ARCHITECTURE DE LA RÉSILIENCE - Vers la ville accueillante Février - Juin 2021
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
ARCHITECTURE DE LA RÉSILIENCE Vers la ville accueillante Février - Juin 2021 Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Belleville
ARCHITECTURE DE LA RÉSILIENCE Vers la ville accueillante Février - Juin 2021 Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Belleville
SOMMAIRE 1 AVANT PROPOS Objectifs du studio 2 RELEVÉS HABITÉS Identification des différents d’habitats de rue 3 ANALYSE URBAINE Enjeux et problématiques de la ville d’Aubervilliers 4 SITES POTENTIELS DE PROJET Identification des typologies d’habitats insalubres 5 PROPOSITIONS DE PROJETS Humaniser le centre d’hébergement temporaire de la ville d’Aubervilliers 6 PROJET FINAL Préparation du chantier 7 CHANTIER Mise en œuvre
1 AVANT-PROPOS Cet ouvrage retrace le semestre Les temps d’immersion sur allant de février à juin 2021 dans place peuvent être longs, avec le cadre du studio Architecture de plusieurs journées sur place. Ce la Résilience, proposé par Cyrille travail est par ailleurs nourri par Hanappe, au sein de l’Ensa Paris des interventions de différents Belleville. acteurs engagés sur les terrains étudiés. Ce studio de second semestre de master vise dans un premier 2 - Définition du cadre du projet temps à se sensibiliser à (trois séances) l’architecture en milieu précaire et hostile pour ensuite définir Par une série de rencontres des problématiques sous avec les différents acteurs, et plusieurs échelles et proposer en particulier les utilisateurs, des projets qui viendraient y un cadre de programme et de répondre. projet est défini. Des ateliers Cette année, nous étions participatifs sont mis en place ; 17 étudiants de master, axés sur les besoins des usagers, accompagnés par Cyrille ils permettent de définir Hanappe, Laure Lepigeon ainsi précisément ce qu’il convient que Ludovik Bost avec le soutien de faire. de l’association Actes et Cités. 3 - Conception du projet (trois Le studio s’articule en plusieurs séances) temps : Les étudiants conçoivent Phographie: Laurie Lozach 1 - Compréhension des enjeux, un projet architectural projet de tous les étudiants. Ils Le travail produit est restitué connaissance des sites (quatre correspondant à la demande travaillent tous sur ce projet. et analysé. Il fait l’objet d’une séances) telle qu’elle a été définie. Un Suivant ses dimensions, tout ou présentation devant un jury et travail d’allers retours sur partie du projet est identifié pour d’une publication. Les sites étudiés sont les projets est engagé avec être défini dans le détail, qui va Un workshop de construction explorés finement, par un les acteurs. En parallèle, une jusqu’au détail de construction. peut avoir lieu indépendamment travail approfondi de relevé recherche sur les ressources en Le travail sur les matériaux du studio. architectural et technique, matériaux locaux disponibles est poussé pour identifier Ce workshop peut être ouvert mais aussi social. Le relevé va du est engagée pour concevoir précisément les ressources et les à d’autres étudiants de l’école. détail de construction technique en fonction de ces derniers. A disponibilités. Il en est de même Les étudiants vont sur site et au ‘relevé-habité’ montrant l’issue de cette phase un projet pour l’économie du projet, ainsi construisent la partie identifiée comment les différents commun est défini en accord que la faisabilité constructive. du projet. Cette construction en sites sont occupés ainsi qu’à avec tous les acteurs. Différents rôles sont donnés aux fin de studio n’est faite que si elle l’analyse du territoire plus large, étudiants pour étudier les sujets apparaît comme nécessaire. Elle comment le projet s’insère dans 4 - Détails du projet (deux intégralement. n’est pas certaine et il se peut les géographies locales. séances) que d’autres types d’action 5 – Restitution et analyse du soient envisagés en fonction Le projet commun devient le travail produit. (1/2semaine) des besoins rencontrés. 6 Avant-Propos
UN STUDIO SOUS LA DIRECTION DE CYRILLE Étudier l’architecture, regarder le cadre Lors de la fête, et même avant pendant le HANAPPE, AVEC LUDOVIK BOST de vie et la vie qui l’habite, analyser, échanger, comprendre pour avancer, faire chantier, chacun avait amené des spécialités de son pays, du Sri Lanka au Maroc en passant ET LAURE LEPIGEON des propositions puis concevoir, échanger par la Roumanie, tandis que le voisin Marco, de à nouveau, préciser, rentrer dans le détail la zone d’accueil des gens du voyage d’à côté des choses, se les approprier, les saisir, est venu chanter et jouer merveilleusement en connaître le poids et la matérialité, les de la guitare. assembler, les construire, produire un projet et ainsi pour la première fois devenir Les étudiants se sont emparés et engagés véritablement architectes. avec foi dans le projet, en ont saisi toutes ÉTUDIANTS : Clara Herlevsen les complexités aussi bien sociales Le projet construit, cette maison pour tous, qu’architecturales pour gérer avec finesse Anna Godefroy est le fruit d’un long processus : Il a d’abord aussi bien les unes que les autres et à la fin Lara Cognard commencé par une exploration plus large, concevoir et construire le bâtiment le plus Noa Lelieur dans l’ensemble du Grand Paris, à l’exploration pertinent pour ce lieu. Sarah Coltier de nombres de lieux de vie qui, pour précaires Alice Bonnet qu’ils soient, n’en sont pas moins des foyers Ils ne savaient pas que c’était impossible…c’est Sherazade Rouibah pour ceux qui les habitent. Dans un deuxième pourquoi ils l’ont fait ! Alex Touayev temps, le travail s’est concentré sur la ville Un énorme bravo doit leur être Jules Cier d’Aubervilliers, en accompagnement des adressé. Ilke Kerkhofs services de l’habitat indigne, pour préciser Merci également aux bénévoles qui sont venus Romane Boucher la compréhension de ce qui constitue le mal aider, comme Alexandre, Rémi et Sarah. Laurie Lozach logement aux franges d’une des villes les plus Merci à mon binôme de studio et ami depuis Claire Delaunay riches du monde. Enfin, les choses se sont près de dix ans, Ludovik Bost,le roi de la Oliver Brax précisées quand le travail s’est concentré sur pédagogie et de la construction bois et bravo Felix Verheyden le centre d’hébergement de la rue Saint Denis, à Laure Lepigeon qui a très bien accompagné Adèle Vibert et que les étudiants sont entrés plus encore le studio.. Margherita Vargiu dans la connaissance de lieux et des gens qui les habitent… Merci encore une fois aux 60 généreux et BÉNÉVOLES CHANTIERS: Alexandre, Sara et Rémi sympathiques donateurs qui ont permis le Ce travail de fourmi, incessant, itératif, financement du projet, et à la fondation constamment dans l’échange, l’aller et le Somfy qui l’a financé à 50% grâce à son site MUNICIPALITÉ D’AUBERVILLIERS : retour avec les habitants, a permis au projet Les Petites Pierres. Deborah Mayaud qui a été construit d’émerger, d’apparaître Anthony Makhlouf comme celui qui devait être fait, en priorité Un énorme merci surtout à Deborah Mayaud Thomas Kergonou Jimenez avant tout autre… et Anthony Makhlouf qui ont rendu le projet Stéfane Fernandes Romain Pitel possible grâce à leur opiniâtreté au sein de la Non seulement le bâtiment réalisé par les mairie d’Aubervilliers ! Yazid Saidi étudiants est un des plus beaux qui aient été David Rebufel construits dans le cadre du studio, mais la Ce bâtiment va maintenant prendre sa vie et Damien Bidal fête a été une des plus joyeuses qu’on ait eue son autonomie ; on a hâte que les habitants se en fin de chantier ! Ce centre d’hébergement l’approprient complètement, le transforment, auparavant un peu tristounet a maintenant un le fassent vivre ! lieu où les enfants et les adultes peuvent se réunir, jouer, échanger, faire la fête... Amalia, Une belle aventure, encore une fois et merci la merveilleuse animatrice du lieu s’en est à toutes et tous ! saisie immédiatement, ainsi que tous les habitants et plus spécialement les enfants. Cyrille Hanappe 8 Avant-Propos Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 9
LES RETOURS DES contraintes techniques, économiques et sociales poussé : la journée de cours sur les différentes façons constructives des endroits ou bâtiments de Paris et ÉTUDIANTS ancrées dans le réel et dépassant le cadre d’intervenir sur un bâtiment en péril était très intéressante Aubervilliers. La petite échelle du projet proposé, ainsi que la pédagogique du studio. et aurait pu être répartie sur concertation avec les différents Le chantier a été un moment plusieurs journées ; et le dessin acteurs, ont fait que c’était une privilégié tant dans l’aspect des détails techniques pour le expérience “dans la réalité”. et les effets, sur les personnes découpe du bois sont bien plus pédagogique qu’humain. Le projet final étant très poussé, Enfin, avec le chantier, notre et l’architecture. Nous avons claires aujourd’hui, ça a été le chantier permet de prendre on aurait peut-être pu être un étude est devenue concrète, analysé les inventions des stage qu’il me manquait durant conscience d’une multitude peu plus encadrés pour nous ce qui est une opportunité streetwalkers qui utilisent la licence. La participation et de paramètres constructifs éviter de trop tâtonner. unique. les déchets comme éléments l’expérience de Ludovik Bost tout en ayant une approche La partie finale du chantier architecturaux. La façon dont ont énormément joué sur ce manuelle concrète à travers était géniale, j’ai appris ils utilisent les espaces perdus que j’ai pu apprendre. la mise en œuvre du projet énormément de choses, ou les espaces intermédiaires d’abord pensé sur papier. notamment sur la construction Felix VERHEYDEN du paysage urbain comme C’est une vraie chance de bois grâce à la présence logements. Nous avons enfin pouvoir se rendre compte de de Ludovik Bost. Le fait de Travailler dans un bureau, conçu l’architecture comme la manière dont les usages concrétiser le projet conçu dormir dans un appartement, une forme d’inclusion, pensés en amont font sens pendant le semestre à quelque ce n’est pas pour tout le comme une forme de création et sont appropriés par les chose de vraiment satisfaisant, monde. Et pourtant, il semble d’habitabilité, pour toutes habitants. Le sourire des en faisant une action sociale que l’architecture dans la les personnes. Elle m’a fait enfants et des familles pour qui pour les habitants du camp. ville s’arrête aux personnes découvrir l’architecture et la le projet a été conçu a été un Le fait de venir construire en Noa LELIEUR disposant de revenus société sous un angle différent, vrai aboutissement et permet fin de semestre nous permet suffisants. Il n’y a presque elle m’a énormément enrichi. d’appréhender comment de nous confronter à la réalité Le studio “Architecture de la pas d’architecture pour les Adèle VIBERT le dessins et les intentions et donc d’aller vraiment dans le résilience» est un studio très parias. Les parias doivent faire architecturales se traduisent détail du projet. Il a également différent des autres de l’École preuve de créativité avec une L’expérience vécue au cours dans les usages très concrets fallu prévoir le budget, la de Belleville. J’ai pu apprendre architecture qui ne leur est de ce studio m’a permis par les habitants. livraison des matériaux et la des nouvelles manières de pas destinée : un banc pour de me confronter aux location des outils, ce qui fut travailler et réfléchir que je attendre le métro devient un différents enjeux de l’habitat aussi intéressant. n’avais pas eu encore l’occasion endroit pour dormir, un champ insalubre. Marquée par les d’approfondir dans cette école. herbeux entre les routes peut multiples rencontres avec les D’une part, une autonomie devenir un lieu de campement, habitants, elle m’a permis, dans le travail que ce soit seule, une maison auto-construite ... en tant qu’étudiante, de voir en binôme ou en groupe de Comment est-il possible que l’aboutissement d’un projet 18 personnes. De l’autre, les tout ce qui est conçu dans architectural et social. interlocuteurs avec et pour la ville soit si imprévu pour Alex TOUAYEV L’intérêt majeur se trouve, à lesquels on a travaillé : des les personnes sans argent ? mon sens, dans l’opportunité sans-abris aux familles sortants Pourquoi y a-t-il des matelas Ce semestre j’ai pu apprendre à de mener un projet de la Sarah COLTIER de logement insalubres, des sur le trottoir ? Dans l’atelier travailler en totale autonomie, conception à la construction grands aux petits, des acteurs d’architecture «Architecture et surtout à devoir me fier et même de s’intéresser à sa Les thèmes abordés ce de la mairie aux travailleurs de la Résilience», nous à mes camarades sans vie future avec les habitants. semestre furent très Ilke KERKHOFS du bâtiment. Le studio se changeons de cap. Nous forcément devoir être au À travers cette expérience, j’ai enrichissants car jamais démarque aussi par son abordons l’architecture du courant de chaque détail du pu appréhender les conditions étudiés dans d’autres studios La phase d’analyse du organisation : premièrement point de vue des problèmes projet. de travail complexes d’un tel à Belleville. J’ai beaucoup studio m’a permis de faire les maraudes aux portes sociaux. Nous avons analysé Sur le chantier, ma manière de projet associant le travail apprécié l’aspect technique connaissance d’une façon de Paris dans le cadre de la dégradation causée par le faire a beaucoup changé, les d’équipe, l’organisation d’un du studio, qui aurait selon moi profonde avec à la fois des l’association Solidarités manque d’argent. Les causes méthodes d’assemblage et de chantier et les différentes mérité d’être encore plus problématiques sociales et Migrants Wilson, ensuite, Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 11
les visites d’appartements & intérêt pour le site de le projet. Le travail de groupe Cette expérience nous a Le studio «architecture de la projet dessiné et la gestion insalubres à Aubervilliers construction et vote du projet au sein du studio nous a appris offert une nouvelle vision de résilience» nous a permis de d’inattendus lors de la aux côtés des inspecteurs final très tardifs), la finalité est à travailler en équipe. Ce l’architecture ! découvrir et de comprendre transition de l’esquisse à la d’hygiènes de la mairie et enfin très enrichissante. Dessiner et semestre nous a également des situations concrètes de mal réalisation. Cette expérience le projet réalisé au 52 rue Saint construire un bâtiment de ses appris à travailler de manière logement et de sans domicile. m’a appris énormément du Denis à Aubervilliers. Pour propres mains devrait être autonome et concrète. En Loin des projets utopiques, le point de vue de la construction cette dernière phase du studio obligatoire dans les études effet, nous avons du faire face semestre a été ponctué de en bois et a clarifié toutes les étapes de la semaine d’architecture. C’est une à toutes les problématiques lectures théoriques, d’analyses énormément d’éléments déjà de conception et préparation expérience responsabilisante, réelles qu’elles soient approfondies et de conception appris mais que je n’avais du chantier à la semaine qui oblige à penser tous les économiques, temporelles, de projet (de l’intention à la jamais encore eu l’occasion de construction et livraison aspects du projet jusqu’aux politiques ou sociales. Le construction sur site). La d’appliquer. du projet ont été les plus nombres et aux types de vis, chantier nous a permis de démarche est très complète fécondes. En si peu de temps, en passant par le rapport développer des compétences mais peu claire et a nécessité grâce aux compétences, à la au sol et à l’eau, dont les nouvelles pour la plupart des beaucoup d’autonomie de la bonne cohésion du groupe et problématiques deviennent étudiants autour du bois mais part des étudiants, ce qui a pu à la précieuse aide de Ludovik concrètes lorsque confrontées aussi d’organisation afin de Alice BONNET engendrer de la frustration Bost on a pu construire un à une réalité vécue. Enfin, pouvoir construire le projet mais aussi et surtout de la espace vraiment utile et qui c’est une expérience humaine en 5 jours ! Ce semestre m’a permis de voir solidarité entre les étudiants. est sincèrement apprécié par inoubliable. différents aspects du projet, ceux pour lequel nous l’avons que je n’avais qu’entraperçu conçu. jusque là dans ma formation. Jules CIER Le point fort du studio a été de pouvoir réaliser le J’ai vécu une très belle projet final de l’ensemble du expérience durant ces groupe à échelle 1. J’ai pu quelques mois. Nous avons approfondir également mes dès le début travaillé selon connaissances sur le bois des expériences du réel et son comportement dans (maraudes, visite de lieux Romane BOUCHER la construction, mais aussi Oliver BRAX insalubres) et je trouve cette sur celui des bâtiments dits approche bien plus pertinente Claire DELAUNAY Ce studio « Architecture insalubres qu’on a analysé plus La véritable découverte du tant sur le plan pédagogique Lara COGNARD de la Résilience » a été une tôt dans le semestre. Ce studio studio est d’avoir pu traiter que professionnel. Nous avons Ce studio m’a enseigné une expérience très intéressante m’a permis d’être au contact d’un sujet assez peu évoqué passé beaucoup de temps à Ce semestre m’a permis de dimension nouvelle des études et significative dans de problèmes concrets dans lors des autres enseignements étudier notre sujet et cette me questionner sur l’intérêt d’architecture. Tout d’abord notre formation. D’une le monde de l’architecture, et (l’habitat précaire) et ce non partie relevant du social m’a de l’intervention d’un la possibilité d’être en lien part, l’enrichissement de de définir plus précisément ce seulement en théorie ou sous beaucoup ouvert les yeux sur architecte et sa justesse. direct avec les personnes pour connaissances sur les sujets qu’est le rôle de l’architecte forme d’analyses (comme le manque d’humanité dans Il a soulevé des questions lesquelles nous construisons de l’architecture sociale et pour moi. ce fut le cas au début du les études d’architecture, beaucoup plus humaines que était la principale raison du de la précarité (bien trop peu semestre), mais également (expérience de Belleville). précédemment. Il m’a aussi choix de ce studio. Ensuite, abordés dans nos études), a à travers la formulation La rencontre des familles, la appris à être autonome dans le fait de concevoir un projet été passionnant. Et d’autre d’une proposition de projet collaboration avec la mairie mes recherches et mon travail, jusqu’à sa construction a part, la concrétisation réelle et de sa mise en œuvre. Le d’Aubervilliers et enfin la le suivi pédagogique différant été pour moi une source du projet, pour l’amener à une travail d’organisation et de finalisation du projet avec le des studios classiques. Même d’apprentissage riche; tant au phase aboutie et construite, planification en groupe, ainsi chantier resteront pour moi si l’organisation du semestre niveau professionnel avec les en intégrant les réflexions et que l’expérience du chantier de très beaux souvenirs et je était étonnante (1ère partie échanges auprès des différents besoins des habitants, futurs ont permis un travail plus pense qu’en tant que futur d’analyses et interviews corps de métiers qu’au niveau usagers, a été révélatrice de précis sur l’exécution d’un architecte, je me souviendrai frustrantes car d’aucune aide humain avec les habitants du nouveaux enjeux de gestion projet dessiné et la gestion de ce vécu et cela impactera pour les habitants rencontrés site sur lequel a été construit et d’organisation d’un chantier. Laurie LOZACH d’inattendus lors de la sûrement ma façon de faire. Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 13
Je tiens d’abord à remercier ème, qui a pris tout son sens fiers, une petite réussite J’ai toujours été profondément les élèves du studio qui ont lorsque les résidents ont pu personnelle pour chacun convaincue que l’architecture, été d’une compréhension l’adopter et s’y projeter, nous d’entre nous ! Humainement en plus d’être un métier de sans faille et avec lesquels j’ai accorderons donc surement également, c’est un semestre passion, est un métier dans pu me sentir en confiance. plus d’importance dorénavant qui nous a tous fait travailler lequel on peut se sentir utile. J’aimerais remercier plus à cet outil de représentation en étroite collaboration et La proposition de ce studio particulièrement Adèle et souvent négligé. Il nous a qui nous a énormément m’a initialement beaucoup Claire sans qui cette création fallu rentrer dans un réel rapprochés. Cela a vraiment plu car elle proposait un travail n’aurait pas pu aboutir et qui détail constructif car pour la transformé ma manière qui allait traiter les différents ont pris à bras le corps le projet première fois il fallait que cette d’envisager mes études types d’habitats précaires qui pour le groupe. structure prenne vie, et serve d’architecte et la façon dont allaient induire un travail de Le studio démarre de manière à un quotidien qui ne nous on peut exercer notre métier, dialogue avec les personnes très autonome et se penche appartiendrait plus une fois le plus tourné vers l’action. qui occupent ces espaces. sur la découverte de l’habitat projet livré. indigne et du relevé de celui- Cette approche plus ci. Le commencement peut Clara HERLEVSEN anthropologique et sociale sembler très long et flou car m’intéresse car elle développe la concrétisation du projet une réflexion et des réponses n’arrive que très tard dans architecturales autres. l’année. En effet, avant de trouver le site sur lequel nous C’est selon moi l’écoute des nous établirons, les besoins futurs ou actuels habitants des habitants, les acteurs qui des lieux, qu’une architecture prendront part au projet, de Sherazade ROUIBAH va le mieux répondre aux longues semaines peuvent besoins et aux problématiques passer sans qu’on ne soit sûr Architecture de la résilience que génère une situation. Le de rien. Le but de ce studio est Anna GODEFROY à été une aventure commune travail architectural, plus de ne pas rester au stade du afin de mener à bien un concret et qui est venu dans un pur dessin de conception mais Ce semestre de studio m’a projet tous ensemble. Une second temps après la phase d’aller jusqu’à la réalisation de vraiment permis de trouver expérience unique en son d’analyse, a permis d’identifier celui-ci. Malheureusement, un sens, une concrétisation genre au cœur de l’ENSA-PB. ces besoins et de proposer je n’ai pas assez participé à du travail d’architecte, il m’a Personnellement j’ai appris des réponses qui ont pris la la conception du projet final permis de pouvoir enfin passer beaucoup de choses, que ce forme de projet architectural. et je n’ai pas pris part au de la théorie au terrain. Les soit en terme de travail de Enfin, la pédagogie des chantier. Mais de voir que différentes études et analyses groupe, de mise en chantier, écoles d’architectures ne l’aboutissement du travail que nous avons pu faire, tout de détails constructifs et met pas assez en avant des élèves puisse améliorer d’abord auprès des sans- de gestion d’un projet. l’intérêt du chantier et de la le quotidien et la vie de ces abris, puis sur le logement confrontation à des situations habitants, permet de donner insalubre, et enfin sur le cas réelles d’organisation post- du sens à notre métier. particulier du 52 rue Saint- chantier, et ce studio nous J’ai néanmoins eu une grande Denis ont été toutes plus a permis de se confronter liberté et du temps pour enrichissantes les unes que à cette expérience qui pour apprendre de nouveaux les autres, même si parfois moi restera la partie la plus logiciels de rendus 3D, pour elles nous ont confronté à de riche, ne serait-ce que dans créer des images de synthèses dures réalités. Le projet mis en le partage et la satisfaction que nous avons présentées aux place sur le site est un véritable de voir que nos réflexions habitants. Nous avons aussi aboutissement dont je pense et les efforts de chacun conçu une maquette au 20 que nous sommes tous très Margherita VARGIU ont pris réellement forme. Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 15
Phographie: Laurie Biello 2 RELEVÉS HABITÉS Identification des différentes P.18 NORD-EST PARISIEN TYPOLOGIES D’HABITAT DE RUE des Buttes Chaumont à République en passant par gare de l’EST. P.20LE LONG DU CANAL Canal Saint-Martin et canal de l’Ourcq P.22 LA COURNEUVE P.24 LES QUAIS DE SEINE centre de Paris P.26 PORTE DE BAGNOLET Périphérique de Paris P.28LES QUAIS D’ISSY Quai de la débrouille P.32 PORTE DE GENTILLY Périphérique de Paris
NORD-EST PARISIEN des Buttes-Chaumont à République en passant par Gare de l’Est Alex Touayev a procédé à une balade dans le Nord-Est Parisien, en traversant Belleville, le quartier nord des Buttes-Chaumont Il s’est intéressé à une typologie d’habitat de rue très particulier qu’il a rencontré rue d’Hautpoul dans le XIXème arrondissement de Paris. Il décrit : « Un cocon de scotch de déménagement, doublé avec des draps, posé sur une barrière de fer pour se décoller du sol et fixé à un poteau électrique. Ce cocon fabriqué depuis plus de 5 ans n’a toujours pas bougé. Son propriétaire est ici chez lui. Chaque année il prend le temps Plan du parcours réalisé par Alex Touayev de réparer son abri, de «l’aménager», d’en Habitat de rue, patchwork d’éléments aléatoires décorer son intérieur, avec des couvertures, pour créer un abri. des guirlandes et des photos. Il s’est aussi penché sur la situation d’impasse L’illustration à gauche, occupation sur rue qui répond à des critères d’occupation « Parfois il est difficile de particuliers. Ici, l’impasse Martini donne sur discuter avec des personnes l’entrée d’un parking, qui est actuellement en travaux. Un matelas, quelques sacs, et du Cet espace que peu de personnes empruntent en difficulté, la méfiance et les est l’endroit idéal pour être tranquille, loin carton y restent toute la journée en attente du bruit de la ville, loin de la police et loin du mauvaises expériences de la rue que leurs usagers reviennent en soirée. danger de la nuit. justifient qu’on refuse de parler à un inconnu. Ici plusieurs tentes Ce genre de lieux et les installations qu’ils génèrent sont multiples à Paris et révèlent sont alignées, tout est bricolé, des qualités spatiales que recherche une improvisé et barricadé. On sent personne en situation de précarité et qui lorsqu’on voit les chaînes, les plots 2 - Relevés habités est confrontée aux difficultés de la rue. Il Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 est difficile de s’installer de manière durable de chantier et les palettes que 19 dans les rues de la ville, le regard des gens, celui qui vit ici trace une frontière et la présence des autorités donne lieu à une entre lui et le reste du monde, recherche d’endroits qui pourraient générer un minimum d’intimité. comme pour se mettre derrière des remparts et se préparer à une La question de l’abri mobile est extrêmement bataille ». courante, car nombreux sont ceux qui se font Illustration qui montre l’habitat «cocon», fait de scotch et entourant un poteau Retour d’expérience d’Alex Touayev confisquer ou voler leurs tentes et couvertures.
LE LONG DU CANAL canal Saint-Martin et canal de l’Ourcq Noa Lelieur, Jules Cier et Margherita Vargiu ont rejoint les maraudes de l’association Solidarité Migrants Wilson pour procéder à leur étude de terrain. Ils se sont donc penchés sur les sans abris qui gravitaient autour du canal. Sur le canal de l’Ourcq il a été plutôt question de rencontres avec des personnes mobiles et non campements fixes. Ce n’est qu’à partir du canal Saint Martin qu’ils ont été confrontés à des personnes qui investissaient les lieux. Le contact avec l’association a permis de prendre conscience des dernières politiques Sous un tunnel, un exemple d’abris plus maîtrisé avec des éléments verticaux qui font office de murs, des mate- urbaines qui ont mené les personnes à se las, des lits et un canapé, organisés autour d’une petite table et de cendres qui témoignent la présence d’un feu disperser et à se cacher. Ceci rend l’action de l’association difficile, puisque les bénévoles Carte signifiant par des points, les différentes Au bout de l’impasse vont toujours plus loin pour apporter de l’aide, rencontres un repas, à chacun. « Nous avons eu du mal a Le travail s’est finalement tourné autour de approcher ces personnes qui Sous le pont trois typologies d’habitats situées à proximité pour la plupart semblaient du quai de Valmy. apeurées. Cependant certains nous ont partagé leurs parcours Sous les arcades, dans un tunnel Ci-dessous,une vue aérienne qui permet de situer les trois points d’études qui ont été établis et qui ont et les difficultés générées par leur générés trois typologies d’abris distinctes quotidien ». Les différentes typologies rencontrées Une seconde maraude le long du canal de l’Ourcq, secteur Pantin et Porte de la Villette, les a amenés à découvrir des lieux de campements avec des habitats plus construits. Le secteur étant aussi un lieu d’action de plusieurs associations, le dialogue et l’approche se sont avérés plus faciles. Enfin, la présence d’une tierce personne, permettant de faire le lien entre les différentes personnes a permis de rentrer à l’intérieur de certains Croquis d’un abris sous le pont de Stalingrad, l’usa- habitats où une étude plus détaillée des ger se sert de la bouche d’aération pour chauffer sa tente et l’a entourée d’une bâche espaces a pu être menée. et d’éléments de chantier 20 2 - Relevés habités Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 21
LA COURNEUVE Le second se trouve du même côté, il est niché dans l’interstice entre la culée et le pont. Le La hauteur sous-plafond ne permet pas de se mettre debout, elle doit être inférieure à troisième lieu, de l’autre côté de la route, 1m50. On trouve des rangements, fait à partir sous le périphérique s’installe de la même façon que le second, de récupérations, une cloison de bois sert de mais a acquis plus d’intimité par la mise en façade et fait office de limite avec l’extérieur. place de tentures. Enfin, le quatrième lieu La cuisine se fait grâce à une bonbonne de gaz étudié ressemble au premier dans le sens où et des plaques. De nombreux sacs servent à il bénéficie aussi d’un accès à l’extérieur du stocker de la nourriture, et des étagères au- pont, cette fois-ci au Nord-Ouest. dessus d’un petit plan de travail mettent en Ce site est à l’écart du reste de la ville, au place une sorte d’espace de cuisine. Les deux croisement de plusieurs voies rapides, peu habitants dorment dans des lits métalliques fréquenté par les piétons et le trafic est individuels, avec des matelas. Cependant, ils incessant. ne sont pas fixés au sol et l’absence de cloison du côté de la pente présente un danger pour Sagar et Agopal sont deux des habitants du leur stabilité. premier lieu. Ils ont aménagé un jardin où ils font pousser des plantes et des légumes. On Le deuxième lieu est situé entre la sous- a pu noter l’importance de la temporalité du face du tablier et une bande horizontale de site dans le mode d’occupation mais aussi sur quelques décimètres qui sert d’accès depuis Identification des différents espaces d’habitation Élévation du premier lieu les questions de visibilité : en effet, les arbres un côté du pont. L’accès est chaotique, et Ce lieu d’analyse a été traité par Lara Cognard dégarnis en hiver exposent les habitants aux nécessite d’être voûté et de s’accrocher dans « jardin » semble moins investi et sert plus de et Oliver Brax et se situe au nord de La regards des autres. la mesure du possible au mur ou aux câbles dépotoir que de lieu de plantation. Un chemin Courneuve (93), entre l’Avenue Roger Salengro qui traînent. Les habitants dorment sur des a été tracé, sûrement à force de passage, dans et la Nationale 301. Le jardin sert de lieux de dépôt, on y trouve matelas, et ne semblent pas avoir beaucoup l’herbe. La terrasse en béton sert seulement toute sortes d’objets tel que des bidons, des d’affaires. pour stocker des affaires variées. Un grillage La sous-face du tablier d’un pont sert de tables, des chaises, et des vélos attestent de informel sert de support à divers objets qui refuge à des migrants. Ils sont quatre groupes leur possibilité de se mouvoir. À l’extérieur on Le troisième lieu présente un assemblage de occultent la vue. à avoir investi les hauteurs des culées et vivent trouve un tas de bois qui sert probablement draps qui permet plus d’intimité, et on notera Du fait de la position de cet abri au nord cachés, ou non. On distingue quatre types de bois de chauffe sur une dalle béton qui fait la présence d’une tente. Le quatrième lieu est du pont, la question de l’ensoleillement et d’installations qui sont différents dans leur office de terrasse. On notera aussi que les semblable au premier, on note le même type donc de la température se pose. La situation rapport à la structure du pont. deux occupants ont tenté de creuser dans la de structure, mais l’exposition est différente: ombrageuse donne à cet habitat pourtant Le premier lieu, se trouve sur la partie Sud-Est butte pour y dessiner des escaliers. L’espace il est situé au nord. L’espace du proche du lieu n°1 un caractère moins habité. et bénéficie d’un espace intérieur en partie intérieur n’est pas clos côté rue ni côté jardin cloisonné ainsi qu’un accès à l’extérieur. (seul un drap marque le seuil). Croquis montrant comment les habitants occupent les lieux en dessous du pont Elévation du premier lieu 22 2 - Relevés habités Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 23
LES QUAIS DE SEINE couche de carton Serge Saphir est un homme de 47 ans, Guadeloupéen, papa d’une petite fille, et L’a cc o m p a g n e m e n t des papier bulle arrivé en France en 1990. sans-abris se réalise plutôt palette de le centre de Paris bois superficiellement: ils sont Il a d’abord été hébergé chez son cousin puis accueillis mais au bout de s’est installé dans un studio, qu’il sous-louait, avec sa copine de l’époque qui était enceinte. quelques jours, ils sont L’étude du sans-abrisme faite par Alice Bonnet La propriétaire du studio a cependant décidé abandonnés. et Romane Boucher, s’est concentrée sur les d’augmenter le montant du loyer sans donner quais de la Seine, dans le périmètre du quartier les quittances nécessaires pour les demandes D’après Serge, lors de la visite historique, et s’étendant alors de l’île aux d’HLM. Cygnes, au Pont d’Austerlitz. Les problèmes se sont succédés et Serge s’est Au cours de la visite du site, plusieurs types rapidement retrouvé à la rue. d’appropriations de l’espace public se sont Son « chez lui » n’est pas fixe. Il alterne entre couche de révélés. les hôtels sociaux dont il accède via le 115, plastique et la rue. Il y a les tentes qui présentent peu de bâche vis changements au cours du temps et des Il s’est alors installé sous le tunnel de la voie couche de divers moments de visites (jeudi, dimanche Georges Pompidou, accompagné de quelques carton après-midi, mardi). Certains abris sont placés personnes dans la même situation. Ils sont tasseau de bois légèrement au-dessus du niveau du sol, pour pour la plupart abrités par des tentes, autour corde mettre une distance entre « leur espace » et le d’une cuisine collective aménagée pour un reste du quai. D’autres tentes ont choisi de se espace convivial. positionner dans un recoin pour la recherche d’une possible intimité. Lors de la dernière crue de la Seine, visiblement Une fois installés, les occupants personnifient corde tasseau de bâche autour du 28 janvier, l’eau a submergé les leur espace, par des dessins artistiques sur les bois quais et la mairie a décidé de fermer l’accès au murs, ou des objets types peluches qui servent tunnel, pour éviter le passage dangereux des de décoration. plan habité d’une des installations (Serge Saphir) voitures. Serge était hospitalisé et à sa sortie, il découvre son « chez lui » fermé, et presque la totalité de ses affaires jetées. Actuellement, Serge séjourne dans un hôtel à Porte de la Villette et a construit un abri pour l’un de ses amis. Cet abri est constitué de deux palettes : une au sol et une seconde verticale pour se protéger de la route. Le mur de soutènement sert de dernière paroi. Une bâche en plastique façonne la couverture de l’abri et est rattachée à des tuyaux par des fils, ou directement clouée dans les joints des pierres du mur. Entre la bâche et les palettes est placée une couche de papier bulle mixée à une feuille de papier d’aluminium qui lui servent d’isolant. L’abri est composé d’un matelas et de draps et ne dispose pas de plus de place que ça. Croquis du détail de l’abri construit par Serge Croquis montrant les différentes situations d’appropriation de l’espace public 24 2 - Relevés habités Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 25
PORTE DE BAGNOLET Le sol est recouvert d’une bâche imperméable et est surélevé pour s’isoler du froid et de l’eau. On remarque de nombreuses couches périphérique de Paris superposées au dessus des palettes allant de la plaque de bois épaisse au tissu feutré et chaud. « Les enfants ne sont pas Adèle Vibert et Claire Delaunay ont étudié un camp de Roms situé entre l’autoroute A3 et scolarisés, personne ne possède le périphérique. Sur ce site aussi, la voiture de papiers, ils n’ont pas d’adresses est omniprésente, et le piéton n’a pas sa ce qui rend la recherche d’un place, ce qui participe à l’invisibilisation de ces campements. travail quasiment impossible, Ce site présente différentes habitations. Il y a tout comme demander la sécurité la caravane surélevée, habitée par Maria (17 sociale. Il n’y a pas de ramassage ans) et son enfant et l’abri de Ion, un homme de 46 ans, qui vit avec sa famille. Ion s’est de déchets, pas d’accès à l’eau et occupé de la totalité de la construction de donc pas de sanitaire ». son habitation qui se présente à première vue comme un patchwork de différents matériaux et planches (bâche imperméable, planchettes de bois, baies vitrées coulissantes, écrans Vue aérienne de l’organisation spatiale planche de bois qui permet sol étanche du campement de cacher le vide apparent noirs réfléchissants ainsi qu’une porte rabotée planche de ou un ensemble de planches fines en bois bois L’entièreté du campement a accès à d’aspects divers qui permettent de constituer l’électricité. Une personne du campement sol planche Axonométrie habitée de l’habitation de Florin et Doina la paroi principale). Une autre caravane abrite voisin leur a donné un accès et ils ont tous le caoutchouté épaisse Cosmina (21 ans) et Costel (2 ans) qui, étant né chauffage à l’intérieur des maisons. On voit sur le sol français, bénéficie du statut français. des fils électriques partant de son abri et le Cependant ce statut ne lui permet pas d’avoir les ouvertures sont obstruées pour avoir une palette structurelle reliant à toutes les autres baraques. On notera permettant de accès aux écoles publiques. impression d’intimité. que la plupart des habitations sont assez peu rehausser le sol ouvertes sur l’extérieur, et souvent Florin et Doina vivent dans un autre abri de 3m50 par 2m40. Soit moins de 8m2 à l’intérieur. Ils ont séparé les différents espaces intérieurs par des tissus tendus sur les murs. Ainsi on voit un espace chambre avec le lit, à ses pieds un espace de stockage. De l’autre côté de la pièce un espace pour cuisiner permet au couple de manger à l’intérieur et de s’isoler de la vie en communauté. L’électricité passe par l’abri du père de Florin qui est mitoyen au leur. Ils peuvent faire fonctionner des plaques et un four électrique. De nombreux tissus sont répartis sur les murs et sur la fenêtre, occultant les vues et la lumière, protégeant l’intérieur du Vue aérienne du site et qui montre l’emplacement du campement froid et donnant une idée de «chez soi» à l’abri. Détail du sol de l’habitation de Florin 26 2 - Relevés habités Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 27
QUAI DE LA DÉBROUILLE Le site est peu visible et difficilement accessible. En effet, il se situe en contrebas Malgré cet avertissement, il donne l’autorisation de descendre en utilisant son du pont d’Issy les Moulineaux sur le quai du échelle. L’équipe arrive donc sur le quai, quai d’Issy point du jour. Ce dernier n’étant pas encore au bord de l’eau, isolé du bruit de la route, aménagé pour être circulable, les occupants le silence qui y règne contraste fortement de ces baraques empruntent généralement avec le bruit sur le pont. En avançant on Situé entre les communes de Boulogne une échelle de service ou la passerelle d’une passe devant une petite dizaine de cabanes, Billancourt et d’Issy les Moulineaux, le Quai des péniches. toutes construites entre le fond du pont de la Débrouille est surnommé ainsi depuis et les piles qui le supportent. Les façades, l’arrivée il y a plus de dix ans de sans-abris ayant Les cabanes sont habitées, mais les éléments toutes différentes, ont l’air d’être construites mis à l’oeuvre leur talent de bricolage pour se extérieurs d’aménagement laissent penser avec des matériaux de récup. Des meubles construire des logements « en dur» derrière le contraire. ont été installés dehors, certains avec des les piles du quai. Ces logements forment une cales pour gérer la pente. Au bout du quai, suite de cabanes toutes différentes et se sont Afin de rejoindre les cabanes, il a fallu se trouve l’escalier qui permet aux habitants organisés en voisinage les uns avec les autres demander l’autorisation à un usager d’une des cabanes d’y accéder. Du son s’échappe mais aussi avec les habitants des péniches péniche qui était installé sur un toit, Rachid, d’une des cabanes, et permet d’établir un environnantes. qui «squatte» la péniche et qui a rétorqué : premier contact avec un des habitants. «Pourquoi voulez vous descendre? Là bas il n’y Anna Godefroy, Sherazade Rouibah, Laurie a que des types bourrés !» L’HISTOIRE D’ILAN Lozach et Sarah Coltier se sont chargées de « Il sort de chez lui méfiant. Après un moment, l’étude de ce secteur. il nous invite à rentrer chez lui. Un « chez Portrait d’Ilan, un des habitants du quai lui » modeste mais confortable qui semble avoir le nécessaire pour vivre. On apprend alors beaucoup sur les différentes facettes de la vie d’Illan, qui se livre à nous. Il est SDF depuis presque 10 ans, mais n’habite sur le Quai de la Débrouille que depuis 4 ans. Il en a entendu parler grâce à Véronique, son amie qui y logeait. Son habilité pour construire sa cabane vient de sa formation comme intermittent du spectacle spécialisé dans les décors. Aujourd’hui, depuis le début de la crise du Covid il ne travaille plus à cause de la situation et ne touche plus le chômage depuis 2020, il est désormais au RSA. Malgré toutes les péripéties qui ont marqué la vie d’Illan, sa joie de vivre et sa sensibilité transparaissent. Il ne désespère pas, même s’il nous avoue ne pas comprendre pourquoi le sort s’acharne contre lui. Parmi les épisodes moins joyeux de sa vie tel que s’être retrouvé dans la rue à dormir sur un matelas sous un bowling après s’être fait jeter dehors par sa femme, il nous raconte comment il a grandi baigné dans la musique à travers la passion de son père pour les percussions et qu’il a rencontré des personnalités importantes comme Brigitte Fontaine.» Croquis montrant le site d’étude et ses alentours 28 2 - Relevés habités Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 29
Axonométrie habitée de l’habitation d’Illan 30 2 - Relevés habités Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 31
PORTE DE GENTILLY profondément dans le sol contre les palettes lattes plus petites en raison du manque de aplaties (4). Des planches de bois sont grandes planches sur mesure (7). Lorsque la périphérique de Paris placées à l’extérieur des palettes, également construction en bois est terminée, on rend la enfoncées dans le sol, pour empêcher l’eau maison étanche en recouvrant l’ensemble d’un de s’infiltrer à l’intérieur. De plus, tous les bitume de caoutchouc trouvé, et puis d’une matériaux de construction en bois, planches bâche. En l’absence de véritables panneaux Sur la bretelle de l’autoroute A6 tout proche et poutres, sont des exemplaires qu’ils ont d’isolation, des morceaux de mousse isolante de la cité universitaire, sur la porte de Gentilly, trouvés eux-mêmes. Ils les transportent avec sont fourrés entre les palettes et les fentes se trouve un micro-campement. Il s’agit d’un une brouette. Ensuite, on fixe la poutre faîtière pour l’isolation. Enfin, des couvertures ensemble de cinq abris. Il y a trois types de (5), puis les chevrons (6). Sur les chevrons, des sont accrochées aux murs à l’intérieur, non structures dont le premier est la tente, le planches sont fixées, composées de planches seulement pour l’isolation thermique, mais deuxième la tente protégée et soulevé du plus petites martelées ensemble avec des aussi pour le confort. sol par une construction des palettes et une bâche, le troisième est une cabane. À l’extérieur on peut voir un drapeau français très visible, un petit salon à côté de la cabane, une horloge et un portemanteau accrochés à un arbre et on reconnait dans la cabane l’apparence d’une maison avec des fenêtres et surtout une porte d’entrée. Ces éléments nous montrent les premiers signes d’une recherche de domesticité, d’identité. Le groupe de Clara Herlevsen, Ilke Kerkhofs et Felix Verheyden se sont donc chargés de l’étude de ce lieu et ont pu y retourner Vue aérienne de l’oganisation spatiale du campement à trois reprises. Ces trois visites ont permis d’apprendre plus profondément les méthodes constructives de chaque habitant du camps et Lors d’une troisième visite, les étudiants se a permis d’installer une certaine relation de sont intéressés à la construction de la maison confiance au fur et à mesure des conversations avec Narcis. Avec 2 autres hommes, Narcis a et des échanges qui ont eu lieu. construit la maison en 5 jours. Il leur dit qu’il a déjà construit une cabane à Paris, mais qu’il a dû l’abandonner parce qu’il a été chassé par 1 3 la police. Le groupe a fait une reconstitution chronologique de la construction de la maison. Ils ont d’abord creusé une fosse peu profonde dans laquelle ils ont mélangé des morceaux de verre avec la terre (1). Ils ont fait cela pour se 2 protéger des rats, pour les empêcher de se frayer un chemin à l’intérieur. Les rats se blessent sur les morceaux de verre, et ne creusent plus loin. Ensuite, les pieux sont creusés dans la terre (2). 1- la tente Dans la fosse peu profonde, des palettes de 2- la tente abritée bois sont placées comme base pour le sol (3). 3- la cabane Les palettes en bois ne servent pas seulement Illustration des trois typologies d’abris à construire le sol mais aussi de mur, elles sont présents sur le camps placées verticalement un peu plus 32 2 - Relevés habités Architecture de la Résilience - ENSA-PB - 2021 33
Vous pouvez aussi lire