2010 Année européenne de lutte contre la pauvreté - La STIB montre la voie...
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ensemble ! pour la solidarité, contre L’exclusioN Numéro 67 / Trimestriel Mars 2010 2010 Année européenne de lutte contre la pauvreté La STIB montre la voie... u CHASSE AUX CHÔMEURS Détracteurs et opposants serrent les rangs Belgique - Belgïe P.P. u Europe L’UE, créatrice de pauvreté 1020 Bruxelles 2 1/1480 u ÉNERGIE Débats électriques autour des compteurs intelligents
L’ÉTAT DES DROITS DE L’HOMME EN BELGIQUE 2009-2010 e l’Hom me i t s d es dro S d La Ligue É TAT D E M ME L’ S DE L’HO O IT DR EN BELG09-2010IQUE RT 2 0 den RAPPO editions★aden editions★ a
edito Renard, je t’ai vu… j / Arnaud Lismond Président du CSCE Joëlle Milquet, Joëlle Milquet, une allocation de chômage illimitée dans le temps. Présidente du CdH Ministre de l’Emploi Il ne faudrait pas que, par des prises de position (2004) (2010) électoralistes, on remette en cause ce système-là. 28 mai 2004, lettre de J.M. à la Plate-forme 11 janvier 2010, interview par la DH : “Que Parce que certains Flamands n’attendent que www.stopchasseauxchomeurs.be : “Ce n’est répondez-vous à la FGTB et au PS qui demandent cela. Vous savez, il y a très peu d’exclusions. Sur les pas la chasse aux quelques chômeurs qui se sont la suspension du contrôle des chômeurs ? 450.000 demandeurs d’emploi indemnisés, vous découragés qui modifiera les choses. On s’attaque J. M. : Ce serait la dernière des choses à faire ! Je avez seulement 4.000 exclusions dont seulement aux plus fragilisés de notre société pendant que les ne veux pas en entendre parler ! Au contraire, 10 % arrivent au CPAS. Alors, c’est sans doute de plus aisés peuvent rapatrier leurs il faut amplifier le plan d’accompagnement des trop, mais dans le chômage, on ne pénalise jamais millions d’euros en toute impunité. On culpabilise demandeurs d’emploi. À 90 %, c’est un plan pour quelqu’un qui ne trouve pas de travail mais qui les chômeurs et les travailleurs alors que ni les les aider à retrouver du travail. Il a permis une ne cherche pas de travail. C’est quand même un employeurs ni les pouvoirs publics ne prennent baisse de 17 % du taux de chômage et une hausse peu différent”. ➌ leurs responsabilités. de 30 % des formations chez les gens ainsi suivis. L’objectif n’est absolument pas d’exclure des gens Comment les princes Est-ce en pourchassant les personnes qui ont ne trouvant pas de travail.” doivent tenir leur perdu leur travail que l’on espère rétablir la crois- DH : Mais ça se fait... parole sance et le plein emploi ? Les chômeurs sont avant J. M. : Oui, évidemment, mais en bout de course, Nicolas Machiavel (1513) : “Un prince bien avisé tout les victimes d’une mauvaise gestion écono- après deux ans et un manque d’efforts patent de ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet mique et politique du pays et non les coupables. la part du demandeur d’emploi sanctionné...” ➋ accomplissement lui serait nuisible, et que les raisons qui l’ont déterminé à promettre n’existent Le chômage atteint tant les ouvriers que les em- 2 février 2010, à RTL-TVI, J. M. : “Je voudrais plus : tel est le précepte à donner. [...] On peut ployés et les cadres. Ils sont de plus en plus nom- lui rappeler [ndlr : à Elio Di Rupo], des fois qu’il faire voir que ceux qui ont su le mieux agir en breux à devoir accepter un travail qui n’a rien à l’aurait oublié, que le plan d’activation des de- renard sont ceux qui ont le plus prospéré. Mais voir avec leur formation, avec leur expérience. Ils mandeurs d’emploi, c’est le PS qui l’a lancé, quand pour cela, ce qui est absolument nécessaire, c’est sont de plus en plus nombreux à devoir accepter nous étions dans l’opposition. Première chose. de savoir bien déguiser cette nature de renard, et des statuts de plus en plus précaires. Deuxième chose, le plan d’accompagnement de posséder parfaitement l’art et de simuler et de des demandeurs d’emploi vise à accompagner dissimuler.” ➍ Il est regrettable que le gouvernement ne s’attaque et à aider les demandeurs d’emploi à retrouver pas aux vraies causes du chômage : l’idéologie du travail. Depuis qu’il est en application, par néolibérale qui dirige le monde et qui creuse le rapport aux personnes qui sont accompagnées, il ➊ Milquet J., Lettre à la Plate-forme www.stopchas- seauxchomeurs.be (en ligne), 28-05-2004 fossé entre les nantis et les exclus de la croissance y a une diminution du chômage maintenant aux ➋ Milquet J., Interview par Christian Carpentier, La d’une part, le manque de formation de nos jeunes alentours de 20 %, ce qui montre son efficacité. Dernière Heure, 11-01-2010 ➌ Milquet J., Interview par RTL-TVI, 02-02-2010 et d’investissement dans la recherche et [...] l’assurance chômage n’est pas une assurance ➍ Machiavel N., Le Prince, Chap. XVIII, Comment les l’innovation d’autre part.” ➊ sociale. Nous sommes le seul pays où nous avons princes doivent tenir leur parole. ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be (3)
nez-nous ! s rejoig Abonnez-vous à Ensemble! Le Collectif Solidarité Contre l'Exclusion, c'est... Créé en 1996, le Collectif Solidarité Contre l’Exclusion : emploi et reve- nus pour tous (asbl) associe des personnes, des associations et des acteurs syndicaux (dont la CSC-Bruxelles, la FGTB Bruxelles et la CNE) unissant leurs forces pour lutter contre l’exclusion. Notre préoccupation centrale : renforcer un réseau entre associations, syndicats et citoyens pour analyser, dénoncer et combattre ensemble les mécanismes économiques, sociaux, politiques qui produisent l’exclusion sociale. Le Collectif Solidarité Contre l’Exclusion publie depuis sa création un journal bimestriel et s’est particulièrement impliqué ces dernières 15 euros / an : travailleurs u années dans la défense du droit à l’aide sociale et au chômage. 8 euros / an : sans-emploi u et étudiants 30 euros / an: organisations u Abonnements groupés : u contactez notre secrétariat Adhérez au Collectif Plusieurs campagnes sont en cours : Vous recevrez le journal et les u Activation des chômeurs : www.stopchasseauxchomeurs.be invitations à nos assemblées générales. u Pour des CPAS conformes à la dignité humaine: www.asbl-csce.be u Relèvement des allocations sociales au seuil de pauvreté : 30 euros / an : travailleurs u www.releverlesallocationssociales.be 15 euros / an : sans-emploi u et étudiants 60 euros / an : organisations u Si vous souhaitez contribuer à la réussite 30 euros / an : petites organisations u de nos actions vous pouvez : ou organisations de sans-emploi u Faire connaître l’association et son journal à votre entourage Numéro de compte au nom du Collectif u Vous impliquer dans la vie de l’asbl en collaborant au journal, aux Solidarité Contre l’Exclusion : actions, aux forums ou en renforçant notre conseil d’administration 068-2370559-03 u Devenir membre et soutenir ainsi pleinement le Collectif (et par là Ajouter en communication : ABO ou COTIS, même recevoir le journal) suivant votre choix. u Vous abonner au journal du Collectif Merci à tou(te)s pour votre soutien ! www.asbl-csce.be (4) ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be
sommaire ensemble ! pour la solidarité, contre l’exclusion Une publication du Collectif Solidarité Contre l'Exclusion, Place Loix 7 (bte 27), Edito Sans-papierS 1060 Bruxelles. 02/535.93.50. (3) Renard, je t’ai vu... (50) P ersonnes régularisées ou demandeuses Rédacteur en chef Luca Ciccia d’asile : une charge pour les CPAS ? (luca@asbl-csce.be) Actu (51) Mariage aller-retour Secrétariat de rédaction Jean-Marie Coen (6) Brèves (52) V ictimes… de la lutte contre les mariages Daniel Flinker (daniel.flinker@asbl-csce.be) blancs et du durcissement des règles en (8) La mendicité, une incivilité? matière de regroupement familial ont participé à ce numéro Claude Adriaenssens, Isabelle (11) “ Nous sommes mendiants par nécessité, Barez, Thierry Bodson, Luca Ciccia, jamais par volonté !” Ue Nuran Cicekciler, Jean-Marie Coen, Marie-Pierre Debuisseret, Denis (12) Mendicité à la STIB : de quoi parle-t-on ? (54) C haque année, cette Europe-là crée la Desbonnet, Ghislaine de Smet, Jacques Fierens, Daniel Flinker, (15) L a STIB, une entreprise publique au pauvreté. Jean Flinker, Corinne Gobin, service des usagers ? (56) Q uand les politiques économiques de Gérald Hanotiaux, Manuel Lambert, Arnaud Lismond, (18) Q uand les représentants politiques l’Union européenne engendrent la pau- vreté… Adriaan Meersman, Clara Mennig, Stéphane Roberti, Paul critiquent la STIB (20) L es chasse-coquins. Mendicité et répres- (60) Le chômage, un facteur productif Vanlerberghe dessins sion (62) Stratégie de Lisbonne : le piège européen Titom (www.bxl.attac.be/titom) (24) P artout en Europe, la “criminalisation” des Stiki (http://ledessindulundi.site. voila.fr/) Energie personnes sans-abri Some (www.entrabendo.org) Léa en 4e de couverture, sous li- Chasse aux (64) cence creative commons by-nc-nd: L es compteurs d’énergie “intelligents” en (http://imaginaction.over-blog.org/) débat Les illustrations de Titom ainsi chÔmeurs (70) Débats parlementaires à rebondissements que ce journal sont mis à dispo- sition suivant la licence Creative sur les compteurs intelligents hollandais commons. (26) L a chasse aux chômeurs… dans notre (72) L ’avis de la Fédération belge des entre- ligne de mire Mise en page prises électriques et gazières sur “le Graph’X - Étienne Mommaerts (29) Sur le terrain de l’exclusion du chômage comptage intelligent” (32) La FGTB wallonne contre-attaque ! (74) C ompteurs électroniques, ce qu’en pense Remerciements Stéphane Pastor et Christian le CRIOC Nauwelaers pour leur relecture (34) P our la CSC, l’activation pénalise les plus (75) D es compteurs intelligents ? Pas au détri- attentive. faibles. ment de la protection de la vie privée Editeur responsable (35) ONEm-CPAS : le carrousel infernal (76) La société Métrix sous haute tension ! Felipe Van Keirsbilck, Place Loix 7 (bte 27), 1060 Bruxelles CPAS (77) L es projets du gouvernement bruxellois en matière d’accès à l’énergie sont-ils Le contenu des articles n’engage (38) Chronique d’une galère “ordinaire” suffisants ? que leur(s) auteur(s). Tous les articles peuvent librement être reproduits à condition de (40) mentionner la source. Droits “ Ce n’est pas la charité qu’on demande, c’est un droit.” Avec le soutien de (42) “ Comment puis-je un jour m’en sortir fondamentaux La Communauté française vraiment ?” de Belgique (43) “C’est inhumain, comme politique.” (80) Les syndicalistes, ces hors-la-loi… (44) La galère d’un student (82) “ Affaire DHKP-C” Un jugement sans appel… ? (46) “ On ne demande pas mieux que de Le Collectif Solidarité Contre l’Exclusion asbl a été reconnu coopérer, mais ce n’est pas évident !” Livres en tant qu’association d’éducation permanente inscrivant son action dans l’axe 3,2; soit la production (86) Médecin du Peuple d’analyses et d’études, diffusées par imprimés et Internet. ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be (5)
Actu And the winner is… ? Le SPF Emploi, en collaboration avec l’ONEm, vient de lancer la campagne “Avec le plan d’em- bauche Win-Win, on a tous à y ga- gner !” Il s’agit d’un plan classique d’activation des allocations de chômage… en faveur de tout em- ployeur engageant un demandeur d’emploi de moins de 26 ans ou de 50 ans et plus. Gagnant-gagnant ? Le chômeur trouve un emploi pour lequel, outre les exonérations de charges so- ciales dont il bénéficie, l’employeur ne verse qu’une toute petite partie du salaire. Les grands perdants… nous ! Les profits retournent dans les poches des patrons ; les sa- laires, eux, sont socialisés, laissés à la charge de la collectivité. n “L’ONEm, aider les jeunes ? Vous rigolez, j’espère ?” Dans la même journée, Thomas, Et là, on m’a annoncé que j’avais votre manque de stabilité.” “Par-des- 21 ans, a perdu deux emplois et trop travaillé depuis le mois de sus le marché, j’ai reçu une sanction s’est fait sanctionner par l’ONEm… juillet et qu’il me fallait retourner au de l’ONEm (quatre semaines de Engagé il y a 5 mois pour un chômage pendant 10 mois avant suspension) parce que j’ai refusé de contrat de remplacement, le jeune d’y avoir de nouveau accès.” me présenter à Uccle où une place homme venait de trouver une place Depuis qu’il est sur le marché du de chauffagiste restait vacante. Je à plein-temps à la ville de Châtelet. travail, Thomas a déjà engrangé une suis plombier et installateur sanitaire, “J’ai donc remis mon préavis et suis dizaine de jobs “de survie”. “ Après je ne suis pas qualifié pour ce poste ! allé à l’ONEm pour faire renouveler ça, vous avez l’air malin devant un S’en rendent-ils compte ?” n mon droit au PTP (aide à l’emploi). employeur potentiel qui s’inquiète de (DH, 02-12-2009) Livret ouvrier électronique ! Armée de réserve. v Tout au long du XIXe siècle, il a été à la base de données, recense les “Récemment, un homme est depuis la crise financière. Ainsi, à imposé aux travailleurs, notamment salaires des travailleurs mais égale- entré dans nos locaux et a pris la mi-janvier, un individu s’est pré- belges, l’obligation d’être munis ment les raisons d’un licenciement, des photos avant de s’en aller. senté dans les locaux du syndicat, d’un livret mentionnant leur identité, les grèves auxquelles ils participent Un autre a défoncé une armoire manifestement en colère d’avoir celle de leur patron, proscrivant les et leur légitimité. Comme justification à coups de poing. Et plusieurs été radié par l’ONEm et de ne plus coalitions… afin de “domestiquer le à cette version moderne du livret collègues ont reçu des lettres de percevoir ses allocations. Il a mon- nomadisme des ouvriers”. ouvrier, l’agence fédérale pour l’em- menace” déclare une employée tré à l’employée qui l’accueillait Au XXIe siècle, on n’arrête pas le pro- ploi allemande pointe notamment la -qui préfère garder l’anonymat- un holster contenant une arme de grès : l’Allemagne a institué un fichier lutte contre la fraude en matière de d’une permanence chômage de poing, en ajoutant “qu’il espérait des “bons et des mauvais salariés”. prestations sociales. n la FGTB à Charleroi. Ce genre de ne pas devoir s’en servir”. n Elena, c’est le doux nom octroyé (Agoravox. fr, 18-01-2010) cas désespérés se multiplient (DH, 19-01-2010) (6) ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be
Terreurs ? une campagne sous le slogan “Je suis photographe, pas terroriste”. n (Futur Rouge, 02-01-2010) L’une des missions les plus surréalistes des agents des forces Les ravisseurs d’un riche éleveur antiterroristes anglaises est de ont joué les “Robins des bois” au visiter les garderies. “Les preuves Paraguay, en obligeant son entou- suggèrent que le radicalisme peut rage à sacrifier 30 bœufs pour commencer à l’âge de 4 ans” alerte fournir des centaines de kilos de un agent officiel. Et l’absurdité viande aux habitants de plusieurs sécuritaire ne touche pas seulement quartiers pauvres. les enfants. Toute personne qui Des policiers ont été dépêchés porte une caméra à la main prend pour éviter tout débordement le risque de tomber sous le coup de pendant cette distribution excep- la législation antiterroriste et de son tionnelle, provoquant la fureur article 44 qui permet de contrôler, de l’opposition qui a accusé le de fouiller, et d’arrêter n’importe gouvernement de gauche de “faire qui en pleine rue, sans explication. l’apologie de l’enlèvement et du Fatigués, les reporters ont lancé terrorisme”. n (Belga 12-01-2010) Banco ! Pas moins de dix-sept crises cière, c’est qu’elle fait apparaître financières importantes ont frappé la lutte contre la pauvreté comme le monde depuis 1971. Pour la parfaitement réalisable. Il en dix-huitième, les gouvernements coûterait 5 milliards de dollars (3,5 ont déjà engagé 8.955 milliards de milliards d’euros) pour sauver six dollars en faveur des banquiers. La millions de vies d’enfants. Pour le célérité avec laquelle on a trouvé système bancaire, les dirigeants du les crédits nécessaires tient du monde ont pu trouver 140 fois ce sortilège. L’Ecumenical Institute for montant en une semaine de temps. Labor Education and Research peut Comment peuvent-ils nous dire que ainsi justement questionner : “Une la lutte contre la pauvreté est trop “Si nous vivons, nous vivons pour marcher sur des ironies de cette crise finan- chère ?”… n (Attac-Bxl 1) la tête des puissants… Car les puissants ne travaillent qu’à marcher sur nos vies.” (Dans “Henri IV” de William Shakespeare). Records à (com)battre ! Prise d’otages… Quelque 4,3 millions d’Eu- Commission. Et pour 2009-2010, Bruxelles s’attend à 8,5 millions de ropéens ont pertes d’emploi dans l’Union… L’an “Les journaux regorgent d’histoires les cas, pourtant beaucoup plus perdu leur job en prochain, l’Europe prévoit que le taux de braves gens pris en otages fréquents, de clients pris en otages raison de la crise d’emploi devrait plus souffrir en Bel- à la banque par des gangsters. par leur banquier” n économique qui sévit depuis plus gique que dans les autres pays. n Mais les médias restent muets sur (Roland Topor, extrait de “Jachère-Party”). d’un an, annonce un rapport de la (AFP 12-03-2009 et DH 03-11-2009) vite u CADEAUX compte de l’ONEm. (Belga 28- 12-2009) de Lyon. Le jeune homme avait été repéré… en train de voler des bouteilles de bière dans le u Socialisme ? Le gouvernement ukrainien a dé- cidé d’augmenter le salaire mini- Chômage temporaire, profits u Mort de soif… supermarché. (AFP 30-12-2009) mum et le minimum vital. Inquiet, permanents : les entreprises Un sdf de 25 ans est mort, fin le socialiste français, Dominique belges ont épargné cette année décembre, par asphyxie après u Climat d’une époque… Strauss-Kahn, directeur général un milliard d’euros en “parquant” avoir été neutralisé par quatre Hugo Chávez à Copenhague : “Si du FMI, a déclaré que ces me- leurs travailleurs surnuméraires vigiles puis retenu pendant près le climat était une banque, les sures “menacent la stabilité du en chômage temporaire, sur le d’une heure dans un Carrefour pays riches l’auraient déjà sauvé.” pays”. (AFP 31-10-2009) ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be (7)
ACTU La mendicité, une incivilité ? C Ce matin, à l’entrée de la station Madou, agenouillé sur le béton, un homme frêle, affublé d’un petit anorak bleu, tend la main aux pas- sants. La masse des voyageurs dé- vale les escaliers pour se protéger de la pluie glacée et s’engouffrer dans les rames, sans un regard pour le mendiant… La STIB déraille : à l’approche de l’hiver, la société bruxelloise de transport public a lancé une opération de stigmatisation des mendiants. Face au tollé suscité par cette initiative, la chasse aux pauvres, réfugiés dans les installations de l’entreprise, a pu momentanément être stoppée. Mais Le plan était presque parfait, pour combien de temps encore ? Il est urgent agencé en deux phases scrupu- leusement préméditées. Du 15 au de remettre la STIB sur la bonne voie ! 22 octobre 2009, des messages vocaux sont diffusés dans les stations de métro ; du 16 au 20 no- / Daniel Flinker CSCE vembre, le personnel de terrain va à la rencontre des individus qui font la manche pour leur demander diffuser un communiqué de presse, confuses voire contradictoires, sur la première chaîne francophone, de quitter les lieux. relayé par différents médias : “Il la société de transport se voit le directeur général de l’entreprise. En clair, au moment des premiers est inacceptable de présenter contrainte d’exécuter une petite Mais si pareil consensus existe, froids, la STIB envisage d’expulser les victimes de la crise comme marche arrière. Plutôt, elle affine pourquoi la STIB se sent-elle obligée les mendiants de ses installations. des profiteurs, ceux qui subissent son discours : la STIB n’enten- de convaincre ses usagers, par Au parlement bruxellois, certains de plein fouet la violence sociale drait s’attaquer qu’aux mendiants haut-parleurs, du bien-fondé de son s’offusquent de telles pratiques, comme des délinquants. C’est violents, s’en prendre qu’à la action ? Le directeur de la communi- des voix grondent. Mais la ministre aux causes de la pauvreté et non mendicité agressive. cation de la firme persiste et signe : des Transports demeure inflexible : aux pauvres qu’il faut s’attaquer”. Pourtant, si tel est le cas, en quoi “Les messages de prévention après avoir prévenu ses usagers, Pourtant, brutale, aux hommes et le message “Nous vous rappelons contre la mendicité diffusés récem- la société de transport public est aux femmes qui quémandent une que la mendicité est interdite dans ment s’inscrivent dans le cadre bien décidée à passer à l’action ! petite pièce parce qu’ils crèvent l’enceinte du métro. Ne l’encoura- d’une campagne plus large de lutte Branle-bas de combat au CSCE… de faim, la STIB ordonne d’évacuer gez pas. Merci.” systématiquement contre les incivilités”. Argument les stations. “C’est l’hiver ? Tant pis, diffusé en octobre, participe à une limpide… amalgamer mendicité et La STIB “criminalise” cette fois, vous crèverez de froid !”. quelconque lutte contre la violence ? délinquance, voilà justement ce qui les plus faibles Ne s’agit-il pas plutôt d’une stigma- est reproché à la STIB. Début novembre, aux côtés de la Face aux protestations de nom- tisation générale de la mendicité ? Ligue des droits de l’Homme et du breux citoyens, d’associations La STIB réfute l’argument : “95 % de Luttera-t-on contre la mendicité Forum bruxellois de lutte contre et de personnalités politiques, nos clients soutiennent l’initiative” en s’attaquant à sa visibilité ? Ré- la pauvreté, le Collectif décide de après différentes communications claironne, lors d’un débat télévisé soudra-t-on le fléau de l’exclusion (8) ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be
(11) “Nous sommes mendiants par nécessité, jamais par volonté !” (Gérald Hanotiaux) (12) Mendicité à la STIB : de quoi parle-t-on ? (Gérald Hanotiaux) (15) La STIB, une entreprise publique au service des usagers ? (Gérald Hanotiaux) (18) Quand les représentants politiques critiquent la STIB (Gérald Hanotiaux) sociale en excluant les mendiants des stations de métro ? Problème, il ne s’agit nullement d’une erreur n’est certainement pas non plus de chasser et de stigmatiser les mendiants. Dès lors, il s’avère pri- Sept malabars bloquent chacune des portes du tram 25 à l’arrêt “Bienfaiteurs”. Les passagers, l’air (20) Les chasse- ponctuelle de communication : la mordial que les mondes politique un peu inquiet, sortent maladroi- coquins. STIB semble, bel et bien, s’orien- et associatif fassent pression tement leur portefeuille, vident Mendicité et ter, ces dernières années, vers pour que la société publique leurs poches, fouillent leur sac, répression un durcissement de sa politique privilégie une approche sociale et afin de se soumettre à un nouveau (Jacques Fierens) (24) vis-à-vis des pauvres. En 2007, non répressive de la pauvreté. En contrôle inopiné des billets… l’“opération Beethoven” avait déjà effet, si près du quart du budget pour ambition de chasser les de la Région bruxelloise lui est La STIB maltraite les musiciens des trams et des rames consacré, la STIB ne semble pas mendiants, en vertu d’un et actuellement, dans le métro, 45 disposer de la culture d’entreprise arrêté du gouvernement millions d’euros sont consacrés à nécessaire pour appréhender cette bruxellois Partout en Europe, l’installation de portillons automa- problématique de manière positive. A la hauteur de la station Trône, la “crimina- tiques… une autre manière de Le transporteur paraît se préoc- une atmosphère moite règne dans lisation” des chasser les mendiants. cuper de son image de marque, la rame. Si la guitare est grattée personnes se focaliser sur le confort offert à un peu violemment et la voix hispa- sans-abri Pourtant, si la STIB n’a pas pour ses clients, au point d’en oublier de nique qui l’accompagne posée sur (Gérald Hanotiaux) vocation de régler le problème de proposer un service public ouvert, le morceau trop puissamment, le la pauvreté à Bruxelles, sa mission accessible à tous. musicien est le premier à ➔ ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be (9)
Actu ➔ colorer le visage des passa- être auditionnées au plus vite”. Et c’est la faute de la direction de la mendicité de la liste des inci- gers d’un léger sourire… la voix de Céline Delforge d’Ecolo la STIB !”. Un leitmotiv également vilités. Des discours à l’acte ? Au surplombe tout l’auditoire quand exploité par le représentant du terme des auditions, les députés La croisade “anti-mendiants” de elle interpelle la ministre : “Par sa ministre-président (qui a apposé ont toutes les cartes en main pour la STIB est menée sur base d’un campagne contre les mendiants, sa signature au bas de l’arrêté de agir. arrêté du gouvernement bruxellois la STIB déclare ouvertement qu’il 2007) : “Nous sommes d’accord pris en 2007. La Région bruxel- ne faut pas être solidaire et prône avec vous… c’est la ministre des Ce soir, dans le métro, un homme, loise, en contradiction flagrante un comportement individualiste. Transports qui doit débloquer la vieilli par les mauvais coups de la avec la loi fédérale, interdit, en Elle déshumanise les mendiants situation !”. Et puis ? Et puis l’at- vie, les cheveux trop longs et la effet, -dans les installations de la tout en infantilisant les usagers des tente ; et puis, plus rien… Dehors barbe mal taillée, crie. Perdu dans STIB- la mendicité, qu’elle définit transports en commun !”. les températures sont descendues sa tête, noyé dans ses problèmes, comme une incivilité ! Madame Grouwels fait le gros dos : sous la barre du zéro. il ponctue parfois ses phrases en si la ministre se refuse pour le tambourinant sur les vitres. Ses Mieux vaut tard que jamais, mi- moment à supprimer la disposition, Début janvier, les différents prota- vêtements puent, les gens se novembre, les parlementaires ont elle concède que la campagne de gonistes du dossier se retrouvent détournent puis s’éclipsent… décidé de tirer à boulets rouges la STIB doit être gelée -en ajoutant : en Commission “Affaires sociales” contre la ministre CD & V des “sauf pour les mendiants violents”. du Parlement bruxellois. Un grand Une ville recroquevillée sur elle- Transports. Pierre Migisha du cdH auditoire pour une audience bien même ? Bienvenue à Bruxelles : donne le coup d’envoi : “les men- Début décembre, un collaborateur clairsemée : à peine six parlemen- la capitale de l’Union fête 2010, diants ne sont pas des criminels” de Charles Picqué accepte de taires sont restés pour entendre décrétée “année européenne de clame-t-il face à ses pairs… Au recevoir le Collectif, la Ligue et une autre voix, celle du CSCE, en lutte contre la pauvreté” ! rythme des acquiescements de le Forum. En invité surprise, un appeler à leurs responsabilités. Michel Colson du MR, Oliva P’tito membre du comité de gestion de Afin de contrecarrer toute nouvelle Dossier à charge du PS martèle : “Cet article de l’ar- l’entreprise de transport public velléité de la STIB à l’encontre des Le CSCE souhaite, dans le présent rêté doit être supprimé pour que la s’est installé à la table des pourpar- mendiants, le législateur bruxellois numéro de la revue Ensemble, STIB ne puisse plus agir en stou- lers. L’argument du vice-président doit urgemment adopter les actes revenir en détail sur les tenants et melink, des associations doivent de la STIB : “Vous avez raison… normatifs nécessaires pour retirer aboutissants de cette affaire, qui soulève la polémique. Il nous paraît nécessaire d’intro- duire ce dossier en cédant la parole aux premiers concernés, jusqu’à présent muets ou non- entendus dans le débat, les mendiants s’abritant aujourd’hui dans les stations ; un retour sur leur quotidien, un regard croisé mendiants/voyageurs. La STIB n’étant pas un bloc monolithique, des avis divergents, auxquels nous donnons ici écho, se font jour au sein de l’entreprise publique. Cependant, plus qu’une faute de la STIB, il y a, à la base de ces événements, une faute politique. En partant d’une analyse histori- co-juridique de la pénalisation de la mendicité en Belgique, nous tentons donc, dans les pages qui suivent, de vous offrir une syn- thèse des prises de position des mandataires politiques bruxellois, qui sont confrontés à cette problé- matique. n (10) ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be
“Nous sommes mendiants par nécessité, jamais par volonté !” Rencontre avec Francis, dans la station de métro De Brouckère. / Propos recueillis par Gérald Hanotiaux CSCE u Vous étiez là quand les annonces demandant aux gens de ne rien vous donner sont passées dans les stations ? Oui, j’ai trouvé ça plutôt dégoûtant. Parce qu’il ne faut pas oublier que ce qu’on reçoit, c’est déjà très peu. Généralement c’est une personne sur cinq cents qui donne quelque chose, faut pas rêver. Personnelle- ment je trouve ça scandaleux cette politique de la STIB. Pour l’instant je me suis fait un 1,20 euro en une heure et demie. Heureusement j’ai rencontré un gentil monsieur qui m’a donné 5 euros en plus. u Qu’est-ce que vous croyez que ça a comme effet chez les gens, ce genre d’annonces ? Généralement, les gens ont peur, donc ça les conforte dans cette peur. Moi je suis toujours poli, je dis bonne journée, mais la plupart ne répondent pas, ne regardent même pas, c’est quelque chose… en vivant à la rue et en mendiant u Ce n’est pas la première de connaître la rue la première (Silence) C’est exactement comme c’est vraiment difficile, mais je me fois… fois, j’ai été employé en informa- si on n’existait pas. C’est une ques- calme, pour rester présentable. Ici, Non, j’ai été dans la même tique pendant 25 ans à différents tion de mépris, en fait c’est ça : ils je suis en dehors de la ligne rouge, situation il y a cinq ans. Puis j’ai endroits. Puis en 1995 j’ai été nous méprisent, c’est ce que je lis les annonces concernaient plutôt travaillé pendant 5 ans, six jours opéré à mon dos, j’étais intéri- dans leurs regards fuyants. Parfois l’intérieur des stations, mais il ne faut sur sept comme ouvrier, j’ai tout maire, j’ai perdu mon boulot et je on me crie que je devrais aller tra- pas oublier qu’on est en hiver, on fait, je ramenais 500 euros par n’ai jamais réussi à en retrouver vailler, que mendier c’est minable. essaie donc généralement de faire semaine. Il y en a qui n’ont jamais un. Puisque vous allez voir les Bon, c’est vrai qu’il faut rester plus la manche là où il fait un tout petit vécu que comme ça, qui font ça parlementaires, il faut bien leur ou moins présentable, sinon les gens peu plus chaud. Il n’y a pas de honte depuis 20 ans, pour eux c’est dire une chose, c’est que si nous ne donnent pas. Tout à l’heure j’ai à faire la manche, j’ai bientôt 53 terminus. Et puis il y a des gens sommes des mendiants, c’est par été dérangé par d’autres sans-abri, ans et je ne l’ai pas choisi, j’ai perdu comme moi, qui tombent et sont nécessité, que ce n’est jamais une saouls, j’ai arrêté car ça ne sert à mon boulot et je me retrouve donc à obligés de le faire pour survivre volonté. n rien. J’aime bien aussi boire un verre, nouveau à la rue. dans une mauvaise passe. Avant ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be (11)
Actu Mendicité à la STIB : de quoi parle-t-on ? N Nous avons désiré mieux cerner les notions charriées par la STIB dans son initiative, et sommes partis sonder les êtres humains tra- versant les espaces de la société de transports, les voyageurs, et ceux s’y trouvant, les mendiants visés par les annonces. “Nous vous rappelons que la mendicité est interdite dans l’en- ceinte du métro. Ne l’encouragez pas. Merci.” Nous le savons, ces mots ont été prononcés à intervalles réguliers au mois d’octobre 2009 dans les espaces des stations de la Société de Transports Intercommunaux Bruxellois (STIB) et, en toute matière, les mots sont importants. Chacun a un jour vécu cette scène de la vie quotidienne, au cours de laquelle une personne traverse la voiture du métro, en demandant une petite aide financière au public / Gérald Hanotiaux CSCE présent. Sur les quelques mètres parcourus, nous voyons princi- palement des yeux de voyageurs Ce monsieur effectue ce travail escaliers ; et d’autres occupés pas, toutes les situations person- captivés par un journal, enten- depuis environ un an, consistant à mendier bruyamment dans les nelles sont rencontrées. Certaines dons des vies privées délivrées essentiellement en de l’observation couloirs. La réalité financière de personnes ont un logement, dont bruyamment au téléphone portable et des conseils aux sans-abri, “je la mendicité est fluctuante, “ça le loyer ne laisse plus rien pour et observons de nombreux compte plus ou moins le nombre dépend, certains jours on aura manger ; d’autres travaillent un regards convergeant vers un néant de personnes que je croise, je rap- 10 euros, et d’autres jours jusque peu au noir ; d’autres sont au imaginaire. Si l’interaction semble porte mes observations et expose 30 ou 35 euros. Dans ces cas-là, chômage, dont les allocations ne pas avoir lieu, en réalité ce ‘non- aux gens les possibilités d’aide, on peut parfois bien manger sont trop basses pour assurer les moment social’charrie énormément chez Bij Ons ou dans d’autres mais dans tous les cas c’est une frais ; et d’autres encore sont des de sentiments, de non-dits et de associations. Je fais un rapport vie d’urgence, au jour le jour”. personnes âgées disposant d’une réalités sociales inscrits dans les par mois à la STIB, pour lesquels Le silence ou l’indifférence des maigre retraite. Si les situations esprits des êtres en présence. j’ai demandé à avoir des retours, usagers n’est pas toujours au sociales sont variées, personne ne mais pour l’instant je n’ai toujours rendez-vous, “un jour quelqu’un présente le fait de mendier comme Réalités de mendicité aucun feed-back de leur part”. me fixe, puis regarde autour de un pas facile à franchir, notamment Nous partons prendre la tempéra- Depuis peu, ce travailleur réalise moi, il était étonné que je n’avais en raison du regard d’autrui. Avec ture dans les stations du centre- également des formations auprès pas d’alcool… J’ai commencé à lui ces personnes, certains usagers ville, en compagnie de Christiaan du personnel de prévention de la expliquer que je suis en formation, entreprennent une discussion qui effectue des ‘rondes’dans les STIB, afin d’exposer les réalités de que j’ai le minimex, mais que le respectueuse, mais il arrive que installations du métro et des trams la vie dans la rue et de prévenir CPAS s’arrange avec la maison l’interpellation soit nettement souterrains, à la demande de l’entre- les actes de violences des agents d’accueil et me laisse 100 euros plus violente : “ On nous insulte : prise. “La STIB voulait un ‘spécialiste’ de l’entreprise envers les sans- d’argent de poche pour le mois. ‘fainéant, va travailler !’, ou alors : sur le terrain, et j’ai vécu l’expérience abri. Cette tâche est essentielle, J’ai des besoins comme tout le ‘je ne te donne pas d’argent, c’est de la rue pendant plusieurs années, mais en contradiction totale avec monde, pour manger mais aussi quand même pour boire !’ Les gens donc je connais pas mal de gens qui les annonces diffusées dans les pour du matériel nécessaire à la ont des visions toutes faites, mais sont sur le réseau de trams et de stations, dont le contenu pourrait formation. Il m’a alors donné 10 c’est vrai que l’alcool est très pré- métro. Je suis en contrat de travail avoir comme effet de désinhiber euros. Ça marche donc mieux sent, c’est normal pour beaucoup article 60, payé par le CPAS, qui est d’éventuelles pulsions de violence. quand on parle avec les gens”. et nécessaire pour supporter la aidé pour ce poste par un subside situation et mendier. Il y a aussi de la STIB accordé à l’ASBL ‘Bij Ons’, Ensemble, nous croisons des Si la mendicité est évidemment liée ceux qui n’en restent pas à la vio- au sein de laquelle se déroule la gens discrets, vivant dans des à la question de la vie à la rue, les lence verbale, qui nous agressent prestation du contrat”➊. espaces vides, cachés sous des deux ne se confondent cependant physiquement en rue, la nuit”. (12) ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be
Les annonces dans le Certains mendiants ont reçu le donne une pièce à quelqu’un qui quotidien du métro contenu des annonces tel un coup tend la main qu’on l’encourage à Il est évident que la diffusion sonore de poing au visage, une dame rester là. Si je donne ou pas à telle du mois d’octobre désinhibe plutôt raconte : “ quand vous êtes devant personne, c’est totalement subjectif cette seconde catégorie d’usagers, des voyageurs et que ces an- mais ça ne se fera certainement et flatte leurs certitudes d’exclusion. nonces passent, c’est totalement pas en fonction de ces annonces. Un jeune homme expose son point dégueulasse, je dois faire quoi à ce J’ai lu qu’ils évoquent des plaintes de vue : “ j’ai entendu les annonces, moment-là ? Je suis 100 % contre. du public pour justifier cette je suis quelqu’un plutôt de gauche, Mais… les gens n’écoutent pas ce opération, mais c’est un peu faible mais pour ça je crois que je suis que la STIB raconte, ceux avec qui comme défense, il s’agit d’un choix assez à droite. Les mendiants sont j’ai parlé trouvaient ça aussi scan- idéologique délibéré. Tout le monde bourrés, font n’importe quoi, ils daleux. En plus, ils l’ont annoncé se plaint des tarifs par exemple, sont sales et donnent une mau- au mauvais moment, juste avant pourtant les prix ne changent pas. vaise image de la ville. Il faut les l’hiver. Les gens ont continué à Je tiens d’ailleurs à rappeler que embarquer”. Vers où ? “ En dehors donner, et l’hiver les gens donnent cette entreprise publique continue de la ville ! ” Au cours de la discus- plus, ils se rendent bien compte de à pratiquer des amendes halluci- sion, le jeune homme effectua un la situation quand il fait froid”. nantes, et à poursuivre des gens léger recul en regard de son élan qui déjà ne savaient pas payer leur spontané, cependant la violence Une voyageuse confirme ces billet ! Puis il y a les huissiers et tout des propos interpelle. Elle renvoie propos. “Les annonces ? C’est le bazar, quand on est déjà précaire idéologiquement au confinement n’importe quoi de sous-entendre et qu’on doit faire face en plus à ça, contraint des dépôts de mendicité que c’est parce que les gens ça n’aide évidemment pas. Faudra de l’époque napoléonienne, situés seraient ‘encouragés’qu’ils font la pas s’étonner s’il y a des mendiants en dehors des grandes villes. manche. Ce n’est pas parce qu’on dans le métro ! ” ➔ ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be (13)
Actu A Confrontations person- nelles à la mendicité et croyances populaires Globalement, qu’ils soient animés d’idées positives ou négatives en- vers les mendiants, les voyageurs ne se confrontent guère facilement L à cette vision de la pauvreté, attaquant leur intimité émotion- nelle. “Les gens ne veulent pas voir ça en rentrant chez eux, cela crée un problème de conscience, certains sont dans la compassion, d’autres ont une réaction de rejet, du genre ‘salauds de pauvres’, qu’on les cache ! Ma décision de donner de l’argent se fera de manière imprévue, en fonction de l’état d’esprit du moment, mais je ne donne jamais aux femmes avec des bébés, parce que j’ai l’impres- sion que c’est plutôt des réseaux qu’autre chose”. La situation d’enfants accompa- gnant des adultes a été évoquée par quasiment toutes les per- sonnes rencontrées, usagers du métro comme mendiants. Dans les grandes villes européennes fleurissent des dispositifs “design” anti-mendiants et anti-sdf... bientôt disponibles en Belgique ? Face à ces commentaires, nous constatons que si la mendicité est dépénalisée depuis 1993, les dis- avec les communautés roms. Lors des Affaires sociales Elke Van den trois jeunes ont amené un sac de tinctions pénales du passé gardent d’auditions au parlement bruxellois, Brandt (Groen), s’est renseignée quartiers de pizzas, un couple une certaine constance dans les un responsable de l’asbl Le Foyer a auprès de la police fédérale, et a s’est présenté avec une caisse de mentalités. Lors des premières exposé l’existence d’un vif débat au reçu en réponse qu’aucun dossier sacs de couchage, et enfin une années de la Belgique, la mendicité sein de la communauté au sujet de de mendicité organisée n’est dame est venue avec deux sacs en groupe était interdite, avec une la présence d’enfants, mais le plus ouvert, et cela depuis plusieurs de sport emplis de vêtements, exception pour les membres d’une souvent, il s’agit simplement de années. pour les distribuer à la criée. De même famille➋. Aujourd’hui encore parents ne désirant pas se séparer la part de la STIB, le public n’a existe cette limite, et la présence de leur fils ou de leur fille. En effet, En fin d’année 2009, pour jamais pu connaître le nombre de d’un enfant éveille souvent l’impres- les autorités belges n’ont jamais défendre sa politique la STIB a évo- plaintes d’usagers que l’entreprise sion d’une mendicité organisée en hésité à démanteler des familles, qué dans les médias un chiffre de évoque pour justifier ses actes. réseau d’exploitation. Pour certains en déportant l’adulte après une ar- 65 % de mendiants membres de Parions toutefois que celles et pauvres, il s’agit d’une concurrence restation en rue ou dans le métro. réseaux d’exploitation. En regard ceux rencontrés à ce moment-là déloyale, les ‘bonnes places’se Aujourd’hui, les Roms de Bulgarie des informations réelles de terrain, ne font nullement partie d’éven- disputant à l’arraché ; et si les usa- et de Roumanie sont citoyens eu- il semble donc que les respon- tuels plaignants, qui désireraient gers veulent éventuellement tolérer ropéens mais toujours, comme en sables de l’entreprise publique ont l’évacuation des pauvres de leur la mendicité, ils ne soutiennent pas témoigne l’asbl Diogène, massive- choisi de relayer massivement les transport public. n l’existence “des roms mendiant ment en situation de précarité dans rumeurs les plus idéologiquement avec des enfants qui ne sont nos rues. A un point tel qu’au sein nauséabondes. ➊ Cette association offre depuis 1998 un souvent pas les leurs”. de l’association, le besoin s’est fait accueil de jour au centre ville de Bruxelles, assurant une permanence sociale, un ressentir de disposer parmi son A la fin de notre parcours dans les service de repas, des dons de vêtements, Ces affirmations très répandues, personnel d’une travailleuse de stations, nous avons pu observer de produits d’hygiène, etc. Plus d’infos au 02/513.35.96 ou sur http://users.skynet. pour définitivement s’infirmer ou rue d’origine Rom. Depuis 2003, l’existence d’une solidarité franche be/cheznous.bijons/. se confirmer, devraient faire l’objet jamais elle n’a rencontré de per- parmi les usagers des transports d’un travail d’enquête spécifique et sonnes se plaignant d’exploitation, publics. Sur une heure passée ➋ Voir l’article de Jacques Fierens, Les chasse-coquins, Mendicité et répression, aux approfondi. Nous disposons cepen- mais plutôt de difficiles conditions dans le tunnel de la gare centrale pages 20 à 23. dant de nombreuses informations de vie en Belgique. Parallèlement avec un groupe de personnes de de terrain, émanant d’associations aux auditions de ces associations, la rue, une dame est venue nous bruxelloises travaillant de près la présidente de la Commission tendre un sac empli de sandwichs, (14) ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be
Actu La STIB, une entreprise publique au service des usagers ? LL’entreprise dépend de la Région bruxelloise qui la supervise en nom- mant les différents membres du conseil d’administration (CA), impul- sant les grandes lignes politiques de l’entreprise. Le fonctionnement quotidien est assuré par une direc- tion, qui élabore notamment les consignes de travail au personnel. La STIB est une immense structure bénéficiant, pour assurer son fonctionnement, du plus gros poste budgétaire de la Région bruxelloise. Le moment est donc venu d'aborder la vision sociale de l'entreprise publique. Quelles visions traversent les différentes instances dirigeantes de l’entreprise, et qu’en pense le / Gérald Hanotiaux CSCE personnel ? Lors d’une réunion entre repré- pas le monde associatif, elle aime monde politique, représenté au CA Une image publique sentants politiques bruxellois encore mois le monde politique !”. et au comité de gestion, impose la à préserver et associations, un membre du Ces propos, énoncés comme politique à suivre par la direction. Selon le vice-président, Ridouane cabinet du ministre président acquis et banals, sont relativement Mais par tradition, nous ne voulons Chahid (PS), les réactions Charles Picqué nous a expliqué le inquiétants concernant la principale pas nous immiscer dans la gestion d’associations relayées dans la plus naturellement du monde que entreprise publique de la région. quotidienne de la société, nous presse ont encouragé un débat au “si la direction de la STIB n’aime Un léger malaise se manifeste, “le risquerions alors souvent d’être➔ parlement bruxellois, avec pour conséquence directe de motiver le conseil d’administration à exiger l’arrêt de l’opération, décidée selon lui par la direction sans consultation des responsables politiques régionaux. Nous lui avons demandé son avis, avec le recul, sur les annonces diffusées dans les stations de métro. “Fondamentalement, une erreur a été commise et il faut la corriger. Cette erreur a été commise par celui ou celle qui a introduit la mendicité dans ce fameux arrêté sur les incivilités. A-t-elle été placée dans cette liste à la demande de la STIB ? Peut-être. Je ne l’exclus pas… On peut comprendre que certaines personnes aient pensé qu’en essayant de remédier au problème de la mendicité, elles allaient améliorer l’image, soit de la ville ou la région, soit de la STIB. Or c’est l’effet contraire qui se produit, ça nuit plutôt à l’image de la STIB puisqu’on la stigmatise”. ENSEMBLE! / N°67 / MARS 2010 / www.asbl-csce.be (15)
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