Lectura Dantis Inferno, Canto III - Cycle de Conférences de l'UCP Année universitaire 2019-2020 - RSU-DD

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Lectura Dantis Inferno, Canto III - Cycle de Conférences de l'UCP Année universitaire 2019-2020 - RSU-DD
Lectura Dantis
Inferno, Canto III

      Cycle de Conférences de l’UCP
      Année universitaire 2019-2020
      Alessandro Benucci
      Maître de Conférences en Langue et
      Littérature Italiennes médiévales

                      abenucci@parisnanterre.fr
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Quelques repères pour
commencer…
_
•   Dante Alighieri (1265 – Florence)

•   1292 – Recueil de poèmes pour Béatrice

•   1290-1302 – Vie politique à Florence (guelfe blanc,1300 prieur)

•   1302 – Exilé de Florence par la volonté du pape Boniface VIII

•   1302-1321 – Errance dans les communes et principautés du Centre-Nord de l’Italie

•   1307-1321 – rédaction de la Divine Comédie

•   1321- mort du poète (Ravenne)
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Quelques repères pour
    commencer…
    _
•   100 : canti (1+33 Enfer; 33 Purgatoire; 33 Paradis)

•   1307-1311 – Rédaction de l’Enfer

•   Mercredi 5 avril 1300 – Errance dans la selva oscura

•   Jeudi matin 6 avril 1300 – Rencontre des trois bêtes féroces et de Virgile

•   Vendredi 7 avril 1300 – Dante traverse l’entrée de l’enfer en compagnie de Virgile

•   hendécasyllabes – vers traditionnel de la poésie italienne (11 sillabes, accent sur la 10e)

•   Tercets en rimes embrassés- ABA, BCB, CDC, DED…… YZY Z.
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Structure
De
l’Enfer
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L’au-delà
Selon
Dante
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« Par moi l’on va dans la cité dolente,
                                                  par moi l’on va dans l’éternelle douleur,
  If. III, 1-12                                   par moi l’on va parmi le peuple perdu.

  La porte de l’Enfer
  _
                                                  Justice a poussé mon suprême créateur ;
                                                  la divine puissance, la suprême sagesse
                                                  et le premier amour me firent.

’Per me si va ne la città dolente,                Avant moi rien ne fut créé
per me si va ne l'etterno dolore,                 qui ne soit éternel, et moi éternellement je
per me si va tra la perduta gente.3               dure.
                                                  Vous qui entrez, laissez toute espérance.»
Giustizia mosse il mio alto fattore;
fecemi la divina podestate,                       Ces paroles de couleur sombre,
la somma sapïenza e ’l primo amore.6              je les vis écrites au-dessus d’une porte ;
                                                  aussi je dis : « Maître, leur sens m’est dur.»
Dinanzi a me non fuor cose create
se non etterne, e io etterna duro.
Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate’.9

Queste parole di colore oscuro
vid’ïo scritte al sommo d’una porta;
per ch’io: "Maestro, il senso lor m’è duro". 12
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Le réconfort donné par
Virgile
_                                             Et lui à moi, comme personne avisée :
                                              « Ici il convient d’abandonner toute crainte ;
                                              la moindre lâcheté ici doit être morte.
Ed elli a me, come persona accorta:
"Qui si convien lasciare ogne sospetto;       Nous sommes venus au lieu que je t’ai dit,
ogne viltà convien che qui sia morta.15       où tu verras les gens dans la douleur
                                              qui ont perdu le bien d’entendement.
Noi siam venuti al loco ov’i’ t’ ho detto
che tu vedrai le genti dolorose               Et prenant ma main,
c’ hanno perduto il ben de l’intelletto".18   le visage joyeux, ce qui me conforta,
                                              il me fit entrer dans les choses secrètes
E poi che la sua mano a la mia puose
con lieto volto, ond’io mi confortai,
mi mise dentro a le segrete cose .
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Virgile médiéval
_

          Virgile, Œuvres avec les commentaires de Servius
          Virgile contemple des ruches dans la campagne
          Paris, fin du XVe siècle.
          Dijon, Bibliothèque municipale, ms. 493 , fol. 45 (Bibliothèque municipale de Dijon, cliché fol
          Perrodin)
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Les premières
sensations
_                                              Là soupirs, plaintes et hurlements de douleurs
                                               retentissaient dans l’air sans étoiles,
                                               ce qui me fit pleurer pour commencer.•24
Quivi sospiri, pianti e alti guai
risonavan per l’aere sanza stelle,             Langues diverses, accents horribles,
per ch’io al cominciar ne lagrimai.24          paroles de douleur, accents de colère,
                                               voix fortes et faibles, et mains qui claquent•27
Diverse lingue, orribili favelle,
parole di dolore, accenti d’ira,               faisaient un tumulte, qui toujours
voci alte e fioche, e suon di man con elle27   tournoyait dans cet air éternellement obscur,
                                               comme le sable quand souffle un tourbillon.•30
facevano un tumulto, il qual s’aggira
sempre in quell’aura sanza tempo tinta,        Et moi, qui avait la tête toute baignée de doutes,
come la rena quando turbo spira.30             je dis : « Maître, qu’est-ce que j’entends ?
                                               Qui sont ces gens accablés de douleur?».•33
E io ch’avea d’error la testa cinta,
dissi: "Maestro, che è quel ch’i’ odo?
e che gent’è che par nel duol sì vinta?" .
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Les pusillanimes
_
                                             Et lui à moi : « Ce triste comportement
                                             est celui des âmes misérables de ceux
                                             qui vécurent sans infamie et sans louange.•36
Ed elli a me: "Questo misero modo
tegnon l’anime triste di coloro              Elles sont mêlées au chœur infâme
che visser sanza ’nfamia e sanza lodo.36     des anges qui ne furent ni rebelles
                                             ni fidèles à Dieu, mais pour eux seuls•39
Mischiate sono a quel cattivo coro
de li angeli che non furon ribelli           Les cieux les chassent pour ne pas s’enlaidir
né fur fedeli a Dio, ma per sé fuoro.39      et le profond enfer ne les reçoit pas,
                                             car les damnés en tireraient quelque gloire.»42
Caccianli i ciel per non esser men belli,
né lo profondo inferno li riceve,            Et moi : « Maître, quel poids est si lourd
ch’alcuna gloria i rei avrebber d’elli".42   qu’ils se lamentent si fort ? »
                                             Il répondit : « Je vais te le dire très brièvement.•45
E io: "Maestro, che è tanto greve
a lor che lamentar li fa sì forte?".
Rispuose: "Dicerolti molto breve.45
Les pusillanimes
_
Les pusillanimes
_                                             Ceux-ci n’ont pas l’espoir de mourir,
                                              et leur aveugle vie est si basse,
                                              qu’ils envient tout autre sort.•48

Questi non hanno speranza di morte,           Le monde les laisse sans renommée ;
e la lor cieca vita è tanto bassa,            miséricorde et justice les dédaignent :
che ’nvidïosi son d’ogne altra sorte.48       ne parlons pas d’eux, mais regarde et passe.»•51

Fama di loro il mondo esser non lassa;        Et moi, qui regardait, je vis une enseigne
misericordia e giustizia li sdegna:           qui en tournant courait si vite,
non ragioniam di lor, ma guarda e passa".51   qu’elle me semblait indigne du moindre repos;•54

E io, che riguardai, vidi una ’nsegna         et derrière elle venait une si longue file
che girando correva tanto ratta,              de gens, que je n’aurais pas cru
che d’ogne posa mi parea indegna;54           que la mort en eût tant défait.•57

e dietro le venìa sì lunga tratta
di gente, ch’i’ non averei creduto
che morte tanta n’avesse disfatta. 57
Les pusillanimes
_                                         Après que j’en eus reconnu quelques uns,
                                          je vis et reconnu l’ombre de celui
                                          qui par lâcheté fit le grand refus•60

Poscia ch’io v’ebbi alcun riconosciuto,   Aussitôt je compris et fus certain
vidi e conobbi l’ombra di colui           que ceci était la secte des lâches,
che fece per viltade il gran rifiuto.60   qui déplaisent à Dieu et à ses ennemis.•63

Incontanente intesi e certo fui           Ces minables, qui ne furent jamais vivants,
che questa era la setta d’i cattivi,      étaient nus et attaqués sans cesse
a Dio spiacenti e a’ nemici sui.63        par des mouches et des guêpes.•66

Questi sciaurati, che mai non fur vivi,   Elles baignaient leur visage de sang,
erano ignudi e stimolati molto            qui, mêlé de larmes, tombait à leurs pieds
da mosconi e da vespe ch’eran ivi.66      où une répugnante vermine le recueillait.•69

Elle rigavan lor di sangue il volto,
che, mischiato di lagrime, a’ lor piedi
da fastidiosi vermi era ricolto.
Celestino V
Pietro Morrone (1209
_

                       L’hermitage de Saint Onofrio dans le Molise
En approchant Achéron
_                                            Et puis comme je regardais au-delà,
                                             je vis des gens sur la rive d’un grand fleuve ;
                                             alors je dis : « Maître, permets-moi•72

E poi ch’a riguardar oltre mi diedi,         de savoir qui sont ceux-là, et quel coutume
vidi genti a la riva d’un gran fiume;        les fait tant se hâter de traverser,
per ch’io dissi: "Maestro, or mi concedi72   comme je le discerne avec cette faible lumière.»•75

ch’i’ sappia quali sono, e qual costume      Et lui à moi : « Les choses te seront évidentes,
le fa di trapassar parer sì pronte,          quand nous arrêterons nos pas
com’i’ discerno per lo fioco lume".75        à l’Achéron fleuve de douleur.»•78

Ed elli a me: "Le cose ti fier conte         Alors, les yeux honteux et baissés,
quando noi fermerem li nostri passi          craignant que mon propos ne lui soit importun,
su la trista riviera d’Acheronte".78         je me retins de parler jusqu’au fleuve.•81

Allor con li occhi vergognosi e bassi,
temendo no ’l mio dir li fosse grave,
infino al fiume del parlar mi trassi.
Charon
_
La réponse de Virgile
_                                              Et le guide à lui : « Charon, ne t’irrite pas :
                                               on le veut ainsi là où se peut
E ’l duca lui: "Caron, non ti crucciare:       ce qui se veut, et ne demande pas plus»•96
vuolsi così colà dove si puote
ciò che si vuole, e più non dimandare".96      Alors se turent les mâchoires laineuses
                                               du nocher du marais livide,
Quinci fuor quete le lanose gote               qui autour des yeux avait des cercles de flammes•99
al nocchier de la livida palude,
che ’ntorno a li occhi avea di fiamme rote.,

                                                                  Paolo Vetri,
                                                                  Dante e Virgilio dinnanzi la barca di Caronte
                                                                  1875-1877
Les âmes prêtes à                                   Mais ces âmes, qui étaient prostrées et nues,
monter sur le bateau de                             pâlirent et claquèrent des dents,
                                                    dès qu’elles entendirent les âpres paroles.•102
Charon
_                                                   Elles blasphémèrent Dieu et leurs parents,
                                                    l’espèce humaine, le lieu, le temps, l’origine
                                                    de leurs ancêtres et de leur naissance.•105

                                                    Puis elles se rassemblèrent toutes ensemble,
                                                    pleurant fort, sur la rive mauvaise
    Ma quell’anime, ch’eran lasse e nude,           qui attend chaque homme qui ne craint pas Dieu.•108
    cangiar colore e dibattero i denti,
    ratto che ’nteser le parole crude.102           Charon le démon aux yeux de braise
                                                    leur fait signe, les rassemble toutes ;
    Bestemmiavano Dio e lor parenti,                frappant de sa rame celles qui s’assoient.•111
    l’umana spezie e ’l loco e ’l tempo e ’l seme
    di lor semenza e di lor nascimenti.105

    Poi si ritrasser tutte quante insieme,
    forte piangendo, a la riva malvagia
    ch’attende ciascun uom che Dio non teme.108

    Caron dimonio, con occhi di bragia
    loro accennando, tutte le raccoglie;
    batte col remo qualunque s'adagia.
Les âmes prêtes à                            Comme en automne les feuilles tombent
monter sur le bateau de                      l’une après l’autre, jusqu’à ce que le rameau
                                             ait vu à terre toutes ses dépouilles,•114
Charon
_                                            de même la mauvaise semence d’Adam
                                             se jette de ce rivage une à une,
                                             à son signe comme l’oiseau au cri.•117

Come d’autunno si levan le foglie            Ainsi elles disparaissent sur l’eau sombre,
l’una appresso de l’altra, fin che ’l ramo   et avant qu’elles soient descendues là-bas,
vede a la terra tutte le sue spoglie,114     ici une nouvelle troupe encore s’assemble.•120

similemente il mal seme d’Adamo
gittansi di quel lito ad una ad una,
per cenni come augel per suo richiamo.117

Così sen vanno su per l’onda bruna,
e avanti che sien di là discese,
anche di qua nuova schiera s’auna.
L’explication de Virgile
_                                             « Mon fils », dit le maître courtois,
                                              « ceux qui meurent dans la colère de Dieu
                                              se rassemblent ici venant de tous pays ;•123

                                              et ils sont pressés de passer le fleuve,
Figliuol mio", disse 'l maestro cortese,      car la justice divine les éperonne,
"quelli che muoion ne l'ira di Dio            tant que la peur se change en désir.•126
tutti convegnon qui d'ogne paese;123
                                              Par ici jamais ne passe jamais une âme bonne ;
e pronti sono a trapassar lo rio,             et donc, si Charon se plaint de toi,
ché la divina giustizia li sprona,            tu comprends maintenant ce que signifie ses paroles.»•129
sì che la tema si volve in disio.126

Quinci non passa mai anima buona;
e però, se Caron di te si lagna,
ben puoi sapere omai che ’l suo dir suona".
L’évanouissement
_                                         Finito questo, la buia campagna
                                          tremò sì forte, che de lo spavento
                                          la mente di sudore ancor mi bagna.•132

Finito questo, la buia campagna           La terra lagrimosa diede vento,
tremò sì forte, che de lo spavento        che balenò una luce vermiglia
la mente di sudore ancor mi bagna.132     la qual mi vinse ciascun sentimento ;

La terra lagrimosa diede vento,           e caddi come l’uom cui sonno piglia.•136
che balenò una luce vermiglia
la qual mi vinse ciascun sentimento;135

e caddi come l’uom cui sonno piglia.
Lectura Dantis
Inferno, Canto V

      Cycle de Conférences de l’UCP
      Année universitaire 2019-2020
      Alessandro Benucci
      Maître de Conférences en Langue et
      Littérature Italiennes médiévales

                      abenucci@parisnanterre.fr
Les artistes
_

               Giuseppe Frascheri (1809–1886)
Les artistes
_

           Vitale Sala, 1803 – 1835, Dante incontra Paolo e Francesca, 1823
Les artistes
_

               Mosè Bianchi (1840–1904)
Les artistes
_

               Ary Scheffer (1795-1858)
Les artistes
_
La poésie courtoise
    _
•       IX-XII : poèmes lyriques en langue d’oc dans les cours de Provence (Occitanie)

•       troubadours– composent des ballades, des chansons

•       André le Chapelain, De Amore : traité d’amour courtois (passion terrestre, souffrance)

•       XIII – école sicilienne ; poètes de cours (Iacopo da Lentini > sonnet)

•       XIII (seconde moitié) – Rimatori bolonais et toscans (jeune Dante) poésie courtoise

•       Guido Guinizzelli – Inventeur d’un nouveau style (poésie d’amour + motifs chrétiens)

•       Dolce Stil Novo – Dante Alighieri, Guido Cavalcanti, Cino da Pistoia (Florence)

•       La Vita Nova – refus de la passion amoureuse courtoise pour Béatrice (figura Christi)

                                      George Frederic Watts, 1817 – 1904, Paolo e Francesca
Structure
De
l’Enfer
_
Je descendis ainsi du premier cercle
                                           au second, qui renferme moins d’espace
                                           et beaucoup plus de cette douleur qui fait crier.•3
  Minos, juge infernal
  _                                        Là se tient l’horrible Minos, qui montre les dents :
                                           il examine les fautes à l’entrée ;
                                           il juge et punit selon comment il se ceint.•6

                                           Je dis que quand l’âme mal née
                                           vient devant lui, elle se confesse toute ;
Così discesi del cerchio primaio
                                           et ce connaisseur en péchés•9
giù nel secondo, che men loco cinghia
e tanto più dolor, che punge a guaio.3
                                           voit quel lieu de l’enfer est pour elle ;
                                           il se ceint de sa queue autant de fois
Stavvi Minòs orribilmente, e ringhia:
                                           que de degrés il veut qu’elle descende.•12
essamina le colpe ne l’intrata;
giudica e manda secondo ch’avvinghia.6

Dico che quando l’anima mal nata
li vien dinanzi, tutta si confessa;
e quel conoscitor de le peccata9

vede qual loco d’inferno è da essa;
cignesi con la coda tante volte
quantunque gradi vuol che giù sia messa.
Minos, juge infernal
_

             William Blake, Inferno, Canto V
Elles sont toujours nombreuses devant lui ;
                                            chacune va au jugement,
  Minos, juge infernal
  _                                         se confesse et écoute et puis roule en bas.•15

                                            « Ô toi qui vient à l’hospice de la douleur »,
                                            me dit Minos lorsqu’il me vit,
                                            interrompant l’exercice de son office capital,•18

Sempre dinanzi a lui ne stanno molte:       « regarde comment tu entres et à qui tu te fies ;
vanno a vicenda ciascuna al giudizio,       que ne t’abuse pas la largeur de l’entrée ! »
dicono e odono e poi son giù volte.15       Et mon guide à lui : « Pourquoi cries-tu ?•21

"O tu che vieni al doloroso ospizio",                           N’empêche pas son voyage fatal :
disse Minòs a me quando mi vide,                                on le veut ainsi là où se peut
lasciando l’atto di cotanto offizio,18                          ce qui se veut, et ne demande pas
                                                                plus. »•24
"guarda com’entri e di cui tu ti fide;
non t’inganni l’ampiezza de l’intrare!".
E ’l duca mio a lui: "Perché pur gride?21   il se ceint de sa

Non impedir lo suo fatale andare:                                            Michelangelo, Minosse,
                                                                     particolare del giudizio Universale 1536.
vuolsi così colà dove si puote
ciò che si vuole, e più non dimandare".
Elles sont toujours nombreuses devant lui ;
                                            chacune va au jugement,
  Minos, juge infernal
  _                                         se confesse et écoute et puis roule en bas.•15

                                            « Ô toi qui vient à l’hospice de la douleur »,
                                            me dit Minos lorsqu’il me vit,
                                            interrompant l’exercice de son office capital,•18

Sempre dinanzi a lui ne stanno molte:       « regarde comment tu entres et à qui tu te fies ;
vanno a vicenda ciascuna al giudizio,       que ne t’abuse pas la largeur de l’entrée ! »
dicono e odono e poi son giù volte.15       Et mon guide à lui : « Pourquoi cries-tu ?•21

"O tu che vieni al doloroso ospizio",                           N’empêche pas son voyage fatal :
disse Minòs a me quando mi vide,                                on le veut ainsi là où se peut
lasciando l’atto di cotanto offizio,18                          ce qui se veut, et ne demande pas
                                                                plus. »•24
"guarda com’entri e di cui tu ti fide;
non t’inganni l’ampiezza de l’intrare!".
E ’l duca mio a lui: "Perché pur gride?21   il se ceint de sa

Non impedir lo suo fatale andare:                                            Michelangelo, Minosse,
                                                                     particolare del giudizio Universale 1536.
vuolsi così colà dove si puote
ciò che si vuole, e più non dimandare".
L’entrée dans le cercle                      Alors commence à se faire entendre
                                             le chant de la douleur ; alors je viens
des luxurieux                                là où nombre de pleurs me frappent•27

_                                            Je vins en un lieu muet de toute lumière,
                                             qui mugit comme la mer pendant la tempête,
Or incomincian le dolenti note
                                             lorsqu’elle est battue par des vents contraires.•30
a farmisi sentire; or son venuto
là dove molto pianto mi percuote.27
                                             L’infernale bourrasque, qui jamais ne s’arrête,
                                             emporte les esprits par sa violence ;
Io venni in loco d’ogne luce muto,
                                             les roulent et les meurtrit quand ils se heurtent.•33
che mugghia come fa mar per tempesta,
se da contrari venti è combattuto.30
                                                           Lorsqu’ils arrivent devant la ruine,
                                                            là est le cri, le gémissement, la plainte ;
La bufera infernal, che mai non resta,
                                                             là ils blasphèment la vertu divine.•36
mena li spirti con la sua rapina;
voltando e percotendo li molesta

Quando giungon davanti a la ruina,
quivi le strida, il compianto, il lamento;
bestemmian quivi la virtù divina.
La bourrasque
_
Je compris qu’à ce tourment

L’entrée dans le cercle                      étaient condamnés les pécheurs de chair,
                                             qui soumettent la raison à la passion.•39

des luxurieux
_                                            Et comme leurs ailes portent les étourneaux
                                             dans le temps froid, en vastes nuées compactes,
                                             ainsi ce vent emporte les esprits mauvais•42
Intesi ch’a così fatto tormento
enno dannati i peccator carnali,             d’ici, de là, en bas, en haut ;
che la ragion sommettono al talento.39       aucune espérance ne les réconforte jamais,
                                             non seulement de repos, mais d’une moindre peine.•45
E come li stornei ne portan l’ali
nel freddo tempo, a schiera larga e piena,   Et comme les grues vont chantant leur lai,
così quel fiato li spiriti mali42            formant dans l’air une longue ligne,
                                             ainsi je vis venir, poussant leurs cris,•48
di qua, di là, di giù, di sù li mena;
nulla speranza li conforta mai,              les ombres emportées par la fureur du vent ;
non che di posa, ma di minor pena.45         alors je dis : « Maître, qui sont ces
                                             gens que l’air noir châtie ainsi ? »•51
E come i gru van cantando lor lai,
faccendo in aere di sé lunga riga,
così vid’io venir, traendo guai,48

ombre portate da la detta briga;
per ch’i’ dissi: "Maestro, chi son quelle
genti che l’aura nera sì gastiga?".
« La première de ceux dont tu voudrais connaître

Les premiers damnés                          des nouvelles », me dit-il alors,

_                                            « fut impératrice de nombreux peuples.•54

                                             Elle fut tant corrompue par le vice de luxure,
                                             que sa loi fit la licence licite
                                             pour supprimer la faute qu’elle encourait.•57
"La prima di color di cui novelle
tu vuo' saper", mi disse quelli allotta,     Elle est Sémiramis, dont les livres disent
"fu imperadrice di molte favelle.54          qu’elle succéda à Ninus et fut son épouse :
                                             elle tint la terre que le Sultan gouverne.•60
A vizio di lussuria fu sì rotta,
che libito fé licito in sua legge,           L’autre est celle qui se tua par amour,
per tòrre il biasmo in che era condotta.57   infidèle aux cendres de Sichée ;
                                             puis vient Cléopâtre la luxurieuse.•63
Ell’è Semiramìs, di cui si legge
che succedette a Nino e fu sua sposa:
tenne la terra che ’l Soldan corregge.60

L’altra è colei che s’ancise amorosa,
e ruppe fede al cener di Sicheo;
poi è Cleopatràs lussurïosa.

                                                                    Joseph Anton Koch, L'incontro di Dante e Virgilio
                                                                    con le anime dei lussuriosi e di Paolo e
                                                                    Francesca, 1823
Didone

Rossini - Semiramide - Paris 1825 -
Hippolyte Lecomte - Semiramis 1er
Costume

                                      Mosé Bianchi, Cleopatra
Les premiers damnés
_                                           Vois Hélène, qui a provoqué si long
                                            malheur, et vois le grand Achille,
                                            qui à la fin combattit contre l’amour.•66

"Elena vedi, per cui tanto reo              Vois Pâris, Tristan » ; plus de mille
tempo si volse, e vedi ’l grande Achille,   ombres il me nomma et me montra du doigt,
che con amore al fine combatteo.66          qu’amour éloigna de notre vie.•69

Vedi Parìs, Tristano"; e più di mille       Lorsque j’eus ainsi entendu mon maître
ombre mostrommi e nominommi a dito,         nommer les dames de jadis et les chevaliers,
ch’amor di nostra vita dipartille.69        pitié me pris, et je fus comme perdu.•72

Poscia ch’io ebbi ’l mio dottore udito
nomar le donne antiche e ’ cavalieri,
pietà mi giunse, e fui quasi smarrito.

                                                                    Joseph Anton Koch, L'incontro di Dante e Virgilio
                                                                    con le anime dei lussuriosi e di Paolo e
                                                                    Francesca, 1823
L’arrivée de Paolo et                             Je commençai : « Poète, je parlerais
                                                 volontiers à ces deux qui vont ensemble

Francesca                                        et paraissent si légers dans le vent. »•75

_                                                Et lui à moi : « Tu les verras quand ils seront
                                                 plus près de nous ; prie-les alors
I’ cominciai: "Poeta, volontieri                 par cet amour qui les emporte, et ils viendront. »•78
parlerei a quei due che ’nsieme vanno,
e paion sì al vento esser leggeri".75            Sitôt que le vent vers nous les amène,
                                                 je parlais : « Ô âmes tourmentées,
Ed elli a me: "Vedrai quando saranno             venez nous parler, si personne ne le refuse ! »•81
più presso a noi; e tu allor li priega
per quello amor che i mena, ed ei verranno".78   Comme les colombes à l’appel du désir,
                                                     viennent au doux nid, les ailes tendues,
Sì tosto come il vento a noi li piega,               portées par leur vouloir ;•84
mossi la voce: "O anime affannate,
venite a noi parlar, s’altri nol niega!".81          telles elles sortent de la compagnie où est Didon,
                                                         venant à nous par l’air mauvais,
Quali colombe dal disio chiamate                          si fort fut l’appel affectueux :•87
con l’ali alzate e ferme al dolce nido
vegnon per l’aere, dal voler portate;84

cotali uscir de la schiera ov’è Dido,
a noi venendo per l’aere maligno,
sì forte fu l’affettüoso grido.
_

    Giuseppe Frascheri (1809–1886)
Francesca parle
Paolo pleure_                                 « Ô créature gracieuse et bienveillante
                                              qui vient nous visiter par l’air perse
                                              nous qui teignîmes le monde de notre sang,•90

                                              si nous étions amis avec le roi de l’univers,
                                              nous le prierions de t’accorder la paix,
"O animal grazïoso e benigno                  car tu as pitié de notre peine affreuse.•93
che visitando vai per l’aere perso
noi che tignemmo il mondo di sanguigno,90     De ce qu’il vous plaît d’entendre et de dire,
                                              nous vous entendrons et vous le dirons,
se fosse amico il re de l’universo,           tandis que le vent, comme il le fait, se tait.•96
noi pregheremmo lui de la tua pace,
poi c’ hai pietà del nostro mal perverso.93   La terre où je naquis borde
                                              la côte où descend le Pô,
Di quel che udire e che parlar vi piace,      pour s’y reposer avec ses affluents.•99
noi udiremo e parleremo a voi,
mentre che ’l vento, come fa, ci tace.96

Siede la terra dove nata fui
su la marina dove ’l Po discende
per aver pace co’ seguaci sui.
Francesca
_                                                                                             Amour, qui si vite enflamme un cœur tendre,
                                                                                              prit celui du beau corps qui m’a été enlevé ;
                                                                                              et la manière me blesse encore.•102

                                                                                              Amour, qui oblige l’aimé à aimer,
                                                                                              me prit pour celui-ci d’une passion si forte
Amor, ch'al cor gentil ratto s'apprende,                                                      que, comme tu le vois, il ne m’abandonne pas.•105
prese costui de la bella persona
che mi fu tolta; e 'l modo ancor m'offende.102                                                Amour nous conduisit à une même mort.
                                                                                              La Caïne attend celui qui nous tua. »
Amor, ch’a nullo amato amar perdona,                                                          Telles furent ses paroles pour tous deux•108
mi prese del costui piacer sì forte,
che, come vedi, ancor non m’abbandona.105

Amor condusse noi ad una morte.
Caina attende chi a vita ci spense".
Queste parole da lor ci fuor porte.

                              Codice Gradenigo, XIV secolo, Dante e Virgilio incontrano Paolo e Francesca, particolare,
                              Biblioteca Gambalunghiana, Rimini
L’émotion de Dante
_                                                                           Lorsque j’entendis ces âmes blessées,
                                                                            je baissai la tête, et la tins tant baissée,
                                                                            que finalement le poète me dit : « Que penses-tu ? »•111

                                                                            Quand je répondis, je commençai : « Hélas,
                                                                            combien de douces pensées, quel désir
Quand’io intesi quell’anime offense,                                        a mené ceux-ci à la mort douloureuse ! »•114
china’ il viso, e tanto il tenni basso,
fin che ’l poeta mi disse: "Che pense?".111                                 Puis je me retournai vers eux et leur parlai ;
                                                                            je commençai : « Francesca, tes tourments
Quando rispuosi, cominciai: "Oh lasso,                                      me font pitié et m’attristent aux larmes.•117
quanti dolci pensier, quanto disio
menò costoro al doloroso passo!".114                                        Mais dis-moi : au temps des doux soupirs,
                                                                            à quoi et comment amour permit
Poi mi rivolsi a loro e parla’ io,                                          que vous connaissiez les incertains désirs ? »•120
e cominciai: "Francesca, i tuoi martìri
a lagrimar mi fanno tristo e pio.117

Ma dimmi: al tempo d’i dolci sospiri,
a che e come concedette amore
che conosceste i dubbiosi disiri?"

                                          Codice Italico 1027, Dante e Virgilio incontrano Paolo e Francesca, particolare. Biblioteca
                                          Nazionale, Parigi
La lecture
_                                            Et elle à moi : « Il n’est nulle douleur plus grande
                                             que de se souvenir des temps heureux
                                             dans la misère ; et cela ton guide le sait.•123

                                             Mais comme tu as si grand désir de connaître
                                             la première racine de notre amour,
E quella a me: "Nessun maggior dolore        je te le dirai en pleurant et en parlant.•126
che ricordarsi del tempo felice
ne la miseria; e ciò sa 'l tuo dottore.123   Nous lisions un jour par plaisir
                                             comment amour saisit Lancelot ;
Ma s’a conoscer la prima radice              nous étions seuls et sans aucune crainte.•129
del nostro amor tu hai cotanto affetto,
dirò come colui che piange e dice.126

Noi leggiavamo un giorno per diletto
di Lancialotto come amor lo strinse;
soli eravamo e sanza alcun sospetto.
La tragédie                               Plusieurs fois cette lecture nous fit
  _                                         lever les yeux, et pâlir nos visages ;
                                            mais un seul point nous vainquit.•132

                                            Quand nous lûmes que les lèvres riantes
                                            étaient embrassées par si noble amant,
Per più fïate li occhi ci sospinse          celui, qui ne sera plus jamais séparé de moi,•135
quella lettura, e scolorocci il viso;
ma solo un punto fu quel che ci vinse.132   me baisa la bouche tout tremblant.
                                            Galehaut fut le livre et celui qui l’écrivit ;
Quando leggemmo il disïato riso             ce jour-là nous ne lûmes pas plus avant. »•138
esser basciato da cotanto amante,
questi, che mai da me non fia diviso,135

la bocca mi basciò tutto tremante.
Galeotto fu ’l libro e chi lo scrisse:
quel giorno più non vi leggemmo avante"
La tragédie
_

                 Amos Cassioli (1832–1891)

                                                        Giuseppe Poli (1770 circa – 1847)

                                             Gaetano Previati (1852–1920)
   Dante Gabriel Rossetti (1830-
L’évanouissement                      Tandis que l’un des esprits parlait ainsi,
  _                                     l’autre pleurait ; si bien que de pitié
                                        je défaillis comme si je mourais.

                                        Et je tombai comme tombe un corps mort.•142
Mentre che l'uno spirto questo disse,
l'altro piangëa; sì che di pietade
io venni men così com'io morisse.141

E caddi come corpo morto cade.
Au-delà de la mort
_

         Umberto Boccioni (1882–1916)
         Il Sogno (Paolo e Francesca)
Lectura Dantis
Inferno, Canto XV

      Cycle de Conférences de l’UCP
      Année universitaire 2019-2020
      Alessandro Benucci
      Maître de Conférences en Langue et
      Littérature Italiennes médiévales

                      abenucci@parisnanterre.fr
Florence et la culture
    _
•    XII-XIII : essor de la commune libre de Florence (gibelins, puis guelfes)

•    1250– consolidation d’une élite citadine, érudite et laïque (notariat)

•    « Copistes pour passion »: la noblesse et la bourgeoise marchande lisent, « étudient »

•    1260 – naissance d’une école de rhétorique, pour former la classe dirigeante

•    XIII (seconde moitié) – « vivere civile » grammairiens, rhétoriciens, politiciens

•    Zu florenzen– Florence nouvelle Athènes

•    Brunetto Latini– ambassadeur, rhétoricien, fondateur de l’école la plus célèbre

•    gloire– nouvelle conception de l’écriture « mondaine »: éducation et renommée

                                     Giorgio VASARI, Dante e sei poeti toscani (1544)
Structure
De
l’Enfer
_
Ordonnancement moral
de l’Enfer
_ Chant XI : expliqué par Virgile à partir de l’Ethique à Nicomaque d’Aristote
•

•   Cercles I-V– « incontinenza »péchés véniels (luxure, gourmandise, avarice, colère)

•   Cercle VI- les hérétiques (ne rentre pas dans la logique aristotélicienne

•   Cercle VII – « matta bestialitade » (violence) divisé en trois girons

•   Giron I – violence contre autrui : homicides

•   Giron II – violence contre soi (suicidés)

•   Giron III – violence contre Dieu (blasphémateurs), nature (sodomites), art (usuriers)

•   Cercle VIII (Malebolge) – fraude à l’encontre de ceux qui ne vous pas confiance

•   Cercle IX (Cocyte) – fraude à l’encontre de ceux qui vous font confiance

                                  Sandro Botticelli, Inferno
Structure du VIIe cercle
_
Maintenant nous porte l’une des dures berges ;
                                              et la vapeur du ruisseau fait ici ombrage,
                                              sauvant ainsi du feu l’eau et les digues.•3
  La traversée du                             Comme les Flamands entre Wissant et Bruges,
  « sablon »                                  craignant le flot qui se jette vers eux,
  _                                           font un rempart pour que la mer recule;•6

Ora cen porta l’un de’ duri margini;          et comme les Padouans le long de la Brenta,
e ’l fummo del ruscel di sopra aduggia,       pour défendre leurs villes et leurs châteaux,
sì che dal foco salva l’acqua e li argini.3   avant que la chaleur touche la Carinthie:•9

Quali Fiamminghi tra Guizzante e Bruggia,     à cette image étaient faites celles-ci,
temendo ’l fiotto che ’nver’ lor s’avventa,   quoique le maître, quel qu’il fût,
fanno lo schermo perché ’l mar si fuggia;6    ne les fît ni si hautes ni si épaisses.•12

e quali Padoan lungo la Brenta,
per difender lor ville e lor castelli,
anzi che Carentana il caldo senta:9

a tale imagine eran fatti quelli,
tutto che né sì alti né sì grossi,
qual che si fosse, lo maestro félli.

                                                              Sandro Botticelli, dannati sotto pioggia di fuoco
La rencontre avec un                     Nous étions déjà tant éloignés de la forêt,
groupe des violents                      qu’en me retournant vers l’arrière,
                                         je n’aurais pu voir où elle était,•15
contre nature
_                                        lorsque nous rencontrâmes une troupe d’âmes
                                         venant le long de la digue, et chacune
                                         nous regardait comme l’un et l’autre•18
Già eravam da la selva rimossi           se regardent les soirs de nouvelle lune ;
tanto, ch’i’ non avrei visto dov’era,    et vers nous elles plissaient des yeux
perch’io in dietro rivolto mi fossi,15   comme fait le vieux tailleur sur le chas de l’aiguille.•21
quando incontrammo d’anime una schiera
che venian lungo l’argine, e ciascuna
ci riguardava come suol da sera18

guardare uno altro sotto nuova luna;
e sì ver’ noi aguzzavan le ciglia
come ’l vecchio sartor fa ne la cruna.

                                                         Sandro Botticelli, dannati sotto pioggia di fuoco
Ainsi observé par semblable troupe,
                                              je fus reconnu par l’un d’eux, qui me saisit
  La rencontre avec                           par le bas de mon habit, et s’écria : « Quelle merveille!».•24

  « Ser Brunetto »
  _
                                              Et moi, quand il étendit son bras vers moi,
                                              je fixai mon regard sur cette face cuite
                                              et le visage brûlé ne m’empêcha pas•27
Così adocchiato da cotal famiglia,
fui conosciuto da un, che mi prese            de le reconnaître ;
per lo lembo e gridò: "Qual maraviglia!".24   et tendant la main vers son visage,
                                              je répondis : « Vous êtes ici, ser Brunetto?»•30
E io, quando ’l suo braccio a me distese,
ficcaï li occhi per lo cotto aspetto,
sì che ’l viso abbrusciato non difese27

la conoscenza süa al mio ’ntelletto;
e chinando la mano a la sua faccia,
rispuosi: "Siete voi qui, ser Brunetto?".

                                                               F. Scaramuzza, Brunetto Latini (1859)
La rencontre avec Ser
Brunetto
_
Brunetto Latini
    _
•    Dates : Florence 1220-1294

•    Politique– notaire, ambassadeur, politique guelfe pour la Commune de Florence

•    Exil : 1260, les gibelins à Florence, 7 ans à Montpellier, Arras, Paris

•    1273– retour à Florence, chancelier de la Commune

•    1287 – Prieur de la ville, attaque définitive à la ville de Pise

•    Tesoretto– poème didactique inachevé, en vernaculaire toscan

•    Li livres dou Tresor – œuvre encyclopédique en langue d’oïl: origine du monde, savoirs

•    Rhéteur – traduction et commentaire de la Rhetorica et du De inventione de Cicéron

•    Favolello – petit poème épistolaire portant sur l’amitié entre hommes
Et lui : « Ô mon enfant, qu’il ne te déplaise
                                                  si Brunetto Latino retourne sur ses pas
  La rencontre avec                               un peu avec toi et laisse aller la file.»•33

  « Ser Brunetto »
  _
                                                  Je lui dis : « Tant que je peux, je vous en prie ;
                                                  et si vous souhaitez qu’avec vous je m’assois,
                                                  je le ferai, s’il plaît à celui avec qui je vais.»•36
E quelli: "O figliuol mio, non ti dispiaccia
se Brunetto Latino un poco teco                   « Ô fils », dit-il, « qui de cette troupe
ritorna ’n dietro e lascia andar la traccia".33   s’arrête un instant, gît ensuite pour cent ans
                                                  sans pouvoir se protéger du feu qui le frappe.•39
I’ dissi lui: "Quanto posso, ven preco;           Va donc : j’irai à tes côtés ;
e se volete che con voi m’asseggia,               et puis je rejoindrai ma compagnie,
faròl, se piace a costui che vo seco".36          qui va pleurant sa damnation éternelle.»•42

"O figliuol", disse, "qual di questa greggia
s’arresta punto, giace poi cent’anni
sanz’arrostarsi quando ’l foco il feggia.39

Però va oltre: i’ ti verrò a’ panni;
e poi rigiugnerò la mia masnada,
che va piangendo i suoi etterni danni".                                  Joseph Anton Koch, Dante e Brunetto (dettaglio). )
Je n’osais descendre de la berge
                                            pour marcher de pair avec lui ; mais je tenais ma tête baissée,
  Le dialogue
  _
                                            comme quelqu’un qui chemine avec respect.•45

                                            Il commença : « Quelle fortune ou destin
                                            t’amène ici-bas avant le dernier jour ?
                                            et qui est celui qui te montre le chemin?».•48
Io non osava scender de la strada
per andar par di lui; ma ’l capo chino      « Là-haut, dans la vie sereine »,
tenea com’uom che reverente vada.45         lui répondis-je, « je me perdis dans une vallée,
                                            avant que mon âge fût accompli.•51
El cominciò: "Qual fortuna o destino
anzi l’ultimo dì qua giù ti mena?           Hier matin encore je lui tournai le dos :
e chi è questi che mostra ’l cammino?".48   comme j’y retombai, celui-ci m’apparut,
                                            et il me ramène chez moi par ce chemin.»•54
"Là sù di sopra, in la vita serena",
rispuos’io lui, "mi smarri’ in una valle,
avanti che l’età mia fosse piena.51

Pur ier mattina le volsi le spalle:
questi m’apparve, tornand’ïo in quella,
e reducemi a ca per questo calle".

                                              Sandro Botticelli, Sodomiti. Illustrazione per la ''Divina Commedia''.
La prophétie
_                                          Et lui à moi : « Si tu suis ton étoile,
                                           tu ne peux manquer de parvenir au glorieux port,
Ed elli a me: "Se tu segui tua stella,     si je m’en suis bien aperçu durant la belle vie;•57
non puoi fallire a glorïoso porto,
se ben m’accorsi ne la vita bella;57       et si je n’étais pas mort trop tôt,
                                           voyant le ciel t’être aussi favorable,
e s’io non fossi sì per tempo morto,       je t’aurais encouragé dans ton œuvre.•60
veggendo il cielo a te così benigno,
dato t’avrei a l’opera conforto.60         Mais ce peuple ingrat et méchant
                                           qui descendit de Fiesole jadis,
Ma quello ingrato popolo maligno           et tient encore du mont et du rocher,•63
che discese di Fiesole ab antico,
e tiene ancor del monte e del macigno,63   se fera ton ennemi, pour ton action publique ;
                                           et c’est raison, car, parmi les âpres sorbiers,
ti si farà, per tuo ben far, nimico;       le doux figuier ne saurait donner de fruits.•66
ed è ragion, ché tra li lazzi sorbi
si disconvien fruttare al dolce fico.
La prophétie
_                                          Une vieille renommée dans le monde l’appelle aveugle ;
                                           ce peuple est avare, envieux et orgueilleux :
Vecchia fama nel mondo li chiama orbi;     fasse que ces mœurs ne te touchent pas.•69
gent’è avara, invidiosa e superba:
dai lor costumi fa che tu ti forbi.69      Ton destin te réserve tant d’honneur,
                                           qu’un parti puis l’autre auront faim
La tua fortuna tanto onor ti serba,        de toi ; mais l’herbe sera loin du bec.•72
che l’una parte e l’altra avranno fame
di te; ma lungi fia dal becco l’erba.72    Que les bêtes fiesolanes fassent litière
                                           d’elles-mêmes, et ne touchent pas la plante,
Faccian le bestie fiesolane strame         s’il en naît encore une dans leur fumier,•75
di lor medesme, e non tocchin la pianta,
s’alcuna surge ancora in lor letame,75     en qui revit la sainte semence
                                           de ces Romains qui y demeurèrent
in cui riviva la sementa santa             alors qu’il fut le nid de tant de vices.»•78
di que’ Roman che vi rimaser quando
fu fatto il nido di malizia tanta".
« Si mon désir était exaucé »,
La réponse de Dante                          lui répondis-je, « vous ne seriez pas encore
                                             banni de la vie humaine;•81
Le silence de Virgile
_                                            car dans ma mémoire est gravée, et à présent m’afflige,
                                             la chère et bonne image paternelle
"Se fosse tutto pieno il mio dimando",       de vous, lorsque dans le monde de temps en temps,•84
rispuos’io lui, "voi non sareste ancora
de l’umana natura posto in bando;81          vous m’enseigniez comment l’homme devient éternel ;
                                             et combien j’en ai de gratitude ; pendant que je vis
ché ’n la mente m’è fitta, e or m’accora,    il convient que dans ma langue cela paraisse.•87
la cara e buona imagine paterna
di voi quando nel mondo ad ora ad ora84

m’insegnavate come l’uom s’etterna:
e quant’io l’abbia in grado, mentr’io vivo
convien che ne la mia lingua si scerna.
Ce que vous dites du cours de ma vie je l’écris,
La réponse de Dante                           et le réserve pour le faire expliquer avec un autre texte
                                              par une dame qui saura le faire, si je parviens à elle.•90
Le silence de Virgile
_                                             Je veux seulement qu’il soit clair,
                                              pour que ma conscience ne me querelle pas,
"Ciò che narrate di mio corso scrivo,         que pour la Fortune, comme elle le veut, je suis prêt.•93
e serbolo a chiosar con altro testo
a donna che saprà, s’a lei arrivo.90          Une telle prédiction n’est pas nouvelle à mes oreilles :
                                              mais que Fortune tourne sa roue
Tanto vogl’io che vi sia manifesto,           comme il lui plaira, et le paysan sa houe.»•96
pur che mia coscïenza non mi garra,
ch’a la Fortuna, come vuol, son presto.93     Mon maître alors se retourna
                                              vers la droite et me regarda ;
Non è nuova a li orecchi miei tal arra:       puis il dit :
però giri Fortuna la sua rota                 « Écoute bien qui prend note.»•99
come le piace, e ’l villan la sua marra".96

Lo mio maestro allora in su la gota
destra si volse in dietro e riguardommi;
poi disse: "Bene ascolta chi la nota".
Les autres
compagnons de
peine_                                       Cependant je vais devisant
                                             avec ser Brunetto, et lui demande qui sont
                                             ses compagnons les plus connus et les plus éminents.•102
"Né per tanto di men parlando vommi
con ser Brunetto, e dimando chi sono         Et lui à moi : « En connaître quelques-uns est bon ;
li suoi compagni più noti e più sommi.102    des autres il est louable de se taire,
                                             le temps serait trop court pour en nommer tant.•105
Ed elli a me: "Saper d’alcuno è buono;
de li altri fia laudabile tacerci,           En bref sache que tous furent clercs
ché ’l tempo saria corto a tanto suono.105   et grands lettrés et de grande renommée,
                                             et tous dans le monde souillés d’un même péché.•108
In somma sappi che tutti fur cherci
e litterati grandi e di gran fama,           Priscien va avec cette troupe pleine de chagrin,
d’un peccato medesmo al mondo lerci.108      et aussi Francesco d’Accorso ; et tu pourrais voir,
                                             si tu avais envie d’une telle teigne,•111
Priscian sen va con quella turba grama,
e Francesco d’Accorso anche; e vedervi,
s’avessi avuto di tal tigna brama,
Les autres
 compagnons de
 peine_

                                                                                  Franciscus Accursius (Francesco d'Accorso), né en 1225 et mort en 1293, est
                                                                                  un jurisconsulte et homme de lettres de Bologne.

Priscien de Césarée, en latin Priscianus Caesariensis (grammairien, Vie siècle)

                                                                                     Andrea dei Mozzi (Firenze, ... – 1296) évêque de Florence de 1287 à 1296
                                                                                     Théologien (peu perspicace mais verbeux) il fut transféré de Florence à Vicence pour un
                                                                                     scandale dont on ne connaît pas les tenants.
Les autres                                     celui qui par le serviteur des serviteurs,

compagnons de                                  fut transféré d’Arno en Bacchiglione,

peine_                                         où il laissa ses nerfs mal tendus.•114

                                               Je pourrais parler plus ; mais ni aller ni parler
                                               ne peuvent être plus longs, car je vois
"colui potei che dal servo de’ servi           là s’élever du sable une nouvelle fumée.•117
fu trasmutato d’Arno in Bacchiglione,
dove lasciò li mal protesi nervi.114           Des gens viennent avec qui je ne dois pas être.
                                               Je te recommande mon Trésor,
Di più direi; ma ’l venire e ’l sermone        dans lequel je vis encore, et ne demande rien de plus.»•120
più lungo esser non può, però ch’i’ veggio
là surger nuovo fummo del sabbione.117

Gente vien con la quale esser non deggio.
Sieti raccomandato il mio Tesoro,
nel qual io vivo ancora, e più non cheggio".
Quelle faute pour
Brunetto ?
_
         •   Sodomie : interprétation courante

                        - giron des sodomites

                        - Florence et ses lettrés

                        - souvenirs d’un disciple ?

         •   Trahison linguistique – Trésor écrit en langue d’oïl

         •   Guelfe – refus de l’empire et de l’empereur

         •   Laïcisme – savoir laïque pour le peuple
La fuite
_                                         Puis il se retourna, et parut l’un de ceux
                                          qui à Vérone courent avec la bannière verte
                                          la campagne ; et de ceux-là il paraissait être

Poi si rivolse, e parve di coloro
che corrono a Verona il drappo verde
per la campagna; e parve di costoro 123

quelli che vince, non colui che perde.

                                          Brunetto Latini in un olio su tela del 2013 di Angelo Celsi (1937)
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