QUAND LES CADRES PARLENT DU STRESS AU TRAVAIL - ÉTAT DES LIEUX 2009
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Les études de l’emploi cadre – mars 2010 QUAND LES CADRES PARLENT DU STRESS AU TRAVAIL État des lieux 2009 © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail I
quand Les cadres parlent du stress au travail – État des lieux 2009 Cette étude repose sur les résultats de deux enquêtes qualitatives conduites par l’Ifop en mai-juin 2009 et d’une enquête quantitative réalisée par emailing par l’Apec en juin 2009. La conception, le traitement et l’analyse des enquêtes ont été réalisés par le pôle Recherche et Développement du département Études et Recherche de l’Apec : Gaël Bouron, Cédric Eude et Caroline Legrand (chargés d’études) Hélène Alexandre (responsable d’études) Raymond Pronier (manager du Pôle Recherche et Développement).
Sommaire SYNTHÈSE GéNéRALE I – présentation de la démarche Contexte de l’étude 11 La place et le rôle des cadres 13 L’étude proposée par l’Apec 14 La méthode 14 II - LES SALARIÉS ET LE STRESS AU TRAVAIL Le dispositif des réunions de groupe 15 Les principaux enseignements 15 Le climat général dans les entreprises 16 Le stress au travail : des approches assez partagées 17 Portraits robots des personnes stressées 18 Les conséquences du stress dans les entreprises 19 Les cadres managers et les cadres non managers : des opinions différenciées 20 III – LES CADRES DIRIGEANTS FACE AU STRESS Le dispositif des entretiens individuels 21 Les principaux enseignements 21 Comment les cadres dirigeants perçoivent-ils le thème du stress au travail ? 22 Les cadres dirigeants sont-ils eux-mêmes stressés ? 23 A quelles causes attribuent-ils le stress au travail ? 24 Devenir et rester cadre dirigeant : à « n’importe quelles conditions » ? 26 Avec des facteurs de stress spécifiques liés aux « responsabilités » 27 Pas de pouvoir sans stress ? 28 Ils reconnaissent le stress et ses impacts collectifs négatifs 29 Se savent-ils stressants ? 30 Quel rôle peut jouer le manager ? 30 Leurs solutions ? Priorité aux solutions « personnalisées » 31 Réduire le stress ? Le management dépassé 32 Les acteurs attendus 34 IV – LES CADRES DEMANDEURS D’EMPLOI ET LE STRESS Le dispositif de l’enquête quantitative 37 Les principaux enseignements 37 Les conditions de travail dans le précédent poste 39 Le vécu du chômage 48 Les cadres qui ont retrouvé un emploi 53 CONCLUSION GéNéRALE annexes Résultats des questions sur le stress posées dans l’enquête semestrielle Conjoncture et stratégies professionnelles des cadres en décembre 2009 59 Sources d’information sur le stress au travail 61 Le stress professionnel (définition de l’OMS et du BIT) 62 Accord national Interprofessionnel sur le Stress au Travail 63 Fiche technique de l’enquête auprès des cadres demandeurs d’emploi 66 © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail 1
2 © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail
SYNTHÈSE GéNéRALE En 2008, les partenaires sociaux ont signé un Accord natio- parce que le déni constitue la toute première stratégie de nal interprofessionnel sur le stress au travail. La formation défense contre le stress (1), mais surtout parce que l’oxy- de l’encadrement constitue l’une des mesures prioritaires more du stress positif continue de constituer une réalité de cet accord : « ces mesures incluent par exemple la for- chez les managers (2) et même, plus globalement, parce mation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise et en parti- que le stress semble fortement intégré parmi les normes de culier de l’encadrement et de la direction afin de développer réussite de carrière pour les cadres (3), et, par contamina- la prise de conscience et la compréhension du stress, de ses tion, pour les non cadres. causes possibles et de la manière de le prévenir et d’y faire S’intéresser à la question du stress dans le monde des face ». Les cadres sont par ailleurs directement concernés cadres conduit donc à réinterroger profondément la notion par la question du stress, dans la mesure où ils se décla- des conditions de travail en général (4) : la question du rent fréquemment stressés (dans certaines études plus que stress tend à se substituer à la notion de conditions de tra- d’autres salariés) et qu’ils peuvent directement ou indi- vail en l’élargissant. Et ce n’est pas seulement la pression rectement être facteurs de stress quand ils encadrent des croissante au travail qui est remise en question mais les équipes. Ces éléments ont conduit l’Apec et son départe- causes de cette pression. ment Études et Recherche à réaliser une étude établissant Dans ce contexte, les impacts du stress sur la santé et un état des lieux des modalités de la perception et de la la vie privée des cadres semblent très importants (5). Il prise en compte du stress dans les entreprises en général, semble par ailleurs que la position des cadres demandeurs et par les cadres en particulier. d’emploi par rapport à la question du stress diffère peu de celles des cadres en activité, et que l’expérience de la perte Cette étude s’est appuyée sur une démarche multifocale. d’emploi ne suffit pas à remettre radicalement en cause le Afin de multiplier les points de vue, ce sont en effet trois rapport des cadres au travail (6). enquêtes utilisant des méthodologies différentes et ciblant La situation semble en outre totalement figée, dans la des publics particuliers qui ont été conduites. mesure où les solutions préconisées par les cadres et La première, utilisant la méthodologie des entretiens de les dirigeants sont d’ores et déjà mises en œuvre pour groupe auprès de cadres managers, de cadres non-mana- nombre d’entre elles et sont manifestement inopérantes gers et de non-cadres, a cherché à comprendre quelle était (7) ou de nature « cosmétique » (8). Aussi la question l’opinion des salariés sur les tenants et les aboutissants du stress au travail met en évidence la perte de visibilité du stress. des corps intermédiaires et des instances formelles dans La seconde, s’appuyant sur la méthode des entretiens indi- l’entreprise (9). viduels semi-directifs auprès de cadres dirigeants, a permis Les discours et attitudes d’évitement sur cette question d’analyser comment les directions d’entreprises percevaient semblent donc finalement parfaitement compréhensibles, le thème du stress au travail. tant il semble impossible de faire disparaître le stress sans Enfin, la dernière enquête, de nature quantitative auprès une remise à plat complète des enjeux et des fondements d’un échantillon de cadres demandeurs d’emploi, a permis de l’entreprise et du rôle attendu des cadres, y compris, de cerner l’impact des conditions de travail des expériences pour une partie d’entre eux, au cours de leurs formations professionnelles précédentes sur les attentes des cadres au initiales et continues. Si des situations peuvent être amé- chômage quant à un nouvel emploi. liorées et des régulations trouvées, il conviendrait avant tout d’en finir avec l’approche individualisée du stress De ces trois enquêtes se dégagent dix éléments clefs sur (10), le renvoi aux seuls individus de « la gestion de leur la question du stress au travail et du rôle des cadres. Il stress » ne pouvant entraîner in fine qu’une aggravation est observé tout d’abord que la prise de conscience de la de la situation. question du stress au travail est imparfaite, notamment © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail 3
SYNTHÈSE GéNéRALE ■■ (1) Une prise de conscience imparfaite « Je suis surpris qu’on parle tant du stress. Ça m’amène de au contraire, c’est la conviction partagée qu’il n’y a rien à temps en temps en temps à me demander si ce n’est pas un faire, ou pas grand-chose, qui impose ces attitudes et ces phénomène de mode qui permet de faire vivre les consul- tournures. tants en tout genre en panne d’autres sujets déjà tellement Pour les cadres en particulier, la prise de conscience ne éculés qu’on a inventé celui-là pour gagner de l’argent… » peut être qu’imparfaite. Le cadre dans l’entreprise se doit (Cadre dirigeant). en effet d’être stressé. Il s’agit presque d’une caractéristi- que distinctive. Les cadres dirigeants sont, dans ce modèle, les plus stressés, ce qu’ils revendiquent et affichent pres- Les salariés en emploi sont très prolixes pour parler du que comme une qualité (cf. infra sur le stress positif). Les stress, manifestement en connaissance de cause. Mais si cadres demandeurs d’emploi quant à eux confirment les leurs propos mettent en cause des situations de travail obstacles à la prise de conscience de la gravité du stress tendues et dégradées avec des conséquences parfois gra- et de ses causes. Bien que beaucoup décrivent des condi- ves pour les individus et le collectif de travail, la tonalité tions de travail très dures dans leur ancien emploi et une se veut légère : l’humour, la dérision et la prise de distance intensité forte de stress, ils continuent d’adhérer aux nor- peuvent donner le sentiment que le sujet n’est pas pris au mes de représentation de leur groupe. Dans leur recherche sérieux. De même, il y a une forte hésitation à dire « je », d’emploi, ils privilégient toujours le contenu du poste et comme si en disant « on » ou « il(elle) », ce procédé de les évolutions professionnelles, loin devant les conditions mise à distance les protégeait. L’hypothèse est que bien d’emploi et les politiques de ressources humaines. ■■ (2) Le stress positif, un oxymore qui perdure chez les managers « Il y a deux stress : le négatif et le positif. Moi j’ai besoin l’innovation, l’adaptation, le challenge, l’implication. Le de stress pour bosser, parce que quand je vous dis que je stress a été selon eux un moteur de leur réussite profes- n’aime pas les situations routinières, j’aime les choses en sionnelle. Et s’ils reconnaissent que le stress est généralisé mouvement, démarrer, construire, mettre en service ou arrê- dans les entreprises et qu’il peut avoir des conséquences ter. Et ce sont donc des situations stressantes mais dans néfastes, c’est le plus souvent pour souligner des défauts le bon sens du terme : c’est du stress qui pousse à agir. » d’adaptation de ceux qui sont touchés par lui, ramenant (Cadre dirigeant). les symptômes du stress et les solutions pour le combat- tre à des questions individuelles. Si quelques-uns peuvent Les très nombreuses publications scientifiques1 sur le sujet avoir une vision cynique sur cette question, la plupart montrent que le stress - en tant que risque psychosocial adoptent plutôt une attitude compatissante : certains - ne peut être vu sous un angle positif. Une politique de salariés, considérés comme plus « fragiles » ou plus « fai- management fondée sur le stress ne peut qu’avoir des bles », ne sauraient pas gérer le stress et il conviendrait conséquences négatives sur la santé et le bien être des non pas de combattre le stress en général et ses causes salariés à court, moyen ou long termes. L’ Accord interpro- profondes mais d’aider les salariés à mieux le gérer, comme fessionnel sur le stress au travail rappelle que la lutte contre eux-mêmes le font. le stress doit permettre une amélioration de la santé et de Si les managers interrogés se déclarent prêts à combat- la sécurité au travail. Pourtant, les managers interrogés, tre le stress, c’est plus pour s’afficher comme soucieux de et plus encore les dirigeants, déclarent pouvoir valoriser leur équipe que par reconnaissance que le stress constitue le stress. Ils l’associent à des notions connotées positi- réellement un problème essentiel dans leur entreprise et vement dans le monde de l’entreprise : le changement, qu’eux-mêmes peuvent être facteurs de stress. 1. Voir les sources et les références récentes en annexe, page 61 4 © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail
SYNTHÈSE GéNéRALE ■■ (3) Le stress comme norme de réussite de la carrière du cadre « La gestion du stress, c’est quelque chose qui se travaille • il ne faut pas montrer que l’on est stressé dans l’entre- complètement, avec une prise de recul. Être manager, c’est prise ; être quelqu’un de courageux. Par exemple, si je suis stres- • ceux qui montrent leur stress ne sont pas des « bons » ; sée, je sais que ma valeur ajoutée sera ma capacité à gérer • les personnes visiblement stressées posent problème ce stress et garder mon sang froid. Un bon manager, c’est car elles transmettent leur stress à leur entourage quelqu’un qui prend le stress d’en haut, le garde et ne le professionnel ; transmet pas aux autres. Sinon, c’est un mauvais (…). Si • les personnes qui ne sont pas stressées posent problème : on voit quelqu’un qui gère mal son stress, il ne faudra pas le elles ne sont pas « engagées ». nommer manager. De toute façon, c’est comme tout, ça se Par ailleurs, les cadres managers ne se reconnaissent pas travaille. » (Cadre dirigeant). réellement de responsabilités dans une éventuelle trans- mission de stress. Les managers, considérés dans l’Accord Les trois enquêtes permettent de montrer que le stress interprofessionnel sur le stress au travail comme un maillon n’est pas désincarné. C’est bien dans le contexte des rela- essentiel de la lutte contre le stress, considèrent qu’ils font tions de travail au quotidien, les tensions qui y sont inhé- déjà tout ce qu’il faut pour aboutir à une relation harmo- rentes et le rôle que chacun est censé tenir, que le stress nieuse avec leur équipe. Ils reconnaissent être à la fois doit être étudié. Le rôle des cadres dans l’entreprise obéit « transmetteurs » et « aspirateurs » du stress mais ont le ainsi à certains principes, dont le stress fait presque intrin- sentiment d’être avant tout dans la maîtrise et la rétention sèquement partie. Pour les cadres, le stress fait partie du du stress. Le stress est clairement ancré dans les critères jeu qu’ils jouent dans l’entreprise. Ils en arrivent à des et normes de la réussite professionnelle chez les cadres, énoncés paradoxaux : ce qui rend très difficilement opérante leur mise en avant • il est normal d’être stressé ; telle que le préconise l’Accord. • il est bon – voire agréable – d’être stressé ; ■■ (4) Une redéfinition de la notion de conditions de travail « La qualité se dégrade au profit de la rentabilité, mais le l’émergence du mal-être. service client laisse à désirer, la concurrence est de plus en Le stress se substitue ainsi à la notion de « conditions plus rude, il faut faire de plus en plus vite, la qualité est de travail » en élargissant considérablement les causes du laissée de côté (…). Je n’ai pas le temps de travailler cor- mal-être au travail. En effet, ce sont les raisons mêmes de rectement, c’est frustrant, on n’aura pas 100 % d’objectifs la pression croissante au travail qui sont mises en cause, qualité, on le sait depuis le départ, ce n’est pas bien grave, et non pas seulement la pression elle-même. Les logiques parce qu’une fois arrivé au bout de la tâche, la tâche aussi RH de mise en concurrence et de compétition, les réorga- aura changé, moi je le vis mal, personnellement, on n’est nisations permanentes, l’envahissement des pratiques de plus en capacité d’apporter tout ce qu’on pourrait amener à reporting, le manque de sens, la dégradation de la qualité, la tâche qu’on fait (…). Si on demande des moyens pour la l’impact des nouvelles technologies constituent des causes belle commode, on nous dit qu’on s’en fout, il faut faire une largement citées. Le rapport entre ces pratiques de mana- commode fonctionnelle. » (Cadre non manager). gement et les contraintes « objectives » des entreprises paraît parfois relativement artificiel, la crise actuelle fai- Le terme « stress » est banalisé chez tous les salariés. Loin sant figure d’alibi supplémentaire : gestion des effectifs de l’employer « à tort et à travers », ils l’utilisent tous en flux tendu, individualisation des objectifs, méthodes pour désigner à la fois les causes apparentes et les consé- d’évaluation, mobilités « nécessaires », réorganisations quences individuelles mais aussi collectives de situations constantes, fuite en avant sous couvert de « change- de travail perçues comme anormales, malgré leur banalité. ments » dont la pertinence du point de vue de la survie Leur contribution aux débats est tout à fait essentielle car des entreprises est souvent discutable, et en tout cas dis- si l’on retrouve dans leurs propos et leurs récits des élé- cutée par tous. ments issus des discours « savants », leur mode de contex- Ces pratiques sont banalisées et leur logique intériorisée. tualisation invite à une approche élargie des causes de Elles constituent un véritable « état d’esprit » - alors que © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail 5
SYNTHÈSE GéNéRALE les conséquences sur les personnes, les équipes et leurs partie du quotidien du travail. résultats peuvent être considérables en termes de charge Les cadres demandeurs d’emploi décrivent d’anciennes de travail, de motivation, de sentiment de reconnaissance, conditions du travail du même ordre, la différence étant de confiance, de sérénité, autant de notions mises à mal que ces situations ne peuvent plus faire l’objet des régu- par d’autres concepts désormais galvaudés : « l’autono- lations permanentes qui font l’ordinaire de la vie en entre- mie », « la créativité », « l’adaptabilité »,… qui ne font prise. Cette réalité n’est pas niée. qu’encourager les comportements individualistes et les Au contraire, chez les cadres dirigeants ou managers, mises en concurrence, et au final, contribuent à l’installa- comme nous l’avons déjà souligné, elle fait en quelque tion du mal-être et au développement de la contre-perfor- sorte partie de leur « challenge » : le calme et la routine mance collective. leur font peur. Mais ils se déclarent tout autant incapables Les trois enquêtes ont pris le parti de ne pas évoquer spon- – de par leur place – de s’opposer aux exigences de directions tanément le mot stress, dans une logique d’“entonnoir”. que beaucoup d’entre eux jugent pourtant sévèrement. Ils La notion de stress n’était introduite qu’après des ques- les considèrent comme des « non-directions », les centres de tionnements sur le vécu au travail et les conditions de décision étant situés « ailleurs ». travail. Le mot est pourtant apparu très rapidement dès La mise en commun des perceptions, des expériences et des les premiers questionnements sur les conditions de travail. savoirs devrait donc conduire à un approfondissement du La conviction dominante est que le stress est inhérent aux diagnostic des causes et des conséquences du stress mais conditions dans lesquelles on travaille aujourd’hui. Les aussi à une redéfinition de la notion même de « conditions situations de tension, de conflit et de désaccord, les occa- de travail ». sions de déception, la frustration,… font manifestement ■■ (5) Des impacts massifs du stress sur la santé « Pendant des années avec de lourds horaires et beaucoup tantes. Si les cas dramatiques cités restent très minoritai- de stress = manque de sommeil, fatigue continue. J’ai pris res, on peut s’interroger sur l’impact à long terme de tous des médicaments de la médecine douce pour tenir » (Cadre ces maux, ainsi que sur leur étendue réelle. La gestion demandeur d’emploi). de ces problèmes est souvent largement privée et indivi- duelle (prise en charge personnelle et/ou par un médecin La prise de conscience des risques graves du stress est extérieur à l’entreprise), ce qui ne permet pas de les faire imparfaite. Pourtant, les impacts sur la santé semblent ressortir et de les traiter dans un cadre formel (médecin du connus et importants. Une grande majorité de cadres esti- travail, CHSCT…). ment que leurs conditions de travail ont un impact négatif L’enquête quantitative auprès de demandeurs d’emploi a sur leur santé et ils font par ailleurs un lien très fort entre mis en évidence des différences d’appréciation et de com- mauvaises conditions de travail et intensité de stress. Les portement quant au stress entre les hommes et les fem- impacts cités sont larges. Les plus courants sont les problè- mes. Les femmes déclarent une intensité de stress plus mes de sommeil, la perte d’appétit, les migraines, les maux importante que les hommes. De plus, elles indiquent plus d’estomac, des sentiments de déprime, de la fatigue. Les souvent que les hommes que le stress a ou a eu un impact répercussions sur la vie privée peuvent aussi être impor- sur leur santé et leur vie privée. 6 © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail
SYNTHÈSE GéNéRALE ■■ (6) Le chômage ne modifie pas le rapport au travail et à l’entreprise - Quel a été l’impact de vos anciennes conditions de travail On s’interroge toujours sur le regard porté a posteriori par sur votre santé ? « Stress, insomnies, irritabilité, identifica- les cadres au chômage sur leur ancien environnement de tion de nouvelles maladies ? » travail. Expérience réellement vécue ou reconstruction du - Selon vous quelle est la condition la plus importante passé qui leur permettrait de ne pas porter la responsabi- pour se sentir bien au travail ? « Ne pas être sous évalué. lité de la perte d’emploi ? Faut-il interpréter leurs critiques Avoir un stress positif et constructif pour s’épanouir à son comme étant partie prenante de ce qu’il est convenu d’ap- rythme tout en respectant ses objectifs. » peler leur travail de deuil ? (Cadres demandeurs d’emploi). Dans une certaine mesure, ce deuil est accompli, puisque ceux qui ont retrouvé un emploi semblent effectivement Les avis des cadres ayant perdu leur emploi sont parta- tourner la page, du moins relativement. En outre, ceux qui gés pour qualifier leurs anciennes conditions d’emploi sont toujours en recherche d’emploi n’attachent pas vrai- et leur ancien niveau de stress, mais la majorité d’entre ment d’importance aux conditions matérielles qu’ils pour- eux considèrent que leurs conditions de travail ont eu un raient retrouver, s’affichant toujours comme des cadres impact négatif sur leur santé et sur leur vie privée. Parmi prêts à rebondir, à s’investir dans un poste à responsa- les aspects les plus négatifs, ce sont les relations avec la bilité, avec un contenu intéressant et des possibilités hiérarchie et/ou la direction qui pèsent le plus, devant les d’évolution. Si le terme de résilience est sans doute trop conditions matérielles, la charge et la durée du travail. fort, à l’évidence l’expérience de la perte d’un emploi et du Interrogés sur leur vécu immédiat de la perte d’emploi, chômage ne suffit pas à remettre radicalement en cause le le plus grand nombre déclarent avoir ressenti un soula- rapport des cadres au travail. gement. Les cadres demandeurs d’emploi expriment avec Il existe un groupe de demandeurs d’emploi (moins de 10 % force les tensions qu’ils ont vécues dans leur poste anté- de l’ensemble) pour lequel les mauvaises expériences appa- rieur et n’hésitent pas à parler de leurs impacts. raissent comme une cause de blocage sévère. Pour autant, Mais, si leurs conditions de travail ont eu un impact l’analyse statistique ne permet pas de dire qu’il existe un négatif sur leur santé et leur vie privée, il en est de profil type qui permettrait de faire une prévention. même pour le chômage, qui a aussi un impact négatif dans la majorité des cas. ■■ (7) Des grands principes inopérants « Le point central c’est l’injonction paradoxale, c’est-à-dire tions, avec une dimension qui dépasse largement le pro- qu’on définit un objectif qui est parfois contre certaines de blème des conditions dans lesquelles le travail se fait. En mes valeurs, ou alors pour lequel je n’ai pas les moyens qu’il effet, « pourquoi » des salariés sont-ils amenés à accepter faut pour sa réalisation. Et je dois le faire dans un délai pas des situations de travail qu’ils décrivent comme difficile- négociable qui m’est donné. C’est le côté non négociable qui ment supportables ? Qu’est-ce qui conduit des managers génère la pression chez moi, qui va produire mon stress. » à « mettre la pression » sur leurs équipes sur les délais ? (Cadre dirigeant). Qu’est-ce qui les pousse à leur faire faire un travail qu’eux- mêmes jugent critiquable, à finir eux-mêmes certaines Les pratiques de management mises en avant par les cadres tâches ? Qu’est-ce qui les conduit à « dire oui » quand ils managers font déjà partie de tous les grands principes les « voudraient dire non » ? plus souvent affichés. Ils se disent en effet « à l’écoute », Il est clair que les solutions proposées par les salariés « vigilants », « transparents », « rigoureux et organisés », interrogés pour prévenir et soigner le stress ne répondent « honnêtes ». Quant au stress dans leurs équipes, ils en pas à ces questions. Les cadres comme les autres salariés attribuent la cause au mode de fonctionnement des entre- en ont manifestement l’intuition, certains affirmant même prises qu’eux-mêmes subissent, mais ils n’en sont pas que le but de cette soudaine attention est uniquement de directement ni personnellement responsables. faire accepter de nouvelles charges de travail. Aussi, les propos recueillis soulèvent de nombreuses ques- © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail 7
SYNTHÈSE GéNéRALE ■■ (8) Des solutions « cosmétiques » « Les gens dans l’entreprise sont très demandeurs de délicates. En général d’ailleurs, on peut prédire qu’elles confort, de convivialité, de rencontres, de partage. Ils sont présentent ces deux caractères cumulés. bien quand on peut avoir des échanges. On a des initiatives ponctuelles là-dessus, on est très attentifs à des choses tou- Une partie des « solutions » avancées par les salariés inter- tes bêtes. Par exemple, quand un salarié revient de congés, rogés pour prévenir ou atténuer le stress sont déjà mises il rapporte un truc de ses vacances, comme des souvenirs à en application par une partie des salariés, cadres et non manger. Là on va lancer un concours de gâteaux. On va faire cadres. Le retour du « collectif » et la valorisation des un séminaire de managers pour apprendre à travailler mieux relations de travail pour réguler les tensions sont cités. ensemble. L’entente entre nous est une condition sine qua Les relations de confiance et de connivence joueraient le none d’une bonne collaboration » (Cadre dirigeant). rôle de soupape, ainsi que les moments de rencontres et d’échanges, dans et/ou hors l’entreprise. Le terme « cosmétique » peut sembler excessif. Il veut Mais ce sont les solutions individuelles qui sont le plus désigner deux caractères des solutions proposées. Soit couramment préconisées : sport, yoga, toute autre activité elles sont « superficielles », et ne peuvent apparaître permettant à la personne de se « détendre » et éventuelle- que comme des solutions sans lendemain, soit elles sont ment les prescriptions médicamenteuses « soft ». « trompeuses », et ne peuvent que promettre des suites ■■ (9) Un sujet qui met en évidence la perte de visibilité des corps intermédiaires Parmi les cadres en recherche d’emploi, 42 % indiquent « mal-être » comme une affaire privée, intime ? qu’ils parlaient souvent de leurs anciennes conditions de Dans les enquêtes auprès des cadres en activité, les ins- travail avec leurs proches, contre 26 % qui en parlaient tances formelles ne sont pas plus évoquées. Les cadres souvent avec le médecin du travail et 15 % souvent avec dirigeants en particulier ne citent jamais ou presque le rôle des représentants syndicaux. (Enquête auprès des cadres des instances représentatives. Interrogés sur les actions à demandeurs d’emploi) mettre en œuvre et les acteurs concernés, ils mettent une nouvelle fois l’accent sur les individus eux-mêmes et le À qui les cadres devenus demandeurs d’emploi parlaient-ils rôle que doit jouer le hiérarchique direct. Ils reconnaissent de leurs difficultés ? La plupart des cadres interrogés dans pourtant à demi mot que la direction générale peut avoir l’enquête quantitative n’évoquent pratiquement jamais les un rôle essentiel, voire le rôle le plus efficace. Ainsi, alors instances officielles ou représentatives (syndicats, méde- qu’ils reconnaissent finalement que l’impulsion la plus cin du travail, CHSCT…). En cas de difficultés, les cadres importante pour lutter contre le stress devrait venir « d’en préfèrent se confier à leurs proches, ce qui peut entraîner haut », ils avancent spontanément que c’est d’abord vers des conséquences importantes sur leur vie privée. Il n’y a les individus en difficulté dans la « gestion de leur stress » pas une seule raison à ce choix : peur d’apparaître comme qu’une action doit être entreprise. un « maillon faible » de l’organisation ? Ou conception du 8 © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail
SYNTHÈSE GéNéRALE ■■ (10) Les impasses de l’approche individualisée du stress « Certaines fois, pour éviter d’avoir à gérer le stress, le stress que qu’il faut chercher de nouvelles solutions. qui est un problème pour une entreprise, il faudrait aussi Il y a bien un décalage entre les opinions et postures des cibler les gens pendant la phase de sélection. C’est très cadres encadrants et ce que l’Accord interprofessionnel sur important de préciser quel est le profil de l’entreprise et de le stress au travail attend officiellement d’eux. Leurs solu- le matcher avec le profil de la personne pendant la sélection, tions sont avant tout d’ordre éthique ou moral, voire mora- correctement. » (Cadre dirigeant). lisateur, souvent marquées par l’affectif, et évitent toute remise en cause de leur propre choix face aux contrain- Dans les entretiens avec les cadres dirigeants, la notion tes qui leur sont fixées, leur vision se limitant au souci « le stress au travail » est souvent reformulée par la notion d’aider les « salariés les plus fragiles ». Faire disparaître le « les salariés stressés », ce détournement permettant aux stress des entreprises supposerait une telle mise à plat des cadres dirigeants de reporter le problème sur les individus, enjeux, des attentes et des besoins qu’il semble logique et non sans ambigüité : ils essaieront d’autant plus de trouver tout à fait compréhensible que tous les acteurs adaptent une solution que ces salariés stressés sont une gêne. Par des attitudes et des discours d’évitement. ailleurs, ils assurent de leur empathie, vigilance, transpa- Certes, des situations peuvent (doivent) être améliorées, rence, écoute, attention. Ainsi, les anciens managers en des tensions mieux régulées à défaut d’être totalement recherche d’emploi affirment tous qu’ils respectaient entiè- évitées, mais il est clair aujourd’hui que le renvoi aux seuls rement ces principes dans leurs relations avec leurs équi- individus de la « gestion de leur stress », de leur « capacité pes, alors qu’ils considèrent parallèlement que leur propre à résister au stress » ne peut plus convaincre personne. Au hiérarchique ne les appliquait pas ou peu. contraire, cette stratégie ne peut désormais qu’aggraver On est donc amené à conclure soit que les grands principes les choses, tant elle conduit à occulter toute réflexion col- ne sont en réalité pas appliqués, soit, s’ils sont appliqués, lective sur les conditions concrètes de travail. qu’ils sont inopérants pour prévenir le stress, ce qui impli- © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail 9
10 © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail
I – présentation de la démarche ■■ Contexte de l’étude L’année 2008 : une année charnière facteurs de risques psychosociaux au travail ».4 En juillet 2008, les partenaires sociaux ont signé un Les définitions du stress au travail Accord Interprofessionnel sur le stress au travail. L’objet de l’accord est : Les mots « stress » et « troubles psychosociaux » sont « • d’augmenter la prise de conscience et la compré- évocateurs mais vagues. hension du stress au travail, par les employeurs, les tra- Parce que le terme est très utilisé par tous (« tarte à la vailleurs et leurs représentants, crème » entend-on souvent), on a tendance à oublier • d’attirer leur attention sur les signes susceptibles d’in- le fait que le stress fait l’objet de travaux scientifiques diquer des problèmes de stress au travail et ce, le plus depuis plusieurs décennies. précocement possible, De fait, le terme est très répandu parce que très évoca- • de fournir aux employeurs et aux travailleurs un cadre teur. Mais parce qu’il désigne tout à la fois un état, ses qui permette de détecter, de prévenir, d’éviter et de faire causes et ses effets, les débats qu’il suscite ne sont pas face aux problèmes de stress au travail. Son but n’est pas prêts de faire vraiment consensus. Car, si théoriquement de culpabiliser l’individu par rapport au stress. » 2 la question du dilemme entre « stress positif » et « stress négatif » est réglée, les travaux scientifiques prouvant Pour mémoire, au premier semestre 2008, au moment largement que l’état de stress n’a rien de positif pour les de la finalisation de la rédaction de l’accord, il n’était individus comme pour la société, il demeure un courant pas encore question de crise économique et financière. d’opinion très actif pour prétendre que le stress est une Le dossier du stress et des risques psychosociaux a été bonne chose, et notamment dans la culture managériale. ouvert en France au cours d’une période considérée Le remplacement de cette alternative par la hiérarchie comme plutôt favorable, tant sur le plan économique entre « stress » (normal) et « sur-stress » (a-normal) ne que sur le plan social. fait que confirmer la difficulté des penseurs du manage- ment à se débarrasser de leurs croyances. Les négociations entre les partenaires sociaux, de même que la décision de l’Apec de faire une étude sur A l’encontre de cette croyance, l’Accord interprofession- le sujet des cadres et le stress au travail, sont antérieu- nel signé en juillet 2008 rappelle que la question de la res à la vague de suicides de salariés et aux débats sur prévention du stress au travail est une préoccupation le mal-être qu’ils ont suscités. internationale. « Le stress au travail est considéré sur le plan internatio- Fin 2009, la situation économique est totalement dif- nal, européen et national comme une préoccupation à la férente, la France ayant connu au cours de l’année sa fois, des employeurs et des travailleurs. » plus importante récession depuis l’après guerre. Dans ce contexte, le « mal-être au travail » est au cœur de Qui plus est, cette préoccupation n’est pas nouvelle : le l’actualité et ne constitue plus un sujet tabou. Pour texte français emprunte beaucoup à l’Accord sur le stress autant, les conséquences concrètes de l’Accord interpro- signé par les partenaires sociaux européens… en 2004. fessionnel semblent peu visibles. A l’occasion du Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail du 9 octobre « Le présent accord a pour objet de transposer l’accord 2009, le ministre du Travail Xavier Darcos a annoncé un européen en droit français et de prendre en compte les plan d’urgence pour la prévention du stress au travail. Au évolutions de la société sur ce sujet. » même moment, l’AFSSET3 annonce que selon sa dernière enquête portant sur l’année 2007, « le risque psychosocial C’est donc avec un certain retard que les partenaires prend la première place dans les consultations de patho- sociaux français ont rejoint de nombreux autres pays pour logies professionnelles ». Enfin, le Collège d’expertise sur s’attaquer à un problème étudié depuis plusieurs années le suivi statistique des risques psychosociaux au travail et à l’origine de très nombreux travaux de recherche, a rendu son premier rapport « Indicateurs provisoires de rapports et recommandations, y compris en France5. 2. Texte de l’accord en annexe 3. AFSSET : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail 4. Voir site du ministère http://www.travail-solidarite.gouv.fr et http://www.travailler-mieux.gouv.fr 5. Voir le Rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail - Mars 2008 © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail 11
I – présentation de la démarche Dans le champ scientifique, le stress désigne à l’origine Là encore, cette définition soulève quelques problè- un mécanisme d’adaptation biologique. Ce « syndrome mes. En effet, on y trouve toujours les causes et les général d’adaptation » (Hans Selye, 1936) se manifeste conséquences mêlées, causes et conséquences étant par en trois phases successives : ailleurs à la fois « organisationnelles » et « personnel- • la phase d’alarme, durant laquelle l’organisme met en les » puisque c’est la « perception » d’une personne qui place ses défenses ; sert de point de départ7. Cette perception est-elle juste • la phase de résistance, quand il s’adapte à la nouvelle ou erronée, la personne est-elle seule ou la perception situation ; est-elle celle d’un groupe ? • la phase d’épuisement, lorsque l’organisme a dépassé ses capacités d’adaptation. Sans jamais vraiment dépasser cette ambiguïté, deux sources d’informations et de préconisations coexistent Il s’agit d’une approche biologique, qui permet de com- en France depuis de nombreuses années : prendre les effets sur la santé. Mais on voit aussi tout • les structures institutionnelles qui ont pour mission de suite les risques de cette approche : centrée sur l’amélioration des conditions de travail, comme l’INRS, l’individu, elle met en cause ses capacités personnel- l’ANACT, ou les syndicats de salariés ; les d’adaptation, et passe sous silence ce à quoi il doit • les structures privées de conseil, qui ont investi depuis s’adapter et pourquoi. longtemps le marché des entreprises en proposant des C’est d’ailleurs en ce sens qu’il est couramment utilisé. méthodes de diagnostic et des solutions. Dans la plupart Quelques extraits d’offres d’emploi sont révélateurs du des cas, si la phase de diagnostic porte effectivement poids de cette interprétation dans les entreprises : au sur l’organisation collective, l’étape des solutions passe candidat d’imaginer et de savoir pourquoi il doit avoir par des formations individuelles, chacun commençant cette « qualité personnelle » qui consiste à « savoir par évaluer son propre stress. gérer son stress » : On ne peut donc pas dire que le stress est « passé sous « Environnement de salle des marchés : cette mission silence », et c’est plutôt le contraire qui semble poser nécessite une bonne maîtrise du stress et une forte dispo- problème : terme sur-investi, il doit désormais être nibilité (y compris we et jours target). » considéré comme un problème de santé publique lié aux « Vous êtes autonome, résistant au stress, organisé, conditions de travail. méthodique, vous avez une bonne expression orale et une Pour lever les nombreux obstacles, cela nécessitera de aisance relationnelle. » répondre aux questions suivantes : « Ce poste nécessite de savoir gérer le stress et les priori- tés. » • Quelles en sont les différentes causes, en ne s’arrêtant « Vous êtes reconnu pour votre sens de l’organisation, vos pas à la mise en cause de l’« organisation », terme abs- connaissances techniques et votre capacité à prendre du trait qui fait l’impasse sur les responsabilités humaines recul face au stress. » concrètes ? « Qualités requises : autonomie, débrouillardise, sens du • Comment sensibiliser et former les managers à la pré- service, volonté d’apporter une démarche de qualité, com- vention du stress au travail et, dès la formation initiale, muniquant, rigueur, résistance au stress . » les futurs cadres et managers ? • Quelles sont les solutions pour réduire les facteurs de L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au tra- stress, autres que des solutions « cosmétiques » relati- vail6 a proposé plus récemment une définition du stress ves aux conditions de travail et de formations « au cas au travail : par cas » proposées à certains salariés ? • Comment faire évoluer les pratiques actuelles de ges- « Le stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la per- tion des ressources humaines dans les entreprises, et ce, ception qu’une personne a des contraintes que lui impose quelle que soit leur taille ? son environnement et la perception qu’elle a de ses pro- • Comment mesurer les risques pour la productivité et la pres ressources pour y faire face. Bien que le processus performance des entreprises autrement que par l’indica- d’évaluation des contraintes et des ressources soit d’ordre teur de l’absentéisme ? psychologique, les effets du stress ne sont pas unique- • Comment gérer différemment la santé - dont les consé- ment de nature psychologique. Il affecte également la quences du stress – autrement qu’en la laissant à la santé physique, le bien-être et la productivité ». seule appréciation des individus et à un « libre arbitre » 6. Voir site : http://osha.europa.eu/fop/france/fr/ 7. Une convention collective belge a introduit cependant la notion de « stress collectif » en 1999. Citée dans « Prévenir le stress et les risques psycho- sociaux au travail ». Editions Anact 2007. 12 © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail
I – présentation de la démarche d’autant plus imaginaire que la « mauvaise santé » est identifier des explications liées à la question de l’iden- une cause évidente de discrimination sociale et profes- tité professionnelle et de la dignité sociale. sionnelle ? Ce que l’on appelle couramment « les risques du métier » est encore présenté et vécu de manière totalement Essayer de comprendre les conditions de l’émergence du ambivalente, la « prise de risque » étant présentée, et stress au travail conduit à aborder toutes les dimensions vécue, comme un facteur de la reconnaissance sociale. du « bien-être » et du « mal-être » au travail. Si cette ambivalence est bien connue en ce qui concerne On connaît la difficulté des salariés à faire reconnaître les emplois nécessitant une force et/ou une prise de l’origine professionnelle de leurs maladies ou de leurs risque physique, à l’évidence, le doute plane toujours accidents. pour le stress : la plupart des salariés, quel que soit leur On connaît aussi, même si on l’évoque moins souvent, niveau de poste, évoque le « stress positif », qui serait leur propre difficulté à reconnaître que leur travail com- « nécessaire » pour réussir, faire carrière, être reconnu, porte des risques, et que ces risques peuvent / doivent ce qui ne les empêche pourtant pas de le considérer être limités, voire supprimés. simultanément comme une mise en danger individuelle Si la crainte de perdre son emploi est un élément de et sociale. poids pour expliquer ce phénomène, on a pu également ■■ La place et le rôle des cadres Les cadres sont concernés à plusieurs titres par le stress ment de sa « nécessaire prévention ». au travail : Quand ce n’est pas le cas, leur rôle est de faire atteindre des objectifs quantitatifs et/ou qualitatifs à leurs équi- • Ils se disent stressés pes, objectifs qui peuvent être particulièrement contrai- Le « stress des cadres » est un thème médiatique récur- gnants en termes de délais et de charges de travail, et rent et on les dit souvent (mais aussi depuis plusieurs en conséquence stressants. années) « de plus en plus stressés ». Effectivement, L’accord pré-cité mentionne plusieurs causes de stress au quand on les interroge, les cadres se déclarent plus fré- travail, et, même s’il ne les désigne pas explicitement, quemment stressés que les autres salariés (cf. Enquête fait comprendre que les cadres – et tout particulièrement Anact 2009). Cependant, le Baromètre du stress des cadres les managers - peuvent être considérés comme responsa- réalisé par la CFE-CGC n’indique pas de tendance nette, bles de l’émergence du stress dans leurs équipes. la part des cadres notant leur stress entre 8 et 10 (sur En effet, ils peuvent être considérés comme directement une échelle de 1 à 10) oscillant entre 28 % et 33 %8. responsables de l’organisation et des processus de travail, de la communication dans leurs équipes, des objectifs • Selon l’Accord interprofessionnel sur le stress au travail fixés, de l’évaluation et de la reconnaissance des sala- signé en 2008, ils doivent contribuer à son repérage, riés, de leurs conditions de travail. S’ils ne sont pas seuls sa prévention, son atténuation voire sa suppression. décideurs, il peut leur être reproché de ne pas savoir Dans ce texte, la formation de l’encadrement est une des identifier un problème de stress et de ne pas alerter leur mesures prioritaires : « la formation de l’ensemble des employeur car le Code du Travail est clair : les employeurs acteurs de l’entreprise et en particulier de l’encadrement doivent prendre des mesures pour garantir la santé et la et de la direction afin de développer la prise de conscience sécurité de leurs salariés, avec obligation de résultats. et la compréhension du stress, de ses causes possibles et de la manière de le prévenir et d’y faire face ». Sans vraiment caricaturer la situation, c’est comme si on demandait à un malade d’être le thérapeute des autres, • Ils sont directement ou indirectement, volontaire- alors même qu’il transmet la maladie, et que surtout il ment ou involontairement, stressants. ne reconnaît pas les symptômes qu’il présente lui-même Nombre de cadres sont convaincus que le stress peut être comme étant ceux d’une maladie, en les considérant au un état positif, et même nécessaire au travail : il n’y a contraire comme des preuves de « bonne santé ». donc pas de raison a priori qu’ils s’emparent spontané- 8. La première vague de l’enquête de la CFE-CGC a été réalisée en mars 2003, à raison depuis de deux vagues par an. Elle s’adresse aux cadres du sec- teur privé, du secteur public et aux chefs d’entreprise. © Apec – Quand les cadres parlent du stress au travail 13
Vous pouvez aussi lire