Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming

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Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming
Baromètre belge
de l’innovation
2021

FURTHER TOGETHER
Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming
Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming
Table des matières
1. L’innovation belge, ses tendances, ses challenges..................................................................................................................... 6
        1.1. L’optimisme à l’épreuve des virus ............................................................................................................................................................................................. 6
        1.2. Les facteurs influençant la R&D, avant et après la crise Covid-19.......................................................................... 10
        1.3. L’évolution des challenges........................................................................................................................................................................................................................ 13
        1.4. Un coup d’oeil au-delà de nos frontières.................................................................................................................................................................... 17

2. L’innovation durable................................................................................................................................................................................................................................. 18
        2.1. Inévitable mais toujours pas vitale ........................................................................................................................................................................................ 18
        2.2. Des définitions imprécises ..................................................................................................................................................................................................................... 21
        2.3. Coronavirus et innovation durable.......................................................................................................................................................................................... 22

3. Les budgets de R&D.................................................................................................................................................................................................................................... 24
        3.1. Entre optimisme et inquiétudes.................................................................................................................................................................................................... 24
        3.2. Adaptation à la nouvelle donne..................................................................................................................................................................................................... 28
        3.3. Un coup d’oeil au-delà de nos frontières.................................................................................................................................................................... 31

4. Le financement de l’innovation ........................................................................................................................................................................................ 32
        4.1. La maturité des entreprises quant aux possibilités de financement.................................................................... 32
        4.2. Que souhaitent voir évoluer les bénéficiaires de financements ?............................................................................. 34

5. Contrôles fiscaux............................................................................................................................................................................................................................................... 42
        5.1. Fréquence, points d’attention & légitimité.............................................................................................................................................................. 42
        5.2. Perception et impact........................................................................................................................................................................................................................................... 46
        5.3. Tribune ouverte à Pierre Moortgat, BELSPO...................................................................................................................................................... 50

6. Remerciements et biographies............................................................................................................................................................................................ 54
Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming
Introduction
A l’heure où nous rédigeons ce Baromètre, un peu plus d’une année s’est écoulée
depuis le premier confinement. Entre-temps, la campagne de vaccination a débuté en
Belgique et les indicateurs économiques permettent d’envisager, avec un optimisme
modéré, la reprise économique. C’est le moment idéal pour faire le bilan d’une
année mouvementée. Une année qui a contraint la quasi-totalité des décideurs au
sein d’entreprises de toutes tailles et de tous secteurs à un exercice exceptionnel
d’introspection et, dans de nombreux cas, à défaire des nœuds gordiens en matière
d’investissements, de coûts et de dépenses.

En période de crise, le budget de la Recherche, du Développement et de l’Innovation
(R&D&I) est souvent parmi les premiers à pâtir. Il est dès lors intéressant de se
pencher sur l’impact qu’a pu y avoir la crise du Covid-19. En tant que spécialiste
en « innovation performance », Ayming fait partie de l’écosystème belge de l’innovation
depuis 18 ans et connaît non seulement les tenants et aboutissants des départements
R&D&I d’entreprises de toutes sortes de secteurs, mais entretient également
des contacts étroits avec des acteurs gouvernementaux importants, des leaders
d’opinion et autres personnalités influentes. Cette position unique et privilégiée a
permis à Ayming d’interroger plusieurs entreprises1 sur la manière dont la pandémie
les a affectées. Ayming présente les résultats de cette recherche qualitative dans
cette édition du Baromètre belge de l’innovation. Nous avons également laissé
des experts de différents domaines de l’écosystème apporter leur éclairage sur les
résultats et partager leurs idées sur cette période unique et tumultueuse.

    1
         nquête en ligne réalisée de juin à août 2020 par un organisme indépendant auprès des CEO
        E
        et CFO d’un échantillon de 1500 sociétés innovantes belges.
4
Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming
Il ne fait aucun doute que les lockdowns ont obligé les entreprises à repenser
leurs processus internes, en y intégrant notamment le télétravail et les téléconférences.
Dans de nombreux cas, la crise a servi de catalyseur à une numérisation prévue
de longue date mais non priorisée jusqu’alors. Toutefois les entreprises qui font
de l’innovation leur fer de lance, en continuant malgré la crise à investir
courageusement dans la R&D&I, restent confrontées à la menace redoutable et
toujours bien réelle de la vallée de la Mort. Les mesures de soutien régionales,
fédérales et européennes destinées à la R&D&I ne manquent certes pas, mais
l’administration complexe qui y est associée est perçue par les entreprises que
nous avons interrogées comme un tribut inutilement lourd. La bureaucratie reste
un problème épineux et une source de frustration dans notre pays, au point de
décourager un entrepreneur belge sur cinq de lancer de nouvelles initiatives2.
Les acteurs gouvernementaux ont donc besoin d’uniformiser, de centraliser
(et de numériser !) les processus et les informations, ainsi que d’intensifier la
simplification administrative. Cette nécessité est identifiée explicitement dans
la tribune ouverte à M. Pierre Moortgat, du Service public fédéral de la Politique
scientifique (BELSPO), qui conclut ce Baromètre belge de l’innovation. Sans une
réforme du système de mesures de soutien fiscal à la R&D&I, la Belgique risque
de freiner de plus en plus la création de connaissances qui lui sont pourtant si
indispensables.

Nous envisageons donc ce Baromètre belge de l’innovation comme un appel des
plus sincères. Un appel au courage, à l’introspection et à la transformation de la
part des entreprises et des gouvernements. Car si une crise mondiale ne nous
incite pas à nous réinventer, qu’est-ce qui y parviendra ?

                                                             Stefaan Heyvaert
                                                             Innovation performance Manager
                                                             Ayming BeNeLux

2
     ttps://www.kbc.com/en/economics/publications/recovery-plans-should-fo-
    h
    cus-on-reducing-regulatory-and-administrative-burden.html
                                                                                              5
Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming
1. L
    ’innovation belge, ses
   tendances, ses challenges

1.1. L’optimisme à l’épreuve des virus

Quelques mois après le début de la crise, lors d’une enquête réalisée par Ayming
entre juin et août 2020, quatre entreprises sur dix se disaient optimistes quant à
leur portefeuille d’innovation. Les interlocuteurs qui prendront la parole tout au
long de ce Baromètre se rejoindront eux aussi dans leur observation de ces entreprises
qui, à force d’innovation, de gestion stratégique et d’ambition, sont arrivées à
transformer la crise en opportunité.

Si le premier trimestre 2021 s’est inscrit dans la directe lignée de « l’année Covid »,
une conclusion s’impose : malgré la prudence de mise quant aux décisions budgétaires
récentes et à venir, l’optimisme continue de l’emporter.

                                        40%
                                    des entreprises sont optimistes
                                       quant à leur portefeuille
                                             d’innovation

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Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming
La crise, un puissant moteur d’innovation

Ainsi, Kyun Thibaut, Managing Director de COVARTIM, société d’ingénierie belge dédiée au
développement de dispositifs médicaux, confie : « Il est très probable que la crise du coronavirus aura
un impact sur le budget de l’innovation et entraînera donc une baisse du rythme de développement et des
investissements réalisés dans les projets d’innovation. Bien que la crise puisse également être un puissant
moteur d’innovation pour les entreprises dans leurs produits/services afin de s’adapter à la situation actuelle ».

Cette position est partagée par Johan Guldix, Conseiller principal pour l’innovation & les entreprises
chez VOKA, le réseau entrepreneurial flamand : « Il ne faut pas à tout prix voir cette pandémie comme
un obstacle. Au contraire, elle se révèle plutôt comme un catalyseur pour l’innovation, en particulier
pour la digitalisation et les questions de santé. De ce point de vue elle-même a été bénéfique car elle a
poussé de nombreuses entreprises à se numériser. Certes, cette transition était déjà amorcée mais l’évolution
restait lente comparée au bond en avant que l’on a pu observer sur cette dernière année. »

Johan Guldix poursuit en abordant le sujet de la durabilité : « La transformation durable que les autorités
régionales, nationales ou européennes souhaitent voir se produire peut également servir de catalyseur.
Les entreprises doivent repenser leurs structures et leurs investissements, ce qui me fait penser qu’à long
terme, cette année passée sera une bonne chose pour l’innovation, si bien sûr elle n’en fut pas une en soi. »

                                                                                                                 7
Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming
Des budgets en augmentation, parfois

L’optimisme se retrouve au sein des entreprises à vocation internationale, comme le
souligne Nicolas Gibaud, Innovation Process Manager chez Inspiralia, fablab et conseil
en stratégie de l’innovation : « Le budget consacré à la R&D est au minimum le même et,
dans certains cas, va peut-être même augmenter. On remarque une différence quant à la
façon de le dépenser, qui bénéficie d’une vigilance rarement égalée.
Chez nos clients, l’innovation reste un sujet important, certainement pas relégué au
second plan en raison de la pandémie. Au contraire, pour eux, la clé du succès post-Covid
réside dans l’innovation et la flexibilité qui en découle, d’autant plus importante face
à un monde incertain. Les bons réflexes ont été observés, les coûts ont été contrôlés,
et des aides publiques ont été mises en place, permettant de limiter la casse pour les
revenus des entreprises.
Prenons le financement des PME par exemple : on constate un nombre important
d’entreprises souhaitant lever des fonds. Cela signifie tout simplement qu’il y a du
financement, de l’innovation, et un objectif accru de rentabilité. La confiance dans
l’innovation reste forte dès lors que l’on en comprend les valeurs, ce qui est le cas de
bon nombre d’investisseurs ».

Enfin franchir le pas

Ce maintien de l’effort d’innovation fait l’unanimité auprès des observateurs privilégiés
du monde de l’innovation belge et international. C’est notamment le cas de John
Metselaar, Professeur d’Innovation à la Solvay Brussels School of Economics and
Management, et responsable du Conference Board’s Innovation & Digital
Transformation Institute : « La crise a bien sûr occasionné beaucoup de souffrance,
mais elle a aussi fait prendre conscience du besoin de se réinventer. Toute crise est
porteuse d’opportunités. Certains ont été incités à agir rapidement et à faire ce pas
que l’on n’osait pas auparavant, ou dont on ne voyait pas la nécessité. Je vois des
changements profonds s’opérer à tous les niveaux. Par exemple, je parlais récemment
avec une personne qui loue des vélos et qui, l’an dernier, a finalement fait créer un site
web pour son activité, destiné aux entreprises. Le résultat ? Ses affaires n’ont jamais
aussi bien marché. Je vois beaucoup de personnes qui, au lieu de jeter l’éponge, font le
choix de l’ouverture d’esprit et de l’agilité. Nous pouvons être fiers de cette résilience.
Je constate également cette mentalité chez les dirigeants d’entreprises. Il est facile de
diriger quand on a le vent dans le dos, mais les vrais leaders se révèlent dans des moments
comme celui-ci et savent parfaitement que les bonnes décisions peuvent tout transformer
en opportunités, et comment exploiter au mieux ces dernières.»

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Baromètre belge de l'innovation 2021 - FURTHER TOGETHER - Ayming
Il paraît en effet évident que la bonne direction stratégique fera plus
que jamais la différence. John Metselaar continue : « Indépendamment
des secteurs les plus durement touchés, nous constatons qu’un fossé se
creuse entre, d’une part, les entreprises qui investissent dans l’avenir et
saisissent les opportunités offertes par la crise et, d’autre part, celles qui
restent figées dans la peur et la prudence, prenant du retard et menacées
par l’arrêt de leurs activités.

On dit déjà que la reprise prend la forme d’un K plutôt que d’un V ou
d’un W, la partie inférieure du K étant occupée par les entreprises
qui jouent la sécurité, et la partie supérieure par les entreprises
innovantes qui profitent de cette conjoncture unique pour se
transformer en termes d’organisation et d’activité. Le marché est
extrêmement dynamique.

Par exemple, les entreprises ont dû prendre le train du numérique en
marche pour assurer la continuité de leurs activités. Cela a provoqué des
changements que l’on n’osait envisager auparavant, comme l’autorisation
pour les employés de (télé)travailler plus souvent à domicile. Cette flexibilité
va se poursuivre – l’édition de fin 2020 de la HBR (Harvard Business Review)
titrait en couverture «The Work from Anywhere Future - Lessons from organizations that
have made the transition and flourished» (« Cet avenir qui permettra de travailler de
partout - Les leçons des organisations qui ont fait la transition et ont prospéré » - NDLR).
De nombreux PDG et DSI sont convaincus qu’une bonne partie des nouvelles habitudes
que nous avons acquises au cours de cette année persisteront une fois la crise passée. Les
voyages d’affaires ne seront plus jamais les mêmes ; le travail gagnera quant à lui en flexibilité
et pourra être effectué à distance. On constate déjà un phénomène de fuite des villes à
destination des campagnes, le choix de travailler depuis l’endroit où on a envie de vivre
devant une réalité. Quid de l’impact sur nos modes de vie, et sur le marché de l’immobilier par
exemple ? Sans parler du marché de l’immobilier commercial - whoa ! Le monde a du pain
sur la planche afin de concevoir correctement cette nouvelle réalité - «The Future of Work».
Nous restons des êtres sociaux qui avons besoin de contacts humains. Il y a aujourd’hui de
jeunes employés qui n’ont jamais rencontré leurs collègues, ce qui aurait été totalement
impensable il y a à peine un an. Quels systèmes et organisations seront mis en place dans
les années à venir pour amener cette transition de manière efficace, efficiente, mais surtout
humaine ?»

                                                     « Chez nos clients, l’innovation reste un sujet important,
                                                     certainement pas relégué au second plan en raison de la
                                                     pandémie. Au contraire, le mot d’ordre est que la clé du
                                                     succès post-Covid réside dans l’innovation et la flexibilité qui
                                                     en découle, d’autant plus importante face à un monde
                                                     incertain »
                                                                                                Nicolas Gibaud

                                                                                                                        9
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1.2. Les facteurs influençant la R&D, avant et après la crise Covid-19

 Un changement de paradigme

 L’année 2020 aura été marquée par un changement de priorités accordées à
 l’innovation. Jusque-là un entrepreneur sur trois privilégiait les stratégies à long
 terme telles que la digitalisation, la transition à l’industrie 4.0 et l’économie circulaire.

 Cette année a changé la donne ; deux entrepreneurs sur trois disent se préoccuper
 davantage du court terme, en favorisant notamment les nouvelles méthodes de
 travail (notamment le télétravail) ainsi que la sécurité sanitaire, comme l’observe
 Kyun Thibaut : « Les préoccupations à court terme liées aux modes de travail et à la
 sécurité doivent faire place aux modèles continus. On constate ainsi que la plupart des
 entrepreneurs cherchent à éviter les solutions trop frugales et se concentrent sur ce
 qui est essentiel pour leurs activités, en accordant la priorité à leur organisation avec
 en son centre le facteur humain, leurs employés. »
 Si ces résultats sont incontestables, Omar Mohout, Entrepreneurship Fellow chez Sirris,
 rappelle néanmoins qu’ils sont à relativiser dans de nombreux cas : « C’est vrai dans
 une certaine mesure ; les investissements dans le travail à distance restent minimes, et
 très souvent ce sont (télé)travailleurs qui font des dépenses en connexion, en mobilier, etc.
 Ce sont également eux qui prennent principalement soin de leur santé, et non l’entreprise. »

 La déglobalisation : confirmée, mais favorisée par la crise ?

 Deux tiers des entrepreneurs se montrent perplexes face à une déglobalisation
 accélérée par le Covid, estimant qu’il ne s’agit là que d’un effet temporaire qui
 n’impactera pas la supply chain mondiale.

                                               2/3
                                         des entreprises estiment que
                                          ce ne sera pas le Covid qui
                                         accélérera la déglobalisation

10
Nicolas Gibaud confirme : « On a vu des adaptations tant organisationnelles (comme
le télétravail) que purement business (comme les exports) mais force est de constater
qu’aucun changement profond réel n’est observé. Si l’on souhaite influencer la déglobalisation
en termes d’innovation, notamment chez les PME, il faut les encourager à relocaliser la
production intellectuelle au moyen, notamment, d’aides gouvernementales ».

Omar Mohout poursuit : « La déglobalisation aura lieu, mais à petite échelle, et ne
changera pas la donne. S’il est vrai que le coût de la supply chain va augmenter, cela
ne sera pas suffisant pour compenser le coût supérieur de la main-d’œuvre. »

Entre la théorie et la réalité, l’automation

Stefaan Pijls, fondateur d’AICEPS (Agile Innovative Consulting & Education for
Projects & Strategy) fait la différence entre la théorie et la pratique : « L’espoir est
là ; nous avons même vu des gens en Italie fabriquer des pièces pour des respirateurs à
domicile, sur leur propre imprimante 3D, alors qu’elles n’étaient plus disponibles dans
les hôpitaux. Ainsi, d’un point de vue purement technologique, la démondialisation est
effectivement à portée de main aujourd’hui. Sur le papier, c’est fantastique.
En réalité, c’est un peu plus compliqué. Si nous voulons prendre en compte le climat
et rester compétitifs par rapport aux pays à bas salaires, nous devons oser parier sur
les nouvelles technologies et envisager leurs opportunités de manière complète et
à long terme. »

Stefaan Pijls se penche ensuite sur les motivations des entreprises : « Ces derniers
mois, elles ont été contraintes de privilégier de nouveaux produits pour lesquels la
demande était très forte, comme les masques buccaux par exemple. Les circuits
traditionnels de production et de transport ont été rapidement saturés. Les petites
entreprises ont donc été appelées à combler les lacunes. Cela nécessite une préparation,
car un tel changement n’est pas facile. Un soutien et des conseils seraient certainement
les bienvenus, entre autres sur la manière d’optimiser la production ou de faire face
au caractère innovant des demandes qui leur sont adressées et aux coûts liés à ce
nouveau contexte.. »

                                                                                                 11
Les défis d’une économie globale
 Johan Guldix tempère et attribue, lui, la déglobalisation à des causes bien plus
 géopolitiques : « Plus que le Covid, c’est la guerre commerciale entre la Chine et les
 États-Unis, ainsi que le Brexit, qui risquent d’avoir une influence bien plus marquée.
 C’en est même préoccupant car, en cas de reprise des exportations reprennent, les probables
 tensions pourraient rendre les échanges commerciaux plus difficiles. »
 Birgitt Peeters, Head of Marketing, Business Relations & Finance pour l’Agoria Solar
 Team, ajoute la responsabilité sociale aux motivations possibles de la tendance
 à la déglobalisation : « La digitalisation nous a fait le cadeau de collaborations mondiales
 à portée de clic, mais ces échanges commerciaux sont considérés par bon nombre
 comme l’un des facteurs ayant favorisé la propagation du virus. Dans un monde
 professionnel de plus en plus en quête de sens, cela contribue au désir croissant de
 démondialisation que l’on observe au sein de certaines organisations.»
 L’E&S, l’avenir de la R&D
 Il y a un an, peu de gens savaient vraiment ce que l’acronyme VUCA signifiait.
 John Metselaar commente : « Je donne des cours et des conférences depuis environ
 six ans maintenant, dans lesquels j’ai intégré assez tôt la nécessité de l’innovation
 dans un monde VUCA tel que le nôtre (« Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous »).
 La masse colossale de connaissances générée par des avancées technologiques sans
 précédent, combinée à des connexions illimitées, tant physiques (pensez à la Silicon
 Valley, Shenzen, Louvain) que virtuelles, a rendu le monde VUCA.

 Le Covid nous a ensuite plongés dans ce que j’appelle un monde « VUCA sous stéroïdes ».
 La pandémie a un impact fondamental sur la façon dont les entreprises envisagent
 l’innovation. Dans le passé on commençait par définir précisément la stratégie en se
 concentrant sur la planification et en définissant le rôle qu’allait y jouer l’innovation.
 Aujourd’hui, c’est l’inverse. Le monde est devenu si imprévisible que les entrepreneurs
 et les dirigeants ont compris qu’il faut laisser la place à l’expérimentation, à l’apprentissage
 et aux tests. Et lorsque la bonne solution au besoin du client est clairement établie, on
 passe en un éclair à la production à grande échelle. Lors d’un récent débat d’experts,
 un collègue a déclaré que nous devrions cesser d’utiliser le terme R&D et parler plutôt
 d’E&S, pour « Experiment and Scale ». Quoi qu’il en soit, le terme de « planification »,
 qui guide le raisonnement des entreprises depuis des décennies, doit céder la place à
 l’élaboration de stratégies agiles.»

                                                     « Dans ce que j’appelle un monde « VUCA sous stéroïdes
                                                     », les entrepreneurs et dirigeants ont compris qu’il faut
                                                     laisser la place à l’expérimentation, à l’apprentissage
                                                     et aux tests. Et lorsque la bonne réponse au besoin du
                                                     client est clairement établie, on passe en un éclair à la
                                                     production à grande échelle. »

                                                                                                John Metselaar
12
1.3. L’évolution des challenges
Guerre des talents et quête de sens

L’une des révélations principales de l’enquête est le passage en première position du facteur
humain. Jusque-là relégué au second rang (en 2019 et 2018) il échange sa place avec
l’idéation, jusque-là invaincue, laissant la troisième place au financement de l’innovation.

Cette prise de conscience de l’importance du capital humain au sein de processus
de R&D, notamment par l’embauche des bons profils ou le développement des
compétences en interne, est intimement liée à la guerre des talents fort marquée
sur notre territoire.

Nicolas Gibaud y voit également une composante
plus politique : « Les problèmes de recrutement
trouvent plutôt leur cause dans la considération par                        1 er
l’entreprise de la durabilité ; les jeunes employés sont
aujourd’hui en recherche de sens, et se détournent
d’entreprises qui n’en font pas assez. »

                                                              Le facteur humain, défi majeur,
                                                               détrône pour la première fois
La génération Y en marche                                     depuis que le Baromètre existe,
                                                                         l’idéation

Ce phénomène de recherche de sens est indissociable des enjeux inédits de nos
sociétés, confrontées à la nécessité de changer et de se tourner vers la durabilité
et l’économie circulaire, au risque de subir des conséquences désastreuses en
termes de climat. Dans un ouvrage publié par le Ayming Institute, intitulé
« Profit and Planet - How Innovation Can Help Build a Better World3 », les auteurs
établissent le lien entre ces défis et leurs ambassadeurs, notamment la génération
Y, qui appelle à passer de « greed is good » à « green is good » en réinventant le
capitalisme et la culture d’entreprise grâce à la création de nouvelles approches
commerciales axées sur le digital.

                                                       « Les jeunes générations étant plus que jamais en quête
                                                       de sens, opter pour la durabilité c’est également garder
                                                       ses employés plus longtemps et, ainsi, avoir la possibilité
                                                       de développer ses talents en investissant dans des
                                                       formations qui vous feront à terme bénéficier d’équipe
                                                       plus expérimentées. »
                                                                                                    Laurie Pilo

3
    https://www.ayming.be/insights/livres/profit-and-planet-sur-le-developpement/
                                                                                                                     13
Avoir des valeurs et les montrer

 Stefaan Pijls n’hésite pas à établir un lien entre stratégie durable et succès à long
 terme : « Dans le passé, le succès était l’apanage des entreprises très réactives et déjà
 proactives. Aujourd’hui, les entreprises les plus performantes ont un œil sur la société,
 elles ont le réflexe de proposer des stratégies qui tiendront la route pendant les dix pro-
 chaines années. En revanche, ceux qui se préoccupent principalement ou exclusivement
 des chiffres trimestriels et des bénéfices à court terme ont été particulièrement touchés
 par les changements de l’économie. Les défis sociaux sont désormais pris en compte
 dans de nombreuses entreprises performantes lorsqu’il s’agit de déterminer la stratégie com-
 merciale. Cette stratégie tient compte des besoins de la société. Une entreprise doit donc
 avoir de bonnes valeurs et oser les afficher.»

 Laurie Pilo aborde également les répercussions en termes de ressources humaines :
 « Cela a également un énorme impact sur les embauches. Les jeunes générations étant
 plus que jamais en quête de sens, opter pour la durabilité c’est également garder ses
 employés plus longtemps et, ainsi, avoir la possibilité de développer ses talents en
 investissant dans des formations qui vous feront à terme bénéficier d’équipes plus
 expérimentées. Sans compter que vos nouvelles recrues verront immédiatement dans
 ces employés fidèles la possibilité de faire carrière au sein de votre organisation. »

 Selon Kyun Thibaut, c’est aux employeurs de s’adapter car ils ne peuvent plus
 négliger la portée émotionnelle de l’année qui vient de s’écouler : « Recruter et
 conserver les bons profils est un défi qui ne va pas aller en diminuant, vu l’évolution des
 mentalités et le souhait grandissant de contribuer à une cause, d’avoir un impact.
 Cette pandémie nous a apporté de nouvelles habitudes en termes de télétravail.
 Couplé au confinement, cela fait beaucoup de temps passé à la maison, que beaucoup
 mettent à profit pour réfléchir à leur emploi actuel, leurs besoins et leurs désirs pour
 l’avenir. Les entreprises ne peuvent pas se permettre d’ignorer cette nouvelle donne. »

                                                  « Dans le passé, le succès était l’apanage des entreprises
                                                  très réactives et déjà proactives. Aujourd’hui, les entreprises
                                                  les plus performantes ont un œil sur la société, elles ont
                                                  le réflexe de proposer des stratégies qui tiendront la route
                                                  pendant les dix prochaines années »

                                                                                                  Stefaan Pijls

14
Trop peu de diplômés dans les STEM

Johan Guldix se tourne lui vers le monde académique : « Il est très préoccupant de
constater la difficulté à trouver les bons profils au sein des entreprises innovantes, en
particulier dans le domaine de la technologie et de la recherche. De les voir recruter déjà
à l’étranger faute de bons profils en Belgique, qu’il s’agisse d’ingénieurs ou de spécialistes
en ICT. C’est pourquoi l’éducation est essentielle. Nous devons continuer à encourager les
élèves et les étudiants à opter pour une discipline STEM. L’un des moyens d’y parvenir est
d’initier les élèves aux sciences et aux technologies à un âge précoce, c’est-à-dire dès
l’école primaire ; c’est au gouvernement à s’en préoccuper, au moyen de campagnes de
communication, d’un rapprochement entre le monde privé et celui de l’enseignement4. »

Dans le monde de l’éducation, la prise de conscience semble effective et ce
rapprochement est d’ores et déjà une réalité. Stijn Kelchtermans, Associate Professor
à la KU Leuven développe : « En matière de coordination horizontale, plusieurs initiatives
ont été prises pour aligner les politiques d’innovation. Je pense notamment à la politique
du marché du travail (par exemple, l’arrêté du gouvernement flamand en 2018 concernant
l’emploi de travailleurs étrangers visant à intensifier les efforts afin d’attirer du capital humain
hautement qualifié) et la politique de l’éducation (par exemple, le plan d’action
STEM 2012-2020, une initiative mise en place en 2012 par le gouvernement flamand
et visant à promouvoir les cursus et carrières dans ces disciplines). »

4
    NDLR : voir à ce sujet l’ouvrage du Ayming Institute « Women in STEM »
                                                                                                       15
1.4. Un coup d’oeil au-delà de nos frontières

 Le Baromètre International de l’Innovation 20215, également publié par Ayming
 et présentant le paysage mondial de l’innovation, démontre que la complexification
 du paysage de l’innovation date de bien avant le coronavirus. Les procédures sont
 de plus en plus techniques et enjoignent depuis un certain temps les sociétés à
 chercher du soutien, qu’il s’agisse de politiques gouvernementales fortes ou
 d’innovation en réseau, malgré ses challenges à l’échelon international ou la question
 épineuse de la propriété intellectuelle.

 C’est entre autres ce qui explique la montée en puissance de nouveaux modèles
 d’externalisation. Plutôt que de miser sur la collaboration ou les aides publiques,
 un nombre croissant de compagnies se tournent vers les ressources privées externes,
 privilégiant l’approche hybride d’écosystèmes mis en place par de grandes entreprises,
 dans l’intention d’acquérir les innovations réussies. Une aubaine pour certains qui,
 en échange d’une participation dans leur entreprise, se voient offrir l’accès à des
 fonds et infrastructures autrement inabordables, leur permettant d’augmenter leurs
 chances de succès et d’explorer des idées qu’ils auraient autrement dû abandonner.

 Stijn Kelchtermans suit la situation de près : « Les multinationales organisent leurs
 activités de R&D et d’innovation à l’échelle internationale ; je ne m’attends pas à
 ce que la Belgique fasse figure d’exception. Il faut également mentionner existe des
 programmes d’accélérateurs/incubateurs tels que KBC StartIt. Ce n’est d’ailleurs pas
 la seule banque, ING est impliquée dans le cluster fintech « FinTech Village ». Le centre
 de recherche stratégique imec gère l’accélérateur imec.istart Fund NV. Et ce ne sont là
 que quelques exemples. »

                                                      « Les multinationales organisent leurs activités de R&D
                                                      et d’innovation à l’échelle internationale ; je ne m’attends
                                                      pas à ce que la Belgique fasse figure d’exception. »

                                                                                             Stijn Kelchtermans

       5
           https://www.ayming.be/insights/livresblancs/barometre-international-de-linnovation-2021/
16
17
2. L
    ’innovation durable

 2.1. Inévitable mais toujours pas vitale

 La majorité des entreprises se disent favorables à l’innovation durable mais dans les
 actes elle n’est prioritaire que pour une minorité. En effet, seuls 35 % des répondants
 déclarent consacrer entre 1 et 10 % de leur budget à des projets en lien avec la
 durabilité. Et lorsque c’est le cas, il ne s’agit pas d’un objectif en soi, mais plutôt un
 sous-produit des efforts visant à améliorer leurs performances globales.

                                  35%
                              des entreprises consacrent de
                              1 à 10 % de leur budget R&D à la
                                          durabilité

 Créer des cercles vertueux

 Nicolas Gibaud commente : « Les entreprises sont prêtes à franchir le pas, elles
 veulent s’élever au-delà du greenwashing, donc oui, plus d’encouragement public aurait un
 effet résolument positif. Sans compter qu’il s’agit ici d’un un cercle vertueux : plus on
 mettra des produits verts sur le marché, plus la demande sera présente et les mentalités
 de ceux qui restent à convaincre changeront. »
 Stefaan Pijls reprend l’idée du cercle durable, cette fois sous l’angle fiscal : « Nos
 gouvernements pourraient faire en sorte que l’économie durable fonctionne en circuit
 fermé et transparent au sein du système fiscal, par exemple en taxant plus lourdement
 les produits et processus moins durables. Les bouteilles en PET, par exemple, devraient
 être davantage recyclées ou remplacées, ce qui peut être encouragé par une taxation
 dédiée. Ces revenus peuvent ensuite être utilisés pour stimuler les alternatives durables
 en les détaxant ou, mieux encore, en soutenant financièrement leur démarrage afin de
 boucler la boucle. »

18
La vallée de la mort de l’innovation

Johan Guldix explique que la durabilité n’échappe pas aux obstacles traditionnels :
« Nous avons un bon système jusqu’au TRL 56. Dès lors qu’il faut sortir du laboratoire
et développer des installations pilotes et de démonstration, les subventions ne sont
pas disponibles ou sont trop limitées. Le gouvernement devrait donc en faire plus sur
les premiers développements industriels. Nous avons vu des améliorations ces dernières
années, notamment dans une meilleure disponibilité des financements pour ces
phases, mais ce n’est pas suffisant. Certaines de ces installations sont très coûteuses,
beaucoup de choses peuvent mal tourner et le risque est grand. »

Le monde politique renvoie effectivement généralement vers l’Europe, arguant
qu’ils ne peuvent offrir davantage de soutien, ou qu’il irait à l’encontre des règles
sur les aides d’État telles qu’édictées par la Commission Européenne7.

6
    L ’échelle TRL («Technology Readiness Level») est un      7
                                                                    es règles visent à éviter que les fonds publics alloués à
                                                                   C
     système de mesure développé par la NASA et utilisé            des entreprises ou à des secteurs locaux ne donnent aux
     pour évaluer le niveau de maturité d’une technologie,         bénéficiaires un avantage déloyal sur les mêmes secteurs
     notamment en vue d’en financer la recherche et le             dans d’autres pays de l’UE – autrement dit, qu’elles
     développement. Il est également utilisé dans le               nuisent à la concurrence et faussent les échanges
     programme Horizon 2020 de la Commission                       commerciaux https://ec.europa.eu/competition/consu-
     européenne.                                                   mers/government_aid_fr.html
                                                                                                                       19
La réponse européenne

 L’Europe souhaite néanmoins offrir les meilleures chances aux innovateurs dans
 le cadre de projets spécifiques. L’un des mécanismes poursuivant cet objectif est
 l’IPCEI (Important Project of Common European Interest), qui permet aux pays
 membres d’accorder plus de fonds que ne le permettent les règles en matière
 d’aides d’État. Johan Guldix explicite : « L’UE fait une exception pour les projets
 stratégiques, capables de rivaliser à l’échelle mondiale avec la Chine et les États-Unis,
 comme par exemple de la mise au point de nouvelles et meilleures batteries, en
 particulier (mais pas exclusivement) pour les voitures électriques. Non seulement ce
 type de projet cadre parfaitement avec les valeurs de l’UE, mais l’objectif est de les
 produire en Europe également. L’Allemagne, la France et la Belgique envisagent
 notamment un nouvel IPCEI sur l’hydrogène. »

                                                  « L’UE fait une exception pour les projets stratégiques,
                                                  capables de rivaliser à l’échelle mondiale avec la Chine
                                                  et les États-Unis, comme par exemple de la mise au
                                                  point de nouvelles et meilleures batteries, en particulier
                                                  pour les voitures électriques. »
                                                                                             Johan Guldix

20
2.2. Des définitions imprécises

L’une des premières pistes permettant d’expliquer pourquoi l’innovation durable tarde
à démarrer malgré un marché demandeur, est la définition-même de la durabilité.
Il ressort en effet de notre enquête que de nombreuses entreprises ne savent pas si
les projets qu’elles mènent peuvent être qualifiés de durables. Elles se rejoignent ainsi
sur un consensus : quel que soit le degré d’implication de notre gouvernement, il doit
coordonner la rédaction de spécifications précises en la matière, ce qui lui permettrait
ensuite de plancher sur des mécanismes d’incitations fiscales ciblées.

Conscient de la problématique, Johan Guldix attire également l’attention sur
les difficultés rencontrées lorsque l’on souhaite s’inscrire dans une logique de
développement durable : « Il existe de nombreuses définitions mais la plupart des
entreprises comprennent au moins le terme «innovation durable», surtout depuis
ces derniers mois car le sujet n’a jamais été aussi commenté dans les médias, par le
gouvernement, par l’UE. Le souci se situe dans le fait que beaucoup d’entreprises ne
savent pas par où commencer, elles ont besoin d’exemples. Cela n’empêche pas bon
nombre d’entre elles de déjà réfléchir à ses applications, par exemple dans le développement
de nouveaux produits chimiques, l’amélioration de l’efficacité énergétique, la rationalisation
de l’utilisation de l’eau, etc.

Les grandes entreprises (sidérurgie, chimie, énergie, etc.) sont prêtes à faire des efforts,
mais l’innovation n’est pas un développement linéaire. Pour trouver de bonnes nouvelles
molécules, il faut du temps, et toutes les inventions qui fonctionnent en laboratoire ne sont
pas adaptées au développement industriel ou à l’utilisation commerciale. Concrètement,
vous pouvez développer une nouvelle molécule en laboratoire, mais si vous ne pouvez
pas passer à une production d’échelle suffisante, ou si les délais de fabrication sont trop
longs, ou la réalisation trop énergivore, les bénéfices seront trop limités. Un nouveau
produit doit être efficace à fabriquer ; sans perspectives de rentabilité il sera abandonné.

Ces entreprises veulent réellement faire un effort, et sont prêtes à s’engager sur la voie
du développement durable, mais ce n’est pas si simple. Il y a beaucoup d’éléments qui
pourraient mener à un échec, beaucoup d’incertitude, de temps et d’argent à dépenser
d’emblée, sans garantie de succès. »

Ces commentaires convergent en un point : l’essor de l’innovation durable est
indubitablement freiné par la réalité du terrain. Si l’effort de conscientisation est
bel et bien entamé par nos autorités, il est insuffisant. S’ils veulent voir une véritable
accélération, nos élus devront endosser un rôle bien plus engagé afin de réduire la
notion de risque pour les entreprises – un juste milieu qui n’a toujours pas été trouvé.

                                                                                                 21
2.3. Coronavirus et innovation durable
 La preuve de ce que l’on peut vivre autrement

 L’apport majeur de cette crise est qu’elle a bouleversé les habitudes et a forcé tout un
 chacun à pouvoir travailler et communiquer à distance, avec deux impacts immédiats :
 l’un sur les coûts opérationnels, l’autre sur la diminution de la pollution, renforçant les
 mentalités déjà conscientes de la nécessité d’un tel changement et demandeuses de
 plus de durabilité.

 Ce point fut récemment démontré dans une étude demandée par la Commission
 de l’Environnement, de la Santé Publique et de la sécurité alimentaire du Parlement
 européen (ENVI) intitulée «Air pollution and COVID-198» et publiée en janvier 2021,
 mentionnant que «Les études publiées à ce jour donnent une image relativement
 cohérente, les niveaux de NO2 (dioxyde d’azote) diminuant de 30 à 50% pendant les
 périodes de fermeture en Europe».

 Deux rôles contradictoires

 Stefaan Heyvaert accueille ces effets positifs, mais relativise en faisant preuve de
 réalisme : « Je ne dirais malheureusement pas que la prise de conscience s’opère assez
 vite, mais une chose est sûre : elle va arriver. Qu’on le veuille ou non, l’environnement
 change et les répercussions climatiques sont indéniables. Les notions de durabilité
 et de responsabilité sociale ne sont plus aujourd’hui des termes marketing ; au contraire,
 ils doivent être intégrés au cœur de la stratégie de l’entreprise. Pour cela, les entreprises
 doivent aujourd’hui comprendre leur place dans la value chain, et la façon dont ces
 changements impacteront les business models, afin de s’adapter et de prétendre au
 succès. Il s’agit de transformations à implémenter au plus vite, pas parce que nous
 traversons une crise, mais parce que si ce n’est pas maintenant vous courrez le risque
 de louper le coche. Bien sûr, si l’on se met à la place de la personne qui doit garantir la
 rentabilité de sa société, la tentation de supprimer les frais qui le mettent en danger est
 grande, mais il s’agit là d’une vision à court terme qui risque de coûter beaucoup plus
 cher à l’avenir. »

 Ce lien entre durabilité et financement est établi très clairement dans un document
 de la Banque nationale de Belgique publié en septembre 2020 et intitulé « Les
 incitants fiscaux en faveur de la R&D sont-ils efficaces ?9 », où la BNB souligne combien
 la transition vers une économie durable exige de nouvelles technologies et,
 en conséquence, insiste sur la priorité à accorder à la mise en place d’incitants
 fiscaux et à la création d’un environnement propice aux investissements dans la
 recherche et développement au sein des politiques des pays de l’OCDE et des
 économies partenaires.

      8
          https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2021/658216/IPOL_STU(2021)658216_EN.pdf
      9
          https://www.nbb.be/fr/articles/les-incitants-fiscaux-en-faveur-de-la-rd-sont-ils-efficaces
22
Une pièce de plus au puzzle

Si l’on peut donc légitimement s’interroger sur les effets
retors de la pandémie sur la priorité accordée à la durabilité,
elle s’inscrit indubitablement dans la longue liste de raisons
qui la porteront.

C’est effectivement à cette trajectoire désormais inévitable
que Kyun Thibaut associe les conséquences de la pandémie,
avec un optimisme à peine tempéré par la patience nécessaire
dans de telles circonstances : « Durant cette année, le grand
public et les entreprises ont réalisé encore plus l’avantage du
circuit d’approvisionnement court et de l’économie circulaire.
Cela aura un impact sur la voie à suivre après la crise, qui se
matérialisera notamment dans de nouveaux principes qui seront
appliqués dans le développement de nouveaux produits/services. »

Nicolas Gibaud, n’imaginant un quelconque fléchissement de
la tendance une fois la crise terminée, de conclure : « Le Covid,
ça passera. L’innovation durable, elle, restera. »

    « Durant cette année, le grand public et les entreprises ont
    réalisé encore plus l’avantage du circuit d’approvisionnement
    court et de l’économie circulaire. Cela aura un impact sur
    la voie à suivre après la crise »

                                                 Thibaut Kyun

                                                                    23
3. Les budgets de R&D

 3.1. Entre optimisme et inquiétudes

 Au moment de l’enquête, nos répondants se sont révélés divisés quant à leur
 appréciation des budgets qui leurs sont alloués.
 En effet, si trente pourcents d’entre eux les estimaient suffisants (avec un taux de
 satisfaction de 80 à 100%), trente autres pourcents affichaient un avis diamétralement
 opposé (satisfaction de 0 à 40%). En outre, deux entreprises sur trois pensent que
 leur budget n’est pas conforme aux normes de leur secteur.

 Au chapitre des prévisions, la plupart d’entre elles s’attendent à une stabilisation
 des budgets (plus présente au sein des PME) et 30% estiment qu’ils allaient continuer
 d’augmenter cette année.

 Plus que jamais une priorité

 Si l’on prend l’ensemble des réponses en considération, les budgets de R&D
 paraissent dans l’ensemble satisfaisants. Un chiffre se détache néanmoins très
 nettement : 95% des entreprises considèrent l’optimisation des budgets de R&D
 comme une priorité, contre 81% en 2019, soit une forte augmentation et, surtout,
 un consensus de la part de la quasi-totalité des répondants.
 Ce résultat corrobore clairement la prise de conscience de ce que l’innovation est
 clé dans l’adaptation des entreprises face à la crise, ainsi qu’à ses nouvelles exigences
 sanitaires et économiques. Elle sera surtout le fer de lance de la reprise, permettant
 de transformer cette menace en opportunité. Plus que jamais, elle doit être valorisée
 car elle est source de performance et permet aux entreprises de se démarquer en
 proposant des produits et des services toujours plus en phase avec les besoins
 des clients.

                                 95%
                               des entreprises considèrent
                            l’optimisme des budgets de R&D
                                   comme une priorité

24
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