AMNESTY INTERNATIONALÉFAI

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AMNESTY INTERNATIONALÉFAI
AMNESTY
             INTERNATIONALÉFAI
Index AI : AFR 05/001/01

                                                                  DOCUMENT PUBLIC
                                                                  Londres, avril 2001

                                                                   Embargo : 11 avril
      vous, vous parlez trop » Les                                      2001

     défenseurs des droits humains
               attaqués
               *
RésuméAFRIQUE DE L’OUEST« Gare à
Si les gouvernements d’Afrique de l’Ouest appliquaient les garanties relatives
aux droits élémentaires de l’être humain avec autant de détermination et
d’inventivité qu’ils le font pour réduire au silence les défenseurs des droits
humains, ce rapport n’aurait pas lieu d’être.

Les défenseurs des droits humains sont un élément fondamental de la société
civile et du mouvement de défense des droits humains dans chaque pays
d’Afrique de l’Ouest. Malheureusement, bien des gouvernements de cette région
ont choisi de harceler, d’intimider ou de réduire au silence ces défenseurs, qui
sont à présent victimes des violations qu’ils dénoncent. La communauté des
défenseurs des droits humains en Afrique de l’Ouest est à la fois forte,
engagée et portée à s’exprimer sans détour. Or, Amnesty International reçoit
régulièrement des informations indiquant que les membres de cette
communauté sont menacés et parfois même tués, qu’ils sont torturés et
maltraités, arrêtés et détenus sans motif valable. Ou encore que leur vie est
détruite et leurs moyens de subsistance anéantis.

     La version originale en langue anglaise du document résumé ici a été publiée par Amnesty
*

International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni, sous le
titre WEST AFRICA. “Be careful, you talk too much” – human rights defenders under attack. Seule la
version anglaise fait foi. La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et
au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI - avril
2001.
Vous trouverez les documents en français sur LotusNotes, rubrique ÉFAI – IS documents.
Vous pouvez également consulter le site Internet des ÉFAI : www.efai.org
AMNESTY INTERNATIONALÉFAI
TITRE. Sous-titre                        February j, aaaa      XXX 00/00/99 - ÉFAI -

Le présent rapport, parmi tous ceux publiés par Amnesty International pour
venir en aide aux défenseurs des droits humains dans le monde, expose
l'éventail des méthodes de répression qu'utilisent les gouvernements d’Afrique
de l’Ouest pour punir ces hommes et ces femmes ou les dissuader d'agir.
« Escadrons de la mort », groupes armés, possibilités d’emploi anéanties,
longues détentions, réputations salies par des médisances et des articles de
presse dévastateurs : les gouvernements ont recours à toutes ces méthodes
pour atteindre leurs cibles. Les cas rapportés ici sont loin d’être exhaustifs et
portent essentiellement sur les personnes qui ont été harcelées, arrêtées,
agressées, torturées ou tuées parce qu’elles défendaient les droits humains. Ils
n’illustrent que certaines des violences subies par les défenseurs et montrent
les effets que produisent le danger ou le harcèlement sur la vie de ces
personnes et de leur famille.

Les cas dont le présent rapport établit l’existence sont regroupés par thèmes
afin de montrer les risques et dangers que courent les défenseurs des droits
humains. La situation inextricable des journalistes qui tentent de dénoncer la
situation est traitée séparément. Certaines de ces affaires sont déjà connues de
la communauté internationale. D’autres restent ignorées, même dans le pays où
elles se sont produites. Amnesty International salue le courage et l’engagement
des milliers d’hommes et de femmes qui, dans la région, ont relevé la tête pour
défendre leurs droits et ceux des autres, mais dont le nom, pas plus que ce
qu’ils ont accompli, n’a pu être précisé ici faute d’information ou de place.

En entravant l’action des organisations de défense des droits humains, les
gouvernements les empêchent de dénoncer les violations : dès lors, puisque
ces agissements ne sont ni dénoncés ni contrecarrés, plus grave encore est le
risque de les voir se poursuivre et s’aggraver. C’est pourquoi les défenseurs
des droits humains doivent eux aussi être protégés. Les organisations de
défense des droits humains qui sont à la pointe du combat, entre autres
Amnesty International, font campagne depuis plus de dix ans pour que soit
adopté un texte international dans lequel serait inscrit le droit de défendre les
droits humains.

Le 9 décembre 1998, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la
Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, qui marque un tournant
historique dans la protection accordée par les textes internationaux à tous ceux
qui œuvrent en faveur des droits humains. La Déclaration insiste sur
l’universalité et l’indivisibilité de tous les droits humains. Elle précise que les
États doivent promouvoir la compréhension des droits, mettre en place ou
appuyer des institutions nationales indépendantes chargées de surveiller
l’application de ces droits, concevoir des programmes d’éducation aux droits
humains afin que les citoyens sachent exercer leurs droits, et former les
fonctionnaires.

Amnesty International appelle les gouvernements, la communauté internationale
et les défenseurs des droits humains où qu’ils soient dans le monde à soutenir
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TITRE. Sous-titre                       February j, aaaa     XXX 00/00/99 - ÉFAI -

et à protéger les défenseurs d’Afrique de l’Ouest. Le présent rapport
recommande en particulier aux gouvernements d’Afrique de l’Ouest d’une part
d’accorder aux défenseurs des droits humains – qu’il s’agisse de particuliers ou
d’organisations non gouvernementales (ONG) – les garanties indispensables
pour promouvoir et défendre les droits humains, d’autre part de respecter la
sécurité personnelle et la liberté de leurs membres.
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AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains           AFR 05/001/01 - ÉFAI -

AMNESTY INTERNATIONAL                                ÉFAI
Index AI : AFR 05/001/01

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                                                     Embargo : 11 avril
      vous, vous parlez trop » Les                        2001

     défenseurs des droits humains
               attaqués
     AFRIQUE DE L’OUEST« Gare à
                                        SOMMAIRE

Carte de l’Afrique de l’Ouest                                                    3

Introduction                                                                     3

1. La protection internationale accordée aux défenseurs                          5
des droits humains
2. La défense des droits humains en Afrique de l’Ouest          7

3. L’action d’Amnesty International en faveur des 9défenseurs des
droits humains en Afrique

4. Risquer sa vie pour défendre les droits humains                              10

   Burkina Faso                                                                10
   Sierra Leone                                                                12
   Gambie                                                                       14
   Cameroun                                                                     15
   Libéria                                                                      16

5. Les défenseurs des droits humains victimes                17de   torture et
d'autres formes de mauvais traitements
   Togo                                                                        18
   Libéria                                                                     20
   Sénégal                                                                     21

6. L'appareil judiciaire transformé en instrument de
                                                21répression

   Mauritanie                                                                  22
   Libéria                                                                     23
   Burkina Faso                                                                26
   Togo                                                                        27

7. Harcèlement continuel par les forces de l’ordre                             28

   Nigéria                                                                     29
   Sénégal                                                                     30
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains      AFR 05/001/01 - ÉFAI -

   Libéria                                                                30

8. Des campagnes de diffamation délibérées                                31

   Mauritanie                                                             32
   Libéria                                                                32

9. Journalistes indépendants pris pour cibles                             32

   Une législation qui restreint la liberté d’expression                  33
   Mesures de répression contre les médias indépendants                   34
   Journalistes persécutés                                                35
   Une rencontre internationale interdite                                 37

10. Recommandations pour la protection              37des   défenseurs
des droits humains en Afrique de l’Ouest
   Aux gouvernements d’Afrique de l’Ouest                              38
   À la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest 40
   À l’Organisation de l’unité africaine, et plus particulièrement 40à la
   Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
Annexe 1                                                                  42

   Déclaration de Johannesburg – Conférence panafricaine des
   défenseurs des droits humains organisée à Johannesburg
   (Afrique du Sud), en novembre 1998
Annexe 2                                                                  44

   Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes
   et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de
   l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains              AFR 05/001/01 - ÉFAI -

Carte de l’Afrique de l’Ouest
Si les gouvernements d’Afrique de l’Ouest appliquaient les garanties relatives
Introduction
aux droits élémentaires de l’être humain avec autant de détermination et
d’inventivité qu’ils le font pour réduire au silence les défenseurs des droits
humains, ce rapport n’aurait pas lieu d’être.
Tous ceux qui luttent pacifiquement pour que se réalisent les droits inscrits
dans la Déclaration universelle des droits de l’homme sont des défenseurs des
droits humains. Certains font partie d’organisations de défense des droits
humains, de mouvements étudiants ou de jeunesse, d’associations religieuses,
féminines ou tournées vers le développement. D’autres sont avocats,
journalistes, universitaires, enseignants, étudiants, chômeurs ou encore paysans
dans des régions pauvres et reculées. Les défenseurs des droits humains en
Afrique sont à l’avant-garde de la lutte pour le respect des droits. Ils se font
l’écho des Africains et en particulier des victimes et de leur famille. Ils ne se
contentent pas de critiquer les autorités qui bafouent les droits de l’individu, ils
cherchent à promouvoir les droits humains, la démocratie et la primauté du droit
en faisant connaître les textes applicables et en faisant pression à la fois sur
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains                                 AFR 05/001/01 - ÉFAI -

les autorités gouvernementales et sur les organismes internationaux et
régionaux. Ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour atteindre la base de la
société africaine. Ils sont parfois à l’origine de la formulation des politiques
nationales et régionales visant à promouvoir et à défendre les droits humains, la
démocratie et la primauté du droit.
Ces hommes et ces femmes défendent un large éventail de droits, qu’il
s’agisse des droits civils et politiques ou des droits sociaux, économiques et
culturels. Leurs domaines : l’oppression raciale et ethnique, les droits des
femmes et des enfants, l’incarcération pour des motifs politiques, la torture, la
peine de mort, les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur de leur
propre pays, la liberté de religion, l’esclavage, les problèmes liés à la langue et
à la culture, la discrimination sexuelle, l’environnement, les minorités, les droits
des travailleurs, le droit de disposer de nourriture, d’eau et d’un abri, la santé
(et les problèmes liés au sida), la liberté de la presse et artistique, les droits
des peuples indigènes, les pratiques traditionnelles dangereuses (les mutilations
génitales féminines, par exemple), les droits des travailleurs migrants, le droit
d’observer le déroulement des élections et d’autres droits démocratiques, la
corruption, les questions liées à l’aide internationale et à l’allègement de la
dette.
Les défenseurs des droits humains sont un élément fondamental de la société
civile et du mouvement de défense des droits humains dans chaque pays
d’Afrique de l’Ouest. Malheureusement, bien des gouvernements de cette région
ont choisi de harceler, d’intimider ou de réduire au silence ces défenseurs, qui
sont à présent victimes des violations qu’ils dénoncent. La communauté des
défenseurs des droits humains en Afrique de l’Ouest est à la fois forte,
engagée et portée à s’exprimer sans détour. Or, Amnesty International reçoit
régulièrement des informations indiquant que les membres de cette
communauté sont menacés et parfois même tués, qu’ils sont torturés et
maltraités, arrêtés et détenus sans motif valable. Ou encore que leur vie est
détruite et leurs moyens de subsistance anéantis.
Les 16 États d’Afrique occidentale subsaharienne1 s’étendent de la Mauritanie,
sur la côte atlantique, au Cameroun. Au nord se trouve le Maghreb (les États
arabes d’Afrique du Nord). Ces 16 États sont extrêmement différents en termes
de superficie, de population et de revenu par habitant, mais ils font, pour la
plupart, partie des pays les moins développés du monde. Leurs systèmes
politiques sont fort différents et, si tous ont adopté le principe de la démocratie
multipartite, ils respectent à des degrés très divers la liberté politique et les
droits humains. Ils se sont dans l’ensemble affranchis du colonialisme depuis
les années 60, à l’exception du Libéria, république indépendante depuis 1847,
et du Ghana, qui obtint son indépendance en 1957. Ils ont connu les étapes du
parti unique et du multipartisme, de la dictature et des régimes militaires. Quant
à l’héritage colonial français, britannique ou portugais, il n’a pas disparu. La
plupart de ces pays sont composés de très nombreux groupes ethniques et
raciaux (migrants de fraîche date ou communautés nationales fort anciennes),
de religions (notamment l’islam et le christianisme), de cultures et de langues
diverses.

1
 .    Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali,
Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone et Togo.
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains          AFR 05/001/01 - ÉFAI -

Le présent rapport, parmi tous ceux publiés par Amnesty International pour
venir en aide aux défenseurs des droits humains dans le monde, expose
l'éventail des méthodes de répression qu'utilisent les gouvernements d’Afrique
de l’Ouest pour
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains                                      AFR 05/001/01 - ÉFAI -

punir ces hommes et ces femmes ou les dissuader d'agir. « Escadrons de la
mort », groupes armés, possibilités d’emploi anéanties, longues détentions,
réputations salies par des médisances et des articles de presse dévastateurs :
les gouvernements ont recours à toutes ces méthodes pour atteindre leurs
cibles. Les cas rapportés ici sont loin d’être exhaustifs et portent
essentiellement sur les personnes qui ont été harcelées, arrêtées, agressées,
torturées ou tuées parce qu’elles défendaient les droits humains. Ils n’illustrent
que certaines des violences subies par les défenseurs et montrent les effets
que produisent le danger ou le harcèlement sur la vie de ces personnes et de
leur famille. Dans ce rapport, Amnesty International appelle les gouvernements,
la communauté internationale et les défenseurs des droits humains où qu’ils
soient dans le monde à soutenir et à protéger les défenseurs d’Afrique de
l’Ouest.

des
1. Ladroits humains
      protection internationale accordée aux défenseurs
« Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres, de
promouvoir la protection et la réalisation des droits de l'homme et des libertés
fondamentales aux niveaux national et international. »
Article premier de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des
droits de l’homme2.
Face aux persécutions et à l’oppression, quand les droits humains sont bafoués
ou la dignité humaine menacée, quand des minorités harcelées ou des
populations opprimées sont en danger, les défenseurs des droits humains
s’efforcent d’agir et d’obliger les autorités à rendre des comptes. Ce faisant, ils
mettent leur liberté et leur vie en jeu. Leur sécurité est alors en danger.
Quand ils persécutent des défenseurs des droits humains, les gouvernements
violent les droits élémentaires que sont le droit à la liberté d’expression,
d’opinion et de rassemblement, le droit à un procès équitable, le droit de ne
pas être soumis à une arrestation arbitraire, maltraité ou torturé, et le droit à la
vie. Tous ces droits sont inscrits dans les traités et déclarations des Nations
unies ainsi que dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
En entravant l’action des organisations de défense des droits humains, les
gouvernements les empêchent de dénoncer les violations : dès lors, puisque
ces agissements ne sont ni dénoncés ni contrecarrés, plus grave encore est le
risque de les voir se poursuivre et s’aggraver. C’est pourquoi les défenseurs
des droits humains doivent eux aussi être protégés.
Les organisations de défense des droits humains qui sont à la pointe du
combat, entre autres Amnesty International, font campagne depuis plus de dix
ans pour que soit adopté un texte international dans lequel serait inscrit le droit
de défendre les droits humains.

2
  .   Dont le titre complet est le suivant : Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et
organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales
universellement reconnus. Résolution de l'Assemblée générale 53/144, 9 décembre 1998. Voir le texte intégral à
l’annexe 2.
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains                AFR 05/001/01 - ÉFAI -

Le 9 décembre 1998, à la veille du 50e anniversaire de la Déclaration
universelle des droits de l’homme, l’Assemblée générale des Nations unies a
adopté la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, qui marque
un tournant historique dans la protection accordée par les textes internationaux
à tous ceux qui œuvrent en faveur des droits humains. Ce document a pour
titre complet : Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes
et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les
libertés fondamentales universellement reconnus.
Si la Déclaration appelle les gouvernements à admettre et à protéger les
activités pacifiques des défenseurs des droits humains, elle va même au-delà
en demandant à la société civile d’intervenir. Une intervention qui se révèle
particulièrement nécessaire si l’on considère les limitations et les attaques que
les gouvernements imposent, dans le monde entier, aux défenseurs des droits
humains.
La Déclaration ne donne pas une définition étroite des défenseurs des droits
humains mais elle reconnaît que « les individus, groupes et associations ont le
droit et la responsabilité de promouvoir le respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales et de les faire connaître aux niveaux national et
international ». Insistant sur le caractère universel et indivisible de tous les
droits humains, elle souligne le droit d’association et la liberté d’opinion, le droit
d’avoir accès à l’information et de la partager, le droit de critiquer la conduite
des affaires publiques et de se plaindre aux gouvernements, la nécessité
d’enquêter sur les atteintes et d’y apporter réparation et le droit d’entrer en
communication avec des organisations internationales. Elle affirme que les États
doivent promouvoir la connaissance des droits humains, mettre en place ou
soutenir des institutions nationales indépendantes chargées de surveiller
l’application de ces droits, concevoir des programmes d’éducation aux droits
humains afin que les citoyens sachent exercer leurs droits, et former les
fonctionnaires.
Selon l’article 12.1 de la Déclaration : « Chacun a le droit, individuellement ou
en association avec d'autres, de participer à des activités pacifiques pour lutter
contre les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
L’article 12.2 souligne le devoir des États de protéger les défenseurs des droits
humains : « L'État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les
autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en
association avec d'autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination
de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de
l'exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration. »
Un représentant spécial du secrétaire général des Nations unies sur la situation
des défenseurs des droits de l’homme a été nommé en août 2000. Le mandat
de Hina Jilani, avocate pakistanaise renommée qui défend les droits humains,
consiste à :
a) solliciter, recevoir, examiner les informations concernant la situation et les
droits de toute personne, et intervenir, seul ou avec d'autres, pour promouvoir
et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales ;
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains                            AFR 05/001/01 - ÉFAI -

b) instituer une coopération et entretenir un dialogue avec les gouvernements et
d'autres acteurs intéressés s'agissant de la promotion et de la mise en œuvre
effectives de la Déclaration ;
c) recommander des stratégies efficaces pour mieux protéger les défenseurs
des droits de l'homme et donner suite à ces recommandations3.
Amnesty International s’était associée à d’autres ONG d’Amérique latine pour
obtenir de l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains une
résolution de soutien aux défenseurs des droits humains. Cette association avait
été un succès. La résolution constitue une avancée importante et un
encouragement des militants qui souhaitent voir se concrétiser les promesses
de liberté et de justice. Amnesty International s’efforcera de travailler avec des
ONG africaines pour obtenir un soutien identique de l’Organisation de l’unité
africaine (OUA), de la Commission africaine des droits de l’homme et des
peuples et d’organismes régionaux tels que la Communauté économique des
États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

2.
CesLa défense
    dernières    des les
              années, droits  humains
                         défenseurs      en Afrique
                                    des droits             l’Ouest
                                                       de été
                                               humains ont    confrontés à
des risques et à des persécutions dans toute l’Afrique de l’Ouest. Dans certains
pays, ils ont fait face à des dangers considérables : certains ont été tués ou
torturés, ou encore contraints à l’exil ou au silence. Les défenseurs des droits
humains sont la cible d’une répression flagrante ou à peine déguisée. Si, dans
un petit nombre de pays, ils jouissent d’une grande liberté pour promouvoir les
droits humains sans être confrontés à des dangers aussi graves, il n’en reste
pas moins que certaines organisations ou certains militants ont parfois été en
butte à des mesures d’intimidation ou victimes de représailles en raison de
leurs activités en faveur des droits humains.
Le travail des défenseurs des droits humains a incontestablement donné des
résultats. Au fil des années, en Afrique de l’Ouest, ils ont participé à des
campagnes de sensibilisation de l’opinion publique et à des débats nationaux
dans le cadre du processus de démocratisation. Ils ont également contribué
d’une manière importante à la consolidation de la démocratie et de l’État de
droit dans la région. Il incombe aux gouvernements ouest-africains de
reconnaître et de soutenir le travail des défenseurs des droits humains, ainsi
que leur contribution essentielle à la promotion, au respect et à la protection
des libertés fondamentales.
En Sierra Leone, les défenseurs des droits humains militent dans des
conditions extrêmement difficiles depuis le début du conflit armé interne, voilà
dix ans. Celui-ci a été marqué par de graves atteintes aux droits humains et
par des violations du droit international humanitaire, notamment des crimes
contre l’humanité et des crimes de guerre. Les civils subissent les
conséquences de ce conflit, et les défenseurs des droits humains figurent parmi
les personnes prises pour cible. Alors que les efforts pour mettre fin au conflit
se poursuivent, les défenseurs des droits humains ont un rôle crucial à jouer
afin de veiller à la protection et au respect des droits humains.

3
 .   Commission des droits de l'homme des Nations unies. Résolution 2000/61. Document ONU
E/CN.4/RES/2000/61 du 27 avril 2000.
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains             AFR 05/001/01 - ÉFAI -

En Mauritanie, des personnes qui s’occupaient du problème des violations des
droits humains ont été persécutées et arrêtées. Au Nigéria, les militants des
droits humains, qui étaient auparavant incarcérés par les gouvernements
militaires, travaillent aujourd’hui sous le nouveau régime civil pour développer
une culture des droits humains, mais ils continuent à s’exprimer lorsque ces
droits sont menacés, par exemple lorsqu’il semble que des soldats ou des
policiers aient tué des civils non armés dans la région pétrolière du delta du
Niger.
Au Togo, des membres d’organisations de défense des droits humains ont été
arrêtés arbitrairement, et certains d’entre eux torturés et contraints à l’exil.
D’autres défenseurs des droits humains, dont des syndicalistes, ont été tués
ces trois dernières années. Au Niger, des journalistes indépendants, qui jouent
un rôle fondamental dans la défense des droits humains, ont été appréhendés,
de même que d’autres défenseurs. Certains ont été battus alors qu’ils avaient
simplement exercé leur droit à la liberté d’expression et dénoncé des atteintes
aux droits humains. Au Libéria, des journalistes et des défenseurs des droits
humains ont été appréhendés, agressés, menacés et contraints par les autorités
à quitter le pays.
Les cas décrits dans ce rapport sont regroupés selon plusieurs thèmes qui
mettent en lumière les dangers auxquels font face les défenseurs des droits
humains. Un chapitre spécial est consacré à la situation difficile des journalistes
qui tentent de dénoncer les atteintes aux droits humains et de défendre les
droits humains. Certains cas ont déjà été évoqués, mais d’autres sont peu
connus, même dans le pays où ils se sont produits. Même si leurs noms et
leurs actions n’ont pas été indiqués ici, par manque d’informations ou faute de
place, Amnesty International reconnaît le travail courageux et dévoué des
milliers de femmes et d’hommes de la région qui ont décidé de lutter pour
défendre leurs propres droits et ceux des autres.
L’organisation est consciente du fait que ce rapport n’est pas assez approfondi
pour réduire « l’invisibilité » du travail de certains défenseurs des droits
humains. En Afrique de l’Ouest, l’action des femmes qui défendent les droits
humains ne retient guère l’attention de l’opinion publique. Ces femmes
défendent les droits dans un contexte de discrimination sociale généralisée et,
souvent, de violations des droits humains spécifiquement dirigées contre les
femmes. Il reste de nombreux obstacles à surmonter avant que les femmes
obtiennent davantage de droits et parviennent à une égalité de droits par
rapport aux hommes, et l’on constate peu d’avancées dans ce qui permettrait
de garantir leur participation au processus décisionnel au sein des
gouvernements et des organisations politiques, dans le monde du travail et
dans le milieu familial.
Des femmes ont créé des ONG afin d’attirer l’attention sur les questions liées
aux droits spécifiques des femmes, notamment sur les pratiques traditionnelles
nuisibles telles que les mutilations génitales féminines, qui subsistent dans
nombre de sociétés ouest-africaines malgré l’interdiction édictée par les
autorités. Des femmes ont joué un rôle important en militant en faveur de la
paix ou en conseillant des victimes de viols ou de violences familiales. Elles
sont nombreuses à avoir défendu les droits de groupes vulnérables et à avoir
participé à des campagnes de lutte contre le racisme, l’esclavage, la
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains                                        AFR 05/001/01 - ÉFAI -

xénophobie et d’autres formes d’intolérance.

3. L’action d’Amnesty
défenseurs   des droits International
                        humains en Afrique
                                      en faveur des
Amnesty International s’est engagée à utiliser ses ressources, son expérience et
ses compétences pour faire campagne afin que ceux qui défendent les droits
humains soient en mesure de le faire pleinement et ouvertement, sans craindre
d’être incarcérés, harcelés, torturés ou tués. Voilà de nombreuses années
qu’Amnesty International dénonce les attaques menées contre le travail et la vie
des défenseurs des droits humains en Afrique, en Amérique latine4, en Asie5 et
dans d’autres régions du monde. Par la pression, la recherche et l’action,
l’organisation s’est mise au service des hommes et des femmes qui risquent
leur vie pour défendre les droits des autres.
En 1998, dans le cadre d’une campagne internationale célébrant le
cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme
(DUDH), Amnesty International a organisé des ateliers et des conférences dans
toutes les régions du monde pour sensibiliser la population au travail des
défenseurs des droits humains. Des ateliers régionaux rassemblant des
défenseurs africains des droits humains ont eu lieu au Zimbabwe, au Maroc, en
Côte d’Ivoire et en Tanzanie.
En juillet 1998, au cours d’un atelier organisé par Amnesty International à
Bingerville, en Côte d’Ivoire, 39 défenseurs des droits humains venant de
13 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ont évoqué les dangers
auxquels ils font face quotidiennement : les homicides, les menaces de mort,
les actes de torture, les arrestations, les dénonciations, les attaques contre les
bureaux, les restrictions de mouvement dans leur pays et à l’étranger, la
surveillance permanente par les forces de sécurité et les groupes paramilitaires,
ainsi que la non-reconnaissance, par certains gouvernements, d’ONG de
défense des droits humains.
Ces activités ont atteint leur point culminant avec la Conférence panafricainedes
défenseurs des droits humains, qui s’est déroulée à Johannesburg (Afrique du
Sud) en novembre 1998. Elle a réuni des défenseurs des droits humains de
toute l’Afrique et a permis de faire le lien entre leur travail et celui d’Amnesty
International. Une déclaration (voir l’annexe 1) et un plan d’action ont été
adoptés lors de la conférence. Ils ont ensuite été repris aux États généraux des
défenseurs des droits humains, qui ont réuni 350 défenseurs de 100 pays à
Paris (France), le 10 décembre 1998, à l’occasion du cinquantième
anniversaire de la DUDH. Ces deux documents essentiels continuent de servir
de cadre de référence au travail mené par les défenseurs des droits humains
en Afrique, de même qu’à l’action d’Amnesty International.
Plusieurs rapports publiés par l’organisation ces dernières années rendent
compte de la situation difficile des défenseurs des droits humains en Afrique de
l’Ouest, en particulier en Mauritanie, au Niger, au Nigéria, en Sierra Leone et
au Togo, pour ne citer que quelques pays. Grâce à ses Actions urgentes et à
4
  .     Voir le rapport d’Amnesty International intitulé Amériques. Le droit de défendre les droits humains
(22 septembre 2000, index AI : AMR 01/004/00).
5
  .     Voir le rapport d’Amnesty International intitulé India: persecuted for challenging injustice: human rights
defenders in India [Inde. Les défenseurs des droits humains sont persécutés en raison de leur lutte contre
l’injustice] (avril 2000, index AI : ASA 20/008/00).
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains             AFR 05/001/01 - ÉFAI -

                    ses communiqués de presse et par l’intermédiaire de ses membres, Amnesty
                    International a attiré l’attention de l’opinion publique, dans le monde entier, sur
                    les homicides, les actes de torture et le harcèlement général dont sont victimes
                    les défenseurs des droits humains, entre autres au Burkina Faso, au
                    Cameroun et au Sénégal. L’organisation développe également la recherche et
                    l’action pour soutenir et protéger les défenseurs des droits humains dans tous
                    les autres pays d’Afrique.

                    4. Risquer
                    « Tout individusa
                                    a vie
                                      droit pour   défendre
                                            à la vie,            les
                                                      à la liberté et droits  humains
                                                                      à la sûreté de sa personne. »
                    Déclaration universelle des droits de l'homme, article 3.
                    « La personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de
                    sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé
                    arbitrairement de ce droit. »
                    Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, article 4.
                    Comme le montre ce chapitre, militer pour les droits humains signifie, dans
                    plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, vivre en permanence avec une
                    menace : celle d’être victime de violences ou de voir ses proches en être la
                    cible. Au Burkina Faso, au Cameroun et au Libéria, par exemple, des
                    membres des forces de sécurité ou de groupes armés ont déclaré à des
                    défenseurs des droits humains que leurs « jours [étaient] comptés ». Souvent,
                    le simple fait de répondre au téléphone les expose à entendre un message leur
                    indiquant qu’ils parlent trop et qu’on les « fera taire ». La responsabilité des
                    homicides approuvés par l’État est souvent attribuée à des groupes inconnus ou
                    incontrôlables.

                    Burkina      : l’exécution
                            Fasocontinuel
                    harcèlement            des extrajudiciaire
                                               défenseurs desdedroits
                                                                Norbert Zongo et le
                                                                      humains
                    Le 13 décembre 1998, les corps carbonisés de Norbert Zongo et de trois autres
                    personnes ont été retrouvés dans un véhicule à une centaine de kilomètres de
                    la capitale, Ouagadougou. Les autres victimes étaient son frère Ernest Zongo,
                    son chauffeur Ablassé Nikiéma, ainsi que Blaise Ilboudo. Rien n’indiquait que le
                                         véhicule avait eu un accident.
                                           Journaliste d’investigation connu, Norbert Zongo enquêtait
                                           avec détermination sur la mort en détention de R. David
                                           Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, lui-même
                                           frère du président Blaise Compaoré. Les enquêtes
                                           ouvertes étaient gênées par le refus du frère du chef de
                                           l’État de coopérer avec les autorités judiciaires.
                                           Norbert Zongo était connu pour critiquer ouvertement le
                                           gouvernement burkinabè ; il était également reconnu et
                                           respecté pour son indépendance. Directeur de publication
                                           de l’hebdomadaire L’Indépendant, il était aussi président
Norbert Zongo, Burkina                     de la Société des éditeurs de la presse privée.
Faso © AI
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains            AFR 05/001/01 - ÉFAI -

Le 7 mai 1999, une commission d’enquête indépendante mise en place par le
gouvernement a rendu publiques ses conclusions selon lesquelles Norbert
Zongo avait été tué pour des raisons politiques. La commission a désigné six
suspects, membres du Régiment de la sécurité présidentielle, et a recommandé
que des poursuites judiciaires soient engagées contre ces derniers. Trois
membres du Régiment de sécurité présidentielle soupçonnés d’avoir tué Norbert
Zongo, mais également accusés du meurtre de David Ouédraogo, ont été
interpellés en juin 1999.
En août 2000, cinq membres du Régiment de la sécurité présidentielle ont été
jugés par le tribunal militaire de Ouagadougou. Ils étaient accusés de coups
mortels et de blessures volontaires dans l’affaire David Ouédraogo. Trois des
accusés ont été reconnus coupables – deux se sont vu condamner à vingt ans
de réclusion et un à dix ans d’emprisonnement –, tandis que les deux autres
ont été acquittés. Les trois condamnés et l’un des acquittés figuraient parmi les
six personnes soupçonnées d’avoir tué Norbert Zongo, qui avaient été
désignées par la commission d’enquête indépendante. L’un des suspects est
mort en prison le 4 janvier 2001 : un témoin qui aurait pu être essentiel lors du
procès a ainsi disparu. En février, l’un des autres suspects a été accusé
d’assassinat et d’incendie volontaire dans l’affaire Norbert Zongo.
Plus de deux ans après la mort de Norbert Zongo et de ses compagnons,
Amnesty International considère que cette inculpation représente un premier pas
important pour mettre fin à l’impunité dont jouissent les responsables présumés
de ces homicides. L’organisation demande de nouveau que les autorités
judiciaires puissent s'acquitter de leur tâche en toute indépendance et œuvrer
afin que toutes les personnes impliquées soient jugées équitablement dans les
plus brefs délais.
À la suite du meurtre de Norbert Zongo et de ses trois compagnons, le Collectif
d’organisations démocratiques de masse et de partis politiques – une coalition
de mouvements politiques, d'organisations de défense des droits humains, de
syndicats, d’associations de journalistes et d'étudiants – a été formé en vue de
demander que les responsables présumés soient traduits en justice et de faire
campagne pour mettre un terme, d’une manière plus générale, à l’impunité dont
bénéficient les auteurs de violations des droits humains au Burkina Faso. Dans
un contexte permanent de harcèlement et d’intimidation, plusieurs membres du
Collectif et d’autres défenseurs des droits humains ont été intimidés, arrêtés et
maltraités en détention.
Des membres du Mouvement burkinabè des droits de l'homme et des peuples
(MBDHP), une organisation de défense des droits humains, se sont retrouvés
en grand danger face aux forces de sécurité et aux groupes armés. Dans tout
le pays, des bureaux locaux du MBDHP ont été cernés et surveillés par des
membres des forces de sécurité. Ce climat de peur a été alimenté par des
messages personnels de haine qui ont pris la forme de tracts ou de graffitis.
Le 10 mai 1999, le domicile de Halidou Ouédraogo, président du MBDHP et du
Collectif, a été encerclé par un groupe d’une centaine de personnes au moins,
qui l’ont menacé et insulté à l’instigation, semble-t-il, du maire de
Ouagadougou, alors secrétaire général du Congrès pour la démocratie et le
progrès (CDP), le parti au pouvoir. Malgré la proximité du poste de police, il
AFRIQUE DE L’OUEST. Défenseurs des droits humains                            AFR 05/001/01 - ÉFAI -

aurait fallu deux heures à la police et à la gendarmerie pour répondre aux
demandes d’assistance. Halidou Ouédraogo a par la suite été arrêté et détenu
durant deux heures le 17 mai 1999.
Dans la ville de Réo, Grégoire Ouédraogo, président de la section locale du
MBDHP, aurait reçu des menaces de mort émanant du maire et été contraint
de se réfugier au poste de police local. Le 18 mai 1999, les locaux du MBDHP
à Réo ont été incendiés, apparemment par des partisans du CDP. Dans la ville
de Yako, Michel Énamba, président de la section locale du MBDHP, a été
agressé, également par des partisans du CDP, semble-t-il. Il a lui aussi dû se
réfugier au poste de police local. À Tenkodogo, des membres du CDP auraient
tenté de piller les locaux du MBDHP et le domicile de deux membres de cette
ONG.
Plusieurs membres du Collectif ont été appréhendés en avril 2000. Pierre
Bidima et Etienne Traoré figuraient parmi les 33 personnes arrêtées le 10 avril
au cours d’une réunion organisée dans les locaux du MBDHP. Toutes ces
personnes ont été remises en liberté peu après, sauf Pierre Bidima. Etienne
Traoré, quant à lui, a été de nouveau arrêté le 14 avril. La police aurait déclaré
que des « cocktails Molotov » avaient été découverts dans la voiture de Pierre
Bidima. Ces arrestations ont eu lieu après que le Collectif eut lancé un appel
en faveur d’une grève générale de trois jours, la police ayant recouru à la force
pour disperser des manifestants le 8 avril à Ouagadougou. Ces derniers
protestaient contre les retards constatés dans la comparution en justice des
personnes soupçonnées d’avoir tué Norbert Zongo et ses compagnons. Trente
manifestants ont été blessés par les forces de sécurité, dont sept grièvement.
Le 10 avril, au premier jour de la grève, de nouvelles violences ont opposé des
étudiants et des élèves aux forces de sécurité.
Halidou Ouédraogo, Tolé Sagnon et Norbert Tiendrébéogo ont été arrêtés à leur
domicile aux premières heures du 13 avril. Tolé Sagnon, vice-président du
Collectif, est également secrétaire général de la Confédération générale des
travailleurs du Burkina (CGT-B). Norbert Tiendrébéogo est président d’un parti
d’opposition, le Front des forces sociales (FFS). Bénéwendé Sankara, un
avocat qui dirige l’Union des jeunes avocats du Burkina (UJAB), a été
appréhendé dans l’après-midi du 13 avril 2000. Le même jour, le
gouvernement a accusé publiquement le Collectif de violer la loi et de menacer
l’ordre public en permanence.
Tous ont été victimes de traitements dégradants puisqu’ils ont eu la tête rasée
en garde à vue. Détenus par la Direction de la compagnie d’intervention rapide
(DCIR), ils se sont vu refuser toute visite. Il semble qu’ils aient été détenus
uniquement en raison de leur activités, pourtant légitimes, qui visaient à mettre
fin à l’impunité dont jouissent les responsables de violations des droits humains.
Tous ont par la suite été libérés sans inculpation.

Sierra Leone : il est risqué de défendre les droits humains dans les zones de conflit armé interne
Depuis le commencement du conflit armé interne en Sierra Leone, en 1991, les conditions ont été
extrêmement difficiles pour tous les secteurs de la société civile. Malgré des obstacles immenses, en
particulier des menaces contre leur vie, les défenseurs des droits humains, qu'ils soient seuls ou
regroupés en organisations, sont apparus comme une force déterminée. Ils se sont, en dépit de tout,
attachés à mettre en lumière certaines des pires atteintes aux droits humains qui aient été commises au
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cours du conflit, et à créer les conditions pour que soient respectés et défendus les droits humains dans
le pays, après plus de dix ans de conflit.

Le 25 mai 1997, l'Armed Forces Revolutionary Council (AFRC, Conseil révolutionnaire des forces
armées) a pris le pouvoir et créé une coalition avec un groupe armé d'opposition, le Revolutionary
United Front (RUF, Front révolutionnaire uni). Après ce coup d'Etat militaire, la majorité de ceux qui
s'élevaient contre les violations des droits humains commises par l'AFRC, en particulier les
journalistes et les militants des droits humains, ont été arbitrairement arrêtés et mis en détention, puis
torturés et soumis à des mauvais traitements. Des défenseurs des droits humains ont dû fuir le pays,
tandis que ceux qui étaient restés ont dû limiter leurs actions en raison des graves menaces qui pesaient
sur leur vie. Cette situation a duré pendant toute la période où l'AFRC s’est trouvé au pouvoir, jusqu'à
ce qu'il en soit chassé, en février 1998, par la Force ouest-africaine d’interposition de la
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), déployée
dans le pays, et que le gouvernement civil soit rétabli à l’issue des élections.

Une courte période de répit s'ensuivit, pendant laquelle les défenseurs des droits humains ont pu
réorganiser leur travail et coordonner leurs actions. Ils ont également profité de ce climat pour établir
des liens avec des membres de la section chargée des droits humains au sein de la mission des Nations
unies au Sierra Leone (MINUSIL), ainsi qu'avec des organisations internationales humanitaires et de
défense des droits humains. Le National Forum for Human Rights (Forum national de défense des
droits humains) a été créé, qui rassemble plusieurs groupes de défense des droits humains. Cependant,
les défenseurs des droits humains n'ont pu jouir d'une sécurité relative que dans la capitale, Freetown.
Dans le reste du pays, où les défenseurs des droits humains ne pouvaient pas se rendre, les civils
étaient toujours victimes d'attaques brutales de la part des forces rebelles.

En janvier 1999, les forces rebelles ont envahi Freetown. Les atrocités qui étaient commises dans le
nord et l'est du pays depuis que l'AFRC et le RUF avaient été chassés du pouvoir se sont alors
répandues dans la capitale. Des milliers de civils non armés ont été délibérément et arbitrairement tués,
tandis que des centaines d'autres étaient victimes d'amputation des bras et des jambes ou d'autres
formes de mutilation. Les viols et autres formes de violences sexuelles ont été systématiquement et
largement pratiqués par les forces rebelles. Ces dernières ont également enlevé de nombreux civils, y
compris des enfants.

De nouveau, les forces rebelles ont traqué les défenseurs des droits humains et les ont menacés, ainsi
que leurs familles, de mort et de mutilation. Lors de cette invasion des forces rebelles dans la capitale,
de nombreux défenseurs des droits humains ont été tués, entre autres des militants de groupes de
défense des droits humains, des avocats, des journalistes locaux ou internationaux et des membres
d'organisations religieuses. Quelques personnes ayant une position influente au sein de plusieurs ONG
de défense des droits humains ont dû se réfugier après l'explosion d'un obus et ont ainsi évité d'être
tuées par les forces rebelles. Une responsable de la National Commission for Democracy and Human
Rights (Commission nationale pour la démocratie et les droits humains) a été tuée, ainsi que son mari,
après qu'un employé de cette commission eut avoué sous la torture où le couple se cachait. Elle faisait
partie du comité de surveillance des droits humains, au sein de cette commission mise en place par le
gouvernement. D'autres membres de cette commission ainsi que des responsables de plusieurs ONG de
défense des droits humains ont réussi à rester cachés. Les rebelles ont également détruit délibérément
les habitations de nombreux militants des droits humains, d'avocats et de journalistes.
Les défenseurs des droits humains en Sierra Leone, notamment les groupe de défense des droits
humains et les avocats, ne cessent d'exprimer leurs inquiétudes à propos de l'impunité des responsables
présumés d'atteintes aux droits humains. Ils s'élèvent tout particulièrement contre l'amnistie générale
qui figure dans l'accord de paix de juillet 1999 et qui s'applique à toutes les actes commis au cours du
conflit. Cependant, et même si cela peut paraître révoltant, l'amnistie représentait aux yeux de
beaucoup un compromis nécessaire pour obtenir la paix. Dans ce contexte, la prise de position des
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