RASSEGNA BIBLIOGRAFICA - Medioevo a cura di G. Matteo Roccati
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
RASSEGNA BIBLIOGRAFICA Medioevo a cura di G. Matteo Roccati Le manuscrit unique. Une singularité plurielle, Giuseppina Brunetti discute en particulier les pro- É. Burle-Errecade, V. Gontero-Lauze (dir.), Paris, blèmes liés à l’édition critique des textes, en rappelant Sorbonne Université Presses, 2018, 148 pp. les questions soulevées par la Chanson de Roland, dont toutes les copies ont pu être éditées comme autant de Le bref Avant-propos qui introduit ce beau recueil manuscrits uniques (sous la direction de J. J. Duggan, souligne les trois axes autour desquels s’organisent les 2005), puis par le Tristan de Béroul, dont elle analyse contributions réunies ici: la question de la réception, les dans les détails l’épisode du rendez-vous sous le pin, problèmes d’édition, les aspects liés à l’intertextualité. puis le dialogue entre Iseut et Brangien, pour conclure Les traductions françaises de textes scientifiques avec une remarque sur l’intertextualité avec Cligés représentent un corpus que Joëlle Ducos interroge sur (Publier le manuscrit unique: problèmes et exemples la base de trois cas emblématiques: la traduction des d’édition (avec une note sur le “Tristan” de Béroul), Météorologiques par Mathieu Le Vilain, que la redécou- pp. 55-72). verte d’un deuxième manuscrit, conservé à Saint-Péters- Marie-Laure Savoye, qui en a entrepris l’édition bourg, a permis de mieux dater (1290-1295) et surtout complète, analyse le manuscrit BnF, fr. 12483, seul d’en comprendre la tradition textuelle; une adaptation témoin conservé du Rosarius, une compilation dédiée française de la Compilatio de astrorum scientia de Léo- à la Vierge qui compte, à l’état actuel, près de 40 000 pold d’Autriche; deux traductions d’opuscules à usage vers. S’agissant d’un ouvrage riche en citations, les pratique, contenant, l’un une liste d’ingrédients succé- questions ecdotiques sont nombreuses, et concernent danés, l’autre des recettes alchimiques (Textes scienti- tant les textes dont aucun autre manuscrit n’est fiques français et manuscrit unique, pp. 13-24). conservé que ceux dont la tradition est abondante Transmis par un seul manuscrit aujourd’hui à Cam- (par exemple, le Testament de Jean de Meung). Mais bridge, Un chevalier et sa dame et un clerk mérite atten- la tâche de l’éditeur critique est encore compliquée par tion: ce texte en vers, qui se désigne comme un romanz, la recherche des modèles manuscrits, sans doute un mais est de nos jours considéré un fabliau, est soumis grand livre-bibliothèque aujourd’hui perdu; l’auteur, par Francis Gingras à une analyse fine, qui permet un prédicateur dominicain originaire du Soissonnais, entre autres de relever sa proximité avec les théma- a séjourné à Paris, peut-être aussi à Poissy, ce qui tiques courtoises (maladie d’amour, jalousie), ainsi que permettrait de rattacher son œuvre à la bibliothèque la dimension exemplaire du récit. Sur un autre plan, royale (Le “Rosarius” ou les vestiges du cabinet d’étude l’examen du recueil qui le contient – à contenu pseu- d’un prédicateur mondain, pp. 73-87). do-historique (Brut de Wace) et exemplaire, qui plus Le manuscrit 405 de la Bibliothèque Inguimber- est conservé dans une ancienne bibliothèque abbatiale tine constitue un témoignage exceptionnel d’une ré- – confirme l’insuffisance de nos catégories, non seule- ception tardive du Moyen Âge. Comme le montrent ment génériques, à l’égard de la littérature médiévale Sébastien Douchet et Valérie Naudet, il s’agit d’un (Un manuscrit singulier et unicum à Saint-Augustin de livre hybride à la fois dans sa fabrication, en tant Canterbury: le fabliau “Un chevalier et sa dame et un que montage de manuscrits médiévaux, que pour clerk” dans le manuscrit Cambridge, Corpus Christi Col- les textes qu’il contient: Beuve de Hantone, deux lege 50, pp. 25-37). fragments de la Chevalerie de Judas Macchabee, des La contribution de Gérard Gouiran est la seule à séquences versifiées de la Consolation de Boèce tra- aborder des textes provençaux, en l’occurrence Rol- duite par Jean de Meung, deux fragments de Gerbert lan a Saragossa, Flamenca et Guilhem de la Barra: sa de Metz. Son “auteur”, qui révèle ses intérêts et sa présentation porte essentiellement sur la bibliographie formation dans la préface qui ouvre le volume, est critique et sur les interrogations que soulève la conser- Hubert Gallaup de Chasteuil, avocat général au par- vation de l’épopée provençale par des manuscrits lement de Provence: condamné à l’exil à perpétuité uniques et, pour les deux premiers titres, anonymes, en 1659, Hubert composa son ouvrage sans doute à alors que le troisième est «signé» per Arnaut Vidal (La Reims, où il vécut de 1665 à 1670 (Comprenne qui e malédiction du manuscrit unique: quelques réflexions pourra… La fabrique du Moyen Âge au xvii siècle dans sur trois textes longs de la littérature occitane médiévale, le manuscrit 405 de la bibliothèque Inguimbertine de pp. 39-51). Carpentras, pp. 89-112).
328 Rassegna bibliografica S’ouvrant directement sur la Suite du Merlin, le tielles, car elles offrent au lecteur moderne, selon manuscrit fr. 227 de la BnF constitue un unicum dans Olivier Bettens, non pas une aide immédiate à la com- la mesure où il fournit une version singulière de transi- préhension, mais la vision des articulations du texte tion narrative: le dernier tiers de cette copie constitue (pp. 119-133). La ponctuation musicale, en rapport en effet le passage de l’univers héroïque (caractérisé cette fois avec la phrase poétique, intéresse aussi Gilles par les combats contre les Saxons) à l’univers breton Dulong, qui interroge le corpus lyrique de l’Ars nova (marqué plutôt par les aventures individuelles), en pré- et préconise des lectures conjointes des deux plans paration du Lancelot. Noémie Chardonnens, Nathalie du corpus lyrique du xive siècle (pp. 201-213). Dans Koble et Patrick Moran consacrent la plus grande par- les manuscrits des Vers de la Mort d’Hélinand et du tie de leur analyse aux questions littéraires, sans pour Despit du Monde de Wautriquet de Couvin, destinés autant négliger l’aspect matériel du manuscrit, qui à la déclamation publique, Federico Saviotti relève, semble confirmer, sinon une véritable césure, tout au d’une part, l’imprévisibilité des lieux ponctués, et, moins une différence de traitement entre la première d’autre part, la variété de fonction des signes les plus et la seconde partie (L’invention du “Livre d’Artus”: le fréquents, point et comma (pp. 135-147). manuscrit Paris, BnF, fr. 337, pp. 115-135). L’étude des pratiques adoptées par les copistes de Bien que transmises l’une et l’autre par une seule fabliaux permet à Francis Gingras de s’interroger sur copie, les deux versions manuscrites des Neuf Preux, l’éventuelle incidence de la forme d’un texte verna- composées vers la fin du xve siècle, doivent être consi- culaire sur sa ponctuation (pp. 235-247). La prise en dérées comme le témoignage de la circulation d’un compte des signes de ponctuation peut s’avérer essen- nombre très élevé de textes, à savoir leurs sources, tielle, comme le montre Danièle James-Raoul en analy- latines ou françaises. Anne Salamon donne ici un sant le manuscrit unique du Roman de Silence, dans la aperçu de cette diffusion, en soulignant comment le datation d’une copie, voire dans l’établissement d’une motif des Neuf Preux donne une structure et organise édition critique (pp. 249-265). Le projet d’édition de un vaste matériau, historique, littéraire et biblique, l’Ovide moralisé fournit à Yan Greub l’occasion pour en constituant une sorte de condensé des lectures vérifier les différentes fonctions des lettrines dans un qui intéressaient les lecteurs aristocratiques de cette corpus de manuscrits (structuration, soulignement, époque (Deux manuscrits uniques pour Neuf Preux, repérage, démarcation de types d’énoncés), et sur- pp. 137‑146). tout pour en montrer l’intérêt dans une perspective L’intérêt de ce recueil, et de chaque article en parti- de critique textuelle (pp. 267-279). Simone Ventura culier, tient, me semble-t-il, dans les questionnements compare les marques de division macro-textuelle dans posés et dans l’approche résolument méthodologique: le manuscrit autographe du Decameron et dans le ma- textes et manuscrits plus ou moins connus et analy- nuscrit VAT de la traduction de Laurent de Premier- sés ici permettent de fait de revenir sur les questions fait (pp. 281-298). Une charte liégeoise du xiiie siècle que tout éditeur de texte doit se poser, portant sur dont on conserve deux expéditions fournit à Nicolas l’«authenticité» du texte qu’il donne à lire: en dé- Mazziotta l’occasion pour analyser les variantes dans coulent non seulement toute interprétation littéraire la ponctuation et pour souligner avantages et inconvé- ou tout commentaire linguistique ou stylistique, mais nients d’une édition électronique essayant de donner jusqu’à notre vision de la production médiévale tout accès à celles-ci (pp. 299-316). Hélène Biu examine la entière. ponctuation dans trois manuscrits de la Somme Acé, [maria colombo timelli] traduction du corpus de droit justinien remontant au e xiii siècle: au-delà de quelques différences de détail, le système apparaît stable et syntaxiquement cohérent Ponctuer l’œuvre médiévale. Des signes au sens, (pp. 317-332). Le manuscrit-recueil BnF, fr. 1553, Études réunies par V. Fasseur et C. Rochelois, Genève, œuvre de quatre copistes différents, fournit un maté- Droz, 2016, «Publications Romanes et Françaises» riau vaste et hétérogène pour ce genre de recherches: 267, 718 pp. Olivier Collet relève quelques régularités dans la fonc- tion dévolue aux signes, sans que cela aboutisse à un Issu d’un colloque qui s’est tenu à Pau en avril 2014, véritable «système» de ponctuation (pp. 333-352). ce gros volume constitue une contribution remarquable Yasmina Foehr-Janssens s’interroge sur la manière de dans le domaine des études sur la ponctuation médié- ponctuer pour des lecteurs modernes les unités syn- vale, tant par l’approche, qui prend en compte les deux tagmatiques dans les octosyllabes du Roman des sept pratiques toujours en présence – à savoir la ponctuation sages (version K), et discute en particulier la ponctua- du copiste et celle de l’éditeur moderne –, que par l’éten- tion du Prologue (pp. 353-369). Une édition «à deux due du corpus examiné par les nombreux intervenants: niveaux», qui montre tant la ponctuation du manus- la prise en compte par les contributeurs de diverses aires crit médiéval que celle adoptée par l’éditeur critique, linguistiques (latin, italien, langue d’oïl, langue d’oc, an- est aujourd’hui possible grâce aux nouveaux systèmes glais) et de nombreux genres littéraires offre en effet une d’édition numérique: c’est ce que préconise Cinzia vision en même temps précise – lorsque un seul texte Pignatelli, à partir de l’exemple du ms. fr. 24430 (Rela- est examiné – qu’élargie, dans la mesure où la réflexion tion de la prise de Saint-Jean d’Acre, pp. 371-387). C’est théorique ne fait jamais défaut. Le recueil est divisé en dans un corpus de textes en ancien français que Tho- trois parties, consacrées respectivement: aux signes de mas Verjans analyse d’abord les pratiques de ponctua- ponctuation, à la confrontation entre travail des copistes tion des éditeurs critiques, pour mesurer ensuite leur et travail des éditeurs, aux études de cas. Afin de gar- adéquation aux acquis de la linguistique diachronique der des dimensions convenables, cette notice ne portera (pp. 389-413). Maria Careri revient sur la ponctuation que sur les corpus français et provençal et ne donnera du chansonnier L, dont elle souligne l’intérêt même qu’un aperçu des richesses qui s’ouvrent au lecteur tant dans une édition moderne (pp. 403-413). Toujours soit peu curieux d’un aspect essentiel dans la lecture et dans le domaine de la lyrique occitane, Sergio Vatte- l’interprétation des textes. roni examine le rapport entre la ponctuation dans les Les marques «musicales» dans les pièces qui chansonniers lyriques et celle adoptée par les éditeurs émaillent le Jeu de Robin et Marion s’avèrent essen- critiques (pp. 415-433).
Medioevo 329 La ponctuation d’un texte, à plus forte raison d’un Texts, from «Amor Dei» to Fear of Judgement, pp. 141- texte scientifique, reflète et détermine en même temps 171, en particulier sur des textes cisterciens. Gustav son interprétation: Christine Silvi analyse les énumé- Zamore, Bonaventure’s Thought Experiment: The Use rations de mots dans la version du Secret des secrets of «Synderesis» in the «Itinerarium mentis in Deum», contenue dans le ms fr. 1822 de la BnF, et leur ponctua- the Ineffability Topos, and Francis’s Stigmata, pp. 173- tion dans les éditions modernes, souvent très discor- 195. Francesca Southerden, The Art of Rambling: dantes (pp. 451-471). Véronique Dominguez étudie Errant Thoughts and Entangled Passions in Petrarch’s les marques d’interrogation dans le manuscrit unique «The Ascent of Mont Ventoux» («Familiares» IV, 1) and du Jeu d’Adam, et en montre les retombées sur l’inter- «RVF» 129, pp. 197-221. Philip Knox, Desire for the prétation du texte (pp. 521-537). Aux yeux de Laetitia Good: Jean de Meun, Boethius, and the ‘homme devisé Tabard, les marques de ponctuation dans les textes en deuz’, pp. 223-250. Gabrielle Lyons, Interpretation dialogués d’Eustache Deschamps risquent de brouiller all the Way Down: Fabliaux and Medieval Exegesis, pp. la répartition des différentes voix, alors que cette am- 251-271. Daniel Reeve, Queer Arts of Failure in Alan biguïté serait recherchée et ferait sens (pp. 539-556). of Lille and Hue of Rotelande, pp. 273-296. Index aux En analysant les choix adoptés par les éditeurs des xixe pp. 329-339. et xxe siècle pour ponctuer quelques passages de la [g. matteo roccati] chanson d’Aspremont, Blandine Longhi en mesure les conséquences dans l’expression des émotions et dans la «dramatisation» de l’action (pp. 557-571). Vanessa Jean-Pierre Martin, Les Motifs dans la chanson de Obry adopte une approche analogue, mettant en rap- geste. Définition et utilisation (Discours de l’épopée port les choix des éditeurs et la ponctuation du manus- Médiévale 1), Paris, Champion, 2017, «Essais sur le crit médiéval, afin de vérifier la perception actuelle du Moyen Âge» 65, 414 pp. style brisé et de la polyphonie des voix dans Guillaume de Dole de Jean Renart (pp. 573-590). La relation Cette nouvelle édition du précieux livre de 1992 stricte entre ponctuation et syntaxe amène Jean-Ma- constitue une véritable mise à jour d’une des réfé- rie Fritz à souligner les particularités du genre de la rences des spécialistes de l’épopée, et plus en général fatrasie: à ses yeux, seul le choix de ne pas ponctuer des médiévistes: loin de se limiter à compléter la biblio- les éditions critiques préserverait le non-sens poursuivi graphie par un nombre important de titres parus après par les auteurs médiévaux (pp. 591-605). Cette même cette date (pp. 369-394), Jean-Pierre Martin a repris option devrait s’imposer, selon Christopher Lucken, son texte dans le détail, en précisant certains aspects, pour la poésie de Charles d’Orléans, qui ne mérite en complétant les notes, en tenant compte des nou- pas d’être soumise aux lois d’un découpage purement velles éditions publiées au cours des dernières années. logique (pp. 607-628). Un travail difficile et sans doute parfois fastidieux En fin de volume, on trouvera une précieuse Orien- dont il faut lui être reconnaissant. Il ne nous semble tation bibliographique: la section «Études» en particu- pas inutile d’en donner une sorte de fiche de lecture, lier (pp. 678-695) réunit presque 250 titres, livres et qui rendra certainement service aux plus jeunes, mais articles, qui rendront les plus précieux services tant qui ne sera sans doute pas inutile aux chercheurs plus aux éditeurs de textes qu’aux linguistes et aux histo- chevronnés. riens du livre manuscrit. L’Introduction (pp. 9-26) rappelle les concepts et [maria colombo timelli] termes en jeu, en abordant quelques questions défi- nitoires (motifs narratifs et motifs rhétoriques, qui correspondent aux deux parties du volume) et en pré- Medieval Thought Experiments. Poetry, Hypothesis, cisant le corpus retenu (Raoul de Cambrai, Orson de and Experience in the European Middle Ages, Ph. Beauvais, Aye d’Avignon, Garin le Loherenc, Gerbert Knox, J. Morton, and D. Reeve (eds), Turnhout, de Mez). Brepols, 2018, «Disputatio» 31, VIII-340 pp. Après avoir montré l’insuffisance de l’approche et des classifications des folkloristes, qui ne sauraient être Le volume rassemble douze contributions issues appliquées à la chanson de geste (L’approche des folk- d’un colloque tenu à Oxford en 2015. L’Introduction: loristes, pp. 29-49), J.-P. Martin analyse Les modèles Textual Experiments, Thinking with Fiction, par Jona- structuraux (pp. 51-74), qui lui paraissent plus ren- than Morton, pp. 1-20, précise le sens qu’il faut donner tables, dans la mesure où ils séparent personnages et à l’expression «thought experiment» en particulier en fonctions et surtout tiennent compte de la hiérarchie littérature: la fiction est en quelque sorte une expé- et de la syntaxe de leur emploi. Dans cette optique, rience, un scénario hypothétique destiné à susciter une le motif narratif s’avère être une unité complexe, mar- réaction en sollicitant l’imagination du lecteur. J. M. quant un changement dans la diégèse. Un épisode ajoute: «We are employing the term as a provocation, typique de la chanson de geste – le combat singulier as an invitation to think about the many different ways entre deux champions – permet ensuite d’aborder in which the hypothetical and the fictional could be des questions plus précises: la délimitation du motif used as tools for thought» (p. 6). épique, ses contextes, la définition des acteurs et des Parmi les articles qui suivent plusieurs concernent clichés narratifs, la variabilité même des motifs. Loin des œuvres et des auteurs appartenant ou liés à l’aire d’être «figés dans un schéma immuable» (p. 111), française. John Marenbon, Thought Experiments with ceux-ci ne s’adaptent à des récits très divers qu’au prix Unbelief in the Long Middle Ages, pp. 21-40, à propos, de transformations de surface importantes; s’il s’agit entre autres, des Collationes d’Abélard. Marco Niever- de motifs épiques au sens propre, c’est parce qu’ils gelt, Can Thought Experiments Backfire? Avicenna’s reflètent la réalité du monde féodal (Essai d’anatomie, Flying Man, Self-Knowledge, and the Experience of pp. 75-112). C’est donc une véritable «syntaxe» qui or- Allegory in Deguileville’s «Pèlerinage de vie humaine», ganise les motifs, en nombre somme toute limité, dans pp. 41-69. Alice Lamy, The Conception of the World le corpus épique (Description sommaire de l’organisme in «Placides e Timéo», pp. 99-119. Julia Bourke, Affec- narratif, pp. 113-139). D’autre part, l’environnement tive Meditation in Hand Mnemonics and Devotional où un motif donné est inséré permet une quantité éle-
330 Rassegna bibliografica vée de modifications: le sens même du motif varie dans Il parcourt ensuite les moments fondamentaux et les ces cas, pouvant être dédoublé, renversé, éventuelle- textes dans lesquels elle s’est incarnée: les troubadours, ment subverti jusqu’à devenir comique; cette richesse André le Chapelain, Chrétien de Troyes, L’exception sémantique est à l’origine même de tendances théma- tristanienne. À la fin de ce parcours, un chapitre de tiques à la fois vastes et souples (Des motifs aux thèmes, synthèse propose «de décliner l’amour courtois sous pp. 141-171). les trois espèces de la fin’amor, de la fole amor et de La deuxième partie envisage les motifs, d’abord, la bone amor» (p. 80). Viennent après encore trois en considérant leur forme linguistique (Structures chapitres consacrés à L’occultation de l’amour courtois d’expression, pp. 175-213). La discussion porte sur la (fabliaux, condamnation d’Etienne Tempier, Adam possibilité d’isoler les motifs de ce point de vue, puis de la Halle, Christine de Pizan, Alain Chartier), à sa sur les critères permettant de reconnaître les formules reprise par Guillaume de Machaut et du xvie au xixe par le retour de lexèmes ou clichés, sous des variations siècle (de Ronsard à Flaubert et Baudelaire), enfin e parfois importantes, enfin sur les figures rhétoriques au xx : Breton et deux essayistes qui ont tenté de récurrentes. Le rôle du narrateur est analysé dans ses «reprendre l’exégèse [de la légende] à nouveaux frais prises de parole privilégiées: prologue, épilogues, mais pour retourner comme un gant la démonstration de aussi «prologues internes» qui relancent le récit par le Rougemont et affirmer la positivité du parcours de recours à des motifs non nécessairement épiques (rever- Tristan et Iseut» (p. 106), Michel Cazenave et Michel die ou cour plénière, par exemple); tous ces passages Clouscard. Le discours est constamment nourri de la exigent par ailleurs la collaboration entre narrateur et discussion, toujours rapide (sans notes, une bibliogra- public – toujours présent dans le texte – afin de décryp- phie, pp. 115‑118, liste les ouvrages cités), des travaux ter l’histoire racontée (Paroles du narrateur (pp. 215- critiques qui ont enrichi l’interprétation du concept. 261). Les règles rhétoriques propres aux discours des personnages sont examinées à partir du motif «offre de [g. matteo roccati] présents», qui permet d’envisager une approche globale de certains discours stéréotypés de la chanson de geste: contenu du don, articulation du discours direct, actes Milena Mikhailova-Makarius, Le présent de Marie, de parole. Ces propos reflètent les règles des institutions Lecture des “Lais” de Marie de France, 2e édition rema- sociales, ainsi que celles du genre épique (Paroles des niée, Genève, Droz, 2018, «Courant critique» 1, 168 pp. personnages, pp. 263-295). Une fois constatée l’exis- tence de motifs proprement «rhétoriques», l’analyse Cet essai a été publié une première fois en 1996 (avec essaie d’en déceler l’évolution et l’intérêt au sein d’une une introduction par Roger Dragonetti). La bibliogra- tradition textuelle donnée: il apparaît ainsi que la fixité phie a été enrichie et la lecture commentée des lais de ces expressions – littéraires plus qu’«orales» – est proposée alors a été revue et remaniée, tout en gardant en quelque sorte un leurre: à partir d’un stock recon- l’approche et les articulations d’origine (voir l’analyse naissable, les auteurs réalisent individuellement «une détaillée qu’en avait donnée Ingrid De Pourcq: “Studi topique propre au genre épique» (p. 323), en en faisant francesi” XLII, 1998, n. 126, pp. 542‑543). un véritable moyen d’expression poétique (Les paroles gelées, pp. 297-323). [g. matteo roccati] La conclusion permet, en quelques pages seule- ment (pp. 325-332), de saisir la portée d’une étude qui dédouble les angles d’attaque, mais dont l’unité “Reinardus” 29, 2017, pp. 284. repose sur l’objet même de l’analyse: de fait, la prise en compte des motifs narratifs (en partie tirés du folk- Nous rendons compte ici des articles concernant le lore, en partie créés en propre par le genre lui-même) Moyen Âge. et des motifs rhétoriques (qu’il soient rattachés à l’ex- Le volume s’ouvre avec une contribution de Paola pression orale ou qu’ils relèvent d’une véritable forme Cifarelli (Formes brèves et mise en prose. Le cas des poétique) permet de reconnaître, d’une part, les traits “Herberies”, pp. 1-15), qui étudie les rapports entre propres d’un genre littéraire capital au sein de la pro- le Dit de l’Herberie de Rutebeuf et la prose anonyme duction médiévale, de l’autre de percevoir une vision transmise par le ms. Paris, BnF, fr. 19152. L’A. montre du monde et l’imaginaire même de la société féodale. qu’une opération de dérimage a été réalisée au moyen On soulignera aussi l’intérêt des annexes: Motifs de deux procédés: la technique du dévers et la transpo- narratifs (pp. 335-349), Motifs rhétoriques (pp. 351- sition libre; en même temps, l’enchâssement de traces 363); le Lexique des principales notions théoriques utili- de versification dans les séquences correspondant à la sées (pp. 365-367) constitue un glossaire utile méritant section en prose du Dit semble reproduire les effets de d’être constamment consulté au cours de la lecture. polyphonie évoqués par l’alternance vers/prose chez Rutebeuf, tout en relevant d’un souci d’expérimenta- [maria colombo timelli] tion stylistique et de resémantisation. Une hypothèse de datation du texte anonyme est également proposée. L’analyse des sources et des techniques de compo- Alain Corbellari, Prismes de l’Amour courtois, Dijon, sition du Liber de natura rerum fait l’objet de l’essai de Editions Universitaires de Dijon, 2015, «Essais», 120 pp. Mattia Cipriani («In dorso colorem habet inter viridem et ceruleum». “Liber rerum” e osservazione zoologica diretta Ce petit volume, brillant et documenté, fait le point nell’enciclopedia di Tommaso di Cantimpré, pp. 16-98). sur une notion galvaudée, que l’on préférait éviter L’A. se focalise sur une auctoritas anonyme, désignée par dans les dernières décennies, le sens restreint que lui Thomas de Cantimpré par la mention Liber rerum: ce avait donné Gaston Paris ayant été oublié. Après avoir petit livre de propriétés, sans doute rédigé dans les ré- retracé l’«invention» de l’expression (1883), l’A. la met gions de l’Europe du Nord dans le but d’instruire les re- en relation avec les sources et la situe par rapport aux ligieux à travers un langage essentiel, constitue le moyen réalités analogues dans l’Antiquité et dans d’autres privilégié par lequel l’écrivain brabançon introduit dans civilisations (Kama Sutra indien et littérature arabe). son ouvrage des amplifications fondées sur l’observation
Medioevo 331 directe de la nature, en se distinguant ainsi de la plupart Paul Wackers (Animals as Images in Medieval Mir- des encyclopédistes de son temps. rors of Sins, pp. 247-261) s’interroge sur la fréquence Antoine De Proft («Au feu, à la cloche et au filet». et la typologie des images animalières dans un corpus Chasser la bécasse des bois au Moyen Âge et à l’aube des de sept textes en moyen néerlandais. En particulier, Temps Modernes, pp. 99-119) passe en revue les pra- l’A. observe que les animaux sont employés pour se tiques de chasse à la bécasse illustrées dans les traités référer au Christ, aux péchés, aux diables, mais sur- cynégétiques et les manuels scientifiques médiévaux et tout aux qualités des êtres humains; deuxièmement, il modernes. D’après les sources prises en examen, cet remarque que les animaux jouent le rôle d’exemples oiseau, qualifié de gibier sot, peut facilement être cap- (leur comportement est mis en contraste avec celui des turé au moyen de filets, de leurres sonores et d’autres hommes), mais aussi de métaphores (ils partagent avec engins se démarquant parfois par leur singularité: la les hommes les mêmes propriétés) et d’allégories (les curieuse pratique de la «follastrerie», dont la première animaux sont comme les hommes et constituent un description remonte aux Livres du Roy Modus et de la guide pour découvrir la réalité). Royne Ratio, véhiculerait une mise en garde édifiante En conclusion, Clara Wille (Le Vultur dans le “De aux hommes qui, tout comme les bécasses, se laissent Animalibus” d’Albert le Grand, pp. 262-282) consacre naïvement piéger par le diable. son étude au De Animalibus d’Albert le Grand. Après Antonella Sciancalepore (Hawks and Knights. (De) avoir illustré la structure de l’ouvrage, qui ajoute au constructing knightly identity through animals in French commentaire des dix-neuf livres du De Animalibus de chivalric literature (12th-13th century), pp. 120-141) se l’Aristote arabo-latin sept livres supplémentaires trai- penche sur le mécanisme d’identification réciproque tant les animaux par ordre alphabétique, l’A. souligne mis en place entre les chevaliers et les oiseaux de proie que parfois les informations concernant un animal dans les chansons de geste et les romans médiévaux. donné dans la première partie entrent en conflit avec L’A. souligne que, dans la littérature chevaleresque, les celles présentées dans les derniers livres. L’exemple du faucons, les autours et les éperviers ne sont pas seule- traitement du «vautour» est emblématique à ce sujet: ment des symboles de l’aristocratie, car ils participent il permet de démontrer que le philosophe dominicain aussi de la définition du statut des chevaliers: selon un transmet fidèlement la matière aristotélicienne sans processus d’humanisation de l’animal et d’animalisa- pour autant renoncer à l’adapter aux conditions mo- tion de l’être humain, le rapace incarne le comporte- dernes de la science naturelle. ment du chevalier au point d’en constituer le double, [elisabetta barale] tandis que l’homme se juxtapose à l’oiseau en enrichis- sant son identité de qualités animalières. Après avoir examiné le cas de la licorne et du rhi- Mattia Cavagna, La “Vision de Tondale” et ses ver- nocéros auxquels les auteurs anciens renvoient en sions françaises (xiiie-xve siècles). Contribution à l’étude utilisant indifféremment les termes unicornus, monoce- de la littérature visionnaire latine et française, Paris, ron et rinoceron, Richard Trachsler (Du lynx à l’once. Champion, 2017, «Nouvelle Bibliothèque du xve Animaux réels et créatures symboliques, pp. 142-163) se siècle» 118, 673 pp. focalise sur un autre exemple de dénominations échan- geables: le lynx et l’once. Étymologiquement liés, ces Texte fondamental au sein de la littérature vision- deux prédateurs au pelage tacheté sont très différents, naire médiévale, la Vision de Tondale a connu une mais peu connus en Occident; de ce fait, en dehors transmission aussi prolongée que variée, en latin et e du domaine de la pelleterie, les auteurs médiévaux dans seize langues européennes, du xii siècle jusqu’à désignent souvent négativement la même créature par la fin du xve. Après avoir édité en 2008 les versions de trois mots qui prêtent à malentendu (lynx, once, loup Jean de Vignay, David Aubert et Regnaud le Queux cervier). (“Studi francesi” 157, 2009, p. 152), Mattia Cavagna Une autre confusion zoonymique – celle qui inté- offre ici un remarquable volume de synthèse, prenant resse l’escargot et la tortue (limax, testudo et tortuca) en compte l’ensemble de la tradition, latine et fran- – retient l’attention de Sébastien De Valeriola (L’escar- çaise, du texte. Composée en 1149 par un moine irlan- got dans les encyclopédies médiévales. Les conséquences dais, «Frater Marcus», la version originale de la Visio zoologiques d’une confusion lexicale, pp. 164-200). (V1) a été enchâssée, sous une forme abrégée, dans le L’A. travaille sur quelques-unes des plus importantes Chronicon d’Hélinand de Froidmond (début du xiiie encyclopédies médiévales dans le but de préciser les siècle), puis dans le Speculum historiale de Vincent de contours d’une évolution sémantique embrouillée, qui Beauvais (V2); une troisième version latine, très abré- se reflète aussi dans les enluminures accompagnant les gée (V3), se lit enfin dans le Speculum morale du pseu- e notices relatives aux termes en question; l’ambiguïté do-Vincent de Beauvais (début du xiv siècle). Cha- lexicale qui caractérise les sources latines ne disparaît cune de ces rédactions successives est à l’origine d’une pas complètement avec le passage au vernaculaire et ou de plusieurs traductions françaises (onze au total): les renseignements fournis par les encyclopédistes sont deux des plus tardives (H, «version homilétique», souvent à la base d’images très éloignées de la réalité. début du xve siècle, et G, de David Aubert, 1475) Une approche iconographique amène Olga Vassile- dérivent de V1; six traductions remontent à la version va-Codognet («In lacu leonum»: fosse, tanière, parc ou de Vincent de Beauvais: L, J, A, V, T, M; la traduction ménagerie?, pp. 201-231) à analyser l’évolution du mo- de Regnaud le Queux, de 1480 (Q), est basée sur V3; tif biblique de Daniel dans la fosse des lions. La repré- alors que pour les deux textes qui restent (P et D) il sentation paléochrétienne schématique du prophète se est impossible de remonter au modèle. Ces quelques transforme sous l’empreinte d’un plus grand réalisme données donnent déjà la mesure de l’ampleur et de au cours du xive et du xve siècle: l’aplat d’encre noire la complexité du corpus abordé par Mattia Cavagna, qui évoque la caverne et la tanière des fauves se méta- auquel on reconnaîtra d’entrée de jeu les qualités de la morphose ainsi en des constructions de type puits/ clarté et de la rigueur, qui se reflètent dans l’organisa- citernes, mais aussi en des ménageries idéales et en des tion interne de son ouvrage, articulé en deux parties, la parcs édéniques ressemblant aux réserves de chasse de première partie ayant pour objet la source, la seconde l’époque. les versions françaises.
332 Rassegna bibliografica L’analyse des trois versions latines (chapitre 1) Outre quelques Annexes et Index, la Bibliographie, s’articule en paragraphes consacrés aux auteurs, aux remarquable, occupe les pp. 585-653. datations, aux contextes culturels de production et de transmission. Pour la version originale, M.C. [maria colombo timelli] s’intéresse aussi aux sources et circonstances de com- position, au schéma narratif et au contenu; les deux rédactions de V2 sont soumises à une collation qui per- Théâtre et révélation. Donner à voir et à entendre au met d’en mesurer les écarts. Au total, le texte latin est Moyen Âge. Hommage à Jean-Pierre Bordier. Études transmis par plus de 150 manuscrits; dans sa présenta- réunies par C. Croizy-Naquet, S. Le Briz-Orgeur et tion, M.C. prête une attention particulière au contenu J.-R.Valette, Paris, Champion, 2017, «Nouvelle biblio- des manuscrit-recueils, en les rangeant en trois caté- thèque du Moyen Âge» 121, 589 pp. gories: recueils théologiques, didactiques, dévotion- nels; recueils hagiographiques, recueils d’exempla, de È da salutare con grande favore la pubblicazione miracles, de récits visionnaires; sans oublier le passage di questo volume miscellaneo, con il quale una tren- à l’imprimé de la version de Vincent de Beauvais, très tina tra allievi, colleghi e amici omaggiano Jean-Pierre précoce, à partir de 1472 ca. Le deuxième chapitre Bordier, grande studioso delle forme teatrali dell’Eu- situe d’abord la Visio dans la production visionnaire ropa tra il x e il xvi secolo. Si tratta di una materia précédente, qui comprend entre autres l’Apocalypse de che notoriamente si può affrontare solo e soltanto se saint Paul et le livre IV des Dialogues de Grégoire le si è in grado di essere, di volta in volta e al contem- Grand, afin de mettre en relief la récurrence des mo- po, filologo, linguista, antropologo, sociologo, storico, tifs: mort temporaire, séparation de l’âme et du corps, storico della letteratura: esattamente come ha saputo voyage dans l’au-delà avec un guide surnaturel, retour fare nel corso della sua carriera Bordier, attraverso una au corps, mise par écrit de l’expérience. M.C. met varietà di approcci metodologici che si riflette sia nella l’accent sur trois aspects fondamentaux, dont il com- struttura complessiva del volume sia nei singoli saggi pare le traitement dans l’ensemble du corpus latin: le che lo compongono. statut narratif du visionnaire, protagoniste de l’extase, Dopo una davvero densa ed esauriente «Bio-biblio- du voyage et de la révélation, et en même temps res- graphie de Jean-Pierre Bordier» (pp. 12-23, a firma ponsable de sa transmission écrite; la description spa- di Stéphanie Le Biz-Orgeur) e dopo un’apprezzabile tiale de l’au-delà, divisé entre espaces infernal et para- e chiara «Présentation des contributions» (pp. 25-35, disiaque; son organisation quadripartite: purgatoire, per le cure di Catherine Croizy-Naquet e Jean-René enfer, lieux d’attente, paradis. Sur cette toile de fond, Valette), l’opera si articola in tre macrosezioni: la pri- le chapitre 3 élargit encore le terrain d’enquête par la ma (la più ampia) è dedicata alle forme propriamente prise en compte des textes médiévaux proches de la lit- teatrali tra il xii e il xvii secolo, seguendo il corso del térature visionnaire: on soulignera l’essor remarquable «long Moyen Âge» caro a Jacques Le Goff, e cercando que la Visio a connu au xve siècle, dont témoignent tant – dai più antichi drammi liturgici e fino a Corneille e al le nombre des manuscrits conservés (87) que les échos teatro di devozione del xvii secolo e oltre – «la manière littéraires sous des formes parfois très diverses dans dont le jeu dramatique donne à voir et à entendre», l’Europe entière; une première réaction parodique et contribuendo così «à fixer un certain nombre de jalons satirique, représentée en France par le Songe d’enfer de dans l’histoire des formes théâtrales» (p. 26); la secon- Raoul de Houdenc ou le Dit du pet au vilain de Rute- da si sviluppa intorno alla nozione di teatralità, intesa beuf, est suivie de la vaste tradition des voyages allégo- come “teatro fuori dal teatro”, come presenza di una riques: M.C. rappelle l’œuvre de Raoul de Houdenc, “qualità teatrale” in una serie di testi i più variegati; la Huon de Méry, Rutebeuf, Baudouin de Condé, Jean terza si concentra su altre vie della “rivelazione”, con de le Mote, Guillaume de Digulleville, jusqu’aux deux particolare attenzione per la letterarietà come segno e traités anonymes, Purgatoire des mauvais maris et Enfer manifestazione di senso. des mauvaises femmes (seconde moitié du xve siècle), Voglio segnalare in particolare le interessanti osser- sur lesquels l’influence de la Vision paraît vraisem- vazioni di Gilbert Dahan sui meccanismi che portano blable. il jeu del primo Medioevo a uscire dalla liturgia per La seconde partie est consacrée, comme on l’a dit, sfociare nell’universo del teatro, verificando che cosa aux onze versions françaises, classées et étudiées sin- significhi (dal punto di vista della morfologia) il deli- gulièrement: étalées entre la fin du xiiie et la fin du xve cato passaggio dal dramma liturgico al jeu dramatique siècle, elles sont éditées en partie seulement. M.C. en (Temps sacré, temps profane, temps du théâtre de la offre plusieurs classements: par source, par nombre liturgie au jeu, pp. 39-50). de témoins, par région d’origine, et encore par public Chiudono il volume alcuni indici che si rivelano envisagé (contexte clérical ou laïc, voire princier). e uno strumento davvero utile per l’addetto ai lavori Chaque texte est ensuite présenté dans les détails: tra- e un mezzo per orizzontarsi a disposizione del letto- dition manuscrite, source, adaptation du contenu. re: «Index des noms et des œuvres» (pp. 541-573); La maîtrise d’un ensemble très vaste de textes per- «Index des citations bibliques» (pp. 577-578); «Index met à M.C. de faire le point sur un certain nombre des cotes de manuscrits et des références d’imprimés de questions ayant trait à l’histoire de la spiritualité anciens» (pp. 579-584). – on n’oubliera pas son retour sur la question de la [giuseppe noto] «naissance du Purgatoire» – et à l’histoire littéraire du Moyen Âge, mais aussi d’ouvrir des pistes de recherche: les jalons qu’il a posés et les informations Charlemagne: les temps, les espaces, les hommes. détaillées qu’il offre, entre autres sur des versions fran- Construction et déconstruction d’un règne, R. Grosse, çaises encore inédites de la Vision, permettront de (re) M. Sot (dir.), Turnhout, Brepols, 2018, «Haut Moyen lire un certain nombre de textes et de les interpréter à Âge», 34, 606 pp. la lumière d’un ouvrage qui a certainement exercé une influence prolongée sur les œuvres médiévales. Ce gros volume rassemble les actes d’un colloque tenu à l’Institut Historique Allemand à Paris en 2014
Medioevo 333 e à l’occasion du 1200 anniversaire de la mort de Char- sur les valeurs, multiples et spécifiques, de la représen- lemagne. Le but était «de situer le demi-siècle de son tation figurée du livre, notamment ouvert et portant gouvernement dans un jeu d’échelle spatial et tempo- des inscriptions, omniprésente dans les miniatures rel, en faisant la part des traditions et des innovations accompagnant les évangiles. Richard Matthew Pollard, et en donnant une meilleure place aux périphéries Charlemagne’s Posthumous Reputation and the «Visio et aux laboratoires qu’elles ont pu constituer» (Rolf Wettini», 825-1857, pp. 529-549, retrace la réception, e e Grosse, Les cendres de Charlemagne, pp. 11-15, à p. du ix au xviii siècle, du passage concernant la puni- 15). L’ouvrage réunit près d’une trentaine de contribu- tion de Charlemagne et relativise l’impact de l’image tions et est articulé en six sections: «Penser et organiser de l’empereur qu’elle véhicule, perçue comme réel- le pouvoir», «Représenter le pouvoir», «Uniformisa- lement négative seulement dans les temps modernes, tion et résistances», «À l’est et au sud: modèles, émula- depuis l’édition de Mabillon en 1677. Index des noms tion, innovation», «Communications et réseaux», «An- de personnes et de lieux aux pp. 591-605. ticipations et héritages». À coté de travaux consacrés aux instruments et aux méthodes de gouvernement [g. matteo roccati] de l’empire (notamment à propos des capitulaires et de leur constitution en corpus normatif: Philippe Depreux, Charlemagne et les capitulaires: formation et Coopétition. Rivaliser, coopérer dans les sociétés du réception d’un corpus normatif, pp. 19-41), plusieurs haut Moyen Âge (500-1100), R. Le Jan, G. Bührer- autres traitent de sa dimension culturelle, en particulier Thierry, S. Gasparri (dir.), Turnhout, Brepols, 2018, dans les domaines de l’architecture, de l’iconographie «Haut Moyen Âge» 31, 424 pp. et de la production de manuscrits. On retiendra plus particulièrement les communications suivantes, pour Le volume est d’intérêt fondamentalement histo- leur intérêt dans une perspective longue d’histoire rique et le concept sur lequel il est centré a été théorisé des perceptions et des modes de pensée. Carine Van d’abord dans le domaine économique, dans le cadre Rhijn, Charlemagne’s «correctio»: A Local Perspective, de la théorie des jeux: le «terme coopétition a été for- pp. 43‑59, concernant l’idée de réforme qui imprègne gé à la fin des années 1980 pour décrire la poursuite la politique du règne et les témoignages, rares, de son simultanée d’actions coopératives et compétitives par impact aux niveaux inférieurs de la société (comme des acteurs économiques» (R. Le Jan, Coopétition. certains manuscrits, tel le BnF lat. 1012, un «handbook Rivaliser, coopérer sans les sociétés du haut Moyen Âge: for local priests», p. 56). Maximilian Diesenberger, réflexions préliminaires, pp. 9-20, à p. 9). Il peut avoir Karl der Grosse und die Predigt, pp. 81-99, à propos de toutefois une application plus large. Les contributions l’attention à l’égard de la prédication, instrument de rassemblées, un peu plus d’une vingtaine, sont clas- réforme, notamment pour le contrôle des potentiores. sées en trois parties correspondant à trois périodes: Sumi Shimahara, Charlemagne, premier souverain chré- 550-650, ixe siècle, 1050-1120. Elles examinent des cas tien commanditaire d’exégèse biblique?, pp. 101-117, particuliers au niveau des stratégies mises en œuvre sur le renouveau carolingien des commentaires bi- par les acteurs. Une traite en revanche de la perception bliques. Rosamond McKitterick, Charlemagne, Rome, de ce genre de situations telle qu’elle apparait dans and the Management of Sacred Space, pp. 165-179: au- un texte «littéraire»: H.-W. Goetz, Grégoire de Tours: delà des reprises littéraires, la référence privilégiée à la (comment) a-t-il perçu une «coopétition»?, pp. 49-60. liturgie romaine (saints, lectures, rituels, dévotion im- L’étude passe en revue des exemples de rivalité et périale) et à la papauté sont les signes de l’intégration à d’alliance, donc de «coopétition» possible, décrits par la Francia de la mémoire sacrée de Rome. Warren Pezé, Grégoire en s’arrêtant sur sa manière de les présenter. Un faussaire à la cour: hérésie et falsification pendant la Elle conclut que ce concept anachronique ne rend pas controverse adoptianiste, pp. 193-226: l’article examine compte de la vision partisane et religieuse de l’auteur. la tradition manuscrite du De Trinitate d’Hilaire de Poitiers à la lumière des accusations carolingiennes de [g. matteo roccati] falsification portées contre Felix d’Urgel, il s’arrête no- tamment sur la querelle qui opposa au début du xviiie siècle le jésuite Barthélémy Germon et le mauriste Confiance, bonne foi, fidélité. La notion de «fides» Pierre Constant «sur les corruptions des hérétiques» dans la vie des sociétés médiévale (vie-xve siècles), (p. 208). C’est la «légitimité de la science philolo- W. Falkowski, Y. Sassier (dir.), Paris, Classiques gique» (p. 194) qui était en cause: «Germon propose Garnier, 2018, «Rencontres, 364, Série Histoire, 4», de remettre le choix des variantes textuelles au magis- 390 pp. tère (...). La méthode mauriste, en revanche, repose sur un probabilisme épistémologique d’inspiration Le volume réunit les actes de deux journées port-royaliste, pour lequel la certitude philologique, d’études organisées dans le cadre de l’Institut Catho- la probabilité qu’un jugement porté sur une variante lique d’Etudes Supérieures de La Roche-sur-Yon en ou une datation soit vrai, n’est pas d’ordre métaphy- 2011 et 2012, il comprend près d’une vingtaine de sique, mais moral» (pp. 210-211). Florian Hartmann, communications portant sur une notion qui est, dans la «A textual Community»? Zur Lukrezrezeption karolin- latinité classique et les auteurs médiévaux qui s’en ré- gischer Gelehrter, pp. 371-384: le De rerum natura était clament, la clé de voûte des relations sociales: «le com- oublié depuis Isidore de Séville, un manuscrit caro- portement sincère et droit, notamment le respect de lingien et ses annotations témoignent de l’intérêt que l’engagement pris, vertu essentielle, chez le gouvernant Lucrèce a suscité dans le milieu lettré gravitant autour à la fides duquel (...) est confiée la res publica» (Yves de la cour de Charlemagne. Le fait est d’autant plus Sassier et Woyciech Falkowski, Avant-propos, pp. 7-11, significatif que Lucrèce disparaitra de nouveau après à p. 10). Dans le cadre de la rassegna, on retiendra plus le ixe siècle jusqu’à sa redécouverte par Poggio Brac- particulièrement la contribution de Jacques Verger, ciolini en 1417. Charlotte Denoël, La parole révélée: «Juramentum» et «fides» dans les statuts universitaires essai sur la symbolique visuelle du livre dans les livres français du Moyen Âge, pp. 275-291, sur les serments d’Evangiles de l’époque de Charlemagne, pp. 477-505, universitaires, et les suivantes, portant sur des textes
Vous pouvez aussi lire