Quel avenir pour Radio-Canada? - Alex Levasseur - Érudit
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Document generated on 07/26/2022 9:17 p.m. Relations Actualités Quel avenir pour Radio-Canada? Alex Levasseur Number 775, November–December 2014 Des chemins d’humanité URI: https://id.erudit.org/iderudit/72897ac See table of contents Publisher(s) Centre justice et foi ISSN 0034-3781 (print) 1929-3097 (digital) Explore this journal Cite this article Levasseur, A. (2014). Quel avenir pour Radio-Canada? Relations, (775), 4–5. Tous droits réservés © Relations, 2014 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
Relations775_novembre-décembre2014_INT_Layout 1 14-10-31 13:55 Page4 Quel avenir pour Radio-Canada? Un débat public s’impose devant le véritable saccage dont est l’objet cier de l’État canadien, tant Radio- Canada que la CBC ont développé un le diffuseur public. « modèle d’affaire » calqué sur l’entre- prise privée, où l’on tente de remplacer chaque dollar public manquant par ALEX LEVASSEUR habitant, au Royaume-Uni, 97 $ et en des revenus publicitaires. Cette mathé- Allemagne, 124 $. En fait, les 18 pays matique comptable a mené le diffuseur D L’auteur est président epuis quelques années, le diffu- les plus développés y consacrent en public dans une logique de transfor- du Syndicat des com- seur public canadien fait face à moyenne 82 $ par habitant. De plus, mation progressive en une entreprise munications de des compressions budgétaires ces compressions ont été faites sans privée. Le concept est simple : pour Radio-Canada incessantes, et qui vont s’accélérant. aucune forme de consultation ou de obtenir plus de revenus publicitaires, il Entre 2009 et 2015, plus d’un demi- débat publics. faut des émissions qui attirent un large milliard de dollars auront été retranchés Dans les faits, Radio-Canada/CBC public. Et pour que de telles émissions du budget de la Société Radio-Canada est soumise à une logique de sabotage génèrent des cotes d’écoute, il faut un et de son pendant anglophone, la CBC, qui vise sa privatisation à plus ou contenu « grand public » et, surtout, un soit par des coupes directes dans le moins long terme, voire son aboli- contenu qui coûte moins cher. Dès budget, soit par la non-indexation des tion, un souhait qui a été exprimé à lors, Radio-Canada/CBC est devenue salaires et des dépenses, ce qui se tra- plus d’une reprise dans les rangs du une compétitrice directe des chaînes duit par la perte de plus de 3600 postes Parti conservateur de Stephen Harper. de télévision privées et est perçue pendant cette période. La haute direc- Comme le grand patron et les mem- comme telle par l’ensemble de l’in- tion a annoncé qu’au cours de la pé- bres du conseil d’administration sont dustrie. riode 2015-2020, Radio-Canada/CBC nommés au plus haut niveau du pou- Cette approche est incompatible deviendra « plus petite » et supprimera voir politique, il est tentant pour le avec le mandat que lui a défini le encore entre 1000 et 1500 emplois. diffuseur public d’orienter ses choix Parlement canadien. Elle mine le rôle Ces compressions sont aussi exces- éditoriaux afin de ne pas avoir l’air de fondamental du diffuseur public, qui sives qu’injustifiées. En effet, le finan- mordre la main qui le « est un instrument essen- cement annuel de Radio-Canada/CBC nourrit. Et cela, au détri- tiel pour assurer la pluralité coûte seulement 29 $ par Canadien ment du droit du public et l’inclusion sociale ainsi alors qu’en France, on consacre à la à l’information. que renforcer la société ci- radiodiffusion et à la télédiffusion En partie à cause du vile » selon l’UNESCO1. La publiques l’équivalent de 68 $ par désengagement finan- loi qui définit le mandat de 4 novembre-décembre 2014 RELATIONS
Relations775_novembre-décembre2014_INT_Layout 1 14-10-31 13:55 Page5 Bilan dévastateur à Gaza Hormis peut-être la peur engendrée des deux côtés, l’opération militaire à Gaza Radio-Canada stipule en effet que le a été asymétrique du début à la fin. diffuseur public « devrait offrir des ser- vices de radio et de télévision qui com- portent une très large programmation MICHAËL SÉGUIN Selon l’ONG Euro-Mid Observer for qui renseigne, éclaire et divertit » en Human Rights, en date du 28 août, on A plus d’offrir du contenu canadien en u terme des 50 jours qu’aura duré comptait 2147 morts (dont 530 enfants L’auteur, doctorant français et en anglais partout au pays l’opération militaire israélienne et 302 femmes) et 10 870 blessés chez en sociologie, est et de contribuer au partage d’une « Bordure protectrice », du 8 juil- les Palestiniens, contre 70 morts (dont boursier au Centre conscience et d’une identité natio- let au 26 août 2014, chaque camp crie un enfant et une femme) et 720 blessés justice et foi nales. victoire. Du côté israélien, le premier chez les Israéliens. De plus, jusqu’à Ainsi, en 2013, plus de la moitié des ministre Benyamin Netanyahou dé- 81 % des victimes palestiniennes se- sommes totales investies dans la pro- fend que les tunnels entre Israël et raient des civils, alors que 9 % seule- duction de contenu canadien l’ont été Gaza ont été détruits, que 1000 mili- ment le sont du côté israélien, ce qui par Radio-Canada/CBC, soit 701 mil- tants du Hamas ont été tués et que le contreviendrait au droit de la guerre lions de dollars. Comparativement, groupe a été fortement affaibli. Du côté qui interdit d’attaquer délibérément l’ensemble des télévisions privées au palestinien, le leader du Hamas, Kha- des non-combattants. pays, francophones comme anglopho- led Meshal, affirme que la résistance La radicalité des moyens pris par nes, a consacré en tout 605 millions de armée a prouvé son efficacité, qu’elle a Israël est en cause. Après 5226 attaques dollars à des émissions canadiennes. fait reculer le siège israélien sur Gaza et menées à partir des airs, du sol et de la Devant la volonté manifeste du qu’Israël n’a pas réussi à ébranler le mer, une centaine de milliers de per- gouvernement conservateur de dé- gouvernement d’unité nationale pa- sonnes se retrouvent aujourd’hui sans manteler Radio-Canada/CBC sous les lestinien, établi en avril 2014. Mais toit dans un territoire grand comme yeux impassibles et complices du comment parler de victoire dans une l’île de Montréal, déjà affecté par une CRTC, un débat public s’impose pour relation de pouvoir aussi asymétrique grave pénurie d’habitations. Selon un entreprendre collectivement une ré- entre le colonisateur et le colonisé? rapport du Bureau de coordination des flexion sur l’avenir de notre diffuseur L’étendue de la destruction semble affaires humanitaires de l’ONU, sur les public. Dans son Livre blanc sur l’ave- plutôt parler d’elle-même… 44 300 unités de logement qui ont été nir de Radio-Canada/CBC, le groupe L’opération « Bordure protectrice » endommagées (soit 13 % des maisons Tous amis de Radio-Canada propose la présente d’abord un terrible bilan en de Gaza), 18 000 ont été complètement tenue immédiate d’une commission matière de vies humaines sacrifiées. ou partiellement détruites. Alors qu’un parlementaire pour répondre à cer- taines questions fondamentales: avons- nous encore besoin d’un diffuseur public national? Et si oui, comment doit-il être financé, quel genre de pro- grammation doit-il diffuser et, surtout, comment devrait-il être dirigé? Au- trement dit : qui contrôle le diffuseur public? Ces questions sont cruciales non seulement pour Radio-Canada/ Palestinienne faisant CBC et ses employés, mais aussi, sur- son pain dans les ruines tout, pour la santé démocratique du de sa maison à Khan Canada. ● Younès, 21 septembre 2014. Photo : CP/ © Rex Features 1. Abdul Waheed Khan, « La Radiotélévision de service public : une sélection de bonnes pratiques », UNESCO, 2005. RELATIONS novembre-décembre 2014 5
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