Revue de presse Comité Consultatif National d'Ethique - du 25 août au 12 octobre 2018 - CHU de St-Etienne

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Comité Consultatif National d’Ethique
      pour les sciences de la vie et de la santé

           Revue de presse

du 25 août au 12 octobre 2018
                N° 366

         66, rue de Bellechasse – 75700 Paris
                   01.42.75.66.44

              DIFFUSION RESTREINTE
               SOMMAIRE n° 366
        du 25 août au 12 octobre 2018
I-     ÉTHIQUE

Pourquoi la loi bioéthique devrait autant marquer le quinquennat
d’Emmanuel Macron                                                         1-2
Huffington Post, 26/08/18

Le projet de loi « bioéthique » pourrait être présenté fin novembre       2
La Croix, 07/09/18

Bioéthique : quelle place pour la médecine ?                              3-4
Le Figaro, 14/09/18

Bioéthique : Macron à la recherche d’un improbable débat apaisé           4-5
Le Figaro, 21/09/18

L’eugénisme et l’ultra libéralisme assumés devant la mission
d’information pour la bioéthique                                          5-6
Gènéthique, 20/09/18

« L’avis du comité d’éthique est enraciné sur l’évolution de la famille
contemporaine »                                                           6-8
Libération, 25/09/18

Des avancées tous azimuts et un gros statu quo                            8-10
Libération, 25/09/18

Bioéthique : la théologienne protestante Marion Muller-Colard commente
le rapport du CCNE                                                        10-12
Réforme, 26/09/18

La nécessaire révision de la loi de bioéthique                            12-13
Le Monde, 27/09/18

II-    SOCIÉTÉ

Droit à l’avortement : en Argentine, la bataille des baptisés             14/15
Libération, 25/08/18

L’Uruguay sur un meilleur credo                                           15/16
Libération, 25/08/18

Ebola en RDC : « Le nombre de victimes va vite doubler »                  16-18
Le Figaro, 27/08/18

Téléconsultation : la médecine se généralise enfin                        18-19
Libération, 28/08/18

En Italie, le gouvernement veut défaire la vaccination obligatoire        19-21
Le Monde, 28/08/18

Existe-t-il des sociétés françaises qui réalisent des tests ADN
sur les origines ?                                                        21-22
Libération, 30/08/18

Scientifiques, mécènes et philanthropes : tous unis pour défendre
une santé globale                                                         22-24
Le Monde, 30/08/18

Homéopathie : entre les médecins, la guerre est déclarée                  24-26
Le Monde, 31/08/18

Rembourser ou pas l’homéopathie, un débat récurrent                       26-27
Le Monde, 31/08/18

En Angleterre, les services de santé ne financent plus l’homéopathie      27-28
Le Monde, 31/08/18
Réforme santé/hôpital, Sécu, plan pauvreté, lois de bioéthique, addictions…
Une rentrée sous pression                                                   28-29
Le Quotidien du Médecin, 06/09/18

Il est temps de lever l’anonymat de l’accouchement sous X                      29-30
Huffington Post, 05/09/18

Accès aux origines : des propositions pour lever l’anonymat des donneurs
de sperme                                                                      31
La Croix, 10/09/18

Débats à l’UNESCO sur l’éthique de l’intelligence artificielle et l’édition
du génome                                                                      32
Unesco.org, 10/09/18

PMA, GPA : quel rôle va jouer la CEDH ?                                        32-34
Le Figaro, 18/09/18

Congélation des ovocytes : cette possibilité de devenir mère plus tard
fait débat                                                                     34-35
Le Figaro, 20/09/18

Déclaration des évêques de France : « La dignité de la procréation »           35-39
La vie, 20/09/18

Vingt et une associations féministes lancent une coalition internationale
contre la GPA                                                                  39
La Croix, 23/09/18

La France bientôt condamnée pour la « PMA anonyme »                            40-41
Aleteia, 24/09/18

Bioéthique : Vincent Lambert, dix ans de coma, et maintenant ?                 41-43
Libération, 24/09/18

La PMA, un dossier politiquement risqué pour Emmanuel Macron                   43-44
Le Monde, 27/09/18

Exclure les lesbiennes de la PMA n’est pas discriminatoire, selon le Conseil
d’Etat                                                                         45-46
Le Monde, 03/10/18

Mon corps, ma liberté                                                          46-47
Les Echos, 03/10/18

La GPA s’invite dans le débat sur la bioéthique                                47-48
Le Figaro, 03/10/18

GPA : après 18 ans de combat judiciaire, nouvelle étape pour la famille
Mennesson                                                                      48-50
Le Figaro, 05/10/18

Avis du comité d’éthique : vers l’ubérisation de la procréation                51
Famille Chrétienne, 03/10/18

Loi bioéthique : Macron a trouvé la formule pour tenter d’apaiser le débat     51-52
Le Journal du Dimanche, 05/10/18

Dons de gamètes, ce que la France a répondu à la CEDH                          52-53
La Croix, 08/10/18

Faut-il laisser aux donneurs de sperme la possibilité d’être anonymes ?        53-56
Slate, 09/10/18

L’abstinence ou l’illégalité, le dilemme des donneurs de sang homosexuels      56-57
L’Express avec AFP, 11/10/18

PMA-GPA et bioéthique en France                                                58-62
Iatranshumanisme.com, 11/10/18
Soins palliatifs : « A Jeanne Garnier, le patient est considéré
dans sa globalité »                                                          62-64
Aleteia, 12/10/18

III – RECHERCHE

Une piste prometteuse pour freiner le vieillissement musculaire              65
La Croix, 29/08/18

IV - PERSONNALITÉS, FILMS ET OUVRAGES

Bioéthique : la rentrée politique sera une homélie                           66
Valeurs Actuelles, 29/08/18
Sortie du Tome 4 du Traité de bioéthique : « Un état des lieux complet sur
les nouveaux territoires de la bioéthique »                                  67
Silvereco.fr, 31/08/18

Emmanuel Hirsch : « Révision de la loi bioéthique : le débat parlementaire
de tous les dangers »                                                        68-69
Le Figaro, 02/09/18

Loi et bioéthique sur le divan de Sabine Prokhoris                           69-70
Libération, 05/09/18

Eliette Abécassis : Jusqu’à maintenant, l’humain était sacré »               70-74
La Vie, 03/10/18

Pierre Le Coz : « La PMA pour toutes nous rapproche d’une loi sur la GPA »   74-75
Le Figaro, 21/09/18

Comment réussir l’ouverture de la PMA ?                                      75-78
L’Humanité, 10/10/18

GPA : l’offensive Fogiel                                                     78
Aleteia, 09/10/18

PMA, autoconservation des ovocytes, filiation : la position du défenseur
des droits                                                                   79
Libération, 09/10/18

Le président de l’INSERM nommé conseiller d’Etat extraordinaire              79-80
Le Quotidien du Médecin, 11/10/18

« PMA sans père, et les hommes alors ? »                                     80-81
Le Figaro, 11/10/18
ÉTHIQUE

Pourquoi la loi bioéthique devrait autant
marquer le quinquennat d'Emmanuel Macron
Huffington Post du 26 août 2018 par Jean-Michel Arnaud est
Vice-président de Publicis Consultants.
Permettre à la science d'avancer sans remettre en cause les principes qui fondent notre
humanité commune, telle est la difficile tâche de cette révision des lois de bioéthique...
Existe-t-il des limites à la science ? À mesure que les connaissances et les techniques progressent, la
question se pose de savoir si tout ce qui est scientifiquement possible est nécessairement désirable.
C'est à cette interrogation que tentent de répondre en France les lois de bioéthique, révisées tous les
sept ans. Après des états généraux tenus sur l'ensemble du territoire et un avis du Comité
Consultatif National d'Ethique, ce sera au législateur de trancher et d'adopter une nouvelle loi début
2019. Et les sujets sensibles ne manquent pas. Neuf thèmes susceptibles de donner lieu à des
modifications ont été identifiés par le CCNE, parmi lesquels se trouvent la recherche sur l'embryon,
la génétique, le don d'organes, les données de santé, l'intelligence artificielle, la procréation ou la
prise en charge de la fin de vie.
La bioéthique française s'est construite autour de grands principes – dignité de la personne humaine
et protection de l'espèce, indisponibilité du corps humain – qui fixent des limites intangibles au
progrès scientifique. Certains jugent cette approche inefficace et militent pour que plus de souplesse
soit donnée au monde scientifique et pour une appréciation au cas par cas des situations les plus
épineuses. C'est le cas de Jean-Louis Touraine, professeur de médecine et député La République en
Marche, qui considère que la véritable limite devrait se trouver non pas dans une règle définitive ou
universelle, mais là où l'on ne maîtrise plus la technique. La discussion promet d'être âpre.
Mais au-delà de ces questions philosophiques très lourdes, la prochaine loi va devoir trancher dans
le vif certains débats houleux, à commencer peut-être par celui, explosif, de la procréation.
Emmanuel Macron voit d'un œil favorable l'ouverture de la procréation médicalement assistée
(PMA) aux femmes homosexuelles en couple ou célibataires, ce qui ferait sortir cette technique de
son rôle médical – pallier une infertilité – pour lui donner un rôle sociétal, permettant à des femmes
d'avoir un enfant sans recourir à une méthode « naturelle ». Est-ce le rôle de la médecine ? En elle-
même, la PMA est pourtant moins controversée que la gestation pour autrui (GPA), qui implique le
renoncement de la mère porteuse à son enfant et la mise à disposition de son corps pour une autre.
De toute façon, le gouvernement ne semble pas disposé à faire évoluer la loi sur ce dernier point,
même si d'aucuns considèrent qu'une libéralisation de la PMA entraînerait forcément la GPA dans
son sillage.
Sur ces interrogations, la France doit faire face à des pressions qui illustrent bien la difficulté de
réglementer les questions de bioéthique à l'échelle nationale. Que valent l'interdiction de la GPA et
la restriction de la PMA quand celles-ci peuvent être réalisées en dehors du territoire ? Il n'est pas
difficile pour une femme de passer par un donneur étranger et pour un couple de recourir à une
mère porteuse, même si cela reste très onéreux. Dans ce dernier cas, les droits fondamentaux de
l'enfant, tels que reconnus par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, imposent d'ailleurs que
la France transcrive dans ses registres les actes de naissance d'enfants nés par GPA, reconnaissant
ainsi une pratique interdite sur son sol.
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À côté de la procréation, nul doute que la fin de vie occupera également une place centrale dans les
débats. La loi Claeys-Leonetti, adoptée en 2016, permet une sédation profonde et continue pour les
personnes en phase terminale, mais le suicide assisté reste quant à lui interdit par la loi. Les progrès
de la génétique posent aussi de nombreuses questions. Il est maintenant possible de détecter les
maladies les plus graves chez l'embryon lors d'une grossesse ou d'une fécondation in vitro – une
évolution positive mais qui fait craindre l'arrivée d'un eugénisme affichant son refus de l'anomalie et
de la différence. Plus largement s'ouvre la possibilité de « bébés à la carte », ce que propose
l'entreprise danoise Cryos, la « plus grande banque de sperme du monde », qui peut envoyer par la
poste un échantillon de sperme sélectionné dans un catalogue où sont répertoriées les
caractéristiques des donneurs : poids, couleur des yeux ou même profil psychologique... Le
« meilleur des mondes » n'est plus très loin. Permettre à la science d'avancer sans remettre en cause
les principes qui fondent notre humanité commune, telle est la difficile tâche de cette révision des
lois de bioéthique et de celles qui lui succéderont. Ce chantier n'était peut-être pas le plus attendu,
mais il marquera sans aucun doute le quinquennat d'Emmanuel Macron. Reste à voir si le Président,
accusé par certains d'avoir négligé son aile progressiste, se saisira de l'occasion pour satisfaire de
nouvelles demandes sociétales ou préférera le statu quo.

Le projet de loi « bioéthique » pourrait être
présenté fin novembre
La Croix du 7 septembre 2018 par Loup Besmond de Senneville
La date figure dans un document interne du groupe La République en Marche de l’Assemblée
nationale, que La Croix a pu consulter.
Le projet de révision des lois de bioéthique sera présenté « fin novembre » en Conseil des ministres.
C’est ce qui figure dans un document interne du groupe La République en Marche diffusé aux
députés du groupe majoritaire à l’Assemblée, et que La Croix a consulté. Jusque-là, le
gouvernement envisageait plutôt de présenter son projet à la fin octobre, mais plusieurs éléments
ont contribué à décaler cette date. C’est notamment le cas de la création, fin juin, d’une mission
parlementaire d’information sur la révision de ces lois. Ce groupe de travail, qui compte 36
membres, a notamment vu le jour sous la pression du député LR Xavier Breton. Ce dernier en est
devenu le président, alors que Jean-Louis Touraine (LREM) en a été élu rapporteur.
La mission d’information de l’Assemblée devrait boucler ses auditions à la fin octobre, puis rendre
son rapport à la mi-novembre, c’est-à-dire deux semaines avant la présentation du projet de loi par
le gouvernement. Entre-temps, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) aura rendu un avis
important, mardi 25 septembre. Les membres du CCNE ont travaillé tout l’été à l’élaboration de ce
document, qui se prononcera notamment sur la fin de vie, l’extension de la procréation
médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, ainsi que sur un
éventuel élargissement de l’utilisation des tests génétiques.
Enfin, dernier élément de ce calendrier serré, l’office parlementaire des choix scientifiques et
techniques (Opecst), composé de sénateurs et de députés, votera son rapport sur la révision des lois
de bioéthique le 18 octobre.

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Bioéthique : quelle place pour la médecine ?
Le Figaro du 14 septembre 2018 par Eléonore Le Cesne, étudiante
à la Sorbonne
Jeune interne en médecine, Eléonore Le Cesne s'interroge sur les évolutions récentes de la
médecine, au gré des évolutions en cours en matière de bioéthique. Or selon elle, les étudiants
de médecine manquent de formation pour appréhender ces questions.
En tant que futurs médecins, nous serons sollicités en première ligne demain pour exécuter ou non
ce qui aura été déclaré comme éthiquement acceptable aujourd'hui, en exerçant notre liberté de
conscience. L'objet de mon propos est la question de la finalité de la médecine. En effet, les désirs
sociétaux, la pression aux portes des législateurs, et les possibilités ouvertes par les technologies
grandissantes, occultent petit à petit cette question fondamentale. Nous rencontrons de façon quasi-
systématique la notion de « finalité médicale » dans les sujets de bioéthique afin d'éviter les dérives
de l'usage des technologies, mais de quoi parle-t-on ? Cette finalité reste-t-elle aussi clairement
définie qu'elle le devrait, pour être un tel garde-fou ?
Les études médicales ont un objet : le corps humain. En tant qu'il est objet, il est un constat, il est un
état donné, avant même tout débat d'opinion et toute confrontation d'idées. Cet objet est accessible à
la raison, donc à l'étude, et c'est pourquoi la discipline fondatrice de la médecine est la physiologie :
la parole vraie que l'on peut dire sur le corps humain sain en tant qu'il est naturellement donné. C'est
à partir de l'étude de cet équilibre naturel harmonieux, dit physiologique, que l'on peut
secondairement comprendre la rupture de cet état d'équilibre. Cette rupture survient lorsque
l'organisme ne peut plus compenser les agressions qu'il subit en permanence. C'est donc pour
prévenir ou remédier à cet état, dit pathologique, que le médecin intervient. Dit autrement, parce
qu'il y a physiologie, il y a pathologie, et donc il y a médecine. Le mot « médecine » vient du latin
« medeor, eris, eri », qui signifie « guérir ».
Cependant, la pression des possibles offerts par la technologie veut faire devenir l'objet d'étude, le
corps sain, tel qu'on estime qu'il devrait être, et non pas tel qu'il est vraiment avec ses lois, ses
propriétés, et ses limites. Prenons l'exemple de l'infertilité. Celle-ci est la pathologie relative à la
situation physiologique de fertilité. Si, au nom d'un désir sociétal, on demande à la médecine de
considérer que l'incapacité physiologique d'un couple de femmes, ou d'une femme célibataire, à
procréer, doit recevoir le même traitement « médical » et la même prise en charge « médicale »
qu'un couple composé d'un homme et d'une femme, dont l'infertilité qui en résulte est pathologique,
l'infertilité est-elle encore une pathologie ? Ne devient-elle pas un état de fait, issu d'une situation
sociale, que l'on peut manipuler à sa guise ?
Si l'ouverture à la PMA « pour toutes » devient éthique, le médecin ne porte-t-il pas dans son propre
nom (remédier), la promesse de son obsolescence ? Car ici, à quoi remédie-t-il ? Les études de
médecine enseignent que le médecin a une obligation de moyens en vue d'une finalité médicale.
Elles n'enseignent pas que le médecin a une obligation de résultats en vue d'une satisfaction
sociétale, par le biais de moyens médicaux. En conséquence, la société ne peut user de la médecine,
et du médecin, pour contourner une problématique d'ordre civil et physiologique. C'est même la
garantie de la liberté de la médecine vis-à-vis de toute action politique, et de tout lobbyisme. Le
contraire serait à redouter. Si on considère ce raisonnement comme dépassé, alors il faut admettre
logiquement que la médecine a changé de finalité, et s'interroger : quelle est cette nouvelle finalité ?
Et où nous mène-t-elle ?
Nous voyons à quel point ces questions sont délicates. Elles sont les fondamentaux des débats
bioéthiques, mais même avant cela, il s'agit des fondamentaux de la vocation du médecin, et de son
champ d'action sur l'être humain. Elles ne sont donc pas des questions accessoires. Chacun doit en
prendre conscience, et nous, médecins et futurs médecins, en premier lieu.

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Pour en avoir conscience, encore faudrait-il que nous soyons formés sur ces sujets, et donc que le
format des études de médecine soit adapté pour former notre liberté de conscience et éclairer la
portée de nos actes futurs au regard de ce que les États Généraux de la Bioéthique pointent comme
possibilités à venir. Or à l'échelle nationale, rien dans nos études ne nous permet de développer ces
sujets. La bioéthique, la philosophie, l'anthropologie n'existent pas dans le programme officiel des
études médicales, et ne sont pas au programme de l'Examen Classant National. Ce cursus oriente
pourtant de manière décisive les carrières futures et les champs d'action des futurs médecins. Ce qui
signifie que durant six ans, à l'âge où la conscience se forge et où les idées se développent, les
étudiants en médecine bachotent leurs connaissances techniques sans espace-temps pour la
réflexion.
Comment ne pas perdre de vue la question de la finalité de la médecine si le cursus médical lui-
même ne nous permet pas de nous interroger sur la portée potentielle de nos actes, à l'heure où la
médecine peut aller jusqu'à transformer l'être humain ? Nous risquons d'arriver sans le vouloir à ce
que ce qu'il faudrait éviter : la réduction de l'exercice de la médecine à une exécution
technoscientifique quasi-robotique, qui tend à ne plus avoir d'autre finalité qu'elle-même. À la
limite, j'irais presque jusqu'à dire que la multiplication des débats et réflexions bioéthiques,
extérieurs à nos études, risque de nous dispenser de faire l'effort de développer une réflexion
personnelle. Or le médecin doit agir en ayant conscience de ce qu'il fait, et doit pouvoir en rendre
compte : c'est le principe de la responsabilité.
Si nous continuons à éluder la question de la finalité de la médecine, à la fois dans le cursus même,
mais également dans les débats bioéthiques qui enflamment la société, nous pouvons légitimement
nous demander si les dérives ne sont pas inéluctables. Formons-nous des futurs sujets soignants
responsables, et favorisons-nous leur liberté de conscience au regard de ces changements ?
Aujourd'hui, il ne me paraît plus envisageable que ces disciplines soient dissociées de
l'apprentissage de la médecine dès son commencement. Il est nécessaire que les responsables de
l'enseignement médical ajustent le programme afin de développer la formation intellectuelle du
futur médecin, ses qualités humanistes, sa capacité de réflexion sur les sujets de bioéthique, afin de
mieux l'éclairer sur les situations à venir. Et il est nécessaire que les décideurs qui légiféreront à
partir des conclusions des États Généraux gardent bien ceci à l'esprit.

Bioéthique : Macron à la recherche d'un
improbable débat apaisé
Le Figaro du 21 septembre 2018 par François-Xavier Bourmaud
Le chef de l'État aborde la révision de la loi de bioéthique avec prudence. Il veut à tout prix
éviter de se retrouver dans la même situation que François Hollande avec le mariage pour
tous.
La rentrée n'était pas simple, elle risque de se compliquer encore un peu. Mais cette fois, c'est un
événement programmé qui attend Emmanuel Macron et auquel il se prépare depuis son élection : la
révision de la loi de bioéthique. Le coup d'envoi de ce dossier potentiellement explosif sera donné
avec la présentation de l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), le mardi 25
septembre. Bâti sur la base des États généraux de la bioéthique qui se sont achevés fin juin, cet avis
sera transmis au chef de l'État. « Nous nous en tenons au calendrier, explique-t-on à l'Élysée. Nous
serons sur la présentation d'une loi en fin d'année ou au début de l'année prochaine, en fonction de
l'encombrement parlementaire. »

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D'ici là, impossible de savoir ce que le chef de l'État a en tête. En dehors de son engagement de
campagne d'ouvrir la PMA pour les couples de lesbiennes et les femmes célibataires, rien n'a filtré
de ses intentions. Emmanuel Macron veut à tout prix éviter de se retrouver dans la même situation
que François Hollande avec le mariage pour tous. Pas simple. Car au-delà de la seule question de la
PMA, les autres sujets abordés dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique sont tout aussi
clivants. De la fin de vie à la recherche sur l'embryon en passant par la médecine génomique, tout
est potentiellement sujet à d'âpres querelles. « Ce ne sont pas des sujets totalement neutres »,
reconnaît-on dans son entourage.
Et les débats ont déjà démarré au sein même du gouvernement. Le délégué général de La
République en marche, Christophe Castaner, a demandé le remboursement intégral de la PMA.
Façon d'entériner l'idée qu'elle sera mise en place comme prévu. Au sein du gouvernement, certains
ministres comme François de Rugy et Olivier Dussopt se sont prononcés en faveur de la GPA. Ils se
heurtent toutefois à Emmanuel Macron, qui s'y était dit opposé et avait assuré que ce dossier ne
serait pas ouvert au cours de son quinquennat. Ce qui n'empêchera toutefois pas le débat de se
dérouler. Tout comme sur le thème éminemment sensible de la fin de vie, sujet sur lequel Benjamin
Griveaux souhaite « que l'on puisse aller plus vite et plus loin. On doit pouvoir choisir dignement ».
Pour l'heure, le président de la République se tait et poursuit sa réflexion. Il s'est imprégné à bas
bruit en rencontrant des intellectuels, des chercheurs, des médecins, des représentants religieux, des
philosophes… À la recherche improbable d'un débat apaisé.

L’eugénisme et l’ultra libéralisme assumés
devant la mission d’information pour la
bioéthique
Gènéthique du 20 septembre 2018
Le professeur Israël Nisand a été auditionné ce matin par la mission d’information
parlementaire sur la bioéthique. Par le biais d’histoires de patientes, racontées sur un ton
compassionnel et une ambivalence assumée, le gynécologue obstétricien au CHU de
Strasbourg, fait passer plusieurs messages :
L’eugénisme positif des personnes trisomiques 21 dans une société handiphobe : Il demande
expressément aux parlementaires d’étendre le diagnostic préimplantatoire à la trisomie 21. Il trouve
en effet insupportable que des patientes, qui ont déjà fait une interruption médicale de grossesse
pour une mucoviscidose par exemple revive cette « expérience catastrophique » parce que leur
deuxième enfant indemne de la maladie génétiquement transmissible est atteint de trisomie 21. Le
professeur Israël Nisand consent à un eugénisme établi en France qui rend automatique dans plus de
99 % des cas selon lui l’avortement pour cause de trisomie 21. Alors qu’il déplore notre « société
handiphobe », qui « ne veut pas d’handicapés à l’école ou dans un supermarché », qui « fait de
l’eugénisme à un point qu’aucun autre pays libéral n’en fait », que « les médecins sont forcés à
l’eugénisme », le professeur Israël Nisand se range du côté de ses patientes qui, dit-il, « avortent
toutes de leur bébé diagnostiqué trisomique 21, car elles veulent un bébé en bonne santé ».
Le Professeur Israël Nisand passe d’une compassion à une autre, d’abord en rappelant que les
personnes trisomiques 21 sont très proches de nous, qu’elles sont attachantes, affectueuses, aiment
la musique, qu’elles sont atteintes d’une anomalie la moins grave qui soit, pour ensuite prendre le
partie des femmes « qui ne veulent pas d'enfant handicapé » et assumer un « eugénisme positif qui a
toujours existé ».

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La recherche sur l’embryon est instable en France : Israël Nisand laisse penser dans son
intervention que les scientifiques français fuient pour aller rechercher plus sereinement sur
l’embryon à l’étranger. Il envoie le message à la poignée de parlementaires présents que la
recherche sur l’embryon, malgré son autorisation, est « instable en France » à cause de « lobbys
religieux ». Une invitation à demi-mots à revenir sur le sujet dans les débats à venir.
La GPA compassionnelle : Le gynécologue du CHU de Strasbourg explique enfin son revirement
de positionnement sur la GPA. Il évoque une fois encore les histoires émouvantes de patientes
devenues mère grâce à leur sœur, leur patronne ou leur amie qui ont accepté de porter leur enfant.
Pour le professeur « laisser la loi en l’état c’est une énorme erreur. Il faut légiférer et bien
encadrer » la GPA.
Un plaidoyer pour l’implantation post mortem : Enfin, Israël Nisand s’insurge parce que des
veuves ne peuvent plus implanter leurs embryons. Il invite les parlementaires « à ne pas en rester
là, par simple humanisme, par simple nécessité ». Un humanisme qui ne prend apparemment pas en
considération l’intérêt de l’enfant.
De rares lignes jaunes infranchissables : Il reste deux sujets sur lesquels le professeur Nisand
s’est opposé catégoriquement : la FIV à trois parents qui relève du clonage, une ligne à ne jamais
franchir et la modification du génome reproductif qui touche à l’espèce humaine. L’auditeur est à la
fin de la séance soulagé d’entendre Antoine Mellado, président de World Youth Alliance demander
aux parlementaires de se poser la seule question fondamentale dans ces débats : « J’ai l’impression
qu’on a oublié de se poser une question aujourd’hui : comment fait-on pour protéger la vie
humaine ? Comment allons-nous procéder pour défendre la dignité humaine ? Cette vie doit-être
protégé », dit-il, « et il me semble que l’on évite de se poser des questions car la réponse à des
conséquences que l’on ne veut pas regarder en face ».

«L'avis du Comité d'éthique est enraciné
sur l’évolution de la famille contemporaine»
Libération du 25 septembre 2018 par Florian Bardou
Spécialiste de droit de la famille, la juriste Laurence Brunet, chercheuse à la Sorbonne,
débroussaille pour « Libération » les préconisations formulées ce mardi par le Comité
consultatif national d’éthique (CCNE) préalables à la révision des lois bioéthiques à venir.
Ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux lesbiennes et femmes célibataires,
levée de l’anonymat des donneurs, opposition à la gestation pour autrui (GPA), maintien du cadre
actuel de la fin de vie… Dans son avis préalable à la révision de la loi bioéthique, rendu ce mardi, le
Comité consultatif national d’éthique (CCNE) préconise de faire souffler un vent de liberté sur les
nouvelles techniques de procréation. Mais jusqu’à quel point ? Spécialiste du droit de la famille, la
juriste Laurence Brunet décrypte pour Libération ces recommandations que le politique aura bon
ton de suivre (ou pas).
Maintien de l’interdiction de la GPA, ouverture de l’accès à la PMA à toutes les femmes… Ce
nouvel avis du CCNE vous paraît-il, à première lecture, novateur ou ménager la chèvre et le
chou ?
Tout d’abord, on peut constater qu’il y a de réelles avancées par rapport à l’avis de juin 2017 sur la
PMA, notamment en matière d’autoconservation des ovocytes.

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Néanmoins, si le feu vert a été donné quant à l’ouverture de l’accès à la procréation médicalement
assistée à toutes les femmes, ce nouvel avis ne parle pas de sa prise en charge. Rien n’est dit par
exemple des modalités de remboursement et on a l’impression que le CCNE renvoie la balle aux
législateurs. Je suis même assez surprise de sa frilosité pour les femmes seules ayant recours à la
PMA. Dans cet avis, il est en en effet dit que leur situation préconise une attention différente,
notamment des « dispositions d’accompagnement » qui « pourraient s’inspirer de celles qui
s’appliquent au cadre de l’adoption plénière ». D’une certaine manière, cela veut dire que les
femmes seules devraient a priori demander un agrément. La réflexion est inquiétante et un peu
courte.
Par ailleurs, aucune piste de réflexion n’est donnée pour faire face au manque de dons de sperme.
Enfin, le CCNE se positionne sans surprise pour le maintien de l’interdiction de la GPA dans la
lignée de ce qu’il a toujours dit. Il ne semble pas tout à fait à la page des avancées de la
jurisprudence et apparaît même encore plus rétrograde par rapport à la Cour de cassation. Exiger un
contrôle de la filiation biologique avec au moins l’un des deux parents d’intention, c’est encore
marquer la GPA du sceau de la défiance. Demander sa prohibition internationale me paraît peu
réaliste.
En quoi l’autorisation de la conservation des ovocytes des femmes, mais également de la levée
de l’anonymat des donneurs sont ici des avancées ?
Aujourd’hui, l’autoconservation ovocytaire en raison de l’âge est interdite en France. Elle n’est
possible qu’à condition qu’une femme soit malade ou qu’à condition de donner ses gamètes.
Depuis, les dons ont augmenté mais le CCNE – c’est la nouveauté – se positionne contre ce
mélange entre don et conservation en préconisant désormais que l’autoconservation de précaution
en raison d’âge soit ouverte sous réserve d’un bilan de fertilité. On sent qu’au sein du comité, l’idée
d’une égalité procréative entre les hommes et les femmes a emporté le morceau. On peut dire la
même chose de la levée de l’anonymat. L’avis du CCNE exprime aujourd’hui le souhait d’un très
fort changement de la législation. Le comité a d’ailleurs une très belle réflexion sur le fait que certes
l’accès aux origines ce n’est pas l’alpha et l’oméga de l’identité d’une personne mais cela en fait
partie. Il considère légitime que certaines personnes puissent y avoir accès, montre qu’il est au
courant des dernières avancées de la science avec l’émergence du big data et donc adopte une
position réaliste face à un vieux un principe éthique, l’impossibilité faite aux enfants issus de dons
de connaître l’identité d’un donneur supposé afin de le protéger.
Est-ce définitivement admettre que la société a changé mais pas suffisamment le cadre
législatif, et qu’il est donc nécessaire de le faire évoluer ?
À plusieurs reprises dans son avis, le CCNE affirme que « la famille est en mutation » et qu’à ce
titre-là il faut s’adapter aux nouvelles constellations familiales. Il constate notamment que les
familles monoparentales ne sont plus subies mais revendiquées et il considère qu’il faut prendre en
compte cette nouvelle forme de famille, active, qui s’est développée. Il opère la même réflexion sur
l’ouverture de la parentalité aux couples de même sexe. C’est donc un avis enraciné sur l’évolution
de la famille contemporaine.
Peut-on parler de position de statu quo sur la fin de vie ?
Dans son avis, le CCNE affirme que la loi sur la fin de vie est trop récente, car elle a
substantiellement été modifiée en 2016 et qu’alors on n’a pas assez de recul pour aller plus loin.
C’est la position qu’a également soutenue le Conseil d’Etat en juin. Ses recommandations suivent
une logique très franco-française, celle de développer jusqu’au bout du bout l’offre palliative afin
de réduire au maximum la souffrance des patients en fin de vie sans entrer dans une logique
d’euthanasie. L’avis semble à peine laisser la porte entrouverte à une exception d’euthanasie ainsi
qu’à l’assistance au suicide. De même, la demande de prolongement des traitements déraisonnables,
même par la famille, à laquelle on est très régulièrement confronté à l’hôpital, est à peine abordée…

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Selon vous, les débats houleux des états généraux de la bioéthique, souvent accaparés par les
mouvements ultraconservateurs, ont-ils pesé sur cet avis ?
Cette forme de démocratie a donné la possibilité de longuement parler des sujets de bioéthique
même si la discussion n’était pas égalitaire et représentative. De ce point de vue, c’est donc un
succès. Cependant, je suis assez surprise de voir que le comité a neutralisé les tensions et les
divergences très fortes qui se sont exprimées au cours de ces états généraux où il est apparu un fort
clivage sur l’ouverture de la PMA par exemple. Très bruyante, la Manif pour tous s’est mobilisée
comme jamais, mais elle a aujourd’hui été remise à sa juste place et son avis n’est plus central.
Peut-être que des consultations ponctuelles et régulières comme au Royaume-Uni seraient tout aussi
fructueuses que ses états généraux.

Des avancées tous azimuts et un gros statu quo
Libération du 25 septembre 2018 par Eric Favereau
Tout en préconisant des garde-fous, le Comité d’éthique rompt avec la frilosité qui prévalait
jusqu’ici sur la recherche sur l’embryon, le diagnostic génétique, les données numériques…
Mais s’en tient à la loi actuelle sur la fin de vie.
A l’exception notable de la fin de vie, c’est un vaste dépoussiérage de la situation actuelle que
recommande le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), avec la volonté de rappeler de
grands principes, de fixer un cadre en vue de modifications législatives, et non plus s’enfermer dans
une attitude plutôt frileuse, faite d’interdits et de réglementations étouffantes. Outre la PMA, revue
des autres domaines en voie d’évolution.
Recherche sur l’embryon : un cadre plus libéral
Longtemps, la France est restée timide dans ce domaine. La recherche était interdite mais avec des
exceptions. Puis on l’a autorisée, un peu, mais avec des interdits. Un modèle plus libéral se profile
maintenant. Dans son avis, le comité développe longuement ce thème, signe d’une priorité à venir.
En préambule, il considère comme pleinement « justifiée l’autorisation de la recherche sur les
embryons surnuméraires (embryons préimplantatoires issus des procédures de FIV et dont les
projets parentaux ont été abandonnés), y compris avec des modifications génétiques, à condition du
non-transfert de l’embryon ». Si le comité rappelle l’interdiction de la création d’embryons à des
fins de recherche, il propose de « ne plus soumettre la recherche sur l’embryon et celle sur les
lignées de cellules souches embryonnaires au même régime juridique ». Les enjeux éthiques
associés à ces deux types de recherche s’avèrent, il est vrai, différents.
Plus généralement, le CCNE demande que certaines recherches soient clarifiées, comme la création
d’embryons transgéniques, c’est-à-dire la possibilité de modifier le génome d’un embryon pendant
le temps de l’expérimentation, mais aussi celle qui impliquerait une variation du patrimoine
génétique chez la descendance dans un but thérapeutique. Il s’interroge sur la création d’embryons
dits « chimériques », c’est-à-dire l’insertion dans un embryon animal de quelques cellules souches
pluripotentes (capables de se différencier en de nombreux types cellulaires différents) humaines.
« Sans l’interdire, un encadrement est toutefois nécessaire si les embryons sont transférés chez des
femelles et donnent naissance à des animaux chimériques ». Enfin, manifestement soucieux de
garde-fous, le CCNE suggère qu’« un cadre plus général pourrait garantir le principe du respect
de l’embryon, sans brider la recherche ».
Diagnostic génétique : la grande ouverture

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Là aussi, c’est le choix de l’ouverture qui est fait. « Le diagnostic génétique préconceptionnel doit
pouvoir être proposé à toutes les personnes en âge de procréer qui le souhaitent après une
consultation spécialisée. » En clair, il ne faudrait plus circonscrire à des cas précis ce diagnostic de
maladies génétiques chez les futurs parents. Il serait alors pris en charge par l’assurance maladie.
Preuve de cette banalisation souhaitée, le comité se propose d’examiner de façon plus approfondie
les possibilités de l’extension du dépistage génétique à la population générale.
Dons d’organes : faciliter toujours plus
Comment faire face à la pénurie d’organes ? Comment en faciliter le don sans brusquer le
consentement ? De révisions en révisions, depuis trente ans, la question de la législation des dons
d’organes s’est peu à peu assouplie. C’est un pas supplémentaire que propose le comité, rappelant
« les fortes inégalités régionales actuelles », liées à des différences de pratique. Sur deux points, les
recommandations se font insistantes, en particulier pour le prélèvement sur les patients en arrêt de
traitement. Avec un garde-fou : « Il est essentiel d’apporter de la clarté aux familles à propos des
décisions d’arrêt des soins, afin de leur garantir qu’elles ne sont pas motivées par l’opportunité
d’un prélèvement d’organes. » Sur la question des donneurs vivants, le CCNE juge souhaitable
« une évolution de la législation concernant les dons de reins croisés ». On le sait, un proche peut
donner son rein, mais si celui-ci n’est pas compatible, que faire de ce don éventuel ? L’idée est de
construire une sorte de chaîne de donneurs successifs qui permettrait d’élargir le nombre de
greffons. Non sans raison, le CCNE propose la création d’un « statut » du donneur. Il revient sur
des détails pratiques, par exemple les délais de remboursement des frais avancés par le donneur
vivant, « afin qu’il ne soit pas amené à supporter les conséquences financières de ce geste généreux
», ce qui est souvent le cas.
Neurosciences : à surveiller
Sur ce volet, le comité se montre sceptique, voire réservé, en particulier sur l’usage de ce que l’on
appelle l’IRM fonctionnelle. Cet examen permet de visualiser l’activation de zones du cerveau lors
de l’exécution de certaines tâches, motrices, sensorielles, cognitives, voire émotionnelles. « Elle
permet ainsi une sorte d’intrusion dans l’intimité même du fonctionnement cérébral de la personne
», note le comité, qui précise : « Lors des tâches effectuées, des images sont obtenues dont le risque
est d’exercer un pouvoir de fascination et de simplification. » C’est le cas de l’utilisation de l’IRM
comme « détecteur de mensonges » pour statuer sur la culpabilité d’une personne. D’où ces
recommandations fermes : son usage est « fortement déconseillé » dans le domaine judiciaire, de
même que dans les applications « sociétales » telles que le neuromarketing, la sélection à
l’embauche ou des pratiques assurantielles.
Big data : réguler et superviser
Ils sont là. Les objets connectés qui collectent des renseignements en continu sur notre santé
s’imposent. C’est un progrès évident, comme la formation de grandes banques de données. Mais
comment préserver les droits de chacun, sans empêcher la révolution du numérique en santé ? Le
comité adopte là aussi une position ouverte, se prononçant « contre une législation bloquante ».
Avec un rôle de supervision générale qui pourrait être dévolu à la Haute Autorité de santé. Il s’agit
en somme de réguler plutôt que de figer. Le comité propose, comme garde-fou, que soit inscrit au
niveau législatif le principe fondamental d’une « garantie d’une supervision humaine de toute
utilisation du numérique en santé ».
Fin de vie : le statu quo
« Durant les états généraux, il s’est dégagé un très large consensus pour estimer que l’on meurt
mal en France, a rappelé le président du CCNE, Jean-François Delfraissy. De nombreux progrès
devraient être réalisés rapidement, notamment pour parvenir à une réelle égalité territoriale et
sociale dans l’offre d’accompagnement de la fin de la vie ». Pour autant, on ne change pas. Ou alors
aux marges. Sur ce point pourtant très attendu, le comité a décidé de ne pas avancer.

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Il se retranche, comme la ministre la Santé, sur le fait que la dernière loi votée ne date que de
deux ans, et qu’elle doit de ce fait être appliquée avant d’être modifiée. Attitude un rien frileuse. Et
comme à chaque fois qu’un rapport est publié sur ce sujet, nos « sages » souhaitent en contrepartie
« qu’un nouveau plan gouvernemental de développement des soins palliatifs soit financé ».
Pourquoi pas ? Cela ne sera que le 17ème plan… Il devra viser à réduire les inégalités territoriales et
permettre « la valorisation de l’acte qui peut conduire à des décisions justes en fin de vie pour
éviter les actes médicaux inutiles, ou disproportionnés au regard de la situation des patients ».
Certes. « La loi Claeys-Leonetti, si elle était bien appliquée, permettrait de résoudre 95 % des cas
», a encore expliqué Jean-François Delfraissy, qui pointe « un certain blocage de certaines équipes
médicales pour l’appliquer ». Ajoutant : « Seuls les résultats de travaux de recherche rigoureux
seront de nature à nourrir utilement un débat qui est souvent passionné et idéologique sur les
questions relatives à la fin de vie. »
Par ailleurs, le comité souhaite que soit réalisé « un travail de recherche sur les situations
exceptionnelles auxquelles la loi actuelle ne permet pas de répondre et qui pourraient
éventuellement faire évoluer la législation ». En clair, il pense à la maladie de Charcot, maladie
neurodégénérative à l’évolution connue et mortelle. Que faire quand le malade veut que cela
s’arrête, et non plus attendre une mort par étouffement ? On se souvient de l’histoire d’Anne Bert :
atteinte de cette pathologie inéluctable, l’écrivaine française voulait qu’on l’aide médicalement à
mourir. Elle a dû partir en Belgique, où elle a pu le faire sereinement, le 2 octobre 2017.

Bioéthique : la théologienne protestante
Marion Muller-Colard commente le rapport
du CCNE
Réforme du 26 septembre 2018 par Véronique Hunsinger
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu public mardi un avis visant à
éclairer le gouvernement en vue de la révision prévue l’année prochaine des lois de
bioéthique. Éclairages de Marion Muller-Colard, membre du CCNE depuis décembre 2017,
désignée par le président de la République en qualité de personnalité appartenant aux
principales familles philosophiques et spirituelles.
Le CCNE avait déjà publié en juin dernier un rapport de synthèse des états généraux de la
bioéthique qui se sont tenus au premier semestre. Sur quoi porte l’avis rendu cette semaine ?
Les états généraux ont été constitués par un temps assez long d’auditions des sociétés savantes et
des associations ainsi que des débats publics en région. Pendant toute cette période, le CCNE a été
dans une position d’écoute active et sans « a priori ». Le rapport qui a été rendu au Parlement en
juin est le fruit de cette écoute. Nous avons rendu compte de tout ce que nous avons entendu, y
compris les contributions sur le site web des états généraux et les travaux du comité citoyen qui
s’est exprimé sur deux thèmes précis, à savoir la génomique et l’accompagnement de la fin de vie.
Après quoi nous sommes rentrés, à nouveau, dans notre propre réflexion, enrichis, augmentés et
parfois modifiés par ce que nous avions entendu. Cet avis est exceptionnel car il est contraint par
l’agenda politique qui impose une révision des lois de bioéthique l’année prochaine. L’avis que
nous rendons a pour but de donner des balises éthiques au législateur mais aussi d’essayer de rendre
les citoyens attentifs aux enjeux que représentent les neuf thèmes abordés.
Vous faites partie des nouveaux membres du CCNE. Comment avez-vous abordé ce travail ?

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Le temps a été très court. Il faut savoir que certains thèmes comme la procréation avaient fait l’objet
d’avis antérieur du CCNE qui avait fait suite à quatre ans de travail. Au sein du CCNE, des sous-
groupes ont travaillé sur chaque partie en proposant à l’ensemble des membres des « textes
martyrs » servant de point de départ à la discussion. Il y a eu des débats très riches jusque dans les
derniers jours. Je dirais aussi que certains thèmes étaient d’une grande technicité scientifique,
comme la génomique. Mais chacun a pu apporter son éclairage aux autres, certains se situant au
niveau microscopique de questions et les autres à un point de vue plus macroscopique. Par ma
formation, je fais évidemment partie des seconds et je me suis attelée à essayer de repérer des
problématiques transversales aux thèmes posés.
Lesquels par exemple ?
Dans tous ces sujets, on peut noter une tension entre l’intime et le collectif. C’est par exemple le cas
des données de santé. Comment articuler le potentiel énorme en termes de recherche que constituent
les banques de données de santé dont nous disposons aujourd’hui en France avec la nécessité du
respect de la confidentialité de ces données ? Parmi les notions transversales, il y a aussi
évidemment la question de la dignité dont chacun s’empare sous un angle différent. Certains
mettront en avant la liberté et l’autonomie et d’autres la protection de la vulnérabilité. Il nous faut
articuler une définition de la dignité qui soit complète.
Sur quels sujets, les états généraux ont-ils modifié l’approche des membres du CCNE ?
En juin 2017, le CCNE avait rendu un avis sur les questions de procréation dans lequel il se
déclarait en faveur de l’extension de l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de
femmes et aux femmes seules mais opposé à la gestation pour autrui (GPA). En revanche, il s’était
montré très réservé sur l’autoconservation ovocytaire, autrement dit cette technique qui permet à
une femme de congeler ses ovocytes de manière préventive pour des raisons non pas médicales
mais de parcours de vie. Sur cette question précise, le CCNE a évolué après avoir écouté des
sociétés savantes et des associations et il se montre désormais ouvert à cette possibilité, sans
l’encourager et en proposant des limites d’âge. Le CCNE se déclare également favorable à
l’ouverture de la PMA post mortem, c’est-à-dire à l’implantation d’un embryon qui a été congelé
chez une femme dont le compagnon serait décédé au cours du parcours, sous réserve d’un projet
parental dont le parent décédé a été partie prenante. Cela reste évidemment des situations très
exceptionnelles mais le sujet a donné lieu à beaucoup de discussions. Enfin, le CCNE propose aussi
que soit rendue possible à l’avenir la levée de l’anonymat des donneurs de sperme pour les enfants
qui seront issus de ce don.
Qu’est-ce qui a poussé à ce changement important de doctrine sur ce dernier point ?
C’est un thème qui avait beaucoup mobilisé pendant les états généraux. Chez les enfants nés d’un
don, pour certains l’identité du donneur n’a pas d’importance et pour d’autres l’absence
d’information est une souffrance. On ne peut pas ne pas entendre la demande de ces derniers. On a
vu également que dans les pays où l’anonymat a été levé, le nombre de dons a un peu baissé dans
un premier temps puis est revenu au même niveau. En revanche, nous pensons qu’il ne peut pas y
avoir de rétroactivité de la levée de l’anonymat pour les dons qui ont été réalisés précédemment
sous ce régime. Nous sommes également attentifs à ne pas parler de recherche d’origines. Connaître
le donneur, n’est pas connaître son « père ». Les personnes qui sont dans cette démarche sont
d’ailleurs généralement au clair là-dessus.
Sur l’extension de l’AMP et l’interdiction de la GPA, la position du CCNE a-t-elle bougé ?
Sur la GPA, rien de ce qui a été entendu n’a fait évoluer les positions du CCNE. Celui-ci demeure,
par ailleurs, favorable à l’extension de l’AMP, en maintenant une distinction entre les couples de
femmes et les femmes seules. Pour ces dernières, la situation crée une fragilisation qui appelle à
imaginer un accompagnement spécifique. Mais sur le fond, les arguments restent les mêmes. Même
si l’AMP crée une dissociation entre la sexualité et la procréation, cette dissociation n’engendre pas
de violence.

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