Quel modèle économique pour le transport public demain ?
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O c to b r e / N ove m b r e / D é c e m b r e 2 017 # 19 2 L' A N A L Y S E É C O N O M I Q U E D U C R E - R A T P DOSSIER P.2/6 Quel modèle économique pour le transport public demain ? Écho des CDEP Focus Repères Nouvelle gouvernance pour Un contrôle limité Automatisation, numérisation : conduire la sécurité de l’utilisation du CICE un futur sans emploi ? P.8/10 P.7 P.14/15 Tendance Kiosque Les résultats décevants Notre sélection de l’évaluation du CICE P.16 P.11 Connexions 200-V2.indd 1 19/01/2018 11:36
Quel modèle é Édito Dossier pour le transport p Fin des Tabous ?! … Chiche ! M ercredi 13 décembre, Catherine GUILLOUARD, PDG de la RATP depuis le 2 août dernier, présentait en séance plénière du CRE ses orientations stratégiques à travers la déclinaison opérationnelle du plan d’Entreprise « Défis 2025 ». Un plan élaboré par l'ex-PDG, actuelle ministre de la Transition écologique, chargée des Transports. Quatre priorités sont affichées : la RATP comme partenaire des villes durables et intelligentes, l’excellence opérationnelle comme marqueur de l’Entreprise, et en point d’orgue deux focus prononcés sur le développement à l’international ainsi que l’ouverture à la concurrence. Sur ce dernier point, la PDG est allée jusqu’à dire, en interview le matin même dans le journal Les Echos, que « la fin du monopole ne devait pas être un tabou pour la RATP » ! Peut-être… Mais au même titre, serions-nous tentés de dire, que les vocables « d’Entreprise à statut », « d’Établissement Public de service public ». Ces termes ne sont pas des gros mots, ils sont la construction, la matrice de la RATP depuis sa création, depuis qu’elle assure sa mission de service public de transport urbain. Il ne faudrait alors pas oublier que c’est l’EPIC-RATP qui tire le Groupe RATP, non l’inverse. Cet état de fait, lui aussi, ne doit pas être un tabou ! Thierry Sautel, Président de la commission économique du CRE-RATP Smartphone, Big data, Artificial Intelligence, Mobility as a Service (MaaS) », ces anglicismes font désormais partie du vocabulaire courant de l’économie des transports. Interconnectée, l’activité de transport urbain de voyageurs se libéralise et s’uniformise. En 10 ans, le numérique a changé les habitudes et usages L'analyse économique du CRE-RATP des voyageurs comme les pratiques des opérateurs et 68, avenue Gambetta - BP 119 - 93172 Bagnolet Cedex Directeur de la publication : Jean-Marc CADOR la politique des autorités organisatrices. Par-delà ces Rédaction : DAE - Tél. 01 58 78 93 90 - E-mail : serv.eco@ce.ratp.fr Contacts : flavie.cantet@ce.ratp.fr changements, ce sont les principes mêmes du service pauline.jayais@ce.ratp.fr laurent.larnicol@ce.ratp.fr public qui évoluent. sophie.raffort@ce.ratp.fr nicole.rondeau@ce.ratp.fr francine.ropele@ce.ratp.fr Réalisation CRE-RATP Conception : JMF Communication - Iconographe : Cyrielle Aupin - Maquettiste : Pierre Malfilatre Photos et illustrations : Couverture : AnemStyle/Shutterstock ; Jean-Michel Sicot : p.2-3, 8, 9 ; Gilles Larvor : p.7 ; Thierry Morel : p.9 ; Nicolas fremiot : p.9 ; Golden Sikorka/Shutterstock : p.12 ; Marc Bruxelle/Shutterstock : p.13 ; Zurijeta/Shutterstock : p.13 ; DR/Smoove : p. 13 ; Syda Productions/Shutterstock : p.14 ; DR : p.4 2 CONNEXIONS Octobre - Novembre - Décembre 2017 Connexions 200-V2.indd 2 19/01/2018 11:36
e économique t public demain ? port urbain s’en trouve fragi- ar ticle très intéressant sur les concours publics des col- lisé. Les données numériques l’économie du transport (2 ) . lectivités territoriales. issues tout au long du process Il revient notamment sur le de transport tendent à devenir poids du transport dans l’éco- le nouveau carburant du mar- nomie nationale et son rôle ché des mobilités et leur cap- dans la société comme vec- Un service public tation est disputée par un teur essentiel de cohésion non rentable nombre croissant d’acteurs de sociale. Le mérite de cette tous horizons. Aujourd’hui, étude est notamment de rap- Tout monopole appelle une l’arrivée des géants du numé- peler que la production de régulation et une politique rique (GAFA) fait peser un transport est un processus et publique. Dans le transport risque fort de désintermédia- non un produit et que si l’ac- urbain, les collectivités terri- tion des opérateurs de trans- tivité de transport est classée toriales ont ainsi la compé- port traditionnels et en l’ab- parmi les services, le process tence d’autorité organisatrice sence de nouvelle régulation, de transport n’est pas pour de la mobilité (AOM) pour de délégitimation des poli- autant immatériel. La pro- établir un dispositif de trans- tiques publiques. C’est sur duction de transport est une port public de personnes. Les cette problématique en parti- industrie lourde s’appuyant AOM doivent en particulier culier et sur l’émergence d’un sur une infrastructure et une veiller au respect des trois nouveau modèle de finance- masse d’équipements mobiles grands principes juridiques ment du transport public ur- et f ixes capables de répondre du service public que sont la bain que nous reviendrons à la charge maximale du ré- continuité, l’égalité d’accès dans ce dossier. Mais avant seau. « Il est impossible de «lis- et la mutabilité du service, cela abordons quelques élé- ser» la courbe de production de c’est-à-dire son adaptation à ments de présentation des transport en stockant et déstoc- l’évolution des besoins de la caractéristiques du transport kant le process pour satisfaire les société. Elles doivent égale- public et de son modèle éco- f luctuations de sa consommation, ment s’assurer du respect d’un nomique actuel. comme on peut le faire pour un « droit au transport », intro- produit durable ». Ce qui im- duit dans la LOTI en 1982 et pl ique, i nver sement , u ne recodifié depuis dans le Code certaine surcapacité le reste des Transports. Son principe : Le transport, du temps, précise M ichel « rendre effectif le droit qu’a toute une industrie lourde Sav y. Équipements indivi- personne, y compris celle dont la sibles, non dépl açables et Michel Savy, éminent spé- irréversibles, les infrastruc- E (1) « Révolution numérique : Quels enjeux dans les n juillet 2015, nous sor- cialiste du transport, a ré- tures de transport sont donc ty transports ? », in Connexions 183, 2015 tions un dossier (1) sur la cemment publié dans la revue des monopoles nat urels, (2) « Transport : une approche d’économie politique », Michel Savy, in Alternatives is r é volut ion nu mé r ique L’ Econom ie pol it ique u n principalement f inancées par Economiques, novembre 2017 dans les transports. L’article es dressait un panorama des dif- rt férents changements à l’œuvre La décennie des nouveaux services de mobilité depuis 2006, année de com- En mercialisation des premiers es « téléphones intelligents ». En une dizaine d’années, le nu- et mérique s’est diffusé partout, es de la conception à la réalisation du ser vice de transport de ce voy a g e u r s . D e nou ve a u x usages se sont développés (par- tage de véhicules, co-voitu- rage), de nouvelles ressources sont valorisées (Big data) et de nouveaux acteurs ont fait leur entrée sur le marché du trans- por t urbain de voyageurs. L’équilibre du modèle écono- Source : Séminaire ENS - IAU Nouvelles pratiques et nouveaux services de mobilité, mai 2017 mique traditionnel du trans- Octobre - Novembre - Décembre 2017 CONNEXIONS 3 Connexions 200-V2.indd 3 19/01/2018 11:36
Quel modèle économique Dossier pour le transport public demain ? simple service que l’on achè- villes de France, son avenir terait sur le marché. Toute- est cependant sérieusement fois, en le considérant non menacé du fait de l’arrivée de comme « un service public » la concurrence indirecte des m a is com me « un ser v ice acteurs du numérique notam- d’intérêt économique géné- ment dans le domaine de la ra l », l ’en semble lég islat i f billettique et de l’information européen l’a progressivement voyageurs. Pour les opérateurs ouvert à la concurrence com- traditionnels, cette évolution munautaire. compor te un r isque élevé d’éclatement de leur chaîne Depuis l’entrée en vigueur fin de valeur et d’allotissement à 2009 du règlement européen terme des différents métiers OSP (obligations de service du process de transport public public), l’exploitation du ser- de voyageurs. vice de transport urbain est ainsi rarement conf iée à une Des plateformes régie et de plus en plus sou- vent déléguée à un opérateur numériques « privé ». Des appels d’offres « disruptives » sont organisés pour attribuer le droit de servir un marché Depuis 10 ans, de nouveaux donné en monopole pour une acteurs du secteur privé (start- « La gestion des transports urbains bascule durée déterminée (concur- rence dite « pour le marché »). up, plateformes) se sont en effet invités sur le marché de vers une gestion de l’offre de mobilité Le cahier des charges précise la mobilité urbaine en propo- les responsabilités de chaque sant de nouvelles solutions élargie aux systèmes de covoiturage, partie, le service attendu, le d’appariement de la produc- de voitures et vélos partagés, de places partage des risques et la ré- munération du délégataire. tion et de la consommation de mobilité via les applications de stationnement, etc.» L’AOM déf init la politique tarifaire, c’est à dire la part de Smartphone. Issus pour la plupart du monde numérique du financement assurée par le (Google, Amazon, Citymap- voyageur. Le périmètre du per, Uber, Blablacar…), ces contrat couvre généralement acteurs ont créé une offre de […] mobilité est réduite ou souf- l’ensemble des activités liées transport complémentaire à frant d’un handicap, de se dé- à la réalisation du service de celle du réseau de transport placer et la liberté d’en choisir transport : information voya- en commun en mobilisant les moyens dans les conditions geurs, billettique, exploita- notamment des actifs du do- économiques, sociales et envi- tion, maintenance, gestion maine privé (voiture de trans- ronnementales les plus avanta- des g ares, gest ion des in- port avec chauffeur (VTC), ge u se s pour la c ollec tiv ité ». frastructures, ingénierie… La autopartage, co-voiturage, Nécessaire à la vie sociale et f ilière est ainsi très intégrée etc.). Ils ont également déve- à l’exercice des fonctions ré- avec des opérateurs présents loppé de nouveaux services galiennes de l’État (contrôle sur l’ensemble de la chaîne de d’assistance au voyageur (na- du territoire), le transport valeur. Les marges d’exploi- vigation GPS, information public de personnes ne doit tation des opérateurs sont multimodale, réservation d’un a insi pa s êt re rédu it à un généralement faibles malgré trajet à distance, etc). leurs efforts continus de ra- Dans une étude parue en jan- Basculement du modèle des grands réseaux tionalisation et de producti- v ier 2 017 ( 3 ) , Isabel le Ba- vité. L’absence de rentabilité au modèle des plateformes du secteur dissuade les inves- raud-Serfaty (ibicity), Nicolas R io (A rcad ie) et Clément tisseurs privés et l’État reste Fourchy (Espelia) ont analysé LE MODÈLE DES GRANDS RÉSEAUX LE MODÈLE DES PLATEFORMES l’actionnaire majoritaire voire l’effet de l’arrivée des plate- exclusif des grandes entre- formes sur le modèle écono- La ville des infrastructures La ville des services et des données pr i s e s f r a nç a i s e s ( R AT P, mique du transport public. Fonctionnement linéaire Fonctionnement circulaire Keolis, Transdev) se livrant Alors que la chaîne tradition- Organisation centralisée Activation de la multitude concurrence sur ce marché nelle était bien ordonnée, re- + circuits courts encadré du transport urbain. posant sur un séquencement Un objectif de croissance Un objectif de sobriété Si ce modèle économique est Cloisonnement des réseaux Hybridation des services celui qui prévaut encore au- (3) « Etude sur les nouveaux modèles économiques urbains. Qui paiera la ville (de) demain ? » ibicity, Source : Etude ibicity, Acadie, Espelia, janvier 2017 jourd’hui dans la plupart des Acadie, Espelia, janvier 2017 4 CONNEXIONS Octobre - Novembre - Décembre 2017 Connexions 200-V2.indd 4 19/01/2018 11:36
chronolog ique des tâches, depuis l’autorité organisatrice Chaîne de valeur « historique » des transports publics en charge de la conception de l’offre, jusqu’à l’utilisation du CONCEPTION FINANCEMENT CONDUITE ENTRETIEN CONCEPTION MARKETING, service par l’usager et une re- & RÉGULATION & PRODUCTION DES ET & GESTION DE VENTE, UTILISATION DE L’OFFRE DE lative spécialisation des acteurs, MOBILITÉ DES ACTIFS VÉHICULES MAINTENANCE L’INFORMATION COMMUNICATION les chaînes de valeurs émer- gentes répondent à l’inverse à AUTORITÉ PUBLIQUE une logique de fonctionnement circulaire et décentralisée. Le OPÉRATEURS DE TRANSPORT succès rapide des plateformes PUBLIC tient notamment à trois inno- (publics ou vations majeures : l’agrégation privés) des données « de la multitude » FOURNISSEURS DE MATÉRIEL ( jusqu’ici fragmentées), la va- lorisation des actifs sous utilisés USAGERS des individus ou de la collec- tivité (places de parking, véhi- cules…), et l’interface avec Mutation de la chaîne de valeur des services urbains l’usager final du service. Une véritable mutation organisa- tionnelle du secteur se joue. LIEN VERS CONCEPTION FINANCEMENT MOBILISATION EXPLOITATION COMMUNICATION ENRICHISSEMENT Progressivement, les frontières AUTRES DE DU DES ET ET UTILISATION OFFRE ET SERVICE SERVICES L’OFFRE SERVICE ACTIFS MAINTENANCE COMMERCIALISATION entre transport public et trans- port privé, entre individu et AUTORITÉ collectif ou encore entre les PUBLIQUE différents secteurs économiques OPÉRATEUR de la ville (immobilier, énergie, HISTORIQUE déchets, mobilité…) sont re- mises en cause. Cela amène à FOURNISSEURS repenser le modèle de la mo- ACTEURS bilité urbaine et le partage des NUMÉRIQUES AGRÉGATION - INTÉGRATION rôles entre les différents acteurs USAGER de la ville. En agrégeant l’en- semble de l’offre disponible tout en se plaçant au plus près Positionnement principal Positionnement secondaire Mobilisation actifs privés distribués de l’utilisateur final, les plate- formes s’accaparent en effet Source : Étude sur les nouveaux modèles économiques urbains. Qui paiera la ville (de) demain ? ibicity, Acadie, Espelia, janvier 2017 progressivement une part de la richesse produite sans participer de voitures et vélos partagés, de l’augmentation de la partici- avec l a g énér a l i s at ion du à la production du service, ni places de stationnement, de pation des voyageurs au coût « Smart Navigo » post-paie- au financement de l’infrastruc- bornes de recharge électrique... du fonctionnement des trans- ment. Outre la possibilité de ture publique. Elles échappent Cette nouvelle politique de la ports collectifs. Dans un en- faire payer davantage l’utili- aussi parfois au contrôle et à la mobilité s’accompagne aussi vironnement urbain « hyper sateur f inal, les collectivités régulation des collectivités. d’une nouvelle gestion des actifs connecté », l’atteinte de cet pourraient, comme nous le Dans ce contexte, les autorités publics et de leur mode de fi- objectif sera facilitée. Avec la verrons ensuite, tirer aussi organisatrices doivent réaffir- nancement. Car le financement mu lt ipl ic at ion d e s objet s prof it de la valorisation des mer leur rôle et leur légitimité. du service public par l’impôt et connectés (portiques de péage, données d’usage et de profils Un travail qu’elles commencent par les entreprises est lui aussi smartphone, véhicules, in- clients issues du système bil- à réaliser en défendant leur place de plus en plus contesté. frastructures, etc.), la tarifi- lettique. Enfin, elles bénéfi- comme unique agrégateur pos- cation du service sera demain cient avec la d if f usion du sible d’intérêt général. L’objec- globalement plus élevée et de numérique d’un nouveau le- tif n’est pas de restreindre l’accès plus en plus individualisée. Le vier d’optimisation du coût au marché aux nouveaux en- Le financement prix payé pour un déplacement des infrastructures publiques. trants mais au contraire, de en question pourra ainsi être corrélé à la Pal liatif aux problèmes de « laisser faire » le marché en se consommation du service, à congestion et de saturation des positionnant comme chef de Dénonçant le déficit structu- son impact sur l’environne- réseaux, le mécanisme d’effa- file. Pour les autorités organi- rel de financement des trans- ment (internalisation des coûts cement des pics de consom- satrices, la gestion des transports ports publics, les autor ités externes), au comportement mation en place dans le secteur urbains bascule ainsi vers une organisatrices (GART) comme et au prof il de l’usager, aux de l’énergie permet d’adapter gestion intégrée de l’offre de les opérateurs de transport horaires ... Une situation que la demande à l’offre en temps mobilité élargie aux systèmes (UTP) militent depuis plu- l’on pourrait voir apparaître réel. À moyen terme, il pour- publics ou privés de covoiturage, sieurs années déjà en faveur de en Île-de-France dès 2021, rait inciter les collectivités à Octobre - Novembre - Décembre 2017 CONNEXIONS 5 Connexions 200-V2.indd 5 19/01/2018 11:36
Quel modèle économique Dossier pour le transport public demain ? abaisser le dimensionnement des individu en fonction de ses be- informations permettent de dé- infrastructures publiques. Ap- soins et de sa capacité à payer. gager des prédictions de compor- pliqué dans le domaine de la tement et de préférence ainsi que mobilité, ce mécanisme vise des pistes d’optimisation des f lux l’incitation du voyageur « vo- en temps réel et d’encouragement lontaire » à différer son déplace- Vers une politique de nouvelles pratiques. ment en fonction de son usage de la donnée et de ses caractéristiques propres La « loi Macron » du 6 août 2015 (âge, revenu, comportements, Dernier volet du renouveau du prévoyait la mise à disposition revenu s , dépen se s…) et en modèle économique de la mobi- libre, immédiate et gratuite des « temps réel ». Cette incitation lité urbaine, la valorisation des données du secteur des transports pourrait être financière, imma- données collectées sur les systèmes et dans un « format ouvert ». Mais térielle (qualité de confort) ou de transport et les pratiques de son décret d’application n’est tou- prendre par exemple la forme de déplacement. Lors de son trajet, jours pas paru. En effet, le partage points ou de bons offerts par un l’individu équipé d’un téléphone des données de la mobilité – l’open partenaire commercial. produit des données (informations data dans les transports – bute sur personnelles, choix d’itinéraires, l’absence de coopération des ac- Ces solutions de f inancement d’horaires, mode de transport teurs aux logiques et statuts dif- nouvelles ont de quoi tenter les privilégié, signalement d’accidents, férents (transporteurs, AOM, collectivités de plus en plus pri- de points de congestion…) comme start-up, plateformes numériques). vé e s d e r e s s ou r ce s f i s c a le s des services (co-voiturage, prêt de Les autorités organisatrices reven- propres. El les réinter rogent véhicule, etc.). Les véhicules diquent comme nous l’avons vu toutefois en profondeur la notion connectés fournissent également le rôle d’agrégateur des données de service public et mettent aussi de nombreuses données (niveau justifiant de leur caractère d’inté- en tension, l’un de ses principes de charge, usure des composant, rêt général, tandis que les opéra- fondateurs, celui de l’égalité nombre de kilomètres parcourus, teurs traditionnels font valoir le d’accès au service. Le transport consommation d’énergie...). Très droit de protection de certaines publ ic ne ser a plu s dem a i n utiles au décideur public, ces jeux données relevant du secret indus- unique et universel mais se pré- de données deviennent des res- triel et commercial. Les start-up sentera sous la forme d’un bou- sources stratégiques pour l’en- défendent leur droit à pénétrer ce quet de services (Mobility as a semble des acteurs de la mobilité. nouveau marché de la mobilité et Service - MaaS) offert à chaque L’analyse et le croisement de ces réclament une ouverture des don- nées la plus large possible. Une Smart Navigo : un calculateur d’itinéraires nouvelle génération situation qui mettrait les opéra- teurs de transport en situation de forte vulnérabilité face aux grandes plateformes du numérique. Qui parmi les diverses parties pre- nantes, conquerra le contrôle de la plateforme de données de trans- port ? Qui régulera cet ensemble en termes d’intérêt et d’ordre publics ? La future loi d’orienta- tion sur les mobilités (LOM) pré- vue au 1er semestre 2018 devrait prochainement trancher cette question. Elle devra aussi réduire le risque de dépendance des col- lectivités vis-à-vis des acteurs privés plus nombreux et plus puis- sants. L’enjeu porte en effet sur leur capacité à adapter leur offre de mobilité aux besoins sociaux et territoriaux. À défaut d’une politique volontariste, la mobilité à la carte au sein d’un vaste marché libéralisé pourrait conduire au développement des inégalités dans l’accès au transport public et à sa qualité de service. [Sophie Raffort] Source : IDFM 6 CONNEXIONS Octobre - Novembre - Décembre 2017 Connexions 200-V2.indd 6 19/01/2018 11:36
Un contrôle limité Focus de l’utilisation du CICE À la suite de la normalisation fiscale récente de la RATP, l’entreprise perçoit le CICE. Au titre de l’année 2016, son montant s’élève à 57 M€. À ce jour, le CRE- RATP n’a pas été consulté sur son utilisation. Focus sur quelques exemples de grandes entreprises du transport public. D ’après le dernier rapport de mation/consultation du Comi- trepr ise au m ieux que l ’année France Stratégie, les entreprises té d’entreprise (CE) avant le su iva nt sa décl a r at ion, sou s ayant une main-d’œuvre fai- 1 e r ju i l let d e ch a que a n né e forme d’imputation sur l’impôt blement rémunérée, les petites portant sur son utilisation (l’ad- sur les sociétés, ou d’un report entreprises et PME auraient majo- m in istrat ion f isca le ne la sur l ’année suivante ( pendant ritairement profité du CICE repré- contrôlant pas). Les informa- au plus trois ans). Cer taines sentant 77% de la masse salariale tions doivent f igurer, sous la entrepr ises peuvent souhaiter totale des très petites entreprises. forme d’une description litté- disposer dès à présent de leur Toutefois, les entreprises de plus de raire, en annexe du bilan ou C I C E a f i n d ’a l l é g e r l e u r s 2 000 salariés ne sont pas en reste dans une note jointe au x contraintes de trésorerie et de avec 55% de la masse salariale. Selon comptes. Si le CE constate que f inancer leur développement. l’enquête du Journal du Net, les tout ou partie des sommes n’a montants de CICE perçus par les pas été utilisé conformément à grands groupes sont importants. Ils son objet, il peut demander des représentent en 2014, à la Poste explications à l’employeur. Le Préfinancement 350 M€ et à la SNCF (1) 318 M€ la CE peut même déclencher une du CICE moitié de leur résultat. BNP Paribas procédure d’alerte dans le cas et BPCE totalisent 146 M€, Car- d’une utilisation non conforme. Pour cela, l’État a conf ié cette refour 120 M€, Orange 110 M€, Cepend a nt, i l semble qu’en mission aux banques. Bpifrance PSA 66,1 M€ et Air France/KLM dépit des montants signif icatifs, préf inance pr incipalement les 66 M€. le CICE n’ait pas contribué à TPE-PM E-ETI, plus frag iles rel a ncer l ’ i nve st i s sement et que l a moyen ne d e s ent re - l’emploi. Transdev, dans son p r i s e s . L e s g r a n d s g r ou p e s rapport f inancier pour l’année monétisent aussi leur créance. Le contrôle 2016, mentionne avoir f inancé C’est le cas des groupes Trans- par le CE non seulement, des actions de dev ou la SNCF, qui ont cédé formation, de nouveaux recru- leur créance du CICE à l ’éta- En contrepar tie de ce crédit tements et des actions de dé- blissement de crédit Natixis, d’impôt, la loi de sécurisation veloppement, mais également, d a n s le s cond it ion s prév ue s de l’emploi a prévu une infor- avoir reconstitué le fonds de a u x a r t i c l e s L . 313 - 2 3 à rou lement de sa société. L a L. 313-35 du Code monétaire Le Crédit d’Impôt SNCF a affecté cette somme à et f inancier, af in d ’améliorer la réduction de l’endettement leur trésorer ie. pour la Compétitivité et l’Emploi à long terme et à l’augmenta- Pour 2019, le gouvernement a tion du fonds de roulement, a n noncé la suppression du LE CICE, C’EST QUOI ? permettant ainsi la préservation CICE. Celle-ci s’accompagne- Le CICE représente une économie d’impôt qui équivaut à 7% de l’emploi. Sa f iliale, Keolis ra, pour toutes les entreprises, de la masse salariale (4% en 2013, 6% de 2014 à 2016), hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC. Pour les rémunéra- SAS, dans son rapport f inancier d ’une baisse de 6 points des tions versées à des salariés affectés à des exploitations 2016, a utilisé les 53 M€ de cotisations patronales maladie situées dans les départements d’outre-mer, le taux est fixé CICE, principalement à la re- pour l ’ensemble des sa la r iés à 9% à partir de 2016 (7,5% en 2015). Le CICE permet de constitution de son fonds de relevant du régime général de diminuer les charges de personnel. roulement. Sécur ité sociale dans la limite de 2,5 SMIC. À ce stade les LE CICE À QUOI ÇA SERT ? La mécanique f iscale de cette modalités de m ise en œuvre Le CICE a pour objectif de redonner aux entreprises des mesure ne per met pas à l ’en- ne sont pas encore connues de marges de manœuvres pour investir, prospecter de nou- trepr ise de bénéf icier im mé- manière précise. veaux marchés, innover, favoriser la recherche et l’innova- diatement de la liquidité cor- tion, recruter, restaurer leur fonds de roulement ou accom- respondant à la diminution de [Francine Ropèle] pagner la transition énergétique grâce à une baisse du ch a rge. Com me tout méca- coût du travail. n isme de créd it d ’ i mpôt, le (1) SNCF comprend SNCF Réseau et SNCF Mobilités (SNCF Voyageurs, Keolis, Gares et Source : economie.gouv.fr CICE n’est récupéré par l ’en- Connexions, Logistics) Octobre - Novembre - Décembre 2017 CONNEXIONS 7 Connexions 200-V2.indd 7 19/01/2018 11:36
Echo des CDEP Depuis le 1er mars 2017, le département SEC vit sous « une Nouvelle gouvernance ». L’objectif de ce changement d’organisation s’inscrit dans le contexte concurrentiel. Des nouveaux opérateurs pourront intervenir sur les réseaux en matière de sécurisation, y compris celui de la RATP. Elle-même entend conquérir d’autres territoires. La sécurité de la RATP veut être celle du réseau du Grand Paris. Nouvelle gouvernance pour conduire la sécurité L a sécurité est une compétence venir sur ses propres réseaux. partenaires extérieurs ». Ainsi, la régalienne. D’autres acteurs La direction a donc proposé direction cherche à « rationaliser publics ou privés peuvent de regrouper les acteurs dans les implantations territoriales pour d’ores et déjà intervenir dans ce une même salle et d’offrir des assurer une continuité managériale secteur. Les entreprises de trans- pupitres à d’autres opérateurs : et disposer d’une capacité de réponse port public comme la SNCF et par exemple la SNCF qui dis- opérationnelle adaptée », présente- la RATP pilotent leurs propres pose aussi de son propre service t-elle aux élus du CDEP. L’unité services de sécurité. Les relations d’intervention – la SUGE –, Opération Sécurité des Réseaux entre la préfecture de police et Optile et éventuellement, dans est donc divisée en deux unités ces entreprises exploitantes sont le futur, de nouveaux interve- opérationnelles. étroites. La Brigade des réseaux nants dans le cadre de marchés ferrés, sous-direction régionale qui s’ouvriraient. de la police des transports, dis- Simultanément, la direction en- pose d’une salle d’information et gage la réorganisation du dépar- Deux unités de commandement hébergée à la tement. Le directeur explique opérationnelles Maison de la RATP. dans Urban Infos « il m’est ap- La présidente de région aurait paru évident que ce département L’unité « Pilotage et coordi- préféré que soit créée une seule serait mieux structuré et plus fort si nation de la sécurité » (PCS) police des transports. Si la RATP nous avions deux unités opération- est chargée de récolter les in- approuve de mettre en commun nelles : - une pour le commandement formations des missions effec- le PC Sécurité, elle s’est oppo- capable de traiter la demande de sé- tuées sur le terrain et d’ana- sée à la fusion des services qui curité dans et hors entreprise et de lyser ces données. L’unité aurait permis d’externaliser plus la décliner en actions ; - une unité « Sécurité des réseaux multi- facilement cette activité. Or, opérationnelle des territoires chargée maîtrisant la connaissance des de la mise en œuvre des prescrip- lieux et du fonctionnement, elle tions. Cette architecture permettrait (1) « J.-F. LAE, «L’inaptitude à la RATP, de la protection à la sanction» in Sociétés considère plus efficace d’inter- une meilleure lisibilité vis-à-vis des Contemporaines N°8, 1991. 8 CONNEXIONS Octobre - Novembre - Décembre 2017 Connexions 200-V2.indd 8 19/01/2018 11:36
>département SEC/DSC Le dépar tement SEC compte 1279 agents au 31/12/2016. 5 K heops ou unités géog raphiques, dont 4 disposent de relais dans les centres bus, reg roupent les agents du GPSR. Ils réa lisent les m issions demandées par le bureau de soutien opérationnel ( BSO) qui transcr it les demandes R ATP ou de la police, ou en temps réel par le PC Sécur ité. Le g roupe cynotechnique inter vient en renfor t et de plus en plus avec l ’aug mentation des colis suspects, soit 6,7 sig na lements par jour en 2016. «La nouvelle gouvernance proposée n’apporte pas les solutions attendues aux difficiles conditions de travail de ce secteur.» modaux » (SRM) comprend unique des demandes de sé- Paris), se convertir en PC opérationnel) est renom- actuellement 5 unités géo- curisation et de mieux traiter sécurité du RTGP, pouvoir mé le CCDS - Centre de graphiques Kheops et 22 re- statistiquement la producti- opérer le commandement de conception des dispositifs lais implantés dans les centres vité du GPSR, n’impliquent forces de sécurité terrestres de sécurité. C’est le point bus, ainsi que l’unité cyno- pas obligatoirement de scin- potentiellement externes d’entrée de toutes les de- technique et le recueil social. der l’UO, indique l’exper- au GPSR dans l’éventualité mandes de sécurisation. Le Une cellule Stratégique Mé- tise. de multiples opérateurs de CCDS a pour mission de tier (CSM) est créée au sein transports externes ; répondre aux besoins des de l’Unité PCS avec deux • les données analysées par départements de la RATP postes d’opérateurs. SEC devront être fiables et et aux sollicitations de la En novembre 2015, le Compétitivité indépendantes et s’inscrire Brigade des réseaux fer- CHSCT est saisi pour avis sur exigée dans l’obligation d’offrir un rés (BRF). Pour ce faire, il ce projet. Il souligne le « peu service indépendant et équi- traite l’interface avec tous de visibilité et d’explications de ce Ses auteurs ont noté les in- table à chaque opérateur ; les clients en centralisant projet en termes d’enjeux écono- quiétudes des personnels • accueillir d’éventuels autres tous les besoins et demandes miques, stratégiques, sociaux et quant au contexte concur- opérateurs de sécurité dans de sécurisation ; il déf init, des objectifs attendus souhaités ». rentiel et soulignent le be- son PC Sécurité ; hiérarchise et planif ie les Le CHSCT mandate alors le soin d’une vision concrète et • être en capacité d’offrir une dispositifs de sécurisation en cabinet IRCAF-Réseau pour opérationnelle. Or ce projet présence accrue sur tous les tenant compte des préconi- réaliser une expertise sur les de réorganisation s’inscrit réseaux ; sations du Centre d’études impacts de cette nouvelle d’abord dans la recherche • afficher la fonction Sécuri- de la sécurité et de conseil gouvernance. Les agents globale de compétitivité de té dans toute l’entreprise ; opérationnel (CESCO). Les comprennent difficilement l’entreprise et ne sont énon- • réaffirmer la coordination actions de sécurisation réa- la scission de l’UO Sécurité cés que les grands objectifs : avec les services de police et lisées par le GPSR (Groupe des réseaux, d’autant que les • devenir un opérateur de les autres départements de la de protection de la sécurité raisons invoquées, telles la sécurité compétitif sur le RATP. des réseaux) y sont comp- nécessité de créer un canal RTGP (réseau du Grand Le BSO (bureau de soutien tabilisées. Ces opérations Octobre - Novembre - Décembre 2017 CONNEXIONS 9 Connexions 200-V2.indd 9 19/01/2018 11:36
Nouvelle gouvernance pour conduire la sécurité Écho des CDEP effectuées de plus en plus au qu’il ne modif ie pas les tâches fréquents des agents en repos niveau centralisé, l’ex-BSO et les missions de chacun. Est- pour assurer les missions. Ré- sera beaucoup plus sollici- ce une simple modif ication de puté difficile, le métier attire té mais sans moyens supplé- l’organigramme sans impact peu. Le plan de 100 postes supplémentaires contracté avec l’autorité organisatrice est très Évolution des effectifs à SEC difficile à réaliser. Ce qui peut Lecture : malgré les besoins d’augmentation des effectifs exprimés par l’autorité organisatrice, la RATP peine à s’expliquer notamment par le recruter dans ce métier difficile; on est loin des 1000 agents supplémentaires sur la durée du contrat. caractère très accidentogène Effectif Taux de croissance de l’activité avec des risques multipliés liés au travail de +3% 1300 nuit et au stress. Le taux d’ac- cidents du travail relevé par +2% l’expertise est près de 13 jours perdus en moyenne par an. Ce qui renforce le besoin de +1% coordination des différents acteurs plutôt que leur cloi- 1200 0% sonnement. La fonction d’agents de maî- trise opérationnels (AMO) -1% des Kheops représente, selon l’étude, un socle essentiel au fonctionnement du service, -2% pour composer les équipes, ré- 1100 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 pondre aux demandes du BSO, Taux de croissance Effectif réaliser les comptes rendus des opérations, etc. Aussi les Source : RATP élus du CDEP alertent sur le risque que les aspects de com- mandement et de stratégie du mentaires, tout en prenant en sur les métiers ? Mais les élus département deviennent indé- charge la gestion des actions CHSCT et agents GPSR s’in- pendants de l’unité opération- de proximité dans les centres terrogent encore sur les rai- nelle. Pour la direction, il est bus par exemple. sons de cette nouvelle mise en normal de conf ier la coordina- Le volet social est encore in- place et les impacts concrets tion à la Préfecture de Police certain. Ce n’est pas une de ce projet sur les métiers. S’y et la RATP garderait sa marge opération de productivité ajoute l’appréhension à propos d’autonomie et d’initiative re- accompagnée de réduction de l’évolution des carrières. lative aux besoins de l’exploi- des effectifs, se défend la di- Elle pourrait être plus diff icile tant du réseau. Le PC commun rection, invoquant la créa- puisqu’il y aurait besoin dé- permettrait de bien réaliser la tion de deux postes d’opéra- sormais de l’aval de deux di- mission de sécurité. L’objectif teurs. Cependant les agents ne recteurs (UO1 et UO2). est d’offrir un service indé- manquent pas de s’interroger pendant et équitable à chaque sur la conception d’une direc- exploitant, jusqu’à pouvoir tion à deux têtes et la charge opérer les commandements de travail qui ira en s’accrois- Recrutements de forces de sécurité poten- sant. Les horaires et les roule- difficiles tiellement externes au GPSR. ments pourront à terme être Dans cette conf iguration, le modif iés, apprend-on lors de La nouvelle gouvernance pro- PC sécurité conservera-t-il sa la séance de consultation en posée n’apporte pas les solu- place au sein de la RATP ? Si janvier 2017. Et l’ensemble des tions attendues aux diff iciles le projet de nouvelle gouver- agents GPSR seront concer- conditions de travail de ce sec- nance a été adopté majoritai- nés. Les réunions vont se teur. Les effectifs sont tendus, rement par les élus du CDEP, multiplier et autant de temps diagnostiquent l’expertise et nous n’en sommes encore qu’à consacré, craignent les élus, les élus. L’UO Sécurité des la première phase, des préci- puisque celles-ci seront orga- réseaux multimodaux agira sions notables devront encore nisées pour chaque « client » d’autant plus sous contrainte être apportées ultérieurement non plus dans leur ensemble aux besoins centralisés ex- pour estimer le volet social des mais de façon segmentée. primés par le BSO. Dans les phases suivantes et la réalité au Pour la direction, le projet Kheops (entités régionales qui niveau décentralisé. n’aurait pas d’impact sur les regroupent les agents GPSR) conditions de travail au motif sont évoqués les rappels [Nicole Rondeau] 10 CONNEXIONS Octobre - Novembre - Décembre 2017 Connexions 200-V2.indd 10 19/01/2018 11:36
Les résultats décevants 100 000 Tendance de l’évaluation du CICE emplois créés ou sauvegardés par le CICE sur la période 2013-2015 Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), Le CICE fait l’objet d’une évalua- les marges des entreprises leur per- entré en vigueur le 1 er janvier 2013, pèserait dans les tion annuelle par le Comité de suivi mettant ensuite d’investir, de gagner regroupant des parlementaires, des des parts de marchés et in fine créer finances publiques 20 Md€ par an et aurait créé ou partenaires sociaux, des administra- de l’emploi. Alors que les marges des sauvegardé 100 000 emplois sur la période 2013-2015. tions et des experts. Son secrétariat entreprises se seraient améliorées, il est assuré par France Stratégie. Dans n’y aurait pas eu, à court terme, d’ef- Le comité de suivi nous présente les résultats de son son dernier rapport en date d’octobre fet sur l’investissement, la recherche nouveau rapport d’évaluation. 2017, le crédit du CICE au titre des et développement et les exporta- salaires de 2013 à 2015 s’élève à 47 tions. Concernant l’emploi, l’effet milliards d’euros soit 15,6 milliards du CICE serait d’environ 100 000 L e CICE est un crédit d’impôt par an en moyenne. Le montant du emplois sauvegardés ou créés sur la en faveur des entreprises re- CICE au titre des salaires de 2016, période 2013-2015, avec une marge devables de l’impôt sur les so- arrêté au 5 août 2017, s’élève à 15,1 importante d’incertitude allant de ciétés ou de l’impôt sur le revenu milliards et devrait atteindre 19 mil- 10 000 à 200 000 emplois, des ré- dont l’assiette est calculée à partir liards en fin d’année. La créance au sultats éloignés de ceux des modèles de la masse salariale. Il est assis sur titre des salaires 2017 et 2018 devrait de Bercy prévoyant la création de le montant brut des rémunérations progresser et atteindre plus de 20 300 000 emplois à l’horizon 2017. À ne dépassant pas 2,5 fois le Smic. milliards d’euros par an. La montée ce stade, seulement un tiers de l’ob- Son taux est passé de 4 % des rému- en charge du CICE est due à l’aug- jectif serait atteint. nérations en 2013, à 6 % en 2014, mentation de son taux et au méca- 7 % en 2017, et passera de nouveau nisme complexe du versement aux à 6 % en 2018. Il a été créé pour entreprises, qui peut s’étaler jusqu’à aider les entreprises à financer leur quatre années pour un seul exercice. Des effets compétitivité notamment à travers Au 1er janvier 2019, ce dispositif bas- difficiles à mesurer des efforts d’investissements, de re- culera vers un allègement pérenne cherche, d’innovation, de recrute- des cotisations patronales. Les difficultés d’évaluation sont ment, de prospection de nouveaux nombreuses du fait des multiples marchés, de transition écologique objectifs à atteindre, de l’absence de et énergétique et de reconstitu- règles claires d’utilisation et d’ou- tion de leur fonds de roulement. Le compte tils de suivi du CICE, des impacts L’entreprise bénéficiaire du CICE n’y est toujours pas d’autres réformes (la prime à l’em- ne peut ni financer une hausse de bauche, le dispositif fiscal de sura- la part des bénéfices distribués, ni Les résultats du nouveau rapport de mortissement…). Ainsi, les effets augmenter les rémunérations de France Stratégie sont décevants par sur l’amélioration des marges des ses dirigeants. Il a été financé par la rapport aux objectifs du CICE. Par entreprises ne seraient pas totale- fiscalité écologique et par des éco- nature, le CICE était fait pour ré- ment identifiables par les méthodes nomies de dépenses. tablir la compétitivité en améliorant employées. De même, les travaux d’évaluation ciblent uniquement Les trois canaux de transit du CICE les effets du CICE directement perçu par les entreprises. Or, les entreprises ont aussi transmis une Canal financier CICE Canal des profits partie de leur CICE à leurs en- treprises clientes ou donneuses Effet trésorerie d’ordre, en réduisant ou en limitant notamment préfinancement Canal coût du travail la hausse des prix des biens et ser- court solvabilité - survie vices qu’elles leur vendent. Et cet terme effet n’est pas mesuré. Les effets sur Effet emplois Coût du travail Marge des sauvegardés entreprises les salaires seraient tout aussi discu- tables, en raison des fortes incerti- Investissement tudes sur la décomposition de l’ef- Emploi Salaire Prix fet CICE sur l’emploi par niveau de moyen terme qualification. Les estimations rela- Innovation qualité tives aux effets sur les dividendes seraient aussi extrêmement fragiles. Compétitivité Le comité demande d’ailleurs des long approfondissements concernant ces terme structurée deux derniers points. Emploi Source : France Stratégie [Francine Ropèle] Octobre - Novembre - Décembre 2017 CONNEXIONS 11 Connexions 200-V2.indd 11 19/01/2018 11:36
Dialogue social En Bref >SANTÉ ET TRAVAIL Les cancers professionnels en Europe coûtent entre Les députés valident 270 et 610 Md€/an les ordonnances Macron E nviron 190 000 cancers déclarés chaque année en Europe sont liés au travail. L’ETUI (Institut Syndical Européen) a calculé le coût total de ces cancers en additionnant les coûts des traitements médicaux, des pertes financières dues à l’arrêt de l’activité professionnelle et les coûts humains pour les victimes. L’étude a pris en compte la contamination par les 25 agents cancérogènes ou les expositions à des situations de travail toxiques (l’amiante, le benzène, la silice, le travail de nuit ou posté, les émissions des moteurs diesel…). La facture représente 1,8 % à 4,1 % du PIB de l’Union Européenne dont les travailleurs et leur famille assument injustement la part la plus importante. L ETUI, 13/11/2017 es députés LREM et du MoDem, ainsi que ceux d’une large ma- jorité des autres partis de droite ont voté au Parlement le 28 novembre le projet de loi de ratification des ordonnances Macron. >ASSISES DE LA MOBILITÉ 2017 Cet accord de l’Assemblée confère ainsi aux ordonnances réformant Les contours de la future loi le Code du travail, force de loi. Le texte a été à peine retouché par d’orientation l’adoption d’une trentaine d’amendements. Ceux-ci complètent les L mesures relatives « au renforcement de la négociation collective » e 13 décembre, Elisabeth Borne, ministre chargée des transports (désignation d’un DS en dehors des élus ayant obtenu au moins 10 % a clôturé les Assises de la mobilité en présentant les mesures qui des suffrages exprimés au premier tour des élections profession- pourraient figurer dans la future loi prévue pour février 2018. Si nelles, délai de deux mois à l’employeur pour engager une procédure la priorité du gouvernement porte sur un plan de désenclavement com- de licenciement du salarié qui refuse l’application de l’accord de plet du territoire en dix ans, d’autres propositions ont été retenues, compétitivité, etc.) ou celles relatives à la « sécurisation des relations dont, un « plan vélo » couvrant les questions d’infrastructures, de fis- de travail » (instauration d’un formalisme allégé en cas de télétravail calité et d’éducation, l’open data généralisé réunissant l’ensemble de régulier, exclusion de l’application du barème des indemnités prud’ho- l’offre de transport dans une application numérique. Pour financer les males dans certain cas de licenciements, mise en place d’une priori- projets et favoriser la mise en place de nouveaux outils, des « péages té de réembauche pour les salariés licenciés après un CDI de chantier, urbains » et des « voies dédiées au covoiturage » sont envisagés. etc.). Les députés ont également apporté quelques corrections aux dispositions relatives au comité social et économique (CSE) avec une Ville, rail & Transports, 14/12/2017 prise en charge intégrale par l’employeur de certaines expertises, des mesures de restrictions concernant les transferts entre les « 1/4 des jeunes ont dû renoncer budgets du comité, des assouplissements aux règles visant à limiter les mandats successifs des élus ou encore avec l’attribution d’un à un emploi et 21 % à une droit d’alerte aux CSE de moins de 50 salariés. formation en raison des difficultés Le 29/12/2017 les décrets d’application ont été signés de transport » pour une mise en œuvre dès le 01/01/2018 Enquête du Credoc, 01/10/2017 >PRÉSENTÉISME Près de 20 % des salariés >URBANISME malades renoncent à un arrêt La ville dense et connectée maladie prescrit ne fait pas rêver les français S elon une enquête de Malakoff Médéric sur l’absentéisme, 34.1 % D ’après une étude de l’Observatoire Société et Consommation, 48 % des salariés du privé ont été absents au moins une fois pour des Français et 62 % des Franciliens voudraient « aller vivre ail- maladie en 2016, un chiffre élevé mais stable. L’étude révèle leurs » s’ils en avaient la possibilité. Idéalement dans une petite surtout un phénomène émergent : le renoncement à l’arrêt maladie. ou moyenne ville proche d’un pôle urbain, dans le sud ou à l’ouest. La vie Pour expliquer ce refus, 48 % des salariés malades déclarent « ne en ville est en effet perçue comme « hyperactive », cause de fatigue, pas avoir l’habitude de se laisser aller », 29 % invoquent les raisons bruit, pollution, promiscuité. La ville hyper connectée est aussi rejetée : financières, 23 % la « peur d’être surchargé de travail au retour et moins d’un Français sur trois accepterait de partager ses données pour 22 % la pression hiérarchique. Pour 65 % d’entre eux , ce présen- contribuer au bon fonctionnement des smart cities. Les Français se téisme a eu un impact sur leur productivité et la qualité de leur projettent au contraire dans la ville « nature » et « autosuffisante ». travail et pour 53% sur leur santé. Le Figaro, 25/11/2017 Malakoff Médéric, 22/11/2017 12 CONNEXIONS Octobre - Novembre - Décembre 2017 Connexions 200-V2.indd 12 19/01/2018 11:36
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