Procap - Focus Procap a 90 ans: un engagement sans fin
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Procap
Le magazine
pour personnes
avec handicap
4/20
Focus Politique sociale Procap Voyages
Procap a 90 ans: Le Laboratoire Bonne nouvelle:
un engagement d’idées et le catalogue
sans fin ses enjeux 2021 est là
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Editorial
Editorial Contenu
Une des plus belles choses dans l’écriture Brèves 4
du magazine Procap est de pouvoir ren- Procap Service juridique:
contrer nos membres. Que ce soit pour un l’AI rappelée à l’ordre 16
reportage, une interview ou un portrait: Procap Politique sociale:
nous revenons à la rédaction inspiré·e·s Laboratoire d’idées 21
et reboosté·e·s. Procap Voyages:
Cela fut également le cas pour cette le catalogue de
vacances 2021 est là 34
édition anniversaire consacrée aux 90 ans
de Procap. Des personnes très différentes, Focus
avec des biographies variées, nous ont Procap a 90 ans.
ouvert leur cœur. Elles ont partagé avec Un engagement sans fin 6
nous leurs souvenirs, leurs histoires et leurs Portrait: Marlène et
photos. Elles montrent que chacun·e d’entre Pierre Marguerat 14
nous peut faire une différence ici-bas. Portrait: Ginette Christen 19
Un regard sur les débuts de notre organi- Portrait: Angela Eichenberger 20
sation confirme cette idée. Dès le départ, ce Portrait: Walter Schmid 32
sont des personnes avec ou sans handicap
qui ont investi toute leur énergie pour lutter Parte italiana
pour plus de justice sociale. Grâce à Focus: 90 anni di Procap 24
cet engagement, nos membres vivent
aujourd’hui dans un monde où les obstacles Services
sont moins nombreux. Ces derniers n’ont Jeux 31
pas pour autant disparu et la lutte continue
Carte blanche 35
avec et pour les nouveaux membres. Un
grand merci à toutes et tous.
Sonja Wenger
Responsable de la communication de l’association et des médias
3
Brèves
Les prestations complémentaires (PC)
La fondation «Denk an Les modifications de la réforme PC valables dès
le 1er janvier 2021, avec exemples de calcul
mich», soutien de taille
durant la pandémie Pour personnes avec handicap.
Sans conditions.
La fondation «Denk an mich» soutient Procap
Réforme des
Suisse avec des fonds de la Chaîne du Bonheur.
prestations
Non seulement ce soutien permet à Procap Suisse
de couvrir les frais supplémentaires liés au corona-
complémentaires
virus pour les offres de vacances, mais les personnes Brochure
La réforme des prestations complémen-
avec handicap peuvent aussi soumettre une
taires (PC) entrera en vigueur le
demande au fonds si elles ont subi des frais 1er janvier 2021. C'est la raison pour
supplémentaires en raison de la pandémie entre laquelle Procap Suisse a créé une
le 15 mars et le 31 décembre 2020. brochure d'information détaillée sur
le thème des prestations complémen-
Cela peut être le cas, par exemple, quand les taires. Cette brochure est disponible
soins à domicile ont dû être modifiés ou si la gratuitement en français et en
situation personnelle à domicile ou dans un allemand sur notre site web. Elle peut
également être commandée en version
foyer a changé, ou encore quand les vacances papier au prix de CHF 5.– pour les
individuelles ont eu un coût plus élevé que membres et de CHF 8.– pour les
prévu à cause de la pandémie. non-membres.
Seuls les adultes qui perçoivent une rente AI et des Hotline
prestations complémentaires ou qui dépendent Jusqu’à la fin de l’année 2020, le
service juridique de Procap Suisse
d’autres prestations sociales peuvent prétendre à mettra en place une hotline. Un•e
ces prestations. Les enfants doivent, pour leur part, spécialiste du service juridique de
avoir un diagnostic AI. Les frais supplémentaires Procap sera disponible gratuitement
pour répondre aux questions
liés au coronavirus sont pris en charge jusqu’à un générales sur la réforme des
revenu imposable de 60 000 francs maximum prestations complémentaires au
pour les personnes seules et jusqu’à un revenu numéro 032 322 84 15 du lundi au
jeudi de 9h à 11h. Ce service est
imposable de 100 000 francs maximum pour les
ouvert à tout•e•s.
familles ou couples.
Si vous répondez à ces critères, merci de contacter
votre direction régionale Procap. Celle-ci prendra
note des demandes individuelles et les transférera
à Procap Suisse.
4
Brèves
Entrée en vigueur des mesures
d’aide pour proches aidants Don du sang
Les nouvelles dispositions de la loi fédérale sur Vous êtes en bonne santé, avez
l’amélioration de la conciliation entre activité profes- plus de 18 ans et pesez plus de
sionnelle et prise en charge de proches s’appliqueront 50 kilos? Devenez donneuse ou
donneur de sang! Avec la pandémie
dès 2021. Le procédé se fera en deux étapes. de Covid-19, les stocks de sang
ont fortement diminué, tout
Les mesures suivantes entreront en vigueur le comme les dons de sang. Pour
autant, les besoins des patient•e•s
1er janvier 2021: lors d’interventions chirurgicales
• Adaptation du droit à l’allocation pour impotent et de transplantations ne baissent
et au supplément pour soins intenses pas. Intéressé•e?
Prenez rendez-vous via le site
• Indemnisation pour les absences au travail de www.jedonnemonsang.ch ou au
courte durée pour la prise en charge de membres numéro gratuit 0800 148 148.
de la famille ou conjoint·e·s malades ou accidenté·e·s
• Extension du droit aux bonifications pour tâches
d’assistance de l’AVS
• Adaptation des montants maximaux pris en
compte pour les loyers pour les colocations
Le congé payé de 14 semaines au maximum pour
les parents d’enfants malades ou accidentés
entrera ensuite en vigueur le 1er juillet 2021.
A travers son engagement en politique sociale,
Procap Suisse a notamment obtenu que le versement
Save the
de l’allocation pour impotent (API) et du supplément
pour soins intenses (SSI) ne soit plus interrompu à
Date
partir de la première nuit d’hospitalisation pour les
enfants gravement malades ou accidentés, comme
c’était le cas jusqu’ici. Dorénavant, l’API et le SSI
pourront continuer d’être versés après un mois
L’année prochaine, les
complet tant que l’hôpital reconfirme tous les 30 jours
Journées mouvement et
que la présence régulière des parents ou d’un parent
rencontres de Procap
à l’hôpital demeure nécessaire et atteste de leur
Suisse et l’assemblée des
présence effective. Ainsi, l’enfant ou le jeune délégué•e•s se tiendront les
conserve son droit à l’API et au SSI même après 19 et 20 juin 2021 à Tenero.
l’expiration d’un mois complet. Nous avons hâte de vous
Plus d’informations sur www.procap.ch > Prestations > y accueillir!
Conseil et information > Politique > Proches aidants
5
1
90
6
0ans
90 ans Procap Focus
d’engagement et au moins autant à venir
Procap offre un soutien professionnel à celles et ceux
qui ont besoin de conseils juridiques et en assurances
sociales. Grâce à nos nombreux•ses bénévoles, les
personnes avec handicap peuvent voyager, faire du
sport ou pratiquer des activités de loisirs, tandis que
nos spécialistes en formation et sensibilisation, ainsi
qu’en conseil en construction démontent obstacle
après obstacle. Procap a parcouru un long chemin en
90 ans. Mais la route de l’inclusion est encore longue.
Texte Sonja Wenger
Photos:
Photo 1: Archives sociales suisses / Signature F 5019-Fb-017, 1969
Photo 2: Archives sociales suisses / Signature F 5134-Fa-023, env. 1990
Photo 3: Archives sociales suisses / Signature F 5047-Fb-054, 1951
Photo 4: Archives sociales suisses / Signature F 5110-Fc-071, 1981
Toutes les photos des pages 10 à 13 proviennent des archives de Pierre Marguerat,
Procap Lausanne, et couvrent la période de entre 1963 à 2020. Un grand merci!
7
Focus 90 ans Procap
Un coup d’œil à la situation des personnes avec handicap notamment dans le domaine du langage, point de départ
en 2020 laisse une impression mitigée. S’il est vrai que de toute réflexion. Ainsi parle-t-on aujourd’hui de per-
les organisations pour personnes avec handicap comme sonnes avec handicap ou présentant des besoins spéciaux
Procap ont mené à bien énormément de projets ces plutôt que d’«invalides». L’objectif d’intégration a peu à
dernières décennies, il reste encore beaucoup à faire. peu cédé la place à celui de l’inclusion. Entre-temps, toute
La très nette amélioration des conditions-cadres une génération de personnes concernées est devenue
légales depuis la fondation de l’Association suisse des adulte, et non seulement connaît ses droits mais les fait
invalides il y a 90 ans est à saluer. Sous l’effet de la loi aussi valoir. Enfin, les progrès constants au niveau
sur l’égalité pour les handicapés (LHand), applicable en des moyens auxiliaires techniques ou numériques et de
Suisse depuis 2004, de nombreuses normes relatives la médecine assurent aux personnes avec handicap
à l’accessibilité des bâtiments et des transports publics une autonomie croissante dans leur vie courante et/ou
ou encore des lieux de travail ont été redéfinies ces professionnelle.
dernières années et sont de plus en plus souvent mises
en œuvre, du moins pour les nouveaux bâtiments. De multiples défis
Dix ans après son adoption en 2006, la Convention Malgré ces développements positifs, de nombreux
des Nations Unies relative aux droits des personnes obstacles continuent de se dresser sur le chemin des
handicapées (CDPH) est également entrée en vigueur en personnes vivant avec un handicap. Le principe de
Suisse. En adhérant à la CDPH, la Suisse s’engage à proportionnalité ancré dans la Constitution continue
éliminer les obstacles auxquels sont confrontées les ainsi d’être brandi pour limiter la mise en œuvre des
personnes avec handicap, à les protéger contre les lois, règlements ou normes cités, par exemple concer-
discriminations et à promouvoir leur inclusion et leur nant les constructions sans obstacles.
égalité au sein de la société civile. Il reste par ailleurs rare de voir des personnes
En marge de ces adaptations légales, de nombreux avec handicap à des postes à responsabilités dans les
progrès ont été réalisés au niveau de la sensibilisation et entreprises, le monde politique, culturel ou médiatique.
2
8
90 ans Procap Focus
Photo à gauche: Une
pancarte tenue par les
manifestant·e·s porte
l’inscription: «Conseiller
fédéral Etter – avec nous
pour l’assurance-invalidité.»
3
Photo ci-dessous: Une banderole porte
le slogan: «Devenir infirme, c’est facile;
être infirme, c’est très difficile.»
4
Et quand elles y sont, c’est géné-
ralement à cause ou grâce à leur
handicap. La façon dont la popula-
tion perçoit ces personnes et accepte
leurs besoins est donc souvent
aléatoire: les médias à sensations
parlent-ils d’elles en termes positifs?
Les graves abus au niveau des
expertises médicales, par exemple,
sont-ils perçus comme des injustices?
Ou bien relaie-t-on surtout les fraudes
de l’AI? Dans un cas comme dans
l’autre, la façon de présenter les choses
peut influencer l’issue d’un vote au
Parlement ou dans les urnes. complémentaires (PC): alors même que la nécessité de
Le chemin est encore long cette réforme faisait depuis longtemps l’unanimité, des
avant qu’on cesse d’utiliser le mot voix contraires se sont tout à coup élevées juste avant les
«handicapé» comme synonyme de votes définitifs.
«stupide» ou «maladroit», comme c’est Le fait que la réforme des PC a néanmoins été
encore parfois le cas aujourd’hui. Et adoptée à une nette majorité est encourageant, malgré
quand des décideur•se•s politiques les pilules amères qu’il a fallu avaler. Hélas, l’évolution
affirment que la Suisse ne peut pas se actuelle de la pandémie de coronavirus et les mesures
permettre de renforcer encore ses de protection qui ont été réintroduites tempèrent cet
prestations sociales, cela n’arrange optimisme. Ces mesures signifient des pertes économi-
rien. On l’a vu une fois de plus ques pour bien des personnes et des entreprises. Elles
dans les discussions sur le dévelop- induiront probablement des économies drastiques dans
pement continu de l’AI et en particulier les prochaines années, qui se répercuteront aussi sur les
sur la réforme des prestations personnes avec handicap.
9
Focus 90 ans Procap
Il convient pour l’heure de s’attendre à une hausse du Contrairement à ce que certain•e•s semblent croire, ce
nombre de demandes de rente AI au cours des mois ou n’était pas mieux avant, loin de là.
années à venir, ce qui confrontera les organisations pour Au début du XXe siècle encore, il n’existe aucune
personnes avec handicap comme Procap à de nouveaux forme d’aide publique pour les personnes avec handicap.
défis de taille. Ce n’est qu’en 1918 qu’est créée l’assurance-accidents publi-
que SUVA pour les personnes inaptes à travailler après
La fondation d’une organisation d’entraide un accident de travail. Les personnes avec un handicap
La période est donc tout indiquée pour une rétrospective, de naissance ou en incapacité de travailler en raison
précisément l’année où Procap Suisse célèbre son d’une maladie sont en revanche toujours dépendantes
90e anniversaire. Il est bon parfois de se rappeler de l’aide d’organisations caritatives. L’Assemblée fédérale,
concrètement que se battre en vaut la peine, même face majoritairement bourgeoise, reste sourde à l’appel lancé
à des obstacles sérieux ou en des temps difficiles. par la grève générale de 1918 sur l’introduction d’une
1090 ans Procap Focus
assurance vieillesse et invalidité. Au final, les votant•e•s mouvementés. De nouvelles sections se forment, s’asso-
approuvent la création d’une assurance-vieillesse et cient puis se séparent. Un journal de l’association est créé
survivants (AVS) en 1925; celle d’une assurance-invalidité pour finalement être abandonné trois ans plus tard.
est quant à elle reportée. Ce n’est qu’à partir de 1954 qu’il paraît régulièrement.
Cette décision a aussi des conséquences pour Jusque dans les années 1950, le nombre de membres
Henri Pavid. Né à Yverdon en 1893, il s’installe à Paris stagne autour d’un millier.
pendant ses jeunes années et y fait carrière. Mais en Après la mort d'Henri Pavid en 1949, le comité
1922, il est amputé d’une jambe des suites de la tuberculose. central de l’ASI recherche un avocat «ayant le sens
Henri Pavid perd son emploi et rentre en Suisse, à Olten, du social et des idées humanistes», pour reprendre les
où il s’installe avec sa famille. termes de l’annonce. Manfred Fink prend en charge la
Vivant avec une jambe de bois, sans travail ni rente, protection juridique, qui deviendra le service juridique,
il recherche, pendant les années qui suivent, des personnes et marque fortement l’association de son empreinte
dans la même situation. Il fonde l’association des invali- jusqu’en 1984, d’abord comme conseiller de la Direction,
des d’Olten avec neuf autres personnes le 25 mai 1930. puis comme secrétaire central. Avec lui s’ouvrent une
ère d’essor et, en même temps, une nouvelle culture: on
délaisse les complaintes au profit d’actions confiantes et
offensives.
L’engagement sociopolitique de l’association se
renforce considérablement. L’ASI joue un rôle de plus
en plus important dans la lutte pour l’instauration d’une
assurance-invalidité (AI). En 1951, le comité central
décide de lancer une initiative populaire sur la question.
L’ASI parvient à convaincre le Parti socialiste (PS) et
l’Union syndicale suisse (USS) de se joindre à elle pour la
collecte de signatures. Après le dépôt de l’initiative en
1955, Manfred Fink devient membre de la commission
d’experts chargée par la Confédération de rédiger le projet
de loi. L’AI entre enfin en vigueur le 1er janvier 1960.
Avancées et nouveaux objectifs
Depuis quelques années, l’ASI assied toujours un peu
plus sa position. Les personnes avec handicap fondent
sans cesse de nouvelles sections et un secrétariat
est formé en Suisse romande. Les sections étant des
associations autonomes conformément aux statuts,
l’ASI fonctionne selon une structure fédéraliste, comme
la Suisse.
A partir de 1963, l’Office fédéral des assurances
sociales (OFAS) contribue au financement de l’ASI et de
ses sections par le biais de l’AI. En découlent de nouvelles
Quelques mois plus tard à peine, celle-ci s’allie à d’autres tâches administratives. L’association se fixe comme
groupes similaires de la région pour former l’Association nouvel objectif de revendiquer et promouvoir l’intégration
suisse des invalides (ASI). L’ASI se définit comme une des personnes avec handicap dans le monde du travail et
organisation d’entraide. Henri Pavid en sera le premier dans la société. Pour ce faire, elle fonde notamment un
président central. centre de conseil en «construction adaptée aux personnes
avec handicap» et veille à ce que des logements et
L’AI, un rêve devenu réalité des postes de travail soient créés dans les sections. En
L’objectif de l’ASI est de créer une assurance-invalidité politique sociale, l’ASI s’engage pour des rentes de
en Suisse sur le modèle de plusieurs pays voisins. Les garantie d’existence. Et son engagement porte ses fruits:
premières années, l’ASI se finance en vendant des savons les prestations complémentaires (PC) sont mises en place.
et son Almanach, le «Calendrier suisse des invalides». L’ASI fait bouger beaucoup de choses dans les an-
Les recettes sont reversées au «Fonds Prothèses», qui nées 1960. En 1960, elle fonde une association de groupes
offre un soutien aux personnes touchées sous la forme de sport pour invalides dans l’objectif de créer des offres
de paiements directs. Les débuts de l’association sont sportives directement prises en charge et gérées par des
11Focus 90 ans Procap
personnes concernées. Elle obtient aussi des tarifs
spéciaux auprès des CFF pour le demi-tarif et des accès à
prix réduit aux manifestations sportives et culturelles.
Elle demande aux PTT (ancien nom de la Poste suisse)
d’exempter les personnes avec handicap de la redevance
de radio-télévision, au motif que «pour beaucoup
d'invalides lourds, la radio et la télévision sont le seul
lien avec le monde extérieur». L’ASI essaie par ailleurs
de faire déclarer les rentes AVS et AI franches d’impôts
et demande l’exonération de la taxe d’exemption du
service militaire. Et en 1967, elle va même jusqu’à fonder
sa propre assurance maladie et accidents. Le projet est
toutefois avorté après quelques années pour raisons
financières.
Nouvelles structures et changement de nom
Au milieu des années 1980, l’ASI compte plus de 22 000
membres. Elle connaît pourtant un net recul au niveau
de la collecte fédérale quelques années plus tard. L’asso-
ciation soumet donc ses structures et son offre de pres-
tations à une analyse détaillée et se réorganise.
L’ASI étend constamment ses prestations. Avec la
complexité croissante des demandes AI, le conseil en
assurances sociales et le service juridique se développent.
Le secteur Voyages et sport, les services cantonaux de
conseil en construction et, plus tard, le département
Formation et sensibilisation prennent de l’ampleur.
Une nouvelle refonte s’impose à partir de 2001,
quand l’OFAS, principal bailleur de fonds de l’ASI, conclut
désormais ses contrats de prestations uniquement avec
des organisations faîtières. Dorénavant, les prestations
de conseil et d’assistance payées sont réservées auprès
des sections et régies par des sous-contrats de prestations.
Les sections, de même que les secrétariats centraux
d’Olten et de Bienne se professionnalisent encore un
peu plus.
Presque au même moment, en 2002, l’ASI change Il faudra encore un certain temps avant que cette
d’identité et se rebaptise «Procap». Le mot «invalides» vision ne se matérialise. Et il est très probable que
disparaît enfin du nom de l’association. Dix ans la pandémie de coronavirus freinera de nombreuses
plus tard a lieu une nouvelle restructuration menant à avancées, pas uniquement pour Procap. Comme
l’introduction du modèle régional. Les sections de Suisse du processus stratégique en cours, à travers lequel
alémanique sont regroupées en sept régions dotées l’association cherche à repenser ses structures et
chacune de sa propre direction. Les sections de Suisse prestations actuelles en intégrant les régions et à les
romande restent en revanche gérées de manière centrale définir pour les années à venir. Cette situation confronte
par le secrétariat de Biel/Bienne, auquel la section les organisations d’entraide, largement dépendantes de
Tessin est également rattachée administrativement. l’engagement de bénévoles, à des défis particulièrement
nombreux au niveau du bénévolat, du financement et
Les individus au centre des préoccupations de la collecte de fonds, mais aussi de la numérisation
A l’occasion du 75e anniversaire de Procap en 2005, croissante de la communication.
Walter K. Kälin, alors président central, déclare dans une Pour les relever, il est utile de se rappeler les valeurs
interview donnée au magazine: «Ma vision, c’est de fondamentales de notre organisation, qui appellent
faire tellement avancer l’intégration des personnes avec à toujours placer les individus au centre de nos préoccu-
handicap en Suisse que des associations comme Procap pations. L’être humain doit être en mesure de s’aider
deviennent inutiles.» soi-même. Les personnes avec et sans handicap qui ont
1290 ans Procap Focus
fait don de leur temps et de leur énergie pour cette
cause au cours des 90 dernières années sont aussi
innombrables que les moments de bonheur, d’inspiration
et d’aide concrète auxquels elles ont donné vie.
Ce sont des femmes et des hommes qui ont fait
Procap Suisse. Beaucoup viendront encore ajouter leur
pierre à l’édifice. Ce numéro du magazine donne un
visage à certaines et certains d’entre eux.
Merci
La rédaction remercie les personnes suivantes pour leurs
témoignages et leurs documentations: Helena Bigler,
Martin Boltshauser, Claude Décoppet, Peter Kalt, Remo Petri,
et Sabrina Salupo.
Sources
Les publications parues à l’occasion de 40e et 50e anniversaire
de l’ASI est la Chronique de l’ASI et des sections romandes
1930 – 1997 sont disponibles en PDF sur le site internet.
13Portrait
«Les membres nous
apportent plus que
ce qu’on leur donne»
Texte Ariane Tripet Photos Pierre Marguerat
grâce à un collègue de travail qui
D
epuis 1997, Pierre Margue- n’est autre que le frère de Marlène.
rat, puis Marlène Marguerat Depuis lors, ils ne se quittent plus.
depuis 2007, sont les voix Marlène, ayant le cœur sur la main,
qu’on entend au bout du fil en appe- rejoint l’aventure associative.
lant l’office de contacts de Procap En 1970, le comité lausannois
Lausanne. Mais en réalité, ils sont pousse un cri d’alarme: «La section
membres de Procap Lausanne depuis vieillit!» Daniel Jacot-Guillarmod,
Ils se charrient.
bien plus longtemps. Pierre est membre du comité, motive Pierre
«rentré» dans la section lausannoise
Leur complicité et son ami Georges Wolf à créer un
en 1963 et Marlène est membre est évidente. groupe de jeunes. En avril 1970, le
depuis 1969. Pour certain•e•s, ils groupe Jeunesse ASI Lausanne
sont «l’âme de Procap Lausanne». est officiellement créé. Ce nouveau
Les éloges à l’égard de ce couple groupe grandit rapidement. D’une
engagé sont nombreux et, à leur dizaine de membres en 1970, ils
rencontre, on comprend aisément sont une cinquantaine en 1974.
pourquoi. Ils sont le genre de L’ambiance y est belle, des amitiés
personnes à vous mettre tout de Les débuts du groupe Jeunesse se construisent et des amours y
suite à l’aise. Nous les rencontrons ASI Lausanne naissent. Pierre et Marlène se
à Vidy, dans le centre du GLLI En 1963, Pierre travaille chez Kodak souviennent de cette époque où «il
(Groupe du Lac des loisirs pour et vit dans le même quartier que y avait un mélange de personnes
invalides), où est organisée la Louis Borel, alors président de la avec différents handicaps et des
majorité des activités de Procap section Procap Lausanne, fondée valides». Les photographies témoi-
Lausanne. Le président de la en 1956. Ce dernier, ayant vu que gnent de ce temps et nous replon-
section lausannoise, Georges-André Pierre était handicapé, l’encourage à gent dans l’ambiance des années 70.
Pavillard, est également présent. Il rejoindre l’ASI. Par admiration et On a l’impression de voir des
porte une oreille attentive aux volonté de rendre service à Monsieur images de Woodstock. Cheveux
dires du couple. Pierre parle avec Borel, Pierre décide de s’engager longs, vêtements parfois hippies,
passion de l’histoire de Procap comme membre à l’ASI et propose certains jeunes sont assis par
Lausanne. Marlène lui rappelle les de s’occuper des photographies et des terre, d’autres jouent de la guitare
détails oubliés. Ils se charrient. films. Quelques années plus tard, et tou•te•s ont l’air de vivre les meil-
Leur complicité est évidente. il fait la connaissance de Marlène leures années de leur vie.
14Portrait
Cultiver le vivre-ensemble montrer et de partager plus de Ils organisent également divers loisirs
Les activités ont lieu deux fois par 25 années de souvenirs filmés et qui se font essentiellement en fin de
mois et sont variées: projections photographiés, lors d’une journée qu’il semaine afin de permettre à ceux
de films, rallyes, jeux de société, nommera le «Festival de ‘cannes’». qui travaillent d’y participer. Il y a
pique-niques, week-ends à la cam- deux ans les Marguerat ont émis
pagne. Le groupe, par volonté De l’ASI à Procap Suisse le désir de céder leur place. Ne
de transmettre des connaissances, Ces vingt dernières années, beau- trouvant personne pour prendre la
organise des conférences thémati- coup de changements ont eu lieu. relève dans l’organisation des
ques en invitant des spécialistes, L’ASI est devenue Procap Suisse en loisirs, ils ont alors continué
monte une bibliothèque. Pierre 2002. Les conseils juridiques dans à exercer leurs activités. Cette
propose un atelier photo et un atelier le domaine des assurances sociales absence de relève aurait signifié la
de réalisation de films. L’esprit du ont pris de l’importance. Pour les fin des loisirs à Procap Lausanne,
vivre-ensemble et de l’entraide est Marguerat, l’année 1997 signe un chose qui était impensable pour
très présent. En témoigne l’envie tournant dans leur rôle au sein de Marlène: «Ça a me faisait mal au
du groupe de «créer encore plus l’ASI Lausanne. Bernard Froidevaux, cœur pour les membres qui aiment
d’ambiance et d’apporter quelque membre du comité central, encou- tellement participer à nos activités
chose pour les membres de l’ASI rage Pierre à s’occuper de l’office de et qui ont beaucoup de plaisir à se
d’un certain âge», en organisant des contacts, en plus de l’organisation rencontrer.»
soirées où l’on chante et joue de des loisirs.
la musique, en préparant les fêtes La priorité est de recruter de Appel à la relève
de Noël de l’ASI Lausanne, et en nouveaux membres. De 65 membres Cette situation ne les décourage
animant des journées champêtres. en 1997, l’ASI / Procap Lausanne, en toutefois pas. Marlène continue
Dans les années qui suivent, compte aujourd’hui 970. Les moti- de nourrir l’esprit de solidarité.
Marlène et Pierre se marient et ont vations des personnes à adhérer à Chaque année, elle écrit des cartes
deux filles. Ils ont moins de temps Procap ne sont plus les mêmes d’anniversaire personnalisées aux
à consacrer pour l’organisation, qu’auparavant. Dans le passé on membres. Elle se rend disponible
mais ils continuent de participer devenait membre Procap par soli- par téléphone, connaît le nom
aux activités. Pierre est moniteur darité et on s’engageait à long terme, de tou•te•s. Les activités restent
de gymnastique, prend toujours alors qu’aujourd’hui, dans la plu- centrales, puisqu’elles permettent
des photos et réalise des films part des cas, c’est pour bénéficier des moments de partage. Dernière-
souvenirs sur les activités de la des conseils en assurances sociales, ment, ils ont organisé une journée
section. En 1997 lui vient l’idée de et du service juridique. country, des sorties bowling, des
karaokés, un quiz musical, des lotos,
des après-midi jeux, une journée
bricolages. Les activités réunissent
des membres de différentes géné-
rations. Leurs filles et petites-filles
sont par ailleurs souvent là pour
donner un coup de main. Et bien
sûr, rien ne serait possible sans
le soutien du comité et l’aide des
bénévoles.
Leur rêve pour l’avenir, c’est que
les activités puissent continuer à avoir
lieu. «Il y a tellement de membres qui
sont heureux d’y participer, qui nous
remercient. Vous êtes peut-être
fatigués à la fin d’une journée, mais
vous rentrez débordant de joie,
parce que vous leur avez apporté
du bonheur. Je trouve qu’ils nous
apportent plus qu’on leur donne»,
conclut Marlène.
15Procap Service juridique
L’AI rappelée à
l’ordre – le
traitement devra
être pris en charge Tex te Peter Stau b Photos Markus Schneeberger
16Procap Service juridique
Procap ne lâche rien. Ce n’est de fer en bois sur le canapé avec sa nounou à temps
pas qu’un slogan, c’est un fait. partiel, Sandra Schneeberger. Elle s’en occupe un jour
La ténacité du service juridique et demi par semaine. Le mercredi, c’est généralement
thérapie équestre, et le vendredi, physiothérapie.
dans le dossier d’Aileen Schneider «Puisque Aileen ne peut pas parler et ne nous entend
a payé: l’assurance-invalidité (AI) pas, nous dépendons du langage corporel. Je dois chaque
doit prendre en charge les frais fois deviner ce qu’elle veut exactement», explique Sandra
de l’opération de la jeune fille Schneeberger. «On s’entend bien. Elle me fait confiance
et me donne même la main.»
de onze ans aujourd’hui. Après
une troisième tentative, le Tribunal Des petits progrès seulement
cantonal des assurances a Pendant que les parents racontent leur histoire à la table
de la cuisine ouverte sur le séjour, les deux frères
enfin statué.
cadets d’Aileen Schneider se défoulent à grand bruit.
Werner Schneider les envoie jouer à l’étage. Felicitas
Goss explique qu’Aileen Schneider apprend la langue
D’abord le choc, il y a huit ans, quand Felicitas Goss et des signes à l’école de pédagogie curative. Agée de onze
Werner Schneider découvrent que leur fille Aileen ans aujourd’hui, elle fait des progrès, certes, mais
Schneider est atteinte de leucodystrophie, une maladie modestes: «Deux ou trois nouveaux signes par an,
incurable. L’espoir renaît grâce aux spécialistes de c’est déjà beaucoup», indique sa mère. Elle maîtrise
l’hôpital pédiatrique de Zurich qui proposent un traite- actuellement une demi-douzaine de signes de base avec
ment devant stopper la progression de la maladie. Enfin, lesquels elle peut s’exprimer. Elle se sert aussi d’un iPad
il y a cinq ans, c’est le soulagement: les parents d’Aileen avec symboles pour communiquer.
Schneider apprennent que la greffe de cellules souches a L’exemple du langage montre bien les effets de la
fonctionné. maladie d’Aileen Schneider sur son état général. Elle
Leur joie sera vite gâchée. L’AI du canton d’Argovie s’est développée comme n’importe quel enfant jusqu’à
refuse en effet de prendre en charge les coûts du l’âge de trois ans. «Elle était un peu lente dans son
traitement, au motif que l’efficacité de la greffe de cellu- développement, mais sans plus», explique Werner
les souches choisie n’est pas scientifiquement prouvée. Schneider. Aileen Schneider avait alors un vocabulaire
C’est alors que le service juridique de Procap Suisse – d’environ 400 mots. Ce n’est qu’ensuite qu’ont commencé
dont Aileen Schneider est membre – s’en est mêlé. La à apparaître les signes de la maladie avec laquelle elle est
plus grande organisation d’entraide pour personnes née: une forme rare de leucodystrophie.
avec handicap n’a pas accepté que l’AI se soustraie si «Nous avons remarqué qu’elle régressait. Elle a
facilement à ses responsabilités (le magazine Procap en commencé à perdre l’équilibre, par exemple.» Les médecins
parlait déjà en 2016). de l’Hôpital cantonal de Baden lui ont fait passer une
IRM et ont découvert de petites taches blanches dans
Le Tribunal fédéral appelé à statuer deux fois son cerveau. Il a pourtant fallu près de six mois avant
Procap Suisse voulait créer un précédent: pour les que la clinique ne renvoie la famille vers l’Hôpital
maladies rares, un rapport d’expert•e•s reconnu•e•s devrait pédiatrique de Zurich (Kispi). Là, les choses sont allées
suffire à ce qu’un traitement soit financé par l’AI. Andrea plus vite. Entre-temps, les taches avaient grossi et
Mengis, avocate chez Procap, a donc défendu bec et ongles des anomalies ont été détectées dans son sang. La
les intérêts de la famille Schneider-Goss. A trois reprises, doctoresse responsable a vite compris ce qu’il se passait.
elle a saisi le Tribunal des assurances du canton d’Argovie Le diagnostic exact a finalement été posé après une
et a gagné deux fois devant le Tribunal fédéral jusqu’à analyse génétique. Plus d’un an s’était écoulé depuis la
ce que, fin septembre, l’AI admette sa responsabilité première visite à l’hôpital.
et confirme la prise en charge des coûts à hauteur Un énorme casse-tête s’est alors posé: que faire? Il
d’environ 400 000 francs. Bilan de l’avocate: «D’autres n’existait aucun traitement reconnu pour cette maladie
auraient peut-être jeté l’éponge. Mais pour Procap rare. Comme il est d’usage en pareille situation, les spé-
Suisse, c’est justement dans les affaires difficiles qu’il cialistes du Kispi ont consulté des expert•e•s de renom
importe d’obtenir une décision de principe.» international et ont conclu qu’une greffe de cellules souches
Le magazine Procap a rendu visite à la famille était la seule chance. «Pour nous, c’était clair. Il n’y avait
Schneider Goss peu la décision finale. Dans le salon pas d’autre solution. Ou nous prenions le risque, ou
baigné de lumière, Aileen Schneider joue aux chemins Aileen mourait», explique Werner Schneider.
17Procap Service juridique
Une profonde inquiétude nourriture: elle n’aime ni les légumes ni la salade. Ce
Il a encore fallu plusieurs mois avant de trouver une qu’elle préfère, ce sont les pâtes et les pizzas. «Comme
donneuse de moelle osseuse dans la base de données d’autres enfants», ajoute sa mère.
mondiale. Il ne pouvait pas s’agir des parents, tous deux «Andrea Mengis est exceptionnelle», affirme
porteurs d’un composant de l’anomalie génétique res- Werner Schneider quand on l’interroge sur le service
ponsable de la leucodystrophie. Ils ne savent pas qui est juridique de Procap. Un qualificatif qui vaut tant pour
la donneuse. «La loi l’interdit», explique Werner Schnei- sa compréhension du métier que pour sa façon de
der. S’ils ont pu lui écrire indirectement une lettre pour travailler et ses compétences de gestion. «Elle a tou-
la remercier, ils n’étaient pas autorisés à y inclure de jours fait ce qu’il fallait et donné les bons conseils»,
données personnelles. «C’est dommage», confie Felicitas ajoute-t-il à ses louanges envers la responsable adjointe
Goss. «Nous savons seulement que c’est une donneuse du service juridique. Elle a toujours réagi immédiate-
allemande qui a elle-même sans doute des enfants.» ment, même en dehors de ses heures de travail. Tous
Aileen Schneider avait quatre ans et demi quand la les contacts ont eu lieu par téléphone ou par e-mail.
chimiothérapie préparatoire qui a détruit son système Felicitas Goss et Werner Schneider souhaitent mainte-
immunitaire déficient a commencé. La chambre stérile nant rencontrer Andrea Mengis pour la première fois
dans laquelle elle a dû séjourner faisait deux mètres sur et trinquer ensemble à la victoire obtenue.
deux. Lors des visites, ses parents devaient porter non
seulement un masque, mais aussi des vêtements stériles.
«On jouait aux Lego. C’était à peu près la seule chose
qu’on pouvait faire», se rappelle sa mère. Les parents,
tous deux actifs, ont divisé leur temps de travail de sorte Questions de principe
que l’un puisse être auprès d’elle de 10h à 14h et l’autre
Contrairement à ce qu’il en est pour ses membres
de 14h à 22h. Cela a duré six semaines. «Par chance,
adultes, Procap accepte aussi des mandats longue
Aileen n’a jamais eu d’infection», précise son père.
durée pour les enfants avec handicap. Le service
Même si ces semaines ont été très éprouvantes, le
juridique de Procap Suisse s’est fixé pour priorité
stress précédant la chimiothérapie et l’opération étaient
d’obtenir des décisions de principe devant les tribunaux
encore plus intenses, ajoute-t-il: «Avant de savoir de
sur les questions particulièrement controversées.
quelle maladie Aileen souffrait, nous vivions dans une Le cas d’Aileen Schneider soulève deux enjeux clés.
profonde inquiétude. Et quand nous avons obtenu Qui paie les traitements pour les maladies rares
le diagnostic et appris que personne n’avait encore ne reposant pas sur des études scientifiques? Et
survécu à cette maladie, ça a été un fardeau immense.» peuvent-ils être refusés si les résultats des recherches
sont encore rares?
«Les limites restent» La voie judiciaire était le dernier recours pour y
Les parents se sont retrouvés face à une lourde répondre. L’assurance-invalidité refusait en effet de
tâche: celle de décider si la greffe en «valait la peine». La financer la greffe de cellules souches recommandée
maladie continuant d’évoluer, ils ne savaient pas s’ils par les expert·e·s. Aileen Schneider étant membre
pourraient l’arrêter suffisamment tôt pour assurer une Procap, le service juridique a assuré gratuitement
certaine qualité de vie à Aileen Schneider. «Avec le sa représentation en justice.
recul, nous sommes très contents. Aileen a bien récupéré. En plus de clarifier des questions fondamentales comme
Elle peut manger, jouer, elle passe celles-là et d’offrir un conseil juridique individuel sur les
LE DROIT À LA SANTÉ assurances sociales, Procap Suisse s’engage aussi au
de bons moments», raconte
PAGE 6 Adopter une vision globale PAGINE 16 – 18 Parte italiana
Felicitas Goss. Nul ne peut dire niveau politique pour les droits des personnes avec
Photo : Maya Kovats
comment sa santé va évoluer. handicap. Le conseil juridique couvre tant le simple
Son état est stable. «Mais on ne conseil oral que la rédaction d’oppositions et, au
peut rien dire sur son espérance besoin, l’introduction de requêtes devant le Tribunal
de vie.» fédéral. Le département Politique sociale œuvre quant
à lui en coulisses, notamment dans la Salle des pas
La qualité de vie d’Aileen
perdus du Palais fédéral, pour sensibiliser les élu·e·s
Schneider, ce sont notamment
politiques à la cause des personnes avec handicap et
z inees les vacances habituelles en famille,
g a onn les convaincre des bonnes solutions lors de l’adoption
maur perasndicap
po ec h en caravane. Aileen Schneider
av 016
1/2
de lois et ordonnances.
la connaît depuis qu’elle a un
an. Elle y a son propre lit et s’y
amuse beaucoup. Elle est plus
PAGE 12 Aileen Schneider
« Une nouvelle chance »
difficile que ses frères avec la
18Portrait
«Je rêve que Procap
soit plus connue»
Texte et photo Ariane Tripet
C
’est un beau jour de septem- monde.» Leur motivation principale
bre dans un quartier indus- est de se retrouver et de s’entraider.
triel de La Chaux-de-Fonds. Ils organisent des activités à l’exté-
Ginette Christen, cofondatrice de rieur, des torrées, des fêtes de Noël,
Procap La Chaux-de-Fonds en 1948 créent des «revues» avec l’aide d’un
et membre actif jusqu’à ce jour, nous metteur en scène. Dès 1958, ils
accueille chez elle. En entrant, on proposent des activités sportives.
est tout de suite charmé par Ginette Christen devient monitri-
son sourire et sa douceur. Petite et à ce de gymnastique en 1969, puis de
l’apparence fragile, son regard vif natation et d’aquagym – elle donne
laisse deviner une grande force. d’ailleurs encore des cours. Assez
Ginette Christen
Elle nous fait visiter son appar- vite, elle y fait la connaissance de
tement. Des photographies de famille
s’engage depuis 1948 son futur mari, qui est également
sont soigneusement posées sur une pour les personnes en très impliqué.
commode. Sur une étagère trônent situation de handicap. Lorsque la section acquiert un
quelques trophées de judo et immeuble où est créé un centre de
de pétanque à l’effigie de l’ASI loisirs dans l’optique d’organiser des
(Association suisse des invalides, l’hôpital de Lausanne pour y faire de projections de films, des jeux, des
qui est le nom d’origine de Procap), la physiothérapie. «Il y avait d’autres ateliers de tricot, le couple s’engage
de Procap Suisse et du GLLI personnes du Locle et de La Chaux- dans l’animation. Pendant plus de
(Groupe du Lac et des loisirs pour de-Fonds. Un jour, on a dit "et si on 20 ans, il assure ce rôle tous les
invalides). Il y a même une coupe retrouvait pour boire un thé?"» samedis après-midi, parfois accom-
datant de 1973 honorant son enga- Le thé se transforme rapidement pagné de sa fille et d’autres fois de
gement pour l’ASI La Chaux-de- en une aventure humaine, puisqu’ils Daisy Froidevaux, meilleure amie
Fonds avec l’inscription «A Ginette décident de créer une association de Ginette Christen.
Christen, Membre fondateur». locale tout en cherchant une asso- Aujourd’hui, devant les albums
C’est que Ginette Christen, ciation nationale à laquelle s’affilier. et les photos de groupe, il reste à
86 ans, est l’une des figures de proue Ils rejoignent ainsi l’ASI. Ginette Christen les beaux souvenirs
de l’ASI La Chaux-de-Fonds. Autour Dans l’équipe, il y a d’ailleurs et une pointe de nostalgie en cons-
des albums photos posés sur la table Bluette Filippini et Bernard Froi- tatant qu’elle est «la seule à être
de la cuisine, elle raconte les débuts devaux, deux personnages emblé- encore là». Pour l’avenir, elle a un
de la section chaux-de-fonnière en matiques de Procap Suisse, ainsi souhait: «Je rêve que Procap soit
1948. Elle n’avait alors que 14 ans. que Ginette Christen et sa sœur plus connue et que plus de jeunes
Souffrant de scoliose, elle devait qui forment un duo chaleureux et s’engagent pour les autres.»
se rendre trois mois par année à accueillant: «On englobait tout le
19Portrait
«Bosser comme
bénévole, ce n’est
que du plaisir»
Texte Corinne Schüpbach Photo Procap Voyages
D
ès le premier contact, par un Une ambiance qui n’est pas sans
sourire et un naturel dyna- lien avec l’encadrement sécurisant
mique et posé, Angela des bénévoles au sein de Procap
Eichenberger vous met à l’aise. Voyages et Sport. L’expérience des
Coronavirus oblige, l’interview de la plus anciens sert aux nouveaux
bénévole de 25 ans s’est déroulé bénévoles et les compétences de
par écran interposé. Un échange chacun•e se complètent à merveille.
virtuel qui n’a en rien diminué le «Je me suis tout de suite sentie en
charisme et la bonne humeur que sécurité. C’était mon premier camp
les participant•e•s aux camps de à Nidau et je savais qu’à tout moment
Procap Voyages et Sport ont évoqué que je pouvais demander de l’aide
à propos de la jeune Fribourgeoise. à la personne responsable ou à
«L’équipe des bénévoles
L’engagement bénévole de cette d’autres bénévoles. Et même si on
éducatrice spécialisée fraîchement di-
était juste incroyable. Et est bénévole et qu’on bosse toute la
plômée est tout récent (2020) et n’était les participants étaient journée, ce n’est que du plaisir.
pas une évidence. Il y a encore quel- tous tellement motivés!» J’ai sans aucun doute eu autant de
ques années, le handicap mental lui plaisir que les participant•e•s.»
était inconnu et la mettait mal à l’aise. Du côté des participant•e•s,
La crainte de ne pas réussir à interagir l’émotion la veille de la fin des camps
avec les personnes concernées la témoigne de l’intensité de la relation
troublait. Pour autant, elle choisit de recherche des accompagnant•e•s qui se tisse entre les bénévoles et
sortir de sa zone de confort et de tor- pour ses offres de vacances avec les participant•e•s. Les retours sont
dre le cou à ses a priori en décrochant assistance. Elle n’hésite pas. «Je suis extrêmement positifs. Quelques mois
un stage à La Rosière, un foyer fribour- devenue bénévole pour rencontrer après ce séjour, Angela Eichenberger
geois pour personnes en situation de des gens, développer mes compé- reçoit encore des cartes de remercie-
handicap mental. Des rencontres qui tences et partager des moments de ments par les vacanciers·ères qu’elle
ont balayé tous les préjugés d’Angela. bonheur avec les participantes et les a accompagné·e·s. «Le premier camp
Ses craintes disparaissent et laissent participants», confie Angela. m’a donné envie d’en faire un second.
place à des échanges riches en émo- Cerise sur le gâteau, le premier Et le deuxième m’a encore donné
tion, à des relations profondes et à séjour disponible à Nidau concerne envie d’aller plus loin.» Un premier
une nouvelle certitude: c’est avec et des groupes actifs. Elle qui a toujours pas dans cette direction a déjà été
pour ces personnes qu’elle souhaite besoin de bouger et de se dépenser se franchi: les responsables de Procap
dorénavant s’engager. sent déjà dans son élément. «L’équipe Voyages et Sport lui ont déjà proposé
Forte de cette expérience, une des bénévoles était juste incroyable. de devenir responsable de camp. Une
annonce de Procap Voyages et Sport Et les participants étaient tous telle- offre qu’Angela va tenter de concilier
retient son attention. L’association ment motivés!» au mieux avec son nouvel emploi.
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