Qu'arrive-t-il aux clients qui ne remboursent pas? - The Smart ...
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Qu’arrive-t-il aux clients qui ne remboursent pas? Une étude exploratoire des pratiques de microfinance Novembre 2014 Auteur principal Jami Solli Les clients d'abord Contributeurs en microfinance Laura Galindo, Alex Rizzi, Elisabeth Rhyne, and Nadia van de Walle
Table des matières Remerciements ................................................................................................................................... 3 Acronymes ...................................................................................................................................... 4 Préface ................................................................................................................................................ 5 Introduction ........................................................................................................................................ 8 Quelles sont les responsabilités des IMF ? ..................................................................................... 9 1. Méthodes de recherche ................................................................................................................ 10 2. Questions analysées et plan des études de cas pays .................................................................... 12 Sélection des pays et comparaisons ............................................................................................. 13 Pérou ......................................................................................................................................... 14 Inde ........................................................................................................................................... 24 Ouganda .................................................................................................................................... 32 3. Conclusions transversales & recommandations ........................................................................... 40 L’infrastructure de marché influence le comportement des fournisseurs de services financiers 40 Conclusions : quelques points de débat ....................................................................................... 41 Les problèmes liés aux contrats de prêts .................................................................................. 42 Plus de flexibilité pour les clients en détresse .......................................................................... 42 Des saisies de garanties inappropriées ..................................................................................... 43 Le recours aux agents externes de recouvrement .................................................................... 44 4. Recommandations pour des actions communes .......................................................................... 46 Annexe 1 : Synthèse des réponses à l’enquête en ligne sur la gestion des impayés .................... 49 Annexe 2. Questions aux institutions financières ........................................................................ 51 Annexe 3 : Exemples d’expériences de médiation en cas de défaut de paiement ....................... 56 2
Remerciements Nous remercions sincèrement les 44 institutions de microfinance situées au Pérou, en Inde et en Ouganda, qui ont échangé avec nous, mais que nous ne pouvons citer spécifiquement. Voici la liste de ceux qui ont participé à l’étude, en dehors des IMF, et des experts pays qui ont partagé avec nous leurs connaissances et leur expertise en relecture des premières versions de ce rapport. Equipe d’Accion en Inde Radhika Agashe Deepak Alok Association of Microfinance Institutions of Uganda (AMFIU) Shweta Banerjee Isabelle Barres, Smart Campaign CONSENT, Ouganda Consumer Protection Advocacy Association, Ouganda Crisologo Caseres, ASPEC Direccion General de Endeudamiento y Tesoro Publico Instituto Nacional de Defensa de la Competencia y de la Proteccion de la Propiedad Intelectual Frances Sinha, EDA Rural Systems Equifax, Inde et Pérou Experian, Inde et Pérou Malcolm Harper High Mark Inde Valerie Kindt, Accion Ministerio de Desarroyo e Inclusion Social (Pérou) Alok Misra, M-‐CRIL MoneyLife Foundation, Mumbai NABARD Girish Nair, IFC Lisa Nestor Gerardo Porras, Président, Camera di Commercio, Huancayo SBS Sentinel Pérou Sara Sotelo Girija Srinivasan N. Srinivasan Leah Wardle Flavian Zeija, université de Makerere Membres du Groupe de travail « Paroles de clients » : Jessica Schicks, Rafe Mazer, Alex Fiorello, Andrea Stiles, Christopher Linder, Elisabeth Rhyne, JD Bergeron, Jesila Ledesma, Jami Solli 3
Acronymes AMFIU Association of Microfinance Institutions of Uganda ASPEC Asociacion Peruana de Consumidores y Usuarios BOU Bank of Uganda MFIN Microfinance Institutions Network NABARD National Bank for Agriculture and Rural Development PAR Portefeuille à Risque RBI Reserve Bank India SFNB Société Financière Non Bancaire SHG Self-‐Help Group SBS Superintendencia de Banca, Seguos y AFP 4
Préface A la Smart Campaign, campagne internationale visant à intégrer les Principes de protection des clients en microfinance, nous reconnaissons qu’il y a un besoin d’échanger, au niveau de l’ensemble du secteur, sur la question du sort réservé aux clients qui ne remboursent pas. Pour alimenter cette discussion, nous avons examiné comment les impayés sont pris en compte dans trois pays très différents mais, nous l’espérons, représentatifs – le Pérou, l’Inde et l’Ouganda. La question des impayés est problématique, parce qu’elle oppose la nécessité du prêteur de survivre en tant qu’institution, aux circonstances difficiles que rencontre le client défaillant. En tant que prêteur de microfinance, vous estimeriez qu’un client qui cesse de rembourser est : • Une menace potentielle pour la santé financière de l’institution ? • Quelqu’un à sanctionner pour faire un exemple, afin que les autres clients sachent que vous prenez cela au sérieux ? • Quelqu’un qui profite des bons emprunteurs qui, eux, remboursent à temps ? • Quelqu’un capable d’avancer plusieurs excuses, dont toutes ne sont pas crédibles ? • Ou encore, un cas à transmettre à une agence de recouvrement pour ne plus jamais s’en préoccuper ? Voilà le type de phrases par lesquelles les prêteurs définissent souvent les clients défaillants, auprès de qui ils envoient des agents de recouvrement chargés de faire leur possible pour récupérer l’argent. Les prêteurs dotés d’une conscience jugent cet aspect de leur activité dérangeante, mais inévitable. Plus d’un prêteur ayant débuté son activité avec une attitude compréhensive a réalisé bien vite que des stratégies flexibles ou « douces » conduisent à une hausse du risque. La perte d’un seul prêt est une menace faible, mais de nombreux impayés peuvent mener à la faillite. Si un prêteur a la réputation d’être conciliant, des impayés massifs peuvent s’étendre à l’ensemble du marché. Nous avons tous déjà constaté cela. Le point de vue du client défaillant peut être totalement différent. La plupart des clients en impayés graves connaissent une détresse financière, et sont souvent au beau milieu d’une crise dans leur vie. Un enfant, un parent, un conjoint malade imposent des soins médicaux coûteux. La récolte complète d’un autre emprunteur a été perdue après une sécheresse. Une cliente âgée s’est fait dérober tout son bien, au terme d’un voyage en bus de deux heures jusqu’au marché. Les clients en impayés sont probablement déjà très angoissés, parce que leur vie ne va pas comme ils l’entendaient. La conséquence du non-‐remboursement ne sera peut-‐être que l’un de leurs principaux soucis. Jessica Schicks a interviewé des clients au Ghana, qui ont expliqué qu’il leur fallait souvent faire des sacrifices considérés par eux comme « inacceptables » afin de pouvoir rembourser leurs prêts1. Ils sautent des repas, vendent des biens ou retirent leurs enfants de l’école, pour économiser sur les frais de scolarité. On se résout à de tels sacrifices lorsque l’on est en impayés, et il est possible de supposer que la plupart des mauvais payeurs ont déjà appliqué 1 Jessica Schicks, Overindedtedness of Microborrowers in Ghana (Washington DC : Center for Financial Inclusion, 5
des solutions de ce type. Alors qu’ils luttent pour rester à jour de leurs dettes, par exemple en prenant un autre prêt, le piège se referme encore davantage sur eux. Des gens ordinaires pris dans des situations difficiles ne sont pas des menteurs ou fraudeurs – du moins, pas avant que la crise ne les pousse à des décisions désespérées. Des clients comme ceux-‐là ont besoin d’aide et de compassion. Nous avions toutes ces questions en tête lorsque nos équipes de recherche sont parties au Pérou, en Inde et en Ouganda pour échanger avec les dirigeants et le personnel des institutions de microfinance. Le constat que nous avons fait est vraiment saisissant, et rétrospectivement pouvait être attendu : la qualité du traitement des clients au cours du recouvrement dépend dans une certaine mesure des bonnes pratiques de chaque institution financière, mais dépend plus encore de l’environnement local. Des méthodes de recouvrement humaines peuvent être en place dans un pays disposant de trois atouts : de bonnes autorités de régulation, un bureau de crédit qui fonctionne bien, et une culture qui encourage le respect des dettes contractées. Si ces éléments sont faibles, ou si l’un d’eux manque, alors les prêteurs sont poussés à des pratiques brutales par les exigences du marché (notamment la nécessité de ne pas être le dernier à venir recouvrer la dette). Le contexte du recouvrement commence alors à ressembler à une jungle sans pitié. Ce que nous avons découvert en Ouganda est digne d’un monde à la Hobbes. Les emprunteurs qui ne peuvent rembourser s’enfuient dans une ville voisine ou changent de nom. Ils y parviennent, car il n’existe pas de pièce d’identité officielle ou de bureau de crédit permettant aux prêteurs de les retrouver. Parce qu’ils craignent la fuite des clients, les prêteurs sautent sur eux au premier paiement en retard – ou même le jour de l’échéance. Beaucoup contournent les procédures juridiques régulières. L’application de ces dernières est en effet peu probable – peut-‐être le magistrat a-‐t-‐il été payé – et les prêteurs se précipitent donc pour saisir les garanties. Ils vendent le mobilier des maisons au bord des routes, ou le stockent dans des entrepôts pleins à craquer. Les mauvais payeurs ont souvent plusieurs créditeurs, et les prêteurs savent que s’ils n’agissent pas rapidement, un concurrent sera peut-‐être arrivé le premier. Craignant les tactiques d’intimidation, les emprunteurs fuient dès qu’ils réalisent qu’ils ne peuvent rembourser, et c’est la spirale infernale. Aucune mesure de protection du client effective n’est là pour la stopper. De fait, la constitution du pays et la législation à l’appui d’un recouvrement rapide des dettes aggravent l’atmosphère de peur. En Ouganda, un emprunteur défaillant peut aller en prison – et nous avons réalisé que cette situation n’est pas rare. L’Inde est un exemple moins désastreux, mais un traitement très dur des clients peut y être appliqué aussi, avec souvent un recours à l’humiliation sociale. La plupart des microprêteurs en Inde offrent des prêts de groupes dans des villages ruraux. Des réunions sont organisées chaque semaine avec l’agent de crédit, où les membres du groupe sont assis pour assister au comptage de l’argent, tandis que les enfants entrent et sortent, et que les voisins rôdent dans les couloirs pour écouter. Les dettes impayées sont de notoriété publique. Qui plus est, les prêteurs comptent sur les groupes pour faire respecter le remboursement au cours des premières semaines de retard de paiement. Comme le groupe, voire le village toute entier, risque de ne plus accéder aux prêts par la faute d’un seul mauvais payeur, il n’est pas difficile d’imaginer la dure pression de groupe qui s’exerce sur ses membres. L’humiliation sociale peut être intense, et d’après des entretiens avec des clients dans d’autres contextes, perdre la face peut parfois affecter un individu pendant des années. 6
Au Pérou, la situation est considérablement meilleure. Le Pérou dispose de superviseurs compétents, dotés de pouvoirs de mise en œuvre et de règles sensées. Les prêteurs ne peuvent plus faire publiquement connaître les débiteurs en peignant des marques ou des mots en rouge sur les murs des maisons, comme ils le faisaient avant. Le recouvrement est une procédure privée, qui débute souvent par un simple rappel par téléphone ou texto. Le bureau de crédit du Pérou dispose de registres complets et à jour. Les emprunteurs savent que les prêteurs verront un impayé dans leur historique de crédit, et ils ont le souci de préserver leur bonne réputation. Les prêteurs savent que les emprunteurs sont au courant, et ils ont confiance dans le fait que peu de gens cesseront de rembourser délibérément. Lorsqu’ils peuvent faire confiance aux emprunteurs pour faire le maximum pour rembourser, les prêteurs n’ont pas besoin de techniques d’intimidation. Ils accordent quelques jours de délai aux clients. Ils négocient un accord à l’amiable. En convaincant les emprunteurs de l’importance de leur historique de crédit, les bureaux de crédit péruviens sont peut-‐être les héros de cette histoire. Ils permettent aux prêteurs d’être plus humains. La Smart Campaign prend parti pour une approche humaine du recouvrement de prêts. Les éléments de cette approche semblent intuitifs : ne pas faire honte à des clients, ni les humilier. Leur parler en privé, avec respect. Ne pas les priver de leurs moyens de survie de base, de leurs outils de travail. Etre flexible, quand c’est possible. Et aider les clients défaillants à se réhabiliter sur la durée. Mais ces normes sont plus faciles à défendre qu’à appliquer. Pour commencer, nos collègues du secteur de la microfinance pourraient garder en tête que les clients en impayés sont aussi des gens contraints par des circonstances difficiles, qui ont sans doute besoin d’aide sur plusieurs plans. Les conclusions et recommandations de cette étude suggèrent plusieurs façons de renforcer les pratiques existantes. Mais pour créer un contexte dans lequel le système tout entier les encourage à traiter humainement leurs clients, les prêteurs devront travailler ensemble, avec l’aide de leurs propres investisseurs et avec les gouvernements, afin de mettre en place une supervision et des bureaux de crédit efficaces. Elisabeth Rhyne Directrice générale Center for Financial Inclusion d’Accion 7
« Il faut reconnaître que les pauvres vivent au bord du précipice, et tombent souvent dedans. » -‐ Extrait du manuel de crédit d’une institution de microfinance indienne « Conserver la relation avec le client, voilà le but du recouvrement. » -‐ un chargé de recouvrement péruvien Introduction Cette étude a été lancée pour explorer la façon dont les institutions de microfinance (IMF) traitent les clients de microfinance incapables de rembourser leur prêt. A l’origine de l’étude, il y a le constat d’un manque d’informations sur les mesures prises par l’IMF envers un emprunteur, lorsque ce dernier cesse de rembourser. En dépit des progrès du secteur de la microfinance pour faire de la protection du client une priorité, il est surprenant de voir le manque d’informations partagées sur ce qui se produit, lorsque la relation contractuelle entre prêteur et emprunteur se rompt. Alors qu’il existe de nombreuses études sur les causes du surendettement, il y en a bien moins sur ses conséquences. Une multitude de décisions sont prises entre le moment où l’IMF constate pour la première fois un impayé, et celui où elle détermine que la relation prêteur-‐emprunteur est irrémédiablement rompue, lorsque la relation avec le client prend fin. La Smart Campaign a souhaité comprendre quelles décisions sont prises vis-‐à-‐vis du client par un fournisseur de services financiers tout au long du processus de défaut de paiement, ce qui motive ces décisions, et les implications en termes de protection du client. Les IMF offrent-‐elles des conditions de remboursement flexibles, par une restructuration ou une remise de dette par exemple ? Le processus de recouvrement se poursuit-‐il au delà de l’abandon de créance ? Quelles sont les procédures appliquées lorsque la garantie doit être saisie ? Sachant combien cette période peut être dommageable pour le client, nous nous sommes sentis obligés, à la Smart Campaign, d’essayer d’en savoir plus. Cette étude analyse de près les pratiques des IMF de trois pays cibles dotés de cadres légaux, d’autorités de régulation du marché, de bureaux de crédit et d’acteurs locaux variés. L’équipe de recherche a enquêté en profondeur dans trois marchés très différents, afin de questionner l’idée qui veut que la réaction des IMF face aux impayés soit universelle ou standard. Cette analyse tente de comprendre les pratiques, et de savoir si et comment ces dernières sont influencées par le contexte de marché, la réglementation ou les facteurs incitatifs qui guident les IMF. Le calendrier de l’étude coïncide avec une prise de conscience croissante du rôle fondamental de la protection du client pour la microfinance. Au cours des premières années de la microfinance, les institutions financières n’échangeaient pas ouvertement sur des pratiques internes sensibles, telles que le recouvrement ou le traitement des clients défaillants. A présent, la volonté de discuter de la gestion des impayés est plus forte, et cela est largement dû à l’émergence de codes de conduite du secteur, à plusieurs crises de remboursement très médiatisées, et au désir réel des IMF de savoir comment leurs pairs gèrent cette question. Néanmoins, l’équipe de recherche est extrêmement reconnaissante envers les participants de cette étude qui se sont montrés ouverts aux échanges sur leurs pratiques, et ont été confiants dans notre capacité à conserver leur anonymat. 8
Quelles sont les responsabilités des IMF ? L’intention de cette étude est d’amener les IMF à reconsidérer le traitement des clients défaillants, et plus particulièrement à définir des paramètres acceptables de traitement humain des clients au cours du processus de défaut de paiement. Les clients qui font face aux impayés peuvent très bien connaître la situation financière la plus précaire de leur vie, qui s’accompagne souvent d’un état mental tout aussi fragile. C’est pourquoi il appartient aux IMF de prendre soin de ces clients. Nous comprenons bien que traiter les clients avec attention peut être très compliqué en pratique, et bien sûr nous affirmons la nécessité pour les IMF d’avoir la capacité de recouvrer les prêts. Pour rester viables et pérennes, les IMF doivent pouvoir maîtriser leur PAR. Néanmoins, si une IMF ne traite pas avec soin un emprunteur défaillant, elle risque aussi de perdre un client. Et perdre beaucoup de clients défaillants n’est pas non plus une pratique pérenne. L’objectif du recouvrement est donc de préserver la relation avec le client (lorsque c’est possible). Quand un prêt n’est pas remboursé, une série de procédures de gestion assez standard entre en jeu. Les prêts en retards sont classés et gérés en fonction de la durée du retard de paiement. En fonction du cadre réglementaire local et de la politique de l’institution, cette dernière prend des mesures de provisionnement partiel ou total, et pour finir passe la créance en perte. Pourtant, dans le cadre d’un ensemble assez général de procédures, on constate un manque d’information sur les pratiques ou le comportement des IMF envers les clients défaillants au cours du processus. Si les Principes de protection des clients de la Smart Campaign proposent quelques références de base sur le sujet des impayés, il n’existe pas de directives exhaustives sur le traitement des clients à chaque étape du processus. En analysant la question des impayés, la Smart Campaign cible principalement le principe de Traitement respectueux et équitable des clients, qui englobe l’essentiel des conseils de la Smart Campaign concernant le recouvrement. Cependant, d’autres principes sont certainement pertinents, notamment Transparence, Confidentialité des données des clients et Mécanismes de résolution des plaintes. De plus, les impayés peuvent résulter de l’incapacité de l’IMF à mettre en œuvre le principe de Prévention du surendettement avant d’engager un prêt, surtout si ces impayés concernent un nombre significatif de clients. La possibilité que l’IMF prête trop peut contribuer aux impayés, ce qui soulève une autre question : les IMF ont-‐elles la responsabilité implicite d’aider les clients surendettés qui ne peuvent plus rembourser ? Et, lorsque les clients sont surendettés, faut-‐il appliquer aux IMF dotées d’une mission sociale une norme de comportement plus élevée que dans le cas d’institutions financières purement commerciales ? Dans cette étude, nous analysons si les IMF ont des méthodes en place pour venir en aide aux clients – refinancement, rééchelonnement, remise de dette ou encore conseil en endettement, par exemple. L’étude cherche également à savoir si des mesures sont prises pour protéger la vie privée des clients, étant donné le potentiel d’humiliation et de dégâts sociaux associé à l’annonce publique du défaut de paiement. Des informations concernant les politiques de gestion des impayés par l’IMF devraient être transmises au client au début de la relation (par ex. amendes, notification d’un retard de paiement à la centrale des risques, saisie de garantie, etc.) Si un client est conscient que s’il ne rembourse 9
pas, son terrain peut être saisi et vendu, il reconsidérera peut-‐être sa décision d’emprunter. Enfin, au cours de la période sensible de retard ou défaut de paiement d’un client, ce dernier doit encore être traité équitablement et avec respect. Ainsi que l’on montré d’autres chercheurs, une réaction excessivement brutale à l’incapacité du client à rembourser peut en réalité aggraver la situation, à l’opposé d’une aide au recouvrement2. La Smart Campaign est à même de proposer un cadre utile pour définir une conduite de gestion des impayés acceptable. Cette étude est une contribution au débat public sur les politiques et pratiques de gestion des impayés, dans l’objectif d’un consensus international plus fort sur ce que serait un traitement équitable et respectueux. Si les conclusions de ce travail sont pertinentes pour les IMF, elles auront peut-‐être davantage d’implications pour les acteurs au niveau du marché et du cadre réglementaire, ainsi que pour les organisations de défense du consommateur. 1. Méthodes de recherche Cette étude a été définie en échangeant avec le Groupe de travail « Paroles de clients » de la Smart Campaign, des professionnels du secteur de la microfinance réunis pour essayer de parvenir à intégrer la perspective et le point de vue du client dans la Smart Campaign. L’étude a débuté par une recherche documentaire sur la gestion des impayés, suivie d’un sondage informel par Internet auprès des IMF adhérentes de la Smart Campaign, sur leurs pratiques de gestion des impayés. Plus de 300 praticiens ont répondu, indiquant un réel intérêt pour ce sujet, ainsi qu’un souhait d’apprendre de bonnes pratiques en la matière (voir en annexe 1 une synthèse des résultats). L’enquête a permis d’identifier les thèmes et les pays de la prochaine phase du projet, une recherche de terrain dans trois pays de trois régions différentes : le Pérou, l’Inde et l’Ouganda. Ces pays ont été sélectionnés avant tout pour offrir une diversité, mais aussi en raison de la disponibilité d’IMF et d’acteurs prêts à s’engager dans cette étude. Avant chaque visite pays, nous avons aussi passé en revue le cadre légal et réglementaire concernant la protection du client, la conduite de marché des services financiers, et la législation concernant l’insolvabilité ou la faillite. De plus, nous avons mené des entretiens avec des chercheurs et professionnels travaillant dans les marchés ciblés, afin de mieux comprendre le contexte du pays. Un questionnaire détaillé a été élaboré en prévision des entretiens menés au cours des visites pays (voir en annexe 2). Ces entretiens dans les pays ont été réalisés entre novembre 2013 et mars 2014. Au total, l’équipe de recherche a interviewé 44 IMF ainsi que de nombreux superviseurs, bureaux de crédit, associations de microfinance, organisations de consommateurs, consultants du secteur et sociétés de recouvrement. Nous avons essayé d’inclure un large spectre d’IMF, des petites ONG nouvellement créées jusqu’aux grandes banques ayant des centaines de milliers de clients de microfinance. Bien sûr, nous n’avons interviewé que les IMF ayant accepté de participer et de parler sincèrement de leurs politiques et pratiques. Si de nombreuses personnes ont coopéré, un certain nombre d’IMF qui nous intéressaient n’ont pas souhaité nous parler. 2 Schick et Rosenberg déclarent : « une fois que les emprunteurs se retrouvent en difficulté, le recours à des pratiques de recouvrement abusives peut également aggraver leur situation », in J. Schick et R. Rosenberg, « Trop de microcrédits ? Une enquête sur la réalité du surendettement » Etude spéciale n°19. CGAP, septembre 2011. 10
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