Trimestriel d'actualité d'art contemporain: oct., nov., déc.. 2016 N 71 3€ - Flux News

 
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Trimestriel d'actualité d'art contemporain: oct., nov., déc.. 2016 N 71 3€ - Flux News
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                                                                                                                              bureau de dépôt
                                                                                                                                  Liège X
                                                                                                                                  9/2170

Trimestriel d’actualité d’art contemporain : oct., nov., déc.. 2016 • N°71• 3€

                                                    Alain Janssens, La Gaudaine 160710, Impression jet d’encre pigmentaire.
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S o m m a i r e                                                                                         E                      d                     i                  t                    o
                                                                                                        Il sera beaucoup question de passages et de mi-         de restituer la chair de la peinture, nous ne
                                                                                                        grations dans ce 71e numéro. La récente Biennale        parlons donc plus d’un poster, d’une simple
2 Édito.                                            18    11e edition de Manifesta à Zurich, un texte

                                                                                                        Internationale de Photo de Liège qui s’est muée,        copie, mais d’un deuxième original. Il suffit de se
                                                    de Colette Dubois, Hommage à Patricia Kaiser

                                                                                                        pour la bonne cause, en Biennale de l’image pos-        rendre sur place pour réaliser que la magie opère:
5 Pierre Ardouvin expose chez Yoko Uhoda,
                                                    par Messieurs Delmotte

                                                                                                        sible entre de plein pied dans ce débat. En intro-      il y a plus de sacralité dans la réplique que du
interview de l’artiste par Lino Polegato. Vincent

                                                                                                        duisant l’idée d’image possible ne formulons            coté de la relique. Peut-on pourtant, comme le fait
Barré au Musée Matisse, un texte de Michel Voi-
                                                    19 Interview de Mary Sherman par Yannick

                                                                                                        nous pas l’idée d’une image impossible qu’il            Bruno Latour, parler de vol de l’aura? Il est vrai
turier
                                                    Franck.

                                                                                                        serait bon de ne pas montrer? Un long débat qu’il       que tout joue dans ce sens: la réinstallation de la
6 Iselp, Institut de l’entre deux”, un texte de

                                                                                                        serait difficile d’entamer tant dans ce domaine les     copie dans son lieu de fabrication, le réfectoire
Catherine Callico.                                  21 Expo Facing the Future au Bozar, un texte de

                                                                                                        paradoxes en art sont légions. Ma dernière visite       des moines dessiné par Palladio, le cheminement
                                                    Luk Lambrecht.

                                                                                                        dans le département d’art Ancien au nouveau             par paliers pour accéder à la pièce centrale, la
Expo Tandem au Centre de la Gravure, un texte

                                                                                                        musée de la Boverie m’a conforté dans ce que je         lumière naturelle de la lagune baignant la salle,
de Michel Voiturier.
                                                    23 Exposition Lucien Kroll au Bozar, un texte de

                                                                                                        craignais: quand l’oeuvre n’est plus montrée dans       entrant en osmose avec le sujet de la toile elle
7 Expo d’Alain Janssens chez Flux, un texte de      Charlotte Lheureux. Intervention de Djos Jans-

                                                                                                        des conditions optimales de visibilité pour le re-      même. Mais aussi la hauteur idéale de présenta-
Sylvie Bacquelaine                                  sens à l’Hopital de Beveren, un texte de Jeremie

                                                                                                        gardeur elle perd automatiquement son pouvoir           tion s’intégrant parfaitement dans l’architecture et
                                                    Demasy

                                                                                                        auratique et devient une image. Aujourd’hui,            offrant au regard la possibilité de camper immé-
8 Exposition de Francesca Woodman et sortie du

                                                                                                        cette spécificité est devenue un problème interna-      diatement, en un seul regard, la totalité de la
livre “Devenir un ange”, un texte de Véronique      24/25 Energy Flash, exposition de groupe au

                                                                                                        tional. Tous les musées du monde, par souci d’ef-       scène. Une série de facteurs, et j’en oublie, qui
Bergen.                                             Muhka, un texte de Yoann Van Parys.

                                                                                                        ficacité, souffrent de ces engorgements d’espaces       concourent à donner raison à Latour quand il
10 Recensement de l’expo de Sigmar Polke au

                                                                                                        de présentation qui renvoient l’oeuvre d’art au         parle de migration de l’aura.
                                                    26 Juan D’Outremont au Musée d’Ixelles, un
Palazzo Grassi à Venise, un texte de Louis Anne-

                                                                                                        statut d’image.                                         L’idée d’un déclin, de la désagrégation de l’aura,
                                                    texte de Joke Lootens. Expo BPS22, un texte de
court.

                                                                                                         Il y a bien sûr des exceptions... L’une d’entre elle   à l’heure de sa reproduction technique, théorisée
                                                    Kariine Janssen.

                                                                                                        a été vécue à Venise cet été. Un court séjour qui       par Walter Benjamin, va t elle définitivement
11 Expo d’Helena Almeida au Wiels, un texte de
                                                    29 Expo de René Guiffrey au Centre d’art de

                                                                                                        m’a permis de voir une magnifique exposition, au        être rangée au placard de l’histoire? Devons nous
Judith Kazmierczak et de Sandra Ancelot.
                                                    Camprédon, un texte de Michel Voiturier. Expo

                                                                                                        Palazzo Grassi, l’anti show room par excellence.        nous réjouir qu’en lieu et place d’une possibible
12 Expo de Thierry Grootaers et Laurent Impe-

                                                                                                        J’étais à la recherche de la sirène de Sigmar Polke     disparition de l’aura vienne se greffer, à travers ce
                                                    “Irisations” à la Fondation Vasarely, un texte de

                                                                                                        gentiment conseillée par Louis Annecourt, qui           passage possible une nouvelle renaissance? Le
duglia à la Galerie Nadine Feront,                  Michel Voiturier.

                                                                                                        consacre une page à cette expo dans ce journal.         miracle de Cana qui symbolise le premier miracle
Expo de Valentin Dommanget au Triangle Bleu,        30 Expo Paul McCarthy chez Xavier Hufkens, un

                                                                                                        Et puis surtout l’éblouissement, partagé avec           du Christ, la transformation de l’eau en vin,
un texte de Lino Polegato                           texte de Annabelle Dupret.

                                                                                                        Judith, ma compagne : la visite de la copie d’un        trouve-t-il sa consécration à Venise? Peut on
                                                    Robert Varlez à la Maison de la Culture de St

                                                                                                        Véronèse, Les Noces de Cana au réfectoire du            parler pour autant de vol de l’aura? A mes yeux
13 Biennale de L’Image Possible à Liège, recen-
                                                    Gilles, un texte d’Annabelle Dupret.

                                                                                                        couvent palladien de San Giorgio Maggiore.              l’aura qualitative sera toujours présente dans
sement de Celine Eloy

                                                                                                        J’avais pu contempler l’original du tableau, pré-       l’original du Louvre, quoi qu’il arrive. Je parlerai
14 Expo Edith Dekyndt au Drapier, Liège, un         31   Recensement du film d’Abbas Fadhel,

                                                                                                        senté au Louvre en face de la Joconde, il y a de        plutôt, pour la réplique originale de Venise,
texte de Ludovic Demarche. Luzia Simons, Out        “Homeland” et de l’expo de Bilal Bahir sur la

                                                                                                        cela quelques années. Bruno Latour, scientifique        d’aura quantitative. Un supplément d’âme aura-
Of the Blues, un texte de Romain Masquelier         guerre en Irak, un texte de Catherine Angelini.

                                                                                                        français de renom, a donc réussi à convaincre le        tique permis par la réplique, qui serait la résul-
                                                                                                        directeur de la Fondation Cini de tenter l’opéra-       tante d’une mise en conformité avec un lieu, une
16 Expo de Guy Mees à Bruxelles, un texte de
                                                    32 “Un temps sans Age”, la 14e chronique d’Aldo

                                                                                                        tion du double parfait, grâce à un artiste génial,      lumière, un silence,... C’est une réjouissance de
Colette Dubois
                                                    Guillaume Turin.

                                                                                                        Adam Lowe. Une vidéo d’une conférence de                se retrouver devant un faux plus vrais que le
                                                                                                        Bruno Latour sur le sujet postée sur you tube           vrais, en résonnance avec la vraie vie. Je vous
17 Expo de Ferrée/Hennig à l’Ikob, un texte de
                                                    33 page d’artiste du collectif Martiensgohomme

                                                                                                        m’avait mis l’eau à la bouche, Latour parlait litté-    convie à vivre cette expérience par vous même. A
Romain Masquelier, Interview de Frank-Thorsten

                                                                                                        ralement du vol de l’aura. Une migration vers           Venise, Véronèse reçoit sur rendez vous unique-
Moll par Lino Polegato
                                                    35 La Flandre et la Wallonie, deux mondes bien

                                                                                                        Venise justifiée par le fait de la réussite totale de   ment.
                                                                                                        l’opération. Le scannage 3D permet aujourd’hui
                                                    distincts, un texte de Joke Lootens
Trimestriel d'actualité d'art contemporain: oct., nov., déc.. 2016 N 71 3€ - Flux News
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GUY MEES

S E P T E M B E R 9 - O C TO B E R 2 2 / 2 0 1 6

         GALERIE         GALERIE MICHELINE SZWAJCER

         MICHELINE
                         RUE DE LA REGENCE -
                         REGENTSCHAPSSTRAAT 67
                         1000 BRUSSELS BELGIUM

         SZWAJCER
                         Tuesday to Friday: 10:00 - 18:30
                         Saturday: 12:00 - 18:30
                         Closed on Sunday and Monday
                         T: +32 (0)2 540 28 57
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Pierre Ardouvin à la galerie Yoko Uhoda

Partout le danger nous menace mais ce n’est pas une raison
de s’arrêter de ramer.
Pierre Ardouvin commence son parcours artis-             balisaient les murs de leurs ombres                                                                                         éléments, des objets, des meubles. À
tique dans les années 90 en autodidacte. Il se           portées, hommage détourné à une                                                                                             partir de ces éléments je crée des pièces
distingue par une approche post-appropria-               culture populaire qu’il revisite réguliè-                                                                                   nouvelles, très liées aux rêves. Je me
tionniste. Ce qu’il aime avant tout c’est créer          rement. Ses installations, par leur carac-                                                                                  raconte des histoires. Je parle d’un quo-
des histoires en jouant sur les associations ab-         tère habité et animé sont proches de                                                                                        tidien complètement réinvesti par une
surdes qui fonctionnent comme des révélateurs            l’esprit d’un Boltansky. Pour lui, cela                                                                                     sorte de fiction. J’aime réanimer des
d’affects liés à l’enfance. L’artiste recycle et         semble clair, nous sommes tous                                                                                              présences enfouies, apporter une pré-
réassemble des objets familiers, tels que                aujourd’hui contaminés par cette am-                                                                                        sence fantomatique. Certaines pièces
meubles, jouets, images, cartes postales, afin           biance morose désenchantée. L’art est                                                                                       traitent de ça et puis il y en a d’autres ou
de recréer des ensembles qui fonctionnent                le médoc par excellence, il doit nous                                                                                       l’on sent la rêverie, une pensée flottante.
comme des récits ou le fantastique et le réel            aider à désengorger ce trop plein de                                                                                        À partir de mobilier lié à l’enfance,
s’entrecroisent. La métamorphose du quoti-               spleen négatif. Une thérapie audacieuse                                                                                     comme un cheval à bascule qui sera dé-
dien est au centre de sa démarche créative.              qui nous propulse avec distance et                                                                                          tourné.
                                                         humour dans des mondes parallèles où
Pour l’expo chez Yoko Uhoda, l’artiste a choisi          les codes de lecture interroge notre                                                                                        L.P. : Détourné dans quel sens ?
de créer de nouvelles pièces s’inscrivant dans son       société du spectacle, devenue de plus en                                                                                    P.A. : C’est à dire qu’il sera animé, la
registre particulier lié à la réappropriation            plus dévorante.                                                                                                             tête du cheval porte un masque. Ce dé-
d’objets familiers, meubles, jouets, qu’il trouve et                                                                                                                                 tournement on le retrouve aussi avec des
récolte entre autre dans les brocantes. Sous l’effet     L’entretien qui suit nous aide à                                                                                            œuvres que j’appelle des « Écrans de
d’assemblages aux allures parfois incohérentes           mieux comprendre la nature de sa                                                                                            veille », des tableaux qui sont faits à
ses installations dégagent souvent un climat au          démarche créative.                                                                                                          partir d’images. Au départ ce sont des
caractère intrigant et poétique.                                                                                                                                                     cartes postales que j’assemble et re-
Pierre Ardouvin nous invite à sortir du cadre            L.P.: Quel sens pouvons nous donner                                                                                         touche à la peinture pour former une
régulé un court instant. Ses petits théâtres ab-         à votre travail ?                                                                                                           autre image, une image hybride qui est
surdes qui frisent parfois le ridicule fonctionnent      Pierre Ardouvin : Le travail que je fais                                                                                    imprimée sur toile. La surface est
comme des récits qui sont là pour nous question-         est un questionnement sur l’histoire de                                                                                     ensuite travaillée avec des résines, c’est
ner sur l’état d’un monde en déliquescence. Il           la mémoire, non seulement personnelle                                                                                       une métamorphose. Ma pratique est liée
                                                                                                                          Inclusions, cartes postales, papillons , resine
nous propose de faire une halte et de nous laisser       mais aussi commune.                                                                                                         à l’assemblage, au collage et à l'installa-
bercer par ses mondes décalés. Des mondes fic-           A travers des éléments du quotidien :                                                                                       tion .
tionnels peuplés d’affects et de « pensées flot-         objets et images que l’on identifie directement et     P.A. : Oui c’est comme ça que je vois les choses.
tantes » comme il aime les nommer. Il apprécie           que je détourne, que je recontextualise différem-      Au départ, je suis attiré par certaines choses mais         Galerie Yoko Uhoda,
les mobiles et renverser le décor, à l’instar de ce      ment. Il y a une notion de jeu et d’humour,            j’aime être surpris aussi par des rapprochements            Pierre Ardouvin, du 11/11 au 11/12/2016.
qu’il a présenté dernièrement dans une expo à            parfois de mélancolie.                                 de réalités plus ou moins éloignées.
succès au MAC/Val (Musée d’art contemporain                                                                     Dans l’expo chez Yoko Uhoda, il y aura des
du Val-de-Marne). Dans la pénombre, il faisait           L.P. : On a l’impression dans votre démarche           pièces nouvelles et des pièces qui ont été peu
circuler au plafond des meubles. Comme il le             artistique que vous aimez jouer par opposition         vues. J’ai pris comme concept d’exposition de
précise dans son entretien : « Des meubles bien          des contraires. Vous confrontez souvent l’inno-        travailler sur la galerie qui est aussi une maison.
réels, pas des meubles Ikea, des meubles chargés         cence du monde de l’enfance au désenchante-            L’idée, c’est de réanimer ce lieu, cette maison qui
d’histoires », Tous ces meubles en mouvement             ment de l’adulte ?                                     sera ré-habitée de manière très décalée. Avec des

Vincent Barré : histoire de l’art en transversale
Au musée Matisse, il y a toujours                                                                                                      ‘Nu de dos » dont on voit les états suc-       d’acier et de bois. Ainsi le lisse grès de
quelque chose qui se passe et qui dé-                                                                                                  cessifs entre 1909 et 1930, le passage         Sèvres émaillé des ‘Étuis’ s’avère-t-il
veloppe un lien avec le maître des                                                                                                     progressif d’une anatomie classique            très différent de la terre chamotée et de
papiers découpés. Les influences dé-                                                                                                   jusqu’à des formes quasi géomé-                son bourgeonnement hérissé de la
celées ou avouées sont si nombreuses                                                                                                   triques. De même les papiers découpés          ‘Série noire’. La rigidité rêche de l’alu-
qu’il n’y a, jusqu’à présent, aucun                                                                                                    d’ ‘Oceania’ qui ont engendré une              minium est étrangère à la souplesse du
risque de monotonie. La preuve                                                                                                         série d’éléments élégants en caout-            caoutchouc.
encore, avec Vincent Barré.                                                                                                            chouc.
                                                                                                                                                                                      Les monotypes sur papier Japon se
À l’origine, Vincent Barré (Vierzon,                                                                                                   Certains titres sont explicites des liens      présentent en tant que signes gra-
1948 ; vit et travaille à Paris, en                                                                                                    entretenus par le sculpteur avec le            phiques, formes complexes, mono-
Normandie, dans le Loiret) a été archi-                                                                                                passé historique, tels Laocoon ou              chromes noirs imposés au mur blanc.
tecte. Il a choisi de s’exprimer par la                                                                                                Perséphone, empruntés à la mythologie          Ils disent une sorte d’alphabet plas-
sculpture à partir de 1982. Il a pratiqué                                                                                              grecque ; d’autres renvoient au boud-          tique qui ne correspond à aucun
des techniques variées : assemblage de                                                                                                 dhisme ; quelques-uns à l’architecture         langage connu en dehors de celui des
métal et de bois, découpage de verre                                                                                                   et à la géométrie comme ‘métope’ ou            sculptures de leur auteur.
ou de plaques d’acier, terre cuite et                                                                                                  ‘mandorle’. Ou cette couronne
cire, fonte dite au sable avec de l’alu                                                                                                d’épines qui se réfère au peintre du           Au-delà, il y a les carnets, ceux qui dé-
ou du fer, bronze...                                                                                                                   XVe siècle Jean Fouquet et à une de            tiennent des esquisses, des croquis, des
                                                 Vue d’ensemble des « Grand ex-voto », 2015-2016 © ADAGP, F. Kleinefenn                ses ‘Pieta’. Sans omettre ces nombreux         dessins faits à l’instant, surgis dans
À la période où il change d’orientation,                                                                                               ex-votos en rapport avec des rituels           l’action même. Ces fruits du spontané
il avait beaucoup voyagé, beaucoup vu                                                                                                  pieux et qui sont prétextes à explorer         sont ceux qui aideront le sculpteur à
et lu. Il n’aborde donc pas la sculpture                                                                                               les volumes du corps humain.                   penser l’acte de travailler la matière,
vierge de toute connaissance. Il avoue        lique ou métaphorique.                      venirs de modèles préhistoriques bruts,                                                     de la préparer à ses trois dimensions.
avoir subi nombre d’influences,                                                           de totems et de masques primitifs, de        L’approche historique ne doit pas faire        L’intérêt est de participer en différé au
d’avoir été touché par nombre de              Sa recherche se base fondamentale-          statuaire des civilisations assyrienne et    oublier que le travail de cet artiste est à    processus créatif, d’en être les témoins
statues et de créateurs. Il est néan-         ment sur des formes simples. Quitte à       gréco-romaine, d’objets à usage de           regarder aussi en tant que présence au         à posteriori.
moins parvenu à élaborer un univers et        les assembler de manière complexe.          travail ou de culte, de déconstructions      sein d’un espace. Cette insertion dans
des réalisations qui témoignent de sa         Face à une de ses créations, le regard      avant-gardistes… Karen Wilkin l’écrit        des lieux joue avec les vides et les                                  Michel Voiturier
personnalité.                                 reçoit un ensemble où les détails précis    : ses « formes énigmatiques sont riches      pleins, avec l’horizontalité et la verti-
                                              sont omis, où la réalisation questionne     en évocations ».                             calité, avec les angles et les courbes,
À première vue, les allusions qu’il fait      puisque n’étant ni réaliste dans le sens                                                 avec la monumentalité ou la discrétion.        Prochaine expo de « Vincent Barré, sous
à l’histoire de l’art sont latentes. On les   d’une représentation imitative du réel,     Un créateur sous influences                  La coloration et les textures des ma-          les grands arbres » au Gerhard Marcks
pressent sans toujours parvenir à les         ni pas davantage d’une abstraction.                                                      tières retiennent une attention autre :        Haus, Am Wall 208 à Bremen (Brême)
préciser. Ce qui le préoccupe avant           Tout se passe comme si il s’agissait        Barré soi-même ne dissimule pas les          celle de la vue et celle du toucher.
                                                                                                                                                                                      [D]du 2 octobre 2016 au 25 janvier 2017.
tout, c’est le corps humain. C’est, du        d’un appel lancé à la mémoire cultu-        influences qui l’ont nourri. À commen-                                                      www.marcks.de
coup, sa référence analogique avec            relle de chacun.                            cer par les petits torses façonnés par       Ainsi est-il surprenant de voir des co-
l’arbre, aussi bien formelle que symbo-                                                   Matisse exposés dans le musée qui lui        lonnes jumelles s’ériger en alternance
                                              Ainsi défilent en nos cerveaux des sou-     est dédié ainsi que ce plâtre baptisé
Trimestriel d'actualité d'art contemporain: oct., nov., déc.. 2016 N 71 3€ - Flux News
Iselp # INSTITUT de l’entre-deux
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Autour du concept # INSTITUT, ‘zone             1992 des objets dont la propriété intel-                                                                                              ment de l’institut, son intervention
d’altération temporaire’, Iselp découpe         lectuelle reste incertaine, soumise à                                                                                                 s’apparente à un bug entre deux
sa rentrée en trois volets-expositions,         des controverses, jurisprudences etc, et                                                                                              moments et deux expositions, précise
un blog et autres événements annexes.           convoque ces choses lors d’assem-                                                                                                     Laurent Courtens, commissaire. L’art
Où il est question de l’essence de l’art,       blées: expositions, lectures, perfor-                                                                                                 de Yoann est fait de narrations fictives
de l’oeuvre et de son lien à l’écrit, à la      mances...                                                                                                                             que l’on s’approprie avec des outils sé-
parole ou à l’image, et de parasitages.                                                                                                                                               lectifs, de commentaires verbaux et
                                                Dans le cadre d’Assemblée#INSTI-                                                                                                      graphiques qui sont des terrains de
La première rentrée académique de la            TUT, il réactive le débat entre les édi-                                                                                              jeux et de création. Des outils qui infil-
directrice de l’Iselp Maïté Vissault,           teurs John Dicks et Edmund Yates                                                                                                      trent tant la communication, avec des
arrivée début 2016, marque une étape            autour du titre du roman du 19e siècle                                                                                                images juxtaposées (blog, instagram,
transitoire, au cours de laquelle l’Iselp       Splendid Misery et pour cela, invite                                                                                                  carton d’invitation...) que l’oeuvre en
entend redéfinir son rôle et ses mis-           historien littéraire, philosophe, ou                                                                                                  elle-même (sérigraphies, dessins parta-
sions. Autour de 5 mots: montrer-               avocat à confronter leurs points de vue                                                                                               gés...) ou une soirée de visites perfor-
méditer-produire-éditer-débattre.               autour d’une installation: un livre posé                                                                                              mées, telle ‘Astérix chez les Belges’,
L’idée est de travailler davantage              sur la table, avec des bancs autour.                                                                                                  autour des stéréotypes nationaux et
comme un institut d’art et de re-                                                                                                                                                     culturels.
cherche, autour d’une même question,            De son côté, Freek Wambacq détourne                                                                                                   Pour clore 2016, l’ exposition ‘erg’ de
et de faire ricocher différentes exposi-        des objets, les assemble, les dispose et                                                                                              Catharina van Eetvelde, où l’institut se
                                                                                                        Freek Wambacq, Twelve birds, five horses and a small fire, 2009
tions, relève Catherine Henkinet, com-          leur donne un statut lié au titre attri-                  table, leather gloves, halved coconut shells, cellophane foil               fait système et corps, construction et
missaire de ‘Table of content, Show             bué. Tout en créant des fragments                                              100 x 220 x 107 cm                                     production avec en son centre, ‘erg’ et
Title@258 by Stefan Brüggeman’, un              d’une histoire sonore, à partir de pro-                                                                                               l’imprimante. Celle-ci matérialise la
premier volet qui interroge l’acte              cédés de bruitage. ‘Twelve birds, five                                                                                                matière grise de l’institut et les flux
d’exposer, et par là l’identité de l’insti-     horses and a small fire’ réunit ainsi des   dans le monde de l’art. Lors de ren-         common story’ de Sarah van                   quotidiens de celui-ci (textes,
tut et son rapport à l’art, à partir de         gants en cuir, des demi-coques de noix      contres organisées, il distribuait des       Lamsweerde, se focalise sur la mise en       visuels...), de même que la production
l’oeuvre de Joseph Kosuth ‘A map                de coco, et des feuilles de cellophane.     cartes de visite avec l’adresse de son       mots de l’oeuvre, son récit fictionnel       d’ ‘erg’, oeuvre et système de l’artiste.
with 13 points’, qui occupe un mur de           Chaque élément correspondant à un           hôtel, afin de rencontrer les intéressés     ou réel. Chaque mot est proposé lors         Sous la tutelle de Maïté Vissault:
l’Iselp depuis 1998.                            bruit (noix de coco = cheval, etc).         dans un cadre non artistique, et un          d’une vente aux enchères, où le public       l’espace-temps de l’Institut deviendra
                                                                                            autre espace-temps.                          tente de reconstruire l’histoire de          ainsi le lieu d’un dialogue permanent
Les dix artistes sélectionnés présentent        La primauté de l’idée                       Au fil de l’exposition, le texte génère      l’oeuvre à partir des mots adjugés (par      avec l’artiste, un dialogue qui usera du
des oeuvres autour du texte et/ou du                                                        une autre manière de voir ou convevoir       un certificat d’authenticité).               langage singulier généré par l’activa-
récit. Installation, dessin, vidéo, ... et      Se pose également dans la plupart des       l’objet ou l’oeuvre, et lui donne son        Du bug à l’imprimante                        tion d’erg (..). Ce qui se produira là,
même titre. Table of Content est ainsi          oeuvres exhibées, la question de ce         sens. Dans sa ‘Collection particulière’,     Les deux autres volets d’#INSTITUT           sera l’émergence du dessin, un dessin
tiré de la liste de plus de 1200 titres de      qu’est l’art. Dans sa performance ‘I        Léa Mayer crée des oeuvres (peintures,       se succèdent jusqu’à la fin de l’année,      en train de se faire, sorti des entrailles
Stefan Brüggeman, mise librement à              can’t speak in Art galleries or             photos, céramiques...) à partir des in-      interfèrant à certains moments. L’ex-        de l’imprimante et déployé dans
disposition des artistes et curateurs,          Museums’, l’artiste conceptuel mexi-        formations (contenu, format, maté-           position De l’assemblée à l’impri-           l’espace.
lesquels en retour sont juste tenus de          cain Mario Garcia Torres, promoteur         riaux...) incluses dans des cartels          mante, de Yoann Van Parys, dont la
mentionner Show Title # le numéro du            de l’idée au-delà de la réalisation, a      d’expositions issus d’institutions artis-    pratique plastique est aussi très liée à                           Catherine Callico
titre de la liste.                              pris le parti du mutisme, face à            tiques.                                      la parole et aux mots, joue sur le para-
De même sous le générique Agence,               l’ardeur développée par d’autres            L’installation numérique ‘Tell/Sell, a       sitage. Dans une phase de redéploie-         Du 07/10 au 24/12 à L’Iselp,
l’artiste Kobe Matthys collecte depuis          condisciples pour se faire une place                                                                                                  www.iselp.be

Tandem : la gravure au poids de centaines de publications

                                                          ouvrir la voie à des échanges sous forme d’expos       de Ransonnet, ceux d’Yves Namur et les éclate-           France Borel, inspirée par un séjour à Tokyo.
                                                          et d’éditions. Rapidement, des liens apparaitront      ments formels de Belgeonne lui-même, de                  John Carter ou Antoine Mortier éclairent leur
                                                          avec les U.S.A. et le Japon.                           Devolder et les narrations amusées de Vinche.            travail artistique par notes et croquis. Heyrrens,
                                                                                                                 Portefeuille naîtra en 88. On y trouve les               Meurant et Mouffe dialoguent avec Claude
                                                          Au bout d’un moment, l‘organisation d’exposi-          Polonais Bartczak, Bigoszewski, Fijalkowski, les         Lorent. Quant à Dotremont, il a droit à une an-
                                                          tions étant une charge plutôt lourde à assumer,        Japonais Akira Abe, Atsuko Ishii mais aussi              thologie posthume qui mêle ses logogrammes
                                                          Tandem, dont la composition a évolué avec de           Horváth, John Carter, Luc Étienne, Lismonde,             avec de la correspondance entre lui et
                                                          nouveaux participants, restreindra l’essentiel de      Kate Van Houten, Thorbeke, etc.                          Alechinsky.
                                                          son action à la parution de portfolios explorant
                                                          des thèmes techniques divers. Ainsi surgissent les     Par ailleurs, une collection de livres est baptisée      Dans le but de promouvoir la jeune création,
                                                          noms de Biondino, Delattre, Étienne, Jossart,          Conversation avec qui comporte plus de 80 titres.        Belgeonne lance Histoire(s) en images, des petits
                                                          Lambotte, Musieaux, Urbain, Scouflaire, Van            On y découvre des entretiens réalisés avec des ar-       formats de visuels avec ou sans texte. Parmi la
                                                          Houtte, Waselle, Winance…                              tistes par Eddy Devolder (Baselitz, Beuys,               centaine de livrets réalisés, se retrouvent les
                                                                                                                 D’Haese, Leroy, Pratt, Segui, Stella, Tal Coat,          noms de Kikie Crévecoeur, Eve Calingaert…
                                                          Au début des années 80, plus ou moins histori-         Warhol…) ou par Ben Durand (Baudin, Clergue,             Enfin, depuis 96, une autre collection, Carnets de
                                                          quement en concomitance avec les importantes et        Dewint, Horvat, Maury, Olyff, Tibet, Viallat,            voyage dont les pages se présentent en accor-
                                                          trop éphémères biennales de Bon-Secours                Willems, Wuidar) et quelques autres tels que             déon. Elle comporte, par exemple, un Félix
                                                          (Péruwelz), naît la collection Monographie.            Roger Pierre Turine (Soulages), Goyens de                Roulin aux croquis dessinés lors d’un séjour à
                                                          Chaque recueil de gravures est consacré à un           Heusch (Bertrand, Van Lange, Willequet),                 Rome, un Emir Dragulj, l'homme des débuts,
                                                          artiste belge renommé. Outre les estampes, il          Philippe Robert Jones (Lismonde), Meurant                avec des moments tragiques empruntés à la
                                                          comprend une photo portrait, une biographie, une       (Ivanosky), Angelo Vermeulen (J. Vilet),                 guerre civile en ex-Yougoslavie.
                                                          présentation signée par un critique d’art. Cette       Desaive (Lennep), Bekers (Jan Fabre), Baudouin
 J-P Ransonnet, S.T., gravure sur bois - 2003             série permettra une belle approche de Jo               Oosterlinck (Fourez)…                                    Tandem, au vu de cette expo bilan, témoigne
                                                          Delahaut, Pierre Caille, Jean-Pierre Scouflaire,                                                                d’une inlassable activité, d’une volonté de
                                                          Lionel Vinche… Cette édition permet également          Ce volet particulier des éditions Tandem corres-         couvrir pas mal de disciplines de la production
Il était bon de rendre hommage aux éditions               de montrer la diversité des techniques : par           pond à la prise de conscience par Belgeonne du           artistique du XXe siècle et d'aujourd’hui, tou-
Tandem de Thérèse et Gabriel Belgeonne. La                exemple la linogravure avec Thierry Lenoir ou          risque de marginalisation de l’image imprimée            jours en quête, à la fois, de rigueur et d’inventi-
maison existe maintenant depuis 1971. Elle a              Kurzatkowski, la sérigraphie avec Luc Van              face aux autres pratiques artistiques et donc,           vité plastique, de recherche graphique et de
publié nombre de livres d’artistes et de collabora-       Malderen.                                              comme le souligne Pierre-Jean Foulon, de « l’im-         complémentarité avec les mots.
tions entre écrivains et graveurs C’est devenu un                                                                portance d’un recours à la théorisation […] de
véritable panorama de la création contemporaine           La rencontre de Belgeonne avec le poète                l’art contemporain au sein duquel la gravure joue                                         Michel Voiturier
d’image imprimée.                                         François Jacqmin renforce les liens déjà noués         désormais un rôle significatif par ses possibilités
                                                          avec la confection et la diffusion de livres           de multiplication du message […] et surtout par          Centre de la Gravure et de l’Image imprimée, 10
L’aventure commença avec Antonio Segui. Elle              puisque alors surgit la série Textes & Images qui      son intégration aux courants stylistiques les plus       rue des Amours à La Louvière, jusqu’au 28 août
se poursuivit de manière encore plus internatio-          associe plasticien avec écrivain et qui cherchera      avant-gardistes ».                                       2016. Infos : +32 (0)64 27 87 27 ou http://www.cen-
nale avec Emir Dragulj. L’amitié entre les                de plus en plus à s’éloigner des pratiques habi-                                                                tredelagravure.be/fr/
membres fondateurs du groupe Tandem                       tuelles du face à face texte-image. Ainsi              Plus récemment, Alentours aligne des volumes
(Belgeonne, Benon, Cotton, Jacobs, Lambillotte,           s’élabore une connivence entre les poèmes de           de réflexions et méditations, d’interrogations sur       Catalogue : Pierre-Jean Foulon, «Les éditions
J-M. Mahieu, Mineur) va tisser des relations par-         Jacqmin et des aquatintes de Vandercam, les            des techniques et des pratiques. Le bouquin              Tandem de la gravure au livre », La Louvière,
ticulières avec la Yougoslavie, puis la Pologne et        écrits d’Alain Delaunois et la nature élémentaire      initial est signé par l’ex-directrice de La Cambre,      Centre de la Gravure, 2016, 160 p.
Trimestriel d'actualité d'art contemporain: oct., nov., déc.. 2016 N 71 3€ - Flux News
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C’est dans le quotidien qu’Alain Janssens
puise son plein.
Le temps et l’espace du quotidien               Hors du cadre
sont les éléments moteurs du travail             « C’est partir de l’idée qu’une image
créatif d’Alain Janssens.                       ne remplit pleinement son existence
                                                que quand elle oppose une perspective
La magie du quotidien                           dans le regard de celui qui est devant
 « C’est dans le quotidien qu’on fait le        elle ». Hors du cadre, c’est là que les
plein ». Dans celui-ci semble som-              photos d’Alain Janssens semblent
meiller la promesse d’une jouissance,           vouloir nous emmener, à la recherche
le moment ou l’unité ; entre le sujet, le       de ce qui n’est pas montré, pas visible,
photographe et tant d’autres choses ;           dans un monde imaginaire tout aussi
est furtive mais tellement réelle. Un           important que le monde réel, dans
moment qui échappe, un temps que                l’ombre aussi. Les « procédés » sont
l’artiste offre à notre imaginaire, un          variés, allant de la photographie d’un
instant qui l’émerveille. Lenteur et            fragment de corps qui reste indéfini à
contemplation semblent être convo-              une vue dont les plans semblent se
quées.                                          révéler les uns les autres

Rentrons dans une photo, dans                   étrangement, au gré des sens de lecture
l’osmose d’un instantané, dans la               en passant par des paysages flous, des
magie du lieu et de celui qui l’habite,         filtres dans tous les sens, brouillant
ou de celui qu’il habite… mystère,              notre vue, renforçant le côté ouvert,
poésie et portes ouvertes. Ce morceau           suggestif de l’œuvre.
de forêt par exemple, Alain Janssens
semble l’avoir décelé, perçu, mis en            Une vue étrange : la mer cernée
lumière comme au terme d’une quête              d’arbres. Les plans sont tels des aplats,
fortuite ou inconsciente, au gré de flâ-        se superposant curieusement, le specta-
neries, ou comme au bout d’une transe           teur déchiffre, s’embourbe, perd la
même. Le moment quasi mystique se               vue, sort du cadre.
révèle enfin.
                                                Sensualité
Le quotidien. L’artiste explore ses             Texture, flou, lumière, Les photos
travées, sans thématique précise, le            d’Alain Janssens sont indéniablement
noir et blanc et la lenteur de l’argen-         empreintes de sensualité. La technique
tique comme outil. La couleur aussi,            de l’argentique tout d’abord et du
parfois mais pas trop, idéalement une           papier baryté, servant autant le mat que                                                                                                          Alain Janssens, Fontenois_291215
ou deux à la fois, dans un rapport de           le brillant. Les lumières ensuite,
contraste noir/blanc. Alain Janssens            parfois chaudes et surtout vaporeuses.
                                                                                                 tous nos sens en éveil, révélant notre          de la ville.                                ciant les contraires par exemple, créant
défend volontiers l’idée qu’une bonne           Les sujets varient, mais le rendu, très
                                                                                                 rapport aux autres et aux choses, notre         L’artiste est aussi un poète. Si ses pho-   dans le regard du spectateur une troi-
photo ne doit pas être trop construite,         sensuel, incite au touché… que ce soit
                                                                                                 regard profondément humain, elle                tographies semblent dire l’ineffable,       sième image, sollicitant constamment
que d’une certaine spontanéité découle          un citron en pierre, des chaussures ou
                                                                                                 semble bien loin d’être anecdotique.            les mots sont important pour lui et ils     notre imaginaire. Le rythme ou les
le geste poétique. Des arbres, des              encore un fragment de mur. Si la spon-
                                                                                                                                                 évoluent en parallèle aux images.           blancs laissés participe également à
plantes, des fruits, des corps, des vues        tanéité et la sensualité caractérise
                                                                                                 A coté                                                                                      l’unité de l’œuvre.
par exemple, quelques portraits aussi,          l’œuvre, l’artiste aime discuter de son
                                                                                                 Côté professionnel Alain Janssens               Quand il ne prend pas des clichés, il
on sent que l’idée l’intéresse, qu’il la        travaille, s’amuser des convergences et
                                                                                                 réalise principalement des photogra-            donne notamment des cours de photo-                            Sylvie Bacquelaine
murit encore. Les lieux aussi ont toute         partage l’idée que « la photographie
                                                                                                 phies d’architecture. De 2 001 à 2009,          graphie à l’Ecole Supérieur des Arts
leur importance, ceux dans lesquels il          construit la pensée et pas l’inverse ».
                                                                                                 Il a couvert le chantier de la construc-        Saint-Luc de Liège. On l’imagine bien       Les citations Sont issues du livre
se sent existé, habité.
                                                                                                 tion de la gare des Guillemins à Liège.         dans son rôle, il nous explique au          « Nulle part et partout » d’Alain
                                                Inspiration
                                                                                                 Ce travail de commande, reflet des              passage que ça le nourrit.                  Janssens
La part et le tout.                             Quand on parle de ce qui l’inspire, les
                                                                                                 évolutions diverses et de la vie sur le
« Que le pli du paysage commence à la           idées fusent, de Philippe Jaccottet à
                                                                                                 chantier est un témoignage historique           Exposition                                  Aperte de vue
lisière de la peau et du poil ». Au début       Lee Friedlander en passant par
                                                                                                 mais il est également empreint de la            Après avoir exposé dans des lieux im-       Alain Janssens du 11/11-3/12/2016
des années quatre-vingt, Alain                  Vladimir Jankélévitch ou Andrei
                                                                                                 patte du photographe, capturant                 portants dédiés à la photographie,          Espace Galerie Flux
Janssens a travaillé avec des personnes         Tarkovski, la conversation fait des
                                                                                                 l’énergie et la vie avec un regard              comme Contretype par exemple, Alain         60 rue paradis, 4000 Liège
handicapées mentales au Créahm                  tours et des détours des plus réjouis-
                                                                                                 présent. Comme c’est le cas dans son            Janssens présentera son travail en no-
à Liège. Le photographe y nourrit son           sant. Son moteur c’est avant tout cet
                                                                                                 œuvre plus intime, très architecturale          vembre à la Galerie Flux : des œuvres
regard singulier, un œil taillé pour            ancrage dans le quotidien, ce bonheur
                                                                                                 aussi, la lumière travaille les volumes,        montrées à Bruxelles mais pas à Liège,
mettre en lumière le détail, ou ce qui          d’un émerveillement perpétuel, qu’il
                                                                                                 les crée et les brouille, les laisse inter-     des inédits, de la couleur, du noir et
n’en est plus un justement… ce frag-            soit le fruit de la feuille d’une plante,
                                                                                                 agir. Notons que Alain Janssens a éga-          blanc, de l’argentique et du numérique.
ment qui existe par lui-même et qui             du grain d’une peau ou d’une décou-
                                                                                                 lement photographié le chantier du              Pour lui le montage de l’exposition est
participe à un tout, capturé pleinement         verte littéraire. Parce que l’œuvre
                                                                                                 cinéma de la Sauvenière                         aussi important que les photos, qu’il
dans le moment vécu.                            d’Alain Janssens participe à un grand
                                                                                                 à Liège, lieu non moins emblématique            aime faire résonner entre elles en asso-
                                                tout fondamentalement indéfini tenant

                                                                                              Contro-corrente #2
                                                                                              Chantal Vey expose son périple pasolinien au FRAC NORD -PAS DE CALAIS
                                                                                              Chantal Vey: « Ma recherche artistique se construit autour de la notion de territoire. Le territoire au sens large, comme un
                                                                                              Ailleurs que j’explore par la marche et le voyage, mais aussi dans l’approche de l’Autre, que je sollicite pour découvrir son
                                                                                              univers. Inspirée par La Longue route de sable, qui décrit un voyage réalisé par Pier Paolo Pasolini en 1959, j’ai suivi cet iti-
                                                                                              néraire à contre-courant, en commençant par Trieste et la région de son enfance. Au fil de la route et des rencontres fortuites,
                                                                                              je revis les situations décrites et les interprète en tant qu’artiste et femme d’aujourd’hui ; toujours très proche des êtres, comme
                                                                                              aimait le faire Pasolini. »

                                                                                              «Contro-corrente #1» et «Contro-corrente #2» ne représentent que la moitié de l’itinéraire, la dernière étape est prévue au prin-
                                                                                              temps 2017, en repartant de Pescara pour finir à Ostie, longeant le littoral par le Sud-Est et le Sud-Ouest de l’Italie.

                                                                                              Du 24 septembre au 20 novembre 2016
                                                                                              FRAC NORD -PAS DE CALAIS
                                                                                              503 Avenue des Bancs de Flandres 59140 DUNKERQUE (FR)

Chantal Vey, Argentario, 2015. © Chantal Vey. Cette photo prise le long d’une plage italienne, décrit un voyage réalisé par Pier Paolo Pasolini en 1959.
Par son action, ses clichés et ses films, une façon indirecte pour l’artiste de rendre hommage au poète disparu.
Trimestriel d'actualité d'art contemporain: oct., nov., déc.. 2016 N 71 3€ - Flux News
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 FRANCESCA WOODMAN
 LA GÉOMÉTRIE EUCLIDIENNE NE CONVIENT PAS AUX ANGES
                                                                             miroir-Minotaure, ne pas le nourrir, ne pas lui donner son corps en        ectoplasme, lémure ou à son devenir arbre. Recouverts d’écorce,
                                                                             pâture. Aller à la rencontre de ses fantômes intérieurs, tenter de         ses bras quittent le règne de l’humain pour se muer en branches par-
                                                                             recomposer un corps, un être disséminé dans l’espace et la durée,          fois levées vers le ciel.
                                                                             c’est frayer une quête initiatique où il s’agit, non de se trouver, mais
                                                                             de se perdre. Afin de disparaître, de se dessaisir, il faut se chercher.   Miroirs, gants, cygnes, anguilles, gravats, longues robes, nudité,
                                                                             L’on est vivant si le miroir reste vide. Les glaces, les psychés           chevelure, sexe, voiles, masque dérobant le visage parsèment la pic-
                                                                             dévoilent moins la psyché qu’elles ne l’avalent. Les miroirs               turalité de ses œuvres de motifs empruntés au bestiaire du surréal-
                                                                             s’avèrent des ogres, des gouffres qui capturent l’imprudent, le            isme. La photographie de 1976 « On Being an Angel » et sa deux-
                                                                             déboussolé. Ils sont d’impossibles fenêtres, des puits de lumière,         ième version réalisé un peu plus tard offre la torsion d’un corps nu
                                                                             des simulacres qui doivent être traversés. Se faisant sœur d’Alice         pris dans une métrique folle, dans une géométrie aux axes qui
                                                                             passant au-delà du miroir, Francesca Woodman le traversera en se           bifurquent tandis que l’on perçoit un parapluie noir à l’arrière-plan.
                                                                             défenestrant, en faisant le saut de l’ange, regagnant la tribu des         Clin d’œil aux associations surréalistes, à Man Ray, dans le sillage
                                                                             séraphins.                                                                 de Lautréamont, de la rencontre d’un parapluie et d’une machine à
                                                                                                                                                        coudre des Chants de Maldoror. Rappelant la Poupée, les proto-
                                                                                                                                                        bondages de Bellmer, le corps ficelé de Francesca Woodman

         Francesca Woodman. From Space2, Providence, Rhode
              Island, 1976 © George and Betty Woodman.

 « Je me sens comme flottant dans le plasma »,
   Francesca Woodman.

 Où, spectateurs, nous situons-nous par rapport à « cette étrange
 géométrie du temps » mise en scène par Francesca Woodman,
 comète de la photographie qui s’est donné la mort à vingt-deux
 ans ? Comment ne pas succomber au leurre de lire son œuvre depuis
 sa mort tragique ? Comment ne pas flécher notre regard depuis son
 saut de l’ange le 19 janvier 1981 ? Après le Moderna Museet de
 Stockholm, le FOAM à Amsterdam, la Fondation Henri Cartier-
 Bresson à Paris, l’exposition On Being an Angel conçue et organ-
 isée par Anna Tellgren terminera son itinérance au Moderna Museet
 de Malmö. Les très belles éditions Xavier Barral proposent à cette
 occasion un magnifique ouvrage Devenir un ange. Francesca
 Woodman a compris très jeune que la géométrie euclidienne ne
 convenait pas aux anges, aux fantômes qui traversent les murs et
 vivent en apesanteur, qu’il lui fallait inventer une autre géométrie,
 celle du zigzag, pour les siens, pour elle en passe de devenir
 angélique. Ses centaines de photographies, la plupart en noir et
 blanc, prises entre 1972 et 1981, entre treize et vingt-deux ans,
 respirent l’urgence du geste photographique conçu comme subver-
 sion de l’autoportrait, comme interrogation des relations entre
 espace, temps et corps. Sa quête inlassable, tourmentée prend la
                                                                                                                                 Francesca Woodman, Self-deceit #1, Rome, Italie, 1968. © George and Betty Woodman.
 forme d’un paradoxe : mettre en scène son corps, ses corps frag-
 mentés, ébréchés en vue de sa dissipation, mettre en œuvre une
 esthétique de la disparition. Celle qui ne se sent pas appartenir de
 plain pied à l’humain, « serait-elle un ange ? » écrit Agnès Sire dans
 la préface. L’exploration d’un devenir angélique, d’une autre               Esthétique de la disparition.
 genèse qui soit une renaissance résonne comme une issue. Très tôt,
 le motif de l’ange obsède Francesca Woodman, sous l’angle d’une             Celle qu’on appelle la « Sylvia Plath de la photographie » se tient        cherche à faire des liens un moyen magique afin de ne pas fuir, de
 expérience métamorphique salutaire pour qui se vit comme                    du coté des sœurs fracassées, des incendiées, Diane Arbus, Clarice         ne se vider. Les jambes emprisonnées par du scotch, les pinces à
 étrangère, inadaptée à la géométrie orthodoxe de l’espace-temps             Lispector, Alejandra Pizarnik, Sarah Kane, Unica Zürn, Anna                linge apposées aux tétons, au nombril, au ventre sont autant de céré-
 (« From Angels series », « From a series on Angels » en 1977,               Kavan, Heather Lewis, Ingeborg Bachmann, Camille Claudel,                  monies qui mettent à l’épreuve le corps, ses limites, qui le forcent à
 « Angels » en 1977-1978).                                                   Marina Tsvétaïeva… S’il n’y a pour l’artiste ni de corps propre,           se sentir, à se recentrer sous l’effet du ligotage, à expérimenter
                                                                             plein, unifié, ni d’espace euclidien, ni de temps linéaire, si a priori    l’ambiguïté d’une contrainte et d’un envol dans le lâcher-prise. Les
                                                                             rien n’est donné comme complet, stable, fondé, il faut créer ce qui        vitres plaquées contre la chair, les cages de verre où se lover rem-
 Marquée par l’Italie où ses parents artistes avaient une résidence à        manque, suppléer au chaos, reconstruire à partir des ruines. Le désir      pliront cette même fonction bifide : contenir l’écoulement au-
 Antella, près de Florence, elle devait avoir appris de La Divine            d’être se confond avec le désir de ne plus être, ou, moins radicale-       dehors, viser un possible rassemblement et voyager dans d’autres
 comédie de Dante que les morts n’ont pas d’ombre. Comme les                 ment, avec le désir de n’être plus que mur, arbre, spectre aérien,         dimensions psychiques. Les images s’avancent comme des tenta-
 enfants, elle savait que les défunts n’apparaissent pas dans les            créature volatile. Dans des compositions à la grammaire et aux             tives de dialogue avec un soi qui est étranger, autre, perdu, émietté.
 miroirs. C’est pourquoi elle plaçait le miroir en pièce centrale de         motifs récurrents proches du surréalisme, son espace mental, ses           Le soi, le corps n’est que délabrement à l’instar des intérieurs aban-
 ses dispositifs afin de voir si elle n’était pas morte. Produire des        troubles et tourments se voient prolongés par des espaces abandon-         donnés, vétustes, décatis où il élit domicile. Les fissures, les
 milliers d’images pour ne pas mourir, pour jouer à cache-cache              nés, des lieux vétustes. Au plus loin du monde moderne, des                ébréchures, les poussières, le délabrement des lieux sont le miroir
 avec un soi incertain, en pointillé, diffracté, pour aiguiser un espace     mythologies contemporaines du verre et de l’acier, les décors évo-         de ceux du corps exposé. Une même énergie, un analogon traverse
 jusqu’à son dépeuplement. Au rebours de tout narcissisme, l’explo-          quent un monde tout à la fois onirique, surréaliste et symboliste à la     les maisons désertées et le corps de F. W. en déshérence, désappro-
 ration introspective que l’artiste mène s’aventure dans les parages         lisière de l’ancien (vieilles bâtisses victoriennes…) et de l’intem-       prié, tous deux logés sous l’enseigne du désaccordé. Les lieux
 du Corps sans organes. Au plus loin d’une distance théorique, les           porel. Cristallisé en images photographiques qui agissent comme            intérieurs comme les lieux extérieurs, jardins, bois, plages sont
 questions métaphysiques qui la taraudent sont viscérales,                   des doubles, comme des images « pharmakon », à la fois remède et           désertés par toute présence humaine, laissés à l’abandon. C’est dans
 physiques, vitales. Comment inscrire une portion d’espace corporel          poison, le territoire psychique de l’artiste se traduit par l’introduc-    ces espaces vacants, oubliés de tous, promis à la ruine que le corps
 dans l’espace terrestre, cosmique ? Comment se raccordent des               tion du flou, du bougé qui brouille la représentation et induit un         de ruines, en ruines, fracturé peut jouer avec ses doubles, ses échos
 espaces hétérogènes, dissonants non seulement en leurs rapports             mouvement, un effet cinétique dans la photographie. Touchant               plastiques. Le double abandon qui frappe contenant et contenu,
 mais en eux-mêmes ? Comment s’emboîtent-ils, s’épousent-ils ?               sélectivement le corps humain et non le décor qui abrite ce dernier,       espace et corps jusqu’à leur indistinction procure aux œuvres de
 Comment vivre son corps, dans son corps-esprit, avec lui quand on           le flou témoigne de l’érosion des frontières entre le sujet et l’objet,    Francesca Woodman cette prodigieuse patine de silence. Appar-
 a pris conscience que le miroir n’est que leurre, que l’image est           l’intérieur et l’extérieur, de l’évanescence des formes. Il fait signe     tenant à la tribu des anges, Francesca Woodman n’ignorait pas qu’il
 tromperie comme le montre la série « Self-deceit » (« Auto-                 vers l’esthétique de la disparition, d’un évanouissement qui frappe à      n’y a pas de propagation du son dans l’espace, qu’en apesanteur, les
 leurre ») ? Dans cette série de sept photographies de petit format,         nouveau le seul « sujet » impersonnel F. W. et non son environ-            ondes acoustiques ne se diffusent guère. Dans les torsions d’un
 dans un intérieur abandonné, décrépit, une femme nue joue comme             nement. Dans les séries « House », « From Space », « Polka Dots »,         buste souvent renversé, retourné, détourné de ses usages, on
 un chat avec un miroir cassé. Sur une photographie, la femme                l’artiste se dématérialise, entre dans un processus d’évaporation,         aperçoit parfois une bouche entrouverte, barrée par des cris noirs ou
 rampe, observant son reflet. Sur d’autres de la série, une voix lui         disparaît derrière une tapisserie, se fond dans un mur, se confond         par une spirale métallique de rideau, aussi bien écarteur buccal
 souffle de se cacher, de se soustraire à l’emprise du miroir. La ruse       avec la cheminée. Davantage qu’à sa métamorphose en une créature           improvisé qu’accessoire d’une séance de spiritisme (« Self-portrait
 est de mise : pour n’être dévorée, il faut se tenir à côté des griffes du   passe-muraille, on assiste à son devenir inanimé, pierre, minéral,         talking to Vince »).
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