Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming
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Table des matières 1. L’innovation belge, ses tendances, ses challenges..................................................................................................................... 6 1.1. L’optimisme à l’épreuve des virus ............................................................................................................................................................................................. 6 1.2. Les facteurs influençant la R&D, avant et après la crise Covid-19.......................................................................... 10 1.3. L’évolution des challenges........................................................................................................................................................................................................................ 13 1.4. Un coup d’oeil au-delà de nos frontières.................................................................................................................................................................... 17 2. L’innovation durable................................................................................................................................................................................................................................. 18 2.1. Inévitable mais toujours pas vitale ........................................................................................................................................................................................ 18 2.2. Des définitions imprécises ..................................................................................................................................................................................................................... 21 2.3. Coronavirus et innovation durable.......................................................................................................................................................................................... 22 3. Les budgets de R&D.................................................................................................................................................................................................................................... 24 3.1. Entre optimisme et inquiétudes.................................................................................................................................................................................................... 24 3.2. Adaptation à la nouvelle donne..................................................................................................................................................................................................... 28 3.3. Un coup d’oeil au-delà de nos frontières.................................................................................................................................................................... 31 4. Le financement de l’innovation ........................................................................................................................................................................................ 32 4.1. La maturité des entreprises quant aux possibilités de financement.................................................................... 32 4.2. Que souhaitent voir évoluer les bénéficiaires de financements ?............................................................................. 34 5. Contrôles fiscaux............................................................................................................................................................................................................................................... 42 5.1. Fréquence, points d’attention & légitimité.............................................................................................................................................................. 42 5.2. Perception et impact........................................................................................................................................................................................................................................... 46 5.3. Tribune ouverte à Pierre Moortgat, BELSPO...................................................................................................................................................... 50 6. Remerciements et biographies............................................................................................................................................................................................ 54
Introduction A l’heure où nous rédigeons ce Baromètre, un peu plus d’une année s’est écoulée depuis le premier confinement. Entre-temps, la campagne de vaccination a débuté en Belgique et les indicateurs économiques permettent d’envisager, avec un optimisme modéré, la reprise économique. C’est le moment idéal pour faire le bilan d’une année mouvementée. Une année qui a contraint la quasi-totalité des décideurs au sein d’entreprises de toutes tailles et de tous secteurs à un exercice exceptionnel d’introspection et, dans de nombreux cas, à défaire des nœuds gordiens en matière d’investissements, de coûts et de dépenses. En période de crise, le budget de la Recherche, du Développement et de l’Innovation (R&D&I) est souvent parmi les premiers à pâtir. Il est dès lors intéressant de se pencher sur l’impact qu’a pu y avoir la crise du Covid-19. En tant que spécialiste en « innovation performance », Ayming fait partie de l’écosystème belge de l’innovation depuis 18 ans et connaît non seulement les tenants et aboutissants des départements R&D&I d’entreprises de toutes sortes de secteurs, mais entretient également des contacts étroits avec des acteurs gouvernementaux importants, des leaders d’opinion et autres personnalités influentes. Cette position unique et privilégiée a permis à Ayming d’interroger plusieurs entreprises1 sur la manière dont la pandémie les a affectées. Ayming présente les résultats de cette recherche qualitative dans cette édition du Baromètre belge de l’innovation. Nous avons également laissé des experts de différents domaines de l’écosystème apporter leur éclairage sur les résultats et partager leurs idées sur cette période unique et tumultueuse. 1 nquête en ligne réalisée de juin à août 2020 par un organisme indépendant auprès des CEO E et CFO d’un échantillon de 1500 sociétés innovantes belges. 4
Il ne fait aucun doute que les lockdowns ont obligé les entreprises à repenser leurs processus internes, en y intégrant notamment le télétravail et les téléconférences. Dans de nombreux cas, la crise a servi de catalyseur à une numérisation prévue de longue date mais non priorisée jusqu’alors. Toutefois les entreprises qui font de l’innovation leur fer de lance, en continuant malgré la crise à investir courageusement dans la R&D&I, restent confrontées à la menace redoutable et toujours bien réelle de la vallée de la Mort. Les mesures de soutien régionales, fédérales et européennes destinées à la R&D&I ne manquent certes pas, mais l’administration complexe qui y est associée est perçue par les entreprises que nous avons interrogées comme un tribut inutilement lourd. La bureaucratie reste un problème épineux et une source de frustration dans notre pays, au point de décourager un entrepreneur belge sur cinq de lancer de nouvelles initiatives2. Les acteurs gouvernementaux ont donc besoin d’uniformiser, de centraliser (et de numériser !) les processus et les informations, ainsi que d’intensifier la simplification administrative. Cette nécessité est identifiée explicitement dans la tribune ouverte à M. Pierre Moortgat, du Service public fédéral de la Politique scientifique (BELSPO), qui conclut ce Baromètre belge de l’innovation. Sans une réforme du système de mesures de soutien fiscal à la R&D&I, la Belgique risque de freiner de plus en plus la création de connaissances qui lui sont pourtant si indispensables. Nous envisageons donc ce Baromètre belge de l’innovation comme un appel des plus sincères. Un appel au courage, à l’introspection et à la transformation de la part des entreprises et des gouvernements. Car si une crise mondiale ne nous incite pas à nous réinventer, qu’est-ce qui y parviendra ? Stefaan Heyvaert Innovation performance Manager Ayming BeNeLux 2 ttps://www.kbc.com/en/economics/publications/recovery-plans-should-fo- h cus-on-reducing-regulatory-and-administrative-burden.html 5
1. L ’innovation belge, ses tendances, ses challenges 1.1. L’optimisme à l’épreuve des virus Quelques mois après le début de la crise, lors d’une enquête réalisée par Ayming entre juin et août 2020, quatre entreprises sur dix se disaient optimistes quant à leur portefeuille d’innovation. Les interlocuteurs qui prendront la parole tout au long de ce Baromètre se rejoindront eux aussi dans leur observation de ces entreprises qui, à force d’innovation, de gestion stratégique et d’ambition, sont arrivées à transformer la crise en opportunité. Si le premier trimestre 2021 s’est inscrit dans la directe lignée de « l’année Covid », une conclusion s’impose : malgré la prudence de mise quant aux décisions budgétaires récentes et à venir, l’optimisme continue de l’emporter. 40% des entreprises sont optimistes quant à leur portefeuille d’innovation 6
La crise, un puissant moteur d’innovation Ainsi, Kyun Thibaut, Managing Director de COVARTIM, société d’ingénierie belge dédiée au développement de dispositifs médicaux, confie : « Il est très probable que la crise du coronavirus aura un impact sur le budget de l’innovation et entraînera donc une baisse du rythme de développement et des investissements réalisés dans les projets d’innovation. Bien que la crise puisse également être un puissant moteur d’innovation pour les entreprises dans leurs produits/services afin de s’adapter à la situation actuelle ». Cette position est partagée par Johan Guldix, Conseiller principal pour l’innovation & les entreprises chez VOKA, le réseau entrepreneurial flamand : « Il ne faut pas à tout prix voir cette pandémie comme un obstacle. Au contraire, elle se révèle plutôt comme un catalyseur pour l’innovation, en particulier pour la digitalisation et les questions de santé. De ce point de vue elle-même a été bénéfique car elle a poussé de nombreuses entreprises à se numériser. Certes, cette transition était déjà amorcée mais l’évolution restait lente comparée au bond en avant que l’on a pu observer sur cette dernière année. » Johan Guldix poursuit en abordant le sujet de la durabilité : « La transformation durable que les autorités régionales, nationales ou européennes souhaitent voir se produire peut également servir de catalyseur. Les entreprises doivent repenser leurs structures et leurs investissements, ce qui me fait penser qu’à long terme, cette année passée sera une bonne chose pour l’innovation, si bien sûr elle n’en fut pas une en soi. » 7
Des budgets en augmentation, parfois L’optimisme se retrouve au sein des entreprises à vocation internationale, comme le souligne Nicolas Gibaud, Innovation Process Manager chez Inspiralia, fablab et conseil en stratégie de l’innovation : « Le budget consacré à la R&D est au minimum le même et, dans certains cas, va peut-être même augmenter. On remarque une différence quant à la façon de le dépenser, qui bénéficie d’une vigilance rarement égalée. Chez nos clients, l’innovation reste un sujet important, certainement pas relégué au second plan en raison de la pandémie. Au contraire, pour eux, la clé du succès post-Covid réside dans l’innovation et la flexibilité qui en découle, d’autant plus importante face à un monde incertain. Les bons réflexes ont été observés, les coûts ont été contrôlés, et des aides publiques ont été mises en place, permettant de limiter la casse pour les revenus des entreprises. Prenons le financement des PME par exemple : on constate un nombre important d’entreprises souhaitant lever des fonds. Cela signifie tout simplement qu’il y a du financement, de l’innovation, et un objectif accru de rentabilité. La confiance dans l’innovation reste forte dès lors que l’on en comprend les valeurs, ce qui est le cas de bon nombre d’investisseurs ». Enfin franchir le pas Ce maintien de l’effort d’innovation fait l’unanimité auprès des observateurs privilégiés du monde de l’innovation belge et international. C’est notamment le cas de John Metselaar, Professeur d’Innovation à la Solvay Brussels School of Economics and Management, et responsable du Conference Board’s Innovation & Digital Transformation Institute : « La crise a bien sûr occasionné beaucoup de souffrance, mais elle a aussi fait prendre conscience du besoin de se réinventer. Toute crise est porteuse d’opportunités. Certains ont été incités à agir rapidement et à faire ce pas que l’on n’osait pas auparavant, ou dont on ne voyait pas la nécessité. Je vois des changements profonds s’opérer à tous les niveaux. Par exemple, je parlais récemment avec une personne qui loue des vélos et qui, l’an dernier, a finalement fait créer un site web pour son activité, destiné aux entreprises. Le résultat ? Ses affaires n’ont jamais aussi bien marché. Je vois beaucoup de personnes qui, au lieu de jeter l’éponge, font le choix de l’ouverture d’esprit et de l’agilité. Nous pouvons être fiers de cette résilience. Je constate également cette mentalité chez les dirigeants d’entreprises. Il est facile de diriger quand on a le vent dans le dos, mais les vrais leaders se révèlent dans des moments comme celui-ci et savent parfaitement que les bonnes décisions peuvent tout transformer en opportunités, et comment exploiter au mieux ces dernières.» 8
Il paraît en effet évident que la bonne direction stratégique fera plus que jamais la différence. John Metselaar continue : « Indépendamment des secteurs les plus durement touchés, nous constatons qu’un fossé se creuse entre, d’une part, les entreprises qui investissent dans l’avenir et saisissent les opportunités offertes par la crise et, d’autre part, celles qui restent figées dans la peur et la prudence, prenant du retard et menacées par l’arrêt de leurs activités. On dit déjà que la reprise prend la forme d’un K plutôt que d’un V ou d’un W, la partie inférieure du K étant occupée par les entreprises qui jouent la sécurité, et la partie supérieure par les entreprises innovantes qui profitent de cette conjoncture unique pour se transformer en termes d’organisation et d’activité. Le marché est extrêmement dynamique. Par exemple, les entreprises ont dû prendre le train du numérique en marche pour assurer la continuité de leurs activités. Cela a provoqué des changements que l’on n’osait envisager auparavant, comme l’autorisation pour les employés de (télé)travailler plus souvent à domicile. Cette flexibilité va se poursuivre – l’édition de fin 2020 de la HBR (Harvard Business Review) titrait en couverture «The Work from Anywhere Future - Lessons from organizations that have made the transition and flourished» (« Cet avenir qui permettra de travailler de partout - Les leçons des organisations qui ont fait la transition et ont prospéré » - NDLR). De nombreux PDG et DSI sont convaincus qu’une bonne partie des nouvelles habitudes que nous avons acquises au cours de cette année persisteront une fois la crise passée. Les voyages d’affaires ne seront plus jamais les mêmes ; le travail gagnera quant à lui en flexibilité et pourra être effectué à distance. On constate déjà un phénomène de fuite des villes à destination des campagnes, le choix de travailler depuis l’endroit où on a envie de vivre devant une réalité. Quid de l’impact sur nos modes de vie, et sur le marché de l’immobilier par exemple ? Sans parler du marché de l’immobilier commercial - whoa ! Le monde a du pain sur la planche afin de concevoir correctement cette nouvelle réalité - «The Future of Work». Nous restons des êtres sociaux qui avons besoin de contacts humains. Il y a aujourd’hui de jeunes employés qui n’ont jamais rencontré leurs collègues, ce qui aurait été totalement impensable il y a à peine un an. Quels systèmes et organisations seront mis en place dans les années à venir pour amener cette transition de manière efficace, efficiente, mais surtout humaine ?» « Chez nos clients, l’innovation reste un sujet important, certainement pas relégué au second plan en raison de la pandémie. Au contraire, le mot d’ordre est que la clé du succès post-Covid réside dans l’innovation et la flexibilité qui en découle, d’autant plus importante face à un monde incertain » Nicolas Gibaud 9
1.2. Les facteurs influençant la R&D, avant et après la crise Covid-19 Un changement de paradigme L’année 2020 aura été marquée par un changement de priorités accordées à l’innovation. Jusque-là un entrepreneur sur trois privilégiait les stratégies à long terme telles que la digitalisation, la transition à l’industrie 4.0 et l’économie circulaire. Cette année a changé la donne ; deux entrepreneurs sur trois disent se préoccuper davantage du court terme, en favorisant notamment les nouvelles méthodes de travail (notamment le télétravail) ainsi que la sécurité sanitaire, comme l’observe Kyun Thibaut : « Les préoccupations à court terme liées aux modes de travail et à la sécurité doivent faire place aux modèles continus. On constate ainsi que la plupart des entrepreneurs cherchent à éviter les solutions trop frugales et se concentrent sur ce qui est essentiel pour leurs activités, en accordant la priorité à leur organisation avec en son centre le facteur humain, leurs employés. » Si ces résultats sont incontestables, Omar Mohout, Entrepreneurship Fellow chez Sirris, rappelle néanmoins qu’ils sont à relativiser dans de nombreux cas : « C’est vrai dans une certaine mesure ; les investissements dans le travail à distance restent minimes, et très souvent ce sont (télé)travailleurs qui font des dépenses en connexion, en mobilier, etc. Ce sont également eux qui prennent principalement soin de leur santé, et non l’entreprise. » La déglobalisation : confirmée, mais favorisée par la crise ? Deux tiers des entrepreneurs se montrent perplexes face à une déglobalisation accélérée par le Covid, estimant qu’il ne s’agit là que d’un effet temporaire qui n’impactera pas la supply chain mondiale. 2/3 des entreprises estiment que ce ne sera pas le Covid qui accélérera la déglobalisation 10
Nicolas Gibaud confirme : « On a vu des adaptations tant organisationnelles (comme le télétravail) que purement business (comme les exports) mais force est de constater qu’aucun changement profond réel n’est observé. Si l’on souhaite influencer la déglobalisation en termes d’innovation, notamment chez les PME, il faut les encourager à relocaliser la production intellectuelle au moyen, notamment, d’aides gouvernementales ». Omar Mohout poursuit : « La déglobalisation aura lieu, mais à petite échelle, et ne changera pas la donne. S’il est vrai que le coût de la supply chain va augmenter, cela ne sera pas suffisant pour compenser le coût supérieur de la main-d’œuvre. » Entre la théorie et la réalité, l’automation Stefaan Pijls, fondateur d’AICEPS (Agile Innovative Consulting & Education for Projects & Strategy) fait la différence entre la théorie et la pratique : « L’espoir est là ; nous avons même vu des gens en Italie fabriquer des pièces pour des respirateurs à domicile, sur leur propre imprimante 3D, alors qu’elles n’étaient plus disponibles dans les hôpitaux. Ainsi, d’un point de vue purement technologique, la démondialisation est effectivement à portée de main aujourd’hui. Sur le papier, c’est fantastique. En réalité, c’est un peu plus compliqué. Si nous voulons prendre en compte le climat et rester compétitifs par rapport aux pays à bas salaires, nous devons oser parier sur les nouvelles technologies et envisager leurs opportunités de manière complète et à long terme. » Stefaan Pijls se penche ensuite sur les motivations des entreprises : « Ces derniers mois, elles ont été contraintes de privilégier de nouveaux produits pour lesquels la demande était très forte, comme les masques buccaux par exemple. Les circuits traditionnels de production et de transport ont été rapidement saturés. Les petites entreprises ont donc été appelées à combler les lacunes. Cela nécessite une préparation, car un tel changement n’est pas facile. Un soutien et des conseils seraient certainement les bienvenus, entre autres sur la manière d’optimiser la production ou de faire face au caractère innovant des demandes qui leur sont adressées et aux coûts liés à ce nouveau contexte.. » 11
Les défis d’une économie globale Johan Guldix tempère et attribue, lui, la déglobalisation à des causes bien plus géopolitiques : « Plus que le Covid, c’est la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, ainsi que le Brexit, qui risquent d’avoir une influence bien plus marquée. C’en est même préoccupant car, en cas de reprise des exportations reprennent, les probables tensions pourraient rendre les échanges commerciaux plus difficiles. » Birgitt Peeters, Head of Marketing, Business Relations & Finance pour l’Agoria Solar Team, ajoute la responsabilité sociale aux motivations possibles de la tendance à la déglobalisation : « La digitalisation nous a fait le cadeau de collaborations mondiales à portée de clic, mais ces échanges commerciaux sont considérés par bon nombre comme l’un des facteurs ayant favorisé la propagation du virus. Dans un monde professionnel de plus en plus en quête de sens, cela contribue au désir croissant de démondialisation que l’on observe au sein de certaines organisations.» L’E&S, l’avenir de la R&D Il y a un an, peu de gens savaient vraiment ce que l’acronyme VUCA signifiait. John Metselaar commente : « Je donne des cours et des conférences depuis environ six ans maintenant, dans lesquels j’ai intégré assez tôt la nécessité de l’innovation dans un monde VUCA tel que le nôtre (« Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous »). La masse colossale de connaissances générée par des avancées technologiques sans précédent, combinée à des connexions illimitées, tant physiques (pensez à la Silicon Valley, Shenzen, Louvain) que virtuelles, a rendu le monde VUCA. Le Covid nous a ensuite plongés dans ce que j’appelle un monde « VUCA sous stéroïdes ». La pandémie a un impact fondamental sur la façon dont les entreprises envisagent l’innovation. Dans le passé on commençait par définir précisément la stratégie en se concentrant sur la planification et en définissant le rôle qu’allait y jouer l’innovation. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Le monde est devenu si imprévisible que les entrepreneurs et les dirigeants ont compris qu’il faut laisser la place à l’expérimentation, à l’apprentissage et aux tests. Et lorsque la bonne solution au besoin du client est clairement établie, on passe en un éclair à la production à grande échelle. Lors d’un récent débat d’experts, un collègue a déclaré que nous devrions cesser d’utiliser le terme R&D et parler plutôt d’E&S, pour « Experiment and Scale ». Quoi qu’il en soit, le terme de « planification », qui guide le raisonnement des entreprises depuis des décennies, doit céder la place à l’élaboration de stratégies agiles.» « Dans ce que j’appelle un monde « VUCA sous stéroïdes », les entrepreneurs et dirigeants ont compris qu’il faut laisser la place à l’expérimentation, à l’apprentissage et aux tests. Et lorsque la bonne réponse au besoin du client est clairement établie, on passe en un éclair à la production à grande échelle. » John Metselaar 12
1.3. L’évolution des challenges Guerre des talents et quête de sens L’une des révélations principales de l’enquête est le passage en première position du facteur humain. Jusque-là relégué au second rang (en 2019 et 2018) il échange sa place avec l’idéation, jusque-là invaincue, laissant la troisième place au financement de l’innovation. Cette prise de conscience de l’importance du capital humain au sein de processus de R&D, notamment par l’embauche des bons profils ou le développement des compétences en interne, est intimement liée à la guerre des talents fort marquée sur notre territoire. Nicolas Gibaud y voit également une composante plus politique : « Les problèmes de recrutement trouvent plutôt leur cause dans la considération par 1 er l’entreprise de la durabilité ; les jeunes employés sont aujourd’hui en recherche de sens, et se détournent d’entreprises qui n’en font pas assez. » Le facteur humain, défi majeur, détrône pour la première fois La génération Y en marche depuis que le Baromètre existe, l’idéation Ce phénomène de recherche de sens est indissociable des enjeux inédits de nos sociétés, confrontées à la nécessité de changer et de se tourner vers la durabilité et l’économie circulaire, au risque de subir des conséquences désastreuses en termes de climat. Dans un ouvrage publié par le Ayming Institute, intitulé « Profit and Planet - How Innovation Can Help Build a Better World3 », les auteurs établissent le lien entre ces défis et leurs ambassadeurs, notamment la génération Y, qui appelle à passer de « greed is good » à « green is good » en réinventant le capitalisme et la culture d’entreprise grâce à la création de nouvelles approches commerciales axées sur le digital. « Les jeunes générations étant plus que jamais en quête de sens, opter pour la durabilité c’est également garder ses employés plus longtemps et, ainsi, avoir la possibilité de développer ses talents en investissant dans des formations qui vous feront à terme bénéficier d’équipe plus expérimentées. » Laurie Pilo 3 https://www.ayming.be/insights/livres/profit-and-planet-sur-le-developpement/ 13
Avoir des valeurs et les montrer Stefaan Pijls n’hésite pas à établir un lien entre stratégie durable et succès à long terme : « Dans le passé, le succès était l’apanage des entreprises très réactives et déjà proactives. Aujourd’hui, les entreprises les plus performantes ont un œil sur la société, elles ont le réflexe de proposer des stratégies qui tiendront la route pendant les dix pro- chaines années. En revanche, ceux qui se préoccupent principalement ou exclusivement des chiffres trimestriels et des bénéfices à court terme ont été particulièrement touchés par les changements de l’économie. Les défis sociaux sont désormais pris en compte dans de nombreuses entreprises performantes lorsqu’il s’agit de déterminer la stratégie com- merciale. Cette stratégie tient compte des besoins de la société. Une entreprise doit donc avoir de bonnes valeurs et oser les afficher.» Laurie Pilo aborde également les répercussions en termes de ressources humaines : « Cela a également un énorme impact sur les embauches. Les jeunes générations étant plus que jamais en quête de sens, opter pour la durabilité c’est également garder ses employés plus longtemps et, ainsi, avoir la possibilité de développer ses talents en investissant dans des formations qui vous feront à terme bénéficier d’équipes plus expérimentées. Sans compter que vos nouvelles recrues verront immédiatement dans ces employés fidèles la possibilité de faire carrière au sein de votre organisation. » Selon Kyun Thibaut, c’est aux employeurs de s’adapter car ils ne peuvent plus négliger la portée émotionnelle de l’année qui vient de s’écouler : « Recruter et conserver les bons profils est un défi qui ne va pas aller en diminuant, vu l’évolution des mentalités et le souhait grandissant de contribuer à une cause, d’avoir un impact. Cette pandémie nous a apporté de nouvelles habitudes en termes de télétravail. Couplé au confinement, cela fait beaucoup de temps passé à la maison, que beaucoup mettent à profit pour réfléchir à leur emploi actuel, leurs besoins et leurs désirs pour l’avenir. Les entreprises ne peuvent pas se permettre d’ignorer cette nouvelle donne. » « Dans le passé, le succès était l’apanage des entreprises très réactives et déjà proactives. Aujourd’hui, les entreprises les plus performantes ont un œil sur la société, elles ont le réflexe de proposer des stratégies qui tiendront la route pendant les dix prochaines années » Stefaan Pijls 14
Trop peu de diplômés dans les STEM Johan Guldix se tourne lui vers le monde académique : « Il est très préoccupant de constater la difficulté à trouver les bons profils au sein des entreprises innovantes, en particulier dans le domaine de la technologie et de la recherche. De les voir recruter déjà à l’étranger faute de bons profils en Belgique, qu’il s’agisse d’ingénieurs ou de spécialistes en ICT. C’est pourquoi l’éducation est essentielle. Nous devons continuer à encourager les élèves et les étudiants à opter pour une discipline STEM. L’un des moyens d’y parvenir est d’initier les élèves aux sciences et aux technologies à un âge précoce, c’est-à-dire dès l’école primaire ; c’est au gouvernement à s’en préoccuper, au moyen de campagnes de communication, d’un rapprochement entre le monde privé et celui de l’enseignement4. » Dans le monde de l’éducation, la prise de conscience semble effective et ce rapprochement est d’ores et déjà une réalité. Stijn Kelchtermans, Associate Professor à la KU Leuven développe : « En matière de coordination horizontale, plusieurs initiatives ont été prises pour aligner les politiques d’innovation. Je pense notamment à la politique du marché du travail (par exemple, l’arrêté du gouvernement flamand en 2018 concernant l’emploi de travailleurs étrangers visant à intensifier les efforts afin d’attirer du capital humain hautement qualifié) et la politique de l’éducation (par exemple, le plan d’action STEM 2012-2020, une initiative mise en place en 2012 par le gouvernement flamand et visant à promouvoir les cursus et carrières dans ces disciplines). » 4 NDLR : voir à ce sujet l’ouvrage du Ayming Institute « Women in STEM » 15
1.4. Un coup d’oeil au-delà de nos frontières Le Baromètre International de l’Innovation 20215, également publié par Ayming et présentant le paysage mondial de l’innovation, démontre que la complexification du paysage de l’innovation date de bien avant le coronavirus. Les procédures sont de plus en plus techniques et enjoignent depuis un certain temps les sociétés à chercher du soutien, qu’il s’agisse de politiques gouvernementales fortes ou d’innovation en réseau, malgré ses challenges à l’échelon international ou la question épineuse de la propriété intellectuelle. C’est entre autres ce qui explique la montée en puissance de nouveaux modèles d’externalisation. Plutôt que de miser sur la collaboration ou les aides publiques, un nombre croissant de compagnies se tournent vers les ressources privées externes, privilégiant l’approche hybride d’écosystèmes mis en place par de grandes entreprises, dans l’intention d’acquérir les innovations réussies. Une aubaine pour certains qui, en échange d’une participation dans leur entreprise, se voient offrir l’accès à des fonds et infrastructures autrement inabordables, leur permettant d’augmenter leurs chances de succès et d’explorer des idées qu’ils auraient autrement dû abandonner. Stijn Kelchtermans suit la situation de près : « Les multinationales organisent leurs activités de R&D et d’innovation à l’échelle internationale ; je ne m’attends pas à ce que la Belgique fasse figure d’exception. Il faut également mentionner existe des programmes d’accélérateurs/incubateurs tels que KBC StartIt. Ce n’est d’ailleurs pas la seule banque, ING est impliquée dans le cluster fintech « FinTech Village ». Le centre de recherche stratégique imec gère l’accélérateur imec.istart Fund NV. Et ce ne sont là que quelques exemples. » « Les multinationales organisent leurs activités de R&D et d’innovation à l’échelle internationale ; je ne m’attends pas à ce que la Belgique fasse figure d’exception. » Stijn Kelchtermans 5 https://www.ayming.be/insights/livresblancs/barometre-international-de-linnovation-2021/ 16
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2. L ’innovation durable 2.1. Inévitable mais toujours pas vitale La majorité des entreprises se disent favorables à l’innovation durable mais dans les actes elle n’est prioritaire que pour une minorité. En effet, seuls 35 % des répondants déclarent consacrer entre 1 et 10 % de leur budget à des projets en lien avec la durabilité. Et lorsque c’est le cas, il ne s’agit pas d’un objectif en soi, mais plutôt un sous-produit des efforts visant à améliorer leurs performances globales. 35% des entreprises consacrent de 1 à 10 % de leur budget R&D à la durabilité Créer des cercles vertueux Nicolas Gibaud commente : « Les entreprises sont prêtes à franchir le pas, elles veulent s’élever au-delà du greenwashing, donc oui, plus d’encouragement public aurait un effet résolument positif. Sans compter qu’il s’agit ici d’un un cercle vertueux : plus on mettra des produits verts sur le marché, plus la demande sera présente et les mentalités de ceux qui restent à convaincre changeront. » Stefaan Pijls reprend l’idée du cercle durable, cette fois sous l’angle fiscal : « Nos gouvernements pourraient faire en sorte que l’économie durable fonctionne en circuit fermé et transparent au sein du système fiscal, par exemple en taxant plus lourdement les produits et processus moins durables. Les bouteilles en PET, par exemple, devraient être davantage recyclées ou remplacées, ce qui peut être encouragé par une taxation dédiée. Ces revenus peuvent ensuite être utilisés pour stimuler les alternatives durables en les détaxant ou, mieux encore, en soutenant financièrement leur démarrage afin de boucler la boucle. » 18
La vallée de la mort de l’innovation Johan Guldix explique que la durabilité n’échappe pas aux obstacles traditionnels : « Nous avons un bon système jusqu’au TRL 56. Dès lors qu’il faut sortir du laboratoire et développer des installations pilotes et de démonstration, les subventions ne sont pas disponibles ou sont trop limitées. Le gouvernement devrait donc en faire plus sur les premiers développements industriels. Nous avons vu des améliorations ces dernières années, notamment dans une meilleure disponibilité des financements pour ces phases, mais ce n’est pas suffisant. Certaines de ces installations sont très coûteuses, beaucoup de choses peuvent mal tourner et le risque est grand. » Le monde politique renvoie effectivement généralement vers l’Europe, arguant qu’ils ne peuvent offrir davantage de soutien, ou qu’il irait à l’encontre des règles sur les aides d’État telles qu’édictées par la Commission Européenne7. 6 L ’échelle TRL («Technology Readiness Level») est un 7 es règles visent à éviter que les fonds publics alloués à C système de mesure développé par la NASA et utilisé des entreprises ou à des secteurs locaux ne donnent aux pour évaluer le niveau de maturité d’une technologie, bénéficiaires un avantage déloyal sur les mêmes secteurs notamment en vue d’en financer la recherche et le dans d’autres pays de l’UE – autrement dit, qu’elles développement. Il est également utilisé dans le nuisent à la concurrence et faussent les échanges programme Horizon 2020 de la Commission commerciaux https://ec.europa.eu/competition/consu- européenne. mers/government_aid_fr.html 19
La réponse européenne L’Europe souhaite néanmoins offrir les meilleures chances aux innovateurs dans le cadre de projets spécifiques. L’un des mécanismes poursuivant cet objectif est l’IPCEI (Important Project of Common European Interest), qui permet aux pays membres d’accorder plus de fonds que ne le permettent les règles en matière d’aides d’État. Johan Guldix explicite : « L’UE fait une exception pour les projets stratégiques, capables de rivaliser à l’échelle mondiale avec la Chine et les États-Unis, comme par exemple de la mise au point de nouvelles et meilleures batteries, en particulier (mais pas exclusivement) pour les voitures électriques. Non seulement ce type de projet cadre parfaitement avec les valeurs de l’UE, mais l’objectif est de les produire en Europe également. L’Allemagne, la France et la Belgique envisagent notamment un nouvel IPCEI sur l’hydrogène. » « L’UE fait une exception pour les projets stratégiques, capables de rivaliser à l’échelle mondiale avec la Chine et les États-Unis, comme par exemple de la mise au point de nouvelles et meilleures batteries, en particulier pour les voitures électriques. » Johan Guldix 20
2.2. Des définitions imprécises L’une des premières pistes permettant d’expliquer pourquoi l’innovation durable tarde à démarrer malgré un marché demandeur, est la définition-même de la durabilité. Il ressort en effet de notre enquête que de nombreuses entreprises ne savent pas si les projets qu’elles mènent peuvent être qualifiés de durables. Elles se rejoignent ainsi sur un consensus : quel que soit le degré d’implication de notre gouvernement, il doit coordonner la rédaction de spécifications précises en la matière, ce qui lui permettrait ensuite de plancher sur des mécanismes d’incitations fiscales ciblées. Conscient de la problématique, Johan Guldix attire également l’attention sur les difficultés rencontrées lorsque l’on souhaite s’inscrire dans une logique de développement durable : « Il existe de nombreuses définitions mais la plupart des entreprises comprennent au moins le terme «innovation durable», surtout depuis ces derniers mois car le sujet n’a jamais été aussi commenté dans les médias, par le gouvernement, par l’UE. Le souci se situe dans le fait que beaucoup d’entreprises ne savent pas par où commencer, elles ont besoin d’exemples. Cela n’empêche pas bon nombre d’entre elles de déjà réfléchir à ses applications, par exemple dans le développement de nouveaux produits chimiques, l’amélioration de l’efficacité énergétique, la rationalisation de l’utilisation de l’eau, etc. Les grandes entreprises (sidérurgie, chimie, énergie, etc.) sont prêtes à faire des efforts, mais l’innovation n’est pas un développement linéaire. Pour trouver de bonnes nouvelles molécules, il faut du temps, et toutes les inventions qui fonctionnent en laboratoire ne sont pas adaptées au développement industriel ou à l’utilisation commerciale. Concrètement, vous pouvez développer une nouvelle molécule en laboratoire, mais si vous ne pouvez pas passer à une production d’échelle suffisante, ou si les délais de fabrication sont trop longs, ou la réalisation trop énergivore, les bénéfices seront trop limités. Un nouveau produit doit être efficace à fabriquer ; sans perspectives de rentabilité il sera abandonné. Ces entreprises veulent réellement faire un effort, et sont prêtes à s’engager sur la voie du développement durable, mais ce n’est pas si simple. Il y a beaucoup d’éléments qui pourraient mener à un échec, beaucoup d’incertitude, de temps et d’argent à dépenser d’emblée, sans garantie de succès. » Ces commentaires convergent en un point : l’essor de l’innovation durable est indubitablement freiné par la réalité du terrain. Si l’effort de conscientisation est bel et bien entamé par nos autorités, il est insuffisant. S’ils veulent voir une véritable accélération, nos élus devront endosser un rôle bien plus engagé afin de réduire la notion de risque pour les entreprises – un juste milieu qui n’a toujours pas été trouvé. 21
2.3. Coronavirus et innovation durable La preuve de ce que l’on peut vivre autrement L’apport majeur de cette crise est qu’elle a bouleversé les habitudes et a forcé tout un chacun à pouvoir travailler et communiquer à distance, avec deux impacts immédiats : l’un sur les coûts opérationnels, l’autre sur la diminution de la pollution, renforçant les mentalités déjà conscientes de la nécessité d’un tel changement et demandeuses de plus de durabilité. Ce point fut récemment démontré dans une étude demandée par la Commission de l’Environnement, de la Santé Publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen (ENVI) intitulée «Air pollution and COVID-198» et publiée en janvier 2021, mentionnant que «Les études publiées à ce jour donnent une image relativement cohérente, les niveaux de NO2 (dioxyde d’azote) diminuant de 30 à 50% pendant les périodes de fermeture en Europe». Deux rôles contradictoires Stefaan Heyvaert accueille ces effets positifs, mais relativise en faisant preuve de réalisme : « Je ne dirais malheureusement pas que la prise de conscience s’opère assez vite, mais une chose est sûre : elle va arriver. Qu’on le veuille ou non, l’environnement change et les répercussions climatiques sont indéniables. Les notions de durabilité et de responsabilité sociale ne sont plus aujourd’hui des termes marketing ; au contraire, ils doivent être intégrés au cœur de la stratégie de l’entreprise. Pour cela, les entreprises doivent aujourd’hui comprendre leur place dans la value chain, et la façon dont ces changements impacteront les business models, afin de s’adapter et de prétendre au succès. Il s’agit de transformations à implémenter au plus vite, pas parce que nous traversons une crise, mais parce que si ce n’est pas maintenant vous courrez le risque de louper le coche. Bien sûr, si l’on se met à la place de la personne qui doit garantir la rentabilité de sa société, la tentation de supprimer les frais qui le mettent en danger est grande, mais il s’agit là d’une vision à court terme qui risque de coûter beaucoup plus cher à l’avenir. » Ce lien entre durabilité et financement est établi très clairement dans un document de la Banque nationale de Belgique publié en septembre 2020 et intitulé « Les incitants fiscaux en faveur de la R&D sont-ils efficaces ?9 », où la BNB souligne combien la transition vers une économie durable exige de nouvelles technologies et, en conséquence, insiste sur la priorité à accorder à la mise en place d’incitants fiscaux et à la création d’un environnement propice aux investissements dans la recherche et développement au sein des politiques des pays de l’OCDE et des économies partenaires. 8 https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2021/658216/IPOL_STU(2021)658216_EN.pdf 9 https://www.nbb.be/fr/articles/les-incitants-fiscaux-en-faveur-de-la-rd-sont-ils-efficaces 22
Une pièce de plus au puzzle Si l’on peut donc légitimement s’interroger sur les effets retors de la pandémie sur la priorité accordée à la durabilité, elle s’inscrit indubitablement dans la longue liste de raisons qui la porteront. C’est effectivement à cette trajectoire désormais inévitable que Kyun Thibaut associe les conséquences de la pandémie, avec un optimisme à peine tempéré par la patience nécessaire dans de telles circonstances : « Durant cette année, le grand public et les entreprises ont réalisé encore plus l’avantage du circuit d’approvisionnement court et de l’économie circulaire. Cela aura un impact sur la voie à suivre après la crise, qui se matérialisera notamment dans de nouveaux principes qui seront appliqués dans le développement de nouveaux produits/services. » Nicolas Gibaud, n’imaginant un quelconque fléchissement de la tendance une fois la crise terminée, de conclure : « Le Covid, ça passera. L’innovation durable, elle, restera. » « Durant cette année, le grand public et les entreprises ont réalisé encore plus l’avantage du circuit d’approvisionnement court et de l’économie circulaire. Cela aura un impact sur la voie à suivre après la crise » Thibaut Kyun 23
3. Les budgets de R&D 3.1. Entre optimisme et inquiétudes Au moment de l’enquête, nos répondants se sont révélés divisés quant à leur appréciation des budgets qui leurs sont alloués. En effet, si trente pourcents d’entre eux les estimaient suffisants (avec un taux de satisfaction de 80 à 100%), trente autres pourcents affichaient un avis diamétralement opposé (satisfaction de 0 à 40%). En outre, deux entreprises sur trois pensent que leur budget n’est pas conforme aux normes de leur secteur. Au chapitre des prévisions, la plupart d’entre elles s’attendent à une stabilisation des budgets (plus présente au sein des PME) et 30% estiment qu’ils allaient continuer d’augmenter cette année. Plus que jamais une priorité Si l’on prend l’ensemble des réponses en considération, les budgets de R&D paraissent dans l’ensemble satisfaisants. Un chiffre se détache néanmoins très nettement : 95% des entreprises considèrent l’optimisation des budgets de R&D comme une priorité, contre 81% en 2019, soit une forte augmentation et, surtout, un consensus de la part de la quasi-totalité des répondants. Ce résultat corrobore clairement la prise de conscience de ce que l’innovation est clé dans l’adaptation des entreprises face à la crise, ainsi qu’à ses nouvelles exigences sanitaires et économiques. Elle sera surtout le fer de lance de la reprise, permettant de transformer cette menace en opportunité. Plus que jamais, elle doit être valorisée car elle est source de performance et permet aux entreprises de se démarquer en proposant des produits et des services toujours plus en phase avec les besoins des clients. 95% des entreprises considèrent l’optimisme des budgets de R&D comme une priorité 24
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