66 journal de l'adc association pour la danse contemporaine genève
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à l’affiche Perrine Valli −− Wim Vandekeybus −− Cindy Van Acker −− Thomas P.P. 1207 Genève Hauert −− dossier Tous les corps sont dans ma nature −− politique Genève, le Pavillon et les élections −− focus David Zambrano et les étudiants du Bachelor danse de la Manufacture 66 genève journal de l’adc association pour la danse contemporaine avril — juin 2015 — adc / association pour la danse contemporaine — salle des eaux-vives — 82 - 84 rue des eaux-vives − 1207 genève
2 / journal de l’adc n° 66 / avril — juin 2015 Disabled Theater (2012) de Jérôme Bel Dans cette pièce, des acteurs touchés par un handi- dicapées comme exposées et instrumentalisées, les cap mental présentent à tour de rôle un solo. Les in- autres applaudissent la pièce pour son humanisme terprètes sont simplement eux-mêmes lorsqu’ils ap- et la remise en question des standards actuels du paraissent sur la scène : ils se présentent en théâtre et de la danse. La pièce a reçu le Prix suisse indiquant leur nom, leur âge, leur métier et leur han- de la chorégraphie en 2013. dicap, puis effectuent leur solo, sous la forme d’un Photo : Michael Bause, tirée du livre Theater HORA, Marcel portrait dansé. La pièce a suscité des réactions Bugiel et Michael Elber, Theater der Zeit, Berlin, 2014 ( sur la contrastées. Les uns y ont ont vu les personnes han- photo, Damian Bright). Cette photographie est revisitée par Pascal Cornélis sous la forme d’un dessin à la page 8.
journal de l’adc n° 66 / avril — juin 2015 / 3 dossier focus politique 4 − 13 22 − 25 28 − 29 30 − 31 Tous les corps sont contemporaine. Le cho- David Zambrano était en Ministre de la culture en Ville En vue des élections dans ma nature régraphe Thomas Hauert mars dernier à la Manufac- de Genève, Sami Kanaan municipales du printemps, A l’occasion du colloque relate son expérience avec ture de Lausanne, où il a est la pièce maîtresse pour sept candidats au conseil IntegrART, début juin, sur la compagnie de danse travaillé avec les étudiants faire avancer le dossier du administratif donnent la danse et la normalité, intégrée Candoco. en danse du Bachelor. Pavillon de la danse. leur point de vue sur la notre dossier se penche Avec les moments forts en Les fruits de ce stage sont Fait-il tout ce qui est en son question du Pavillon. sur la diversité des corps matière de danse et théâtre visibles deux soirs en juin, pouvoir pour accélérer sa présents sur les scènes de intégrés en Suisse, un glos- à la Salle des Eaux-Vives. réalisation ? Marie-Pierre danse. Isabelle Ginot, cher- saire qui renverse quelques Gregory Batardon livre un Genecand le rencontre. cheuse en danse, explicite idées reçues, et les dessins reportage photo, tandis que les enjeux posés par ceux de corps dansant d’un Cécile Simonet dresse un qu’elle appelle les « figures artiste handicapé. portrait croisé de ce génial faibles » dans la danse improvisateur. à l’affiche carnet de bal histoires de corps édito 14 − 15 26 − 27 38 Trouble dans le geste Une femme au soleil ce que font les une danseuse se En décembre dernier, avec Marcel Bugiel et Isabella Spirig, mes Perrine Valli danseurs genevois raconte en trois deux complices alémaniques dans cette aventure, nous formu- et autres nouvelles mouvements : lons la thématique d’un dossier pour accompagner le colloque in- 16 − 17 de la danse Rafaële Teicher ternational IntegrART qui a lieu en juin à Genève. Enthousiaste à What the body does l’idée de traiter pour la première fois dans ces pages de la ques- not remember tion des normes et standards dans la danse, je me heurte rapide- Wim Vandekeybus livres, chronique mémento ment à cette difficulté que j’avais sous-estimée : trouver les mots justes. Lorsque pour la première fois nous utilisons le terme de 36 − 37 39 « normalité » dans les discussions avec les milieux professionnels 18 − 19 les dernières lieux choisis en du handicap, nous comprenons que si «Normalität » ne pose pas Ion acquisitions Suisse et en France de problème en Suisse allemande, ce mot est plus trouble en Cindy Van Acker du centre de voisine français. La raison ? Le handicap n’existant pas en soi, il est une documentation pure construction sociale et l’emploi de certains termes, comme celui de « normalité », tend à re-stigmatiser les personnes en situa- 20 − 21 de l’adc tion de handicap. A la lumière de cette explication, je me rends MONO compte combien, sur le sujet du handicap, le langage est souvent Thomas Hauert la chronique empêché, inadéquat, malhabile. sur le gaz A contrario, lors d’un entretien, la chercheuse française de Claude Ratzé Isabelle Ginot se montre plus détendue sémantiquement. Elle parle de manière naturelle d’unijambiste, de handicapé, de fi- gure faible. J’apprécie sa liberté de ton, la profondeur de sa pen- sée. Pourtant, au moment de retranscrire ses propos, je me sur- prends à les habiller de quelques guillemets, par une prudence peut-être excessive. Le politiquement correct serait-il passé par moi ? Uma Arnese, directrice artistique de la compagnie gene- voise Dansehabile, m’apaise quand elle me dit que les non han- dicapés sont souvent bien plus tendus, par souci de respect, avec la terminologie que les handicapés eux-mêmes. En disant cela, elle me fait comprendre qu’il ne suffit pas de parler. Ce souci de théoriser n’est qu’une étape vers l’intégration bien réelle des personnes handicapées, de leur langage dans le nôtre. Les dessins de Pascal Cornélis, artiste vivant avec un handi- cap mental, ont balayé d’un geste ces atermoiements formels. Les corps qu’il a dessinés ouvrent les regards à une altérité bienvenue Responsable de publication : Cécile Simonet, Nina Scheu, Prochaine parution : dans un monde par trop normé. Et pas toujours aux normes : à la Association pour la danse Bertrand Tappolet septembre 2015 Salle des Eaux-Vives, il n’y a pas d’accès pour les personnes à contemporaine (adc) Graphisme : Silvia Francia, blvdr Couverture : mobilité réduite et nous le déplorons. Tout reste encore à faire. Rédactrice en chef : Anne Davier Impression : SRO Kundig Ion, Cindy van Acker Comité de rédaction : Anne Davier Tirage : 10’000 exemplaires, Photo : Louise Roy Caroline Coutau, Anne Davier, avril 2015 L’adc bénéficie du soutien de Thierry Mertenat, Claude Ratzé la Ville de Genève et de la République Secrétariat de rédaction : Association pour la danse et canton de Genève. Manon Pulver contemporaine (adc) Ce journal est réalisé sur du papier recyclé. Ont collaboré à ce numéro : Rue des Eaux-Vives 82−84 Gregory Batardon, Rosita Boisseau, 1207 Genève Marcel Bugiel, Pascal Cornélis, tél. + 41 22 329 44 00 Anne Davier, Marie-Pierre Genecand, www.adc-geneve.ch Aloys Lolo, Hélène Mariéthoz, Michèle Pralong, Claude Ratzé,
4 / dossier / journal de l’adc n° 66 / avril — juin 2015 Tous les corps sont dans ma nature Genève accueille en juin le colloque IntegrART qui a comme thématique la danse et la « normalité ». L’occasion pour notre journal de se pencher sur la diversité des corps sur les scènes de danse. Dessin de Pascal Cornélis Tous les corps sont présents sur les scènes contemporaines. librement inspiré. Virtuoses, amateurs, vieillards, enfants, personnes en situation de handicap… Pour autant si leur singularité est affirmée, les corps dits « atypiques » n’en sont pas moins soumis à l’épreuve du plateau, à l’exigence d’un travail, à la rigueur que suppose la création d’une œuvre. Dans certains cas, ils font même preuve d’une virtuosité d’autant plus époustouflante qu’elle ne s’appuie sur aucun précédent. Pour le spectateur aussi, les repères sont troublés, les perceptions de ce que peuvent être la danse et la beauté se trouvent modifiées et élargies. Isabelle Ginot, chercheuse en danse, pose ci-après quelques jalons éclairants sur la notion d’altérité dans la danse. Le chorégraphe Thomas Hauert vient d’achever une création avec la compagnie de danse intégrée Candoco. Il relate dans ces pages son expérience. Sont aussi pointés du doigt les moments forts en matière de danse et théâtre intégrés en Suisse, tandis qu’un petit recueil de citations renverse quelques idées reçues. Enfin, le trait de crayon de Pascal Cornélis, artiste vivant avec un handicap mental, pose un regard neuf sur des images d’artistes ou de spectacles qui questionnent l’altérité dans la danse. Notre dossier.
Isadora Duncan (1877 — 1927) Parfaitement libre de toute formation classique, Isadora Duncan se met à l’écoute d’un corps formé par une époque. Elle est considérée comme à l’origine de la danse moderne. 36, Avenue Georges Mandel (2008) de Raimund Hoghe Une scoliose à la naissance, un dos à « Tant qu’un jamais déviant, un désir d’être d’autres corps, une existence de biais par la danseur obèse force de la nature, et une douceur qui est sa grâce. Sous une couverture chagrine, Raimund Hoghe se love ici est donné à voir dans les chants de Maria Callas. comme un phénomène dans un monde de minceur, sa différence de corpulence va le définir dans nos regards » Corps Que vient troubler le corps atypique sur scène ? n’a pas tenu ses promesses. En France, les plateaux de la danse atypiques sur Personnes handicapées, amateurs, vieillards… Ces catégories fonc- sont loin de rendre compte de la mixité bien réelle de la société. Les- scène tionnent dans l’abstraction, et sur les plateaux, elles sont souvent em- danseurs non-blancs sont principa- lement dans le hip-hop. Les dan- Quels effets, quels enjeux, ployées comme pour dénoncer les seurs vieillissants ne sont pas autres corps, corps flamboyants et vraiment présents. la chercheuse Isabelle victorieux. Ces corps atypiques ren- Ginot nous en dit plus. voient à une sorte de mythologie Leur absence ne s’explique pas d’un corps « dominant » de la danse seulement pour des raisons Journal de l’adc : Montrer des qui serait homogène et universel. esthétique. corps atypiques dans la danse, Mais il y a autant de diversité dans En effet. Avec l’âge, il devient non est-ce un effet de mode ? les corps flamboyants que dans seulement de plus en plus difficile Isabelle Ginot : Non. La recherche les corps atypiques. Le danseur de trouver du travail, mais aussi de de l’altérité traverse toute l’histoire virtuose chez Wim Vandekeybus n’a soutenir les rythmes propres à la de la danse contemporaine. Isado- rien à voir avec celui, virtuose égale- danse en fonction de rythmes de vie ra Duncan et ses danses inspirées ment, du ballet classique. qui ont changé, par exemple lorsque des pein-tures de vases grecques les danseurs ont des enfants, et qu’il traduisent déjà cette recherche La danse moderne et contem- n’est plus soutenable de vivre dans d’exotisme. Le corps atypique est poraine met en avant une mixité, des conditions matérielles pré- une constante dans la danse pas seulement esthétique mais caires. Peut-on danser à cinquante contemporaine. aussi culturelle et sociale… ans et vivre en dessous du salaire A cet égard, la danse contemporaine minimum ? Faire apparaître tous les
6 / dossier / journal de l’adc n° 66 / avril — juin 2015 âges sur la scène n’est pas compa- chorégraphes professionnels se participatifs, qui cherchent souvent tible avec l’économie actuelle du servent d’ailleurs du plateau pour à mettre en scène une photo de la métier. Mais qui a le désir et le pou- transformer ou sublimer une fai- population d’un quartier, d’une ville… voir de changer cela ? blesse. Par exemple, Olivier Dubois, Souvent, les amateurs sont recrutés catalogué « danseur gros », fait cela par le théâtre qui accueille et orga- Vous développez actuellement très bien. nise le projet. Du coup, on a parfois une recherche sur les mises en sur le plateau non pas une photo du scènes de danseurs non-profes- Jérôme Bel, avec sa pièce Disa- quartier, mais plutôt une photo des sionnels. Pourquoi cet intérêt ? bled Theater pour le Theater gens qui fréquentent ce théâtre. On Cette recherche fait partie d’un pro- Hora, met en scène des acteurs ne peut pas dire que l’on dépasse gramme plus large autour de ce que vivant avec un handicap mental. les frontières sociales… Cette réali- j’appelle — provisoirement peut-être Y voyez-vous également une té joue un rôle dans la standardisa- — les « figures faibles » de la danse, sublimation du handicap ? tion des corps sur le plateau. autrement dit de danseurs non- Une des choses pertinente dans conventionnels présents sur de nom- cette pièce est la question de la visi- Un danseur obèse peut-il, dans breux plateaux chorégraphiques bilité, donnée par Jérôme Bel, à ces ce contexte, être choisi pour actuels : amateurs, seniors, per- artistes. Mais lorsqu’il en parle, il ne une pièce qui ne parle pas de sonnes en situation de handicap, semble pas envisager que ces ac- son obésité ? Iuj Godog ? (1998) enfants, etc. Les non-danseurs n’ont teurs puissent penser leur propre Tant qu’un danseur obèse est isolé, de Foofwa d’Imobilité En 1998, Foofwa d’Imobilité pas les ressources techniques habi- présence sur scène et s’emparer du donné à voir comme une sorte de quitte la Merce Cunningham tuelles des danseurs profession- plateau. C’est Jérôme Bel qui fait ce phénomène dans un monde de min- Company et se lance dans son nels. Leur travail ne peut pas dé- geste, politique, vis-à-vis d’eux. La ceur, sa différence de corpulence va propre travail, iconoclaste. pendre d’un geste virtuose et de la pièce a une force intéressante, car le définir dans nos regards. C’est la En 2014, il crée Soi – même reproduction de ce geste, ou alors, elle pose la question de la norme même chose pour la couleur de la comme un autre avec la com- lorsque c’est le cas, ils font appa- dans les mises en scène de « figures peau. Il faudrait une vraie mixité, pagnie Dansehabile. Il est l’un raître une relative « maladresse » qui faibles » — en l’occurrence ici des ar- courante, nombreuse, pour que nos des invités du colloque IntegrART (voir page 13). intéresse les chorégraphes. tistes vivant avec un handicap men- regards cessent de nommer un dan- seur comme « le danseur noir de cette compagnie ». Comment sortir de cet isolement ? La question de la visibilité est cru- ciale. Lorsque les villes sont inac- cessibles aux fauteuils roulants, les personnes handicapées ne sont pas visibles dans l’espace public. Lorsqu’elles deviennent accessibles, les personnes en fauteuils roulants peuvent partager l’espace public avec les marcheurs. Cela change ra- dicalement non seulement leur quo- tidien, mais aussi leur statut au sein de la société des marcheurs, et les relations entre les uns et les autres. Que faudrait-il faire et mettre en place, dans la danse, pour progresser vers une réelle diversité ? Pour que cela bouge sur les scènes, il faut d’abord que cela bouge dans les studios de danse comme dans les écoles. Quelle est la proportion Les danseurs amateurs comme tal, porteurs de stigmates sociaux. d’élèves non-blancs à l’école de les personnes âgées ou en Qu’est-ce qui est mis en jeu sur le l’Opéra de Paris ? Combien d’en- situation de handicap, produit- plateau et dans le processus de fants handicapés osent rêver d’inté- il quelque chose de particulier création ? Parlent-ils, ou les fait-on grer un conservatoire, et comment sur la scène ? parler ? Plus généralement, il me leur désir est-il accueilli et accom- Oui. Intuitivement, j’assemble les semble que le plateau de théâtre est pagné ? On est loin du compte au- danseurs amateurs et ceux que j’ai un lieu où les processus politiques jourd’hui, pour des questions esthé- appelé précédemment les « figures et sociaux de la stigmatisation tiques, politiques, sociales et faibles ». J’entends par là des figures peuvent être soit renforcés, soit re- économiques. On retrouve sur les affaiblies socialement. Cette notion joués et déplacés. plateaux les catégorisations so- de faiblesse m’intéresse beaucoup. ciales liées à l’art et à la pratique ar- Elle s’oppose à l’idée d’un corps vic- La mixité sur les plateaux de la tistique. torieux. Sur le plateau, ces figures danse serait une utopie ? suite, voir page 9 renversent leur faiblesse, technique Plus encore que vous ne le pensez. ou sociale. Certains danseurs et Prenez la question des spectacles
dossier / journal de l’adc n° 66 / avril — juin 2015 / 7 Letter to the World (1940) de Martha Graham (1894 – 1991) La danseuse mesurait à peine 1m60, mais semblait grande et élancée, notamment parce qu’elle possédait l’art de s’habiller : elle Ils ont dit : — Bon danseur « Un bon danseur, c’est je veux atteindre un but, je n’y arrive jamais directe- considérait le vêtement comme d’abord celui qui fait un ment. Parfois je n’y arrive un prolongement du mouvement — Altérité usage approprié du rire, tout simplement pas. » du danseur. D’une longévité « J’altère un mouvement A de la ruse et du jeu pour Pete Edwards, performeur vivant considérable, Martha Graham a en le pénétrant d’un mou- mieux rêver et déguster avec une paralysie cérébrale mis au point sa propre technique, vement B ». le geste d’autrui. » Trisha Brown, chorégraphe — Excellence qui fait du bassin le moteur de Isabelle Launay, chercheuse en danse « Je ne veux pas faire un tout mouvement. — Amateur — Charitable spectacle sur le handicap « Tu connais mon goût pour « La danse intégrée est ou, pire, faire du handicap l’amateurisme et son dilet- marquée dans la réception un spectacle. J’aimerais re- tantisme. L’amateur oppo- publique par ce que j’ai ten- positionner les notions de sé aux “professionnels de dance à appeler “le charme capacité et de handicap en la profession“, selon la cé- discret du charitable“. déplaçant la valeur de l’ex- lèbre expression de Jean- C’est une des raisons pour cellence. » Luc Godard. » lesquelles je refuse catégo- Foofwa d’Imobilité à propos de Jérôme Bel en dialogue avec Soi-même comme un autre, pièce Boris Charmatz riquement l’excès de ly- créée en 2014 avec la compagnie risme et de douceur dans Dansehabile — Beauté mon travail. » « On peut écrire que j’ai une Michael Turinsky, philosophe, — Disabled Theater bosse, je n’ai pas de pro- chorégraphe et danseur en situation « Les acteurs en situation blème avec cela. Je me dé- de handicap de handicap mental ne fends juste contre l’équa- — Empêchement fonctionnent pas comme tion différent égale laid.» « Le mouvement, pour moi, les autres acteurs, dits Raimund Hoghe, chorégraphe, est un peu comme la vie : si “ normaux ”. Leur handicap dramaturge et danseur
8 / dossier / journal de l’adc n° 66 / avril — juin 2015 fait dysfonctionner le — Monstre théâtre et c’est pour cela, « La présence de danseurs sans doute, que j’ai été en situation de handicap intéressé de travailler dans la danse aide à pro- avec eux. » duire de nouvelles images Jérôme Bel, chorégraphe de corps, dans lesquelles le de Disabled Theater handicap n’a pas seulement — Handicap un caractère de freak mais « Comme personne non montre des alternatives in- handicapée, j’ai toujours le téressantes et élargit le souci d’être respectueuse cercle des possibilités avec la terminologie que humaines. » Petra Kuppers, théoricienne j’emploie. Mais les per- des Disability Arts sonnes en situation de han- dicap ont bien souvent leur — Normal propre manière de se défi- « Socrate — Selon ta défini- nir, et parfois cela n’a rien à tion, la personne excep- voir avec ce que l’on pense tionnellement douée, ou être juste ou faux, bien ou extrêmement heureuse, ou mal. » tout à fait normale, serait Uma Arnese, directrice artistique anormale ? de Dansehabile Alexandre – Bien sûr ! » Alexandre Jollien en dialogue — Intégration avec Socrate «Le terme ” intégration ” est bien plus exigeant que — Vieillesse le nouveau terme “ inclu- « Au lieu de vieillesse, on sif ”. C’est simple d’ inclure aimerait parler de vieillisse- quelqu’un sans lui deman- ment. Ainsi, restituer au der comment il trouve sa- vieillissement sa plénitude, place, sans faire le travail en faire un vieillissement nécessaire pour découvrir fondateur. Au lieu de subir sa contribution particulière la vieillesse, agir avec son et unique.» vieillissement. Danser Adam Benjamin, cofondateur de la infatigablement, invieillis- Candoco Dance Company sablement. » Dominique Dupuy (1930), — Non-danse danseur et chorégraphe « Non-danse : un bête mot lancé à la va-vite dans un — Voyeurisme mauvais article de presse. « C’est normal que les gens Mais si Paxton ou Forsythe me regardent : J’ai un corps ou Barychnikov apprécient intéressant, ce n’est pas fortement nos travaux, tous les jours qu’on voit c’est que cette polémique quelque chose de pareil. » Mat Fraser, performeur atteint danse/non-danse n’a pas de malformations physiques lieu d’être. » Boris Charmatz en dialogue avec Jérôme Bel Self Unfinished (1998) de Xavier Le Roy Self Unfinished scrute quelles situations peuvent transformer le corps humain : est-il capable de devenir autre, machine, animal ou étrange objet ? Xavier Le Roy sème la confusion et perturbe le regard du public. Cette pièce est présentée dans le cadre du col- loque IntegrART (voir page 13). Disabled Theater (2012) de Jérôme Bel Dessin d’après la photographie du spectacle du Theater HORA, (voir page 2).
dossier / journal de l’adc n° 66 / avril — juin 2015 / 9 suite de la page 6 soit du côté des normes, soit du une maladie ? La question esthétique serait côté de la transgression. Ainsi, un S’il est vrai que l’intégration de dan- donc l’arbre qui cache la forêt ? projet n’est pas transgressif simple- seurs atypiques semblerait exiger On peut poser la problématique des ment parce qu’il engage des ama- un renoncement à certaines virtuo- corps atypiques sur scène d’un teurs, ou des danseurs handicapés. sités formelles, bien des exemples point de vue esthétique, et s’arrêter Bien au contraire. Le corps soi-di- contredisent cette image. Et à l’in- là, en considérant que cela concerne sant maladroit de l’amateur pourrait verse, certains danseurs atypiques uniquement les normes esthétiques devenir un standard de la danse vont développer une virtuosité ex- du corps et du geste, et on analysera contemporaine. trême. Il s’agit alors, pour certains, alors les œuvres de ce seul point de D’autre part, bien des pièces qui de « dépasser » leurs limitations mo- vue, et c’est déjà beaucoup. Cepen- pourraient paraître a priori peu re- trices ou morphologiques, et se dant, il me semble impossible de marquables, le seraient bien davan- fondre dans des normes techniques dissocier ce regard esthétique d’en- tage si on s’intéressait aux proces- virtuoses malgré ces limitations. Je jeux politiques et sociaux : si ceux sus dont elles sont issues, à ce pense au retour à la danse et au que j’appelle « figures faibles » appa- qu’elles ont permis de transformer cirque de Hèdi Thabet, jeune circas- raissent comme à l’écart des pour les performers impliqués, au sien amputé d’une jambe, qui s’en- normes esthétiques, c’est aussi sein de leur communauté, dans leur gage dans un travail hyper specta- parce que ces normes esthétiques relation à l’art, etc… Cet enjeu poli- culaire et virtuose, mais aussi fondé reproduisent les rapports sociaux, tique de transformation des rap- sur une très inventive solidarité in- les processus de stigmatisation et ports sociaux a tout autant de va- tercorporelle : sur le plateau, plutôt de mise à l’écart, qui se jouent en leur, et mérite autant d’attention que de voir deux danseurs valides et dehors de la scène. que « le spectacle » comme objet un danseur unijambiste, on perçoit coupé du monde. trois danseurs avec cinq jambes. Un processus pas toujours aisé à décrypter… Parlons plus précisément du La faiblesse devient alors une C’est pourquoi il me semble qu’il y a handicap : certaines pratiques force… à inventer aujourd’hui un discours artistiques travaillent-elles sur la On peut voir ces danseurs extrêmes critique qui travaille conjointement relation personnes handica- travailler vraiment le slogan « autre- esthétique et politique. La question pées / non handicapées de façon ment capables », et inventer de nou- politique concerne à la fois les mé- innovante ? velles virtuosités, de nouveaux po- canismes de marginalisation qui La question du handicap est un lieu tentiels de mouvement rendus œuvrent dans la société en général, d’observation et de théorisation fort possibles par leurs singularités mo- et les conditions propres aux et radical, qui condense à la fois les trices ou morphologiques. Hèdi Les mêmes yeux que toi (2014) champs de la culture et de l’art, où notions de statut, de spectacle, de Thabet qui utilise ses béquilles de Anne Plamondon Le corps de la Montréalaise Anne les mêmes mécanismes de margi- visibilité, de stigmates… Les théo- comme un agrès ; ou encore David Plamondon exprime la souffrance nalisation œuvrent aussi, de façon ries du handicap aident à penser le Toole, longtemps danseur de la et la vulnérabilité engendrées par singulière, dans l’accès à l’art, aux monde du spectacle. Ainsi le mou- compagnie Candoco, qui développe les états mentaux troubles. écoles, dans les styles de vie, et au vement anglo-saxon des disability un très riche vocabulaire gestuel, Une entité obscure semble tirer sein des projets esthétiques eux- studies est à cet égard passionnant propre à sa morphologie de danseur les ficelles de la danseuse, pantin mêmes. pour penser les enjeux du spectacle. sans jambes, inaccessible pour un désarticulé aux prises avec ses Ils construisent les questions danseur « normal » — autrement dit, démons envahissants. Réaliste et déstabilisant, le solo appelle Les théâtres et les collectivités d’autorité (notamment pour la par- répondant aux attentes dominantes. une certaine compassion. publiques jouent-ils leur rôle ? ticipation aux décisions qui les Propos recueillis par Anne Davier De nombreux théâtres sont déjà concernent), de visibilité, et de re- porteurs de projets participatifs qui lations entre les personnes handi- pensent la mixité sur scène, et cer- capées et non handicapées, cru- taines politiques soutiennent les ciales pour comprendre les enjeux démarches artistiques visant les so- du spectaculaire. lidarités sociales et la participation. Mais paradoxalement, ce travail Et dans le domaine de la danse ? n’est pas reconnu comme ayant une Bien avant le développement des valeur artistique à part entière, et il disability studies, certaines tech- demeure une sorte de hiérarchie im- niques de travail en danse ont en Isabelle Ginot enseigne au Départe- plicite entre les projets artistiques quelque sorte acté de nouveaux ment danse de l’Université Paris 8. « à caractère social » et les projets imaginaires de la relation ; le contact D’abord critique de danse et spécia- plus conventionnels, souvent consi- improvisation est une technique liste des questions d’analyse d’œuvres, elle est aussi praticienne dérés comme plus authentique- pionnière dans ce domaine, dans le Feldenkrais et développe des re- ment artistiques. discours comme dans la pratique. cherches sur les pratiques somatiques Ses outils techniques sont fonda- et leurs usages politiques et sociaux On en revient à la question de mentalement accessibles, c’est une au sein des espaces réservés de la la norme. Mettre en scène des pratique qui ne dépend pas de danse contemporaine. Elle a entre « figures faibles » reviendrait à l’identité motrice de ceux qui la autres livres cosigné La danse au XXe les transgresser ? dansent. siècle (2002) et a récemment dirigé l’ouvrage collectif Penser les soma- La subversion d’une norme se joue tiques avec Feldenkrais. Somatiques, dans un rapport dynamique. Un Sans compter les cas de dan- esthétiques, politiques (L’entretemps, corps, un geste, une proposition seurs virtuoses, en situation de Lavérune, 2014). chorégraphique ne sauraient être handicap suite à un accident,
10 / dossier / journal de l’adc n° 66 / avril — juin 2015 Panorama (2012) de Philippe Decouflé Maître de l’illusion, Decouflé voit toujours grand et déverse sur les plateaux des avalanches d’images. Il s’amuse ici avec les ombres chinoises, crée des silhouettes et contes facétieux et renverse les échelles : le petit devient grand, et le grand tout petit. Journal de l’ADC : Que vous a que nous faisons habituellement apporté la collaboration avec la avec ma propre compagnie : on se met en ligne, on se donne la main, « Les compagnie Candoco ? Thomas Hauert : Je ne m’étais ja- on avance ensemble et on salue. Or mais confronté directement au han- chez Candoco, il y a un danseur en personnes dicap dans le cadre de mon travail. fauteuil roulant, une danseuse avec Avec Candoco, j’ai réalisé à quel des béquilles, une troisième qui a en situation point mon travail reflète combien il une seule main. Proposer de se don- s’est développé avec des corps ner la main était totalement absurde. de handicap « normaux ». C’était intéressant de mettre ce travail en œuvre avec des Candoco se présente très claire- sont corps qui fonctionnent différem- ment. Dès les premiers instants du ment dans le champ de la danse professionnelle, et non pas dans exclues travail en studio, j’ai compris à quel point nous étions conditionnés par celui du projet social ou de la danse intégrative. Comment arti- des écoles nos présupposés. J’en avais déjà fait personnellement l’expérience : ho- culez-vous handicap et danse professionnelle ? de danse » mosexuel, j’ai à faire avec une socié- té qui, majoritairement, présuppose Aujourd’hui, nous avons dépassé cette question. Tous les corps, que tout le monde est hétérosexuel, toutes les physicalités peuvent dan- Thomas Hauert vient créer ce qui me fait régulièrement « tom- ser professionnellement. L’enjeu de Notturnino, une pièce avec ber du bateau », simplement parce la danse contemporaine ne se situe Candoco, compagnie profes- que les gens ne pensent même pas plus dans un corps idéal et dans la sionnelle basée à Londres à cette possibilité d’être différent. reproduction d’une forme, comme Les interprètes de Candoco ont des c’est encore le cas dans la danse et qui intègre des danseurs capacités physiques différentes et classique. La danse peut être une en situation de handicap des handicaps visibles, pourtant je expérience physique et personnelle physique. Il revient sur cette n’ai pas arrêté de faire des faux-pas, pour chacun : Anna Halprin, une expérience. qui ont à voir avec une forme d’igno- pionnière en la matière, inclut de- rance ou de conditionnement. puis longtemps tous les corps dans la danse. Par rapport à ma propre Quel genre de faux-pas ? démarche, le travail prend souvent Par exemple, juste avant la première, la forme d’un défi, d’un jeu à règles nous avons vite organisé les saluts. prédéfinies, avec beaucoup d’inputs Je leur ai spontanément proposé ce créatifs de la part de chaque partici-
dossier / journal de l’adc n° 66 / avril — juin 2015 / 11 pant, un peu comme un match de la coordination, de l’invention de l’art est déjà quelque chose qui se d’imposer une limitation d’âge pour foot. Ce principe peut fonctionner fi- formes, des relations aux autres passe plutôt dans les marges. Alors les auditions. Jusqu’à maintenant, nalement très bien avec n’importe corps, à l’espace, à la musique… Vu imaginez ce qu’il en retourne pour aucune personne en situation de quel corps, qu’il soit assis dans un de l’extérieur, cette forme de vir- un artiste handicapé. handicap ne s’est présentée. Si cela fauteuil ou soutenu par des tuosité est parfois difficilement se produit un jour, la question inté- béquilles. Mais il faut que les règles reconnaissable, car elle ne corres- Depuis septembre 2014, vous ressante qu’il faudra se poser du jeu soient équitables. Dans Not- pond pas au schéma classique êtes à la direction du nouveau concerne les conséquences sur le turnino il y a une partie où les dan- spectaculaire. Bachelor en danse contempo- programme. seurs jouent au loup. A ce moment, raine à La Manufacture de Lau- il devient péniblement clair que les Cette virtuosité-là exige une sanne. Est-ce qu’il y a des étu- Est-ce que l’idée de perdre votre règles de ce jeu sont injustes. formation professionnelle et un diants en situation de handicap ? agilité en vieillissant est angois- entraînement régulier. Les dan- L’année dernière, alors que je tra- sante ? Dans une scène, tous les inter- seurs en situation de handicap vaillais avec Candoco, j’étais en J’ai déjà besoin de beaucoup plus prètes, même ceux qui n’ont pas peuvent-ils y avoir accès ? même temps très occupé par l’ou- de temps qu’il y a dix ans pour de handicap, dansent avec des C’est un vrai problème. Les per- verture de l’école. Un jour, une des m’échauffer et m’entraîner. On béquilles. Est-ce que le corps en sonnes handicapées n’ont souvent danseuses de Candoco m’a deman- n’échappe pas au vieillissement. béquille, jusqu’alors isolé dans pas accès aux écoles européennes dé si l’école était aussi ouverte pour D’un autre côté, en m’exerçant, j’ai le groupe, est porteur d’une es- professionnelles de danse et il y a des personnes en situation de han- aussi la sensation d’avoir gagné en thétique singulière ? très peu de cours qui les intègrent. A dicap. Et moi, tout bêtement, je n’y efficacité. On n’en parle pas beau- La séquence avec les béquilles l’exception de l’Angleterre, où les avais jamais songé… Je travaillais coup, mais il y a vraiment des com- nous a avant tout intéressés pour écoles de danse comme Laban ou avec eux, comme si c’était dans un pétences nouvelles qui s’ajoutent des raisons chorégraphiques. Il y a Leeds sont ouvertes aux personnes autre monde ! Mais depuis, j’y pense aux autres avec l’expérience. On une énergie qui se dégage des dé- handicapées. Les artistes de Can- et je serais heureux d’accueillir des peut être créatif sur plusieurs ni- placements avec des béquilles, qui doco organisent eux-mêmes des élèves handicapés. Actuellement, à veaux en même temps, être plus sont comme des prolongations des cours et des stages — pour quelques Lausanne, de nouveaux studios subtil, économiser son énergie… bras permettant de se déplacer très danseurs, ces expériences ont été sont en construction pour l’école, Arrêter la danse après trente-cinq vite, ou de se suspendre dans des plus ou moins les seules dans leur accessibles pour les fauteuils rou- ans est une idée qui vient de la positions qui seraient autrement im- vie d’artiste ! Les personnes en si- lants. Du côté de l’infrastructure, danse classique, où le corps idéal possibles sans les béquilles. tuation de handicap sont exclues c’est donc possible. Du côté de la loi, reste le modèle absolu. En danse Même si l’origine de cette scène des écoles comme d’une certaine on devrait également être ouvert — contemporaine, on peut en quelque provient d’une situation de handi- forme de vie sociale, dès l’enfance. en tant qu’école publique nous sorte progresser en vieillissant. cap concrète, il en résulte une abs- Dans le monde des non handicapés, n’avons pas le droit, par exemple, Propos recueillis par Marcel Bugiel traction dans les mouvements qui nous a beaucoup stimulés. Quel rapport entretenez-vous avec la virtuosité ? L’Après-Midi d’un Faune (1912) Ce qui me paraît essentiel et exci- de Vaslav Nijinski tant, dans la danse comme dans l’art Ce premier ballet de Nijinski en général, se passe souvent là où il est aussi son premier scandale. n’y a pas d’école, dans le sens de Sa danse explicitement érotique, tradition ou d’institutionnalisation. abstraite mais sans virtuosité, fait fi Je n’ai jamais possédé une virtuosité de la formation technique et remet en question les codes classiques. académique. Formellement, je suis arrivé très tard dans la danse, avec quelques connaissances conven- tionnelles rudimentaires, mais j’ai beaucoup dansé pour moi-même depuis l’âge de cinq ans, et beau- coup expérimenté le mouvement et A propos la danse ! Je crois toutefois que la virtuosité, comprise dans le sens des dessins d’une grande maîtrise de son propre corps, est une condition préalable du dossier pour avoir à sa disposition une phy- sicalité intense et profonde, pour Pascal Cornélis (1963) est un artiste qui vit avec un handicap mental. Il fré- que la danse et la composition quente les ateliers de La « S » Grand, soient précises et complexes. De la au cœur des Ardennes Belges depuis même manière, les musiciens 2007. Il travaille principalement la pein- doivent maîtriser leur instrument ture, la linogravure et le décalquage, s’ils veulent communiquer de façon techniques utilisées dans ce dossier et sensible avec leur public, y compris qui prend avec lui une vigueur et une force expressive inattendue. Dans ces dans l’improvisation. Le travail avec pages, on découvre la présentation ma propre compagnie est virtuose, il des ateliers de La « S » dans l’ouvrage est techniquement extrêmement Knock Outsider (page 36). exigeant, par exemple au niveau de
12 / dossier / journal de l’adc n° 66 / avril — juin 2015 compagnie Dansehabile. Celle-ci est constituée d’artistes avec ou sans En Suisse, handicap, provenant du milieu pro- fessionnel de la danse ou ayant une quelques jalons formation et une expérience solide en danse. Régulièrement, de nou- veaux chorégraphes sont invités à —— En Suisse, Marie-Dominique collaborer avec ses interprètes. Uma Mascret et Gilles Anex font fi- Arnese précise : « Les productions gure de pionniers en créant le de danse intégrée ouvrent de nou- Théâtre de l’Esquisse en 1981 à Ge- velles perspectives pour les profes- nève, avec d’autres acteurs impli- sionnels de la danse, tout en élar- qués dans les milieux de la danse et gissant le regard du public. Notre du théâtre. Leur objectif est de faire activité est à la fois culturelle et so- Nelken (1982) de Pina Bausch preuve de professionnalisme, avec ciopolitique. » La plupart des danseurs du Tanztheater de Pina Bausch sont des pièces ambitieuses dont la créa- entrés dans la compagnie pour ne plus la quitter. La pièce tion exige une implication entière de —— Le Teatro Danz’Abile au Tes- Kontakthof, créée en 1978 a été reprise avec des seniors puis la part de tous. Ce qui fascine alors sin, d’abord fondé par Uma avec des jeunes. Corps adolescents, corps matures des les fondateurs du Théâtre de l’Es- Arnese, est aujourd’hui dirigé par danseurs du Tanztheater, corps marqués par le temps des quisse, c’est la sincérité que requiert Emanuel Rosenberg et Laura Cantù. seniors, avec leurs imperfections. le travail avec des personnes handi- La structure abrite une compagnie et capées. Cette sincérité se ressent des ateliers dans lesquels les dan- aussi sur la scène, et dans le public. seurs avec ou sans handicap tra- —— La réception des spectacles vaillent ensemble. Emanuel Rosen- berg cherche non seulement à À lire Compagnies avec des artistes handicapés n’est pas toujours facile. Les re- trouver un langage et des règles communes, mais aussi à promou- André Fertier, Danse & handi- cap visuel, pour une accessibi- en Suisse présentations du Theater HORA zu- voir l’égalité des droits. « Chez nous, lité des pratiques chorégra- — BewegGrund (Berne) richois de Michael Elber, par précise-t-il, tout le monde a la même phiques, vol.1, CND, 2014 beweggrund.org exemple, fondé au début des an- rémunération. » Egalement au Tes- (voir page 36). — Dansehabile (Genève) nées 1990, ont toujours suscité des sin, la compagnie Mopsdancesyn- —— danse-habile.ch controverses. La présence de per- drome qui réunit des danseurs triso- Abécédaire : Théâtre — Danz’Abile (Tessin) sonnes handicapées sur les scènes miques, a été créée en 2008 à de l’Esquisse : 1984-2010, teatrodanzabile.ch n’est-elle pas utilisée pour travailler Locarno par Ela Franscella. Autrement-Aujourd’hui, — Mops_DanceSyndrome une « maladresse » artistique ? Sert- 2010. (Locarno) elle le voyeurisme, expose-t-elle —— Côté festivals, mentionnons à —— mopsdancesyndrome.com au ridicule ? Ces questions sont Genève Out of the Box — Biennale Muriel Guigou, La danse — Theater HORA (Zurich) encore aujourd’hui l’objet de dé- des Arts inclusifs, le Community Arts intégrée. Danser avec un www.hora.ch bats houleux, comme lors de la Festival de BewegGrund à Berne, le handicap, — Théâtre de l’Esquisse L’Harmattan, 2010. (Genève) performance Disabled Theater en festival Orme de Danz’Abile au Tes- 2012 du chorégraphe français Jé- sin et le Wildwuchs-Festival de Bâle. —— autrement-aujourdhui.ch rôme Bel en collaboration avec la Ces festivals ont tous lieu entre mai Benjamin Adam, Making an Entrance : troupe du Theater HORA. et juin, pour faciliter la collaboration Theory and Practice for et l’élaboration d’une programma- Festivals Disabled and Non-Disabled —— Alito Alessi est l’invité des tion commune. Dancers, Berner Tanz Tage en 1997. Ces Taylor & Francis, 2001. journées annoncent leur thème : Kunst-StückKörper. Alessi est le —— C’est à l’initiative d’Isabella Spirig que le réseautage entre ces —— et réseau Marie-Florence Ehret, précurseur de l’enseignement de la différents festivals donne lieu, en Raimund Hoghe, L’Ange — Community Arts danse pour les personnes en situa- 2007, à IntegrART. L’objectif : inviter inachevé, Comp’Act, 2001. Festival (Berne) tion de handicap aux Etats-Unis des compagnies internationales à —— du 27 au 31 mai beweggrund.org (DanceAbility). C’est encore lui qui se produire et à réaliser une tour- Ann Cooper Albright, Choreographing Difference : — Wildwuchs (Bâle) inspire la danseuse et chorégraphe née en Suisse dans les festivals The Body and Identity in du 4 au 14 juin Susanne Schneider, lorsqu’elle existants. IntegrART organise éga- wildwuchs.ch Contemporary Dance, crée en 1998 avec Maja Hehlen l’as- lement un colloque où des ques- — Orme (Lugano) Wesleyan 1997. sociation bernoise BewegGrund, tions relatives à l’art et le handicap du 27 au 31 mai soit la première compagnie profes- sont traitées avec des experts venus integrarte.ch sionnelle intégrative qui se situe ex- du monde entier. Cette année, ce — Out of the Box (Genève) clusivement dans le domaine de la colloque a lieu à Genève, dans le du 1er au 7 juin (voir ci- Out of the Box contre) danse, pour personnes avec ou cadre du festival Out of the Box (voir — Biennale des Arts inclusif sans handicap. l’encadré ci-contre). du 1er au 7 juin biennaleoutofthebox.ch En collaboration avec Nina Scheu Deuxième édition à Genève — IntegrART, réseau La manifestation est issue de integrart.ch —— L’association Dansehabile est la collaboration des associations fondée à Genève par Nathalie Dansehabile, ASA — Handicap Tacchella et Marc Berthon en Mental, Zig Zart et de la Fondation Cap Loisirs. 2001. Uma Arnese, chorégraphe, Le colloque d’IntegrART vient metteure en scène et diplômée en enrichir cette programmation, Ce dossier a été réalisé avec la le 2 juin, dans les locaux du danse-thérapie, dirige le secteur ar- nouveau MEG. complicité de Marcle Bugiel, tistique de l’association ainsi que la curateur du colloque IntégrART.
13 IntegrART Berne / Lugano / Genève / Bâle 27 mai – 14 juin 2015 Colloque IntegrART La danse et la « normalité » Genève 2 juin 2015 MEG Musée d’ethnographie de Genève « Paradoxalement ce n’est que lorsque nous réalisons que nous ne sommes pas entièrement régis par les normes, que nous acquérons la liberté de les déconstruire et de les transformer radicalement. » Judith Butler avec : Spectacles vidéo danse Foofwa d’Imobilité (CH) Advance? conférence Lennard J. Davis (USA) Le Commencement du Normal ; la Fin du Normal Stopgap Dance Company (GB) Artificial Things Berne 27 mai Community Arts Festival conférence Isabelle Ginot (F) Danses normales et Lugano 29 mai Orme Festival danseurs anormaux Genève 5 juin Out of the Box – Biennale des Arts inclusifs vidéo Saša Asentićcć / Per.Art (SR) Dalibor Bâle 8 juin wildwuchs Festival conférence / performance Julia Häusermann / Theater heater HORA (CH) conférence Bien danser – mal danser Carrie Sandahl (USA) Incarnations créatrices : Panaibra Gabriel Canda (MZ) Borderlines esthétiques actuelles du handicap Berne 29 mai Community Arts Festival conférence / performance Xavier le Roy (F) Produit de Circonstances Lugano 31 mai Orme Festival mise en perspectives Mathieu Menghini (CH) Danser l’écart Genève 4 juin Out of the Box – Biennale des Arts inclusifs performance Michael Turinsky (A) Mâle hétéronome Bâle 5 juin wildwuchs Festival ateliers : Sue Austin (GB) Créer le spectacle : Ou comment refaçonner comment nous pensons au handicap Kollektiv Frei_Raum (CH) HOME Berne 27 mai Community Arts Festival Panaibra Gabriel Canda (MZ) L’Art de l’(in)dépendence Lugano 30 mai Orme Festival Nienke Reehorst et Marc Wagemans (NL/B) Ce qui nous Bâle 7 juin wildwuchs Festival meut – collaboration et interaction entre des mondes de théâtre « handicapés » et « non-handicapés » Pete Edwards et Michael Achtman (GB/CAN) Comment mouvoir un corps qui veut bouger de son propre chef Thomas Hauert (CH) Manifestations de la virtuosité David Toole et Sho Shibata (GB) Vivre en performant – Design: L.ALTRO.ch • Photo: © Sue Austin, photographe: Norman Lomax aperçus d’une carrière de danseur Le colloque 2015 est organisé par le Pour-cent culturel Migros en collaboration avec la ville de Genève dans le cadre de Out of the Box – Biennale des Arts inclusifs. Avec le soutien du Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées BFEH, de Pro Helvetia et de Migros Genève. L’art ne connaît pas de frontières Avec IntegrART, le Pour-cent culturel Migros s’engage pour la suppression des frontières normatives dans le domaine des arts de la scène. Depuis 2007, IntegrART soutient la collaboration entre des artistes en situation de handicap ou non. La biennale met en réseau des festivals locaux, présente des spectacles nationaux et internationaux et organise des colloques. Inscription au colloque (jusqu’au 29 avril) et informations relatives à l’achat de billets sur www.integrart.ch
Une femme au soleil — du 15 au 25 avril — Reprenant le titre du dernier nu féminin de Hopper, Perrine Valli place un quatuor de danseurs dans le clair-obscur du désir.
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