Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres

 
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Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
INTERVIEW

                                                                Valérie Glatigny :
                                                 « Éviter une génération Covid »

   DOSSIER PECA
Quand la culture s’invite à l’école

SIMON GRONOWSKI

« Je dis toujours aux jeunes que la vie est belle »
       entrées libres n°165 - janvier 2022 - mensuel - ne paraît pas en juillet/août - bureau de dépôt : 1099 Bruxelles X - n° d’agréation : P302221
Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
SOMMAIRE

3                                              20
    ÉDITO                                      CONFIDENCES
Plan de relance : (s’)investir et adap-        Jean-Yves Dans :« Mes étudiants me
ter le modèle
                                               donnent de vraies leçons de vie »
                                                                                          Interview
4                                              22                                         Valérie Glatigny
    L’ ACTU
                                               COULISSES
L’école toujours en première ligne
                                               Joëlle Mathieu : « Cette école est

5                                              ma deuxième maison »

    CAS D’ÉCOLE                                23
Apporter sa pierre à l’édifice et… la          CHRONIQUE
restaurer
                                               Le cours du tout                          Dossier
6                                              24                                        PECA

    INTERVIEW
                                               LIVRES
Valérie Glatigny évoque pour nous les
gros dossiers du moment                        • Simon Gronowski : « Je dis toujours
                                               aux jeunes que la vie est belle »
10                                             • Le parchemin des écoliers

    DOSSIER                                    • Les enfants de la répression
                                                                                          Mémoire d’école
                                               • Qui suis-je ? Léonie et ses questions
PECA : la culture s’invite à l’école                                                      Institut Saint-Stanislas
                                               existentielles

16                                             26                                        entrées libres
    MÉMOIRE D’ÉCOLE                                                                      Janvier 2022 / N°165 / 16e année
                                               SERVICES                                  Périodique mensuel (sauf juillet et août)
                                                                                         ISSN 1782-4346
Institut Saint-Stanislas, à Etterbeek                                                    entrées libres est la revue de l’Enseignement catholique en

18                                             28                                        Communautés francophone et germanophone de Belgique.
                                                                                         www.entrees-libres.be
                                                                                         redaction@entrees-libres.be
                                               HUMOUR                                    Rédacteur en chef et éditeur responsable
    CAS D’ÉCOLE                                                                          Christian Carpentier (02 256 70 30)
                                                                                         avenue E. Mounier 100 - 1200 Bruxelles
                                               Intercours, la BD de Jacques Louis        Secrétaire de rédaction
    À Namur, la yourte musicale allie                                                    Jean-François Lauwens
                                                                                         Secrétariat et abonnements
    bien-être et pédagogie                                                               Laurence Dupuis
                                                                                         02 256 70 55

19
                                                                                         Création graphique
                                                                                         PAF!
                                                                                         Mise en page et illustrations

    À L’ÉTUDE                                                                            Catherine Jouret
                                                                                         Membres du comité de rédaction
                                                                                         Charline Cariaux        Frédéric Coché
Parler bambin ? Pas si simple…                                                           Vinciane De Keyser      Alain Desmons
                                                                                         Luc De Wael		           Hélène Genevrois
                                                                                         Brigitte Gerard         Fabrice Glogowski
                                                                                         Gengoux Gomez           Pierre Henry
                                                                                         Oleg Lebedev            Anne Leblanc
                                                                                         Marie-Noëlle Lovenfosse Luc Michiels
                                                                                         Christophe Mouraux      Anne-Marie Scohier
                                                                                         Guy Selderslagh         François Tollet
                                                                                         Stéphane Vanoirbeck

                                                                                         Publicité
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                                                                                         Impression
                                                                                         IPM Printing SA Ganshoren

                                                                                         Les articles paraissent sous la responsabilité de leurs au-
2      entrées libres | n°165 - janvier 2022                                             teurs. Les titres, intertitres et chapeaux sont de la rédaction.
Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
Édito
  Plan de relance : (s’)investir et adapter le modèle

              U
                      n grand nombre de pouvoirs organisateurs et de directions d’écoles se sont
                      mobilisés ces derniers mois pour préparer des projets de construction sco-
                      laire dans le cadre du fameux « plan de relance ». Les enjeux sont considé-
               rables quand on sait les défis qui devront être relevés dans les années qui viennent,
               en particulier pour ce qui concerne la mise aux normes d’efficacité énergétique des
               bâtiments scolaires. Les objectifs sont connus et ont été établis par les Régions : la
               neutralité carbone pour 2035 en Wallonie et pour 2040 à Bruxelles.

               Les enjeux financiers sont aussi importants puisque le volet « bâtiments scolaires »
               du plan de relance représente un total de l’ordre de 269 millions d’euros de subven-
               tions pour l’enseignement obligatoire et l’enseignement supérieur non-universitaire.
               Dans le décret actuel, ce budget se répartit à concurrence de 41% pour le seul PO
               WBE (15% de la population scolaire), 34% pour l’enseignement officiel subventionné
               (35% de la population scolaire) et moins de 25% pour l’enseignement libre (50%
               de la population scolaire). À l’heure d’écrire ces lignes, l’enseignement libre aurait
               rentré des projets correspondant à une demande totale de subventions de près de
               200 millions d’euros, alors que moins de 70 millions d’euros lui sont réservés dans
               la répartition de base établie par le décret. Le déséquilibre dans le traitement des
               différentes catégories de PO et des différents réseaux d’enseignement est flagrant
               et le principe d’égalité de traitement inscrit dans la Constitution est ouvertement
               malmené.

               Le décret impose par ailleurs aux seuls établissements de l’enseignement libre du
               fondamental et du secondaire l’obligation de transférer leur droit de propriété à une
               société patrimoniale (SPABSC) sous la forme d’un droit réel (bail emphytéotique),
               et ce pour tous les projets à partir de 383.000 euros, quelle que soit la valeur du
               bâtiment.

               On se rappellera que le Conseil d’État a lui-même exprimé ses réserves les plus
               strictes à l’égard de ce projet. Face à de tels déséquilibres, le SeGEC et l’UFAPEC,
               en lien étroit avec de nombreux PO et même de parents et d’enseignants, ont donc
               décidé de requérir l’arbitrage de la Cour constitutionnelle dont un premier arrêt en
               suspension devrait être rendu ces jours-ci. Un second arrêt, en annulation, sera ren-
               du ultérieurement. Ce recours ne vise évidemment pas à mettre à mal ce projet im-
               portant, mais à le rendre plus équitable et à le voir prendre en compte les nécessités
               de l’enseignement libre au même titre que celles de l’enseignement officiel. Il n’est
               certainement pas trop tard puisque le délai ultime pour la concrétisation des projets
               est fixé en 2026 et que les projets retenus pour participer à ce plan n’ont pas encore
               été sélectionnés.

               Enfin, il sera d’autant plus indispensable de voir ce décret corrigé sur ses aspects
               les plus contestables que le ministre Daerden prépare actuellement une réforme de
               grande ampleur de l’ensemble des dispositifs de financement des bâtiments sco-
               laires avec, à la clé, l’affectation en 10 ans d’un milliard d’euros supplémentaire (100
               millions par an). L’arbitrage que rendra prochainement la Cour constitutionnelle fera
               donc jurisprudence et sera déterminant pour les équilibres qui s’établiront à plus
               long terme dans une législation en pleine évolution.■
                                                                                      Étienne MICHEL
                                                                               Directeur général du SeGEC
                                                                                      Le 11 janvier 2022

                                                                      entrées libres | n°165 - janvier 2022   3
Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
L’ACTU

L’école toujours
      en première ligne
                                                                                                            CHRISTIAN CARPENTIER

Les écoles ont pu rouvrir leurs portes en présentiel complet à la rentrée du 10 janvier, avec des règles différentes de celles
imposées au reste de la société. Et surtout des directions chargées, une fois encore, de gérer la difficulté du boom des
contaminations qui est apparu juste après les fêtes, tant parmi les enseignants que parmi les élèves. Tout cela avec des
règles de quarantaine allégées pour les plus jeunes.

Les prévisionnistes avaient vu juste :          Cette vaccination, elle est déjà largement d’actualité au niveau du secondaire. Rai-
Omicron a commencé à déployer ses               son pour laquelle les mêmes ministres de la Santé et de l’Enseignement ont décidé
effets au lendemain des fêtes, avec des         d’y moduler les règles à respecter en cas de contact à haut risque des élèves en
taux de contamination battant tous les          fonction de leur statut vaccinal. Quant au supérieur, la session de janvier y aura été
records. Sans réelle surprise, le Codeco        perturbée, mais avec une possibilité de report d’examens pour les élèves malades.
du 6 janvier a donc largement maintenu          Dans l’entretien qu’elle nous accorde (lire en page 6), la ministre Glatigny se veut
les règles restreignant les contacts so-        très humble par rapport à cette crise sanitaire, témoignant notamment de sa volon-
ciaux, pour tenter de contrer au mieux          té de ne pas créer de « génération Covid » dont les diplômes seraient par la suite
cette désormais cinquième vague. Sauf           dévalorisés.
pour les écoles. Car, contrairement aux
                                                Gérer la rentrée scolaire dans ces conditions a de nouveau relevé du casse-tête
entreprises chargées de maintenir 4
                                                pour les directions. Comment s’assurer que les élèves ont bien été testés chaque
jours de télétravail obligatoire par se-
                                                semaine, malgré un coût non négligeable pour les familles ? Comment s’assurer que
maine, les établissements scolaires ont
                                                seuls les « contacts à haut risque asymptomatiques hors foyer » sont bien présents
pu, eux, reprendre les cours en présen-
                                                dans les classes ? Comment distinguer ceux qui sont vaccinés de ceux qui ne le
tiel complet à la fin des vacances de
                                                sont pas en secondaire, alors qu’il est interdit d’interroger un élève à ce propos ? Et
Noël. La priorité aux apprentissages et
                                                comment jongler avec les absences d’enseignants afin de pénaliser le moins pos-
la crainte de retards impossibles à rat-
                                                sible les élèves ?
traper dans ceux-ci a donc continué à
être le leitmotiv, partout sur le territoire.   À l’évidence, le poids de la gestion de la crise Covid s’est de nouveau alourdi, pour
                                                celles et ceux qui font fonctionner les écoles. Et la seconde partie de l’année sco-
Mieux : les règles de mise en quarantaine
                                                laire s’annonce tout sauf un long fleuve tranquille au sein des établissements qui
ont été assouplies en maternelle et en
                                                continuent plus que jamais à se retrouver en première ligne… ■
primaire, parfois de façon assez consé-
quente, par une décision conjointe des
ministres de la Santé et de l’Enseigne-
ment. L’obligation de fermer une classe
y est repassée à la détection de 4 cas,
au lieu de 2. La mise en quarantaine qui
en découle a été réduite de 7 à 5 jours.
Et une autorisation y a été donnée aux
élèves mis en quarantaine pour cause
de contact à haut risque en dehors de
l’établissement (mais hors foyer) de fré-
quenter tout de même l’école s’ils sont
asymptomatiques. Tout cela assorti
d’une nouvelle recommandation de
ventilation maximale des classes, et de
demander aux parents de tester leurs
enfants une fois par semaine. Dans l’es-
poir que l’ouverture à la vaccination des
moins de douze ans puisse, ici aussi,
rapidement avoir de l’effet.

4   entrées libres | n°165 - janvier 2022
Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
CAS D’ÉCOLE

                                                                                                                                       ©DR

    Apporter sa pierre
    à l’édifice et… la restaurer
                                                                                                          JEAN-FRANÇOIS LAUWENS

Depuis 50 ans, et sans doute pour en-        transformation, rénovation et restauration du bâtiment ont mis leurs pas dans ceux
core au moins 50 ans, des bénévoles          des bâtisseurs qui, durant des siècles, ont construit ou reconstruit des pans du châ-
restaurent les ruines du château-fort        teau-fort. Professeur de maçonnerie dans le technique et le professionnel à Don
millénaire de Franchimont. Désor-            Bosco, Laurent Rosa est le maître d’œuvre des travaux. « J’ai repris la 7e profes-
mais, ils reçoivent le soutien des fu-       sionnelle en septembre. Jusque-là, j’avais l’habitude de travailler sur site à l’abbaye
turs diplômés en maçonnerie du Col-          de La Paix-Dieu à Amay qui dispose d’un centre de formation dans les métiers du
lège Don Bosco de Verviers dont le           patrimoine », explique-t-il. « Nous restaurions des tombes par exemple. Nous avons
travail s’inscrit dans la grande histoire.   aussi repavé les rues pittoresques du centre de Limbourg. Mon prédécesseur au col-

E
                                             lège, Philippe Detrembleur, retraité actif et unique maçon au sein des Compagnons de
      n surplomb de Theux, le château        Franchimont, m’a appelé en me demandant si, plutôt que pour trois semaines à Huy,
      de Franchimont dresse sa dure          je n’emmènerais pas mes élèves sur le chantier du château. Il y en a encore pour 100
      silhouette depuis un millénaire.       ans de travail ! Mais cela leur donne une fierté immense de savoir que ce qu’ils ont fait
Construit au XIe siècle comme forte-         sera gravé dans l’Histoire et visible par des générations de visiteurs. »
resse pour les évêques régnant sur
la Principauté de Liège, le château a
                                             Casemate Don Bosco
abrité quelques personnages célèbres.
Comme Alexandre Farnèse, Pierre le           Cela fait 4 ans que les élèves de Don Bosco travaillent régulièrement sur le site.
Grand ou Walter Scott qui y écrit et y       Lequel s’enorgueillit désormais d’avoir une casemate au nom du collège verviétois.
plante le décor de Quentin Durward en        Ce n’était plus qu’un tas de pierres. Au fil du temps s’est imposée l’idée de la recons-
lien avec l’assaut des Six Cents Fran-       truire, son pourtour devrait être rénové d’ici 2 ans. Pour Laurent Rosa, l’avantage de
chimontois contre Charles le Téméraire.      ce stage tient aussi dans la diversification du métier. « Il faut être honnête : de la 3e à
Démoli ensuite par Louis XI puis vendu       la 6e, les élèves apprennent à être des maçons « traditionnels », ce qui est finalement
par Napoléon comme carrière, le châ-         une tâche assez répétitive voire mécanique. Ici, on fait du moellonage, ce que l’on
teau de Franchimont n’a cessé de su-         appelle de la maçonnerie « à la pierre », ce qui n’a rien à voir avec le travail avec des
bir les offenses de l’Histoire. Propriété    briques et des blocs. On a des pierres irrégulières. On peut construire 36 fois un mur,
de la ville de Theux depuis 1959, il est     il sera 36 fois différent, au contraire d’un mur de briques. Il y a donc une dimension
confié depuis 1967 aux Compagnons            créative : pour moi, c’est artistique. »
de Franchimont qui en assurent les
                                             Et la découverte de cette facette particulière sur le site médiéval de Franchimont
fouilles et les restaurations.
                                             crée des vocations. « Nos élèves s’installent en général comme indépendants. Grâce
C’est dans cette histoire millénaire que     au stage, l’un d’entre eux a décidé de se spécialiser dans la pierre du pays. Il y a beau-
s’inscrivent les élèves de 7e profession-    coup de carrières dans cette région et, même si c’est un budget plus important (un
nelle du Collège Don Bosco à Verviers.       homme peut maçonner 8 à 10 m2 de briques par jour mais maximum 3 m2 de pierres),
Durant trois semaines, les 8 élèves en       on travaille beaucoup avec ce matériau dans notre région. » ■

                                                                                                      entrées libres | n°165 - janvier 2022   5
Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
INTERVIEW

    ©DR

Valérie Glatigny :
« Éviter une génération Covid »
                                                                                                          CHRISTIAN CARPENTIER

Covid, refinancement, décret Paysage,        Quelle est votre grande priorité d’ici la fin de la législature ?
formation initiale des enseignants,          « Gérer la situation sanitaire pour continuer à assurer du présentiel et diplômer nos
folklore… Dans l’entretien qu’elle ac-       étudiants dans les meilleures conditions possibles. C’est une obsession par rapport
corde à Entrées Libres, la ministre Va-      à cette situation qui s’est imposée à nous. À cela s’ajoutent l’atterrissage du décret
lérie Glatigny (MR), en charge notam-        paysage et la mise en place de la réforme de la formation initiale des enseignants. On
                                             travaille aussi sur l’orientation des étudiants. »
ment du Supérieur et de la Promotion
sociale au sein du gouvernement de la        Sous quel angle ?
Communauté française, n’élude aucun
                                             « Beaucoup n’ont pas connaissance de toute l’offre qui existe dans le supérieur. Le
des dossiers chauds du moment…               taux d’échec important en 1ère année m’inquiète. On doit travailler sur l’information
                                             qu’ils peuvent avoir sur ce qui existe, y compris les formations techniques ou celles
                                             menant vers des métiers en pénurie, mais aussi la détection de lacunes et la façon d’y
                                             remédier. On a prévu un refinancement massif : 50 millions chaque année, 80 millions
                                             d’ici 2024, dont 6 millions par an pour renforcer les aides à la réussite. »

                                             Le supérieur a souvent dû se réorganiser par rapport au Covid. Cela laissera-t-il
                                             des traces positives ?
                                             « Au moins deux. Un : la grande capacité d’adaptation des étudiants. Et deux : une
                                             belle adaptation de certains cours, mélangeant présentations en visio, vidéos, tchats
                                             de questions... On a réalisé un bond de dix ans. La crise nous a appris l’importance
                                             du présentiel, pour la qualité de la relation pédagogique. Mais prenez la promotion so-
                                             ciale : on y a beaucoup d’adultes qui ont des enfants, qui doivent pouvoir se connecter
                                             après la journée de travail ou après des moments de vie familiale. Pour eux, avoir un
                                             programme en ligne peut être extrêmement intéressant. Cela ne remplacera jamais
                                             l’enseignement en présentiel. Mais beaucoup de fantasmes sont aussi tombés. On
                                             voulait éviter d’avoir une génération Covid, ça nous y a aidés. »

                                             C’est-à-dire ?
                                             « Des employeurs regardant un CV en se disant que tel candidat n’a pas été diplômé
                                             correctement, n’a pas eu le même cursus que d’autres années. Et on y est arrivé. On a
                                             eu beaucoup de pression pour créer un processus de réussite automatique. On a tenu
                                             bon et on a eu raison, dans l’intérêt des étudiants. » ■

6    entrées libres | n°165 - janvier 2022
Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
RUBRIQUE
            INTERVIEW

                                                          Une conférence sur le folklore
                                           L’année a été marquée par des polémiques sur les baptêmes, avec même
                                           récemment un décès. Faut-il mieux réglementer le folklore ?
                                           « Perdre la vie à 19 ans, c’est une tragédie. Il y a une prise de conscience
                                           généralisée qu’il y a un problème, avec une répétition d’incidents chaque année.
                                           Une charte encadre les activités, notamment en matière d’alcool. J’ai deman-
                                           dé à l’ARES de la réévaluer, et d’y intégrer la lutte contre le harcèlement et les
                                           violences sexuelles. Mais ne soyons pas hypocrites : le décès dont vous parlez
Aides à la réussite :                      s’est passé après le baptême. C’est dans ce cadre que je voudrais organiser une
                                           conférence. »
un plan stratégique
                                           Dans quel but ?
Comment faire pour que les aides           « Avec l’aide de l’ARES, je voudrais réunir tout le monde : responsables des
à la réussite aillent aux étudiants        établissements, des cercles, bourgmestres, experts psycho-sociaux… Des
qui en ont le plus besoin, alors que       alcoologues, aussi. J’en ai rencontré un m’expliquant que le cerveau d’un
c’est souvent plutôt l’inverse ?           jeune est mature vers 23-24 ans. L’impact sur un cerveau en formation d’une
« Cela m’a effectivement vraiment          consommation abusive d’alcool avec des black-out à répétition peut amener des
frappée quand je suis devenue mi-          conséquences irréversibles, en termes de concentration, de mémorisation. »
nistre. J’ai visité beaucoup de beaux
                                           Est-ce un problème seulement lié aux jeunes ?
projets, mais en constatant qu’on n’y
trouvait pas toujours les étudiants        « Non, il ne faut pas non plus être hypocrite là-dessus : la consommation d’alcool
visés par les aides. Notre objectif,       est un problème répandu dans la société. Cela n’a pas de sens de ne cibler que
c’est de demander aux établisse-           les étudiants. On vit dans un pays où le championnat de foot s’appelle la « Jupiler
ments d’établir un plan stratégique        Pro League »… Réfléchissions tous ensemble aux messages que nous envoyons
au début de l’année : qui vont-ils ci-     à nos jeunes et aux actions à mener. »
bler, comment ? »
                                           Vous avez fait votre baptême ?
Et après ?                                 « Oui, je m’y suis beaucoup amusée. C’était un vrai outil d’insertion. Je m’y suis
« On fera une analyse qui devra être       fait des amis. Je me rappelle de choses ludiques, de descentes en kayak, d’un
remise à l’ARES qui en tirera les          marathon de ventes de nourriture marchoise – le matoufet – qui nous a aidés
enseignements. On verra si on tire         à vaincre notre timidité en allant vers les autres. J’ai eu beaucoup de chance de
juste ou s’il faut ajuster la stratégie.   pouvoir le vivre comme ça et je sais que ce n’est pas toujours le cas, qu’il s’y
Dans le décret paysage, il est aussi       passe des comportements parfois nettement moins positifs. Le côté folklorique
prévu qu’un étudiant réussissant           ne doit pas servir de prétexte à des comportements portant atteinte à l’intégrité
moins de 30 crédits devra suivre des       des personnes. Cela doit rester un moment d’initiation, d’intégration. Cela peut
activités d’aide à la réussite. »          être joyeux. » ■

Est-on assez bien orienté vers le           ©DR
supérieur en fin de secondaire ?
« La clé de la réussite est effective-
ment l’articulation entre l’obligatoire
et le supérieur. On va travailler sur
une information la plus exhaustive
sur l’offre qui existe, qui souffre
souvent de méconnaissance. Mais
tout le monde n’a pas non plus tou-
jours appris à apprendre en fin de
secondaire. La DPC (Déclaration de
politique communautaire) prévoit
un test d’orientation volontaire non
contraignant – qui n’empêchera pas
l’inscription - pour permettre à l’étu-
diant de s’auto-évaluer, de détecter
ses lacunes, en pouvant alors faire
appel aux aides à la réussite. » ■

                                                                                             entrées libres | n°165 - janvier 2022   7
Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
INTERVIEW

« Trop de flexibilité était                       « Réussir son entrée dans le métier »
un cadeau empoisonné »
                                               L’autre grosse réforme menée par Valé-         métier en bénéficiant de l’expérience
Une des grosses réformes menées                rie Glatigny est celle de la formation ini-    d’un plus âgé. On a 25% d’enseignants
par Valérie Glatigny est celle du décret       tiale des enseignants, évoquée depuis          qui quittent la profession au début de
Paysage. Avec pour philosophie la réus-        30 ans ! Passage des études de 3 à 4           leur parcours. On n’arrive pas à les ac-
site pour tous ? « Diplômer plus et plus       ans et codiplomation en sont les élé-          crocher. »
vite, en luttant contre l’allongement des      ments les plus visibles. Dans quel but ?
études », corrige la ministre. « J’ai été                                                     L’entrée en vigueur en 2022 de cette
                                               « On met beaucoup mieux en évidence
frappée par les courriers reçus dès le                                                        réforme est-elle certaine ?
                                               la participation d’un enseignant à une
début de mon mandat : des étudiants –
                                               logique de groupe. Le stage de longue          « On analyse en ce moment les retours
et leurs parents – ne savaient plus s’ils
                                               durée en dernière année sera, je l’espère,     qui nous reviennent du terrain avant de
étaient sur une trajectoire de réussite
                                               un des grands acquis de ce que nous            décider. J’entends notamment la fatigue
ou d’échec, ni même en quelle année ils
                                               allons mettre en place. »                      du personnel. On est à l’écoute. Je fais
étaient ! Certains reportaient des cré-
                                                                                              le pari que c’est possible en 2022 mais
dits manquants d’une année à l’autre,          Dans quel objectif ?                           je ne suis pas sourde et aveugle quant
finissant par avoir un sac à dos de cré-
                                                                                              aux difficultés que j’entends. Je ne veux
dits trop lourd à porter. Ils traînaient       « Permettre au futur enseignant une
                                                                                              certainement pas passer en force, mais
des casseroles de bachelier alors qu’ils       entrée dans le métier progressive,
                                                                                              il faut aussi donner un signal par rapport
étaient en master. À un moment, ils se         encadrée, accompagnée. On sort de la
                                                                                              à cette réforme attendue depuis 30 ans,
découvrent non finançables et la porte         logique solitaire d’un étudiant qui fait son
                                                                                              même si la crise sanitaire ne facilite pas
du supérieur se referme. »                     agrégation un peu seul, puis se retrouve
                                                                                              les choses. » ■
                                               devant une classe en n’y étant pas assez
Ce décret voulait pourtant justement           préparé. Un stage de longue durée dans         NB : postérieurement à la réalisation de
laisser l’étudiant gérer son parcours…         un établissement lui permettra je l’espère     cette interview, le gouvernement a déci-
« Trop de flexibilité était un cadeau em-      de participer à toute la vie de l’école, de    dé de reporter l’entrée en vigueur de la
poisonné. Il fallait remettre des balises,     s’y ancrer, à réussir son entrée dans le       réforme à septembre 2023
corriger les effets pervers tout en gardant
la notion de crédit qui permet la com-
paraison au niveau européen. Rappeler                         « Valoriser l’expérience personnelle »
qu’on doit d’abord surmonter la difficulté
du départ. C’est le message envoyé en              La promotion sociale représente            l’amélioration des dispositifs de
rappelant l’importance de la réussite des          150.000 étudiants dans 152 éta-            valorisation des acquis pour mieux
60 premiers crédits de la première année           blissements mais souffre encore            valoriser l’expérience personnelle
pour pouvoir ensuite progresser. »                 d’un déficit de notoriété. Besoin          et raccourcir les parcours de
                                                   d’une évolution ? « Je suis vraiment       formation permettant d’accéder à la
Et si ce n’est pas le cas ?                        contente d’aborder ce thème. On en         certification. »
                                                   parle trop peu, malgré un nombre
« S’il a réussi moins de 30 crédits, il doit                                                  En pratique ?
                                                   incalculable de formations. On a
suivre des activités d’aide à la réussite.
                                                   souhaité mettre en lumière les 30 ans      « Je me souviens d’une visite de
L’idée, c’est : détectons rapidement les
                                                   de la promotion sociale, expliquer         terrain dans un grand hôtel qui
difficultés et les lacunes et offrons les
                                                   l’offre qui existe. On a aussi souhaité    licenciait des travailleurs. Une
possibilités d’y remédier. Autre mesure :
                                                   revaloriser le personnel avec une          antenne de la promotion sociale
on a 5 ans pour faire un bachelier, mais
                                                   prime informatique de 100 euros            était allée sur place certifier des
6 ans en cas de réorientation, une année
                                                   par an, ce qui doit aider aussi les        compétences particulières. S’ils
joker pour rester finançable afin d’inciter
                                                   pratiques à se numériser. Le terrain       doivent suivre une formation, alors
à décrocher son bachelier. »
                                                   nous remonte aussi une nécessité           qu’ils ont 45 ans avec des enfants
Que répondez-vous à ceux qui esti-                 d’accompagner une hybridation des          à la maison, ils auront du mal à y
ment que la réussite pour tous dévalo-             cours. »                                   arriver. Donc, on reconnaissait les
rise les diplômes ?                                                                           gestes techniques pour les aider
                                                   Cela demandera des moyens…
                                                                                              à rapidement retrouver un emploi.
« Que la démocratisation du supérieur
                                                   « Un groupe de travail a été mandaté       Je repense à cette dame qui gérait
est une excellente chose. Tout le monde
                                                   pour voir quelles sont les balises         un étage au niveau des femmes de
ne doit pas faire l’université. Mais tout
                                                   pédagogiques à mettre, fixer les           chambre. C’est un vrai savoir-faire
le monde doit y avoir accès. L’important,
                                                   standards de qualité. On pense             acquis qu’il fallait reconnaître pour
c’est que tout le monde sorte de l’ensei-
                                                   mettre en œuvre ce dispositif              lui permettre de retravailler dans un
gnement avec une compétence certifiée,
                                                   au plus tard pour la rentrée               autre hôtel sans devoir suivre une
quelque chose à faire valoir en termes de
                                                   2023. Un autre enjeu est celui de          formation. » ■
développement personnel et d’insertion
socio-professionnelle. » ■

8   entrées libres | n°165 - janvier 2022
Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
INTERVIEW

    « Élargir le gel du minerval »                                                        « Un enseignement
Les hautes écoles reçoivent 7 millions d’euros supplémentaires dès cette année.
                                                                                           moins pilarisé »
Pour les universités, ce sera 13 millions. Pourquoi cette différence ?                    Dans 20 ans, quel devra être le visage
« C’est un équilibre global. Il y a le refinancement, le plan de relance, les bâtiments   de l’enseignement supérieur, selon
scolaires… En 2022, on aura 30 millions supplémentaires : 20 pour les allocations         vous ?
globales des établissements, 4 pour la recherche et 6 pour des projets comme l’orien-
                                                                                          « Un : que certaines filières techniques
tation ou la mobilité étudiante… On a tenu compte de clés permettant de viser juste
                                                                                          aient été revalorisées, qu’il n’y ait plus
par rapport aux hautes écoles, universités, ESA… Ces moyens iront crescendo. Avec
                                                                                          de filières de relégation. Et deux : avoir
les montants déjà alloués on passera de 50 millions en 2022, à 70 millions en 2023
                                                                                          davantage de liens entre l’enseignement
et à 80 millions en 2024. Ce sera la même philosophie pour la recherche, dont on a
                                                                                          et le monde du travail, en s’ouvrant
parfois redécouvert tout l’intérêt avec le Covid. »
                                                                                          encore plus à la réalité de l’Europe.
En juillet dernier, la Cour constitutionnelle jugeait discriminatoire la différence       Mais mon rêve absolu, c’est celui d’un
de financement d’une ESA du libre par rapport à l’officiel. D’autres recours iden-        enseignement supérieur moins pilarisé.
tiques sont pendants. Comprenez-vous la position de la Cour ?                             Qu’on puisse codiplômer nos étudiants,
                                                                                          cesser cette logique de concurrence
« Qu’on la comprenne ou pas, l’arrêt est là et nous devons trouver une solution. On       entre établissements où tout le monde
souhaite vraiment mettre fin à ce litige qui date de plusieurs années et résoudre le      essaie de dupliquer partout les mêmes
problème pour l’avenir. Lors du dernier conclave budgétaire, on l’a anticipé avec un      formations. Il y en a énormément sur un
budget spécifique de 2,5 millions pour revoir le mécanisme de financement. On es-         petit territoire. Cela aurait du sens que
père aussi élargir le gel du minerval aux cursus qui sont donnés dans les ESA sans        les établissements se spécialisent. »
conséquence négative pour celles-ci. Ce sont souvent les ESA définancées qui récla-
ment des frais plus importants à leurs étudiants, ce qui est logique. » ■                 Dans le cadre d’un réseau unique ?
                                                                                          « Je ne dirais pas ça, mais je ne suis
                                                                                          pas certaine que le refinancement doive
                                                                                          être utilisé pour multiplier à l’infini des
                                                                                          formations qui peuvent être suivies 25,
                                                                                          30 ou 50 km plus loin. Je voudrais que
                                                   ©DR
                                                                                          le refinancement serve aussi à rationali-
                                                                                          ser les petites filières et à en développer
                        La philo comme boussole                                           d’autres pour qu’elles rayonnent davan-
                                                                                          tage. Dans le contexte actuel d’enve-
    Elle était une des surprises du casting du gouvernement de la Communau-
                                                                                          loppes fermées, il y a une concurrence,
    té française. Deux ans et demi plus tard, on en connaît encore assez peu
                                                                                          une forme de chasse à l’étudiant, je le
    sur cette Marchoise de 48 ans, ancienne fonctionnaire européenne réputée
                                                                                          comprends. L’objectif du refinancement
    brillante qui a grandi dans le sillage de Louis Michel et, plus brièvement, de
                                                                                          est aussi de soulager cela. » ■
    Guy Verhofstadt. « Jamais je n’avais pensé devenir ministre », reconnaît-elle
    dans un sourire. « J’ai travaillé quinze ans à la Commission et au Parlement.
    J’étais assez frustrée d’un certain immobilisme, à cause de décisions à
    prendre à l’unanimité. Je me suis inscrite comme 1ère suppléante sur la liste
    MR à l’Europe dans l’espoir de dire en mon nom ce que je voyais, de ces
    enjeux importants dont on parle trop peu. Quand on m’a dit ministre et ensei-
    gnement supérieur, j’ai tout de suite dit oui. Je voyais ce que je voulais faire. »

    Niveau parcours, celle qui concède « n’avoir jamais trop accroché avec les
    maths » a d’abord entamé des études en germanique, avant de rapidement
    bifurquer vers la philo. Une licence doublée d’un diplôme complémentaire
    en éthique biomédicale qui lui ont beaucoup servi, ces derniers mois. « J’ai
    toujours été hantée par la question du sens : pourquoi est-ce comme cela
    et pas autrement ? Un prof m’a particulièrement marquée : Pierre-Philippe
    Druet, qui nous enseignait la philosophie pratique. Un de ses enseignements
    ne m’a jamais quittée : la faculté de douter, d’accepter d’apparaître comme
    ne sachant pas. Kant disait que l’intelligence d’une société se mesure au
    nombre d’incertitudes qu’on est capable d’accepter. Dans cette crise, tous
    ceux qui ont dit « je sais » ou ont porté des jugements définitifs sur ce qu’il
    fallait faire ont très vite été inaudibles. La philo m’a appris à me poser des
    questions, à questionner les certitudes, le prêt-à-penser, le raccourci, le pré-
    jugé, à ne pas m’arrêter à la première évidence venue. » ■
                                                                                           ©DR

                                                                                                   entrées libres | n°165 - janvier 2022   9
Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
©DR

                   Le PECA veut pousser
     les cloisons entre culture et école
                                                                                                           JEAN-FRANÇOIS LAUWENS

                                               P
 Qu’est-ce qui se cache sous l’acro-                  lacer la culture au cœur de l’école. C’est le noble objectif poursuivi par le Par-
 nyme PECA ? Le Parcours d’éducation                  cours d’éducation culturelle et artistique de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
 culturelle et artistique. Sur les rails de-          Art, culture : des mots parfois surinvestis qui peuvent sembler intimidants.
 puis cette année, il fait montre d’une        Placer la culture au cœur de l’école, c’est donner une dimension culturelle aux sa-
 ambition gigantesque : rapprocher les         voirs travaillés à l’école. Et ouvrir la porte au champ des possibles, à la perspective
 mondes de la culture et de l’enseigne-        de sortir la culture de cloisons conventionnelles, pour se l’approprier dans son quo-
 ment mais, surtout, mettre chaque             tidien. Autour d’une vision en trois temps : connaître, rencontrer, pratiquer.
 élève, de la maternelle à la fin du se-
                                               Mais rembobinons deux minutes avec Emmanuelle Detry, coordinatrice PECA au
 condaire, au contact des artistes et
                                               SeGEC, pour revenir aux origines de la chose : « C’est un dispositif prévu par le Pacte
 des opérateurs culturels. Une ouver-
                                               d’excellence dans l’idée d’intégrer mieux la culture au parcours scolaire dans tous les
 ture vers tous les possibles.
                                               niveaux, de l’entrée en maternelle à la sortie du secondaire. La réflexion va depuis le
                                               début de pair avec celle du Pacte, lancé en 2015. Ce qui était sans doute facilité par
                                               le fait qu’à l’époque Joëlle Milquet (CDH) était à la fois ministre de l’Éducation et de la
                                               Culture : on a procédé de la même façon des deux côtés, avec des groupes de travail
                                               thématiques d’où ressortaient des propositions d’objectifs et d’actions à mener. Au
                                               bout du compte, il a été décidé de calquer les choses sur le modèle de la France, qui
                                               a son… PEAC ! Le dispositif fait partie des divers changements amenés par le Pacte

10   entrées libres | n°165 - janvier 2022
RUBRIQUE                                                                                     DOSSIER
                      PECA

mais il permet aussi d’en articuler cer-       budgets permettant aux réseaux d’en-          pour le reste, nos mails et nos courriers
tains autres (le contrat d’objectifs, le nu-   seignement d’engager des référents            aux autres écoles n’aboutissaient pas à
mérique, le travail collaboratif…) autour      culturels, la Communauté française            grand-chose. »
d’un projet PECA. »                            garantit aux consortiums un montant
                                               de 100.000 euros annuels durant 3 ans         Diversité et décloisonnement
Il s’agit donc d’un dispositif mixte entre     (minimum 51% alloués aux projets).
les deux départements de la Culture et                                                       Pour Emmanuelle Detry, les enjeux
                                               Avec deux priorités pour cette année
de l’Éducation. Côté écoles, la Commu-                                                       pédagogiques sont nombreux. Elle
                                               de mise en place : les maternelles
nauté française a dégagé du budget                                                           énumère : « Permettre à tout enfant de
                                               car elles sont le premier pas du tronc
pour l’engagement de                                                                         pousser les portes de lieux culturels
                                                                 commun, et les zones
référents culturels dans        Un abord plus ludique est                                    et d’expérimenter les formes d’expres-
                                                                 prioritaires (« zones
chaque réseau. Au Se-          inhérent à certains projets,                                  sion artistiques, de pouvoir mettre les
                                                                 blanches », ayant peu
GEC, c’est ainsi une             parce que d’autres res-                                     choses en perspective par une approche
                                                                 ou pas de contact avec
équipe de 11 personnes, sources des enfants/élèves                                           culturelle réflexive sur diverses théma-
                                                                 des opérateurs cultu-
des référents culturels             sont valorisées.                                         tiques. Mais aussi décloisonner : entre
                                                                 rels proches).
qui ont déjà un bagage                                                                       le monde de l‘école et celui de la culture,
de cette nature à l’école ou dans une          « Actuellement, on travaille un peu par       entre les matières et les modes d’ex-
académie, qui vont aider les écoles à          essai-erreur. La consigne de la FWB           pression, « hors les murs » de la classe
mettre ces parcours en lien avec les           est qu’il s’agit d’un projet expérimental.    et de l’école. Cela permet d’ouvrir de nou-
opérateurs.                                    C’est un luxe rare, on peut se tromper        velles portes pour les apprentissages :
                                               puisqu’on part d’une page blanche. Il y       certaines notions vont être abordées
Consortiums par zone                           a une volonté énorme d’aller de l’avant »,    autrement, des déclics pourront avoir
De l’autre côté de la « barrière », les        dit Bruno Hilgers, responsable du sec-        lieu parce que l’apprentissage passe par
opérateurs culturels se sont consti-           teur éducatif de PointCulture (l’ex-Mé-       le corps, le sensible, parce qu’un abord
tués (avec un an d’avance sur le monde         diathèque). Il assume le rôle de référent     plus ludique est inhérent à certains pro-
scolaire, retardé par le Covid) en             scolaire pour les opérateurs culturels        jets, parce que d’autres ressources des
consortiums. Ils sont essentiellement          de la province de Namur : « De notre          enfants/élèves sont valorisées. Enfin, la
composés des centres culturels, des            point de vue, ce qui est formidable avec      pédagogie du projet est à l’honneur, avec
bibliothèques publiques, des musées            ce système, c’est d’ores et déjà d’avoir      ce qu’elle implique de collectif, de ges-
et des Jeunesses musicales. Le rôle            des référents au sein de chaque réseau        tion de processus, et l’éducation au choix
de référent est généralement dévolu            et, à terme, un interlocuteur spécifique      chère à notre réseau est au premier plan
aux centres culturels (Verviers, Huy,          (« enseignant relais ») au sein de chaque     également dans les démarches activées
Charleroi, Mons, Brabant wallon) ou aux        école. On a donc de part et d’autre, des      par ces projets. »
agences d’action culturelle (Bruxelles,        gens qui connaissent bien leur terrain et
Liège, Wallonie picarde), parfois à            leur région, on se comprend. Jusqu’ici,       Vous lirez dans ce dossier un petit aper-
des opérateurs autres (PointCulture à          force est de constater que l’on travaillait   çu de quelques-uns des projets en ges-
Namur, Jeunesses musicales dans le             tous avec notre petit réseau, toujours un     tation ou déjà lancés : on a hâte de les
Luxembourg). Comme elle a dégagé les           peu les mêmes profs très actifs.Mais,         voir ! ■

 ©DR

                                                                                                      entrées libres | n°165 - janvier 2022   11
PECA

                                                                                                ©DR

                                                   Une priorité de la « Mission de
                                                   l’école chrétienne »
                                                   Le PECA est lancé alors que vient
                                                   de sortir de presse la version ré-
                                                   actualisée de Mission de l’école
                                                   chrétienne. Laquelle prévoit par
                                                   exemple de « développer la sensibi-
                                                   lité des élèves en assurant le contact
                                                   avec des œuvres artistiques, des
                                                   textes littéraires, etc. » « Il y a, c’est
                                                   vrai, une adéquation forte avec la
                                                   section du texte relative à l’édu-
                                                   cation par la culture, ainsi qu’avec
                                                   l’éveil à la sensibilité esthétique cité
                                                   dans la section éducation pour la
                                                   personne », se félicite Emmanuelle
                                                   Detry. « Mais aussi un enjeu nova-
                                                   teur dans le fait que l’équipe soit
                                                   inter-niveaux, en mixant les conseil-
                                                   lers de la FédéFoC (fondamental)
                                                   et de la FESeC (secondaire), ce qui
                                                   ne s’était pas encore pratiqué de la
                                                   sorte jusqu’ici. » ■

                                             ©DR

12   entrées libres | n°165 - janvier 2022
DOSSIER
Blues des directeurs
        PECA

                           Le champ de tous les possibles
Dès avant la mise en place du PECA ou depuis, les initiatives se sont bousculées dans nos écoles. Rappelons que,
pour cette première année, l’accent est spécialement mis sur les maternelles. Quelques exemples.

Les 5e et 6e primaires de la Petite école libre de Fraipont se sont appuyées sur        ont peint sur les murs de l’école des
le « théâtre forum » (interactif) pour se remémorer de manière bouleversante            « animaux endémiques » (renards,
les inondations qui ont fortement sinistré la région en juillet dernier. L’école        lapins, écureuils…) de leur environ-
elle-même était une des plus sinistrées de la vallée de la Vesdre. Dans la              nement.
zone de Verviers, les consortiums culturels ont décidé de donner la priorité
aux écoles sinistrées.                                                                  À l’école fondamentale Sainte-Fa-
                                                                                        mille à Escanaffles, avec des artistes,
Les maternelles de l’Institut de l’Enfant-Jésus de Nivelles ont créé leurs              les enfants de toutes les classes
propres œuvres au départ de celles d’artistes du musée Art et Marges qui, à             ont créé des instruments, suivi des
Bruxelles, abrite des œuvres d’artistes autodidactes, porteurs de handicaps             cours de chant et de musique, in-
mentaux ou placés en milieu psychiatrique.                                              venté leurs chansons lors d’ateliers
                                                                                        d’écriture, ont enregistré un CD et ont
Les 3e maternelles de l’école Saint-Joseph de Vyle-Tharoul ont exploré leur
                                                                                        préparé un récital pour les parents.
rapport à leur corporalité et aux autres par le biais de la « circo-motricité »
proposée par l’École du cirque de Marchin dans le projet « Trio C » (cirque,            Les classes de maternelle et de pri-
confiance, créativité).                                                                 maire de l’Institut Sainte-Ursule à
Dans le cadre du projet « Créa-lisons », les 3e maternelles de l’école Notre-           Namur vont partir à la découverte
Dame du Rosaire à Bertrix ont élu leur histoire préférée, Hiro, hiver et marsh-         des kamishibaïs, ces théâtres de
mallows, pour créer sur cette base leurs propres œuvres avec une artiste en             papier japonais. La compagnie
vue de les exposer.                                                                     théâtrale des Zygomars leur fera
                                                                                        découvrir le kamishibaï lors d’une
L’artiste Thomas Corbisier a utilisé la pâte à papiers comme outil sensoriel            représentation théâtrale. Ensuite,
pour travailler sur les émotions avec les enfants de maternelle de l’école              les institutrices leur feront découvrir
Notre-Dame du Wolvenberg à Uccle.                                                       des contes populaires qu’elles adap-
                                                                                        teront en kamishibaï. Les élèves
Un atelier slam a été organisé en 3e secondaire de l’Institut Saint-André de
                                                                                        concevront des décors au travers
Charleroi. Les élèves ont été initiés par un atelier au cours de français qui
                                                                                        d’ateliers d’illustration.
s’est poursuivi par la réflexion sur les bienfaits apportés (prise de parole en
public, développement de l’imaginaire, improvisation créative, …). Le rêve des          Les écoles fondamentales Saint-
élèves ? Participer à « une scène slam » en conditions réelles.                         Martin de Pecq et Sainte-Aldegonde
                                                                                        d’Hérinnes ont pour objectif de l’an-
Les enfants de maternelle des écoles Saint-Michel et Saint-Remacle à Ver-
                                                                                        née de rapprocher l’enfant du livre
viers ont, dans le cadre du projet « Au fil de la laine », remonté le passé indus-
                                                                                        et de promouvoir le plaisir de lire.
triel de la cité lainière et de la Vesdre pour comprendre d’où viennent laine,
tissus, fibres et vêtements.                                                            Par le biais de rencontres avec des
                                                                                        auteurs, des auteurs de BD, et une
Les élèves de l’école fondamentale Notre-Dame de La Providence d’Acoz ont               réorganisation des bibliothèques de
mené un projet alliant ruralité et modernité : avec un artiste de « street art », ils   classe. ■

                                                                                                  entrées libres | n°165 - janvier 2022   13
PECA

       ©DR

                        « On peut redonner le goût
             d’ apprendre à des élèves en décrochage scolaire »
     Depuis la rentrée, une équipe de 11 personnes est à pied d’œuvre sur le PECA au SeGEC. La plupart d’entre elles présentaient
     de sérieuses prédispositions : enseignants, ils pratiquaient déjà dans leur classe leur métier de passeurs de culture sous
     toutes ses formes.

     Référente culturelle pour le secondaire dans le Hainaut, Muriel          Ce qui frappe Muriel Carpentier, c’est l’impact pédagogique de
     Carpentier a été professeure d’histoire de l’art, d’histoire et de       ce genre d’initiative :
     géographie à l’Institut Sainte-Marie de Châtelet durant 15 ans.
                                                                                              « J’ai expérimenté l’effet de ce type d’activi-
                         « J’ai toujours essayé de trouver pour mes                           tés sur des élèves pas très scolarisés, voire
                         élèves des projets culturels et artistiques, lu-                     en rupture avec l’école et avec le monde. Des
                         diques. Ma priorité était effectivement que                          projets artistiques ou culturels leur donnent
                         l’élève ne reste pas assis sur le banc de l’école                    parfois une force nouvelle qui, sans exagérer,
                         à m’écouter. »                                                       leur permet de se réinscrire dans la dynamique
                                                                                              scolaire. Je pense à cet élève de 3e qui était
     Également référent culturel pour le diocèse de Tournai, mais                             en décrochage scolaire et ne pensait qu’à ses
     pour le fondamental, Hervé D’Halluin était instituteur primaire                          jeux vidéo. Un cours sur la mythologie gréco-ro-
     puis directeur du Centre scolaire libre de Celles-Mont-de-l’En-                          maine lui a redonné le goût d’apprendre quand
     clus. Auteur de romans fantastiques, passionné de littérature                            il a vu les ponts entre les deux univers, celui de
     jeunesse, actif dans le théâtre amateur, il avoue aujourd’hui                            la mythologie et celui des jeux. On a créé des
     vivre pleinement sa « passion » :                                                        activités sur cette thématique et il en est sor-
                         « Certes, j’étais directeur sans classe mais vu                      ti reboosté et est redevenu un bon élève. C’est
                         mes atomes crochus avec la culture, j’ai initié                      vraiment cela que j’ai envie de faire, et spéciale-
                         pas mal de projets dans mon école, liés par                          ment donner l’accès à la culture et à l’art à des
                         exemple à la rencontre des arts circassiens, à                       enfants qui n’y auraient pas accès. Cela les aide
                         la confection d’instruments de musique, à une                        à terme à s’épanouir et à se comprendre mu-
                         foire aux livres. J’avais envie de projets me                        tuellement. Pour créer des saynètes sur l’Anti-
                         permettant d’aller au fond de quelque chose,                         quité par exemple, on peut faire des recherches
                         ce qui n’est pas nécessairement le cas quand                         sur les habits, les coiffures, et donc aller voir
                         on est directeur, et qui, dans le cas du PECA,                       des costumières ou des coiffeurs de théâtre,
                         représente une vraie plus-value en résonance                         voir des statues antiques au musée, d’autres
                         avec les plans de pilotage des écoles. Nombre                        s’occuperont du son, des lumières. Chacun est
                         de projets ont trait à la lecture. On a déjà lancé                   responsable de son projet et tous sont moteurs
                         des projets de rénovation de bibliothèques sco-                      de la dynamique de classe. Au moment où
                                                                                              vous sortez de la classe, vous rendez les élèves
                         laires, d’ateliers d’écriture et de slam. »
                                                                                              plus attentifs et contribuez à raccrocher pro-
                                                                                              gressivement ceux qui s’éloignaient. C’est une
                                                                                              dynamique différente parce qu’ils vivent une ex-
                                                                                              périence dans leur corps. » ■

14      entrées libres | n°165 - janvier 2022
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