Quand la culture s'invite à l'école - DOSSIER PECA - Entrées Libres
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INTERVIEW Valérie Glatigny : « Éviter une génération Covid » DOSSIER PECA Quand la culture s’invite à l’école SIMON GRONOWSKI « Je dis toujours aux jeunes que la vie est belle » entrées libres n°165 - janvier 2022 - mensuel - ne paraît pas en juillet/août - bureau de dépôt : 1099 Bruxelles X - n° d’agréation : P302221
SOMMAIRE 3 20 ÉDITO CONFIDENCES Plan de relance : (s’)investir et adap- Jean-Yves Dans :« Mes étudiants me ter le modèle donnent de vraies leçons de vie » Interview 4 22 Valérie Glatigny L’ ACTU COULISSES L’école toujours en première ligne Joëlle Mathieu : « Cette école est 5 ma deuxième maison » CAS D’ÉCOLE 23 Apporter sa pierre à l’édifice et… la CHRONIQUE restaurer Le cours du tout Dossier 6 24 PECA INTERVIEW LIVRES Valérie Glatigny évoque pour nous les gros dossiers du moment • Simon Gronowski : « Je dis toujours aux jeunes que la vie est belle » 10 • Le parchemin des écoliers DOSSIER • Les enfants de la répression Mémoire d’école • Qui suis-je ? Léonie et ses questions PECA : la culture s’invite à l’école Institut Saint-Stanislas existentielles 16 26 entrées libres MÉMOIRE D’ÉCOLE Janvier 2022 / N°165 / 16e année SERVICES Périodique mensuel (sauf juillet et août) ISSN 1782-4346 Institut Saint-Stanislas, à Etterbeek entrées libres est la revue de l’Enseignement catholique en 18 28 Communautés francophone et germanophone de Belgique. www.entrees-libres.be redaction@entrees-libres.be HUMOUR Rédacteur en chef et éditeur responsable CAS D’ÉCOLE Christian Carpentier (02 256 70 30) avenue E. Mounier 100 - 1200 Bruxelles Intercours, la BD de Jacques Louis Secrétaire de rédaction À Namur, la yourte musicale allie Jean-François Lauwens Secrétariat et abonnements bien-être et pédagogie Laurence Dupuis 02 256 70 55 19 Création graphique PAF! Mise en page et illustrations À L’ÉTUDE Catherine Jouret Membres du comité de rédaction Charline Cariaux Frédéric Coché Parler bambin ? Pas si simple… Vinciane De Keyser Alain Desmons Luc De Wael Hélène Genevrois Brigitte Gerard Fabrice Glogowski Gengoux Gomez Pierre Henry Oleg Lebedev Anne Leblanc Marie-Noëlle Lovenfosse Luc Michiels Christophe Mouraux Anne-Marie Scohier Guy Selderslagh François Tollet Stéphane Vanoirbeck Publicité 02 256 70 30 Impression IPM Printing SA Ganshoren Les articles paraissent sous la responsabilité de leurs au- 2 entrées libres | n°165 - janvier 2022 teurs. Les titres, intertitres et chapeaux sont de la rédaction.
Édito Plan de relance : (s’)investir et adapter le modèle U n grand nombre de pouvoirs organisateurs et de directions d’écoles se sont mobilisés ces derniers mois pour préparer des projets de construction sco- laire dans le cadre du fameux « plan de relance ». Les enjeux sont considé- rables quand on sait les défis qui devront être relevés dans les années qui viennent, en particulier pour ce qui concerne la mise aux normes d’efficacité énergétique des bâtiments scolaires. Les objectifs sont connus et ont été établis par les Régions : la neutralité carbone pour 2035 en Wallonie et pour 2040 à Bruxelles. Les enjeux financiers sont aussi importants puisque le volet « bâtiments scolaires » du plan de relance représente un total de l’ordre de 269 millions d’euros de subven- tions pour l’enseignement obligatoire et l’enseignement supérieur non-universitaire. Dans le décret actuel, ce budget se répartit à concurrence de 41% pour le seul PO WBE (15% de la population scolaire), 34% pour l’enseignement officiel subventionné (35% de la population scolaire) et moins de 25% pour l’enseignement libre (50% de la population scolaire). À l’heure d’écrire ces lignes, l’enseignement libre aurait rentré des projets correspondant à une demande totale de subventions de près de 200 millions d’euros, alors que moins de 70 millions d’euros lui sont réservés dans la répartition de base établie par le décret. Le déséquilibre dans le traitement des différentes catégories de PO et des différents réseaux d’enseignement est flagrant et le principe d’égalité de traitement inscrit dans la Constitution est ouvertement malmené. Le décret impose par ailleurs aux seuls établissements de l’enseignement libre du fondamental et du secondaire l’obligation de transférer leur droit de propriété à une société patrimoniale (SPABSC) sous la forme d’un droit réel (bail emphytéotique), et ce pour tous les projets à partir de 383.000 euros, quelle que soit la valeur du bâtiment. On se rappellera que le Conseil d’État a lui-même exprimé ses réserves les plus strictes à l’égard de ce projet. Face à de tels déséquilibres, le SeGEC et l’UFAPEC, en lien étroit avec de nombreux PO et même de parents et d’enseignants, ont donc décidé de requérir l’arbitrage de la Cour constitutionnelle dont un premier arrêt en suspension devrait être rendu ces jours-ci. Un second arrêt, en annulation, sera ren- du ultérieurement. Ce recours ne vise évidemment pas à mettre à mal ce projet im- portant, mais à le rendre plus équitable et à le voir prendre en compte les nécessités de l’enseignement libre au même titre que celles de l’enseignement officiel. Il n’est certainement pas trop tard puisque le délai ultime pour la concrétisation des projets est fixé en 2026 et que les projets retenus pour participer à ce plan n’ont pas encore été sélectionnés. Enfin, il sera d’autant plus indispensable de voir ce décret corrigé sur ses aspects les plus contestables que le ministre Daerden prépare actuellement une réforme de grande ampleur de l’ensemble des dispositifs de financement des bâtiments sco- laires avec, à la clé, l’affectation en 10 ans d’un milliard d’euros supplémentaire (100 millions par an). L’arbitrage que rendra prochainement la Cour constitutionnelle fera donc jurisprudence et sera déterminant pour les équilibres qui s’établiront à plus long terme dans une législation en pleine évolution.■ Étienne MICHEL Directeur général du SeGEC Le 11 janvier 2022 entrées libres | n°165 - janvier 2022 3
L’ACTU L’école toujours en première ligne CHRISTIAN CARPENTIER Les écoles ont pu rouvrir leurs portes en présentiel complet à la rentrée du 10 janvier, avec des règles différentes de celles imposées au reste de la société. Et surtout des directions chargées, une fois encore, de gérer la difficulté du boom des contaminations qui est apparu juste après les fêtes, tant parmi les enseignants que parmi les élèves. Tout cela avec des règles de quarantaine allégées pour les plus jeunes. Les prévisionnistes avaient vu juste : Cette vaccination, elle est déjà largement d’actualité au niveau du secondaire. Rai- Omicron a commencé à déployer ses son pour laquelle les mêmes ministres de la Santé et de l’Enseignement ont décidé effets au lendemain des fêtes, avec des d’y moduler les règles à respecter en cas de contact à haut risque des élèves en taux de contamination battant tous les fonction de leur statut vaccinal. Quant au supérieur, la session de janvier y aura été records. Sans réelle surprise, le Codeco perturbée, mais avec une possibilité de report d’examens pour les élèves malades. du 6 janvier a donc largement maintenu Dans l’entretien qu’elle nous accorde (lire en page 6), la ministre Glatigny se veut les règles restreignant les contacts so- très humble par rapport à cette crise sanitaire, témoignant notamment de sa volon- ciaux, pour tenter de contrer au mieux té de ne pas créer de « génération Covid » dont les diplômes seraient par la suite cette désormais cinquième vague. Sauf dévalorisés. pour les écoles. Car, contrairement aux Gérer la rentrée scolaire dans ces conditions a de nouveau relevé du casse-tête entreprises chargées de maintenir 4 pour les directions. Comment s’assurer que les élèves ont bien été testés chaque jours de télétravail obligatoire par se- semaine, malgré un coût non négligeable pour les familles ? Comment s’assurer que maine, les établissements scolaires ont seuls les « contacts à haut risque asymptomatiques hors foyer » sont bien présents pu, eux, reprendre les cours en présen- dans les classes ? Comment distinguer ceux qui sont vaccinés de ceux qui ne le tiel complet à la fin des vacances de sont pas en secondaire, alors qu’il est interdit d’interroger un élève à ce propos ? Et Noël. La priorité aux apprentissages et comment jongler avec les absences d’enseignants afin de pénaliser le moins pos- la crainte de retards impossibles à rat- sible les élèves ? traper dans ceux-ci a donc continué à être le leitmotiv, partout sur le territoire. À l’évidence, le poids de la gestion de la crise Covid s’est de nouveau alourdi, pour celles et ceux qui font fonctionner les écoles. Et la seconde partie de l’année sco- Mieux : les règles de mise en quarantaine laire s’annonce tout sauf un long fleuve tranquille au sein des établissements qui ont été assouplies en maternelle et en continuent plus que jamais à se retrouver en première ligne… ■ primaire, parfois de façon assez consé- quente, par une décision conjointe des ministres de la Santé et de l’Enseigne- ment. L’obligation de fermer une classe y est repassée à la détection de 4 cas, au lieu de 2. La mise en quarantaine qui en découle a été réduite de 7 à 5 jours. Et une autorisation y a été donnée aux élèves mis en quarantaine pour cause de contact à haut risque en dehors de l’établissement (mais hors foyer) de fré- quenter tout de même l’école s’ils sont asymptomatiques. Tout cela assorti d’une nouvelle recommandation de ventilation maximale des classes, et de demander aux parents de tester leurs enfants une fois par semaine. Dans l’es- poir que l’ouverture à la vaccination des moins de douze ans puisse, ici aussi, rapidement avoir de l’effet. 4 entrées libres | n°165 - janvier 2022
CAS D’ÉCOLE ©DR Apporter sa pierre à l’édifice et… la restaurer JEAN-FRANÇOIS LAUWENS Depuis 50 ans, et sans doute pour en- transformation, rénovation et restauration du bâtiment ont mis leurs pas dans ceux core au moins 50 ans, des bénévoles des bâtisseurs qui, durant des siècles, ont construit ou reconstruit des pans du châ- restaurent les ruines du château-fort teau-fort. Professeur de maçonnerie dans le technique et le professionnel à Don millénaire de Franchimont. Désor- Bosco, Laurent Rosa est le maître d’œuvre des travaux. « J’ai repris la 7e profes- mais, ils reçoivent le soutien des fu- sionnelle en septembre. Jusque-là, j’avais l’habitude de travailler sur site à l’abbaye turs diplômés en maçonnerie du Col- de La Paix-Dieu à Amay qui dispose d’un centre de formation dans les métiers du lège Don Bosco de Verviers dont le patrimoine », explique-t-il. « Nous restaurions des tombes par exemple. Nous avons travail s’inscrit dans la grande histoire. aussi repavé les rues pittoresques du centre de Limbourg. Mon prédécesseur au col- E lège, Philippe Detrembleur, retraité actif et unique maçon au sein des Compagnons de n surplomb de Theux, le château Franchimont, m’a appelé en me demandant si, plutôt que pour trois semaines à Huy, de Franchimont dresse sa dure je n’emmènerais pas mes élèves sur le chantier du château. Il y en a encore pour 100 silhouette depuis un millénaire. ans de travail ! Mais cela leur donne une fierté immense de savoir que ce qu’ils ont fait Construit au XIe siècle comme forte- sera gravé dans l’Histoire et visible par des générations de visiteurs. » resse pour les évêques régnant sur la Principauté de Liège, le château a Casemate Don Bosco abrité quelques personnages célèbres. Comme Alexandre Farnèse, Pierre le Cela fait 4 ans que les élèves de Don Bosco travaillent régulièrement sur le site. Grand ou Walter Scott qui y écrit et y Lequel s’enorgueillit désormais d’avoir une casemate au nom du collège verviétois. plante le décor de Quentin Durward en Ce n’était plus qu’un tas de pierres. Au fil du temps s’est imposée l’idée de la recons- lien avec l’assaut des Six Cents Fran- truire, son pourtour devrait être rénové d’ici 2 ans. Pour Laurent Rosa, l’avantage de chimontois contre Charles le Téméraire. ce stage tient aussi dans la diversification du métier. « Il faut être honnête : de la 3e à Démoli ensuite par Louis XI puis vendu la 6e, les élèves apprennent à être des maçons « traditionnels », ce qui est finalement par Napoléon comme carrière, le châ- une tâche assez répétitive voire mécanique. Ici, on fait du moellonage, ce que l’on teau de Franchimont n’a cessé de su- appelle de la maçonnerie « à la pierre », ce qui n’a rien à voir avec le travail avec des bir les offenses de l’Histoire. Propriété briques et des blocs. On a des pierres irrégulières. On peut construire 36 fois un mur, de la ville de Theux depuis 1959, il est il sera 36 fois différent, au contraire d’un mur de briques. Il y a donc une dimension confié depuis 1967 aux Compagnons créative : pour moi, c’est artistique. » de Franchimont qui en assurent les Et la découverte de cette facette particulière sur le site médiéval de Franchimont fouilles et les restaurations. crée des vocations. « Nos élèves s’installent en général comme indépendants. Grâce C’est dans cette histoire millénaire que au stage, l’un d’entre eux a décidé de se spécialiser dans la pierre du pays. Il y a beau- s’inscrivent les élèves de 7e profession- coup de carrières dans cette région et, même si c’est un budget plus important (un nelle du Collège Don Bosco à Verviers. homme peut maçonner 8 à 10 m2 de briques par jour mais maximum 3 m2 de pierres), Durant trois semaines, les 8 élèves en on travaille beaucoup avec ce matériau dans notre région. » ■ entrées libres | n°165 - janvier 2022 5
INTERVIEW ©DR Valérie Glatigny : « Éviter une génération Covid » CHRISTIAN CARPENTIER Covid, refinancement, décret Paysage, Quelle est votre grande priorité d’ici la fin de la législature ? formation initiale des enseignants, « Gérer la situation sanitaire pour continuer à assurer du présentiel et diplômer nos folklore… Dans l’entretien qu’elle ac- étudiants dans les meilleures conditions possibles. C’est une obsession par rapport corde à Entrées Libres, la ministre Va- à cette situation qui s’est imposée à nous. À cela s’ajoutent l’atterrissage du décret lérie Glatigny (MR), en charge notam- paysage et la mise en place de la réforme de la formation initiale des enseignants. On travaille aussi sur l’orientation des étudiants. » ment du Supérieur et de la Promotion sociale au sein du gouvernement de la Sous quel angle ? Communauté française, n’élude aucun « Beaucoup n’ont pas connaissance de toute l’offre qui existe dans le supérieur. Le des dossiers chauds du moment… taux d’échec important en 1ère année m’inquiète. On doit travailler sur l’information qu’ils peuvent avoir sur ce qui existe, y compris les formations techniques ou celles menant vers des métiers en pénurie, mais aussi la détection de lacunes et la façon d’y remédier. On a prévu un refinancement massif : 50 millions chaque année, 80 millions d’ici 2024, dont 6 millions par an pour renforcer les aides à la réussite. » Le supérieur a souvent dû se réorganiser par rapport au Covid. Cela laissera-t-il des traces positives ? « Au moins deux. Un : la grande capacité d’adaptation des étudiants. Et deux : une belle adaptation de certains cours, mélangeant présentations en visio, vidéos, tchats de questions... On a réalisé un bond de dix ans. La crise nous a appris l’importance du présentiel, pour la qualité de la relation pédagogique. Mais prenez la promotion so- ciale : on y a beaucoup d’adultes qui ont des enfants, qui doivent pouvoir se connecter après la journée de travail ou après des moments de vie familiale. Pour eux, avoir un programme en ligne peut être extrêmement intéressant. Cela ne remplacera jamais l’enseignement en présentiel. Mais beaucoup de fantasmes sont aussi tombés. On voulait éviter d’avoir une génération Covid, ça nous y a aidés. » C’est-à-dire ? « Des employeurs regardant un CV en se disant que tel candidat n’a pas été diplômé correctement, n’a pas eu le même cursus que d’autres années. Et on y est arrivé. On a eu beaucoup de pression pour créer un processus de réussite automatique. On a tenu bon et on a eu raison, dans l’intérêt des étudiants. » ■ 6 entrées libres | n°165 - janvier 2022
RUBRIQUE INTERVIEW Une conférence sur le folklore L’année a été marquée par des polémiques sur les baptêmes, avec même récemment un décès. Faut-il mieux réglementer le folklore ? « Perdre la vie à 19 ans, c’est une tragédie. Il y a une prise de conscience généralisée qu’il y a un problème, avec une répétition d’incidents chaque année. Une charte encadre les activités, notamment en matière d’alcool. J’ai deman- dé à l’ARES de la réévaluer, et d’y intégrer la lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles. Mais ne soyons pas hypocrites : le décès dont vous parlez Aides à la réussite : s’est passé après le baptême. C’est dans ce cadre que je voudrais organiser une conférence. » un plan stratégique Dans quel but ? Comment faire pour que les aides « Avec l’aide de l’ARES, je voudrais réunir tout le monde : responsables des à la réussite aillent aux étudiants établissements, des cercles, bourgmestres, experts psycho-sociaux… Des qui en ont le plus besoin, alors que alcoologues, aussi. J’en ai rencontré un m’expliquant que le cerveau d’un c’est souvent plutôt l’inverse ? jeune est mature vers 23-24 ans. L’impact sur un cerveau en formation d’une « Cela m’a effectivement vraiment consommation abusive d’alcool avec des black-out à répétition peut amener des frappée quand je suis devenue mi- conséquences irréversibles, en termes de concentration, de mémorisation. » nistre. J’ai visité beaucoup de beaux Est-ce un problème seulement lié aux jeunes ? projets, mais en constatant qu’on n’y trouvait pas toujours les étudiants « Non, il ne faut pas non plus être hypocrite là-dessus : la consommation d’alcool visés par les aides. Notre objectif, est un problème répandu dans la société. Cela n’a pas de sens de ne cibler que c’est de demander aux établisse- les étudiants. On vit dans un pays où le championnat de foot s’appelle la « Jupiler ments d’établir un plan stratégique Pro League »… Réfléchissions tous ensemble aux messages que nous envoyons au début de l’année : qui vont-ils ci- à nos jeunes et aux actions à mener. » bler, comment ? » Vous avez fait votre baptême ? Et après ? « Oui, je m’y suis beaucoup amusée. C’était un vrai outil d’insertion. Je m’y suis « On fera une analyse qui devra être fait des amis. Je me rappelle de choses ludiques, de descentes en kayak, d’un remise à l’ARES qui en tirera les marathon de ventes de nourriture marchoise – le matoufet – qui nous a aidés enseignements. On verra si on tire à vaincre notre timidité en allant vers les autres. J’ai eu beaucoup de chance de juste ou s’il faut ajuster la stratégie. pouvoir le vivre comme ça et je sais que ce n’est pas toujours le cas, qu’il s’y Dans le décret paysage, il est aussi passe des comportements parfois nettement moins positifs. Le côté folklorique prévu qu’un étudiant réussissant ne doit pas servir de prétexte à des comportements portant atteinte à l’intégrité moins de 30 crédits devra suivre des des personnes. Cela doit rester un moment d’initiation, d’intégration. Cela peut activités d’aide à la réussite. » être joyeux. » ■ Est-on assez bien orienté vers le ©DR supérieur en fin de secondaire ? « La clé de la réussite est effective- ment l’articulation entre l’obligatoire et le supérieur. On va travailler sur une information la plus exhaustive sur l’offre qui existe, qui souffre souvent de méconnaissance. Mais tout le monde n’a pas non plus tou- jours appris à apprendre en fin de secondaire. La DPC (Déclaration de politique communautaire) prévoit un test d’orientation volontaire non contraignant – qui n’empêchera pas l’inscription - pour permettre à l’étu- diant de s’auto-évaluer, de détecter ses lacunes, en pouvant alors faire appel aux aides à la réussite. » ■ entrées libres | n°165 - janvier 2022 7
INTERVIEW « Trop de flexibilité était « Réussir son entrée dans le métier » un cadeau empoisonné » L’autre grosse réforme menée par Valé- métier en bénéficiant de l’expérience Une des grosses réformes menées rie Glatigny est celle de la formation ini- d’un plus âgé. On a 25% d’enseignants par Valérie Glatigny est celle du décret tiale des enseignants, évoquée depuis qui quittent la profession au début de Paysage. Avec pour philosophie la réus- 30 ans ! Passage des études de 3 à 4 leur parcours. On n’arrive pas à les ac- site pour tous ? « Diplômer plus et plus ans et codiplomation en sont les élé- crocher. » vite, en luttant contre l’allongement des ments les plus visibles. Dans quel but ? études », corrige la ministre. « J’ai été L’entrée en vigueur en 2022 de cette « On met beaucoup mieux en évidence frappée par les courriers reçus dès le réforme est-elle certaine ? la participation d’un enseignant à une début de mon mandat : des étudiants – logique de groupe. Le stage de longue « On analyse en ce moment les retours et leurs parents – ne savaient plus s’ils durée en dernière année sera, je l’espère, qui nous reviennent du terrain avant de étaient sur une trajectoire de réussite un des grands acquis de ce que nous décider. J’entends notamment la fatigue ou d’échec, ni même en quelle année ils allons mettre en place. » du personnel. On est à l’écoute. Je fais étaient ! Certains reportaient des cré- le pari que c’est possible en 2022 mais dits manquants d’une année à l’autre, Dans quel objectif ? je ne suis pas sourde et aveugle quant finissant par avoir un sac à dos de cré- aux difficultés que j’entends. Je ne veux dits trop lourd à porter. Ils traînaient « Permettre au futur enseignant une certainement pas passer en force, mais des casseroles de bachelier alors qu’ils entrée dans le métier progressive, il faut aussi donner un signal par rapport étaient en master. À un moment, ils se encadrée, accompagnée. On sort de la à cette réforme attendue depuis 30 ans, découvrent non finançables et la porte logique solitaire d’un étudiant qui fait son même si la crise sanitaire ne facilite pas du supérieur se referme. » agrégation un peu seul, puis se retrouve les choses. » ■ devant une classe en n’y étant pas assez Ce décret voulait pourtant justement préparé. Un stage de longue durée dans NB : postérieurement à la réalisation de laisser l’étudiant gérer son parcours… un établissement lui permettra je l’espère cette interview, le gouvernement a déci- « Trop de flexibilité était un cadeau em- de participer à toute la vie de l’école, de dé de reporter l’entrée en vigueur de la poisonné. Il fallait remettre des balises, s’y ancrer, à réussir son entrée dans le réforme à septembre 2023 corriger les effets pervers tout en gardant la notion de crédit qui permet la com- paraison au niveau européen. Rappeler « Valoriser l’expérience personnelle » qu’on doit d’abord surmonter la difficulté du départ. C’est le message envoyé en La promotion sociale représente l’amélioration des dispositifs de rappelant l’importance de la réussite des 150.000 étudiants dans 152 éta- valorisation des acquis pour mieux 60 premiers crédits de la première année blissements mais souffre encore valoriser l’expérience personnelle pour pouvoir ensuite progresser. » d’un déficit de notoriété. Besoin et raccourcir les parcours de d’une évolution ? « Je suis vraiment formation permettant d’accéder à la Et si ce n’est pas le cas ? contente d’aborder ce thème. On en certification. » parle trop peu, malgré un nombre « S’il a réussi moins de 30 crédits, il doit En pratique ? incalculable de formations. On a suivre des activités d’aide à la réussite. souhaité mettre en lumière les 30 ans « Je me souviens d’une visite de L’idée, c’est : détectons rapidement les de la promotion sociale, expliquer terrain dans un grand hôtel qui difficultés et les lacunes et offrons les l’offre qui existe. On a aussi souhaité licenciait des travailleurs. Une possibilités d’y remédier. Autre mesure : revaloriser le personnel avec une antenne de la promotion sociale on a 5 ans pour faire un bachelier, mais prime informatique de 100 euros était allée sur place certifier des 6 ans en cas de réorientation, une année par an, ce qui doit aider aussi les compétences particulières. S’ils joker pour rester finançable afin d’inciter pratiques à se numériser. Le terrain doivent suivre une formation, alors à décrocher son bachelier. » nous remonte aussi une nécessité qu’ils ont 45 ans avec des enfants Que répondez-vous à ceux qui esti- d’accompagner une hybridation des à la maison, ils auront du mal à y ment que la réussite pour tous dévalo- cours. » arriver. Donc, on reconnaissait les rise les diplômes ? gestes techniques pour les aider Cela demandera des moyens… à rapidement retrouver un emploi. « Que la démocratisation du supérieur « Un groupe de travail a été mandaté Je repense à cette dame qui gérait est une excellente chose. Tout le monde pour voir quelles sont les balises un étage au niveau des femmes de ne doit pas faire l’université. Mais tout pédagogiques à mettre, fixer les chambre. C’est un vrai savoir-faire le monde doit y avoir accès. L’important, standards de qualité. On pense acquis qu’il fallait reconnaître pour c’est que tout le monde sorte de l’ensei- mettre en œuvre ce dispositif lui permettre de retravailler dans un gnement avec une compétence certifiée, au plus tard pour la rentrée autre hôtel sans devoir suivre une quelque chose à faire valoir en termes de 2023. Un autre enjeu est celui de formation. » ■ développement personnel et d’insertion socio-professionnelle. » ■ 8 entrées libres | n°165 - janvier 2022
INTERVIEW « Élargir le gel du minerval » « Un enseignement Les hautes écoles reçoivent 7 millions d’euros supplémentaires dès cette année. moins pilarisé » Pour les universités, ce sera 13 millions. Pourquoi cette différence ? Dans 20 ans, quel devra être le visage « C’est un équilibre global. Il y a le refinancement, le plan de relance, les bâtiments de l’enseignement supérieur, selon scolaires… En 2022, on aura 30 millions supplémentaires : 20 pour les allocations vous ? globales des établissements, 4 pour la recherche et 6 pour des projets comme l’orien- « Un : que certaines filières techniques tation ou la mobilité étudiante… On a tenu compte de clés permettant de viser juste aient été revalorisées, qu’il n’y ait plus par rapport aux hautes écoles, universités, ESA… Ces moyens iront crescendo. Avec de filières de relégation. Et deux : avoir les montants déjà alloués on passera de 50 millions en 2022, à 70 millions en 2023 davantage de liens entre l’enseignement et à 80 millions en 2024. Ce sera la même philosophie pour la recherche, dont on a et le monde du travail, en s’ouvrant parfois redécouvert tout l’intérêt avec le Covid. » encore plus à la réalité de l’Europe. En juillet dernier, la Cour constitutionnelle jugeait discriminatoire la différence Mais mon rêve absolu, c’est celui d’un de financement d’une ESA du libre par rapport à l’officiel. D’autres recours iden- enseignement supérieur moins pilarisé. tiques sont pendants. Comprenez-vous la position de la Cour ? Qu’on puisse codiplômer nos étudiants, cesser cette logique de concurrence « Qu’on la comprenne ou pas, l’arrêt est là et nous devons trouver une solution. On entre établissements où tout le monde souhaite vraiment mettre fin à ce litige qui date de plusieurs années et résoudre le essaie de dupliquer partout les mêmes problème pour l’avenir. Lors du dernier conclave budgétaire, on l’a anticipé avec un formations. Il y en a énormément sur un budget spécifique de 2,5 millions pour revoir le mécanisme de financement. On es- petit territoire. Cela aurait du sens que père aussi élargir le gel du minerval aux cursus qui sont donnés dans les ESA sans les établissements se spécialisent. » conséquence négative pour celles-ci. Ce sont souvent les ESA définancées qui récla- ment des frais plus importants à leurs étudiants, ce qui est logique. » ■ Dans le cadre d’un réseau unique ? « Je ne dirais pas ça, mais je ne suis pas certaine que le refinancement doive être utilisé pour multiplier à l’infini des formations qui peuvent être suivies 25, 30 ou 50 km plus loin. Je voudrais que ©DR le refinancement serve aussi à rationali- ser les petites filières et à en développer La philo comme boussole d’autres pour qu’elles rayonnent davan- tage. Dans le contexte actuel d’enve- Elle était une des surprises du casting du gouvernement de la Communau- loppes fermées, il y a une concurrence, té française. Deux ans et demi plus tard, on en connaît encore assez peu une forme de chasse à l’étudiant, je le sur cette Marchoise de 48 ans, ancienne fonctionnaire européenne réputée comprends. L’objectif du refinancement brillante qui a grandi dans le sillage de Louis Michel et, plus brièvement, de est aussi de soulager cela. » ■ Guy Verhofstadt. « Jamais je n’avais pensé devenir ministre », reconnaît-elle dans un sourire. « J’ai travaillé quinze ans à la Commission et au Parlement. J’étais assez frustrée d’un certain immobilisme, à cause de décisions à prendre à l’unanimité. Je me suis inscrite comme 1ère suppléante sur la liste MR à l’Europe dans l’espoir de dire en mon nom ce que je voyais, de ces enjeux importants dont on parle trop peu. Quand on m’a dit ministre et ensei- gnement supérieur, j’ai tout de suite dit oui. Je voyais ce que je voulais faire. » Niveau parcours, celle qui concède « n’avoir jamais trop accroché avec les maths » a d’abord entamé des études en germanique, avant de rapidement bifurquer vers la philo. Une licence doublée d’un diplôme complémentaire en éthique biomédicale qui lui ont beaucoup servi, ces derniers mois. « J’ai toujours été hantée par la question du sens : pourquoi est-ce comme cela et pas autrement ? Un prof m’a particulièrement marquée : Pierre-Philippe Druet, qui nous enseignait la philosophie pratique. Un de ses enseignements ne m’a jamais quittée : la faculté de douter, d’accepter d’apparaître comme ne sachant pas. Kant disait que l’intelligence d’une société se mesure au nombre d’incertitudes qu’on est capable d’accepter. Dans cette crise, tous ceux qui ont dit « je sais » ou ont porté des jugements définitifs sur ce qu’il fallait faire ont très vite été inaudibles. La philo m’a appris à me poser des questions, à questionner les certitudes, le prêt-à-penser, le raccourci, le pré- jugé, à ne pas m’arrêter à la première évidence venue. » ■ ©DR entrées libres | n°165 - janvier 2022 9
©DR Le PECA veut pousser les cloisons entre culture et école JEAN-FRANÇOIS LAUWENS P Qu’est-ce qui se cache sous l’acro- lacer la culture au cœur de l’école. C’est le noble objectif poursuivi par le Par- nyme PECA ? Le Parcours d’éducation cours d’éducation culturelle et artistique de la Fédération Wallonie-Bruxelles. culturelle et artistique. Sur les rails de- Art, culture : des mots parfois surinvestis qui peuvent sembler intimidants. puis cette année, il fait montre d’une Placer la culture au cœur de l’école, c’est donner une dimension culturelle aux sa- ambition gigantesque : rapprocher les voirs travaillés à l’école. Et ouvrir la porte au champ des possibles, à la perspective mondes de la culture et de l’enseigne- de sortir la culture de cloisons conventionnelles, pour se l’approprier dans son quo- ment mais, surtout, mettre chaque tidien. Autour d’une vision en trois temps : connaître, rencontrer, pratiquer. élève, de la maternelle à la fin du se- Mais rembobinons deux minutes avec Emmanuelle Detry, coordinatrice PECA au condaire, au contact des artistes et SeGEC, pour revenir aux origines de la chose : « C’est un dispositif prévu par le Pacte des opérateurs culturels. Une ouver- d’excellence dans l’idée d’intégrer mieux la culture au parcours scolaire dans tous les ture vers tous les possibles. niveaux, de l’entrée en maternelle à la sortie du secondaire. La réflexion va depuis le début de pair avec celle du Pacte, lancé en 2015. Ce qui était sans doute facilité par le fait qu’à l’époque Joëlle Milquet (CDH) était à la fois ministre de l’Éducation et de la Culture : on a procédé de la même façon des deux côtés, avec des groupes de travail thématiques d’où ressortaient des propositions d’objectifs et d’actions à mener. Au bout du compte, il a été décidé de calquer les choses sur le modèle de la France, qui a son… PEAC ! Le dispositif fait partie des divers changements amenés par le Pacte 10 entrées libres | n°165 - janvier 2022
RUBRIQUE DOSSIER PECA mais il permet aussi d’en articuler cer- budgets permettant aux réseaux d’en- pour le reste, nos mails et nos courriers tains autres (le contrat d’objectifs, le nu- seignement d’engager des référents aux autres écoles n’aboutissaient pas à mérique, le travail collaboratif…) autour culturels, la Communauté française grand-chose. » d’un projet PECA. » garantit aux consortiums un montant de 100.000 euros annuels durant 3 ans Diversité et décloisonnement Il s’agit donc d’un dispositif mixte entre (minimum 51% alloués aux projets). les deux départements de la Culture et Pour Emmanuelle Detry, les enjeux Avec deux priorités pour cette année de l’Éducation. Côté écoles, la Commu- pédagogiques sont nombreux. Elle de mise en place : les maternelles nauté française a dégagé du budget énumère : « Permettre à tout enfant de car elles sont le premier pas du tronc pour l’engagement de pousser les portes de lieux culturels commun, et les zones référents culturels dans Un abord plus ludique est et d’expérimenter les formes d’expres- prioritaires (« zones chaque réseau. Au Se- inhérent à certains projets, sion artistiques, de pouvoir mettre les blanches », ayant peu GEC, c’est ainsi une parce que d’autres res- choses en perspective par une approche ou pas de contact avec équipe de 11 personnes, sources des enfants/élèves culturelle réflexive sur diverses théma- des opérateurs cultu- des référents culturels sont valorisées. tiques. Mais aussi décloisonner : entre rels proches). qui ont déjà un bagage le monde de l‘école et celui de la culture, de cette nature à l’école ou dans une « Actuellement, on travaille un peu par entre les matières et les modes d’ex- académie, qui vont aider les écoles à essai-erreur. La consigne de la FWB pression, « hors les murs » de la classe mettre ces parcours en lien avec les est qu’il s’agit d’un projet expérimental. et de l’école. Cela permet d’ouvrir de nou- opérateurs. C’est un luxe rare, on peut se tromper velles portes pour les apprentissages : puisqu’on part d’une page blanche. Il y certaines notions vont être abordées Consortiums par zone a une volonté énorme d’aller de l’avant », autrement, des déclics pourront avoir De l’autre côté de la « barrière », les dit Bruno Hilgers, responsable du sec- lieu parce que l’apprentissage passe par opérateurs culturels se sont consti- teur éducatif de PointCulture (l’ex-Mé- le corps, le sensible, parce qu’un abord tués (avec un an d’avance sur le monde diathèque). Il assume le rôle de référent plus ludique est inhérent à certains pro- scolaire, retardé par le Covid) en scolaire pour les opérateurs culturels jets, parce que d’autres ressources des consortiums. Ils sont essentiellement de la province de Namur : « De notre enfants/élèves sont valorisées. Enfin, la composés des centres culturels, des point de vue, ce qui est formidable avec pédagogie du projet est à l’honneur, avec bibliothèques publiques, des musées ce système, c’est d’ores et déjà d’avoir ce qu’elle implique de collectif, de ges- et des Jeunesses musicales. Le rôle des référents au sein de chaque réseau tion de processus, et l’éducation au choix de référent est généralement dévolu et, à terme, un interlocuteur spécifique chère à notre réseau est au premier plan aux centres culturels (Verviers, Huy, (« enseignant relais ») au sein de chaque également dans les démarches activées Charleroi, Mons, Brabant wallon) ou aux école. On a donc de part et d’autre, des par ces projets. » agences d’action culturelle (Bruxelles, gens qui connaissent bien leur terrain et Liège, Wallonie picarde), parfois à leur région, on se comprend. Jusqu’ici, Vous lirez dans ce dossier un petit aper- des opérateurs autres (PointCulture à force est de constater que l’on travaillait çu de quelques-uns des projets en ges- Namur, Jeunesses musicales dans le tous avec notre petit réseau, toujours un tation ou déjà lancés : on a hâte de les Luxembourg). Comme elle a dégagé les peu les mêmes profs très actifs.Mais, voir ! ■ ©DR entrées libres | n°165 - janvier 2022 11
PECA ©DR Une priorité de la « Mission de l’école chrétienne » Le PECA est lancé alors que vient de sortir de presse la version ré- actualisée de Mission de l’école chrétienne. Laquelle prévoit par exemple de « développer la sensibi- lité des élèves en assurant le contact avec des œuvres artistiques, des textes littéraires, etc. » « Il y a, c’est vrai, une adéquation forte avec la section du texte relative à l’édu- cation par la culture, ainsi qu’avec l’éveil à la sensibilité esthétique cité dans la section éducation pour la personne », se félicite Emmanuelle Detry. « Mais aussi un enjeu nova- teur dans le fait que l’équipe soit inter-niveaux, en mixant les conseil- lers de la FédéFoC (fondamental) et de la FESeC (secondaire), ce qui ne s’était pas encore pratiqué de la sorte jusqu’ici. » ■ ©DR 12 entrées libres | n°165 - janvier 2022
DOSSIER Blues des directeurs PECA Le champ de tous les possibles Dès avant la mise en place du PECA ou depuis, les initiatives se sont bousculées dans nos écoles. Rappelons que, pour cette première année, l’accent est spécialement mis sur les maternelles. Quelques exemples. Les 5e et 6e primaires de la Petite école libre de Fraipont se sont appuyées sur ont peint sur les murs de l’école des le « théâtre forum » (interactif) pour se remémorer de manière bouleversante « animaux endémiques » (renards, les inondations qui ont fortement sinistré la région en juillet dernier. L’école lapins, écureuils…) de leur environ- elle-même était une des plus sinistrées de la vallée de la Vesdre. Dans la nement. zone de Verviers, les consortiums culturels ont décidé de donner la priorité aux écoles sinistrées. À l’école fondamentale Sainte-Fa- mille à Escanaffles, avec des artistes, Les maternelles de l’Institut de l’Enfant-Jésus de Nivelles ont créé leurs les enfants de toutes les classes propres œuvres au départ de celles d’artistes du musée Art et Marges qui, à ont créé des instruments, suivi des Bruxelles, abrite des œuvres d’artistes autodidactes, porteurs de handicaps cours de chant et de musique, in- mentaux ou placés en milieu psychiatrique. venté leurs chansons lors d’ateliers d’écriture, ont enregistré un CD et ont Les 3e maternelles de l’école Saint-Joseph de Vyle-Tharoul ont exploré leur préparé un récital pour les parents. rapport à leur corporalité et aux autres par le biais de la « circo-motricité » proposée par l’École du cirque de Marchin dans le projet « Trio C » (cirque, Les classes de maternelle et de pri- confiance, créativité). maire de l’Institut Sainte-Ursule à Dans le cadre du projet « Créa-lisons », les 3e maternelles de l’école Notre- Namur vont partir à la découverte Dame du Rosaire à Bertrix ont élu leur histoire préférée, Hiro, hiver et marsh- des kamishibaïs, ces théâtres de mallows, pour créer sur cette base leurs propres œuvres avec une artiste en papier japonais. La compagnie vue de les exposer. théâtrale des Zygomars leur fera découvrir le kamishibaï lors d’une L’artiste Thomas Corbisier a utilisé la pâte à papiers comme outil sensoriel représentation théâtrale. Ensuite, pour travailler sur les émotions avec les enfants de maternelle de l’école les institutrices leur feront découvrir Notre-Dame du Wolvenberg à Uccle. des contes populaires qu’elles adap- teront en kamishibaï. Les élèves Un atelier slam a été organisé en 3e secondaire de l’Institut Saint-André de concevront des décors au travers Charleroi. Les élèves ont été initiés par un atelier au cours de français qui d’ateliers d’illustration. s’est poursuivi par la réflexion sur les bienfaits apportés (prise de parole en public, développement de l’imaginaire, improvisation créative, …). Le rêve des Les écoles fondamentales Saint- élèves ? Participer à « une scène slam » en conditions réelles. Martin de Pecq et Sainte-Aldegonde d’Hérinnes ont pour objectif de l’an- Les enfants de maternelle des écoles Saint-Michel et Saint-Remacle à Ver- née de rapprocher l’enfant du livre viers ont, dans le cadre du projet « Au fil de la laine », remonté le passé indus- et de promouvoir le plaisir de lire. triel de la cité lainière et de la Vesdre pour comprendre d’où viennent laine, tissus, fibres et vêtements. Par le biais de rencontres avec des auteurs, des auteurs de BD, et une Les élèves de l’école fondamentale Notre-Dame de La Providence d’Acoz ont réorganisation des bibliothèques de mené un projet alliant ruralité et modernité : avec un artiste de « street art », ils classe. ■ entrées libres | n°165 - janvier 2022 13
PECA ©DR « On peut redonner le goût d’ apprendre à des élèves en décrochage scolaire » Depuis la rentrée, une équipe de 11 personnes est à pied d’œuvre sur le PECA au SeGEC. La plupart d’entre elles présentaient de sérieuses prédispositions : enseignants, ils pratiquaient déjà dans leur classe leur métier de passeurs de culture sous toutes ses formes. Référente culturelle pour le secondaire dans le Hainaut, Muriel Ce qui frappe Muriel Carpentier, c’est l’impact pédagogique de Carpentier a été professeure d’histoire de l’art, d’histoire et de ce genre d’initiative : géographie à l’Institut Sainte-Marie de Châtelet durant 15 ans. « J’ai expérimenté l’effet de ce type d’activi- « J’ai toujours essayé de trouver pour mes tés sur des élèves pas très scolarisés, voire élèves des projets culturels et artistiques, lu- en rupture avec l’école et avec le monde. Des diques. Ma priorité était effectivement que projets artistiques ou culturels leur donnent l’élève ne reste pas assis sur le banc de l’école parfois une force nouvelle qui, sans exagérer, à m’écouter. » leur permet de se réinscrire dans la dynamique scolaire. Je pense à cet élève de 3e qui était Également référent culturel pour le diocèse de Tournai, mais en décrochage scolaire et ne pensait qu’à ses pour le fondamental, Hervé D’Halluin était instituteur primaire jeux vidéo. Un cours sur la mythologie gréco-ro- puis directeur du Centre scolaire libre de Celles-Mont-de-l’En- maine lui a redonné le goût d’apprendre quand clus. Auteur de romans fantastiques, passionné de littérature il a vu les ponts entre les deux univers, celui de jeunesse, actif dans le théâtre amateur, il avoue aujourd’hui la mythologie et celui des jeux. On a créé des vivre pleinement sa « passion » : activités sur cette thématique et il en est sor- « Certes, j’étais directeur sans classe mais vu ti reboosté et est redevenu un bon élève. C’est mes atomes crochus avec la culture, j’ai initié vraiment cela que j’ai envie de faire, et spéciale- pas mal de projets dans mon école, liés par ment donner l’accès à la culture et à l’art à des exemple à la rencontre des arts circassiens, à enfants qui n’y auraient pas accès. Cela les aide la confection d’instruments de musique, à une à terme à s’épanouir et à se comprendre mu- foire aux livres. J’avais envie de projets me tuellement. Pour créer des saynètes sur l’Anti- permettant d’aller au fond de quelque chose, quité par exemple, on peut faire des recherches ce qui n’est pas nécessairement le cas quand sur les habits, les coiffures, et donc aller voir on est directeur, et qui, dans le cas du PECA, des costumières ou des coiffeurs de théâtre, représente une vraie plus-value en résonance voir des statues antiques au musée, d’autres avec les plans de pilotage des écoles. Nombre s’occuperont du son, des lumières. Chacun est de projets ont trait à la lecture. On a déjà lancé responsable de son projet et tous sont moteurs des projets de rénovation de bibliothèques sco- de la dynamique de classe. Au moment où vous sortez de la classe, vous rendez les élèves laires, d’ateliers d’écriture et de slam. » plus attentifs et contribuez à raccrocher pro- gressivement ceux qui s’éloignaient. C’est une dynamique différente parce qu’ils vivent une ex- périence dans leur corps. » ■ 14 entrées libres | n°165 - janvier 2022
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