolescence n’est pas une période simple à la vue des relations
parfois tendues entre Gaspar et Tessie, le lecteur découvre que la jeune fille fait de ce moment une quête
personnelle par son amitié avec Aslak. Les deux amis se retrouvent rapidement dans une vaste machina-
tion qui les dépasse.

Le plus délicat étant la position de Elias, patron peu scrupuleux de Géotrupe, utilisant des hommes de
main pour ses bases œuvres et s’asseyant éhontément sur le respect de la nature, tout cela pour faire
prospérer son entreprise. Les relations – déjà distanciées avec Gaspar depuis leur enfance – ne vont pas
s’améliorer lorsque le père de Tessie va découvrir les agissements de son frère.

Malgré les propos sombres du récit, Akkinen bénéficie d’une très belle partie graphique de Iwan Lé-
pingle. Il réalise de belles planches au trait léger et aérien. Il utilise une gamme chromatique presque
évanescente et effacée qui apporte un ton parfois rétro et d’une grande fraicheur (comme le veut le
Grand Nord) à son histoire.

Ses personnages anguleux rappellent les bâtiments dans ses décors mais aussi la dureté des conditions
de vie à Akkinen. Ce polar haletant est une belle surprise, empli de suspense autour de questions envi-
ronnementales.
                                                                                         Damien Canteau
                                                                                         pour comixtrip.fr

  L'ÉDITEUR

Sarbacane est une maison d'édition française spécialisée dans la création d’albums illustrés pour la
jeunesse, de BD jeunesse et adulte, et de romans tournés vers les adolescents et jeunes adultes. Née en
2003, elle est installée dans le 10e arrondissement de Paris. Son catalogue, qui compte plus de 750 titres,
s'adresse à un large public. Ses livres sont diffusés par Flammarion Diffusion et distribués par Union Distri-
bution.
 editions-Sarbacane.com

                                                      18
CHAOS
    Scénario & Dessin         Stanislas Moussé

               Éditeur        Super Loto Editions

            Collection        Banco

   Date de publication        Mai 2018

                         19
L’HISTOIRE

Chaos est le récit d'un peuple paisible qui se voit submergé et détruit, par vagues successives, par leurs
alter-égos maléfiques et géants. Jusqu'à ce que les vecteurs du Chaos en deviennent aussi les victimes...
Dans un monde indéfini et miniature, les peuplades qui le composent, et qui s'y confrontent et s'y af-
frontent selon un schéma manichéen, font résonner la définition originelle du chaos, celle de l'univers
avant l'intervention divine.

Chez Hésiode et les Grecs, le haos est ce qui précède l'origine du monde : il est un prélude à la vie et il
est à l'origine de toute création. Sur le modèle d'un monde instable et dangereux observé en perspective
axonométrique, Chaos nous raconte un épisode de la vie d'un peuple dont nous ne savons rien, ballotté
par des forces qui le dépassent.

Premier livre du savoyard Stanislas Moussé, Chaos est conçu comme une succession de pages muettes,
toutes construites sur le même modèle (vue en contre-plongée, sans changement de perspective). Le
lecteur prend donc, comme maître du jeu qui tourne les pages à son rythme, des allures d'une divinité
omnipotente assistant à ce chaos miniature.

                                                     20
AVIS / CRITIQUES

Attention, voici un ouvrage hors normes ! Dans ce village pacifique, chacun vaquait à ses tâches quand
des êtres géants et belliqueux ont tout rasé.

Seuls deux déracinés survivent au massacre. Ils vont désormais passer leur vie à courir pour échapper à
différents périls, drôles ou inquiétants. Ce qui surprend d’abord dans cet album muet où chaque page
présente une unique illustration, c’est le parti-pris radical de Stanislas Moussé de proposer toujours le
même cadrage, avec un point de vue en forte plongée.

Mais ne vous y trompez pas, il s’agit bien d’une narration graphique car toutes les images s’enchaînent
parfaitement.

L’autre sujet d’étonnement, c’est la maitrise graphique de ce jeune auteur dont c’est le premier album.
Ensuite, il y a l’originalité d’une histoire assez drôle dont on ne peut pas tout dévoiler ici. Enfin, c’est un
livre que l’on peut à lire et relire plusieurs fois, afin de s’assurer que l’on n’a raté aucun détail…
                                                                                                Canal BD Magazine

   L'ÉDITEUR

Super Loto Éditions c'est, au cœur du grand boulier de la vie, d'abord et surtout l'ambition de quelques
amis passionnés de bande dessinée, de graphisme, d'illustration et de belles impressions, à destination
d'autres amies et amis et inconnues et inconnus, tous aussi fauchés les uns que les autres (même si les
non-fauchés sont aussi admis dans le cercle des lecteurs).

Le but de cette maison ? Faire de beaux livres. L'amour de la qualité, ça vous parle ? Parce que si c'est le
cas, sachez que nous, nous aimons tellement la qualité que nous faisons l'amour à chaque ouvrage qui
sort des presses. C'est ça la qualité Super Loto. Les professionnels du livre sont au service de l'artiste : pas
le contraire. On en a tous trop vu des artistes rincés, au bout du rouleau, prêts à faire une connerie, le cœur
fatigué, les traits tirés, les mains comme des pieds de vignes, creusées par le boulot et la fatigue. Tout ça à
cause d'éditeurs arrogants et sans scrupules autant que d'ouvriers de l'impression préférant leurs congés
payés au boulot bien fait ; et par là même entraînant sans le savoir ces même artistes, à bout de nerfs,
dans leur course effrénée vers l'apathie et le marasme collectif.

Bref vers le néant, le rien, ou même pire : vers le communisme.

C'est pourquoi nous avons choisi de réaliser nous-mêmes les ouvrages que nous proposons : chez nous,
l'artiste voit son travail être imprimé avec les techniques qui lui sont le plus adaptées. C'est l'amener aussi
à explorer des nouvelles manières de reproduire son travail, notamment par les techniques d'impres-
sions artisanales (qui coûtent moins cher en électricité). Mais mieux encore : dans un souci évident de
bénéficier d'une main d’œuvre gratuite, l'artiste lui-même est encouragé à participer à la fabrication de
son ouvrage. Ce qui garantit au public d'avoir entre les mains la reproduction la plus fidèle possible de
l'œuvre et de l'idée que s'en faisait son créateur au début du projet, parfois avant même que celui-ci n'ai
eu conscience de ce qu'il était en train de faire.

Grain de maïs sur le carton de Loto : chez SLE, nous gardons à l'esprit que de beaux ouvrages ne doivent
pas qu'être nécessairement accessibles à une élite bruyante des vernissages huppés de la grande ville où
qu'il y a plein de lumières (même la nuit). Le livre doit pouvoir se toucher (bande de ringards d'Internet), à
la ville comme dans les champs, dans les galeries d'art contemporain comme dans les salles polyvalentes.

Il n'est rien de dire que tout ceci fait d'ores et déjà de Super Loto Éditions une maison d'excellence, de
mythes et légendes. Comme si les artistes publiés chez nous étaient des phœnix de jade et d'encens,
qui vous enverraient directement leurs œuvres depuis leur lit de coton et de soie, jusque dans vos mains
remplies d'or, de diamants et d'eurodollars, que vous nous donneriez en échange pour qu’on parte dans
les îles grecques qu'on aurait acheté à un prix extrêmement avantageux.
 www.superlotoeditions.fr

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CHARLES
    Scénario & Dessin         Alessandro Tota

               Éditeur        Cornélius

            Collection        Raoul

   Date de publication        Février 2018

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L’HISTOIRE

À Bari, petite ville balnéaire du sud de l’Italie, un groupe de jeunes punks tue son ennui dans un parc à
coup de Rohypnol et de gin tonic. Au centre de la bande, un curieux personnage semble capter toutes
les attentions. Habillé d’une redingote ornée d’un nœud papillon, son style tranche avec les vestes en
cuir cloutées et les crêtes colorées. Le poète Charles Baudelaire, débarqué tout droit de son 19eme siècle
quelques temps plus tôt — à moins qu’il ne s’agisse d’un duplicata produit sur place — s’est rapidement
intégré à la petite troupe, devenant pour la bande de traine-savates un véritable maître à penser.

Son caractère atrabilaire, ses condamnations misanthropes et ses postures anti-conformistes trouvent
une résonance dans l’esprit enfumé des jeunes clampins, qui se disputent son amitié. Construit comme
une chronique de l’adolescence, jouant des codes de la comédie et du sitcom, Charles cache derrière sa
désinvolture un regard acéré sur le désespoir social qui ravage le sud de l’Italie en produisant des souches
d’individus sans espoir et sans repères. Les sentences du poète désabusé, qui pose sur ce monde en dé-
composition un œil dont le temps n’a pas altéré l’acuité, offre au petit groupe un dérivatif à la désillusion
qui froisse peu à peu ces âmes trop sauvages ou trop candides. Alessandro Tota livre avec cette facétie
douce-amère un aller-retour saisissant entre deux époques; le lecteur convaincu d’être du bon côté du
Temps y trouvera matière à se rappeler que la technologie nous a peut-être fait changer de monde mais
qu’elle n’a pas réussi à faire changer l’Homme.

  L'AUTEUR

Alessandro Tota est né en Italie en 1982 et vit aujourd'hui à Paris. Il est l’un des fondateurs de la revue
Canicola qui remporte le Prix Fanzine/BD Alternative au Festival d’Angoulême en 2007. Il est également
lauréat d’un prix du concours pour jeunes auteurs au festival Fumetto de Luzerne en 2008. Diplômé de
l’Académie des Beaux-Arts de Bologne, il est l’auteur, scénario et dessin, de livres pour enfants (Cateri-
na, publi par Dargaud, est sélectionné pour le Prix Jeunesse au festiva d’Angoulême 2015) et de romans
graphiques, dont le dernier, Palacinche, a été réalisé avec la photographe Caterina Sansone. Son travail a
été publié en France, en Italie, en Finlande et en Allemagne. Il est intervenant en bande dessinée au lycée
technologique Auguste Renoi depuis 2011.

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AVIS / CRITIQUES

Charles Baudelaire n’est pas mort. Malgré les traits            jeunes Italiens privés de repères. Seulement voilà, la
fatigués et les yeux cernés. On le voit déambuler               poésie peut encore tout sauver : le spleen sait être
dans les parcs de Bari, une petite ville du sud de              beau.
l’Italie. À ses côtés, une bande de punks désœuvrés
– Claudio, Giulio, Nicola – portée sur la boisson et            Loin de fouiller la biographie du poète, Alessandro
trompant l’ennui à coups de répliques vides. Rapide-            Tota imagine un caractère vraisemblable à partir
ment, Charles devient le maître à penser du groupe,             d’une œuvre pour mieux pointer une errance mo-
celui que tout le monde s’arrache. Car l’homme                  derne. Et confronter les époques, les textes et le réel.
dénote dans le paysage : affublé d’une redingote                Apparaît alorsune image improbable en apparence,
et d’un noeud pap’, avec ses allures de dandy su-               douce et anachronique, Charles côtoyant des punks
périeur, il devrait être marginalisé. Mais c’est tout le        alcooliques adeptes de drogues et tapant la discute.
contraire qui se produit malgré son caractère iras-             On goûtera ainsi le passage hilarant sur la misogynie
cible et sa nonchalance assumée… Un regard origi-               du poète, lui fou amoureux de Carlotta à Bari, et le
nal, une plume de génie, une âme de visionnaire,                contraste saisissant entre les postures misanthropes
Baudelaire n’a peut-être jamais été aussi moderne.              de l’homme et son besoin obsessionnel des autres.
                                                                Graphiquement, sur un lavis doux et élégant, Tota
L’auteur italien Alessandro Tota (Fratelli, Palacinche,         campe des scènes du quotidien centrées sur les vi-
Terre d’accueil) revient avec une facétie amusante,             sages pour mieux faire jaillir les dialogues. Le dessin
sorte de chronique adolescente pleine de fraîcheur,             répétitif, raccord mais ordinaire, n’est sans doute
doublée d’une réflexion sur le sens de la vie. Avec un          pas l’atout de la BD. On garde en bouche plutôt ce
pitch malin : Baudelaire ou un avatar vintage, qu’im-           qu’elle dégage. Le goût doux-amer des illusions
porte, se trouve propulsé dans une Italie pauvre et             perdues, sans sacrifier la joie qu’elles procurent. Le
sans espoir, sur les bords d’une triste Adriatique. Des         spleen qui rend heureux et l’ivresse partagée. Car « il
punks vont trouver en lui un mentor, une nouvelle               faut vous enivrer sans trêve. De vin, de poésie ou de
source d’inspiration. Car Charles amuse, divertit et            vertu, à votre guise, mais enivrez-vous…
fait penser les autres : lui aussi désabusé, ses pen-                                                             Ellis M.
sées anticonformistes se font l’écho d’un horizon                                                        pour bodoi.info
bouché, sa misanthropie résonne du désespoir de

Un groupe de jeunes traine son mal-être dans les rues d’une cité balnéaire italienne entre ennui et mé-
lancolie. L’apparition d’un nouveau personnage va bousculer leurs habitudes. Mais qui est ce curieux
monsieur au verbe haut et aux réflexions à l’emporte-pièce? Lui même se fait appeler Charles, Charles
Baudelaire, et sa mélancolie est bien plus poétique, voire féroce. L’auteur Alessandro Tota imagine un
choc des cultures entre rêves d’hier et spleen d’aujourd’hui, et montre avec humour que rien n’a vraiment
changé.

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Que diriez vous à Baudelaire si vous le croisiez?

Avec son dessin à l’énergie, Alessandro Tota imagine la rencontre du célèbre poète du XIXe siècle avec
la jeunesse d’aujourd’hui. L’auteur des Fleurs du mal et du Spleen de Paris semble avoir traversé un trou
spatio temporel et son comportement est semblable à sa légende. Vitupérant et vindicatif, il accuse
son siècle de tous les maux et clame son amour de la liberté. Adopté par la jeunesse languide d’une cité
italienne, Charles Baudelaire leur récite ses poèmes et partage son spleen pour les aider à comprendre
les enjeux de l’existence. D’abord surpris et bousculé, le lecteur se fait vite au paradoxe temporel et suit
la rencontre de la jeunesse d’aujourd’hui avec le poète d’hier pour y retrouver toute la morgue du pre-
mier surréaliste, comme l’appelait André Breton. Le lecteur suit avec plaisir les réflexions d’un Baudelaire
tellement excessif qu’il fascine cette jeunesse moderne en mal d’absolu. Dans un monde actuel où la
technologie a remplacé les rêves, le poète offre une échappée belle tentante qui le fait intégrer le groupe
de jeunes pour les guider sur les chemins de la maturité. La narration s’attache avant tout au personnage
bigger than life pour une tranche de vie douce amère qui charme par sa sincérité romantique.

Charles est une bande dessinée iconoclaste qui devrait charmer autant les amoureux du 9e art que les
mordus de poésie.
                                                                                      Stanislas Claude
                                                                                    pour publikart.net

   L'ÉDITEUR

Fondée en 1991, par Jean-Louis Gauthey, rejoint assez vite par Bernard Granger (Blexbolex), les éditions
Cornélius ont commencé par éditer des ouvrages qui, bien que réalisés en sérigraphie, ne cherchaient
pas à se vendre comme objets de luxe - l'utilisation de la sérigraphie était ici motivée par un souci d'auto-
nomie. Après l'album Big Man, de David Mazzucchelli, Cornélius édite ses livres en offset.

Cornélius est proche de L'Association, les deux structures ont un temps partagé leurs locaux et ont beau-
coup d'auteurs en commun. Le fait que les premiers livres de Cornélius soient de la main de piliers de
L'Association tels que Menu et Trondheim brouillera d'ailleurs un temps l'image de marque de Cornélius
qui, selon son fondateur, passe un temps pour être un « satellite un peu bizarre de L'Association ». Corné-
lius est pourtant un éditeur bien différent, ses livres ont une fabrication bien plus soignée et ont chacun
une très forte identité.

En 2014, les éditions Cornélius déménagent de Paris pour s'installer dans l'agglomération bordelaise.
Elles intègrent la Fabrique Pola, un espace de mutualisation où cohabitent de nombreuses structures
et associations culturelles, dont notamment Les Requins Marteaux, une antenne du Fremok et les Édi-
tions L'Arbre vengeur. Ce rapprochement entre les éditions Cornélius et Les Requins Marteaux donne
naissance, en juin 2014, à une revue collective intitulée Franky (et Nicole) lorsqu'elle est publiée chez Les
Requins Marteaux et Nicole (et Franky) lorsqu'elle sort chez les éditions Cornélius.
 www.cornelius.fr

  POUR ALLER PLUS LOIN

Interview d'Alessandro Tota (podcast)
http://www.nova.fr/podcast/nova-book-box/alessandro-tota-le-spleen-de-bari

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LA COLÈRE
DE POSÉIDON
    Scénario & Dessin         Anders Nislen

               Éditeur        Atrabile

   Date de publication        Mars 2018

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L’HISTOIRE

On avait déjà pu entrevoir l’intérêt qu’Anders Nilsen portait aux grands mythes dans certaines de ses
œuvres passées; dans La colère de Poséidon, il s’intéresse tout particulièrement à l’ancien testament et à
la mythologie grecque.

Nilsen offre ici des versions réinterprétées, actualisées et passablement chamboulées des histoires d’Ulys-
se, Prométhée, Noé, Isaac et Lucifer (parmi d’autres), mais en témoin attentif de son époque, c’est bien
du monde d’aujourd’hui qu’il nous parle et de ses nombreux maux. La sobriété des images, qui évoquent
le théâtre d’ombre, vient renforcer le côté « pince sans rire » du texte, et donne le ton d’un livre bien plus
drôle et malicieux qu’il n’y pourrait paraître – et ces histoires, pleines d’humour, de mordant et de dérision,
font se marier comme si de rien questionnement métaphysique et situations absurdes.

   L'AUTEUR
Anders Nilsen, né en 1973 dans le New Hampshire, est un artiste américain, dessinateur et scénariste de
romans graphiques.

Nilsen a grandi à Minneapolis et vit à Chicago. Il travaille depuis plusieurs années sur la série Big Ques-
tions pour laquelle il a reçu le prix de la Xeric Foundation (en) en 2000. Il a reçu un Ignatz Award (en) pour
Dogs and Water en 2005.

Il fait partie du groupe d'écrivains de roman graphique basé à Chicago : The Holy Consumption

   AVIS / CRITIQUES

Et si les dieux survivaient à leur mort ? On a beau ne plus croire en eux, peut-être n'ont-ils pas cessé
d'exister. Partant de ce postulat mi-fantastique, mi-humoristique, le dessinateur américain Anders Nilsen
réinvente les croyances et les mythes, questionnant notre monde dans un étonnant jeu d'ombre et de
lumière.

Voici des personnages bien majestueux. Divins, même, pour beaucoup. Poséidon, Isaac, Prométhée,
Aphrodite, Jésus et d’autres composent une antique galerie modernisée par Anders Nilsen dans cet ou-
vrage édité par Atrabile, La colère de Poséidon. Piochant dans la mythologie grecque et romaine, mais
aussi dans l’Ancien et le Nouveau Testament, l’auteur réécrit et dessine des épisodes connus. Mais il en
invente aussi de nouveaux, pour ramener à la vie ces divinités passées et présentes.

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Avec un humour subtil et un recul philosophique, voire un engagement politique sur certains points, An-
ders Nilsen propose sept chapitres, d’une à quelques dizaines de pages, et un addenda - l’ultime partie
du livre, L’Ange déchu, paru à l’origine dans God and the Devil at War in the Garden, auto-publié par An-
ders Nilsen en 2014 et non inclus à l’édition américaine de l’ouvrage - pour former une nouvelle mytholo-
gie, où un panthéon hétéroclite se fait observateur, et parfois acteur, de notre monde. Le dessinateur mêle
les religions, les constats et les réflexions pour offrir une vision parfois désenchantée, parfois optimiste, de
la destinée humaine.

Avec ces déesses et ces dieux, nous nous questionnons sur nos choix et nos modes de vie, sur l’environ-
nement, sur nos croyances bien sûr. Sans condamner définitivement nos comportements, Anders Nilsen
nous oblige à mettre nos vies en perspective, dans un temps long et au sein de la collectivité. Il n’en
donne pas moins la priorité à la narration, construisant de petites histoires surprenantes, souvent drôles et
ludiques.

Deux procédés, l’un graphique, l’autre narratif, viennent renforcer l’originalité de La colère de Poséidon.
L’ensemble du livre est composé d’une suite de cases carrées, une par page, surmontant un texte l’expli-
quant ou au contraire lui faisant contrepoint. Associé à un noir et blanc très contrasté, évoquant le théâtre
d’ombre ou bien certains livres de Stéphane Blanquet (notamment La Nouvelle aux pis, Cornélius, 2001),
ce choix crée une distanciation singulière, où le lecteur devient également spectateur.

Autre parti pris plutôt rare, cette fois dans l’écriture : l’utilisation récurrente de la deuxième personne du
singulier. Anders Nilsen s’adresse ainsi directement au lecteur, l’impliquant davantage dans ses récits,
mais lui rappelant en même temps qu’il ne s’agit, après tout, que d’un jeu. Fausse "bande dessinée dont
vous êtes la divinité", La colère de Poséidon engage le lecteur, par ce "tu" présent dès la première phrase,
à faire sien le destin fabuleux des dieux, pour mieux lui signifier qu’il n’est rien d’autre qu’un être humain
parmi des milliards.

Anders Nilsen a été plusieurs fois récompensé aux États-Unis - Prix Ignatz de la meilleure histoire en
2005, du meilleur "roman graphique" en 2007 et 2012 - et demeure l’un des fers de lance de la bande
dessinée alternative nord-américaine. Il a été édité en Europe par Actes Sud (Des chiens, de l’eau en 2005),
L'Association (Big Questions en 2012) et Atrabile (Fin en 2015 et La colère de Poséidon en 2018). Ce nou-
veau livre se trouve donc être une excellente porte d’entrée dans une œuvre vaste et variée.
                                                                                              Frédéric Hojlo
                                                                                        pour actuabd.com

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Dans La colère de Poséidon, théâtre d’ombres                   la plus totale. Ici, le dessin n’est qu’aplat, ombres
initialement bricolé pour une soirée lecture, l’Amé-           chinoises et jeu sur les espaces négatifs, disposé
ricain Anders Nilsen confronte des dieux grecs au              avec systématisme dans un carré sous lequel le
monde moderne.                                                 texte se retrouve rejeté, façon Petit Illustré. Avant
                                                               d’être un livre, La colère de Poséidon a d’abord été
Chapitrée par divinité, la BD s’ouvre sur l’aigreur            pensé pour être projeté image par image, comme
du seigneur des océans qui s’est réfugié à la sur-             une série de diapositives, tandis que Nilsen lisait les
face. Depuis le Wisconsin, il commente le cours du             textes au public.
monde en vieille chose devenue dispensable, rumi-
nant l’instant où s’est amorcé son déclin : cet échec          En introduisant chaque chapitre par la même
à punir l’assassin de son fils. Pas tellement qu’il            phrase d’amorce («Imagine, tu es Poséidon/ Pro-
tenait vraiment au Cyclope, mais Ulysse n’aurait ja-           méthée/Athéna»), Nilsen inscrit également son
mais dû retrouver les siens. Pour l’exemple. Depuis,           livre dans un imaginaire du coucher, de l’histoire
les sacrifices ont décliné, les vieux collègues se sont        racontée par un parent pour s’introduire en douce
recasés (Bacchus à Vegas, Eros sur Internet), et les           dans le monde des rêves. Un effet renforcé par la
Humains n’ont d’yeux que pour leur téléphone.                  puissance d’évocation de son théâtre d’ombres,
Suivront la revanche cuisante de Prométhée et les              qui ramène vers un socle commun de l’image, un
dernières heures d’Athéna, le nez dans un bol de               aspect quasi symbolique où le divin n’est pas figé
céréales.                                                      dans une représentation.

Livre accident, bricolé dans une forme primitive               Car derrière l’artifice de la découverte de la
afin de répondre à une invitation à une soirée                 contemporanéité, La colère de Poséidon est une
lecture à laquelle se prête si mal la bande dessinée,          façon détournée d’arracher ces mythes primitifs
La colère de Poséidon tranche visuellement avec                des mains des fondamentalismes pour les laïciser
le reste de l’œuvre d’Anders Nilsen, auteur majeur             et les donner à voir dans le dénuement de simples
pour la BD américaine des années 2000, dont le                 contes moraux.
dessin a le don de rester fragile, qu’il se déploie                                                   Marius Chapuis
dans une économie de traits ou dans la profusion                                                      pour Liberation

Imagine, tu es Poséidon… Imagine, tu t’appelles Isaac… Imagine, tu es Prométhée… Anders Nilsen donne
sa vision très moderne des mythes de la Grèce Antique et de l’Ancien Testament dans La colère de Poséi-
don, un superbe recueil de récits courts aux éditions Atrabile. Une merveille !

Pour débuter chaque chapitre, il les amorce par une expression quasi identique pour que le lecteur
s’identifie fortement à ces déesses et ces dieux ou ces figures de La Bible, afin qu’il puisse se mettre à leur
place. « Imagine, tu es Poséidon… Imagine, tu t’appelles Isaac… Imagine, tu es Prométhée… Tu t’appelles
Athéna… » happe le lecteur dès leur vision. Ses textes interpellent ainsi par une écriture à la deuxième per-
sonne du singulier.

Alors que Poséidon avait régné sur toutes les mers et océans du monde, qu’il avait traqué Ulysse jusqu’aux
confins de la Terre, il passa de mode puisque les Hommes avaient dompté les eaux. De son côté, à son
réveil, Athéna subit les effets secondaires de sa gueule de bois de la veille et ne se souvient de rien. Malgré
son foie dévoré tous les jours par des aigles en haute de sa montagne, Prométhée ne regrette toujours
pas d’avoir apporté le feu aux Hommes

Il nous avait bouleversé avec Fin, son poignant récit sur sa reconstruction après le décès de sa compagne
malade (le plus bel album de l’année 2015), Anders Nilsen est de retour avec La colère de Poséidon, un
album à part dans son parcours artistique. Il imagine ce que pourraient être les Dieux grecs et les person-
nages de l’Ancien Testament aujourd’hui. Comme nous, ils seraient confrontés aux affres et aux dérives de
nos sociétés. Ainsi, l’auteur chicagoan imagine L’Iliade et l’Odysée d’Homère à la sauce 2018 et c’est une
formidable réussite. Des récits drôles, parfois cyniques et mordants.

L’auteur de Des chiens, de l’eau (Actes Sud, 2005) réalise une seule grande illustration par planche avec
un texte dessous, comme dans les feuilletons illustrés du début du 20e siècle. Ses personnages évoluent
comme dans un théâtre d’ombre dans leur récit. Ils sont dessinés à partir de grands aplats noirs qui in-
triguent le lecteur et apportent du mystère.
                                                                                           Damien Canteau
                                                                                            pour Comixtrip.fr

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L’auteur américain Anders Nilsen revisite les péré-            pire des principaux personnages de la mythologie
grinations des héros mythologiques et bibliques à              grecque et de l’Ancien Testament et les imagine
la sauce contemporaine dans ce nouveau roman                   à notre époque, comment vivent-ils les derniers
graphique aux Editions Atrabile. C’est une succes-             retournements de la planète, comment voient-ils
sion de petites histoires inspirées de la mythologie           l’évolution des hommes ? Eux qui ont le don de
et de la Bible. Nous y sommes invités à nous mettre            prendre du recul et qui ne sont pour la plupart pas
à la place de Poséidon qui se sent inutile depuis              Humains, jugent-ils d’un bon oeil la mutation de
que les hommes ont parcouru la mer et découvert                notre société ?
le globe, alors que Bacchus tient une boîte de nuit
et qu'Eros gère Internet… Athéna, elle, souffre d’une          C’est avec causticité, une bonne dose d’auto-déri-
sévère gueule de bois et ne se souvient plus de ce             sion et pas mal de recul qu’Anders Nilsen a écrit
qu’il s’est passé la veille, jusqu’à ce qu’elle trouve         cette odyssée moderne, qui s’attarde davantage sur
une balle logée entre ses omoplates. Prométhée,                le texte que sur l’image. Ici, les illustrations ne sont
qui a apporté le feu ardent à ces drôles de créatures          que des appuis sobres et simplifiés d’une histoire
terrestres que sont les hommes, est toujours en-               contemporaine et drôle. L’auteur, qui appartient
chaîné en haut d’une montagne et se fait dévorer               au mouvement The Holy Consumption, un groupe
le foie par un aigle tous les jours depuis des siècles,        de bédéastes de Chicago, fait montre de tout son
il ne regrette toujours pas son acte.                          talent de mixage dans cette oeuvre à cheval entre
                                                               les mondes et les siècles, et qui n’a pourtant jamais
Le bédéaste américain Anders Nilsen revient chez               l’air d’un grossier medley.
Atrabile après son ouvrage sélectionné à An-                                                                 Flora Eveno
goulême en 2016, Fin. La colère de Poséidon s’ins-                                                           pour rtbf.be

   L'ÉDITEUR

Les éditions Atrabile sont une maison d'édition suisse de bande dessinée fondée en 1997. Son siège est
à Genève. Les éditions ont publié des œuvres de Frederik Peeters, Jason, Alex Baladi, Pierre Wazem ou
encore Ibn Al Rabin. Elle édite également la revue Bile Noire.
 Atrabile.org

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CRÉPUSCULE
    Scénario & Dessin         Jérémy Perrodeau

               Éditeur        2024

   Date de publication        Septembre 2017

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L’HISTOIRE

Paul, Sofia, Karl et Ottö, deux agents Humains accompagnés de deux androïdes, s'aventurent sur une
planète lointaine à la recherche d'une équipe scientifique disparue. Sur les arbres, les plantes, les roches,
des excroissances géométriques défigurent le paysage, symptômes d'une expérience de grande ampleur
ayant mal tourné. Bientôt piégés par une nature hostile, soumis à de violentes tempêtes gravitationnelles
et de mystérieuses distorsions temporelles, nos quatre héros n'auront d'autre choix que d'avancer jusqu'à
l'origine du phénomène. Ils plongent alors dans une odyssée qui les fera braver la Matière, l'Espace et le
Temps... Crépuscule met en scène des êtres Humains seuls et démesurément insignifiants lorsque la
nature sauvage décide de reprendre ses droits. Pure variation de la dialectique : Man vs Wild, l'homme,
en figure d'apprenti-sorcier, joue avec sa technologie et provoque infailliblement une chaîne de réactions
incontrôlables... Jérémy Perrodeau - Kaspard David Friedrich reborn ! - transfigure un écit romantique
de SF en épopée western seventies. Survivalistes, âmes en mal de romantisme ou encore amoureux de
science-fiction, ce livre est fait pour vous !

   L'AUTEUR

Jérémy Perrodeau est né en 1988 et a étudié le graphisme à l’école Estienne. Il en sort donc graphiste, et
commence en parallèle à produire de petits fanzines auto-édités. Inspiré par la thématique du paysage
et des grands espaces, il publie sa première bande dessinée intitulée Isles, la Grande Odyssée, en 2013 aux
éditions FP&CF. Il fait également partie de la fine équipe réunie dans les revues Lagon et Volcan (signant
même, avec Jean-Philippe Bretin, le graphisme de l’ouvrage). On l’a également vu dessiner chez Super
Structure, concevoir des pochettes de disque pour le groupe Clerks, ou collaborer avec la marque pari-
sienne de vêtements Andrea Crews.

   AVIS / CRITIQUES

En mode Lego, c’est à une aventure graphique autant qu’à un récit d’exploration que nous convie Jérémy
Perrodeau, pas loin de la série culte Lost (ou de la BD Biotope de Brüno et Appollo). Les formes géomé-
triques ont envahi un environnement altéré, ouvert aux décalages temporels et autres déformations de la
matière. Pourquoi cette planète dysfonctionne-t-elle ? Quid de l’avenir des scientifiques ? Que cherchent-
ils au juste et où vont-ils? En posant beaucoup de questions sans y répondre, Jérémy Perrodeau ferre
son lecteur autour du dessein étrange de ces personnages en sursis. Mais aussi à cette nature, largement
contemplée, décor qui devient un personnage à part entière : pas vraiment hostile, l’écosystème montre
des protubérances géométriques, symptômes d’un monde régi par des forces supra-humaines. L’auteur,
avec son trait dépouillé, joue sur les formes, les temporalités et les teintes – rouge, jaune et bleu incarnent
différentes époques – pour donner du rythme à cette expédition, variant les points de vue et les intrigues.
Et si le récit ne frustre pas malgré tout, c’est que la quête est plus importante que son horizon, Perrodeau
« géométrisant » le réel pour mieux le réenchanter et insuffler la vie. Une démarche toute romantique. Et
c’est peut-être encore dans le titre que réside la clé d’un récit poétique, à l’étrangeté fascinante. Car l’es-
sentiel n’est pas de savoir où l’on va mais bien de vivre l’expérience.
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                                                                                                 pour bodoi.info

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