Charge mentale de travail : définitions et facteurs déterminants - IND6406 Ergonomie cognitive Jean-Marc Robert, Ph. D. Dép. de mathématiques et ...
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IND6406 Ergonomie cognitive Charge mentale de travail : définitions et facteurs déterminants Jean-Marc Robert, Ph. D. Dép. de mathématiques et de génie industriel Le 30 janvier 2018 1
Charge mentale de travail ou Charge de travail mental ? . 2
Les 3 composantes de la charge de travail • Charge physique – conséquence de l’effort physique à fournir pour marcher/courir, porter, soulever, tirer, pousser, serrer, manipuler, adopter /maintenir une posture, maintenir une cadence, etc. – conséquence des facteurs environnants : bruit, température, humidité, poussière, produits toxiques, odeur, … Charge mentale : • Charge cognitive – conséquence de l’effort mental à fournir pour mémoriser, calculer, anticiper, choisir, être attentif, traiter des problèmes, prendre des décisions, … • Charge psychique ou émotionnelle – conséquence de ce qu’il faut endosser, endurer, cacher, feindre, etc. Par ex., les tensions répétées avec le public, des collègues, ou le patron, le contact avec la souffrance, le travail dans des milieux difficiles (ex., urgence d’hôpital, abattoirs) 3
Charge mentale = charge cognitive + charge psychique Charge mentale Charge cognitive Charge psychique - Charge de concentration - Tristesse (ex., mort) - Charge visuelle, auditive, … - Crainte, peur (insécurité) - Charge mnémonique - Stress - Charge de coordination (ex., œil/main) - Contacts sociaux négatifs - Charge de traitement (ex., calcul mental) - Ne pas aimer son travail - Charge de direction -… 4
Notions reliées à la charge mentale • Tâches et Activités • Modes opératoires de travail (façon de faire) • Contraintes de travail • Capacité cognitive • Ressources mentales ou attentionnelles • Effort mental • Coût cognitif • Charge attentionnelle • Astreinte mentale • Performance • Aspects émotifs ou affectifs • Pénibilité 5
ISO 10075 sur la charge mentale de travail (sous la responsabilité directe du TC 159/SC 1 Secrétariat) • ISO 10075:1991 - Principes ergonomiques concernant la charge de travail mental -- Termes généraux et leurs définitions • ISO 10075-2:1996 - Principes ergonomiques relatifs à la charge de travail mental -- Partie 2: Principes de conception • ISO 10075-3:2004 - Principes ergonomiques relatifs à la charge de travail mental -- Partie 3: Principes et exigences concernant les méthodes de mesurage et d'évaluation de la charge de travail mental 6
Définition Charge mentale de travail Le degré de mobilisation du sujet, la fraction de sa capacité de travail qu’il investit dans sa tâche. Jacques Leplat et Pailhous (1969) 7
Définition Charge mentale de travail La charge de travail exprime … “les effets sur l’organisme du poids que l’homme porte sur ses épaules, au propre et au figuré, à l’occasion du travail qui lui permet de vivre et de tenir sa place dans la société, en y assumant toutes ses responsabilités, compte tenu de ce qu’il est et du milieu qu l’entoure ”. Hughes Monod et Françoise Lille (1976) 8
Définition Charge mentale de travail Nous avons plutôt tendance à considérer la charge mentale comme la résultante des effets qu’ont sur les activités mentales ou sur les organes qui sont le siège de l’activité psychique de l’individu, les facteurs de travail quels qu’ils soient. En ce sens, la charge mentale est principalement liée aux états de stress. Lucas (1980) 9
Définition Charge mentale de travail La mesure quantitative ou qualitative du niveau d’activité nécessaire à l’accomplissement d’un travail donné. Jean-Claude Sperandio (1980) La charge mentale réfère à la quantité de ressources mentales à mobiliser pour effectuer une tâche. « De façon très schématique, la charge mentale pourrait être résumée à l’ensemble des sollicitations du cerveau pendant l’exécution du travail ». Les éditions Tissot, Site consulté le 7-2-2017 10
Définition Charge mentale de travail Un construit multidimensionnel qui peut largement s’expliquer par 3 facteurs : la charge liée au temps, la charge liée à l’effort mental, et la charge de stress psychologique. Reed & Nygren (1981) Créateurs du SWAT (Subjective Workload Assessment Technique) 11
Définition Charge mentale de travail Le concept de charge mentale se définit fondamentalement en termes de relation entre l’offre (ressources disponibles) et la demande (exigences). Christopher D. Wickens (1984) 12
Définition Charge mentale de travail Un de ces concepts qui se comprend bien en général mais qui est difficile à définir de façon particulière. C’est un construit hypothétique représentant le coût pour un humain d’accomplir une tâche avec un certain niveau de performance. Sandra Hart (1988) (NASA) Créatrice de l’outil NASA-TLX (Task Load Index) 13
Définition Charge mentale de travail • Workload is a construct that reflects the interaction of such elements as task and system demands, operator processing capabilities and effort, subjective performance criteria, operator information processing behavior and strategies and finally, operator training and prior experience. N. Meshkati (1988) Charge = F (Exigences de la tâche x Individu x Critères de performance x Stratégies x Formation x Expérience) 14
Définition Charge mentale de travail • Planning, setting priorities, establishing a schedule, allocating effort, focusing attention on certain tasks, ignoring others. As a result of this adjustment, the pilot experiences some mental and physical demands, which we call workload, but the workload experienced at one moment in time is used to continuously adjust performance, establish priority, and change task scheduling. This model addresses the fact that when people are underloaded they pick up tasks and when overloaded they shed tasks. K. Cardosi (1993) 15
Définition Charge mentale de travail • Nous proposons donc de considérer la charge cognitive liée à la réalisation d’une tâche donnée comme le niveau d’effort mental (la quantité de ressources) requis pour la réalisation d’une tâche, pour un individu donné. Tricot et Chanquoy (1996) 16
Charge psychique de travail Une notion mal définie, qui relève du domaine affectif plutôt que cognitif et qui évoque toutes les retombées négatives, toutes les pollutions qui peuvent accompagner les activités intellectuelles dans le travail. – Facteurs mis en cause : anxiété, angoisse, contraintes de temps ou de délai, répétition et monotonie du travail, interruption du travail, poids de la hiérarchie, etc. J.-C. Sperandio (1980) 17
Charge psychique au travail ou charge émotionnelle • La charge psychique de travail concerne tout ce qui est autour de la charge émotionnelle, tout ce qui est pesant et source d’anxiété avec comme conséquence habituelle des troubles anxieux, des troubles du sommeil, des troubles de l’humeur au premier rang desquels se trouve la dépression. Le figaro.fr consulté le 7 février 2017 18
Critiques des définitions de la charge mentale - Elles se limitent à des tâches délimitées dans le temps : ex., préparer un examen, faire une mission militaire - Elles ne tiennent pas compte de l’obligation de devoir penser tout le temps à ce que l’on doit faire, de devoir penser à tout, et de tout coordonner. - Ex.: le travail d’un chef d’entreprise, les tâches d’un parent 19
Contraintes et astreintes de travail • Contrainte : la tâche à faire et les conditions dans lesquelles elle doit être faite. – Par ex. : traduire un texte de 10 pages anglais-français, seul, avec accès Internet, avec utilisation des outils de son choix (ex., banques terminologiques, dictionnaires), en 24 heures, avec un très haut standard de qualité. • Astreinte : l’ensemble des conséquences de la contrainte sur l’opérateur. Elle dépend directement de l’activité mise en jeu pour répondre à la contrainte, en fonction des circonstances et des caractéristiques individuelles. Elle peut être d’ordre physiologique ou psychologique. – Elle peut varier grandement d’un individu à l’autre selon les aptitudes, l’expérience, le niveau de compétence et la performance visée. 20
Les exigences du travail • Elles porte sur différents aspects: – Aptitudes personnelles (ex., coordination motrice, cognition spatiale, élocution, excellente mémoire, avoir l’audition absolue, esprit de synthèse) – connaissances (ex., ergonomie, ergonomie cognitive, charge mentale de travail, NASA-TLX) – Savoir-faire ou habiletés (ex., taper 100 mots/min, savoir jongler, faire du calcul mental rapide, aiguiser des couteaux) – Qualités personnelles (ex., leadership, charisme, entregent, capacité d’établir et de maintenir de bonnes relations interpersonnelles) – Savoir-être (ex., savoir se comporter de façon appropriée dans des situations stressantes, garder son sang-froid) – Style cognitif (ex., visuel vs auditif; pensée divergente vs convergente) – Intérêt personnel (ex., pour le travail d’équipe, avec le public, avec des jeunes) 21
Le stress • Conséquence du déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement, et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face. (Agence Européenne pour la Sécurité et la santé au travail) 22
Pourquoi étudier la charge mentale de travail ? (1/2) • Prédire la performance des systèmes humains-machines et socio-techniques • Évaluer les exigences d’une mission (ex., militaire) et s’assurer de bons résultats • Avoir des niveaux de charge acceptables pour les opérateurs : ni sous-charge, ni surcharge • Préserver la main-d’œuvre : éviter les excès de fatigue, de stress, d’épuisement, d’insatisfaction, … • Prévenir les erreurs, les défaillances , les accidents 23
Pourquoi étudier la charge mentale de travail ? (2/2) - Définir et organiser le travail : - le nombre d’opérateurs, les responsabilités de chacun, le mode d’organisation, … - Certifier un nouveau système - par ex., permet-il d’accomplir une mission de façon efficiente et en toute sécurité ? - Comparer les niveaux d’exigences (en terme de charge de travail) des postes de travail , des machines, des modes de production, des dispositifs d’entrée de données et de présentation, … - Aider à régler des conflits à propos des exigences de certains postes de travail. 24
Catégories de facteurs déterminant la charge de travail • Relatifs à la situation de travail – Environnement physique • éclairage, bruit, ambiance thermique, vibration, altitude, … – Aménagement physique du poste • dispositifs de présentation des informations, dispositifs de commandes, compatibilité signaux-réponses, aides au travail,... – Organisation du travail • contrainte temporelle, intensité des cadences, degré d’asservissement au rythme collectif, tâches simultanées, rigidité des modes opératoires assignés, etc. 25
Facteurs déterminant la charge de travail • Relatifs à la personne – Niveau de formation, expérience de travail, état de fatigue ou se santé, certains traits de personnalité, l’attitude devant la tâche, l’âge, ... 26
Facteurs déterminant la charge de travail • Relatifs au milieu - L’environnement social immédiat : - Ex., degré d’insertion dans le groupe, les communications avec les autres, … - Les caractéristiques de la vie hors travail - les conditions familiales, de logement, de transport, les activités extra-professionnelles, etc. 27
Liste de vérification du travail mental pour le concepteur (1/4) (Johannssen, Moray, Pew, Rasmussen, Sansers, Wickens 1979) 1. Structure et qualité de l’intrant - Vitesse de présentation - au delà d’un certain niveau (non absolu car il varie selon les individus, la pratique, les stratégies employées, la personnalité, …): diminue la performance, augmente la charge. - Nombre de sources indépendantes - réduit la performance, augmente la charge - Prévisibilité et vue anticipée - améliore la performance et réduit la charge - Formation d’une vue d’ensemble - améliore la performance, réduit la charge - Sources correlées - améliorent la performance, réduit la charge. 28
Liste de vérification du travail mental pour le concepteur (2/4) (Johannssen, Moray, Pew, Rasmussen, Sansers, Wickens 1979) 2. Charge mnémonique - Maintenir des informations dans la mémoire de travail diminue la performance et accroît la charge. 29
Liste de vérification du travail mental pour le concepteur (3/4) (Johannssen, Moray, Pew, Rasmussen, Sansers, Wickens 1979) 3. Calcul et transformations d’informations – Les calculs, transformations ou traductions de l’intrant réduisent la performance et augmentent la charge. – Assurer la direction : diminue la performance, augmente la charge – Les caractéristiques hétérogènes : diminuent la performance, augmentent la charge Les délais à l’intérieur d’une boucle de contrôle : diminuent la performance, augmentent la charge. 30
Liste de vérification du travail mental pour le concepteur (4/4) (Johannssen, Moray, Pew, Rasmussen, Sansers, Wickens 1979) 4. Pratique - améliore la performance, diminue la charge (si elle est trop basse, cela peut provoquer de l’ennui) 5. Stabilité du système - l’instabilité réduit la performance, augmente la charge 6. Perception des erreurs - une bonne qualité de présentation des erreurs améliore la performance ; la perception des erreurs peut augmenter ou diminuer la charge. 31
Critères pour juger si les méthodes de mesure de la charge sont applicables à l ’industrie acceptable pour les opérateurs standardisée répétée facilement facile à enseigner données obtenues avec peu d'effort, de façon économique données faciles à interpréter 32
Critères de qualité des méthodes de mesure de la charge mentale • Validité : bien mesurer la charge, toute la charge et rien que la charge. • Fidélité : on obtient les mêmes mesures d’une fois à l’autre si on travaille dans les mêmes conditions. • Sensibilité : sensible aux changements de niveaux. • Diagnosticité : indique ce qui cause la charge. • Sélectivité (un sous-point de diagnosticité): sensible aux différents types de demandes. • Obstruction : ne pas perturber la façon de faire la tâche ou la performance de l’opérateur. • Étendue : donner rapidement la mesure de la charge. 33
Notions à la base des méthodes de mesure de la charge • capacité totale de travail (ressources globales) – capacité utilisée (ressources utilisées = x %) – capacité résiduelle (ressources inutilisées = y % ) Capacité résiduelle = Capacité totale (100%) Capacité de travail utilisée par la tâche 34
Capacité totale de travail • Croit avec l’apprentissage et l’expérience acquise tout au long de la vie pcq nous acquérons des connaissances, des stratégies ou modes opératoires, nous voyons les priorités, nous avons d’autres critères de jugement, etc. • Diminue avec le vieillissement cognitif (mais compensé par les stratégies) • Est stable sur de courtes périodes de vie • Est considérée comme stable lorsqu’on mesure la charge mentale de travail 35
Observations sur la charge mentale (1/2) La notion de charge mentale de travail n’a de sens que si on tient compte des 3 réalités suivantes : – nous avons tous une capacité de travail limitée • facteurs déterminants : aptitudes personnelles, formation, expérience, ambitions, personnalité, etc. ; • Ex. : la capacité limite de la MCT (pour une reproduction parfaire après 1 seule présentation): environ 7 chiffres ou 6 lettres – nous voulons (ou devons) accomplir la tâche en respectant des critères de qualité et de sécurité – nous visons un certain niveau de performance (ex., être le meilleur du groupe) 36
Observations sur la charge mentale (2/2) • Il existe en général des limites à toute performance : il n’est pas possible de faire plus ou mieux. • L’exécution simultanée de plusieurs tâches, même si chacune est facilement exécutable seule, peut devenir impossible (voir le cube de Wickens). • L’exécution de plusieurs tâches en parallèle demande de la coordination qui mobilise des ressources mentales (l’équivalent de frais de gestion) • Selon la nature de la tâche, ses conditions d’exécution, l’état de celui qui l’exécute, l’effort à déployer est plus ou moins grand pour arriver à un même résultat 37
Modèles théoriques sous-jacents aux méthodes de mesure qui sont basées sur des données comportementales • Modèle behavioriste – les intrants : tâche, contraintes de travail, conditions de travail – les extrants: la production • Modèle cognitiviste – On s’intéresse au traitement fait par la personne N.B.: L’humain est considéré comme un canal de transmission d’information à capacité limitée 38
Le modèle de la théorie de l’information: un rapport entre l’information émise et l’info transmise. Extrant / Production Charge Intrant / Contraintes de travail / Tâche (ex., nombre d’avions à contrôler) Figure 1 : Relation entre les intrants et les extrants du travail. 39
The Inverted-U relationship between pressure and performance 40
Références • ESTRYN-BEHAR M, FOUILLOT J. P. Etude de la charge mentale et approche de la charge psychique du personnel soignant. INRS DMT42TL6 http://www.inrs.fr/htm/etude_la_charge_mentale_approche_la_charge.html • ISO 10075:1991 - Principes ergonomiques concernant la charge de travail mental -- Termes généraux et leurs définitions. • ISO 10075-2:1996 - Principes ergonomiques relatifs à la charge de travail mental -- Partie 2: Principes de conception. • ISO 10075-3:2004 - Principes ergonomiques relatifs à la charge de travail mental -- Partie 3: Principes et exigences concernant les méthodes de mesurage et d'évaluation de la charge de travail mental. • Leplat, J. (2002). Éléments pour une histoire de la notion de charge mentale (Chap. 1), dans Jourdan, M., Theureau, J. (Coord.). Charge mentale : notion floue et vrai problème. Octarès, Toulouse, p. 27- 40. • Sperandio, J.-C. (1980). La psychologie en ergonomie. Paris : PUF. • SZEKELY J. - L’évaluation de la charge mentale dans le cadre de l’étude et de l’aménagement des conditions de travail. Théorie, mesure, application. Vandoeuvre lès Nancy, INRS, note scientifique et technique • Young, M.S., et al. (2015). State of science: mental workload in ergonomics. Ergonomics, 58(1), 1- 17. 41
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