BIODIVERSITÉ : L'INDISPENSABLE ACTION LOCALE - ADCF
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Été 2017 • N° 221 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 E DOSSIER P.7 Biodiversité : l’indispensable action locale DANS L’ACTU P.2 • CONFÉRENCE NATIONALE DES TERRITOIRES FOCUS P.3 • LES FILIÈRES REP EN ÉVOLUTION DROIT P.16 • LA RÉFORME DES RYTHMES SCOLAIRES FINANCES P.17 • EN DIRECT DES CLECT : RETOUR SUR LES PRATIQUES URBANISME P.18 © McKeeMedia / Shutterstock • LA PLANIFICATION DES SOLS EN ALLEMAGNE TERRITOIRES P.19 • LE SCHÉMA DE MUTUALISATION DE LA MÉTROPOLE LILLOISE
DANS L’ACTU © AdCF © Yannick Brossard ÉDITORIAL Charles-Éric Lemaignen Président de l’AdCF Conférence nationale des territoires Un « pacte girondin » aux figures imposées Installée de manière très médiatique au Sénat Entre concertation et contraintes le 17 juillet dernier, la Conférence nationale des territoires (CNT) promet de nouvelles modalités Si les associations nationales de collectivités ont, dans l’ensemble, souscrit à la nouvelle de travail entre l’État et les collectivités. méthode de concertation proposée par le gouvernement à travers la Conférence nationale Nous nous sommes collectivement donnés six mois pour aboutir à un « pacte de confiance des territoires, les réévaluations à la hausse des efforts budgétaires qui leur seront girondin ». Si la méthode est ouverte et nous demandés comme l’accélération du calendrier de dégrèvement/suppression de la taxe convient pleinement, elle ne saurait pour d’habitation ont suscité des réactions critiques. Le « pacte de confiance » à établir d’ici la fin autant faire oublier les contraintes sous de l’année entre l’État et les collectivités va appeler beaucoup de créativité. lesquelles est placé l’exercice. R La première est évidemment liée aux efforts éunie le 17 juillet au Sénat, la Conférence nationale a vocation à se traduire par des efforts supplémentaires budgétaires demandés aux collectivités durant des territoires a été marquée par deux séquences demandés à toutes les administrations publiques, dont le quinquennat. Les 10 milliards d’euros distinctes. La matinée était organisée dans un les collectivités. Initialement fixé à 10 milliards sur la d’économies initialement annoncés se sont format resserré autour du Premier ministre et de plusieurs durée du quinquennat, l’effort demandé au secteur transformés en 13 en l’espace de quelques jours. membres du gouvernement, avec les présidents des asso- public local est réévalué en conséquence à 13 milliards, Avec de nombreuses questions sous-jacentes ; ciations de collectivités (ARF, ADF, AdCF, AMF, France a expliqué le ministre. À la différence de la période sur quel périmètre de dépenses devra-t-on urbaine, Villes de France, APVF, AMRF), le président du précédente, le gouvernement ne souhaite pas procé- agir ? Par rapport à quel scénario d’évolution Sénat et plusieurs parlementaires, les présidents du Comité der a priori par une nouvelle baisse des dotations. Il seront calculés ces montants ? Tiendra-t-on des finances locales, du Conseil national d’évaluation des attend des collectivités des initiatives pour modérer compte des efforts importants déjà accomplis normes et du Conseil supérieur de la fonction publique leurs dépenses, réduire la partie fonctionnement, et depuis 2013 ? Va-t-on entrer dans une logique territoriale. Cette première séquence visait à définir une se dit ouvert à un réexamen des décisions de l’État qui méthode de travail commune pour parvenir à un pacte suscitent des hausses de coûts sur les services publics « La méthode ouverte ne entre l’État et les collectivités à la fin de l’année 2017. Cinq locaux. Une mission sera installée à la rentrée pour aider saurait faire oublier les thèmes étaient abordés : les structures, les compétences, les sujets financiers, les questions de cohésion territoriale, à la réalisation d’un diagnostic partagé. Des groupes de travail thématiques seront également constitués pour contraintes de l’exercice » les transitions écologiques et numériques. examiner les solutions de compensation des exoné- rations (dégrèvements) de la taxe d’habitation. Une d’individualisation des objectifs ou continuer Stabilité institutionnelle réflexion s’engagera jusqu’à l’été 2018 pour revisiter plus à raisonner de manière forfaitaire et collective ? L’occasion pour le Premier ministre Édouard Philippe largement la fiscalité locale sans exclure de nouvelles À ce stade, aucune réponse précise n’a été de tracer la feuille de route du gouvernement, avec répartitions d’impôts entre niveaux. apportée. La concertation de l’automne sera une volonté manifeste d’établir une nouvelle relation décisive et risque d’être lourde de tensions. de confiance avec les associations de collectivités. Il a Des ateliers thématiques L’autre contrainte proviendra de la suppression proposé que la nouvelle Conférence nationale des terri- La séquence de l’après-midi était conçue dans un format progressive de la taxe d’habitation. Car c’est toires demeure une instance informelle mais régulière- beaucoup plus large, en présence de nombreux parlemen- bien d’une extinction de cet impôt dont il ment réunie (deux fois par an au moins) et adossée à un taires et acteurs territoriaux. Le président de la République faut désormais parler. La proposition initiale vrai programme de travail. Dans ses propos, le Premier a confirmé les orientations du gouvernement exposées le d’exonérer quatre contribuables sur cinq n’a ministre a mis l’accent sur la volonté du gouvernement matin et la méthode de travail retenue. Parmi les éléments pas tenu longtemps. On pouvait s’y attendre. de stabiliser les organisations territoriales et de ne pas nouveaux, Emmanuel Macron a évoqué l’accélération L’engagement de compenser intégralement engager un nouveau « big bang ». Il a laissé ouvertes les du plan de déploiement du haut et très haut débit pour les collectivités et de ne pas dégrader leur possibilités d’expérimentations volontaires et les initia- une couverture intégrale à l’horizon 2020 (et non 2022), autonomie financière relèvera de la gageure. tives locales (communes nouvelles, fusions volontaires mais avec des solutions qui ne seront pas que THD. Il a La taxe d’habitation représente une recette de plus de 22 milliards d’euros. Retrouver de de départements…). Il a en revanche considéré que des apporté davantage d’informations sur le remplacement tels montants sur une nouvelle assiette fiscale simplifications institutionnelles devaient être apportées de la taxe d’habitation par d’autres recettes (piste d’une territorialisée ne sera pas simple, pas plus que dans les plus grandes métropoles, et notamment au fraction de CSG pour le bloc communal), en semblant d’abandonner le principe d’un impôt résidentiel sein du Grand Paris. Sur la question des compétences, condamner à terme l’intégralité de l’impôt. Emmanuel pour financer les services publics locaux. Édouard Philippe a souhaité que ne soient pas rouverts Macron a enfin évoqué son projet de créer une Agence Le caractère injuste de la taxe d’habitation les débats de la loi NOTRe. Il attend en revanche des col- nationale de la cohésion des territoires, qui fasse pendant n’était aucunement lié à son principe mais à lectivités des propositions pour expérimenter et innover. à l’Anru dans les territoires de plus faible densité. la vétusté de son assiette. Alors que la révision Ces discours étaient suivis de cinq ateliers de travail consa- des valeurs locatives est engagée sur les locaux Les sujets qui fâchent… crés aux questions de services publics, de complémentarité professionnels, il serait plus que dommageable Le ministre de l’Action et des Comptes publics, entre les territoires, d’expérimentations et d’innovations, que la suppression de la taxe d’habitation Gérald Darmanin, a introduit la deuxième partie des de transition écologique, de transition numérique. Près dissimule l’abandon pur et simple de ce débats du matin. Tout en reconnaissant les efforts accom- de 300 personnes ont pris part à ces différents ateliers qui chantier. Auquel cas cette dernière aurait surtout plis par les collectivités, il a rappelé les engagements devaient déterminer une feuille de route et des méthodes l’apparence d’un nouveau bricolage pour masquer européens de la France et la trajectoire fixée par le chef de travail. Les temps impartis n’ont guère permis d’aller notre incapacité collective à réformer notre fiscalité. de l’État en matière de dépenses publiques. au fond des choses à ce stade, mais des pistes de travail Les assujettis aux taxes foncières et à la TEOM ne Le plan de réduction des dépenses publiques, passé ont été tracées pour les prochains mois. manqueront pas de se manifester rapidement. quelques jours auparavant de 60 à 80 milliards d’euros, La rédaction
FOCUS 3 Les filières REP en évolution Les filières à responsabilité élargie des producteurs (ou « filières REP ») et leurs éco-organismes constituent des partenaires financiers et opérationnels clés pour la collecte et le traitement des déchets. Des acteurs d’autant plus importants que la compétence « déchets » est l’une des plus coûteuses pour les communautés et métropoles. Nouveaux entrants, cahiers des charges redessinés, contrats‑types © Chlorophylle / Fotolia négociés entre éco-organismes et associations de collectivités… le paysage des filières REP change au bénéfice, souhaitons-le, d’un service public plus efficient. Des améliorations restent en effet nécessaires afin d’atteindre l’objectif de 75 % de taux de recyclage des déchets ménagers d’ici 2022. Comprendre les filières à responsabilité élargie des producteurs Le service public de gestion des déchets représente l’un des principaux postes de dépenses dans les budgets des communautés. Le financement de la collecte et du traitement des déchets est en partie assuré grâce aux éco-contributions versées par les entreprises et collectées par des éco‑organismes. Zoom sur le fonctionnement de ces filières à responsabilité élargie des producteurs. L ongtemps inscrite dans des préoc- morales de droit privé, à but non lucratif, les sont à l’interface entre les producteurs et les déchets conformément à des standards cupations sanitaires, la gestion des éco-organismes peuvent être de deux types, les intercommunalités (auxquelles la loi précisés dans le cahier des charges de la déchets est de plus en plus imbriquée en fonction de la responsabilité finan- NOTRe a confié la compétence exclusive filière. Le montant des soutiens versés dans des enjeux économiques. Le déchet cière ou opérationnelle qu’ils assument. de gestion des déchets ménagers), ou les est calculé à partir d’un barème aval qui valorisé devient une ressource, qui peut Les éco-organismes financiers (filières syndicats à qui les communau- être réintégrée dans la chaîne de création papiers, emballages ménagers) collectent tés peuvent transférer la com- de valeur dans une logique d’économie les éco-contributions auprès des metteurs pétence de traitement ou de Les éco-organismes sont circulaire. Le principe de responsabilité sur le marché et redistribuent les soutiens collecte et traitement. élargie du producteur (REP), d’origine com- aux collectivités qui gèrent la collecte et En amont, les éco-contributions à l’interface entre les producteurs munautaire (directive 75/442/CEE de 1975), le traitement. Les éco-organismes opéra- versées par les metteurs sur le et les communautés a été transposé en droit français par la loi tionnels, les plus nombreux (filières du marché sont modulées selon un du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des meuble ou textiles par exemple), collectent barème qui intègre notamment des cri- distingue des soutiens au titre des tonnes déchets et à la récupération des matériaux. les éco-contributions avec lesquelles ils tères environnementaux (éco-conception reprises, de la performance du recyclage, Dans ce cadre, les producteurs peuvent financent l’organisation de la collecte et des produits, recyclabilité, perturbation de la valorisation énergétique des embal- être rendus totalement ou partiellement du tri. Ils lancent des appels d’offres pour du geste de tri…). Répondant au principe lages dans les refus issus des centres de responsables des déchets provenant des contractualiser avec des opérateurs afin « pollueur-payeur », le barème amont joue le tri, etc. Dans tous les cas, l’éco-organisme produits qu’ils ont mis sur le marché. Pour d’assurer le transport, le tri, la valorisation rôle de signal-prix et vise à inciter les entre- garantit la reprise des produits usagés remplir leurs obligations, ils peuvent ins- et le traitement. prises à limiter la production de déchets indépendamment des conditions du taurer un système indi- (suremballages, etc.) et à concevoir des marché. viduel de collecte et de produits plus respecteux de l’environne- Des appels à projets sont également traitement, approuvé On dénombre une vingtaine ment en anticipant leur fin de vie. lancés par les éco-organismes auprès par l’État, ou adhérer des entreprises adhérentes pour accom- à un éco-organisme de filières REP au sein desquelles Encourager les comportements pagner l’éco-conception et le développe- auquel ils transfèrent se répartissent 27 éco-organismes vertueux ment des techniques de recyclage et de leur responsabilité juri- En aval, dans la plupart des filières, les valorisation, et auprès des collectivités dique dans le cadre d’une filière REP. Dans les filières réglementaires, les communautés et syndicats qui le sou- locales, par exemple, pour expérimenter Certaines filières sont d’ordre réglemen- éco-organismes doivent, pour exercer haitent peuvent signer un contrat avec de nouveaux gestes de tri, densifier les taire, et donc obligatoires. Leur mise leurs activités, être agréés par l’État en l’éco-organisme. Ils reçoivent alors des bornes d’apport volontaire, optimiser des en place découle d’une réglementation répondant aux exigences d’un cahier des soutiens financiers en contrepartie de leur tournées de collecte, encourager la collecte européenne (piles, automobiles…), d’une charges publié par arrêté ministériel pour engagement à communiquer auprès des sélective auprès des professionnels, etc. réponse nationale à une directive ou à un une période fixée. Ce cahier des charges habitants, à collecter, trier ou regrouper Camille Allé règlement européen (emballages ménagers, détermine les missions des titulaires de médicaments non utilisés…) ou encore l’agrément, ses obligations, les modalités d’une réglementation nationale (pneuma- de contrôle par l’État, les critères devant Recettes et dépenses des éco-organismes tiques, papiers, ameublement, textiles…). figurer dans les barèmes amont et aval, Quelques‑unes sont fondées sur un accord certaines obligations des collectivités, Recettes Dépenses volontaire (cartouches d’encre…). parfois des objectifs de collecte, recyclage Source : Ademe, 2016 et valorisation… 743 M€ de soutiens financiers aux collectivités Quelle organisation pour 1 294 M€ d’éco‑contributions quelles missions ? Barème d’éco-contributions perçues par les éco-organismes 427 M€ de coûts opérationnels (collecte, traitement) On dénombre aujourd’hui une vingtaine Assurant la collecte des éco-contributions de filières REP au sein desquelles se répar- auprès de leurs entreprises adhérentes, 97 M€ de recettes matières 223 M€ de frais de fonctionnement, et financières études R&D, communication, impôts, provisions tissent 27 éco-organismes. Personnes également actionnaires, les éco-organismes www.adcf.org • N° 221 • ÉTÉ 2017
4 FOCUS DÉCHETS Jean Révereault view Vice-président de GrandAngoulême en charge de la transition écologique et énergétique, vice-président de l’AdCF chargé de la gestion des déchets « Gouvernance et objectifs des REP : © Lionel Pagès / AdCF des progrès restent à faire » Comment les filières REP sont-elles gouvernées, avec quels objectifs et dans quelles mesures financent-elles les politiques des déchets ? Regard de Jean Révereault, vice-président de l’AdCF chargé de la gestion des déchets. L’intercommunalité est désormais La couverture des coûts du service seule compétente pour gérer le public par les soutiens est‑elle service public des déchets. Quelle suffisante ? place prend-elle dans la gouvernance En 2015, la gestion des emballages ménagers des filières REP ? coûtait plus d’1,4 milliard d’euros, financés La gouvernance nationale des filières REP à hauteur de 0,6 milliard d’euros par la s’organise autour d’une commission trans- REP. On est loin de l’objectif de couverture versale et d’une commission spécialisée des coûts fixé à 80 % par la loi Grenelle I. par filière. Pour la filière papiers, le taux est encore La commission transversale contribue plus faible : moins de 20 %. Augmenter le notamment à la médiation entre les acteurs niveau de couverture des coûts par la REP des filières. Fin 2015, un décret a formalisé reviendrait à privilégier un financement par les règles de fonctionnement des commis- le consommateur, qui paye les éco-contri- sions et modifié leur composition. Les élus butions, plutôt que par le contribuable local. Pour les emballages, l’enveloppe des soutiens pour 2018-2022 Augmenter la couverture est fondée sur un gisement des coûts par les éco‑contributions qui paraît sous-estimé selon les données de l’Ademe. Le allégerait la fiscalité locale sur ministère n’intègre pas les coûts les déchets des emballages restant dans les ordures ménagères sous pré- locaux sont plus nombreux, huit titulaires texte que, grâce à l’extension des consignes contre quatre auparavant, dans une commis- de tri, ceux-ci seront triés. Or, l’objectif de sion transversale plus large. Ceci ne reflète recyclage reste fixé par la loi Grenelle I hélas pas les responsabilités des collectivités à 75 % pour 2012. Il faudra bien financer dans la gestion des déchets. la gestion des 25 % non recyclés ! Ce coût Les commissions spécifiques rendent un restera à la charge du contribuable, à L’un des enjeux est l’extension des consignes de tri dans toute la France d’ici à 2022. / © Grandpa / Shutterstock avis consultatif sur les projets de cahier des contre-courant des orientations nationales charges et sur les demandes d’agrément. Pour visant à responsabiliser les producteurs la filière emballages, le cahier des charges dans une logique d’économie circulaire. moderniser les centres de tri, estimés à conjuguent avec proximité de collecte, évi- 2018-2022 a été massivement rejeté à l’au- 1,5 milliard d’euros par l’Ademe et loin tement de CO2 et développement d’emplois tomne 2016. Ce vote témoignait du désaccord Quels sont les principaux enjeux d’être couverts par les soutiens à l’inves- locaux. Le fléchage exclusif des soutiens des profond des élus et des metteurs sur le marché pour la deuxième partie de mandat ? tissement prévus par le cahier des charges éco-organismes vers le soutien à la tonne vis-à-vis des exigences de ce document sans Parmi les enjeux figure l’extension des emballages. Les plans régionaux doivent triée garantira le libre choix des collectivités empêcher la publication de l’arrêté dédié. consignes de tri à tous les emballages concourir à ce nouveau maillage. La transi- entre gestion directe des équipements et L’AdCF, avec d’autres associations, plaidait plastiques sur tout le territoire d’ici 2022. tion écologique sera un succès si les perfor- recours aux prestataires. pour une concertation collégiale en amont. Elle implique des investissements pour mances de tri des nouveaux équipements se Propos recueillis par CA Les REP en Europe : zoom sur les emballages et les DEEE Les règles européennes qui définissent les orientations de la REP sont déclinées à la fois dans une directive‑cadre déchets de 2008 et dans des directives spécifiques à certains matériaux. Fixant les grands objectifs, elles laissent à chaque pays le soin de s’organiser. C omparer les performances de col Une variété de modèles pour les bouteilles en verre ou en plas- obligations à des organismes spécialisés lecte et de rec yclage des pays Pour atteindre les objectifs fixés par tique, voire pour les canettes. qui acquièrent des certificats pour le reste compliqué tant les modes la directive européenne relative aux compte de leurs adhérents. d’organisation, les périmètres retenus emballages, les pays européens ont Royaume-Uni : une pour organiser les filières à responsa- adopté des organisations diverses avec responsabilité morcelée La filière opérationnelle bilité élargie des producteurs (REP), une filière opérationnelle (Allemagne, Le Royaume-Uni a mis en place un système majoritaire pour les DEEE les schémas de collecte ou encore les Suède) ou financière (France, Belgique, de REP original. La responsabilité est Pour les déchets d’équipements élec- mesures des taux de collecte et de recy- Portugal). Selon les États, les périmètres répartie entre les différentes entreprises triques et électroniques (DEEE), les dif- clage sont hétérogènes. intègrent les emballages industriels et de la chaîne de l’emballage (du producteur férences d’organisation sont également Sur ce dernier aspect, le projet de révi- commerciaux (Portugal, Suède) ou uni- du matériau au vendeur puis au consom- notables malgré des obligations précises sion de la d i rec t ive‑cad re 20 0 8/0 8, quement les emballages ménagers et mateur final). Chacune individuellement fixées par la directive européenne. Si la qu i ent re en pha se de « t r i log ue » assimilés (France, Belgique, Espagne, doit atteindre un objectif fixé en fonction plupart des pays ont mis en place une ent re le Con sei l, la Com m i ssion et Allemagne). Les schémas de collecte du pourcentage de responsabilité attribué filière opérationnelle, le nombre d’éco- le Parlement européens, marque un sont aussi très variables. La Belgique, au secteur auquel elle appartient et des organismes varie de 1 (Belgique) à 38 prog rès not able en i n st it ua nt des par exemple, collecte quatre flux en dis- quantités d’emballages manipulés l’année (Royaume-Uni, filière financière). La col- moda lités de ca lcu l du tau x de col- tinguant verre coloré et blanc, papiers/ précédente. Pour remplir ses obligations, lecte se fait massivement en cinq f lux lecte. Une étude réalisée par l ’asso- cartons et emballages légers, tandis que une entreprise acquiert des certificats et par l’intermédiaire des collectivités ciation A MORCE avec le soutien de l ’Espagne distingue trois f lux (verre, (packaging recovery notes) auprès des opé- (à hauteur de 60 % et plus, à l’exception l ’Ademe, a i n si que des rappor t s de fibreux, emballages légers). Certains rateurs de valorisation ou de recyclage. de l’Allemagne et de l’Espagne), le reste l’Ademe et de l’OCDE offrent quelques pays, comme l’Allemagne, le Royaume- Leur prix varie en fonction de l’offre, de passant par les distributeurs et les entre- éclairages sur le fonctionnement des Uni, la Suède ou le Danemark, fonc- la demande et du type d’emballage. La prises sociales et solidaires. REP chez nos voisins européens. tionnent avec un système de consigne majorité des entreprises transfèrent leurs CA ÉTÉ 2017 • N° 221 • www.adcf.org
FOCUS 5 Ouverture à la concurrence : quelles conséquences ? Les filières REP financières (emballages et papiers) connaissent un grand bouleversement avec la possibilité que plusieurs éco‑organismes soient agréés par l’État et ainsi mis en concurrence. Quelles conséquences pour les collectivités ? E ntre 2015 et 2017, les cahiers des potentielles, environ 20 % du marché le barème amont est en grande partie les filières opérationnelles où plusieurs charges encadrant l’organisation « amont ». Par ailleurs, chaque année en déterminé par le barème aval, la marge éco-organismes interviennent. Ce méca- de plusieurs filières pour les pro- théorie, un nouveau candidat a la possibi- de manœuvre de l’éco-organisme dans nisme devrait garantir l’adéquation entre chaines périodes d’agrément ont été mis en lité de déposer une demande d’agrément la fixation du niveau des contributions les soutiens collectés en amont par concertation par la Direction générale de auprès des ministères. versées par les metteurs sur le marché est l’éco‑organisme auprès des entreprises la prévention des risques (DGPR, ministère très limitée ». et les soutiens versés en aval aux collec- de l’Environnement). Les années 2017 Où jouera la concurrence ? tivités avec lesquelles il a contractualisé. et 2018 marquent l’entrée en application Les aspects sur lesquels les éco-orga- Une complexité supplémentaire ? En pratique, la mise en place de ce méca- de deux nouveaux cahiers des charges, l’un nismes des filières REP financières peuvent L’arrivée d’un second éco‑organisme dans nisme, qui devrait jouer dès 2018, s’avère pour la filière REP emballages ménagers entrer en concurrence sont peu nombreux, une filière REP financière implique la créa- complexe et n’est pas entièrement arrêtée (2018‑2022) et l’autre pour les papiers tant le dispositif est encadré en amont tion d’un système d’équilibrage financier par les services de l’État. graphiques (2017‑2022). Pour les papiers, comme en aval par les textes législatifs et semblable à celui qui peut exister dans Camille Allé Ecofolio a vu son agrément renouvelé pour les cahiers des charges. Pour les collecti- 2017‑2022 et reste le seul éco-organisme vités, le barème aval étant unique afin de garantir une égalité de traitement, la différenciation pourra jouer sur Pour les collectivités, l’offre de services : simplification des procédures déclaratives, la concurrence se jouera accompagnement sur la commu- sur la qualité relationnelle nication, qualité de la relation avec l’éco-organisme au niveau local... sur le marché à l’heure actuelle. Pour les La collectivité pourra choisir de rompre emballages, Eco-Emballages, leader his- le contrat-type signé avec l’un des éco- torique créé en 1992, et Adelphe (filiale organismes agréés pour contractualiser d’Eco‑Emballages) étaient déjà présents avec l’autre l’année suivante. sur le marché. Un nouvel éco‑organisme, Côté metteurs sur le marché, la concur- Léko, a obtenu un agrément délivré par rence se fera sur les services proposés et, le ministère de l’Environnement pour à la marge, sur les montants financiers la période 2018‑2022. Léko estime à qui leur seront demandés par les éco- plus de 650 le nombre d ’entreprises organismes. Comme le relève l’Auto- qui le soutiennent, soit l’équivalent de rité de la concurrence dans son avis de La filière emballages compte désormais deux organismes agréés. / © Pack-Shot / Shutterstock 135 millions d’euros d’éco-contributions décembre 2016, « dans la mesure où Eco-Emballages et Léko sont positionnés en tant qu’éco-organismes dans le fonctionnement de la filière REP emballages ménagers. Comment envisagent-ils la période d’agrément qui s’ouvre ? Réponse de leurs dirigeants. Jean Hornain Steve Lawson view Directeur général d’Eco-Emballages view Président de Léko « Notre projet se fonde sur la « Être plus efficace et viser © Eco-Emballages performance et l’innovation » l’excellence pour la filière » © DR Eco-Emballages travaille depuis longtemps avec les collectivités. Léko vient d’obtenir son premier agrément en tant Quels sont les axes forts sur lesquels vous les accompagnerez pour qu’éco‑organisme. Comment comptez-vous agir auprès ce nouvel agrément 2018-2022 ? des collectivités ? L C e partenariat avec les collectivités dans le cadre des nouvelles régions mul- e premier agrément est pour nous partenariats étroits et constructifs est profondément inscrit dans l’ADN tiplieront les actions d’échange de bonnes une étape cruciale et le début dans le respect des compétences et des d’Eco-Emballages. Il est la clé de pratiques et les ateliers techniques dédiés d’une longue histoire. Léko est le territoires. Les enjeux sont nombreux, toutes nos réussites passées et futures. à la performance de tri et à la maîtrise des fruit d’une volonté collective avec tous notamment atteindre 75 % de taux de Pour les cinq prochaines années, notre projet coûts. Eco-Emballages renforcera aussi son les acteurs du cycle de vie de l’embal- recyclage, déployer l ’extension des se fonde sur la performance et l’innovation appui aux collectivités désireuses de passer lage pour redynamiser son recyclage. consignes de tri à tous les emballages, pour réduire l’impact environnemental à la tarification incitative. Cet accompa- La gouvernance de Léko rassemble des accompagner la modernisation des des emballages et ancrer la consommation gnement sans précédent se fera aussi au entreprises et des organisations pro- centres de tri… durable, l’éco-conception et le recyclage plan financier avec près de 150 millions fessionnelles au ser vice de l ’ intérêt En un mot, nous faisons le choix, pour dans les habitudes des entreprises et des d’euros d’aides à l’investissement dans le général. Ce nouvel élan prend forme les collectivités comme pour les entre- Français. Nous avons deux priorités : la cadre d’appels à projets dédiés notamment autour d’une collaboration efficace entre prises d’ailleurs, de l’éco-organisme relance du tri, particulièrement dans les à l’innovation dans les centres de tri et tous les intervenants afin d’atteindre les transparent, agile, partenarial, pour grandes agglomérations ; et le recyclage les activités de collecte. objectifs fixés pour le prochain agrément écrire ensemble cette nouvelle page de et la valorisation de tous les emballages Enfin, je voudrais souligner que pour mieux 2018-2022. l’économie circulaire et de la REP embal- ménagers, avec en ligne de mire l’objectif appréhender les enjeux de la transition vers Notre démarche repose sur des valeurs de lages en France. Être plus efficace et viser de 75 % de taux de recyclage en 2022. l’économie circulaire, nous nous emploie- simplicité, de transparence et de partena- l’excellence pour la filière française du Nous mettrons à disposition des collecti- rons à mener un dialogue plus dynamique riat, pour donner un second souffle à ce recyclage des emballages ménagers, c’est vités un accompagnement sans précédent. et prospectif avec les collectivités et l’en- dispositif, 25 ans après sa mise en place. le pari que nous espérons relever avec Au plan technique, nos huit directions semble de nos parties prenantes. Concernant les collectivités, nous l’ensemble des acteurs concernés. régionales renforcées et réorganisées Propos recueillis par CA avons pour ambition d ’instaurer des Propos recueillis par CA www.adcf.org • N° 221 • ÉTÉ 2017
6 FOCUS DÉCHETS COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU BASSIN DE POMPEY (MEURTHE-ET-MOSELLE) Les filières REP vues du terrain La communauté de communes du Bassin de Pompey assure la compétence « collecte et traitement des déchets ménagers ». Comment se concrétise le travail avec les filières REP sur le terrain ? Retour d’expérience. A u Bassin de Pompey, la contractua- avant de changer pour Eco‑systèmes en Une pré-collecte parfois et son repreneur). Le Bassin de Pompey est lisation avec des éco-organismes est raison des problèmes que rencontrait ERP très minutieuse passé en option fédération il y a quelques ancienne. Avant la création de cer- sur le taux de couverture national des sou- La typologie des différentes sortes de années, plus avantageuse financièrement taines filières REP, des contrats avaient été tiens. Progressivement, d’autres filières se déchets peut s’avérer complexe, comme pour le territoire. Depuis, les prix moyens signés avec des repreneurs pour assurer la sont établies au sein de la déchetterie : pneu- c’est le cas des déchets diffus spécifiques collecte et le traitement, comme par exemple matiques, piles, déchets diffus spécifiques, (DDS). Les particuliers apportent en pour les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Cela permettait et plus récemment, en 2014, ameublement. Papiers et emballages sont collectés en porte déchetterie des DDS qui, selon leurs caractéristiques, seront classés comme Les soutiens couvrent d’éviter leur enfouissement tout en travail- à porte, ainsi que les biodéchets. Des bornes relevant de produits à usage des par- environ 12 % des dépenses lant avec une entreprise d’insertion. La filière d’apport volontaire complètent ce schéma ticuliers ou des professionnels, indé- de gestion des déchets REP DEEE s’est ensuite montée en 2005. La pour le verre et le textile. Le total des soutiens pendamment de leur utilisateur réel. communauté a signé avec l’éco‑organisme couvre environ 12 % des dépenses du service Si les déchets précollectés ne sont pas ERP, qui travaillait avec son repreneur initial, public de gestion des déchets. conformes aux standards établis, la com- proposés par les filières et les fédérations munauté paye le refus de tri. Un autre col- sont comparés régulièrement pour s’assu- lecteur reprend les DDS qui ne relèvent rer que ce choix reste pertinent. pas du périmètre de la filière REP. Cela implique de disposer d’un espace de stoc- Une volonté politique forte kage distinct, pas toujours disponible dans La communauté de communes et son les petites déchetteries. centre de tri n’ont pas été retenus lors du dernier appel à projets d’Eco-Emballages Option filière ou option pour l’extension des consignes de tri des fédération ? emballages plastiques. Malgré un manque Dans la filière emballages, les collectivités à gagner estimé à 90 000 euros par an, les ont le choix entre l’option filière (proposée élus ont fait le choix ambitieux de se lancer. par Eco-Emballages et les filières de maté- Il s’agissait pour eux d’apporter un service riaux avec un prix de reprise identique pour supplémentaire aux usagers, allant de pair tous les territoires) et l’option fédération avec le passage à une taxe d’enlèvement des (portée par les fédérations Fnade, Federec ordures ménagères incitative, qui entrera et par leurs entreprises labellisées, avec un en vigueur en 2018. La communauté a monté une filière DEEE dès 2005. / © Arthur Mustafa / Shutterstock prix de reprise négocié entre la collectivité Camille Allé Les nouveaux contrats-types emballages ménagers et papiers Les cahiers des charges pour les filières REP emballages ménagers et papiers prévoient qu’un contrat-type organise les relations entre la collectivité et l’éco-organisme de son choix. Ils définissent une partie des rubriques et des règles qui devront figurer dans ces contrats-types. Éclairage. C haque éco-organisme rédige un collectivité peut dénoncer le contrat, contrat-type qu’il propose aux col- notamment si elle souhaite contractua- lectivités à compétence « collecte » liser avec un éco-organisme concurrent et/ou « traitement » qui souhaiteront au 1er janvier de l’année suivante. contractualiser avec lui pour la gestion de leurs déchets. Le contrat fixe les modalités Parmi les nouveautés, le contrat du soutien technique et financier que d’objectifs l’éco-organisme apporte à la collectivité et Le contrat-type offre la possibilité aux col- précise les engagements des deux parties. lectivités de signer un contrat d’objectifs, Y figurent notamment les modalités de indépendant du contrat-type. En signant ce versement des soutiens financiers par contrat d’objectifs, sur une base volontaire, l’éco-organisme et les obligations décla- la collectivité s’engage à : maintenir ses per- ratives de la collectivité, les éléments de formances de recyclage au moins au niveau déclaration, transmission et utilisation de celles de 2016 ; rechercher les moyens des données de la collectivité, les enga- d’améliorer les performances environne- Le contrat-type servira de base aux échanges entre collectivité et éco-organisme. / © dcwcreations / Shutterstock gements de cette dernière concernant mentales et technico-économiques de la la reprise des matériaux, les conditions collecte et du tri, avec une qualité de service au moins comparable et un Des contrats élaborés les réunions se sont déroulées séparément. coût maîtrisé ; fournir, au plus en concertation Les associations de collectivités ont veillé tard avant fin 2019, un échéan- Autre nouveauté, les cahiers des charges à ce que les contrats-types proposés par Les collectivités peuvent cier prévisionnel de mise en des deux filières prévoient que le contrat- ces deux éco‑organismes suivent une signer un contrat d’objectifs, œuvre de moyens permettant type soit élaboré par l’éco-organisme agréé forme et des calendriers similaires (ordre indépendant du contrat-type l’extension des consignes de « en concertation avec les représentants et nombre d’articles, intitulés, échéances…). tri avant fin 2022. des collectivités territoriales ». Plusieurs Cette convergence devrait faciliter la com- Ce contrat d’objectifs est une réunions se sont tenues entre chaque éco- paraison des contrats. Ces derniers seront de contrôle des données déclarées par la nouveauté par rapport à la précédente organisme et les responsables techniques disponibles à la rentrée, ce qui laissera collectivité et/ou ses repreneurs, les spéci- période. Il permet à la collectivité d’obte- de l’AdCF, de l’AMF, d’AMORCE et du quelques semaines aux collectivités pour ficités pour l’Outre-mer. Le contrat prend nir un « soutien de transition », c’est-à-dire Cercle national du recyclage. choisir l’éco-organisme avec lequel elles sou- effet au 1er janvier de l’année de signature un niveau de soutiens financiers au moins Pour la filière emballages ménagers, Eco- haitent s’engager en matière d’emballages. jusqu’à la fin de l’agrément en 2022. La égal à celui de 2016. Emballages et Léko étant en concurrence, CA ÉTÉ 2017 • N° 221 • www.adcf.org
DOSSIER 7 Biodiversité : l’indispensable action locale © McKeeMedia / Shutterstock Une responsabilité partagée La biodiversité ne constitue pas une compétence en tant que telle qui serait attribuée à un acteur identifié ; bien au contraire, elle se caractérise par la multiplicité des échelles d’intervention et un foisonnement d’initiatives locales… au service d’enjeux fondamentaux pour l’avenir de nos territoires. L a biodiversité, c’est comme le paysage. responsabilités de premier plan pour elles, la loi pour la reconquête de la biodiversité, qui précisent des orientations d’aménage- Elle engage la responsabilité de tous bien affirmées par les codes de l’urbanisme de la nature et des paysages (août 2016) ment et des règlements davantage tournés ou… de personne. Comme le paysage, et de l’environnement, si l’on considère inscrit dans le Code de l’environnement vers la biodiversité, des compensations la « sauvegarde de la biodiversité » n’est leur rôle d’aménageur et de gestionnaire une définition de la biodiversité : pas en tant que telle une compétence, de territoire. Les documents d’urbanisme « On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité elle n’est pas attribuée spécifiquement à une collectivité, même si une notion de ont en outre à prendre en compte les pré- conisations des schémas régionaux, qui des organismes vivants de toute La connaissance du « chef de file » est mentionnée par le Code eux-mêmes doivent contribuer à la mise origine, y compris les écosystèmes patrimoine naturel s’affine et les général des collectivités territoriales. en œuvre de la stratégie nationale pour la terrestres, marins et autres éco- méthodologies progressent biodiversité. Une fusée à trois étages systèmes aquatiques, ainsi que bien connue : État-région-bloc local. les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité L’appropriation politique Àtégie quatre étages en comptant la stra- de l’Union européenne pour au sein des espèces et entre espèces, la qui s’opèrent dans des dynamiques plus positives, une connaissance qui s’affine et du sujet gagne du terrain, elle la biodiversité, adoptée en 2011, ses diversité des écosystèmes ainsi que les une méthodologie qui progresse, des ini- se traduit notamment dans les multiples directives en la matière interactions entre les organismes vivants. » tiatives de mobilisation et de concertation (dont les plus connues, les direc- Cette loi vient par ailleurs préciser des des populations qui se multiplient. Tant documents d’urbanisme tives « Oiseaux » et « Habitats »), et règles de gouvernance et d’organisa- d’actions que se propose de faire partager plus récemment son « plan d’actions tion des administrations intervenant en ce nouveau dossier d’Intercommunalités. C’est aux régions que celui-ci réserve ses pour le milieu naturel, la population et matière de politiques de la biodiversité, Le Monde consacrait un récent éditorial1 quelques références, à qui il accorde cette l’économie », publié en avril dernier. À ce et également de l’eau. à une nouvelle étude américaine et mexi- responsabilité de chef de file en matière paysage s’ajoute l’action des départements caine évoquant la menace d’un « anéan- de « protection de la biodiversité » et à qui (actifs sur leurs espaces naturels sensibles Des initiatives locales tissement biologique ». Un enjeu mondial il assigne des objectifs de « protection et notamment), de multiples acteurs publics Si elles demeurent par endroits encore très auquel les actions locales constituent de restauration de la biodiversité » dans (récente Agence française pour la biodi- timides, les initiatives se multiplient dans autant d’éléments de réponse majeurs. leur schéma régional d’aménagement, de versité), parapublics, privés, associations les territoires. L’appropriation politique Tout comme le paysage renvoie à la fois développement durable et d’égalité des locales ou nationales… du sujet gagne du terrain. On observe au paysage quotidien et au paysage excep- territoires (Sraddet). la création de délégations relatives à la tionnel, la restauration de la biodiversité Un engagement collectif biodiversité accordées à des vice-prési- renvoie à la fois à la proximité et à l’ap- Des acteurs multiples Depuis 2004, la stratégie nationale pour la dents ou maires adjoints, des schémas proche globale. Aucune interpellation spécifique des com- biodiversité donne un signal politique fort ou stratégies qui s’élaborent, des docu- Philippe Schmit munautés ne figure dans le Code général et traduit l’engagement national et collectif ments d’urbanisme qui désignent plus des collectivités territoriales, mais des en faveur de la biodiversité. Plus récente, spécifiquement des parcelles à enjeux ou 1- Édition du 11 juillet 2017. www.adcf.org • N° 221 • ÉTÉ 2017
8 DOSSIER BIODIVERSITÉ Nicolas Hulot view Ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire © Arnaud Bouissou - TERRA « Partout en France, nous pouvons partir à la conquête de la biodiversité » Activement engagé pour la prise de conscience des enjeux de transition écologique, Nicolas Hulot a été nommé ministre de la Transition écologique et solidaire en mai dernier. Il précise pour Intercommunalités sa perception de la biodiversité, les grands axes qu’il souhaite proposer et la place centrale qu’y jouent les territoires. En quoi diriez-vous que la dans les entreprises et les collectivités, communication et de sensibilisation sera Je ne donnerai pas de leçon d’étymolo- biodiversité est un enjeu national ? nous pouvons partir à la conquête de la lancé avant la fin de l’année par l’Agence gie, mais des peuples premiers, qui nous La biodiversité n’est pas qu’un enjeu natio- biodiversité. française pour la biodiversité (AFB). rappellent ce que l’on doit à la terre nour- nal, c’est un enjeu planétaire, comme la Au niveau des territoires, un dispositif ricière, jusqu’aux élus qui labourent le lutte contre le réchauffement clima- Quels sont les grands axes en faveur de « territoires engagés pour la terrain, nous partageons cet attachement tique. Récemment, des scientifiques ont de la mandature en la matière ? nature » va être créé. Les intercommunalités aux territoires. de nouveau tiré la sonnette d’alarme La France est l’un des premiers pays au y auront toute leur place et nous serons vigi- Je sais que je peux compter sur les terri- en publiant une étude démontrant que monde à s’être doté d’une grande loi de lants à ce que ce dispositif tienne compte toires pour engager cette reconquête de nous risquions une « sixième extinction », reconquête de la biodiversité, votée en des travaux existants, tels que les plans la biodiversité. Ils mènent déjà de nom- c’est‑à‑dire la disparition massive des août 2016, et dont les derniers décrets d’actions des schémas régionaux de cohé- breuses actions. Mais il faut aller plus loin. espèces qui peuplent notre planète. Les d’application sont en cours de finalisation. rence écologique. C’est l’idée « des territoires engagés pour la conséquences de cette extinction qui puise Nous pouvons en être fiers, car c’est un Ne l’oublions pas, 80 % de la diversité des nature », et c’est aussi pour cela que l’AFB ses racines dans la destruction des milieux, texte de mobilisation et d’action qui pose espèces se trouve dans les Outre‑mer. sera un interlocuteur des collectivités et de la surexploitation des ressources, les pol- des bases fondamentales pour notre pays. La nécessité d’agir sur ces territoires leur tête de réseau. L’AFB vient d’ailleurs lutions et le changement climatique – en Cette loi énonce plusieurs principes : la est donc une évidence. Je sais qu’Annick Girardin, ministre des Outre‑mer, est très attachée à ce sujet Tous ceux qui font la et au rôle d’avant-garde que peuvent jouer ces territoires dans le déve- richesse d’un territoire ont déjà loppement durable. Les Assises des compris que la biodiversité est Outre-mer seront l’opportunité de faire émerger des projets en ce sens. la vraie modernité La mer ne sera pas en reste avec un grand chantier de planification sur chaque de lancer un appel à projets sur les atlas de façade maritime pour réduire les pollutions la biodiversité communale et intercom- qui viennent de terre. Là encore, les ter- munale. J’invite les intercommunalités à ritoires du littoral, déjà mobilisés, seront se lancer dans ce type d’initiatives pour indispensables pour réussir. mieux connaître leur patrimoine et mieux Je porte aussi une grande ambition inter- le gérer tout en impliquant les habitants. nationale sur ce sujet, car nous devons J’accorde aussi beaucoup d’importance à la apprendre à collaborer avec le vivant à mise en place des trames vertes et bleues. l’échelle de la planète. Brune Poirson, qui Ce grand réseau écologique qui connecte est à mes côtés, va engager cette mobi- les écosystèmes permettra l’adaptation de lisation sur les océans mais aussi sur la notre pays au changement climatique. Via biodiversité, pour faire de 2020 une grande les documents de planification, les élus ont année de la biodiversité, à l’image de la en responsabilité un levier pour préserver mobilisation de 2015 pour le climat. et restaurer les continuités écologiques de nos territoires. La biodiversité est souvent perçue comme une contrainte incompatible Comment voyez-vous l’emboîtement avec le développement local. Quelle des responsabilités entre les analyse en faites-vous ? différents échelons de collectivités ? La mer et les océans sont de hauts lieux de biodiversité ; C’est absurde, nous ne sommes plus au XXe La loi ouvre en ce domaine des perspec- ils doivent être protégés. / © Gustavo Frazao / Shutterstock siècle et je sais que les élus, les entreprises, tives intéressantes. Les agences régionales les associations, les agriculteurs et tous pour la biodiversité (ARB) offrent la pos- bref, dans les activités humaines – sont solidarité écologique entre les territoires, ceux qui font la richesse d’un territoire sibilité de nouveaux partenariats entre absolument terribles. Pour paraphraser le la non-régression du droit de l’environne- ont déjà compris que la biodiversité est la collectivités et État. Si l’initiative revient grand naturaliste américain David Bower, ment, un objectif d’absence de perte nette vraie modernité. aux régions avec l’AFB, l’esprit des ARB « il n’y a pas d’économie possible sur une de biodiversité dans le cadre des opérations Il y a un concept important que je veux est d’associer tous les niveaux de collec- d’aménagement, une réparation développer, et j’ai demandé à Sébastien tivités. Par la mise en synergie de tous, du préjudice écologique quand il Lecornu de s’y atteler. C’est ce qu’on appelle les ARB peuvent faciliter la coordination Ne l’oublions pas, 80 % aliéslieu,à l’utilisationet le partage des avantages des ressources « les solutions fondées sur la nature ». On fait souvent le constat que rien ne protège des responsabilités de chacun. En parallèle, les régions se doteront d’une de la diversité des espèces se génétiques. mieux de l’érosion côtière que la nature et stratégie régionale pour la biodiversité, en trouve dans les Outre-mer Ma feuille de route pour la biodi- les zones humides. Que rien ne prévient associant tous les acteurs et en cohérence versité : arriver à une égalité de trai- mieux les inondations que la lutte contre avec la stratégie nationale. Les comités tement avec les enjeux climatiques. l’artificialisation des sols. Que rien ne pré- régionaux de la biodiversité accompagne- planète morte ». La biodiversité est le Pour cela, je veux m’appuyer sur la loi, et serve mieux la qualité de l’eau que l’agri- ront d’ailleurs cette démarche de dialogue substrat de notre existence, de la qualité associer tous les acteurs et les territoires culture biologique. Ces solutions simples et de construction de l’avenir. de l’eau, de l’air que nous respirons, de à la mise en œuvre. Nous sommes main- nous rappellent que la nature nous protège. Les intercommunalités, par leur proximité l’agriculture et de toute l’économie. tenant dans le temps du « déploiement Il faut donc les développer. avec les citoyens et leur capacité à innover, La biodiversité est donc un enjeu global, de l’action ». ont un rôle clé dans la transition écolo- mais dont les réponses se construisent Nous allons relancer la stratégie natio- Quel rôle pour les territoires gique et solidaire que doit engager notre avant tout dans les territoires. Partout nale pour la biodiversité, y compris son dans cette préservation ? société. Je compte sur elles pour faire leur en France, dans les villes et les cam- volet sur les aires protégées et son dis- Pour reconquérir la biodiversité, nous part et encourager les initiatives positives pagnes, dans les jardins et les cours positif d’engagement des acteurs. Pour devons partir de la terre, du terrain, des qui fleurissent sur leurs territoires ! d’école, dans les rivières et les montagnes, toucher tout un chacun, un grand plan de territoires. Propos recueillis par la rédaction ÉTÉ 2017 • N° 221 • www.adcf.org
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