CAUSES COMMUNES - LGBTIQ+ - PS Ville de Genève
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2 ÉDITORIAL ÉDITORIAL RENVERSONS LA MAJORITÉ SYLVAIN THÉVOZ, CO-PRÉSIDENT PSVG Le renforcement de la visibilité sécutant les homosexuel-le-s, ne tombent dement entaché de sexisme et d’homopho- pas dans l’oubli. Nous aussi, à notre échelle, bie. Notre mission est de renouveler ces des personnes et expressions nous devons continuer à faire l’histoire. champs de fond en comble. lesbiennes, gays, bisexuelles, trans*, intersexes, queer et Nous avons désiré prolonger ce moment de Rendez-vous le 20 octobre la Pride dans Causes communes. Notre par- non binaires (LGBTIQ+), ainsi ti est un soutien fondamental et historique Nous avons une occasion en or de le faire que la défense des droits de de la défense des droits LGBTIQ+. Mais cet automne à l’occasion des élections nous avons encore un immense travail à fédérales. Notre slogan : Renverse la majo- toute personne subissant des faire, à l’intérieur comme à l’extérieur de rité est une évidence, et il inclut celui de discriminations en raison de notre parti. Rien n’est acquis. Tout comme la Pride : Make history, tant la majorité ré- la société, nous devons continuer à évoluer son orientation sexuelle et trograde présente depuis trop longtemps politiquement, et renforcer les actions à Berne empêche la Suisse d’avancer et affective, son identité de genre pour la défense des droits de toutes les l’isole dans des combats médiévaux. C’est ou expression de genre passe minorités, ainsi que nos interactions quoti- une lutte de 50 ans et plus que nous de- diennes avec les associations luttant pour vons remporter cet automne. par un important changement ces droits, afin d’en être le prolongement sociétal et politique. et les relais parlementaires. Ce numéro est l’occasion de rendre hom- mage à celles et ceux qui mènent ces com- La semaine de la Pride et la Marche des Changement d’époque et de majorité bats pour les droits LGBTIQ+ depuis tou- fiertés au mois de juillet ont marqué Ge- jours. Mention spéciale à Liliane Maury nève. Cette semaine fut un événement Au final, sans votes gagnants, sans droits Pasquier et Manuel Tornare qui, arrivés au historique pour les droits LGBTIQ+, une inscrits dans la loi, sans budgets progres- bout de leurs mandats, quitteront la Berne caisse de résonance fondamentale pour sistes, nous resterons soumis aux injus- fédérale cet automne, en ayant ouvert des ses revendications. Nous sommes fier-e-s tices des majorités rétrogrades. L’initiative brèches dans l’intolérance ; mention aussi d’avoir milité, marché, échangé ensemble à parlementaire de Mathias Reynard visant à Sandrine Salerno, pionnière en Suisse cette occasion. à pénaliser les propos homophobes en d’une politique publique de défense des est un bon exemple. Le référendum lancé LGBTIQ+. Faisons l’histoire par l’Union Démocratique Fédérale (UDF) contre celui-ci, une illustration que rien Les élections fédérales de cet automne « Make History » était le slogan de la Pride. n’est encore gagné. seront cruciales pour le renforcement Il s’agit bien de continuer à écrire l’histoire, des droits LGBTIQ+. Nous serons au ren- à valoriser et à transmettre les mémoires Nos structures sont encore largement dez-vous pour renverser la majorité et les LGBTIQ+, afin que des événements tels que binaires, notre compréhension sociale homophobes et rétrogrades du Parlement. les émeutes de Stonewall, il y a 50 ans, pre- toujours marquée par la domination mas- Au plaisir de pouvoir compter également mier exemple de luttes LGBTIQ+ contre un culine et notre langage insuffisamment sur toi pour y parvenir. Rendez-vous le système soutenu par les autorités et per- inclusif. Notre univers politique reste lour- 20 octobre ! CAUSES Coordination rédactionnelle : Sylvain Thévoz. Comité rédactionnel : Olivia Bessat, Jorge Gajardo, Ulrich Jotterand. COMMUNES Ont collaboré à ce numéro : Olga Baranova, Christian Dandrès, Ricardo Do Rego, Matthias TRIMESTRIEL ÉDITÉ PAR LE PARTI SOCIALISTE DE LA VILLE DE GENÈVE Erhardt, Diego Esteban, Laurence Fehlmann Rielle, Aurélie Friedli, Olivier Gurtner, Sap- 15, rue des Voisins phire Jerel, Matthieu Jotterand, Sami Kanaan, Christina Kitsos, Lisa Mazzone, Mathias 1205 Genève Reynard, Romain de Sainte Marie, Sandrine Salerno, Lydia Schneider Hausser, Carlo www.ps-geneve.ch Sommaruga, Manuel Tornare, Thomas Wenger. lea.winter@ps-geneve.ch Photographies : Eric Roset. Un journal 100% pensé, conçu et réalisé à Genève ! Envie de soutenir le Causes Communes : abonnez-vous ! Graphisme, maquette et mise en page : Atelier supercocotte. Envoyez vos coordonnées à psvg@ps-geneve.ch Impression : Imprimerie Nationale, Genève. Finance d’inscription : 20.-/année CCP : 12-12713-8 Tirage : 3000 exemplaires sur papier recyclé.
3 LA (RE-)DÉCOUVERTE DE L’ARC-EN-CIEL SAMI KANAAN, CONSEILLER ADMINISTRATIF La Marche des fiertés à Ge- Le sport organisé est en effet tourné prin- besoins et des revendications bien légi- cipalement vers la compétition et le culte times, que la Ville tente (longtemps seule nève a été pour moi l’occasion du corps selon des définitions classiques et face aux autorités supérieures) de soute- d’appréhender plus concrè- rigides, ce qui rend difficile la compréhen- nir depuis de nombreuses années. Mais sion d’une société ouverte et fluide, basée me retrouver au sein de cette mobilisa- tement toutes les facettes sur une multiplicité et une porosité des tion, d’être au cœur d’une mosaïque illus- très riches et variées d’une identités. trant à elle seule cette diversité, de sentir mobilisation populaire qui la force qui permet à tou-te-s d’oser sortir Début juillet, en amont de la Marche des et s’affirmer m’a profondément touché, et veut dépasser les frontières fiertés du 7 juillet, a eu lieu une belle se- m’a rappelé combien le fait d’agir ensemble des différentes causes qu’elle maine de mobilisation, de réflexion et de permet de faire bouger les choses. partage sur ces questions, qui ne sont en représente. rien définitives et arrêtées. Comme évo- C’est la philosophe Hannah Arendt qui défi- qué, je tenais à participer à la Marche des nissait la politique non pas comme quelque Bien entendu, je connaissais déjà les pro- fiertés, aussi bien comme citoyen et habi- chose d’exclusif, comme la lutte contre blématiques – très diversifiées, car ce sont tant de cette ville qu’en tant que Conseil- d’autres, mais au contraire comme la capa- autant de situations différentes et à des ler administratif. Il me semblait naturel et cité à agir ensemble, à se réunir, à se fédé- stades différents de reconnaissance – aux- indispensable de montrer l’adhésion pleine rer pour parvenir à une action concrète quelles font face les personnes LGBTIQ+. et entière de la Ville de Genève, de rappe- et durable. La Marche des fiertés est un Dans mon action à la tête du Département ler le signal d’ouverture et de soutien de magnifique exemple d’action politique et de la culture et du sport, j’ai d’ailleurs initié la deuxième ville de Suisse, en compagnie je suis convaincu qu’elle changera dura- plusieurs actions de sensibilisation, dont de ma collègue Maire, Sandrine Salerno, blement le monde, ici à Genève, et ailleurs. deux campagnes contre les discriminations qui chapeaute le Service Agenda 21 Ville Un très grand merci aux organisateurs et dans le sport. Un milieu qui, par sa struc- durable, directement engagé au quotidien organisatrices ! turation, ses traditions et ses objectifs, ne dans cette cause, aux côtés des nombreux constitue pas le terreau le plus bienveil- partenaires associatifs. lant à l’accueil de ces situations. On l’a vu récemment avec le traitement inhumain Cette Marche a été la démonstration étin- du « cas » de la sprinteuse sud-africaine celante qu’il ne faut rien lâcher quand on Caster Semenya notamment, sans oublier défend une cause juste. Les « minorités » les nombreuses expressions de discrimi- LGBTIQ+ se sont tout à coup retrouvées nations homo et transphobes, comme la à réunir une majorité bigarrée, festive et situation tragique de Thierry Essamba néanmoins radicalement engagée, donnant exclu par la fédération d’athlétisme came- une visibilité inédite et offrant à chacune et rounaise sur la base d’une suspicion de son chacun, la possibilité de s’affirmer comme orientation sexuelle. Un athlète défendu il / elle / ielle le souhaite dans son identité par Maître Saskia Ditisheim, dans le cadre de genre et son orientation. d’Avocats sans frontières, grâce à qui il a néanmoins pu venir et participer au mee- J’avais déjà auparavant bien conscience ting AtletiCAGenève en juin, et ainsi porter des luttes existantes dans le domaine, des un message fort dans le milieu sportif.
4 L’ENGAGEMENT DE LA VILLE SANDRINE SALERNO, CONSEILLÈRE ADMINISTRATIVE La Ville de Genève s’engage pionnière en créant le premier poste dédié tissé avec le monde associatif, qui permet aux questions LGBTIQ+ au sein d’une à la Ville de Genève d’être au plus près des contre les discriminations administration communale. Ce poste a besoins du terrain. liées à l’orientation sexuelle permis de renforcer et de systématiser et à l’identité de genre. Au- l’action municipale, qui se déploie désor- Employeuse exemplaire mais sur plusieurs fronts simultanément. jourd’hui encore, être homo- En parallèle, la Ville a pris ses responsabili- sexuel-le ou transgenre en Sensibilisation citoyenne tés d’employeuse en formant son person- nel aux questions LGBTIQ+ et en faisant Suisse reste difficile. Dans le Depuis 2013, la Ville de Genève propose évoluer ses pratiques RH pour les rendre cadre scolaire, professionnel chaque année une campagne à l’occa- plus inclusives. Cette année, pour la pre- ou familial, lors d’activités sion de la Journée internationale de lutte mière fois, le groupe du personnel LGB- contre l’homophobie et la transphobie du TIQ+ et allié-e-s de l’administration muni- sportives et de loisirs, dans 17 mai, afin de sensibiliser le grand public cipale a défilé à la Marche des fiertés sous la rue ou sur Internet, les aux questions d’homophobie et de trans- les couleurs municipales. C’était une belle phobie, de susciter le débat et de mettre occasion pour la Ville de rappeler qu’elle personnes lesbiennes, gays, en lumière le travail et les ressources asso- soutient et accompagne, au quotidien, son bisexuelles, transgenres, inter- ciatives. Ces dernières années, des ques- personnel LGBTIQ+. sexes et queer doivent faire tions aussi importantes que la violence à l’encontre des personnes LGBTIQ+, les in- Participation aux réseaux internatio- face aux violences verbales et sultes et les discriminations qui touchent naux physiques, aux mises à l’écart les jeunes LGBTIQ+ ou encore les difficul- tés rencontrées par les personnes LGB- Enfin, pour échanger des bonnes pra- et au mépris. Les préjugés TIQ+ sur leur lieu de travail ont été abor- tiques, mettre en commun des réflexions ont la peau dure et les dé- dées. D’autres actions ont également lieu ainsi que des pistes d’action, la Ville de construire demande non seule- en parallèle, comme des soirées théma- Genève participe à des réseaux de villes eu- tiques dans le cadre de CinéTransat ou du ropéennes (elle est membre du réseau des ment de l’énergie, mais égale- Festival international de film et Forum sur Rainbow Cities depuis 2015), collabore avec ment de la persévérance. C’est les droits humains ( FIFDH ). des villes suisses ( notamment Zürich qui a consciente de cette réalité que intégré en 2013 les questions LGBTIQ+ aux Soutien aux associations missions de son Bureau de l’égalité ), avec le la Ville de Genève s’engage canton de Genève, ainsi qu’avec la Genève avec conviction depuis 2007 Genève bénéficie d’un très riche tissu as- internationale ( ILGA et OHCHR ).1 sociatif en matière de défense des droits contre les discriminations LGBTIQ+. La Ville soutient ces associa- Toutes ces actions visent un objectif clair : liées à l’orientation sexuelle et tions au niveau financier et logistique, ainsi faire de Genève une ville plus ouverte, plus qu’en matière de suivi de projets. Depuis juste, et, de fait, plus durable. Nous y tra- à l’identité de genre, et pour 2012, plus de 30 projets ont ainsi été ac- vaillons au quotidien, avec détermination. un meilleur accueil des per- compagnés, tels que les Assises de la diver- sonnes LGBTIQ+. sité au travail, la Conférence nationale des Familles Arc-en-ciel à Genève ou encore le 1. ILGA : Association internationale des personnes les- lancement du centre d’accueil d’urgence biennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes. OHCHR : En septembre 2012, sous mon impulsion Haut Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations et en réponse aux demandes des associa- pour jeunes LGBTIQ+ Le Refuge Genève. Unies. tions, la Ville de Genève a fait figure de Au fil des ans, un véritable partenariat s’est
5 GENÈVE, AU CŒUR DES DROITS LGBTIQ+ CHRISTINA KITSOS, CANDIDATE AU CONSEIL ADMINISTRATIF Le Parlement fédéral a décidé, Nous devons dès aujourd’hui nous unir mosexualité comme une maladie. Quant au pour combattre ce référendum et soute- mariage pour toutes et tous, la Suisse a du lors de sa session d’hiver 2018, nir la révision de la norme pénale antira- chemin à faire pour parvenir à la hauteur d’étendre la norme antiraciste ciste dans le but d’y intégrer l’orientation de la plupart des décisions de ses voisins. sexuelle. Nous voterons à ce sujet en fé- du Code pénal à la discrimina- vrier 2020. Sous le prétexte fallacieux de Ville et canton ensemble tion fondée sur l’orientation combattre une soi-disant censure, les op- sexuelle au même titre que le posant-e-s à cette révision font croire que Notre canton a entrepris plusieurs cam- l’homophobie serait une simple opinion pagnes de prévention sur les thématiques racisme ou l’antisémitisme. à considérer, voire un obstacle à la liberté LGBTIQ+ dans les écoles et dans les rues C’est un socialiste valaisan d’expression. Soutenu dans sa récolte de grâce à l’engagement très fort de la Ville de paraphes par les Jeunes UDC et le groupe Genève. La Pride de juillet 2019 a rencon- qui a porté ce juste combat de travail Jeunesse et famille, l’Union dé- tré un succès considérable à Genève. Un en faveur des citoyennes et mocratique fédérale ( UDF ) met dangereu- symbole réjouissant. Je souhaite que notre citoyens LGBTIQ+: le Conseil- sement en cause les droits fondamentaux ville continue d’apporter sa pierre à cet de citoyennes et citoyens de notre pays. édifice du progrès des droits humains. Ge- ler national Mathias Reynard. nève, ville internationale, se doit de mon- L’enjeu de ce combat est cru- Voter sur cet objet constitue déjà un gros trer l’exemple, de donner de la voix dans problème, une forme de déni de notre ce combat humaniste crucial. Je m’inscris cial et concerne notre canton. propre Constitution fédérale. L’ONU, lors résolument dans ce sillage en faveur d’une de son examen périodique, et la Commis- véritable égalité des droits entre toutes et Violences contre les LGBTIQ+ sion européenne contre le racisme et l’in- tous sans aucune discrimination. La pro- tolérance ( ECRI ) avaient déjà interpellé la tection de l’intégrité de la population LGB- Chaque jour dans la rue ou au travail, dans Suisse au sujet de cette omission persis- TIQ+ est l’affaire de chaque citoyenne et les salles de sport, les stades, le mépris des tante d’une égalité de traitement au niveau de chaque citoyen. La défense de la dignité populations LGBTIQ+ s’exprime sous des de la justice de notre pays et qui semblait humaine est une et indivisible. Ville de paix, formes multiples et inquiétantes. Genève enfin surmontée. Hélas, cette votation ville des droits humains, Genève doit être à a connu des épisodes de très grandes vio- stoppe ce progrès nécessaire. Un vrai scan- l’avant-garde de ce combat. lences physiques contre des jeunes homo- dale qu’il s’agit de repousser par un vote sexuel-le-s ces dernières années. Cette massif en faveur des droits de la commu- banalisation des violences verbales et phy- nauté LGBTIQ+. Il s’agira aussi de voter siques a des conséquences dramatiques : massivement pour contrer le message les jeunes LGBTIQ+ vivent encore dans la désastreux au plan pratique et symbolique peur au 21e siècle. Les conséquences sur véhiculé par cette votation de février : le leur santé sont désastreuses comme en droit d’insulter ou de marginaliser des attestent plusieurs études concordantes. homosexuel-le-s. Ce n’est pas une option Avant l’âge de 20 ans, un jeune trans sur dans une démocratie digne de ce nom. deux fait une tentative de suicide. Pour les homosexuel-le-s, le risque d’une tentative de suicide est 2 à 5 fois plus élevé comparé Pas de tolérance pour l’intolérance à l’ensemble de la population. À cette votation très préoccupante s’ajoute la frilosité des autorités fédérales sur plu- Un référendum à combattre sieurs objets : les thérapies de conversion sont en voie d’être interdites dans plu- Les populations LGBTIQ+ sont aujourd’hui sieurs pays. La Suisse les tolère encore. Il visées par un référendum qui serait une est temps que notre pays réprime cette prime au désespoir et à la marginalisation. scandaleuse manière de considérer l’ho-
6 DIALOGAI ET LES FRÈRES LUMIÈRE OLGA BARANOVA, PROGRAMMATRICE DU CINÉCLUB DE DIALOGAI, ANCIENNE CONSEILLÈRE MUNICIPALE SOCIALISTE EN VILLE DE GENÈVE Le cinéclub de Dialogai, un le cinéma gay garde jusqu’à présent une cinéma joue un rôle de facilitateur : il donne liberté dans le traitement des sujets socié- à la fois un prétexte pour l’échange tout lieu de socialisation autour taux, une liberté qui constitue une source comme il enlève la gêne au silence, mettant de l’amour du cinéma gay. d’inspiration pour l’ensemble du cinéma sur pied d’égalité ceux qui viennent avec indépendant. des amis et ceux qui viennent seuls. Outre Depuis deux ans, j’ai le plai- Longtemps un phénomène majoritaire- les habitués, de nombreuses personnes sir de partager ma passion ment blanc et occidental, le cinéma gay arrivées récemment sur le territoire suisse pour le cinéma gay dans le se diversifie progressivement ces der- ou genevois profitent de cette offre pour nières années, faisant émerger à la fois faire leurs premiers pas au sein de la com- cadre de la nouvelle édition du des productions africaines et sud-améri- munauté gay locale. La structure légère cinéclub de Dialogai Genève. caines ainsi que des films qui thématisent et bénévole, basée sur l’enthousiasme de l’homosexualité au sein des diasporas non l’équipe, facilite les échanges. Le cinéclub Institution historique de la blanches ( on pense au succès récent du est ainsi l’exemple d’une activité associa- plus grande association gay sud-africain Inxeba de John Trengove tive qui crée le pont entre les cahiers des de Suisse romande, le cinéclub [2017], à l’Oscar du meilleur film Moonlight charges hautement techniques des orga- de Barry Jenkins [2016] ou encore au très nisations conventionnées et les besoins en offre aujourd’hui un espace de touchant Mi último round de Julio Jor- activités associatives. J’ai l’espoir qu’il par- socialisation gay « bas seuil ». quera [2012], une coproduction chilienne ticipe ainsi au renouveau associatif com- et argentine ). Par ailleurs, le cinéma gay munautaire dans un esprit d’enthousiasme Au même titre que les autres existe depuis bien plus longtemps que la vi- et d’engagement. activités communautaires sibilité de l’homosexualité dans les médias proposées par Dialogai, le de masse ou dans l’espace public. Rappe- lez-vous du grand classique du cinéma Un Nouveau cycle de projection « Vive les cinéclub participe à la créa- chant d’amour de Jean Genet, tourné en mariés » du 10 octobre 2019 au 6 février tion de lieux d’échange et de 1950 ! Le cinéma gay joue depuis toujours 2020. un rôle primordial dans le développement rencontre non-commerciaux de la mémoire collective de la communau- Programme : au cœur d’une communauté en té, tout en en dessinant les contours des www.dialogai.org/services/cineclub pleine mutation. évolutions futures. Partager l’amour du cinéma gay Le cinéma comme « prétexte » Le cinéma gay est bien plus qu’un cinéma Bien que le ciné-club de Dialogai fête de niche, il est le miroir de l’évolution de l’amour du cinéma gay, les projections ne la société, des luttes passées et présentes sont qu’un prétexte pour créer un espace pour la libération gay, des bouleverse- de rencontre et d’échange gay, permet- ments comme les ravages du SIDA ou la tant à un public très hétéroclite de se re- récente avancée du mariage pour toutes trouver dans un contexte à la fois familial et tous dans de nombreux pays. Souvent et non contraignant. Le cinéclub s’inscrit confiné aux productions low budget à ainsi dans la logique de développement quelques notables exceptions près ( Phi- des activités communautaires de Dialogai ladelphia de Jonathan Demme [1993], qui répondent à la demande croissante des Brokeback Mountain d’Ang Lee [2005] ou espaces de socialisation en dehors de la encore A Single man de Tom Ford [2009] ), logique de consommation commerciale. Le
7 LESTIME, ESPACE D’EXPRESSIONS ET D’ÉCHANGES ! Lieu d’accueil, d’écoute et et de savoirs féministes ; de soutenir les 2019 de la Ville de Genève, démarré en productions artistiques et militantes indé- mai, avec différents événements tels que, de conseil, espace commu- pendantes. « Balade au cœur de notre histoire », visite nautaire et culturel pour guidée de lieux militants et festifs relatifs à C’est encore et toujours une lutte la culture lesbienne, le 20 septembre 2019. les femmes lesbiennes, constante à mener contre les discrimina- bisexuelles, trans* et queer, tions et les inégalités homme-femme mais Déplacardisons les archives ! projection au cœur de la cité, Lestime aussi le développement d’un nouveau fémi- participative en partenariat avec le festival nisme stimulant inspiré de la Queer theory de cinéma LGBTIQ+, Everybody’s Perfect, s’adresse à celles qui veulent et des questions de genre, qui viennent qui aura lieu au mois d’octobre, aux ciné- s’engager comme à celles qui déconstruire certaines certitudes. mas du Grütli. cherchent un espace de calme Investie dans le domaine de la santé Soirée de projection et discussion… et soi- et de réflexion dans un lieu rée festive ( en mixité choisie ), prévue en protégé. L’association poursuit son engagement en ouverture du festival ! faveur de la visibilisation des enjeux de Fière de son double ancrage lesbien et fé- santé, puisque les besoins spécifiques de la ministe, Lestime continue de militer pour communauté lesbienne restent à ce sujet la visibilité des lesbiennes, bisexuelles, trop souvent méconnus, y compris par le trans* et queer et pour la défense et la pro- monde médical. Dans ce sens et en sus des motion de leurs droits et de ceux de toutes soirées d’information, nous avons lancé en les femmes, de se questionner, d’innover 2019 un projet novateur, « Entre nous », et de s’inscrire dans des réseaux politiques, pour être au plus près de la communauté culturels, festifs et de la santé. lesbienne et donner une réponse aux ques- tionnements en lien avec la santé sexuelle. Nous faisons partie, depuis sa création Des consultations totalement confiden- en 2008, de la Fédération genevoise des tielles ont lieu dans nos locaux. Lestime, 5 rue de l’Industrie (Quartier des associations LGBT. Et nous sommes ainsi Grottes), 1201 Genève, info@lestime.ch, au centre d’un réseau plus vaste composé Une association sans étiquette poli- www.lestime.ch d’autres associations LGBTIQ+, d’associa- tique mais engagée tions féminines et féministes romandes, Membre salariée : CHF 50.- Membre chô- suisses et européennes. meuse, étudiante, AVS, AI : CHF 30.- Lestime ne soutient aucun parti politique, Membre de soutien : CHF 100.- mais s’engage régulièrement avec la Fédé- Militante et culturelle ration genevoise des associations LGBT. Elle fait également partie de la Fédération Nous sentons le besoin de rendre à Les- romande des associations LGBT, consti- time un espace de réflexion politique plus tuée en 2018 avec 15 autres associations, significatif en ville de Genève, à partir d’un et défend des projets importants tels que positionnement lesbien et féministe, et « le mariage civil pour toutes et tous » ou d’un double engagement dans les luttes l’extension de la norme pénale, qui inter- féministes et LGBTIQ+. À travers l’organi- dit l’homophobie au même titre que le ra- sation de rencontres, débats, laboratoires- cisme, et la transphobie. ateliers, sur des thèmes variés, nous vou- lons redécouvrir le plaisir d’être ensemble Projets et d’échanger nos idées ; de stimuler et encourager une réflexion critique, dyna- En prévision de 2020, Lestime se pro- mique, ouverte, collective et ancrée dans pose d’intensifier les axes d’actions et de les corps et dans les vécus ; de promouvoir réflexions déjà entamés en 2019 avec le la circulation transnationale de pratiques projet « Mémoires LGBTIQ+ », campagne
8 CONVERGENCE DES LUTTES MATTHIEU JOTTERAND, VICE-PRÉSIDENT DU PSG EN CHARGE DE LA COORDINATION DES SECTIONS LGBTIQ+, cette « communau- tions d’identité de genre, elles étaient tout norme sera indélébilement ancrée au fond simplement pratiquement inexistantes de lui. Pour changer cela, il faudra commen- té » est-elle un paradoxe ou dans l’espace public. Avant même de pen- cer par sortir les familles homoparentales une contradiction ? Ces der- ser à se voir reconnaître les mêmes droits, de la clandestinité ( quand elles ne sont pas ces personnes ont dû lutter pour la recon- simplement inexistantes socialement ), nières années, après l’appari- naissance de leur identité et une place porter une attention de tous les instants tion de l’acronyme LGBT, celui- dans la société. Pour ce faire, il a impéra- au refus de toute marque normative et / ou ci a crû, pour devenir LGBTIQ+ tivement fallu qu’elles se rendent visibles de jugement ou encore supprimer toute – par exemple à travers les Gay Pride res- marque de discrimination, ce qui sera vu ( consensus actuel, quoique pas pectivement les Marches des fiertés ou, par certain-e-s comme une restriction de unanime ). Cet acronyme, s’il malgré elles, à travers l’épidémie du SIDA leur liberté et ainsi largement combattu. – et l’émergence du sujet a nécessité une se veut ouvert notamment par désignation de « ce qu’elles sont ». Il est L’importance de l’évolution à la fois la lettre Q (= queer, « bizarre », intéressant de constater que les personnes sociale et sociétale qui propose de larges propo- homosexuelles hommes ont été les pre- mières à sortir de l’ombre, en raison de la Ce qui précède est aisément transposable à sitions d’inclusion ) et par le double discrimination souvent constatée toute personne subissant une autre discri- signe + ( qui permet à la per- « femmes + homosexuelles ». Ces mouve- mination que l’homophobie ou la transpho- ments ont mené à l’acronyme LGBTIQ+ sonne qui le souhaite de s’in- bie, qu’il s’agisse de racisme, de sexisme, de actuel. Il convient de souligner certains validisme entre autres. De plus, comme clure dans la définition ), peut progrès ( dépénalisation, sortie de la liste évoqué précédemment, les personnes paraître quelque peu réduc- des maladies mentales, partenariat enre- croisant plusieurs de ces catégories sont gistré, etc. ) Malgré tout, l’égalité des droits d’autant plus touchées par les discrimina- teur. En effet, pourquoi se est loin d’être acquise, et la haine envers tions, et minorisées au sein même de ces désigner comme trans, comme les LGBTIQ+ encore trop souvent présente. minorités. gay, comme bisexuel, etc… là Toutefois, si les progrès sociétaux perdu- Sans convergence des luttes dans la di- où s’incarne un être. raient et « aboutissaient », si les personnes rection d’une société plus égalitaire pour LGBTIQ+ obtenaient les mêmes droits que toutes et tous, toute communauté ou Certain-e-s ne manquent pas de mani- tout-e citoyen-ne, si l’homophobie et la mouvement politique verra son action fester leur incompréhension ou même transphobie notamment n’étaient plus que pour l’obtention de droits ou l’effacement de critiquer cette inflation de caractères. de vilains souvenirs, serait-il possible de se de discriminations fortement limitée, voire Le risque de l’enfermement dans une passer de toute désignation, de telle ma- vouée à l’échec. Les partis politiques de « communauté » est pointé du doigt. Des nière que l’acronyme LGBTIQ+ disparaisse, gauche, qui combattent à des degrés divers mécanismes de rejet des « autres » – les car il n’aurait plus aucun sens ? les discriminations, doivent impérative- personnes qui ne s’incluent pas dans cet ment articuler ces thématiques. acronyme ( parce qu’hétérosexuel-le-s cis- Une telle tolérance, qui serait en réalité genres ou pour d’autres raisons ) – peuvent une indifférence complète et bienveillante, Nous, socialistes, devrions dans notre lutte parfois se mettre en place. s’étiole actuellement dès l’éveil de l’enfant. contre ces inégalités et discriminations, Si les modèles hétérosexuels présentés à mieux tenir compte de leur intersection- Faut-il en passer par là ? l’enfant sont voués à être majoritaires car nalité, de même qu’avec celles qui sont représentatifs de la population, ils sont d’ordre social ; de telle sorte que l’ensemble Certes ébranlé depuis quelques années, pour l’instant hégémoniques et instaurent des militant-e-s maîtrisent ces concepts et le schéma patriarcal domine la société de une norme hétérosexuelle que l’enfant que la population en comprenne mieux les manière hégémonique. Jusqu’aux années ne pourra plus jamais complètement dé- enjeux. Un beau défi pour chacune des sec- nonante, les « tapettes », les « pédérastes », passer. Une fois adulte, il sera peut-être tions du Parti socialiste genevois. étaient largement sous-considérés ; quant tolérant, peut-être bienveillant, peut-être aux femmes homosexuelles et aux ques- même personnellement concerné, mais la
9 DEVENIR ALLIÉ.E.X DE LA CAUSE LGBT*IQ+ DIEGO ALAN ESTEBAN, DÉPUTÉ AU GRAND CONSEIL Le 29 janvier 2013, Christiane Law Clinic sur les droits des per- Ce n’est pas comment on devient allié.e.x sonnes vulnérables qui compte, car il existe de nombreuses Taubira monta à la tribune voies pour y parvenir. Mon parcours n’en il- de l’Assemblée nationale Dans un premier temps, j’ai orienté mes lustre qu’une partie. Il est important d’être empathique, patient, à l’écoute, et ne pas française pour y présenter études en droit vers l’examen des droits des personnes LGBT*IQ+. J’ai rejoint pen- se laisser décourager par les espaces non- le projet de loi instaurant le dant un an la Law Clinic sur les droits des mixtes ou en mixité choisie, dont je rap- « mariage pour tous ». Pendant personnes vulnérables de l’Université de pelle la légitimité, mais qui ne facilitent Genève, qui travaille avec des personnes pas toujours l’inclusion des allié.e.x.s dans près d’une demi-heure, sans marginalisées pour les aider à mieux com- la lutte pour les droits des personnes quitter son public des yeux, prendre leur situation juridique. Nos re- LGBT*IQ+. elle prononça l’un des discours cherches ont permis la publication d’une brochure2, ainsi que la rédaction d’un pro- Vers une société plus inclusive les plus mémorables de notre jet de loi cantonale unique en Suisse, qui époque. sera normalement publié par le Conseil Ce qui compte, c’est d’avancer vers une so- d’État à la rentrée. ciété plus inclusive. Chaque personne qui À 19 ans, j’ignorais jusqu’à l’existence prend conscience de l’injustice de notre même des personnes trans* et intersexes, Dans un second temps, j’ai orienté mon société est un pas dans la bonne direction. tout comme l’ampleur des discriminations parcours associatif vers la lutte contre les Et pour atteindre une oreille attentive, vécues par les personnes LGBT*IQ+. En discriminations LGBT*IQ+. J’ai participé accompagner une remise en question ou effet, on nous présente constamment des au projet Change la Suisse de la Fédéra- même insuffler l’indignation contre l’ordre stéréotypes de genre sans jamais nous lais- tion Suisse des Parlements de Jeunes, qui établi, nul besoin d’une Christiane Taubira. ser voir celleux qui en sont exclu.e.x.s, ni permet aux jeunes du pays d’envoyer des Chacun.e.x d’entre nous en est capable. nous autoriser à les déconstruire. J’ai dé- propositions politiques aux 11 plus jeunes cidé de prêter mes forces à la lutte contre élu.e.s fédéraux.ales. Ma proposition d’in- les inégalités, et combattre tant mon igno- terdire les mutilations génitales pratiquées rance que celle des autres. sur des enfants intersexes fut retenue puis relayée par la socialiste vaudoise Rebecca Écouter puis agir Ruiz dans un postulat3, approuvé le 17 sep- tembre 2018 par le Conseil national. En réalité, j’allais bien vite en besogne. L’homophobie et la trans*phobie sont trop Dépôt d’objets parlementaires insidieuses pour fuir à l’arrivée du premier progressiste indigné.1 Pour devenir un allié Enfin, après avoir aidé l’association suisse de la cause, il me fallait d’abord apprendre, des personnes intersexes ( InterAction ) à 1. Je constate par ailleurs en écrivant ces lignes que écrire ses statuts, j’ai pu, suite à mon élec- Microsoft Word ne connaît pas les termes « intersexe » mais surtout écouter. Car devenir allié.e.x et « transphobe ». est un processus lent, qui ne peut se pas- tion au Grand Conseil, bénéficier de ses ser de l’avis de personnes concernées. conseils pour rédiger une motion4 s’oppo- 2. Lire ici : www.unige.ch/droit/files/1415/3975/9992/ droits-lgbt-2018.pdf. Mais celles-ci refusent souvent d’évoquer sant aux mutilations génitales pratiquées les discriminations qu’elles subissent sur des enfants intersexes. Et le 10 avril 3. Lire ici: www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia- 2019, pour la première fois en Suisse, un vista/geschaeft?AffairId=20174185. ( cela implique régulièrement de parler de leur intimité ) devant des personnes non- texte parlementaire en faveur des droits 4. Lire ici: http://ge.ch/grandconseil/data/loisvotee/ concernées, ce qui est légitime. intersexes fut adopté à l’unanimité des MV02541.pdf. élu.e.s.
10 DIVERSITÉS AU TRAVAIL : TOUJOURS TABOU ? ENTRETIEN OLIVIA BESSAT Faire ou non son coming out doit en aucun cas faire l’objet de questions hétérosexualité, voire une binarité de lors de l’entretien d’embauche. On ne fait façade, mais on n’a jamais abordé la ques- en contexte professionnel, telle aucune statistique sur les personnes LGB- tion en termes de gestion de ressources est la question. Après avoir TIQ+ au sein du personnel. Je n’ai jamais humaines. On mettait en place des observé d’estampillage ni de mise de côté mesures de protection contre le harcèle- potassé le Guide « Travailler institutionnalisée. On peut l’interpréter de ment, la prostitution, mais pas de mesures la diversité » de la Fédération trois façons : soit la diversité va tellement inclusives. Peut-être un jour ? Genevoise des Associations de soi qu’on n’a aucunement besoin d’une politique spécifique envers les personnes On est plutôt dans une vision binaire de la LGBT ainsi que les « Droits des LGBTIQ+, soit elle est taboue, et on est diversité, plutôt que multiple ? personnes LGBT », guide de la plutôt dans un cas de figure don’t ask, don’t tell. La troisième option, c’est que De fait, je n’ai jamais observé de trai- Law Clinic de l’Université de les questions liées à l’orientation sexuelle tement particulier de la diversité et de Genève, nous avons rencontré tombent dans le cadre plus large de la l’intégration des personnes LGBTIQ+ Kenza Palomba, spécialiste des lutte contre toutes les discriminations dans les pratiques de l’entreprise ou et le harcèlement au sein du personnel. d’une organisation internationale. On a Ressources Humaines ayant Un traitement en soi plutôt « négatif », des cadres concernant le harcèlement, officié dans le recrutement et plutôt que dans l’affirmation de valeurs moral et sexuel et autres abus ; on a des d’inclusion et de validation. Ça reste un exigences claires en termes de parité dans la gestion de personnel pour sujet délicat. On peut se dire que ça relève l’humanitaire, mais rien de spécifique aux des plateformes pétrolières, de la sphère privée, qui n’interfère pas au questions LGBTIQ+, si ce n’est la présence puis dans l’humanitaire, his- niveau professionnel. de « toilettes inclusives » dans certains bâtiments peut-être... ça parait dérisoire. toire de lier principes et pra- On ferme un peu les yeux, en somme, mais tique. une évolution est-elle possible ? Les déclarations de principe sur la diver- sité et l’engagement au respect des Droits Ça me rappelle l’époque où je faisais humains impliquent que les programmes Olivia Bessat : Comment gère-t-on la di- du recrutement pour les plateformes de l’organisation puissent bénéficier à versité quand on s’occupe des ressources pétrolières. Il faut imaginer 200 à 500 toutes* et tous. On investit beaucoup humaines ? personnes en mer pendant 6 mois, confi- dans une approche prenant en compte les nées. À l’époque, aucune femme n’était questions de genre, en faveur de la parité Kenza Palomba : Pour moi il existe un présente sur les plateformes, à part en matière de ressources humaines, ce paradoxe majeur entre la proclamation une infirmière à la rigueur. Les choses qui est un remarquable progrès. Est-ce publique de grands principes1, dont changent maintenant, et c’est tant mieux. que c’est un pas vers la protection large de font partie le respect de la diversité et Pour ce qui est des questions LGBTIQ+, on toutes* et tous, des personnes cisgenres, l’absence d’entrée en matière sur les n’en a jamais fait aucune mention. C’est des personnes LGBTIQ+ ? Certainement. questions liées aux personnes LGBT, à un environnement très rude, un véritable Mais là encore, on n’aborde pas l’orienta- plus forte raison LGBTIQ+, dans la gestion cas d’école pour la culture ultra-virile, tra- tion sexuelle de façon frontale. Ça rend quotidienne des ressources humaines, ditionnellement entendue comme hostile aussi l’homophobie plus pernicieuse, plus en tout cas pour les organismes privés et aux personnes LGBTIQ+. On imagine bien, difficile à détecter, donc plus difficile à publics pour lesquels j’ai travaillé. Évidem- même statistiquement, qu’on avait une combattre. ment, l’orientation sexuelle n’est et ne
11 Comment gère-t-on le déploiement de beaucoup dans des organismes employant personnel dans des pays pour lesquels des personnes du monde entier, témoin l’homosexualité est un crime ? de ce qu’on pourrait appeler de « l’homo- phobie ordinaire ». C’est souvent un clash On ne prend aucunement en compte de culture absolu, qu’il est très difficile de l’orientation sexuelle d’une personne dans réconcilier et de même faire admettre à la son recrutement. Le principe de base, personne, malgré le fait que l’homophobie pour un déploiement, c’est de respecter aille à l’encontre de tous les principes de la loi dans le pays dans lequel la personne l’organisation pour laquelle elle travaille. est affectée. On parle très souvent de Dans tous les cas, au-delà d’un cadre de la consommation d’alcool dans les pays protection des personnes LGBTIQ+, des « secs », qui fait l’objet de sanction en cas campagnes de sensibilisation au sein du de problème. J’avoue que je n’ai encore ja- personnel sur la protection et la tolé- mais eu de cas d’employé-e-s ayant eu des rance, envers les personnes LGBTIQ+ me relations homosexuelles sous le coup de paraitraient un vrai progrès pour que la la loi dans un des pays, où interviennent diversité soit vraiment respectée dans le les organismes humanitaires, condam- monde du travail. nant ces mêmes relations. Les personnes LGBTIQ+ s’auto-excluent peut-être d’une affectation dans ces pays. On n’a aucune visibilité non plus. 1. A noter que certaines institutions et entreprises, grandes comme petites, peuvent se déclarer LGBTIQ+ friendly, célébrer la Journée internationale de lutte Quid des sanctions des comportements contre l’homophobie et la transphobie, et participer et /ou sponsoriser des événements comme la Gay Pride. homophobes ? Même s’il existe un cadre de protection face au harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel, dénoncer et même prendre des sanctions demande un courage que beau- coup n’ont pas. Si en plus ce sont des hos- tilités en fonction de l’orientation sexuelle, qui ne fait très souvent l’objet d’aucune protection particulière, on peut imaginer une forme d’impunité. J’ai été, comme
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14 PINKSWASHING : UN CONCEPT EN CONSTRUCTION JORGE GAJARDO Que faisait l’entreprise phar- gay pour maquiller les pratiques israé- Accusée par Médecins sans frontières de liennes contre les Palestinien-ne-s. Voir traîner des pieds pour permettre l’accès maceutique ViiV à la Geneva page 26 le compte-rendu du livre Mirage d’un médicament contre le VIH chez les Pride du 6 juillet dernier ? gay à Tel-Aviv. enfants dans les pays pauvres, ViiV a pour- tant profité de la Pride genevoise pour lis- Réponse : du pinkwashing. Au contraire du greenwashing, bien plus ser son image sur le parcours de la Marche Le terme a bourgeonné cet connu, la notion de pinkwashing est encore des fiertés. Pour Youniss Mussa, l’« hypo- été à Genève pour dénoncer réservée à un cercle étroit des militant-e-s. crisie est évidente », mais il se demande Sans surprise, il apparait à intervalles régu- si la Geneva Pride aurait pu avoir lieu sans le sponsoring de l’évènement, liers depuis 2012, dans les pages du maga- l’argent des privés. Même certitude de qui a duré une semaine, par zine communautaire 360°, comme dans Lorena Parini : « Organiser une Pride d’une le quotidien genevois Le Courrier, qui suit semaine entière coûte de l’argent, en par- des multinationales au profil l’évolution du mot dans sept articles en ticulier les frais de sécurité. Or les subven- surprenant. Même la Ville a huit ans. Il est beaucoup plus rare dans la tions des pouvoirs publics sont loin d’être été accusée de pinkwashing, grande presse. Sur le site de la Tribune de suffisantes pour couvrir tous les frais ». Genève, pinkwashing est soudainement entrainant un débat sur le apparu cette année, après avoir longtemps Genève la prude fait sa Pride sens du mot. Nous faisons été relégué dans sa section des blogueur-e- s. Sur le site du Temps, pinkwashing a été le point avec Lorena Parini, Toujours pendant la Geneva Pride 2019, écrit une fois par une journaliste, en 2016, l’opération ( sans doute nocturne ) qui a co- professeure en études genres puis plus rien. loré le Mur des réformateurs aux couleurs à l’Université de Genève et de l’arc-en-ciel a été revendiquée anony- Et pourtant, les accusations de pin- mement pour dénoncer la récupération de co-présidente de la Fédération kwashing ébranlent l’ambiance des Prides la cause LGBTIQ+ par la Ville de Genève. En genevoise des associations en Suisse. En cause, non seulement le sou- effet, profitant aussi de la Pride, la munici- tien financier de certaines multinationales, LGBT, et avec notre camarade palité de Genève avait organisé une expo- mais aussi l’empressement avec lequel sition de photographies pour afficher en Youniss Mussa, député sup- les organisateur-trice-s vont les chercher, grand format sa fierté de « son » histoire pléant au parlement genevois, avec en main une liste de critères manifes- LGBTIQ+, ce qui en a froissé plus d’un-e. tement très ouverts qui permettent à des Les vénérables barbus, associés à tort ou à co-président du groupe Égalité entreprises, au profil éthique peu reluisant, raison à la réputation d’une ville prude, ont du Parti socialiste genevois. de prendre part à la fête. Youniss Mussa alors payé de leur personne l’audace de la fait remarquer que les politiques d’inclu- Ville. En Suisse : un mot militant sion LGBTIQ+ dans les multinationales se limitent bien souvent aux cadres. Il n’est La Ville affiche « son histoire » LGBTIQ+. Le terme pinkwashing est apparu dans les pas certain qu’il en soit ainsi en bas de la C’est sans doute exagéré. Qu’on rappelle années nonante pour dénoncer l’instru- chaîne de production. « Les conditions de que Genève a accueilli sa première Gay and mentalisation du cancer du sein par une travail des personnes exploitées par les Lesbian Pride en 1997, alors qu’à Zurich la entreprise pharmaceutique. Il désigne de- multinationales n’ont rien d’égalitaire et manifestation a lieu chaque année depuis puis lors un outil de marketing que les en- l’image cool ne change pas cette réalité. Ces le milieu des années 1980, et on com- treprises utilisent pour faire contrepoids à multinationales évitent soigneusement prend que l’histoire genevoise de la diver- leur mauvaise réputation. Des multinatio- d’appliquer leur politique de diversité et sité de genre est encore jeune. À la suite nales du tabac peuvent vanter à certaines inclusion dans des pays qui discriminent des gays, les lesbiennes ont émergé très occasions leurs chartes de ressources hu- voire condamnent l’homosexualité ». progressivement dans le discours public. maines ouvertes à la diversité. Par ailleurs, Aujourd’hui, l’invisibilisation persiste dans depuis 2006, le groupe californien Queers On le sait, l’image véhiculée par les mul- d’autres orientations sexuelles. Comme Undermining Israeli Terrorism ( QUIT ! ) tinationales est souvent différente des le souligne Lorena Parini, la diversité de dénonce l’instrumentalisation de la cause pratiques. ViiV Healthcare, par exemple. genre est devenue une politique de la Ville
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