L'ASSURANCE EN AFRIQUE : UN FUTUR A CONSTRUIRE Croissance économique Risques climatiques Micro-assurance - Grameen Credit Agricole
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
SEPT. - OCT. - NOV. 2016 SP D 25 L A R E V U E D E P R O PA R C O L'ASSURANCE EN AFRIQUE : UN FUTUR A CONSTRUIRE Croissance économique Risques climatiques Micro-assurance Mobilisation de l’épargne Couverture maladie Réseau mobile
ÉDITO SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT est une publication de Proparco, 04 26 L’Afrique subsaharienne, SOMMAIRE LES CONTRIBUTEURS ÉTUDE DE CAS Groupe Agence Française Leçons d’expérience nouvelle frontière des assureurs ? de Développement, 06 société au capital de 693 079 200 €, 151 rue Saint-Honoré, 75001 Paris - France CADRAGE en assurance indicielle (Sénégal et Bangladesh) Tél. (+33) 1 53 44 31 07 Courriel : revue_spd@afd.fr Site web : www.proparco.fr L’assurance prend Par Chloe Dugger et Rachel Sberro D Blog : blog.secteur-prive-developpement.fr le virage de l’Afrique epuis quelques années, l’Afrique suscite l’intérêt grandissant des acteurs 30 Directeur de Publication Par Richard Lowe Grégory Clemente ASSURANCE SANTÉ de l’assurance, qui ont investi le secteur, mais non sans difficultés. 09 À l’échelle mondiale, l’Afrique ne représente que 1,5 % du marché Fondateur et rédacteur en chef Julien Lefilleur ASSURANCE Quelle couverture du global, alors qu’elle pèse pour 13 % de la population mondiale. Rédacteurs en chef adjoints ET DÉVELOPPEMENT risque maladie en Afrique Clélie Nallet, Karim Bourtel L’assurance, un levier de subsaharienne ? Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Tout d’abord, la faiblesse des revenus moyens des particuliers. Avant de payer des cotisations d’assurance, il Assistante éditoriale Véronique Lefebvre développement économique ? Par Eneida del Hierro et Aurore Lambert faut pouvoir manger, se loger, etc. Autant de priorités qui relèguent l’assurance dans Par Garance Wattez-Richard Guillaume Barberousse la catégorie des dépenses « somptuaires » et donnent à beaucoup l’impression que les 35 Comité éditorial et Amélie de Montchalin Morgane Beaudouin, Responsable de la division assurances obligatoires sont des taxes supplémentaires. La perception et la confiance 13 Christel Bourbon-Seclet, ÉTUDE DE CAS Jérémie Ceyrac, Anne-Gaël Chapuis, Banques et marchés dans les assureurs en pâtissent. À cela s’ajoutent un taux de bancarisation encore faible en Julia Richard de Chicourt, Johan Choux, Odile Conchou, Jean-Charles Daguin, ASSURANCE Au Maroc, une assistance financiers, Proparco Afrique subsaharienne et la vivacité des réseaux de solidarité traditionnelle. Malgré ses Charlotte Durand, Audrey de Garidel, ET DÉVELOPPEMENT santé pour les micro- freins, l’assurance dispose d’un potentiel de développement important sur le continent, entrepreneurs Gonzague Monreal, Amaury Mulliez, Véronique Pescatori, L’assurance dans à condition que les acteurs privés adaptent leurs offres et leurs outils de distribution Gregor Quiniou, Françoise Rivière, Tom Rostand, Hélène Templier, le financement des entreprises Par Youssef Bencheqroun aux besoins et aux capacités contributives des Africains. Jean-Baptiste Sabatie, Yazid Safir et des infrastructures 36 Ce nouveau numéro de Secteur Privé & Développement propose d’explorer les opportuni- Advisory board Jean-Claude Berthélemy, Paul Collier, Par Frédéric Baccelli ASSURANCE SANTÉ tés et les contraintes de l’assurance en Afrique, en présentant les analyses de plusieurs Kemal Dervis, Mohamed Ibrahim, parties prenantes du secteur (assureurs, chercheurs, bailleurs, etc.). 15 Pierre Jacquet, Michael Klein, La micro-assurance santé vue par les usagers Nanno Kleiterp, Ngozi Okonjo-Iweala, Jean-Michel Severino, Bruno Wenn, FOCUS Fondateur du groupe Activa, Richard Lowe nous offre une vue d’ensemble de l’assurance L’assurance-vie en Afrique en Afrique (pages 6-8), tandis que Pathé Dione, fondateur du groupe Sunu, apporte lui un Michel Wormser Par Lara Gautier, Isabelle Guerin, Albino Kalolo, Annabelle Sulmont éclairage plus spécifique sur les marchés d’Afrique francophone (pages 15-17). Le secteur Conception et réalisation LUCIOLE subsaharienne francophone de l’assurance a le potentiel pour participer au développement de l’Afrique, estiment 39 Par Pathé Dione Traduction Garance Wattez-Richard et Amélie de Montchalin du groupe AXA (pages 9-12) : il ASSURANCE 18 Lifeline Language Services Ltd Jean-Marc Agostini ET TÉLÉPHONIE MOBILE contribue à stimuler la croissance, à accroitre la résilience des économies locales face Neil O’Brien/Nollez Ink ASSURANCE AGRICOLE aux évènements extrêmes et à favoriser la solidarité entre les individus. À cela s’ajoute S’assurer grâce au mobile : sa capacité, pour l’instant limitée, à canaliser l’épargne des ménages et à investir à long Secrétariat de rédaction ( : ? ! ; ) D O U B L E P O N C T U A T I O N, Pour les petits planteurs, évolution des canaux de terme dans les entreprises et les projets d’infrastructure en faveur du développement www.doubleponctuation.com, une assurance contre distribution en Afrique Neil O’Brien/Nollez Ink local, comme l’explique Frédéric Baccelli, directeur général d’Allianz Africa (pages 13-14). les risques naturels Par Frédéric Bouchet Impression sur papier recyclé Pure Impression Par Jean-Luc Perron et Pierre Casal Ribeiro L’essor de l’assurance en Afrique se fera notamment via la microassurance destinée aux actifs 42 ISSN 2273-7375 de l’économie informelle, et ce malgré les nombreux défis à relever comme le montrent 22 Dépôt légal 23 juin 2009 LES ENSEIGNEMENTS Eneida del Hierro et Aurore Lambert de l’AFD (pages 30-34), ainsi que les expériences CHIFFRES CLÉS DU NUMÉRO conduites en la matière au Maroc, en Inde, en Tanzanie ou encore au Mexique (pages 35-38). Par Pauline Angoso Pour les petits exploitants agricoles du continent, la mise en place de systèmes d’assurance, et Dalia Stanikaite Torija Zane dite indicielle, qui permet de faciliter l’indemnisation en cas de mauvais rendement ou d’aléas climatiques, constitue une piste prometteuse (pages 18-21 et 26-29). S’ils veulent séduire l’Afrique, les assureurs sont au défi d’inventer de nouvelles formes de distribution moins coûteuses. La téléphonie mobile apparait comme un vecteur prometteur, nous explique Frédéric Bouchet, du groupe de courtage d’assurances et de réassurances Gras Savoye (pages 39-41). 3
LES CONTRIBUTEURS COORDINATEURS DU NUMÉRO Frédéric Baccelli Pierre Casal Ribeiro Lara Gautier Albino Kalolo Amélie de Montchalin Annabelle Sulmont Pauline Angoso Benoît Lagente Directeur général, Allianz Africa Chargé de mission, Pacifica et Doctorante en sciences Maître de conférences, Vice-présidente Politique Sociologue Chargée d’affaires, Propaco Chargé d’affaires, Proparco Fondation Grameen Crédit Agricole économiques et santé St. Francis University College Publique et Réglementation, D’abord responsable de la publique of Health and Allied Sciences groupe AXA Annabelle Sulmont travaille Pauline Angoso est Benoît Lagente est en charge division risques techniques Après plusieurs expériences en (Morogoro, Tanzanie) actuellement comme directrice responsable des opérations des investissements dans le d’Allianz (ex-AGF), Frédéric ONG (TSF, ADA, PlaNet Finance), Dans le cadre de son doctorat, Amélie de Montchalin coordonne du suivi et de l’évaluation au de microfinance à Proparco secteur de l’assurance et des Baccelli a également été Pierre Casal Ribeiro travaille depuis Lara Gautier étudie la prise Albino Kalolo s’intéresse les positions du groupe département de planification depuis 2014. Après une opérations en investissement correspondant du groupe aux 2014 sur l’assurance agricole. de décision en matière de aux réformes du financement AXA sur les questions de stratégique de l´Agence expérience chez BNP Paribas direct et dans les fonds sur États-Unis pour les grands risques Il est diplômé de l’université financement de la santé en de la santé, aux changements réglementation et les politiques mexicaine de coopération Investment Partners dans l’Afrique subsaharienne à d’entreprise. De 2001 à 2010, Paris X - Nanterre (doctorat en Afrique. Elle est membre de organisationnels dans les publiques au niveau mondial. internationale pour le l’investissement socialement Proparco depuis 2013. Il a il a pris en charge la direction philosophie), de l’ESCP Europe la chaire de « recherches établissements de santé, et à la Elle possède un diplôme en développement (Amexcid). responsable, Pauline a été travaillé pendant six ans chez générale de Protexia France, (mastère en management) et appliquées interventionnelles science de la mise en œuvre. Il est histoire et économie appliquée, Sa thèse de doctorat chargée d’investissement Paul Capital, un fonds puis celle de Carene (courtier de la Solvay Business School en santé mondiale et équité » titulaire d’un doctorat en santé et deux masters en porte sur l’adaptation du pendant quatre ans pour d’investissement secondaire captif). Il a rejoint Allianz Africa en (mastère en microfinance (Réalisme), dont elle coordonne publique de l’université de sciences de gestion et concept de micro-assurance la Fondation Grameen en Europe, aux États-Unis et 2010 comme directeur général. et énergies vertes). les cahiers scientifiques. Heidelberg (Allemagne). en administration publique. au Mexique. Crédit Agricole. dans les pays émergents. Youssef Bencheqroun Pathé Dione Isabelle Guérin Aurore Lambert Jean-Luc Perron Garance Wattez-Richard Pauline Baumgartner Dalia Stanikaite Torija Zane Directeur général, Président directeur général Directrice de recherche, IRD Chef de projets, AFD Délégué général, Fondation Directeur Emerging Customers, Chargée d’affaires senior, Chargée d’affaires, Proparco Al Amana Microfinance et fondateur, SUNU Grameen Crédit Agricole Groupe AXA Proparco Socio-économiste attachée au Avant de rejoindre l’AFD, Spécialisée dans le secteur de Avant de prendre la tête Pathé Dione est l’un des Centre d’études en sciences Aurore Lambert a travaillé pour Jean-Luc Perron a joué un rôle Garance Wattez-Richard est Pauline Baumgartner l’assurance, Dalia Stanikaite se d’Al Amana, une association pionniers de l’assurance en sociales sur les mondes un groupe d’assurance et une moteur dans la création de la responsable du développement travaille sur la modélisation, charge de l’instruction de projets leader du micro-crédit au Maroc, Afrique subsaharienne. Ancien américains, Isabelle Guérin société de conseil en France. Fondation Grameen Crédit Agricole, de l’offre d’assurance destinée l’analyse et la structuration de financement d’institutions Youssef Bencheqroun a travaillé directeur Afrique de UAP travaille sur les liens entre Elle a également dirigé un dont il est délégué général depuis aux classes moyennes dans les financière d’opérations de financières à Proparco depuis pour le Crédit populaire de International, puis du groupe finance et inégalités, et projet de micro-assurance 2008. D’abord conseiller financier pays émergents. Après une financement à Proparco 2016. Elle a travaillé huit ans chez France et Wafa assurance. AXA, il est à l’origine de la les articulations entre pratiques santé dans le secteur auprès du ministre français de expérience à la Commission depuis 2011, notamment Allianz, en gestion d’actifs, analyse Ingénieur de l’École centrale de création de plusieurs de leurs financières et dynamiques du textile au Cambodge. l’Agriculture, il est entré au Crédit européenne et à la BERD, elle a en Afrique du Nord. crédit et corporate finance. Elle est Lyon, il est également titulaire filiales africaines. En 1998, il créé d’emploi. Elle a récemment Aurore Lambert est titulaire Agricole en 1985. Ancien élève de rejoint le groupe AXA en 2005 Elle a auparavant été diplômée du magistère Banque d’un DEA en mécanique, SUNU finances holding, puis publié « La microfinance et d’un MBA de l’ESSEC l’École nationale d’administration comme chargée de mission chargée d’investissement Finance Assurance de l’université d’une maîtrise de SUNU Assurances, qui est ses dérives : émanciper, Business School. (ENA), Jean-Luc Perron est en communication, avant de pour la Fondation Paris-Dauphine et titulaire mathématiques et d’un mastère aujourd’hui n° 1 de l’assurance discipliner ou exploiter ? » également diplômé du Stanford devenir directrice des relations Grameen Crédit Agricole. du diplôme CFA. en systèmes d’information. vie en zone CIMA. (2015, Demopolis). Executive Program. média et réputation en 2012. Frédéric Bouchet Chloe Dugger Eneida del Hierro Richard Lowe Rachel Sberro-Kessler Burcu Copuroglu Responsable du marketing Responsable des opérations Chef de projets, AFD Fondateur et président directeur Analyste de recherche sur Chargée d’affaires, Proparco international, Gras Savoye « finance et marchés », général d’Activa Assurances le financement de l’agriculture, Banque mondiale Eneida del Hierro structure Banque mondiale Burcu Copuroglu travaille Fort de 15 ans d’expérience le financement et la mise Après 17 ans chez Allianz à la structuration de dans le domaine de Chloe Dugger dirige des en œuvre de projets (ex-AGF Afrique), Richard Lowe Rachel Sberro-Kessler travaille transactions, la négociation l’assurance, Frédéric Boucher projets de conseil pour des destinés à développer un crée, en 1998, le groupe africain à l’amélioration de l’accès des et la gestion de la relation a d’abord travaillé chez Gras entreprises cherchant à secteur financier plus inclusif Activa. Président et/ou agriculteurs et des PME agricoles commerciale. Depuis 2014, Savoye Belgique avant développer l’assurance et responsable, notamment administrateur de plusieurs à des services financiers adéquats. elle est détachée par l’IFC d’intégrer les équipes de Gras agricole et indicielle en Afrique. en matière d’assurance. compagnies d’assurance, de Elle est titulaire d’une maîtrise à la division Banques et Savoye International à Paris Elle est titulaire d’une maîtrise Eneida del Hierro est réassurance et de banques en en administration des affaires marchés financiers de Proparco. (2011). Il est titulaire d’un MBA en études du développement diplômée en économie Afrique. il a aussi eu plusieurs (ESSEC, Paris) et d’une maîtrise Burcu Copuroglu est titulaire en marketing (universités de l’université d’Oxford. du développement mandats au sein des plus hautes en affaires publiques (MPA) d’un mastère en finance Bordeaux/Stockholm). et en finance. instances de l’assurance africaine. de Sciences-Po (Paris). internationale de l’université de Columbia (New York). 4 5 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
CADRAGE L’assurance prend ACTEURS « TRADITIONNELS » ET NOUVEAUX OUTILS DE DISTRIBUTION le virage de l’Afrique Les courtiers, les compagnies d’assurances et les Les réseaux de téléphonie mobile sont également Par Richard Lowe, fondateur et président directeur général d’Activa Assurances réassureurs sont les principaux acteurs du marché un outil efficace de distribution sur le continent, de l’assurance en Afrique. Les courtiers à vocation où le taux de pénétration de la téléphonie mobile nationale se concentrent sur les risques de parti- dépasse les 70 %. C’est notamment via cet outil que culiers, les PME locales, ainsi que sur les risques la micro-assurance pourra atteindre les niveaux L’Afrique pèse pour 15 % de la population mondiale, mais à peine pour 1,5 % du marché global étatiques et paraétatiques. Les risques d’entreprises espérés (lire l’article de Frédéric Bouchet). Enfin, de l’assurance. Plusieurs facteurs plaident néanmoins pour un essor rapide du secteur : le dynamisme sont détenus à plus de 90 % par des courtiers inter- les assureurs investissent actuellement les réseaux économique du continent, l’émergence de classes moyennes, le développement de nouveaux modes nationaux qui, depuis de nombreuses années, sociaux comme moyen de distribution. de distribution des produits… À condition notamment d’assurer la bonne gouvernance des sociétés accompagnent leurs clients dans leurs investisse- d’assurance, le professionnalisme de leur personnel, l’adéquation des offres aux besoins locaux, etc. ments sur le marché africain. À cette fin, ils ont mis en place des programmes d’assurance auprès de compagnies installées sur le continent. Certaines de ces compagnies opèrent uniquement sur leur Tauxde pénétration de l’assurance marché national. D’autres, à vocation régionale (primes en % de PIB) Vie Non-Vie D ou internationale, s’organisent de plus en plus epuis le début des années 2000, tives à l’égard des assureurs, etc. Ainsi, seules les en réseau et développent des filiales ou des par- Maghreb l’Afrique connaît une croissance assurances obligatoires (automobile, scolarité, frais tenariats dans plusieurs pays africains. Au cours 0,27 % économique entre 4 % et 7 % de rapatriement ou d’hospitalisation liée à l’obten- des dernières années, les compagnies d’assurance 1,02 % par an. Ce dynamisme fait du tion de visa, etc.) trouvent acquéreurs auprès de organisées en réseau ont connu une croissance Afrique du Nord-Est continent « la seconde région du la population la plus aisée. forte. Cette tendance va probablement s’accélé- 0,23 % monde en termes de croissance, après l’Asie et à égalité rer compte tenu des contraintes imposées par le 0,44 % Aujourd’hui, l’Afrique pèse pour à peine 1,5 % avec le Moyen-Orient » (McKinsey) – ce qui bénéficie régulateur aux compagnies d’assurance en matière d’un marché mondial de l’assurance, qui a généré Afrique du Sud évidemment au secteur de l’assurance. Pour autant, de fonds propres. Il est probable que le nombre 11,06 % REPÈRES 4 778 milliards de dollars en 2014 (source : SIGMA ACTIVA un Africain dépense en moyenne moins de 70 dollars de compagnies à vocation nationale s’amenuise. 3,12 % - Swiss Re). Elle compte environ 600 compagnies Fondé en 1998, le groupe Activa par an pour s’assurer, contre 1 000 dollars en Afrique Celles qui résisteront devront être sur des marchés est un acteur majeur du secteur actives dans 54 pays (à titre de comparaison, Autres pays de la zone rand du Sud et plus de 2 700 dollars en Europe de l’Ouest. de niche avec des produits innovants. 3,37 % des assurances en Afrique. Il l’Europe en totalise près de 5 000). Les dix premiers possède notamment sept filiales Il existe, en outre, de très fortes disparités sur le 1,68 % figurant parmi les leaders sur marchés de la région concentrent plus de 90 % du Enfin, les principaux réassureurs mondiaux sont continent : à l’exception de l’Afrique du Sud où le cinq marchés du continent. chiffre d’affaires (CA), et singulièrement l’Afrique très actifs sur le continent, aux côtés des réassureurs Îles de l’Océan indien Aujourd’hui, le Groupe poursuit taux de pénétration atteint 14 %, le rapport primes du Sud qui compte pour 75 % de ce CA2, suivi par 2,05 % À titre de son expansion, en s’appuyant d’assurance/produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique régionaux et nationaux. En effet, les compagnies 1,19 % comparaison, le sur le réseau Globus qu’il a fondé en 1997. Globus est un le Maroc, l’Égypte, le Nigeria et le Kenya. Dans les d’assurance s’appuient sur eux pour bénéficier d’un taux de pénétration réseau non intégré d’assureurs ne dépasse pas 1 %. Ce manque d’« engouement » autres pays du continent, l’assurance conserve une Afrique orientale et australe mondial de complément de couverture, notamment sur les offrant aux clients et courtiers pour l’assurance relève de multiples facteurs. Tout forte marge de progression. Malgré cette part limitée 0,21 % l’assurance est de 6,5 % internationaux une solution risques de pointe. Si le courtage reste le principal 0,88 % d’assurance globalisée dans d’abord, le faible pouvoir d’achat des populations1 : de l’assurance africaine sur l’échiquier mondial, de circuit de distribution des produits d’assurance, plus de 40 pays africains, avant de s’assurer, il faut pouvoir se nourrir, se nombreux acteurs (courtiers internationaux, com- Zone CIMA francophones, anglophones, notamment pour la clientèle entreprise, d’autres arabophones ou lusophones. loger, subvenir aux besoins de ses enfants. À cela pagnies européennes, etc.) ont investi le secteur, 0,24 % C’est le partenaire privilégié des se développent, à commencer par la bancassu- 0,68 % s’ajoutent l’absence de « culture de l’assurance », attirés par sa bonne sinistralité qu’explique notam- principaux assureurs rance. En Afrique, le taux global de pénétration de internationaux qui ne disposent la non-obligation d’assurance sur les risques de ment la faible exposition des assureurs africains Afrique occidentale anglophone pas de filiales en Afrique l’assurance oscille autour de 2 %, mais atteint 10 masse, l’absence d’innovation et de règles en matière à des risques de pointe. Le ratio combiné est, en 0,15 % (Generali, Zurich, Ace, XL, etc.). à 20 % par l’intermédiaire des acteurs financiers. 0,44 % Globus possède également une de tarification, le règlement parfois aléatoire des effet, meilleur sur le continent que sur les marchés De plus en plus de produits d’assurance pour les compagnie de réassurance captive, Globus Re. sinistres qui entretient des représentations néga- développés (schéma ci-contre). particuliers sont vendus via le réseau bancaire, aussi bien par des banques commerciales que TOTAL TOTAL (hors Afrique du Sud) des institutions de microfinance. 2,56 % 0,32 % 1 S elon le dernier rapport de la Banque mondiale, 388 millions de personnes – soit 43 % de la population d’Afrique subsaharienne - vivaient dans l’extrême pauvreté en 2012. 1,24 % 0,75 % 2 Le développement des assurances sociales par le secteur privé, l’existence d’une classe moyenne dont le nombre a triplé en dix ans, la confiance de la population dans les institutions financières proposant de l’épargne à long terme, ainsi que la demande de protection élevée en raison de la criminalité et du nombre d’accidents automobiles expliquent, en partie, ces résultats de l’Afrique du Sud. Source : African Reinsurance Corporation 6 7 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
L’AS S UR ANC E PR END L E VIRAGE DE L’AFRIQUE ASSURANCE ET DÉVELOPPEMENT Taux de sinistralité moyen ENTRE OPPORTUNITÉS ET CONTRAINTES L’assurance, un levier par branche sur dix ans en Afrique Plusieurs facteurs plaident en faveur d’un essor rapide de de développement économique ? l’assurance en Afrique, notamment sur le segment des parti- P ar Garance Wattez-Richard, directeur Emerging Customers, groupe AXA culiers. Au-delà du dynamisme économique du continent, son Amélie de Montchalin, vice-présidente politique publique et règlementation, groupe AXA évolution démographique3, l’émergence des classes moyennes 31,71 % et le développement de nouveaux modes de distribution auront Dommages des effets positifs certains sur la croissance du secteur. Au niveau réglementaire, les régulateurs4 sont de plus en plus Le caractère immatériel de l’assurance masque son rôle dans le développement économique. présents et directifs. Leurs interventions se concentrent notam- Elle contribue pourtant à stimuler la croissance, à accroître la résilience des économies locales et 45,66 % ment sur le contrôle du fonctionnement des acteurs du secteur et leur implication dans l’activité économique. Au cours de ces des ménages face aux évènements extrêmes, et à favoriser la redistribution et la solidarité entre les individus. Pour réaliser ce potentiel en Afrique, les acteurs du secteur sont au défi de repenser leurs Automobile dernières années, ils ont imposé aux compagnies d’assurance produits et leurs canaux de distribution en adéquation avec les caractéristiques des marchés locaux. de renforcer leurs fonds propres pour accroître la rétention des primes d’assurance sur les marchés locaux et, plus largement, 27,61 % sur le continent. Ils ont également édictés des règles strictes sur Responsabilité civile l’interdiction de l’assurance à l’étranger, ainsi que l’obligation L générale du règlement comptant des primes d’assurance. Le régulateur ne se soucie plus seulement de la solvabilité de la compagnie d’assurance, mais il édicte également des règles de bonne ’ assurance est un concept assez particulier : elle repose sur le paiement aujourd’hui d’une rante en Afrique. Outre les tontines, des organismes à but non lucratif ou basés sur l’adhésion, comme les sociétés funé- L’assurance, vecteur de développement économique 34,75 % gouvernance (qualité des dirigeants, dispositif de contrôle interne, somme donnée pour couvrir raires en Afrique du Sud ou les « iddirs » Accidents du travail système d’information, etc.). un risque susceptible, ou non, pour les petits agriculteurs en Éthiopie, + responsabilité civile de se matérialiser demain. Ses avantages ont développé des dispositifs de partage employeur Ces conditions favorables à l’essor de l’assurance en Afrique sont néanmoins soumises à la levée de plusieurs défis. Au niveau des restent donc peu perceptibles et immatériels. des risques pour les personnes sans accès Vecteur de croissance États, la stabilité politique est une condition essentielle, au même Pourtant, l’assurance a toujours existé. Elle à une assurance formelle. Prise de risque facilitée. titre que la bonne gouvernance publique, notamment en matière est aujourd’hui proposée par des organisa- Impact positif sur les taux 32,34 % tions traditionnelles, des sociétés privées Passer de ces systèmes d’assurance com- de lutte contre la corruption et de sécurité juridique. Au niveau munautaires informels à des systèmes d’intérêt, l’offre de crédit Risques technique des sociétés d’assurance, celles-ci ont pour chantier d’améliorer ou les pouvoirs publics. et les modalités financières. individuels formels a des impacts positifs leur professionnalisme, leur solvabilité et leur solidité finan- Les outils classiques d’« auto-assurance », sur le développement économique local, cière. Le principal capital d’une compagnie d’assurance étant la conçus pour transférer et gérer les risques comme l’ont reconnu les Nations unies 45,90 % qualité de ses ressources humaines, il convient de porter l’effort sur la formation académique et professionnelle du personnel. collectivement, prennent souvent la forme d’une épargne communautaire supervisée en 1964 lors de leur première conférence sur le commerce et le développement1. Ils Vecteur de stabilité Individuelle accidents Les assureurs doivent également se montrer plus pédagogues par un « sage » ou régie par des rapports contribuent à la croissance et la stabilité des Au niveau économique : et meilleures communicants s’ils veulent améliorer leur image hiérarchiques et sociaux plus complexes. économies, ainsi qu’à la redistribution et la protection des sources de revenu auprès des populations5. Les compagnies faisant preuve d’une Partager les risques et les ressources pour solidarité entre les individus (schéma et renforcement de la résilience 27,50 % capacité d’innovation (produits et circuits de distribution nou- post-catastrophe. aider des personnes en difficulté est cou- ci-contre). Crédit et caution veaux) se démarqueront certainement de concurrents. Au niveau financier : approche à long terme. 28,54 % Transport, maritime, aviation Vecteur de redistribution 3 L ’ Afrique abrite aujourd’hui 15 % de la population mondiale, mais 25 % en 2050 1 « Acte final et rapport », Actes de la Cnuced, annexe AIV.23, éd. Dunod, Paris, 1964. Mise en commun et mutualisation et 33 % en 2100 (source : INED). des risques : l’assurance répartit 4 Les organes publics à compétence nationale ou régionale chargés de contrôler et de réglementer l’activité d’assurance dans un ou plusieurs pays. les risques entre générations 5 Sur le continent, l’assureur est souvent considéré comme un acteur qui perçoit et individus. Source : African Reinsurance Corporation. la prime mais paye difficilement les sinistres. 8 9 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
L’AS S UR ANC E, UN L EVI ER D E DÉVELOPPEM ENT ÉC O N OMIQU E ? Courbe en S dans l’assurance non-vie, 2014 exemple, priver un ménage de revenus. Lorsque La courbe en S a été développée par Swiss Re Economic Research & Consulting pour illustrer la corrélation entre le développement ces risques sont couverts, les individus gagnent en De nouveaux acteurs cherchent économique (PIB par habitant) et le développement du marché de l’assurance (part des primes dans le PIB). Elle est révisée sérénité et peuvent, plus facilement, prendre des chaque année à partir des données de plus de 140 pays. à réinventer la protection pour les clients décisions influant sur leur productivité et investir Primes en % du PIB USA à long terme : par exemple, en commençant à de pays émergents à faibles revenus 4% Canada Suisse utiliser des engrais, en scolarisant un enfant, en en relevant trois défis : le prix, le manque s’équipant préventivement contre la malaria, etc. de confiance induit par la complexité Venezuela Allemagne France Deuxièmement, l’assurance a un impact sur la des offres et la difficulté d’accès. 3% baisse des taux d’intérêt et l’allongement des Espagne Afrique du Sud maturités de crédit (courbe de rendement). En collectées et adossent leurs passifs d’assurance à RU Japon protégeant des entreprises et des ménages contre des actifs de même durée. Les primes d’assurance Maroc Namibie Portugal Australie la perte de biens, des dommages ou des difficul- santé sont fréquemment investies dans des actifs à 2% Kenya Brésil Italie tés à rembourser un emprunt, elle contribue à court terme, tandis que les primes d’assurance vie Pologne Colombie Irlande réduire le risque de crédit. De plus, les compagnies ou les produits de retraite peuvent être investies Chine Émirats Arabes Unis Hong kong d’assurance investissent en général les primes sur plusieurs dizaines d’années. Russie Grèce 1% Mexique Arabie Saoudite Tanzanie Angola UN FACTEUR DE STABILITÉ ET DE SOLIDARITÉ ENTRE LES INDIVIDUS ? Inde Indonésie L’assurance représente également, pour les éco- lie « les malheurs de quelques-uns aux fortunes Nigéria 0% PIB par habitant en milliers de dollars nomies locales et les ménages, un facteur de de beaucoup ». Cette forme de redistribution 0,1 1 10 100 stabilité et de résilience face à des évènements des revenus intervient après un accident, ce qui La courbe en S montre que le budget consacré à l’assurance augmente rapidement dans les pays où le PIB par habitant oscille entre extrêmes. Elle leur permet, par exemple, de se la différencie fondamentalement de la redistri- 5 000 et 35 000 dollars. Dans les pays aux revenus inférieurs ou supérieurs à cette fourchette, la croissance de la prime d’assurance couvrir contre des catastrophes naturelles en bution publique, dont elle est complémentaire. est à peu près égale ou légèrement supérieure à la croissance du PIB. Enfin, dans les pays à faibles revenus, les niveaux de richesse et de sensibilisation à l’assurance sont trop bas pour générer une croissance de la demande d’assurance supérieure à celle du revenu. transférant le risque à des compagnies d’assu- Les risques ne sont pas équitablement partagés rance et aux marchés financiers. entre les individus d’une même société (Ewald, Source : Swiss Re Economic Research & Consulting Enfin, l’assurance donne une tangibilité écono- 1999) et cette inégalité n’est pas liée aux niveaux mique au concept de solidarité entre les individus de revenus initiaux (alors que les outils de gestion et les générations, en permettant l’agrégation des risques dépendent des revenus). L’assurance TAUX DE PÉNÉTRATION ET CROISSANCE DU PIB CORRÉLÉS et la mutualisation des risques – c’est-à-dire en rétablit une forme d’égalité entre assurés : après Plusieurs recherches ont mis en évidence la corré- traditionnels d’auto-assurance étant difficilement définissant les primes en fonction de la probabilité avoir payé une prime, ce qui importe c’est le lation entre le taux de pénétration de l’assurance et quantifiables. Mais lorsque le PIB par tête atteint de leur réalisation pour un groupe d’assurés et risque auquel l’individu fait face et non pas ses REPÈRES entre 3 000 et 5 000 dollars, le taux de pénétra- non pour un individu. De cette façon, l’assurance revenus, son éducation ou son statut social. GROUPE AXA la croissance du PIB. En analysant la situation de AXA emploie 77 économies avancées ou émergentes entre 1994 tion de l’assurance augmente plus vite que le 166 000 collaborateurs dans et 2005, Han et coll. (2010) ont montré qu’une PIB jusqu’à ce que le marché arrive à maturité ADAPTER L’OFFRE AUX RÉALITÉS LOCALES 64 pays, au service de 103 millions de clients dans pénétration totale de l’assurance en hausse de 1 % et atteigne un « plateau ». quatre secteurs d’activité : se traduisait par une augmentation de 4,8 % de la La pénétration de l’assurance reste très faible en 90 % de la population du continent n’a qu’un accès assurance de biens et Deux grands facteurs expliquent cette corréla- assurance risques, assurance- croissance économique (1,7 % si l’on ne retient Afrique. Hormis l’Afrique du Sud, le total des primes limité à l’assurance ou n’y sont pas sensibilisés, vie et épargne, assurance tion. Premièrement, une fois assuré, un individu maladie et gestion d’actifs. que l’assurance-vie). Il est intéressant de constater avoisine 1 % du PIB, loin des 5 % observés en Asie. malgré leur vulnérabilité et leurs besoins en matière peut prendre des décisions plus risquées que s’il Comme tous les assureurs, qu’au vu des données de divers pays (USAID, Les assureurs ont mis du temps à adapter leurs de soins de santé. Les compagnies d’assurance ont AXA doit constamment anticiper devait les assumer seul, par exemple pour créer les transformations de la société 2006), le taux de pénétration de l’assurance ces produits et services aux réalités locales. Ceux-ci longtemps cru que ces populations n’étaient tout une société, construire une infrastructure ou une pour adapter ses produits sont, pour la plupart, identiques aux produits et simplement pas assurables. Elles ont pourtant et services aux besoins actuels 40 dernières années n’est pas corrélé de façon usine, développer une nouvelle technologie, etc. et futurs de ses clients. En 2016, services proposés dans les pays industrialisés, c’est- développé leurs propres mécanismes de gestion linéaire avec la croissance du PIB, mais suit une Dans les économies émergentes, certains risques la compagnie a, par exemple, à-dire des contrats longs et complexes, distribués du risque : les couples ont de nombreux enfants lancé une initiative mondiale courbe en S (Enz, 2000) (schéma ci-dessus). sont peu fréquents, mais très coûteux pour l’in- destinée à amplifier par l’intermédiaire de réseaux coûteux d’agents et à la fois pour assurer leurs vieux jours et pour Un faible développement économique est géné- dividu et ses proches. Un accident de santé du les programmes de protection de courtiers qui ne touchent que l’élite urbaine. diversifier les revenus de la famille. des classes moyennes ralement associé à un taux de pénétration de chef de famille ou, pour les agriculteurs, une émergentes dans les pays en développement. l’assurance bas – les mécanismes informels et grave inondation ou une sécheresse peuvent, par 10 11 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
L’AS S UR ANC E, UN L EVI ER D E DÉVELOPPEM ENT ÉC O N OMIQU E ? ASSURANCE ET DÉVELOPPEMENT particulier numériques à l’instar du service de L’assurance dans la mobilisation Passer de systèmes d’assurance communautaires informels à des systèmes paiement par mobile M-PESA au Kenya. de l’épargne, le financement des entreprises et des infrastructures Selon les prévisions, en 2016, les smartphones individuels formels a des impacts positifs se vendront mieux que les portables en Afrique, sur le développement économique local. comme ce fut le cas en Inde fin 2015. Et avec l’accès à l’internet 3G, stimulé par l’investis- Par Frédéric Baccelli, directeur général du groupe Allianz Africa (Nations unies, 1964) sement public et privé, l’assurance par mobile continuera à prospérer, notamment en Afrique Ils se constituent une épargne de précaution, du Sud, au Kenya et au Rwanda. soit en liquide (« sous le matelas »), soit avec En Afrique, les assureurs ont le potentiel pour canaliser l’épargne des ménages et investir des biens pouvant être vendus en cas de besoin. La révolution numérique permettra aussi à long terme dans les entreprises et les projets d’infrastructure. Mais plusieurs freins limitent Mais souvent, ces mécanismes ne suffisent pas. aux acteurs du secteur d’associer des produits encore leur contribution au développement local. En Inde par exemple, 40 millions de personnes d’assurance à d’autres services à valeur ajoutée, retombent chaque année dans la pauvreté à cause comme l’éducation financière ou des solutions de problèmes de santé. de santé. Par exemple, AXA Egypt propose à ses A clients un accès à des consultations médicales Face à l’incapacité du marché traditionnel de vec 1,4 milliard d’euros (Md€) d’investissement reste limitée. Le montant total des REPÈRES l’assurance à répondre à ces besoins, de nou- par téléphone. Sur le même créneau, les startups de services de santé mobiles se multiplient en de primes en 2014, l’Afrique actifs sous gestion par les compagnies d’assurance ALLIANZ veaux acteurs maîtrisant le numérique, comme de l’Ouest (hors Nigéria et de la CIMA représentait moins de 2,4 Md€ en Allianz est présent dans 15 pays MicroEnsure, cherchent à réinventer la protec- Afrique. Par exemple, Foyo au Rwanda a déve- africains, du Maroc à l’Afrique Ghana) et l’Afrique centrale 2013 (dont 55 % pour l’assurance vie). C’est deux du Sud, en passant par le Kenya. tion pour les clients de pays émergents à faibles loppé une application mobile qui, pour le prix Au Sud du Sahara, le groupe représentent un exemple fois plus qu’il y a dix ans, mais bien en deçà des revenus (encadré ). Ils ont dû réinventer le d’un SMS, conseille et informe les utilisateurs en Allianz Africa comptait fin 2015, unique d’intégration régionale sectorielle. Depuis besoins du continent, estimés pour le seul secteur 17 filiales dans 12 pays, environ modèle de gestion de l’assurance, en relevant trois matière de santé. Au Kenya, Mamakiba aide les 600 collaborateurs et gérait 1992, les marchés d’assurances de quatorze pays des infrastructures à près de 100 MdUSD par an défis : le prix, le manque de confiance induit par femmes enceintes à faibles revenus à épargner 530 millions d’euros d’actifs. de la zone (UEMOA et CEMAC) sont, au travers au cours des dix prochaines années (source : BAD). Allianz offre une gamme la complexité des offres et la difficulté d’accès. pour couvrir leurs frais de santé. complète de services de la CIMA, régis par un code des assurances d’assurances, pour les unique et contrôlés par une autorité commune : Plusieurs facteurs contraignent cette capacité contri- particuliers comme pour Que faire maintenant ? Le futur de l’assurance En offrant de nouvelles solutions de protec- la CRCA (lire pages 15-17). butive : des taux de pénétration de l’assurance qui les entreprises, des grands pour les clients des pays émergents en Afrique, tion, formelles et efficaces pour des millions programmes internationaux restent faible, la fragmentation des marchés et la jusqu’aux activités de et au-delà, réside probablement dans l’effet de de personnes, la main invisible de l’assurance Si la CIMA est parvenue à assainir sensiblement le taille des bilans des compagnies qui n’autorisent des micro-assurance avec environ levier de nouveaux canaux de distribution, en devient plus tangible. secteur et à favoriser son essor, la capacité contri- investissements unitaires que de faible montant, 700 000 micro-assurés en Afrique de l’Ouest et centrale (contrats d’assurance associés butive des assureurs de la zone au financement du l’étroitesse des opportunités d’investissement, et principalement à des micros développement et aux besoins régionaux en matière enfin un système de régulation perfectible. crédits). L’assurance à l’ère du mobile DES SUPPORTS D’INVESTISSEMENT ENCORE LIMITÉS En Afrique, Asie et dans les Caraïbes, MicroEnsure, dont AXA est le principal investisseur, Selon la CIMA, les actifs gérés par les compagnies seulement 39 sociétés (dont 36 ivoiriennes) sont accompagne des institutions de micro-financement, des opérateurs de réseaux mobiles de la zone sont majoritairement orientés vers les cotées à la bourse régionale des valeurs mobilières et des partenaires locaux de distribution dans la diffusion de produits d’assurance, dépôts à terme bancaires (36 %), l’immobilier (20 %) (BRVM) de l’UEMOA, qui représente à peine plus notamment santé, simples et adaptés à la clientèle locale. Souvent, l’assurance est et les titres émis par les États membres (21 %). La de 10 milliards d’euros de capitalisation pour huit proposée gratuitement, dans un premier temps, comme produit d’appel ou de fidélisation. En complément, les clients peuvent acheter une meilleure couverture pour eux-mêmes part totale des valeurs mobilières s’élève à seulement pays, contre 54 milliards d’euros au Nigéria. Quant ou leur famille. Ce modèle « freemium » (gratuité assortie d’une version premium payante) 40 %. Cette tendance s’explique en partie par des au marché obligataire, il reste largement dominé par a fait ses preuves, en particulier dans le domaine du téléphone mobile où les clients marchés de valeurs mobilières encore peu développés, l’émission d’obligations souveraines. Pour les compa- ont plusieurs cartes SIM et où la concurrence est rude entre opérateurs. peu profonds, peu intégrés, et peu liquides, et par le gnies d’assurance, les perspectives d’investissement Des acteurs comme MicroEnsure et BIMA assurent désormais plus de 20 millions manque de support long-terme. À titre d’exemple, pour financer les entreprises restent limitées. de personnes avec des offres mobiles. Les primes mensuelles varient entre 50 cents et 5 dollars. Pour les clients de pays émergents, cette forme de protection est bien plus abordable que l’assurance traditionnelle. 1 Union économique et monétaire ouest africaine. 2 Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale. 3 Conférence interafricaine des marchés d’assurances. 4 Commission régionale des contrôles de l’assurance. 12 13 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
L’AS S UR ANC E DANS L A M OB I L I SATI ON DE L’ÉPARGN E FOCUS L’assurance-vie en Afrique DES RÈGLEMENTATIONS PARFOIS CONTRE-PRODUCTIVES Certains dispositifs réglementaires visant à ins- et de dispersion portant sur les actifs admis en taurer des standards de gestion, d’organisation et une supervision prudentielle des activités des représentation des engagements. Elles imposent par exemple par classe d’actif des minima et des subsaharienne francophone compagnies, ont été inspirés de règlementations limites d’investissement. Un règlement de 1999 Par Pathé Dione, président directeur général et fondateur du groupe SUNU européennes. Inadaptées au degré de maturité impose également d’investir les actifs a minima à des marchés financiers de la région, certaines hauteur de 50 % dans le territoire de l’État membre T règles constituent un frein à l’investissement des sur lequel les risques sont souscrits. Le reste ne compagnies ou limitent leur capacité à profiter peut être placé que dans les autres États de la ous les individus sont soumis à des Le traité de la CIMA a permis pleinement des opportunités de marché. Il en va zone CIMA, limitant la possibilité de réaliser des aléas, y compris en matière d’es- ainsi des règles (adoptées en 2007) de limitation investissements en faveur de projets panafricains. pérance vie, qui peuvent avoir de la transformation des marchés lourdes conséquences financières. d’assurances nationaux en un Par exemple, le décès d’un chef de UN MARCHÉ DE L’ASSURANCE ET DE L’ÉPARGNE À DÉVELOPPER grand marché panafricain avec famille peut priver ses proches (femme, enfants, La massification de l’assurance dans la zone a souvent été perçue comme une taxe sans réelle parents) de revenus. De même, les personnes des règles et une autorité communes. dépend de trois facteurs : l’offre, la demande valeur ajoutée, commercialisée par des acteurs âgées sont également susceptibles de rencontrer et le cadre réglementaire. L’offre doit être adap- sans grande discipline. Par ailleurs, la gestion des difficultés financières si elles ne disposent pas d’assurance de droit national africaines), l’assu- tée, simple et distribuée à grande échelle via des risques ou les mécanismes d’épargnes restent d’une épargne suffisante et qu’aucun proche n’est rance vie classique évolue lentement, malgré les des réseaux non traditionnels pour surmon- souvent du ressort de la solidarité familiale en mesure de les aider. Il convient de permettre progrès enregistrés chaque année. Elle représente Cet article résume, en partie, les travaux ter des infrastructures déficientes. Elle se doit intergénérationnelle ou intracommunautaire. aux individus de se protéger contre ces risques. Les moins d’un tiers du chiffre d’affaires de l’assu- des professeurs être innovante sur toute la chaîne de valeur Les assureurs, les associations professionnelles, sociétés d’assurances privées fournissent des services rance en zone FANAF et le taux de pénétration Aymeric Kamega et pour concilier efficacité sociale et rentabilité. mais aussi les institutions ont un rôle à jouer d’assurance sur la vie, dont le principe s’appuie sur Frédéric Planchet : (total des primes/PIB) atteint seulement 0,2 % « Présentation du La demande dépend, elle, de facteurs écono- pour développer l’éducation financière, vulga- plusieurs méthodes de gestions des risques (incitation (schéma ci-dessous). La Côte d’Ivoire est le marché de l’assurance miques, mais aussi culturels. Longtemps associée riser les mécanismes assurantiels et renforcer à la précaution, mutualisation des risques, partage principal marché avec 110,5 milliards de francs vie en Afrique à l’assurance automobile obligatoire, l’assurance la confiance des populations dans le secteur. des risques, transfert des risques, etc.). subsaharienne CFA, soit 39 % du marché FANAF, suivi par francophone », Dans les pays d’Afrique subsaharienne fran- le Cameroun (16 %) et le Sénégal (9 %). Cette Université de Bretagne position s’explique, en partie, par le dynamisme occidentale / EURIA, DROIT ET FISCALITÉ, LE RÔLE DES RÉGULATEURS AFRICAINS cophone, assimilés aux pays des zones CIMA Université de Lyon I / (Conférence interafricaine des marchés de l’as- de l’économie ivoirienne et son importance ISFA et Winter & Le dernier facteur est institutionnel et réglementaire. Enfin, l’environnement réglementaire assuran- surance) et FANAF (Fédérations des sociétés régionale (schéma p. 16). Associés, 2012. Pour soutenir le développement de l’assurance, les tiel, tout en s’adaptant au niveau de maturité des Il se réfère également aux différentes États doivent garantir sécurité juridique et fiscale marchés, devrait être plus tourné vers l’innovation communications aux acteurs du marché, et promouvoir une fiscalité pour libérer le potentiel de croissance. à l’occasion du adaptée des produits financiers. Elle doit être aussi É volution des primes directes vie de 2010 à 2014 – 16 pays 40e anniversaire Depuis la création de la CIMA, les acquis sont indé- (en milliards de francs CFA) de la FANAF en un outil au service du développement de l’épargne. février 2016 à Abidjan niables. La réforme sur l’encaissement des primes 283,7 (Côte d’Ivoire). Selon la Banque mondiale, 20 à 40 % de l’épargne (2013) en est emblématique : elle a permis d’assainir 259 238,2 africaine est aujourd’hui délocalisée. Une part de les bilans d’un certain nombre de compagnies dans 199,9 214,5 ces flux concerne les travailleurs expatriés, mais une zone où les impayés ont représenté jusqu’à 50 % également les classes aisées africaines qui veulent du chiffre d’affaires annuel. La réglementation a se protéger contre les risques de change ou avoir aussi favorisé l’arrivée de nouveaux entrants et une accès à des supports d’investissement plus diversifiés. certaine forme de concentration. Cette dernière C’est donc une partie de la collecte de l’épargne évolution peut apporter de la stabilité et des fon- africaine qui est investie sur les marchés étrangers. damentaux plus solides à un marché assurantiel L’incitation à l’épargne et sa collecte à long terme qui est essentiel au développement d’autres pans permettraient de la réinjecter dans l’économie réelle sectoriels des économies africaines et au financement 2010 2011 2012 2013 2014 en faveur de la croissance. des projets de développement sur le continent. Source : FANAF, février 2016 5 Cette nouvelle réglementation interdit aux entreprises de souscrire un contrat d’assurance dont la prime n’est pas payée ou de renouveler un contrat d’assurance dont la prime n’a pas été payée. 14 15 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
Vous pouvez aussi lire