BANGLADESH Violences contre des membres de la minorité hindoue - Amnesty International

 
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AMNESTY INTERNATIONAL                DOCUMENT PUBLIC               ASA 13/006/2001
Section Française                                                  SF 02 CO 115
76 Bd de la Villette
75940 PARIS Cedex 19

                            BANGLADESH
     Violences contre des membres de la minorité hindoue

Décembre 2001

                                         RÉSUMÉ

Amnesty International est, depuis plusieurs mois, préoccupée par la situation des membres de
la communauté hindoue du Bangladesh. Les élections générales du 1er octobre ont été
remportées, à une large majorité, par une coalition menée par le Parti nationaliste du
Bangladesh (BNP, Bangladesh Nationalist Party), et depuis lors les partisans du BNP se
livrent, d’après les informations dont nous disposons, à des violences contre les Hindous qui,
selon eux, ont soutenu aux élections le parti de la Ligue Awami. Des centaines de familles
hindoues ont été chassées de leurs terres par des groupes affiliés, semble-t-il, à la coalition
menée par le BNP, qui auraient incendié leurs maisons et violé leurs femmes. Plusieurs
Hindous ont, semble-t-il été tués. Amnesty International demande au gouvernement du
Bangladesh de traduire en justice, quels que soient leur position sociale ou leur rang dans un
parti politique, les individus qui se sont livrés à de tels actes.

Les organisations humanitaires du Bangladesh estiment que plus de 100 femmes ont pu être
victimes de viols. Des centaines de familles hindoues ont traversé la frontière pour se réfugier
en Inde à la suite de violences ou de menaces. Certains lieux de culte hindous ont également
été attaqués.

Le gouvernement a, semble-t-il, mis sur pied, début novembre, une Commission présidée par
le premier secrétaire du Premier Ministre Khaleda Zia, afin d’enquêter sur les allégations
d’atrocités commises à l’encontre de membres de la Communauté hindoue et des informations
selon lesquelles ceux-ci auraient cherché refuge en Inde. La Commission devait soumettre un
rapport au bout d’une semaine, mais on est sans nouvelle de l’état de ses travaux.

Les informations parues dans la presse du Bangladesh continuent à signaler les problèmes
auxquels les membres de la minorité hindoue se trouvent confrontés, particulièrement dans les
zones rurales.

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L’ assassinat d’ une personnalité importante de la communauté hindoue semble lié à la vague
de violences dont les Hindous sont les victimes actuellement. Le 16 novembre, Gopal Krishna
Muhuri, directeur du Collège Nazirhat de Chittagong, a été tué chez lui par arme à feu. En
outre, l’ arrestation de Shahriar Kabir, journaliste et écrivain connu, qui enquêtait sur la
situation des Hindous après les violences, a constitué un message peu rassurant adressé aux
défenseurs des droits humains au Bangladesh et dans le monde entier. Le 1er décembre, la
Haute Cour du Bangladesh a donné au gouvernement une semaine pour justifier la légalité de
la détention de Shahriar Kabir. Cette ordonnance faisait suite à une requête écrite de ses
avocats contestant l’ arrestation. Amnesty International demande la remise en liberté,
immédiatement et sans condition, du prisonnier d’ opinion Shahriar Kabir.

Amnesty International appelle le Gouvernement du Bangladesh a exprimer publiquement sa
condamnation des violences, à prendre des mesures pour préserver les Hindous contre les
attaques dont ils font l’ objet et de faire procéder au sujet de ces dernières à des enquêtes
menées par un organisme indépendant et impartial, à indemniser les victimes, à abolir les lois
qui instituent des discriminations à l’ encontre des minorités et à prendre toute mesure
disciplinaire ou pénale appropriée à l’ encontre des personnels de police qui n’ ont pas assuré la
protection des membres de la Communauté hindoue.

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BANGLADESH
     Violences contre des membres de la minorité hindoue

Amnesty International est, depuis plusieurs mois, préoccupée par la situation des membres de
la communauté hindoue du Bangladesh. Les élections générales du 1er octobre ont été
remportées, à une large majorité, par une coalition menée par le Parti nationaliste du
Bangladesh (BNP, Bangladesh Nationalist Party), et depuis lors les partisans du BNP se
livrent, d’ après les informations dont nous disposons, à des violences contre les Hindous qui,
selon eux, ont soutenu aux élections le parti de la Ligue Awami. Des centaines de familles
hindoues ont été chassées de leurs terres par des groupes affiliés, semble-t-il, à la coalition
menée par le BNP, qui auraient incendié leurs maisons et violé leurs femmes. Plusieurs
Hindous ont, semble-t-il été tués. Amnesty International demande au gouvernement du
Bangladesh de traduire en justice, quels que soient leur position sociale ou leur rang dans un
parti politique, les individus qui se sont livrés à de tels actes.

Amnesty International demande aussi la remise en liberté, immédiatement et sans condition,
du prisonnier d’ opinion Shahriar Kabir, journaliste, qui a cherché à faire connaître les
exactions dont les Hindous sont victimes.

Discriminations contre les Hindous

Les Hindous du Bangladesh soutiennent en général des partis comme la Ligue Awami, et leur
accordent leurs suffrages aux élections. Ils sont donc exposés, de la part des partis opposés à
la Ligue Awami, aux contre coups de la politique.

Les Hindous, qui forment au Bangladesh une communauté qui a la même langue et la même
religion que les populations indiennes du Bengale occidental, sont victimes de pratiques
discriminatoires et de violences de la part de groupes musulmans. Depuis l’ indépendance du
Bangladesh, aucun gouvernement n’ a pris de mesure efficace pour protéger les Hindous
contre les menaces auxquelles ils sont exposés, notamment les violences actuelles.

Les Hindous, hommes et femmes, ont fait l’ objet de violences et d’ intimidations ; les femmes
ont, de plus, subi des violences sexuelles. Le gouvernement du Bangladesh, qui est partie à la
Convention internationale pour l’ élimination de toute forme de discrimination à l’ encontre des
femmes, est tenu de prendre sans délai des mesures afin d’ éliminer les pratiques
discriminatoires contre les femmes du Bangladesh. Le Comité pour l’ élimination de la
discrimination à l’ encontre des femmes considère comme pratiques discriminatoires les
violations basées sur le sexe, et notamment le viol (Recommandations Générales n° 19 de
1992).

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Violences contre les Hindous

La vague de violences dont est actuellement victime la communauté hindoue du Bangladesh a
commencé avant les élections générales du 1er octobre 2001 ; des menaces leur auraient alors
été faites par des membres de l’ alliance dirigée par le BNP pour qu’ ils s’ abstiennent de
prendre part aux élections, car on pouvait penser qu’ ils donneraient leurs suffrages à la Ligue
Awami. Le contre coup, après les élections, a été systématique et sévère. D’ après les
informations, les régions les plus affectées sont été celles de Barisal, Bhola, une partie du
Pirojpur, Khulna, Satkhira, Gopalganj, Bagerhat, Jessore, Commilla et Norsingdi. Ses
attaquants auraient fait irruption au domicile des Hindous, frappé les membres de leurs
familles, pillé leurs biens et, dans certains cas, violé les femmes.

• Un des villages touchés a été celui de Ziodhara. La crainte d’ une expédition punitive a
créé dans le village une atmosphère d’ extrême tension. Plusieurs centaines d’ habitants
hindous sont partis, craignant d’ être attaqués, et les enfants hindous ont refusé d’ aller à
l’ école.

• Dans un autre village celui de Deuatala Bazaar, des bandes de jeunes gens armés
d’ instruments tranchants sont allés de porte en porte en disant aux Hindous de « filer ». Des
centaines d’ habitants hindous auraient ainsi quitté le village.

• Dans le village de Daspara, union du Mithanala, Mirersarai Upazila, une bande d’ environ
25 jeunes gens a, semble-t-il, attaqué les maisons des Hindous, vers minuit le 5 novembre.
Une personne, Sunil Das, âgée de 28 ans, a été massacrée et 16 autres blessées, certaines
gravement. Les attaquants ont fouillé les maisons, pillé les biens et fait sortir de force les
habitants pour les frapper. La police a, semble-t-il, arrêté 12 personnes pour ces faits, mais on
ignore si elles ont été inculpées.

• Des centaines de familles hindoues ont franchi la frontière pour se réfugier en Inde parce
qu’ elles avaient été attaquées ou menacées. Elles se seraient infiltrées en Inde soit en graissant
la patte à des fonctionnaires, soit en traversant la frontière dans des régions retirées où elle
n’ est pas gardée. D’ après l’ Agence France-Presse du 29 octobre 2001, ces familles se sont
réfugiées soit dans des camps, soit auprès de parents. Des Hindous interviewés par des
journalistes ont déclaré qu’ ils avaient été pris pour cibles de ces attaques parce qu’ on pensait
qu’ ils avaient voté pour la Ligue Awami, qui avait été battue aux élections.

Certains lieux de culte hindous ont également été attaqués, notamment le 22 octobre à
Chandaikona Bazaar dans la région de Royganj de Sirajganj, où une bande de jeunes gens a
endommagé des statues et pillé les lieux.

A la suite d’ une requête déposée par une organisation locale d’ aide juridique du Bangladesh,
Ain-o-Salish Kendra, la Haute Cour a donné au gouvernement ordre d’ expliquer pourquoi il
ne s’ est pas davantage efforcé de protéger la minorité hindoue du pays. La Cour a alloué au
gouvernement un délai d’ un mois pour répondre.

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Allégations de viol

Les organisations de défense des droits humains du Bangladesh estime qu’ une centaine de
femmes ont pu être victimes de viols. Les informations laissent entendre de façon constante
que les auteurs de ces faits sont principalement des membres du BNP, ou du Jamaat-e-Islami,
son partenaire dans la coalition. Les victimes de viols sont souvent peu disposées à raconter
ce qu’ elles ont subi. Ce qui suit donne une idée du genre d’ informations qu’ il est possible de
recueillir.

• Une étudiante a, semble-t-il, été violée chez elle et en présence de sa mère à Azimnagar,
Bhanga, Faridpur. Des hommes sont venus attaquer son domicile le 6 octobre vers 9 heures du
soir, ils ont mis à sac la maison, pillé tout ce qui avait quelque valeur et violé la jeune fille
avant de s’ en aller .

• Une écolière aurait été victime d’ un viol collectif à Delua, Ullapara, Sirajganj, le 8
octobre. Des hommes sont entrés chez elle, ont brutalisé les membres de sa famille, puis l’ ont
emmenée au-dehors et violée.

• Deux femmes hindoues auraient été violées sous les yeux de leurs maris, le 11 octobre à
Khanzapur Upazila à Gournadi, Barisal. Les hommes apparemment venus les attaquer la nuit
et leur ont dit qu’ ils devaient quitter la région parce qu’ ils avaient voté pour la Ligue Awami.
Ils auraient ensuite ligoté les hommes et violé les femmes.

• Deux femmes hindoues auraient été violées à leur domicile à Bashkandi, Chofashon,
Bhola, le 6 octobre. Les hommes de la famille, craignant une attaque, étaient partis se cacher.
Les assaillants sont entrés et ont violé la mère et la fille.

Un grand nombre de jeunes filles indiennes auraient été enlevées. On ignore si elles ont été
rendues à leurs familles. Un groupe d’ hommes armés aurait, le 11 octobre 2001, enlevé 3
jeunes filles hindoues au village de Nohata, Shreepur, district de Magura. Les hommes sont
semble-t-il entrés chez elles à minuit et les ont emmenées avec eux. Une autre jeune fille
aurait été également emmenée de son domicile à Razarchor, Sadar, Barisal, par des hommes
venus attaquer sa famille parce que celle-ci ne leur avait pas donné la grosse somme d’ argent
qu’ ils exigeaient d’ elle pour la laisser tranquille. Ils ont également brutalisé la mère et la tante
de la jeune fille. On peut craindre que toutes ces jeunes filles n’ aient été violées.

Réactions nationales et internationales à la suite de ces violences

Peu après les élections, la presse du Bangladesh a accordé une large couverture aux atrocités
dont la communauté hindoue était victime, amenant dans tout le Bangladesh une prise de
conscience de sa situation et appelant les autorités à agir. Cette action a été renforcée par celle
des organisations bangladeshi de défense des droits humains, dont certaines ont envoyé, dans
les zones concernées, des équipes chargées d’ enquêter, et qui ont tenu des réunions publiques
pour protester contre ces violences.

Amnesty International a lancé, le 15 octobre, une Action Urgente pour exprimer ses
préoccupations suite aux informations faisant état des violences infligées après les élections
générales aux minorités hindoues et autres, apparemment par les partisans de la coalition
regroupée autour du BNP. Des membres d’ Amnesty International ont écrit du monde entier
aux autorités du Bangladesh pour les appeler à agir immédiatement en vue de mettre fin aux

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violences exercées contre les minorités religieuses et à fournir aux victimes une protection
adéquate et durable. Ils ont écrit à Madame le Premier Ministre Khaleda Zia pour lui
demander de mettre en place une commission indépendante et impartiale chargée d’ enquêter
sur les allégations de violences, de rechercher et de traduire en justice les auteurs de celles-ci.
Des membres d’ Amnesty International ont également écrit à l’ Inspecteur Général de la Police
pour lui demander de veiller à ce que son personnel donne aux plaintes déposées contre les
présumés auteurs des violences les suites appropriées.

Aux préoccupations soulevées par ces violences, le gouvernement a tout d’ abord réagi en
niant les faits. Amnesty International a été particulièrement troublée par des informations
parues à la mi-octobre dans la presse du Bangladesh et qui citait les paroles de Altaf Hossain
Chowdhury, Ministre de l’ Intérieur du Bangladesh, lequel avait qualifié de « infondés,
exagérés et politiquement orientés » les articles signalant les violences exercées contre la
minorité hindoue du Bangladesh. Lors d’ une visite à Barisal, il a déclaré qu’ il n’ avait trouvé
aucune preuve à l’ appui de ces informations. Il a cependant, semble-t-il, admis le 26 octobre
que des atrocités avaient bien été commises, mais n’ a donné aucune information quant à
l’ ampleur du problème.

L’ Agence France-Presse a signalé, le 9 novembre, que le gouvernement du Bangladesh avait
constitué une commission, avec à sa tête le Premier Ministre Khaleda Zia, pour enquêter sur
les atrocités dont auraient été victimes des membres de la communauté hindoue et sur les
allégations de fuite de cette communauté vers l’ Inde. Cette commission ne semble pas
indépendante du gouvernement, puisqu’ elle est, placée sous la direction du Ministre de
l’ Intérieur. Elle devait présenter un rapport au bout d’ une semaine, mais on n’ a plus aucune
nouvelle de l’ état de ses travaux.

A ce jour, un certain nombre de membres du BNP ont été arrêtés, suite aux violences à
l’ encontre des Hindous. C’ est ainsi que, le 15 octobre, le Daily Star signalait l’ arrestation
d’ Abdur Rouf, président de la section du BNP pour le village de Purba Delua, Ullapara thana,
Sirajganj. Il était, semble-t-il, à la tête d’ un groupe d’ environ 16 militants du BNP qui avaient
attaqué Anil Shill et l’ avaient battu, ainsi que son épouse Basanta Rani et les deux filles du
couple, Purnima et Gita Rani, dans le but de s’ approprier des terres appartenant à la famille.
La police avait tout d’ abord refusé d’ enregistrer la plainte contre ces hommes.

La presse du Bangladesh continue a rapporter des évènements qui mettent en évidence les
problèmes auxquels sont confrontés les membres de la minorité hindoue, particulièrement
dans les zones rurales. Un article entre autres mentionne que 30 familles hindoues du village
de Reeshipara, de Boraigram Upazila, au Natore, auraient été menacées par des hommes
armés se disant membres du BNP, qui leur ont dit qu’ elles devaient, soit leur fournir 300.000
Taka (5.317 dollars) avant la fin du Ramadan, soit quitter le village et aller s’ installer ailleurs.

L’assassinat de Gopal Krishna Muhuri

L’ assassinat d’ un membre important de la communauté hindoue semble lié à la vague de
violences dont les Hindous sont actuellement victimes. Le 16 novembre, Gopal Krishna
Muhuri, principal du Collège Nazirhat de Chittagong a été tué par balles à son domicile.
Quatre tueurs, se faisant passer pour des membres des services de renseignements de la
police, se sont présentés chez lui, lui ont dit de venir jusqu’ à la porte et lui ont tiré à la tête
deux coups de revolver qui l’ ont tué instantanément. Les circonstances dans lesquelles s’ est
déroulé cet assassinat laissent penser qu’ il est très probable qu’ il a été abattu en tant que

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membre important de la communauté hindoue, qui avait réussi à faire carrière dans les
milieux de l’ éducation à Chittagong. Il avait interdit toute activité politique dans le collège,
décision que les étudiants avaient dans l’ ensemble approuvée, mais à laquelle s’ opposaient les
groupes armés d’ étudiants affiliés à des partis politiques qui se battent pour s’ assurer le
contrôle des résidences d’ étudiants dans les établissements d’ enseignement. Par ailleurs, il
avait été maintenu à son poste pour deux ans de plus, ce qui avait, semble-t-il, causé un
mécontentement croissant au sein du personnel, en majorité musulman, du collège. La police
aurait arrêté le 17 novembre, en relation avec cet assassinat, au moins deux des professeurs et
collègues de Gopal Krishna Muhuri. Ces personnes avaient, semble-t-il, des liens avec le
Jammat-e-Islami, parti appartenant à la coalition gouvernementale.

Arrestation de Shahriar Kabir

L' arrestation de Shahriar Kabir, journaliste et écrivain bien connu, qui enquêtait, après les
violences, sur la situation des Hindous, a constitué un message fort peu rassurant à l'
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défenseurs des droits humains au Bangladesh et plus généralement dans le monde. Le 22
novembre , il a été arrêté à l'
                              aéroport international Dhaka Zia à son retour de Kolkata, et placé
en garde à vue auprès de la Branche spéciale de la police. Il s'      était rendu en Inde pour
s'informer de la situation des Hindous qui s'   étaient enfuis du Bangladesh pour échapper aux
persécutions consécutives aux élections générales. La police a confisqué son passeport ainsi
que cinq cassettes vidéo, 13 cassettes audio, 3 CD, plusieurs films non-développés et sa
caméra. Il a été placé en détention en application de la section 54 du Code de procédure
pénale, qui autorise la police à détenir un individu sans mandat pendant 24 heures. La police a
demandé son placement en garde-à-vue et le magistrat a émis une ordonnance de placement
en garde-à-vue de deux jours. Cependant, l'   avocat a demandé - et obtenu - que la comparution
à l'issue de la garde-à-vue soit repoussée de deux semaines. Le prisonnier n'   a pas obtenu la
mise en liberté sous caution et il a été envoyé à la Prison centrale de Dhaka, où on lui a
signifié un ordre de placement en détention en vertu de la Loi sur les pouvoirs spéciaux
(Special Powers Act, SPA) .

La SPA prévoit la mise en détention pour "empêcher une personne de commettre un acte
préjudiciable", comme, par exemple, "susciter la peur ou la crainte dans l'opinion publique
ou dans toute partie de celle-ci", ou "causer préjudice" dans des domaines liés à la défense,
aux relations internationales, à la sécurité, aux relations au sein des communautés, à
l'
 administration de la loi, aux fournitures et services essentiels et aux intérêts économiques ou
financiers. La manière très générale dont ces dispositions sont formulées permet de détenir
des personnes au mépris de leur droit à la liberté d' expression. Elle a souvent été utilisée par
les gouvernements du Bangladesh pour détenir des opposants politiques. Les abus dans le
recours à la SPA on été tels que la Parti National du Bangladesh - qui est actuellement la
composante la plus importante de la coalition au pouvoir - a proclamé dans son programme
son intention de la supprimer. Le gouvernement s'  est engagé à tenir cette promesse.

Le gouvernement explique ainsi l'arrestation de Shahriar Kabir "il est apparu par la suite que
les vidéos contenaient des affirmations contestables et trompeuses, qui sont de nature à nuire
à l'harmonie entre le communautés et présentent un caractère subversif vis-à-vis de l'Etat" et
que Shahriar Kabir "dans l'intérêt de certains milieux établis s'employait à ternir l'image du
Bangladesh et de son gouvernement auprès du monde extérieur".

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Au moment de la rédaction du présent document, les motifs avancés par le gouvernement
pour la détention de Shahriar Kabir ne sont en rapport avec aucune inculpation pénale. Le 1e
décembre, la Haute Cour a demandé au gouvernement d'          expliquer en quoi la détention de
Shahriar Kabir n'était pas illégale. Cette décision répondait à une requête écrite des défenseurs
de Shariar Kabir, qui contestaient sa détention.

La détention de Shahriar Kabir semble avoir pour seul motif le fait qu'    il a écrit des articles,
donné des interviews et réalisé des films vidéos au sujet des violences subies par des Hindous
au cours des derniers mois. De ce fait, Amnesty International considère que l'      arrestation de
Shahriar Kabir est une violation de son droit à la liberté d'        expression, qui comporte
notamment la liberté d' exprimer pacifiquement son opinion sur la situation de la minorité
hindoue au Bangladesh. Il n' existe aucun élément qui indique qu' il ait eu recours à la violence
ou préconisé son usage. Amnesty International considère de ce fait que Shariar Kabir est u
prisonnier d'
            opinion et demande sa remise en liberté immédiate et sans condition.

Recommandations

Le gouvernement doit prendre des mesures immédiates et décisives au sujet de la situation des
Hindous dans le pays. Amnesty International demande instamment aux plus hautes autorités
du Bangladesh de :

   1. Condamner publiquement les violences contre la communauté hindoue.

   2. Prendre des mesures décisives afin de protéger la communauté hindoue contre les
      violences.

   3. Ouvrir une enquête exhaustive, impartiale et indépendante et en rendre publiques les
      conclusions.

   4. Traduire en justice les auteurs d violences, quelle que soit leur position au sein d la
      société ou d'
                  un parti politique.

   5. Indemniser les victimes des violences.

   6. Prendre de mesures en vue de l'  abrogation de toute loi instaurant des discriminations
      contre les Hindous ou toute autre minorité.

   7. Prendre toute mesure disciplinaire ou pénale appropriée à l'  encontre de ceux des
      membres des personnels de police qui n'
                                            ont pas assuré la protection de la communauté
      hindoue.

   8. Amnesty International demande également au gouvernement du Bangladesh de
      remettre Shahriat Kabir en liberté immédiatement et sans condition, sa détention
      constituant une violation du droit à la liberté d'
                                                       expression.

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La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat
international, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni, sous le titre BANGLADESH : Attacks on
members of the Hindu minority.

La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par le
service Régions et Commissions de la Section Française d’ Amnesty International. Seule la version anglaise fait
foi.

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