CAUSES COMMUNES - NON AU PARKING CLÉ-DE-RIVE 56 - PS Ville de Genève

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CAUSES
COMMUNES
TRIMESTRIEL DES SOCIALISTES
VILLE DE GENÈVE

               NON AU PARKING
               CLÉ-DE-RIVE
               7 MARS 2021     56
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                                                                   ÉDITORIAL

DES RUES PIÉTONNES OUI,
MAIS SANS PARKING !
JOËLLE BERTOSSA
COPRÉSIDENTE DU PSVG
CONSEILLÈRE MUNICIPALE VILLE DE GENÈVE
HABITANTE DES EAUX-VIVES

En marge des problèmes et                             De l’air !                                           Non à l’enfumage
des drames provoqués par la                           Pour atteindre la neutralité carbone d'ici           Le projet vante des rues piétonnes et arbo-
pandémie de COVID-19, une                             2050, le plan climat du Canton de Genève             rées et des panneaux d’affichag de cette
conséquence du semi-confi-                            indique qu’il faudrait une réduction d’envi-         ville fantasmée ont fait leur apparition ce
                                                      ron 90% de nos émissions de gaz à effet de           printemps à Rive. En réalité, si le projet
nement a donné un peu de                              serre. Les transports individuels motorisés          prévoit bien la seule piétonnisation de la
baume au coeur des genevois-                          sont un des premiers émetteurs directs de            rue Pierre-Fatio, toutes les autres rues du
                                                      ces fameux gaz responsables du réchauff -            projet resteront utilisées par de nombreux
es: le calme et le silence qui                        ment climatique. Déjà en 2016, la popula-            véhicules (TPG, ayant-droits).
régnaient au centre-ville. En                         tion votait largement pour une loi pour une
effet, pendant quelques se-                           mobilité cohérente et équilibrée (LMCE).             Si nous ne remettons pas en question le
                                                      Le Grand Conseil ainsi que le Conseil muni-          besoin de zones piétonnes, il est possible de
maines, plus de bouchons, plus                        cipal lui emboitaient le pas et votaient l’ur-       réaménager la zone sans avoir à construire
de klaxons, moins de pollution                        gence climatique comme priorité en 2019.             un parking dessous de 498 places voitures
                                                      Il est temps d’en prendre acte !                     et 388 emplacements pour deux-roues
et au final de nouvelles voies                                                                             motorisés sur 6 niveaux !
pour les vélos et une nature                          Pas de nouveau parking
qui reprend, un peu, ses droits.                                                                           Nous devons dès aujourd’hui trouver
                                                      Construire un nouveau parking dans                   d’autres moyens de circuler au centre des
                                                      l’hyper centre est totalement contradic-             villes et cesser d’attirer les voitures indivi-
                                                      toire avec ces décisions et ne prend pas en          duelles en proposant des alternatives ac-
Cette parenthèse fut comme un avant-                                                                       cessibles, performantes et non polluantes.
                                                      compte les sept parkings alentours qui to-
goût, une possibilité concrète d’une mobi-
                                                      talisent plus de 4’100 places, jamais pleins.
lité différente et douce pour notre ville, et                                                              Pour toutes ces raisons nous vous appe-
                                                      Selon la Fondation des Parkings, une baisse
il faut s’en souvenir.                                                                                     lons à voter NON au projet de parking Clé-
                                                      de fréquentation générale est constatée
                                                      depuis quelques années et la population              de-Rive le 7 mars 2021 !
                                                      a voté le 27 septembre 2020 pour la sup-
                                                      pression de 4'000 places de stationnement.

CAUSES                                                              Coordination rédactionnelle : Sylvain Thévoz.
                                                                    Comité rédactionnel : Olivia Bessat, Ülkü Dagli, Dalya Mitri, Salma Selle, Léa Winter.

COMMUNES                                                            Ont collaboré à ce numéro : Joëlle Bertossa, Denis Chiaradonna, Timothée Fontolliet,
                                                                    Olivier Gurtner, Vincent Kaufmann, Matthias Lecoq, Andrienne Soutter, Andrea von Mal-
TRIMESTRIEL ÉDITÉ PAR LE PARTI SOCIALISTE DE LA VILLE DE GENÈVE
                                                                    titz, Caroline Marti, Guillaume Mathelier, Jean-Marie Mellana, Luca Pattaroni, Thibault
15, rue des Voisins
                                                                    Schneeberger, Thomas Wenger, Marco Ziegler.
1205 Genève
                                                                    Illustrations : Tom Tirabosco.
www.ps-geneve.ch
                                                                    Maquette et mise en page : Atelier supercocotte.
Un journal 100% pensé, conçu et réalisé à Genève !                  Impression : Imprimerie Nationale, Genève.
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IL ÉTAIT UNE FOIS
CLÉ-DE-RIVE
             TIMOTHÉE FONTOLLIET
             CONSEILLER MUNICIPAL

« Il était une fois » … l’adage               tion de la loi en matière de compensation        années par la population est claire ! Cou-
                                              des places de stationnement (LMCE). Pour         pable d’une part importante des rejets de
est coutumier des plus beaux                  rappel, cette dernière oblige la compensa-       gaz à effet de serre, bloquant les artères
récits, qui souvent narrent des               tion souterraine de toute suppression de         de la ville, occupant une part démesurée
                                              place de stationnement en surface. Mené          de l’espace public, les voitures n’ont plus
histoires d’un autre temps.
                                              par l’ancien Conseiller administratif Rémy       leur place dans le centre de nos villes. Il en
L’histoire du projet Clé-de-                  Pagani, le projet Clé-de-Rive trace son che-     va de la santé de la population, de la santé
Rive pourrait bel et bien débu-               min au sein de l’exécutif. C’est en 2018         de notre planète. Ces différentes décisions
                                              qu’il est présenté au délibératif de la Ville.   modifient le contexte dans lequel s’inscrit
ter de la même manière. Si elle               Le projet suscite de longs débats. Il est,       le parking Clé-de-Rive et le relègue littéra-
peut difficilement être revêtu                pour la plupart des personnes, clairement        lement à un projet du siècle passé. Les par-
                                              imparfait, jugé même catastrophique par          tis de gauche et les principales associations
d’une beauté narrative, elle
                                              certain-e-s. Malgré cela, le Conseil muni-       actives dans le champ de la mobilité l’ont
peut, cependant, pleinement se                cipal et sa majorité de droite de l’époque       bien compris et ont lancé un référendum
définir d’une autre époque                    valident le projet en commission. Le tout        qui, ayant abouti, nous amène à nous expri-
                                              pour une seule petite voix !                     mer le 7 mars prochain sur le sujet.

Chronologiquement                             Conceptuellement ensuite                         Voyons plus loin qu’une stratégie
et politiquement d’abord                                                                       de communication fallacieuse
                                              Dans tous les récits, il y a des revirements
Les aventures du parking Clé-de-Rive          de situation, des changements de para-           Les promoteurs immobiliers, initiateurs
(comprenant 498 places automobiles            digme que l’on ne peut ignorer. Notre his-       du projet de parking, ont eux aussi senti
et 388 places deux roues motorisés sur        toire ne déroge pas à la règle. Il y a d’abord   le vent tourner et ont bien compris que la
6 étages) et de la zone piétonne le recou-    une loi, celle pour une mobilité cohérente       population genevoise ne veut plus de pro-
vrant débutent il y a plus de 20 ans déjà.    et équilibrée (LMCE), votée en 2016 à 68%        jet favorisant l’utilisation de la voiture au
À l’époque, le Conseil administratif de la    et donnant la priorité aux transports en         centre-ville. Preuve en est leur stratégie
Ville de Genève initie une réflexion en vue   commun et à la mobilité douce au centre-         de communication digitale tout ce qu’il y
de définir une stratégie de piétonnisation    ville. Il y a aussi et surtout l’urgence cli-    a de plus trompeuse. Cette dernière met
du centre-ville. Nous sommes en 2007.         matique. La question du bouleversement           en avant la piétonnisation verdoyante du
Concrétisée dans le Plan directeur com-       de notre climat devient majeure dans le          quartier à grand renfort d’images 3D gran-
munal approuvé en 2009, cette réflexion       débat public. Cette urgence climatique,          dioses et minimise son important parking
aboutit à la création d’une première zone     dont on ne peut plus se détourner, est           derrière le terme aussi fallacieux que co-
piétonne, strictement conditionnée à la       officiellemen décrétée par la Ville de Ge-       mique de « hub de mobilité souterrain » !
réalisation d’un parking souterrain par la    nève en mai 2019. Enfin, arrive le vote en
société Clé-de-Rive SA.                       septembre 2020 pour la suppression de            Ne reculant devant rien, ils créent un soi-
                                              4'000 places de stationnement, favorable à       disant « collectif piéton » qui se voudrait
Le projet est alors adapté à la modific -     59%. Même si encore parfois hésitante, la        être la voix des défenseur-e-s de la marche
                                              prise de conscience réalisée ces dernières       urbaine et des zones piétonnes. Après avoir
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planifié de supprimer des places de station-                                                     en place une piétonnisation intelligente
nement jusqu’au bout des quartiers des           Même si une petite minorité d’utilisateurs      et ambitieuse, sans s’encombrer pour les
Eaux-Vives et des Bastions (ceci afin d’ob-      et d’utilisatrices, tels que certain-e-s pro-   décennies à venir d’une structure de six
tenir un parking suffisammen grand et            fessionnel-le-s ou personnes à mobilité ré-     étages d’un autre âge !
donc rentable), ils répètent à qui veut bien     duite, ne peuvent faire autrement qu’uti-
l’entendre qu’aucune piétonnisation n’est        liser un véhicule motorisé individuel, les      Il ne tient donc maintenant qu’à vous pour
possible sans « hub de mobilité ». Ce men-       Genevoises et Genevois ne sont pas dupes.       que l’histoire du parking Clé-de-Rive ne
songe ne tient pas la route lorsque l’on sait    L’avenir de la mobilité urbaine ne peut se      reste qu’un vieux conte maladroit et hors
que la seule création de la zone piétonne        réaliser au travers de la voiture et de ses     de son temps. Il ne tient qu’à vous de trans-
supprimerait uniquement une centaine de          infrastructures dédiées. Nous éviterons le      former ce « Il était une fois… » en un « Il n’y
places. La construction et l’inauguration        piège des beaux discours verdissants des        a jamais eu… ».
du parking de la gare des Eaux-Vives a déjà      promoteurs immobiliers et nous refuse-
créée un nombre conséquent de places.            rons ce projet anachronique, incohérent,        Le 7 mars, votez NON au projet Clé-de-Rive.
Sans compter la votation du 27 septembre         mal ficelé et inutile
2020 mentionnée précédemment, qui per-
met la suppression de milliers de places de      La piétonnisation arrive,
stationnement sans compensation.                 sans ce projet mal ficelé !

À ce constat, peuvent encore être ajoutés        Mais alors, quelles sont les possibilités de
les nombreux arguments énumérés dans             piétonnisation pour la Ville de Genève ? La
ce numéro de Causes Communes. Je lais-           question est pertinente. Il est évidemment
serai le soin aux lecteurs et lectrices de les   primordial d’y répondre en végétalisant
découvrir au fil des pages mais je m’attar-      et en piétonnisant rapidement et effi -
derai quelques instants sur l’un des plus        cement les rues de notre cité. C’est dans
probants : l’inutilité mathématique d’un         ce sens-là, et en guise de contre-projet,
parking supplémentaire. En effet, les 7          qu’une initiative communale pour la pié-
parkings les plus proches du rond-point          tonnisation du centre-ville a abouti et a été
de Rive sont complets au mieux quelques          déposée en septembre 2020. Sans parking
heures par année. Ils totalisent plus de         et ses plus de quatre années de travaux,
4’100 places. Plus important encore, la          avec une zone piétonne plus grande et
F ondation des Parkings est formelle : la        plus ambitieuse, elle reflète la volonté d’un
fréquentation de ses structures au centre-       Conseil municipal maintenant majoritaire-
ville n’augmente pas avec les années. Au         ment à gauche et sensible à un développe-
contraire, elle a tendance à diminuer. La        ment urbain durable permettant de sim-
nouvelle colonne vertébrale des Transports       plement mieux circuler et respirer dans
Publics Genevois qu’est le Léman Express         notre ville. Avec un exécutif et un délibé-
diminuera encore très certainement cette         ratif du même bord politique, il est évident
fréquentation dans les années à venir.           qu’il sera beaucoup plus rapide de mettre
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UN PROJET CONTRAIRE
À L’ESPRIT DE LA LMCE ?
ENTRETIEN DALYA MITRI
CONSEILLÈRE MUNICIPALE

THOMAS WENGER                     Dalya Mitri : Suppression de places dans          dans l’hyper centre, en allant dans des
                                  l’hyper centre, compensation de places en         centres commerciaux en périphérie. Ces
ET CAROLINE MARTI                 sous-sol : quelle est la place de ce projet de    personnes privilégient d’avoir un centre-
DÉPUTÉ-E PS AU GRAND              parking dans le cadre de la LMCE?                 ville plus convivial, agréable, avec des zones
                                                                                    piétonnes comme, par exemple, à Bordeaux
CONSEIL                           Thomas Wenger : Je voudrais rappeler que          ou à Vienne. Construire un nouveau parking

                                  la LMCE est une loi issue d’un compromis au       souterrain, alors qu'il en existe déjà plu-
                                  niveau politique entre les partis de gauche       sieurs dans cette zone, ne fera qu’accroître
                                  et les partis de droite qui a été votée à une     la possibilité d'accueillir encore plus de tra-
                                  très large majorité du Grand Conseil. Par la      fic automobile, ce qui est contraire à l’esprit
                                  suite, cette loi a été votée en 2016 par 68%      de la LMCE, qui veut restreindre le trafi
                                  de la population, et dispose donc d’un véri-      motorisé dans l’hyper centre.
                                  table ancrage populaire.
                                                                                    Caroline Marti : Le premier problème d'un
                                  Elle prévoit, dans les zones 1 et 2 de l’hyper    point de vue de la mobilité, c'est les risques
                                  centre, de favoriser et de donner la priorité     d'avoir une très forte augmentation du tra-
                                  aux transports publics et à la mobilité douce,    fic et des nuisances dans les quartiers aux
                                  et de restreindre le transport individuel         alentours et notamment dans le quartier
La Loi pour une mobilité cohé-    motorisé, donc le trafic automobile. Pour         des Eaux-Vives, dont les habitant-e-s su-
                                  ce faire, l’un des axes cruciaux est la gestion   bissent déjà une très forte pollution atmos-
rente et équilibrée (LMCE)        du stationnement dans ces zones. Dans cet         phérique. Avoir un grand parking à proxi-
prévoit une organisation du       hyper centre nous avons aujourd'hui beau-         mité va générer énormément de trafic de
territoire cantonal en zones et   coup de parkings déjà construits qui ont          transit dans ce quartier qui est certes très
                                  un taux de fréquentation en baisse. Il faut       urbain mais également très résidentiel.
une hiérarchisation du réseau     savoir qu'une place de parking en ouvrage
routier. Ces zones bénéficient    en sous-sol coûte entre 50’000 et 80’000          Les initiant-e-s présentent le parking
                                  francs. Les propriétaires et les dirigeant-e-     comme une condition sine qua non à la pié-
d’une offre de stationnement      s de parking privés, comme le parking du          tonnisation, ce qui n'est rien de moins que
adaptée. À l’intérieur de ces     Mont-Blanc par exemple, disent qu’il est          du chantage. Nous devons sortir de la lo-
zones, certains modes de          de plus en plus difficil de rentabiliser un       gique de la compensation systématique de
                                  parking privé dans le centre parce que les        la suppression des places en surface par de
transport font l’objet d’une      gens changent leurs habitudes, s’y rendent        nouvelles places en ouvrage, surtout qu’on
priorisation.                     davantage en transports publics et mobi-          trouve déjà des parkings qui sont aux alen-
                                  lité douce, font moins souvent leurs achats       tours qui permettent une compensation
7

des places supprimées. F inalement, dans        Deuxième chose, l’initiative lancée par l’Al-    Caroline Marti : J’ajouterai encore une plus-
l'optique d'avoir un centre-ville pacifié en    ternative et les associations pour mettre en     value au point de vue de la mobilité : la ques-
matière de mobilité et de réappropriation       place une zone piétonne est beaucoup plus        tion du tourisme. Il est évidemment beau-
des espaces publics, ce parking semble ab-      ambitieuse que celle prévue par le projet        coup plus agréable de visiter un centre-ville
surde.                                          ficelé Clé-de-Rive. La zone de piétonnisation    piétonnisé pacifié du trafi
                                                prévue dans le projet et somme toute d'une
Comment contourner le problème de la            ampleur modeste, alors que celle de l'Alter-     Thomas Wenger : Pour finir, je rappelle que
compensation ? Et comment décondition-          native, sans parking souterrain, permet de       Genève deviendra bientôt une des dernières
ner la piétonnisation de la construction du     pacifier un espace beaucoup plus vaste en        villes d'Europe à ne pas avoir une vraie zone
parking ?                                       centre-ville.                                    piétonne. Ce retard abyssal est à combler
                                                                                                 en urgence. Ce projet de parking est éga-
Thomas Wenger : La LMCE qui a été accep-        Thomas Wenger : Dans plusieurs villes            lement une aberration économique. Pour
tée à 68% et les assouplissements à l’obli-     comme Bordeaux, Vienne, Milan ou Turin           rentabiliser ce type de projet, les proprié-
gation légale de compensation des places        ont été créées des zones piétonnes, ou des       taires chercheront à inciter les gens à venir
de parking supprimées, également adop-          ZTL (zones à trafic limité), permettant aux      en voiture au centre. Nous savons que tout
tés à 59% par la population en septembre        habitant-e-s d’y rentrer ou de se rendre         parking, comme toute nouvelle infrastruc-
dernier, prévoient des dérogations aux          chez son médecin. On voit dans les études        ture routière, crée du trafic motorisé sup-
compensations de stationnement. Cela            publiées après cette piétonnisation, notam-      plémentaire. C’est une absurdité totale en
montre l’inutilité d’un nouvel ouvrage dans     ment à Vienne, que les commerces qui crai-       termes de changement de comportement
une zone où des parkings sous-fréquentés        gnaient une baisse de leur chiffre d’affair      de mobilité et, je le répète, contraire à l’es-
existent déjà, comme l’illustre la carte réa-   se déclarent satisfaits, et ont constaté que     prit et aux buts de la LMCE.
lisée par l’ATE.                                les personnes qui venaient faire leurs achats
                                                recherchaient également de la convivialité,
Caroline Marti : Première chose, la ques-       des rues accueillantes où on peut flâner
tion de la compensation du stationnement        où il peut y avoir de la verdure et surtout
a été sensiblement allégée en votation le       pas du trafic automobile et des entrées et
27 septembre dernier. On peut dire qu’on        sorties de parking. Il s’agit également, étant
a fait sauter le verrou strict qui demande      donné que les commerçant-e-s subissent
à compenser en souterrain les places sup-       la concurrence du commerce en ligne et
primées en surface. Cela permet de créer        du tourisme d’achat en F rance voisine, de
des zones piétonnes et des aménagements         revoir nos conceptions de ce que doit être
sur la voirie sans devoir systématiquement      une zone commerciale aujourd'hui.
compenser les places supprimées.
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DE LA POUDRE
AUX YEUX
             ANDRIENNE SOUTTER
             ANCIENNE CONSEILLÈRE MUNICIPALE PS
             HABITANTE DU CENTRE-VILLE

Le Parti Socialiste a été, dans               il faut laisser les voitures hors de la ville,   et même qu’on pouvait vivre mieux avec
                                              dans des parkings d’échange, circuler en         moins. Aujourd’hui, c’est une occasion de
les années 1970, le premier                   transports collectifs, ou à vélo, ou à pied.     transformer les paroles en acte et de refu-
parti à réfléchir et se mobiliser             Aujourd’hui encore plus qu’à l’époque il y       ser ce parking Clé-de-Rive souterrain de 6
                                              a urgence. On ne peut plus tergiverser. Il       étages qui est typique et signé du monde
sur les questions d’environ-
                                              faut agir.                                       d’avant.
nement ou de qualité de la vie
comme on disait alors. Bien                   Vivre autrement                                  Attention à l’enfumage
avant que naisse le parti des
                                              Pendant la pandémie, de tous les côtés, on       Mais ATTENTION : pour vous faire ava-
Vert-e-s dans les années 80.                  a entendu ou lu sur la nécessité de pen-         ler ce parking, ils vont vous appâter avec
                                              ser le monde d’après, le monde d’avant           la zone piétonne et vous éblouir avec de
                                              n’étant plus acceptable, plus vivable. Il        belles images. Étudiez bien le projet. À mon
Le PS s’est battu contre les parkings au      semblait que la pandémie avait réveillé          avis d’habitante du quartier, il est nul. Il
centre-ville, ou la petite ceinture, donc     les consciences de la nécessité de vivre         est de la poudre aux yeux. De plus, on peut
contre les parkings de Cornavin, de           autrement, d’agir autrement. Beaucoup            très bien réaliser la zone piétonne sans le
Plainpalais, de l’Observatoire, de l’Alham-   avaient pris conscience pendant le confi-
                                                                                  confi        parking. D’ailleurs, une initiative pour un
bra, de Saint-Antoine, de la place de Neuve   nement qu’on pouvait vivre avec moins, et        centre-ville vivant, piéton et végétalisé va
toujours avec des arguments constants :       qu’on pouvait vivre très bien avec moins,        bientôt être soumise à votation.

    Piétonnisons sans parking                                                                                             Parti socialiste
                                                                                                                          Ville de Genève
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CINQ RAISONS
DE VOTER NON
                JEAN-MARIE MELLANA
                MEMBRE DU COMITÉ PSVG
                HABITANT DES RUES-BASSES

Je reviendrai ici brièvement                      Le problème de l’aménagement                   proposition de la Société Parking Clé-de-
                                                  en surface                                     Rive SA d’instaurer un tarif spécial pour
sur certains arguments et                                                                        les habitant-e-s est un appât pour les faire
contre-arguments, utiles à                        Tel qu’il est présenté, le projet est défor-   voter oui et leur faire oublier l’arnaque ta-
                                                                                                 rifaire dont ils, elles, sont victimes sur les
avoir à l’esprit lorsque nous                     mé par des images trompeuses. Celles-ci
                                                  montrent une espèce d’oasis de paix avec       autres sites. Cet argent peut être utilisé à
devons expliquer quelles                          des arbres partout, mais ces arbres, plan-     meilleur escient, par exemple pour les per-
sont nos motivations à voter                      tés au-dessus d’une dalle de parking, sont     sonnes en situation de précarité et pour
                                                  condamnés à survivre péniblement ou à          relancer l’économie locale. Ce ne sont pas
contre un projet inutile, voire                   disparaître, du fait de l’espace minéral peu   six ans de chantier qui vont dynamiser le
absurde.                                          profond sur lequel ils seront plantés et de    commerce local, au contraire. Pourtant, ce-
                                                  la pollution environnante. Ils ne pourront     lui-ci aurait bien besoin d’un coup de main.
Les nuisances d’un énorme chantier                jamais offrir une végétation telle que pré-
                                                  sentée dans la promotion. Aucun arbre ma-      Le parking sera géré par des promoteurs
Le chantier va durer environ six ans, les         jeur ne peut se développer sur un parking      privés, mais le ruissellement des rentrées
nuisances pour le voisinage vont être             souterrain. Sans être scientifique, je trou-   financières vers le bas par le biais d’hypo-
énormes, même si les promoteurs ont déjà          verais étonnant que des arbres de la taille    thétiques rentrées fiscales n’est absolu-
averti que les travaux ne seraient faits que      de ceux présentés dans le film de promo-       ment pas avéré, comme toutes les théories
de jour (!). Les commerçant-e-s doivent           tion puissent survivre à cet endroit.          du ruissellement d’ailleurs.
s’attendre à une baisse de leur chiffre
d’affaire. Personne ne va faire ses achats        En surface toujours, signalons que les         La tendance générale de
dans un quartier de centre-ville qui abrite       habitant-e-s des Eaux-Vives perdront 100       l’aménagement des centres-villes
un chantier pareil. Les travaux créeront          places de stationnement, sans qu’aucun
pendant des années des encombrements              aménagement ne soit prévu dans le cadre        Ce projet va à l’encontre des aspirations
routiers jamais vus dans la zone concernée.       du projet. Les utilisateurs/trices de ces      de la plupart des habitant-es, qui ne sou-
De plus ce sont les loyers exorbitants qui        places devront aller se parquer ailleurs à     haitent plus avoir davantage de véhicules
grèvent les charges des commerçant-e-s,           des tarifs supérieurs.                         motorisés en centre-ville. Il ne prend pas
et non une improbable baisse de chiffre                                                          en compte leur bien-être et leur sécurité,
d’affaires due à l’absence d’un parking sou-      Le contexte financier                          ainsi que celle des enfants et des per-
terrain supplémentaire. Tout ceci, sans                                                          sonnes âgées. Je pense que l’une des er-
compter l’enfer que les habitant-e-s qui          Coût pour la Ville : 34 millions. Le reste :   reurs historiques les plus flagrantes dans
sont chez eux/elles pendant la journée vont       65 millions à charge de la Société Parking     les politiques d’aménagement urbain fut
vivre. Il s’avère que, sur ce point, le projet    Clé-de-Rive SA, qui se remboursera sur les     d’autoriser les voitures à entrer partout
n’a jamais tenu compte de leur bien-être.         tarifs. Est-ce vraiment raisonnable d’envi-    dans les villes. À l’époque, cependant, les
                                                  sager une telle dépense pour un projet         responsables ne pouvaient pas savoir que
La sécurité routière dans un                      dépassé ? L’argent peut circuler quand les     les villes et le nombre d’automobiles al-
périmètre comportant des écoles                   circonstances le réclament, mais la crise      laient croître pareillement. Mais au vu de
                                                  financière et sociale colossale qui nous at-   l’urgence climatique et des attaques que
Il est préoccupant d’imaginer un « hub » de       tend n’offre pas un contexte propice pour      subit aujourd’hui la biodiversité, il serait
transports publics ainsi qu’une intense cir-      cette dépense.                                 irresponsable de persister dans cette voie.
culation dans un secteur contenant trois
écoles, l’école primaire F erdinand-Hodler,       Il existe déjà au moins sept grands par-
le collège Calvin et l’ECG Ella-Maillart, ainsi   kings dans le secteur, Rive-Centre, Mont-
que pas moins de cinq espaces de vie en-          Blanc, Saint-Antoine, Eaux-Vives 2000,
fantine. Les dangers sont évidents pour les       Villereuse et deux parkings à la gare des
plus de mille enfants et jeunes touché-e-s,       Eaux-Vives. La plupart est sous-utilisée.
dans un secteur qui deviendrait alors un          Pourquoi ? Des tarifs trop élevés, n’en dé-
nœud plus important que ceux de Corna-            plaise à la F ondation des Parkings et à sa
vin ou de Bel-Air.                                nouvelle politique tarifaire 2020-2021. La
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PARKING CLÉ-DE-RIVE : REFUSER
UNE MOBILITÉ À L’ANCIENNE
             GUILLAUME MATHELIER
             MAIRE D’AMBILLY
             POLITOLOGUE

Il est des projets du passé qui                existants peinent à pérenniser leur modèle       ce moment-là l’occasion d’accompagner
                                               économique dans le temps. Les chiffres           volontairement une politique ambitieuse
ont la dent dure. C’est le cas de              de la F ondation des Parkings témoignent         de mobilité transfrontalière. Et celles et
ce projet de nouveau parking                   d’une baisse de fréquentation générale ces       ceux qui s’y opposaient formellement à
                                               dernières années et l’on peut et doit s’en       l’époque ne devraient-ils, elles, pas être
projeté au centre-ville sous la
                                               réjouir bien évidemment. Ces chiffres à la       naturellement les mêmes à s’opposer à ce
rue Pierre-Fatio : le parking                  baisse résonnent avec les alternatives cré-      type de projets aujourd’hui (si l’objectif
Clé-de-Rive. Si l’objectif de                  dibles apportées aux automobiles.                étaient bien d’éviter le trafic pendulaire) ?
                                                                                                Au-delà de la rhétorique, ce sont toujours
conjuguer cette construction                   Apaiser la ville                                 les paradoxes qui guettent dans ces sujets
souterraine à une nouvelle                                                                      de stationnement. Les personnes qui se
                                               Les efforts publics qui consistent à œuvrer      plaignent des bouchons sont celles qui
zone piétonne peut apparaitre
                                               pour un transport en commun de qualité           sont en voiture. Les personnes qui veulent
noble au départ, elle est final -              comme le Léman Express et de nouvelles           mieux circuler sont celles qui seraient
ment l’arbre qui cache la forêt.               lignes de tram, ou les efforts individuels       prêtes à empêcher les autres de le faire.
                                               avec le développement spectaculaire des
Elle met sûrement en péril                     outils et réseaux de mobilités douces ne         Cœur des villes : sans voitures !
le pouvoir des autorités poli-                 devraient pas pouvoir compter sur une
tiques de limiter l’emprise de                 concurrence nouvelle de nouveaux par-            Ainsi, la véritable urgence posée aux déci-
                                               kings de centre-ville. Ou sinon, c’est ce que    deurs et décideuses politiques, d’un côté
la voiture pendant de longues                  l’on appelle se tirer une balle dans le pied     comme de l’autre de la frontière, réside
années en matière d’aménage-                   quand on est décideur ou décideuse public.       dans la création de nouveaux espaces
                                               Les intentions d’apaisement de la ville          publics piétons (et non pas sur une seule
ment.                                          doivent s’incarner dans l’action politique et    rue mais sur un plan ambitieux). Des villes
                                               les efforts de chacun-e. D’ailleurs, peut-on     françaises comme Bordeaux, Montpellier
                                               vraiment parler d’efforts quand, en défin -      ou Grenoble, souvent opposées au départ à
Stop aux travaux inutiles                      tive, cela devient un véritable confort pour     la piétonnisation (une question d’habitude
                                               les usagères et usagers de faire des courts      notamment pour les commerces) ne re-
Ces réalisations sont très coûteuses et de-    parcours sans le stress généré par le sta-       viendraient pour rien au monde en arrière.
mandent des travaux titanesques. Genève        tionnement ni par son coût (forcément            Leurs lignes de tram sont souvent bien
a-t-elle besoin de cela en cette période et    cher sinon voué à peser sur toutes les habi-     plus rapides que les lignes genevoises de
après avoir connu des travaux longs pour le    tantes et habitants via les impôts) ?            centre-ville empêtrées dans la lenteur du
Léman Express ? Elles ne sont clairement                                                        fait de la place trop importante consacrée
pas dans l’air du temps des politiques pu-     La ville change. Elle retrouve, peut-être de     à la voiture.
bliques modernes en matière de mobilité        manière inédite et non volontaire avec la
urbaine. L’objectif n’est donc sûrement pas    crise du Covid-19, une chance de se réin-        Un nouvel art de vivre la cité
de promouvoir de nouveaux aspirateurs à        venter. Moins de circulation, un temps de
voiture dans le centre mais de chercher des    travail mieux réparti entre télétravail et       Avoir une volonté politique commune de
solutions alternatives pour une ville sûre     travail sur le lieu d’emploi, le courage de      mobilité durable transfrontalière, comme
et respirable pour les piéton-ne-s, dans la    donner plus de place aux pistes cyclables,       l’a été la création de la voie verte du Grand
droite ligne des intentions politiques pour-   une prise de conscience écologique. Qu’en        Genève ou du tram 17 qui traverse, côté
tant largement exprimées sur l’urgence         restera-t-il et qu’en reste-t-il si, encore en   français ma commune d’Ambilly, est une
climatique.                                    crise, nous continuons à copier le passé ?       exigence d’un futur désirable et le début
                                                                                                d’un nouvel art de vivre la cité. La déambu-
Usage des parkings en baisse                   Parkings : hors des villes !                     lation en toute quiétude dans les cœurs de
                                                                                                ville ou d’agglomération représente l’ob-
Si les parkings publics sont toutefois né-     Les lobbys, les promoteurs privés et             jectif qui pourrait et devrait devenir une
cessaires dans des zones en tension, ou        leurs affidé auront toujours de la force         cause commune.
quand la stratégie consiste à rationaliser     mais étaient-ils bien présents et actifs
le stationnement en permettant le foison-      lors de la votation du 18 mai 2014, quand        Je ne doute pas que les habitant-e-s de
nement et la mutualisation comme dans le       les parkings-relais censés empêcher au           la ville de Genève feront le bon choix le 7
nouveau quartier en zone d’aménagement         maximum la voiture d’entrer en ville de          mars prochain et sauront refuser cette
concertée (ZAC Étoile proche de la gare        Genève étaient rejetés par le peuple ? De        proposition de mobilité à l’ancienne.
d’Annemasse), la création de nouveaux par-     la mollesse de certains, de la trop grande
kings devient absurde quand les parkings       confiance d’autres, Genève manquait à
11

TRANSPORTS PUBLICS
ET MOBILITÉS D’AVENIR
              DENIS CHIARADONNA
              PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES TRANSPORTS
              ET DE LA MOBILITÉ DU PSG
              VICE-PRÉSIDENT EN CHARGE DES COMMISSIONS DU PSG

Rive est un pôle d’échange                     2000, les deux nouveaux de la gare des             voiture, moins de places de stationnement
                                               Eaux-Vives), pour un total de 4199 places,         sont nécessaires et la mobilité urbaine est
important pour les TPG. Le                     est un non-sens du point de vue de la cohé-        améliorée. Le concept de mobilité car-sha-
projet de réaménagement de                     rence de la mobilité. De plus, les chiffres        ring a un succès grandissant, en particu-
                                               témoignent d’une baisse de fréquentation           lier auprès des plus jeunes, qui adoptent
ce lieu en vaste zone piétonne
                                               générale ces dernières années.                     un changement de comportement de
est une excellente idée, quand                                                                    consommation. Dans la Sharing Economy,
on voit le capharnaüm que ce                   Un projet d’un autre siècle                        ce n’est plus la propriété, mais la presta-
                                               et à contre-courant                                tion de services qui est au premier plan. La
carrefour connait en heure de                                                                     mobilité est plus importante que d’avoir
pointe et lorsqu’il y a le mar-                F aire venir les voitures pendulaires dans         sa propre voiture. Cette envie de mobilité
                                                                                                  peut avoir un impact positif sur les routes
ché au boulevard Helvétique.                   l’hyper centre est contre-productif alors
                                               qu’on essaie de maintenir le trafic des pen-       surchargées et diminuer les places de sta-
Malheureusement, ce projet                     dulaires à l’extérieur de la ville. Le projet de   tionnement requises en ville. Différentes
est lié à un projet de parking                 parking est totalement incohérent par rap-         études affirmen qu’une seule voiture en
                                               port à la loi pour une mobilité cohérente et       car-sharing peut remplacer entre 8 et 20
de 498 places. Un aspirateur à                                                                    voitures privées. Cette tendance pour la
                                               équilibrée (LMCE), qui prévoit justement
voitures au centre-ville, alors                que, dans l’hyper centre, la priorité soit         mobility-on-demand fonctionne grâce aux
                                                                                                  possibilités de digitalisation. Sur les plate-
que l’on devrait privilégier les               donnée aux mobilités douces et aux trans-
                                               ports publics.                                     formes en ligne, l’utilisateur/trice peut, à
transports publics et la mobi-                                                                    travers l’application, déterminer la dispo-
lité douce.                                    D’ailleurs, c’est ce principe qui est retenu       nibilité et la localisation des voitures, ainsi
                                               dans la plupart des métropoles euro-               que les réserver ou même les ouvrir.
                                               péennes qui construisent des parkings
Le réaménagement de Rive s’accompagne-         à l’extérieur des agglomérations et favo-
ra du déplacement des arrêts TPG – lignes      risent des transports publics comme des
33, A, E et G – actuellement situés à la rue   trams, métros, trains ou bus à haut niveau
Pierre-F atio vers la rue d’Italie, qui sera   de service pour se rendre au centre-ville.
alors fermée à la circulation des véhicules
privés.                                        Mobility-on-demand

Si l’on ne peut que saluer la création des     Rappelons que la mobilité du futur est au
zones piétonnes que nous attendons             car-sharing et à la mobility-on-demand.
toutes et tous, la construction d’un par-      La crise sanitaire actuelle va accélérer ce
king de plus au centre-ville, alors qu’il en   processus. Ce sont les constructeurs auto-
existe déjà 7 aux alentours (Saint-Antoine,    mobiles eux-mêmes qui le disent. Quand
Mont-Blanc, Rive, Villereuse, Eaux-Vives       davantage de personnes partagent une
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VOULONS-NOUS VRAIMENT
ALLER DANS LE MUR ?
ENTRETIEN DALYA MITRI
CONSEILLÈRE MUNICIPALE

LUCA PATTARONI            Dalya Mitri : Que représente le projet du          frappé par le fait que les visions des sept
                          parking Clé-de-Rive en termes de mobilité          finalistes, des équipes d’envergure interna-
SOCIOLOGUE, LABORATOIRE   et d’urbanisme ?                                   tionale, allaient toutes dans la même direc-
DE SOCIOLOGIE URBAINE                                                        tion, dessinant un nouveau paradigme de
                          Luca Pattaroni : Pour mettre en perspective        production territoriale basé sur la proximi-
DE L’EPFL                 et réfléchir à ce que représente ce parking, il    té, et une remise en question des anciennes

                          ne faut pas penser seulement en termes de          divisions qui accompagnaient le système
                          mobilité mais de lien entre la mobilité voi-       basé sur l’automobile : la séparation entre le
                          ture et la transition écologique. Face à cet       privé et le public, la séparation entre la ville
                          enjeu, il existe deux attitudes contrastées : la   et la campagne, la séparation entre l’habitat
                          première consiste grossièrement à dire : on        individuel et le logement collectif. On pour-
                          ne change rien, mais on le fait en plus clean.     rait dire la disjonction entre la nature et la
                          C’est le modèle de la smart city, des voitures     culture, qui a accompagné non seulement le
                          propres ou électriques. On reste là dans un        système automobile mais aussi le système
                          système d’habitat individuel, en périphérie,       de la propriété privée et la mise en place du
                          avec l’utilisation de la voiture pour aller en     capitalisme moderne.
                          ville, mais en version plus « durable ». Au
                          final, on ne remet pas en cause le système         D’un point de vue théorique, l’urbanisme
                          de société venu de l'automobile, basé sur la       contemporain a désormais embrassé un
                          consommation de pétrole, qui s’est accom-          nouveau paradigme. Ses projets se déve-
                          pagné d'une transformation radicale du ter-        loppent dans le cadre d’une pensée de
                          ritoire, et qui suppose qu'on puisse, pour les     l’intrication, entre habitat et agriculture,
                          plus riches, avoir des places de parking chez      espaces privés et publics, travail et loisir,
                          soi, au travail, au supermarché et donc avoir      mobilité et immobilité. On assiste à la réin-
                          un système d’« automobilité » cohérent qui         vention des systèmes de mise en commun
                          a demandé beaucoup d'investissements.              et de collectivisation des espaces et des res-
                          Clé-de-Rive s’inscrit dans la droite ligne de      sources. On privilégie la réversibilité et, plus
                          ce système et ne ferait que le renforcer au        largement, un urbanisme qui prend soin des
                          final, avec ses effets de congestion, d’épui-      milieux et des formes de vie. On peut appe-
                          sement des ressources, etc.                        ler ceci une « réforme radicale », invitant la
                                                                             mise en place à partir d’ici et maintenant
                          Face à ces impasses, une autre vision de la        d’un système qui devrait à terme profon-
                          transition écologique exige d’opérer une re-       dément changer notre manière d'être dans
                          configuration en profondeur de nos modes           le territoire. Par exemple, par la réorganisa-
                          de vie, de nos modes de production et de           tion de la distribution des espaces de travail
                          nos formes de production territoriale. De          (télétravail, tiers, lieux, etc.) ou encore la
                          fait, on voit que ces nouvelles formes de          distribution inédite des espaces agricoles.
                          production territoriale sont déjà à l’œuvre,       C'est une manière de repenser l'étalement,
                          mais de manière un peu balbutiante.                cet épouvantail du système automobile :
                                                                             cela veut dire qu'on pourrait distribuer– et
                          On les retrouve de manière claire dans les         non étaler – l’habitat et les systèmes de pro-
                          métiers de l’urbanisme. Il y a eu récemment        duction agricole et économique de manière
                          un concours pour le futur du Grand Genève,         à vivre sans voiture partout sur le territoire.
                          organisé par la Fondation Braillard. J’ai été      On constate que la voiture individuelle perd
13

du terrain. Les jeunes passent leur per-         Le deuxième problème concerne la question          de la nature, de l’urbanité, de l'agriculture,
mis tardivement. On a créé des systèmes          de la réversibilité, c'est-à-dire que ce projet,   du travail ou encore du pouvoir. Cette poli-
de collectivisation des automobiles et, dans     ouvrage massif qui demande un investisse-          tique forte, ce changement de paradigme,
une autre direction, l’idée de voiture auto-     ment financier important, ne répond pas à          aboutit in fin à la remise en question des
nome va elle aussi vers une diminution des       un besoin de places de parking sur le long         grands projets tabula rasa comme nous le
places de parking, si ce n’est des déplace-      terme. A vrai dire, il est complètement fou,       voyons dans les votations récentes contre
ments. Cette remise en question d’un mo-         de nos jours, de creuser massivement et            les déclassements ou encore des critiques
dèle du transport automobile individuel, qui     d’imperméabiliser des sols en faisant un           face à la Caserne des Vernets. Ce n’est pas
demande massivement des places de par-           parking souterrain ! On se retrouvera dans         un refus d’urbanisation, ni un sentimenta-
king, montre qu’une infrastructure comme         quelques années avec une infrastructure            lisme écologique, mais un moment, assez
celle de Clé-de-Rive est bien problématique.     qui aura pris beaucoup d'espace en sous-sol        similaires somme toute, à ce qu’on a vécu
                                                 et qui sera très difficilemen reconvertible.       dans les années 1970, de remise en ques-
Quels sont les problèmes spécifiques posé        A la limite, il faudrait ériger une tour de par-   tion des modèles de densification et d’or-
par ce projet ?                                  king, plus facilement reconvertible. Dans un       ganisation territoriale, et cela même si les
                                                 mouvement de renouvèlement des formes              projets en soi sont bons. Le problème est
Tout d’abord, ce projet renforce une vision      de coexistence humaine et non-humaine,             structurel. Pour sortir de cet imaginaire des
asymétrique du territoire : devoir toutes et     au travers duquel on essaie de climatiser          grands projets hérité du 20e siècle, on doit
tous venir en centre-ville pour consommer        les villes, arboriser davantage, faire vivre       penser et promouvoir des formes plus radi-
de l’urbanité et de la centralité. Même si les   des écosystèmes mais aussi rapporter une           cales. Elles sont déjà en train de se dessiner
avantages de la centralité demeurent, et ils     partie de l'agriculture en ville (potagers et      et s’expérimenter, mais elles rencontrent
sont précieux dans le cas de biens communs       surtout fermes urbaines, de manière à véri-        l’inertie du système de production de l’es-
comme les rives du lac, il y a désormais une     tablement produire de l’alimentation), la          pace et des modes de vie.
multipolarité claire. Les flux de mobilité de    question de la pleine terre en ville devient
travail et de loisirs sont en plein change-      un enjeu essentiel. Le sol n’est pas que du        En termes de mobilité, pour revenir à la
ment. On peut donc difficilemen mesurer          foncier ou de la réserve à parking ; il est        question de Clé-de-Rive, Genève se re-
les besoins de déplacements dans 20 ans.         essentiel pour les arbres, l'absorption des        trouve, par inertie des investissements in-
Tout porte à croire qu’ils seront en tout cas    eaux de pluie et, plus fondamentalement, la        frastructurels et des débats politiques, dans
moins effec ués en voiture individuelle.         préservation de la biodiversité. Imperméa-         la catégorie des mauvais élèves par rapport
                                                 biliser les sols de manière quasi irréversible     aux autres villes européennes. Il est fabu-
Dans le canton de Berne, on peut constater       est absurde et financièrement douteux !            leux de constater qu’il n’existe quasiment
qu’on trouve beaucoup plus de ménages                                                               pas de véritable zone piétonne. Quand on
qui vivent sans voiture. Ils sont distribués     Pour résumer, ce parking est profondé-             ferme un quai sur une centaine de mètres,
sur tout le canton, et beaucoup plus loin du     ment obsolète, à la fois au regard des poli-       on n’arrive même pas à enlever les places de
centre-ville, grâce aux infrastructures de       tiques étroites de la mobilité et, plus fon-       parking, dans une ville de 200'000 habitant-
transports publics existantes et au main-        damentalement, des enjeux de la transition         e-s ! Si l’on est en train de débattre du besoin
tien des aménités de proximité. On réduit        écologique. Dans le cadre de ce qu’on peut         de places de parking à l'heure actuelle, dans
donc ainsi la dépendance à la voiture, qu’il     appeler un nouveau paradigme de la pro-            les traces du système actuel, sans prendre
ne s’agit pas de supprimer mais de rendre        duction territoriale, basé sur l’intrication,      en compte les signaux d'une transforma-
moins utile pour aller au travail, pour faire    la symétrisation des qualités du territoire,       tion, sans équiper le monde à venir, on va
des courses ou pour les loisirs. Ce parking      la réversibilité et une pensée des processus       droit dans le mur… du parking.
maintient au contraire l’idée asymétrique        de transformation pas à pas, nous allons
d’une périphérie « tout voiture » et d’un        vers une métropole « horizontale », pour
centre « piéton ».                               reprendre le terme de Paola Vigano, qui
                                                 tend au redéploiement, et à la redéfinitio
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LES CLÉS D’UNE NOUVELLE
POLITIQUE DES TRANSPORTS
              VINCENT KAUFMANN

Sortir définitivement de la guerre                fond de clivage politique gauche /droite        des changements sans précédent, soit en
des transports                                    caricatural.                                    particulier des transitions rapides et de
                                                                                                  grande envergure dans tous les domaines
Genève a été pionnière dans le domaine            La guerre des transports a eu pour consé-       de la société et de l’économie. Pour la mobi-
des transports publics urbains et de l’amé-       quence, parfois, l’adoption de textes de lois   lité, cela implique une diminution de 80%
nagement du territoire. L’épopée du tram-         à la teneur pour le moins douteuse, pour        à 90% des émissions à l’horizon 2050. At-
way dès 1861 et la tradition des Plans direc-     ne pas dire davantage, comme le principe        teindre un tel objectif nécessite le passage
teurs d’aménagement cantonaux en sont             du « libre choix du moyen de transport » !      à la mobilité électrique, mais également
sans doute les meilleures preuves. Mal-           Selon ce principe, tout usager, toute usa-      une politique très volontariste de report
heureusement, dès les années 1960, ces            gère, devrait pouvoir se déplacer à Genève,     modal. Inutile de dire que le parking Clé-
élans innovateurs se sont progressivement         quelle que soit son origine et sa destina-      de-Rive est totalement anachronique par
grippés et les politiques publiques ont sui-      tion, par n’importe quel mode de trans-         rapport à ces considérations.
vi la doxa de l’époque, sans grande créati-       port, sans réflexion sur l’accessibilité par
vité. Et c’est ainsi qu’en 1969, il ne restait    nature différente qu’offrent les moyens de      Atteindre les objectifs fixés par l’urgence
plus qu’une ligne de tramway, la ligne 12,        transport. Le bilan de la « guerre des trans-   climatique nécessite de changer radicale-
et que, dans les décennies suivantes, Ge-         ports » est pour le moins mitigé. Faute de      ment de vision concernant la mobilité. Il
nève s’est enfoncée dans une « guerre des         priorités politiques claires, nous héritons     est en particulier important de cesser de
transports » contre-productive, dont on           d’un système de mobilité urbaine inachevé,      considérer la mobilité dans une vision mo-
paie aujourd’hui le prix fort. Il y a certes eu   dont les réalisations sont le résultat de       dale. La mobilité peut être définie comme
des réalisations importantes, comme la re-        compromis parfois improbables. Le par-          « l’intention, puis la réalisation d’un fran-
construction d’un réseau de tramways et la        king Clé-de-Rive en est le dernier avatar. Le   chissement de l’espace géographique im-
mise en chantier du Léman Express, mais           refuser en votation populaire est un signal     pliquant un changement social ». A bien
ces décisions ont été prises dans un climat       indispensable pour permettre de réaliser        des égards, elle est désormais indispen-
souvent délétère, à coup d’oppositions et         une politique de mobilité ambitieuse.           sable à l’insertion sociale et profession-
de recours, parfois jusqu’au Conseil Fédé-                                                        nelle, et constitue un bien commun, et à
ral. Les rebondissements et soubresauts           Urgence climatique et parking                   ce titre un enjeu central des politiques pu-
de cette errance sont nombreux et portent         de Rive : cherchez l’erreur                     bliques. Les différents modes de transport
invariablement les mêmes stigmates : la                                                           sont autant de moyens d’accéder à ce bien
mobilité est réduite à une question de            A l’automne 2019, le Grand Conseil a voté       qu’est la mobilité. Il n’y a en ce sens aucune
modes de transport et les usagères et usa-        l’état d’urgence climatique pour le Canton      raison de continuer à favoriser l’accessibi-
gers de ces différents modes sont supposé-        de Genève. Pour limiter la hausse des tem-      lité automobile en Ville de Genève et dans
e-s avoir des intérêts spécifiques associés       pératures à 1,5°C, conformément à l’Accord      les communes limitrophes, car la mobilité
à l’utilisation desdits modes. Dans cette         de Paris adopté en 2015, les expert-e - s       peut y être assurée par d’autres moyens
perspective, les moyens de transport col-         préconisent une réduction des émissions         de transport. Les chiffres des enquêtes de
lectif sont opposés aux moyens de trans-          nettes de CO2 de 45% d’ici 2030 et la réa-      mobilité montrent d’ailleurs que les habi-
port individuel et les modes de transport         lisation d’une neutralité carbone en 2050.      tant-e-s l’ont compris à Genève. Si, dans les
motorisé aux non-motorisé, le tout sur un         Réaliser cette neutralité carbone nécessite     années 1990, l’utilisation des moyens de
                                                                                                  transports était majoritairement « mono-
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