CHIFFRER, DÉCHIFFRER LES VILLES - Fnau
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CHIFFRER, DÉCHIFFRER Revue LES VILLES Face à l’importance des mutations liées notamment à la métropolisa- tion, la transformation de notre compréhension des territoires, y com- pris à travers leur traduction chiffrée, est devenu un enjeu essentiel. En effet, alors que les politiques publiques prétendent agir sur l’or- ganisation et le fonctionnement des territoires, elles s’appuient de CHIFFRER, DÉCHIFFRER LES VILLES fait sur une certaine “représentation” de la réalité qui formatent ces politiques et réduisent parfois leur portée. À l’occasion de leur 33e rencontre nationale, organisée à Bordeaux - Cenon en novembre 2012, les agences d’urbanisme ont souhaité engager une réflexion sur la manière de combler les lacunes de l’ex- pertise territoriale et mobiliser les contributions des nombreux par- tenaires qui interagissent sur le territoire : usagers, chercheurs, opé- www.urbanisme.fr Hors série rateurs privés, journalistes… Avec le constat suivant : le politique est (aussi) dans les méthodes. Ce nouveau numéro hors série de la revue Urbanisme consacré aux “actes” de cette rencontre – le ving- tième réalisé en partenariat avec la FNAU – rend compte de cette n° 44 démarche et de ses premiers résultats qui visent à rapprocher les 20 € compétences aptes à renouveler ce que l’on appelle “l’intelligence territoriale”. OUR CITIES: FIGURING THINGS OUT In the light of current urban change and its reflection of an ongoing process of metropolisation, planners are under pressure to deepen their understanding of the various types of territories and of what statistics can tell us about them. While public sector policies claim to be influencing territorial organisation and functioning, they in fact rely on a certain “representation” of reality which tends to homoge- nise them and so reduce their scope and impact. n At their 33rd National Congress in Bordeaux in November ° 2012, France's town planning agencies considered how to fill the gaps in territorial expertise and mobilise contributions from the 4 many interacting partners concerned: users, researchers, the private 4 sector, journalists, etc. Their conclusion: policy (also) hinges on the methods used. This special issue of Urbanisme – the twentieth published in partnership with the National Federation of Town Planning Agencies – recapitulates the congress proceedings and comes up with a set of initial findings aimed at bringing together the skills needed to inject new life into “territorial intelligence”. www.urbanisme.fr I Hors série mars 2013 44 n°42 20 € FEDERATION NATIONALE DES AGENCES D'URBANISME n°
Avant-propos L’ÂGE DE L’INGÉNIERIE EN RÉSEAU Réunis à Bordeaux - Cenon pour la 33e rencontre Innovation. À travers cette 33e rencontre, nous avons nationale des agences d’urbanisme sur le thème constaté que de nouvelles pratiques de l’ingénierie “Chiffrer, déchiffrer la ville”, nous avions choisi de sont en incubation dans nombre de territoires, avec débattre des outils de mesure et des méthodes d’ac- des agences d’urbanisme “multipolaires”, organi- tion à l’œuvre sur le territoire. Mais nous nous sées pour répondre aux enjeux de systèmes urbains sommes également transformés en “arpenteurs” de associant agglomérations, villes moyennes, terri- la ville pour découvrir ensemble les coulisses de la toires périurbains, et travaillant en “bouquets d’ingé- métropolisation. nierie territoriale” ou en “réseaux d’agences” pour faire face aux défis des grands territoires métropoli- Le projet et les politiques locales sont aujourd’hui tains, régionaux ou transfrontaliers. L’émergence devenus une médiation, un processus négocié, qui d’une nouvelle expertise d’échelle nationale et euro- s’adapte à chaque contexte spécifique. Dans cette péenne, coproduite entre les collectivités et l’État, est période de préparation de l’acte III de la décentrali- une nouvelle exigence à laquelle contribue la FNAU sation, il faut sortir du “mythe du jardin à la fran- à travers le rassemblement de plusieurs associations çaise” où tous les territoires auraient vocation à être d’élus en un même lieu à Paris, dans une logique de gérés avec les mêmes méthodes et outils, dans la cluster territorial. Nous sommes ainsi entrés dans métropole bordelaise comme en Limousin ou en Île- l’âge de l’ingénierie en réseau, ce dont rend compte de-France. Nous entrons plutôt dans une période de largement ce nouveau numéro hors série publié en “sur-mesure territorial”, avec un enjeu de réarme- partenariat entre la FNAU et la revue Urbanisme. ment intellectuel de la puissance publique. Vincent Feltesse, Le réseau des agences d’urbanisme doit plus que député de la Gironde jamais se mettre au cœur de ces changements. En président de la Communauté urbaine prenant la présidence de la FNAU, j’ai misé sur un de Bordeaux, “PARI” gagnant : Partenariat, Acculturation, Réseau, président de la FNAU The Age of Networked Engineering For the 33rd National Congress of French Town than ever, France's town planning agencies must be Planning Agencies in Cenon, one of the twenty-seven core players in a changing world. What we learnt from municipalities making up the Bordeaux Urban the Congress is that new territorial engineering prac- Community, we had decided that the focus would be tices are indeed emerging; and for this we can thank current measurement tools and modes of action. Our multipolar planning agencies equipped to respond to Cities: Figuring Things Out was how we summed up the issues raised by metropolitan areas, medium-sized the theme. But we had also resolved to become "sur- cities and periurban territories, and working as "terri- veyors" of the city of today, out to discover together torial engineering clusters" and "agency networks" to the behind-the-scenes side of metropolisation. meet the challenges of metropolitan, regional and The urban project and local policies have now crossborder territories. become a negotiated process adaptable to each spe- A new kind of expertise on a national and European cific context. In the run-up to act III of France's decen- scale, jointly produced by local government and the tralisation process, we have to abandon the "formal state, is a basic requirement; and the FNAU is currently garden" myth and its application of identical manage- honing its contribution by bringing together a number ment methods and tools to every territory, from of politicians' associations in Paris, as a kind of territo- Bordeaux's metropolis to the Limousin Region to the rial cluster. So we have entered the age of networked Ile-de-France. We're now moving into an era of the engineering, as this special issue of Urbanisme, publi- "made to measure" that means the public sector has shed in partnership with the FNAU, makes abundantly to smarten up its intellectual arsenal. clear. When I accepted the job of FNAU president I was Vincent Feltesse, member of parliament for Gironde betting on a winning combination: Partnerships, president of the Bordeaux Urban Community Acculturation, Networking and Innovation. Now more president of the FNAU mars 2013 - HORS SÉRIE n° 44 / URBANISME / 3
SOMMAIRE CONTENTS P.3 L’âge de l’ingénierie en réseau P.40 L’université, acteur de la ville (et réciproquement) P.3 The Age of Networked Engineering P.40 The university as actor in the city (and vice versa) par Vincent Feltesse, président de la FNAU Synthèse par Pierre Gras Vincent Feltesse, FNAU president Roundup by Pierre Gras > Opération campus : une ingénierie originale > Operation campus: innovative engineering > Une convention signée avec la conférence des présidents > FNAU signs a contract with the universities OUVERTURE d’université KEYNOTE CONSIDERATIONS P.44 The delights of (re)search P.7 Imaginer les outils pertinents de l’avenir P.44 Au bonheur de (re)chercher P.7 Relevant tools for the future As seen by Emmanuelle Quiniou Le point de vue d’Emmanuelle Quiniou par Pierre Gras par Pierre Gras P.46 Data that model us… P.11 > Regards d’experts P.46 Ces données qui nous modèlent… P.11 > The expert eye As seen by Tristan Guilloux, Cécile Féré, L’urbanisme submergé par un tsunami d’informations ? Les points de vue croisés de Tristan Guilloux, Cécile Féré, Is urbanism drowning in a tsunami of information? Cyprien Richer & Daniel Zobele Cyprien Richer et Daniel Zobele Synthèse par Richard Quincerot Roundup by Richard Quincerot P.48 Media narrative and professional communication P.13 > Table ronde P.48 Récit médiatique et communication professionnelle P.13 > Round Table As seen by Antoine Loubière Le regard d’Antoine Loubière En bonne intelligence (territoriale) On good (territorial) terms P.50 Feedback from large territories Synthèse par Olivier Réal P.50 Grands territoires, retour d’expériences Roundup by Olivier Réal Roundup by Richard Quincerot Synthèse par Richard Quincerot P.15 Résumé anglais P.15 English abstract P.52 Territories in good health P.52 Territoires en bonne santé Roundup by Florence Sorrentino BORDEAUX MÉTROPOLE AQUITAINE Synthèse par Florence Sorrentino BORDEAUX MÉTROPOLE AQUITAINE P.54 People and water: towards a new local contract? P.54 L’homme et l’eau : vers un nouveau contrat local ? As seen by Gérard Blanc P.17 > Fil bleu Le regard de Gérard Blanc P.17 > Blue Strand Le Grand territoire bordelais, côté estuaire Bordeaux and its estuary P.56 English abstract par Richard Quincerot, reportage en images de Serge Mouraret P.56 Résumé anglais Richard Quincerot. Image sequence by Serge Mouraret P.19 > Enjeux P.19 > Issues LOOKING TO THE FUTURE Bordeaux, métropole en projet(s) PERSPECTIVES Bordeaux: a metropolis and its project(s) par Pierre Gras et Olivier Réal Pierre Gras P.60 > Roundup P.60 > Synthèse Pioneering Terra incognita for the benefit P.22 > Démarches Défricher la Terra incognita au bénéfice du monde connu P.22 > Approaches of the known world Le politique est aussi dans les méthodes Par Olivier Réal Dialogue: a tool for competitiveness Par Olivier Réal > 50 000 logements : doubler le rythme annuel > Quand les prix de thèse font l’éloge (ou la critique) de l’ailleurs and transversality > Urban studies prizes: in praise (but not always) of other places et produire autrement > 50,000 housing units: doubling the annual rate, P.62 > Table ronde and doing things differently P.62 > Round table P.25 > Image Changer de techniques, de méthodes The elusive definition of ideal engineering L’art dans la ville, ou l’art de la ville ? ou de modèles ? P.25 > Images Roundup by Pascale Decressac par Pascale Decressac reportage en images de Serge Mouraret Synthèse par Richard Quincerot Art in the city or the art of the city? Pascale Decressac. Image sequence by Serge Mouraret P.64 > Round table P.27 Résumé anglais P.64 > Table ronde The elusive definition of ideal engineering L’introuvable définition de l’ingénierie idéale P.27 English abstract Roundup by Pascale Decressac PANORAMA DES ATELIERS Synthèse par Pascale Decressac P.66 > Challenges P.66 > Défis THE WORKSHOPS: AN OVERVIEW Vincent Feltesse addresses the city planning P.29 Ville numérique : “urbaniser” les technologies ? Vincent Feltesse : agencies: "Innovation is fundamental" Synthèse par Olivier Réal “L’innovation est fondamentale” P.29 Digital city: "urbanising" technology? > Mérignac, réalité augmentée Roundup by Olivier Réal P.67 English abstract P.67 Résumé anglais > Mérignac: augmented reality P.31 La prospective, un instrument multiforme P.69 THE CONGRESS PHOTO ALBUM au service des territoires P.68 L’ALBUM PHOTO DE LA RENCONTRE P.31 Prospection: a multifaceted territorial tool P.69 BRIEF BIBLIOGRAPHY Le point de vue de Damien Denizot P.69 PETIT ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE RAISONNÉE As seen by Damien Denizot P.33 Saisir toute la complexité des modes de vie P.33 Lifestyles in all their complexity Le point de vue de Georges-Henry Laffont As seen by Georges-Henri Laffont P.35 Programmer l’habitat, entre innovation locale P.35 The living environment: from local innovation et articulation nationale to national structuring Synthèse par Sofia Guevara et Lucille Laurin Roundup by Sofia Guevara & Lucille Laurin > “Habiter” : un outil de suivi de la production de logement > “Settling in”: a tool for monitoring housing production P.37 L’entre-deux périurbain en quête d’identité P.37 The periurban: an interspace in search of identity Synthèse par Pascale Decressac Roundup by Pascale Decressac > Créon, l’avenir du périurbain ? > Créon: the future of the periurban? 4 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 44 - mars 2013 mars 2013 - HORS SÉRIE n° 44 / URBANISME / 5
Ouverture IMAGINER LES OUTILS PERTINENTS DE L’AVENIR La 33e rencontre nationale des agences d’urbanisme a parfaitement illustré l’ef- fort collectif, du côté de l’État comme du côté des agences et de leurs parte- naires, pour “changer de lunettes” et inventer les “outils pertinents” de l’action publique dans le futur, dont la nouvelle intelligence territoriale ne manquera pas de s’emparer. Une étape indispensable pour “marquer le territoire” des agences. Accueillant les quelque 850 participants au nom jets urbains /2 . Philippe Estèbe, animateur des d’Alain David, maire de Cenon, retenu par d’autres séances plénières/3, a invité les personnalités pré- obligations, Jean-Marc Offner a évoqué le lieu de la sentes lors de la séance d’ouverture à “une analyse rencontre, Le Rocher de Palmer, espace original fine des pratiques et des méthodes” dans la perspec- consacré aux musiques du monde et dont le direc- tive de “nouvelles intelligences territoriales” à inven- teur de l’agence d’urbanisme de Bordeaux métropole ter /4. Plusieurs de ces experts ont évoqué, à l’instar Aquitaine a souligné qu’il contribuait à “un change- de Michel Desvigne, Grand Prix de l’urbanisme en ment de regard sur la rive droite de l’agglomération 2011, le “tapis d’études” et le “mille-feuilles institu- bordelaise”. tionnel” qui brident l’imagination ainsi que la recherche vaine d’une “échelle pertinente” qui l’ac- Imaginer l’avenir compagne généralement. Entre accords et désac- Le regard porté sur l’agglomération a lui-même mûri. cords, notamment sur le rôle exact des nouvelles Quatorze ans après une précédente rencontre des technologies, Internet et autres GPS dans la produc- agences à Bordeaux /1, le président de la FNAU et de tion de la ville, ce “dire d’experts” a eu le mérite de 1/ la Communauté urbaine de Bordeaux, Vincent Feltesse, cerner le champ des possibles en matière de Cf. le hors série de la revue Urbanisme, a pu observer le chemin parcouru. Tout d’abord en appré- recherche ou d’innovation urbaine. “Ville en mouvement ; ciant à sa juste valeur le “travail de mue” effectué : “La Stratégies urbaines et transports”, actes métropole est désormais représentative de ces nom- “Plutôt que de rechercher le périmètre idéal sur le ter- de la 19e rencontre nationale des agences breux territoires urbains qui, à Nantes, à Rennes, à La rain, mieux vaut prendre de la hauteur !”, a lancé d’urbanisme, Bordeaux, Plaine Saint-Denis ou à Lyon, ont engagé de profondes Michel Desvigne. Toutefois, Rémi Dorval /5 a sug- mars 1999. mutations se traduisant par une reprise démogra- géré que c’est surtout dans ses usages quotidiens que phique, de nouveaux moyens de déplacements et une la ville se transforme très rapidement, se dirigeant 2/ Lire en pages 17 et plus forte attractivité”. Il a fallu pour cela “faire le deuil tout droit vers une production “en temps réel”. Dans suivantes la séquence consacrée à la métropole de certaines activités au bénéfice de nouvelles, pour les- ces conditions, pratiquer l’urbanisme est-il encore bordelaise, ainsi que quelles les outils d’observation et de prospective ne possible ? Comme l’a souligné avec un brin d’ironie la bibliographie en p. 69. semblent pas toujours adaptés. Ce n’est pas étonnant, le politologue Gilles Pinson, dans ce domaine, “c’est “car nous n’aurons pas les mêmes capacités, les toujours l’âge des Lumières, mais de plus en plus 3/ mêmes financements, les mêmes outils, pour aména- tamisées…” Le moment était donc particulièrement Directeur de l’Institut des hautes études ger la ville et les territoires urbains au cours des quinze bienvenu pour braquer les projecteurs sur cette de développement années qui viennent”, a observé le président de la fameuse intelligence territoriale en mouvement. et d'aménagement des territoires d'Europe. FNAU. Pour autant, on doit bien imaginer les voies et moyens pour réussir cette évolution. Conforter l’ingénierie des territoires 4/ Lire en pages 10 Dans un message vidéo adressé aux participants lors et suivantes. Interroger la “fabrique” de la ville de la séance de clôture, deux jours plus tard, Cécile 5/ Pour y parvenir, rien n’est sans doute plus efficace Duflot, ministre de l’Égalité des territoires et du Directeur délégué de que d’interroger la “fabrique de la ville”, comme l’a Logement, a souligné l’intérêt de la réflexion enga- Vinci et président de La Fabrique de la Cité. fait la métropole bordelaise dans le cadre de ses pro- gée par les agences qui, a-t-elle estimé, “contribue mars 2013 - HORS SÉRIE n° 44 / URBANISME / 7
Ouverture IMAGINER LES OUTILS PERTINENTS DE L’AVENIR Ouverture la récente rencontre entre les principales associa- tions d’élus et le Président de la République. Il ne Le Rocher de Palmer, espace original dédié aux musiques nouvelles implanté à Cenon et conçu par Bernard Tschumi, a accueilli les travaux s’agit plus dès lors d’évoquer une “métropolisation de la 33e rencontre nationale des agences d’urbanisme. honteuse”, mais bien de se placer dans une perspec- aux réflexions du gouvernement sur l’organisation avec les collectivités locales mettant en avant la per- tive positive. Les choses étant posées et les cartes en institutionnelle des territoires, sur la transition éco- tinence de l’échelon intercommunal, a poursuivi voie d’être “redistribuées”, le président de la FNAU logique et sur les mobilités urbaines et durables”, à Cécile Duflot, avant de conclure sur un appel à l’ima- a invité les agences à inventer des “outils pertinents” travers une approche “pluridisciplinaire et intégrée”. gination des agences : “Pour travailler sur les poli- pour accompagner cette mutation intellectuelle et Elle a également assuré les agences d’urbanisme de tiques publiques en matière d’aménagement, de ces changements de paradigmes dont l’État, a-t-il son soutien. Le rôle des agences consiste en effet, planification stratégique et de mobilité, et agir effica- insisté, ne doit pas être absent /6. pour la ministre, à venir conforter, “aux côtés des cement sur l’étalement urbain et l’artificialisation des CAUE et des établissements publics fonciers”, les ter- sols, j’aurai besoin de vous sur la durée”. Un mes- 6/ Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour penser Lire en page 66 ritoires qui en ont le plus besoin et consolider l’ingé- sage assurément bien reçu par la salle. l’intervention de clôture qu’il en sera de nouveau question, à l’automne pro- nierie en réseau pour optimiser le maillage au niveau du président de la FNAU. chain, dans l’agglomération d’Amiens où se tiendra national, “en créant de nouvelles agences ou en élar- Mieux “assumer” le fait métropolitain la prochaine rencontre nationale. En attendant, gissant le périmètre de celles qui existent”. Le tout Dans son intervention conclusive qui a suivi l’allocu- comme l’a suggéré le président de la fédération, un dans une perspective d’égalité des territoires et à la tion de la ministre, Vincent Feltesse a pris la mesure solide travail attend les agences. Celles-ci, prévenant veille de la troisième phase de décentralisation, de l’acculturation au phénomène urbain dans un par là-même “le risque d’une perte de légitimité”, qu’elle a d’ailleurs suggéré de nommer “première pays où “le discours sur la ville est rarement doivent en effet “aller vers le sur-mesure territorial”, étape de la territorialisation”... “L’État sera actif dans assumé”. “Toutefois, a-t-il précisé, le fait métropoli- où leur savoir-faire et leur capacité d’articulation des son rôle de garant de l’égalité entre les villes et les tain est présent dans la réflexion sur la nouvelle politiques publiques devraient effectivement être campagnes”, dans le cadre de nouvelles relations étape de la décentralisation”, comme en témoigne appréciés. Pierre Gras I 8 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 44 - mars 2013 mars 2013 - HORS SÉRIE n° 44 / URBANISME / 9
Ouverture Ouverture R E G A R D S D ’ E X P E RTS L’URBANISME SUBMERGÉ PAR UN TSUNAMI D’INFORMATIONS ? La multiplication des informations tend peut-être à miner les certitudes, jusqu’à provoquer une sorte de paralysie. Pour prendre la mesure du risque, le premier débat de la rencontre de Bordeaux a interrogé trois praticiens et trois experts, sollicités par Philippe Estèbe sur cet espace inédit d’interactions urbaines. Analyse et synthèse par Richard Quincerot La multiplication des informations scientifiques et médiatiques sur la ville tend paradoxalement à miner toutes les certitudes. Plus on en sait sur l’urbain, et plus le réel paraît opaque, compliqué, diffracté en multiples points de vue. L’explosion des savoirs conduirait-elle au non-savoir et à la paralysie, et la pléthore de chiffres à un brouillage généralisé ? Construire des paysages : la traversée des échelles Pour le paysagiste Michel Desvigne /1, la surabon- dance d’informations oblige plus que jamais à structu- rer l’action. Il évoque le “tapis” d’études antérieures de Pour créer un paysage qui ‘’tienne durablement’’ un territoire, il faut traverser toutes les échelles, a estimé Michel Desvigne. plus en plus épais, reflet du millefeuille administratif, Central Park est le premier grand parc public américain à avoir été aménagé qui laisse entière la question du “comment faire ?”. dans une ville déjà constituée. Pour dépasser la surabondance documentaire et trou- comme à la plus fine (le jardin) ; leur approche de la comparaison avec la place trop limitée qui leur est ver une manière de créer un ordre dans un territoire, il des trames d’espaces publics centraux s’articulent avec 1/ ville par les “vides” plutôt que par le bâti ; la relative faite, selon lui, dans la plupart des villes françaises Grand Prix de estime indispensable d’agir à plusieurs échelles. Ainsi, le réseau des transports publics. Enfin, à l’échelle des l'urbanisme 2011. économie de moyens utilisés par “l’art pauvre” du actuelles. son projet pour le plateau de Saclay met-il en place une 200 mètres, les cœurs de quartier font l’objet d’aména- paysage ; et enfin la prise en compte du temps avec chaîne de quatre cohérences. À l’échelle des trente kilo- gements de détail. “On se complait trop facilement la métaphore de la “ville qui pousse”, antithèse de La ville et le temps : apologie mètres du plateau, l’option est d’amplifier la géogra- dans l’abstraction d’une seule échelle, commente M. 2/ la “ville du plan”. S’agit-il vraiment de démarches de l’immédiat Frederick Law Olmsted phie naturelle en renforçant les vallons, en installant Desvigne : pour créer un paysage qui tienne durable- (1822-1903), architecte- innovantes ? Michel Desvigne s’est réclamé au “La principale difficulté, pour comprendre et pour faire les circulations sur les pentes et en organisant la régu- ment un territoire, il faut traverser toutes les échelles. paysagiste américain, contraire d’une volonté de renouer avec un urba- la ville, c’est le temps”, a estimé à la suite Rémi Dorval, célèbre notamment pour lation de l’eau. À l’échelle des dix kilomètres du Ce n’est pas un problème d’outils (nous en avons trop), la conception de Central nisme longtemps oublié, notamment la grande tra- président du think tank La Fabrique de la Cité. Park à New York et du Campus Sud, un système de parcs connecte tous les mais de concepts (nous en manquons) : le défi est d’in- parc du Mont-Royal à dition américaine, avec F. L. Olmsted /2 , ou la L’accélération des changements techniques et sociaux espaces publics. À l’échelle des quartiers (2 à 3 km), venter autant de concepts que d’échelles…” Montréal. générosité des espaces publics de Bruxelles, sans impose d’accorder beaucoup plus d’importance au temps court. “La ville, qui se construit sur des temps L’urbanisme à l’heure longs, sera vécue par d’autres que ses constructeurs, des paysagistes ? constate-t-il. Pour décrypter la ville de demain, il faut Brigitte Bariol, déléguée donc interroger l’immédiat, les jeunes, les émer- générale de la FNAU, a salué gences…” Rémi Dorval préconise deux types de la montée en puissance des moyens. D’une part, des procédures participatives per- paysagistes dans l’ingénierie mettent de faire émerger des masses d’informations territoriale, qui lui paraît avoir en temps réel : les méthodes abondent sur ce plan, quatre origines : leur capacité qu’il s’agisse de la démarche de WikiCity d’Amsterdam de travailler à l’échelle la plus ou du Gaming (urbanisme par le jeu) organisé en 2010 large (le grand paysage) dans les quartiers d’Istanbul. D’autre part, le dévelop- Philippe Estèbe Michel Desvigne Brigitte Bariol Rémi Dorval Gilles Pinson Jean-René Brunetière Daniel Kaplan 10 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 44 - mars 2013 mars 2013 - HORS SÉRIE n° 44 / URBANISME / 11
Ouverture L’URBANISME SUBMERGÉ PAR UN TSUNAMI D’INFORMATIONS ? Ouverture pement des usages sociaux des TA B LE RO N D E technologies de l’information et de la communication est porteur d’ave- nir : les réseaux de covoiturage ou la multiplication de “tiers lieux” de tra- EN BONNE INTELLIGENCE vail pourraient offrir des alternatives aux grandes concentrations d’em- (TERRITORIALE) plois comme à La Défense et aux investissements lourds qu’elles nécessitent dans les infrastructures urbaines. Après les regards informés des concepteurs et des chercheurs, la seconde table L’urbanisme à l’ère ronde d’ouverture a adopté un visage plus politique, autour de la construction de la dialectique ? des représentations des territoires et de la notion de décision. Synthèse des “L’urbanisme est entré dans l’ère échanges par Olivier Réal des lumières tamisées”, a lancé pour sa part Gilles Pinson, profes- “C’est le projet qui donne de la force et de la cohé- sur une “culture de la prospective”/1, mais est-ce seur de sciences politiques /3. Hier, 1/ rence !”Daniel Delaveau, maire de Rennes, président toujours opératoire aujourd’hui ? Cf. notamment le hors une vision positiviste prétendait série n° 39 d’Urbanisme de Rennes Métropole et de l’Assemblée des commu- ancrer l’action urbaine sur un socle Le numérique n’est pas un ‘’autre monde’’ à opposer au réel, mais un ensemble de productions mises au service de projets concrets. consacré aux “actes” nautés de France (AdCF), a logiquement associé La pratique des métropoles de la 30e rencontre de connaissances scientifiques sup- nationale des agences d’emblée le mot “projet” à celui de territoire. La ville La question de la représentation est pour Vincent posées incontestables. Cette détermination a cédé la Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain – 3/ d’urbanisme “Ville étant (aussi) le lieu de l’affrontement des intérêts et Feltesse, président de la Communauté urbaine de Auteur notamment de désirée, ville durable, place à une attitude plus nuancée, qui ne renonce et “le chiffre avec l’urbain” ? J.-R. Brunetière et son ville désirable ; un projet des contradictions entre citoyens, le rôle du politique Bordeaux et de la FNAU, “l’archétype du terme polysé- Gouverner la ville par certes pas à produire des connaissances sur la ville, association s’y refusent absolument. Ils invitent au projet. Urbanisme et à partager”, organisée à est de gérer la complexité et de prendre en compte mique”, dont la réalité est difficile à cerner : “Il existe en gouvernance des villes Rennes en octobre 2010. mais en fait un usage beaucoup plus modeste dans contraire à pratiquer une critique active des nombres. européennes, Paris, les différentes échelles spatiales et temporelles, a-t- effet un hiatus croissant entre ce que vivent les gens et les processus de production urbaine. D’une part, une Si les chiffres ne font plus autorité, ils peuvent servir Presses de Sciences Po, il expliqué en substance. L’élu doit par conséquent les modes de désignation des élus. Nous recevons des 2009. “rhétorique de l’émergence” milite pour un urba- d’objets transactionnels pour nourrir le débat public, organiser le débat et maîtriser la confrontation. Une mandats électoraux sur des territoires assez figés, à nisme flexible et participatif, attentif aux évolutions prendre la mesure des possibles et aider à délimiter tâche complexe, car les représentations sociales l’image des cantons, qui n’ont pas bougé depuis plus de des usages – au risque d’un affaiblissement des repré- des “zones de consensus”. changent, tandis que la durée de vie s’allonge et que deux siècles. À l’inverse, les habitants ont une pratique sentations et de l’action. D’autres posent au contraire la société se transforme fortement. “Nous avons tous des lieux très différenciée”. Les territoires étant “mou- l’idée que “les gens se saisissent surtout de ce qu’on des appartenances multiples vis-à-vis de territoires vants”, les représentants politiques ont un vrai rôle leur donne”, à l’image des appropriations sociales Le numérique : de la statistique dont les logiques institutionnelles ne correspondent pédagogique à jouer pour mieux faire comprendre le des nouvelles technologies de communication. à la donnée plus à la réalité vécue, a poursuivi le maire de monde dans lequel nous vivons, pour redonner de Autrement dit, l’urbanisme doit plus que jamais com- Il est rejoint en cela par Daniel Kaplan, délégué géné- Rennes. Ce n’est pas simplement l’habitant – le rési- l’orientation et du sens. “Mais avec qui est-ce que je dis- poser avec un rapport ambivalent à la demande : en ral de la Fondation Internet Nouvelle Génération, qui dent – qui fait la ville, c’est aussi celui qui vient dans cute ?”, s’est interrogé Vincent Feltesse, ajoutant “qu’est filant activement la métaphore de “l’émergence”, a plaidé en faveur d’une “culture critique de la don- la métropole pour travailler ou pour ses loisirs”. Face ce qu’on décide et quand ?” Pour répondre à ces ques- mais sans négliger les opérations politiques et tech- née”. Nous n’avons pas le choix, car la prolifération à ces représentations instables, il faut prendre tions, il faut pouvoir définir un cap, prendre des déci- niques capables de structurer les pratiques. actuelle d’informations et de connexions est un fait, compte l’ensemble de ces paramètres particuliers en sions fondées sur un projet politique et des “valeurs”, une composante de notre réalité. Kaplan insiste : le cherchant à adopter une vision globale. Prenant ce qui n’interdit pas une certaine souplesse. Si la pra- Un monde de chiffres numérique n’est pas “un autre monde” à opposer au l’exemple d’un couple dont l’un des membres tra- tique traditionnelle repose sur une planification urbaine Jean-René Brunetière, président de l’association réel, mais un ensemble de productions et de pra- vaille à Rennes et l’autre à Nantes, Daniel Delaveau à cinq, dix ou quinze ans, l’élu politique a besoin, selon “Pénombre, la vie publique du nombre”, s’est délecté tiques humaines qui changent la vie en libérant de s’est interrogé sur la meilleure façon d’anticiper les le président de la FNAU, de se “réemparer de deux tem- de la multiplication pléthorique de chiffres d’accès certaines tâches pour en rendre possibles d’autres. besoins d’équipements ou d’infrastructures dans ces poralités différentes”, l’une à court terme, car les choses immédiat qui crée, selon lui, “un monde délicieuse- Ainsi, nos rapports aux nombres ont-ils profondé- aires urbaines voisines. Rennes peut ainsi s’appuyer bougent très vite, et l’autre à plus long terme, pour ment paradoxal et imprévisible”. Plus les données ment changé : nous sommes passés de la “statis- mieux “donner une dimension stratégique à l’action prolifèrent, et plus l’incertitude augmente : sur les tique” – les chiffres produits par un service d’État – à publique”. catégories d’objets comptés (le “ménage”, par exem- la “donnée”, Data exploitable en temps réel dans des ple), les échelles de comptage (la commune), les flux pratiques concrètes (pour éviter un embouteillage, La manière d’organiser les savoirs pour mieux se proje- de biens et de personnes (de moins en moins saisis- par exemple), sans que cela contribue nécessaire- ter dans l’avenir est au cœur du travail des agences d’ur- sables), les flux cachés et néanmoins déterminants ment à enrichir nos connaissances sur la ville. En banisme. C’est l’adage “comprendre pour agir” (le “carbone gris”). Or, tandis que l’incertitude gagne d’autres termes, une “réalité augmentée” qui ne qu’Ariella Masboungi, architecte et urbaniste en chef de les sources statistiques, une grande visibilité est don- concurrence pas l’expérience sensible du territoire, l’État et inspectrice générale du développement dura- née à un petit nombre de chiffres à fort impact émo- mais la nourrit – pour le meilleur et pour le pire... ble, a mis en avant. Cela nécessite de faire des hypo- tionnel, supposés faire évoluer l’opinion publique. R. Q. I thèses, à l’image de ce qui a été produit sur le Grand Daniel Delaveau Vincent Feltesse Ariella Masboungi 12 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 44 - mars 2013 mars 2013 - HORS SÉRIE n° 44 / URBANISME / 13
Ouverture EN BONNE INTELLIGENCE (TERRITORIALE) Abstract Paris, a-t-elle affirmé. Plutôt que de redessiner indéfiniment des projets de long terme qui n’abou- Relevant tools for the future tissent jamais – ou différemment, car le marché, les pratiques, les usages et les gens ont évolué dans l’intervalle –, sans doute vaut-il mieux essayer The 33rd National Congress of in research and innovation. For Rémi agreed: “There's a steadily widening gap de “représenter la souplesse” : “En clair, dessiner France's city planning agencies was Dorval, president of the La Fabrique de between the way people actually live peu de choses et montrer des références sur ce qui a fine illustration of the collective la Ville think tank, rapid urban change and the way their representatives are peut évoluer, même si cela ne satisfait pas toujours determination of the state, the takes place above all at day-to-day level, chosen: we're elected to fossilised ter- immédiatement les élus, les aménageurs ou les agencies and their various partners and this calls for “real-time“ responses. ritorial areas, while our residents expe- habitants”. Car cette démarche lui semble néces- to “take a fresh look at things“ and But, he was asked, does this point of rience their living environment from saire vis-à-vis des partenaires de l’aménagement, devise “relevant tools“ for public view leave any room for the practice of many different angles.“ Time frames dans la mesure où il semble essentiel d’associer les sector action in the future. For the city planning as we know it? were important too, he said: politicians acteurs publics et privés, ceux qui font la ville… y agencies this is, of course, a vital step At the same time, today's unending must be alert both to the short term, compris pour la faire autrement, en bonne intelli- towards “marking out their territory“. flow of information seems to be under- because things change quickly, and to gence. mining certainties to the point of indu- the long term, “so as to give public sec- Welcoming the 850-some partici- cing a kind of paralysis. For Michel tor action a strategic dimension.“ Donner de la visibilité pants on behalf of Cenon mayor Alain Desvigne thwarting the impact of infor- Ariella Masboungi, inspector gene- Mais pour “faire la ville” de cette manière, il faut David, unavoidably detained elsewhere, mation overkill requires achieving order ral for sustainable development, took a bien entendu, au-delà de l’arbitrage entre inté- Jean-Marc Offner, director of the by working on several territorial scales firm stand on associating the private and rêts contradictoires, parvenir à décider ! Daniel Bordeaux Métropole Aquitaine agency, simultaneously. Restricting things to a public actors who, in the final analysis, Delaveau a confirmé que le “cap politique”, drew their attention to the Congress single scale can too easily become a make our cities: “We need the kind of s’appuyant sur le travail préparatoire des venue: the Rocher de Palmer, a world recipe for complacency. FNAU execu- flexible hypotheses generated by the agences d’urbanisme, doit fournir un horizon. music centre that has “helped change tive director Brigitte Bariol paid tribute Greater Paris venture, keeping actual D’autant que l’on entre dans une période de the way people see the right bank of to landscapers' territorial engineering design to a minimum while showing the meilleure reconnaissance du “fait urbain”, avec the Bordeaux metropolitan area.“ role, which Desvigne sees not as an direction things can take, even if this la mise en œuvre progressive d’une “gouver- As Vincent Feltesse, president of the innovation, but as a return to a long- doesn't always immediately please the nance” davantage décentralisée. Les futures FNAU and the Bordeaux Urban forgotten tradition typified by Frederick politicians, the planners or the residents.“ “conférences régionales de territoires” ne vont- Community, pointed out, a metamor- Law Olmsted. planning and development. elles pas permettre d’identifier des compétences phosis has taken place and “the Bordeaux For Jean-René Brunetière, though, I locales propres, au bénéfice de stratégies metropolis is now representative of those masses of data mean a “deliciously para- urbaines claires ? Mais la décision est également numerous urban territories like Nantes, doxical and unpredictable world“, full of le fruit de l’articulation entre des échelles Rennes, La Plaine Saint-Denis and Lyon, promise but demanding astute number contrastées. Au regard de l’absence de subsidia- where radical change has taken the form crunching. Figures may no longer have rité entre les collectivités, Vincent Feltesse, un of demographic growth, new modes of the same authority, but they can at least peu à contre-courant de la pensée habituelle, transport and increased attractivity.“ serve as a basis for public debate and comme il l’a lui-même reconnu, a mis en Realistically, he conceded that current “consensus zones“. And anyway, poin- exergue le rôle des départements dans l’accom- PLU 3.1 de la communauté urbaine de Bordeaux, a'urba. observation and prospection tools were ted out Daniel Kaplan, information flows pagnement des “intercommunalités émer- not always suited to the new situation, are a fact of life and we don't have the gentes”. Une façon, dans “cette France qui va mal”, “faire savoir” fait aussi partie de l’action partagée. La 2/ and that “we're not going to have the choice. Lire également l’article de reposer la question, trop peu apparente à son presse et les médias sont utiles à cette démarche, a consacré au rôle des same capacities, the same finance and The second round table took a more goût, de la solidarité territoriale. estimé Sibylle Vincendon, journaliste à Libération /2, médias en pages 48-49. the same tools for urban and territorial political turn. How, for example, are we même si l’urbanisme est en réalité éclaté, dans la plu- planning in the fifteen years to come.“ to anticipate the needs for facilities and “Il faut rejeter la domination du temps long comme part des journaux, en de multiples thématiques Which did not exclude the need to find infrastructures in and between neigh- seule définition de l’urbanisme”, a renchéri Ariella (transports, développement durable, ville numérique, the appropriate ways and means. bouring urban areas? For Rennes mayor Masboungi : “Dans le temps long, il y a des temps économies d’énergie, problèmes des cités…). Selon Among the specialists having their Daniel Delaveau, “The urban project is utiles et des temps inutiles, et ce n’est pas du tout la elle, “le récit est l’une des modalités parmi les plus say at the plenary session, landscaper what provides strength and consistency,“ même chose !” Le “temps utile” est celui de la efficaces de représentation de l’urbain pour le public”. Michel Desvigne critiqued the “mass of and politicians should be organising concertation, de la négociation, de l’élaboration du Il permet de fournir les “clés” de la ville à des per- studies“ and the “administrative laye- debate, reconciling conflicting interests projet – de la démocratie, en un mot. Le “temps inu- sonnes qui, par leurs pratiques, la fabriquent en ring“ that hamper imagination and the and above all taking account of today's tile”, c’est en revanche celui de la lutte entre les ser- quelque sorte au quotidien, sans vraiment le savoir. search for a “relevant scale“. Despite a marked social change, notably with vices, de la non-décision, des atermoiements : un Au même titre, au fond, que les agences d’urbanisme, mix of agreement and disagreement – regard to political representation: “We temps qui s’avère très coûteux. Il faut restreindre ce lorsqu’elles défrichent – et déchiffrent – la ville, don- notably regarding the role of the new all have multiple loyalties to territories temps-là pour pouvoir agir sur la réalité et permettre nant ainsi du champ libre à ceux qui la décident. technologies – the session at least whose institutional logics no longer aux savoir-faire de s’exprimer, a-t-elle assuré. Mais le O. R. I Sibylle Vincendon enabled a focus on current possibilities match everyday reality.“ Vincent Feltesse
Bordeaux métropole Aquitaine F I L B LE U LE GRAND TERRITOIRE BORDELAIS, CÔTÉ ESTUAIRE Embarqué à bord du Sardanne, le visiteur partage l’expérience étonnante et apai- sante d’un effacement progressif des repères. Partant à la découverte d’un port réparti sur plusieurs sites et d’un grand territoire aux contours flous, il n’était pas déplacé de se retrouver dans un monde liquide, sans aspérité, mouvant, délié. /1 Récit de voyage par Richard Quincerot 1/ Plus grand port de fond d’estuaire de France, le nom de Jacques Chaban-Delmas – destiné à per- Visite organisée dans le cadre de l’atelier Bordeaux connaît un fort développement à partir du mettre le passage des paquebots de croisière faisant consacré aux “grands XIIe siècle, grâce aux liens étroits avec la Grande- escale à Bordeaux, puis sous le pont d’Aquitaine, territoires” proposé par l’Agence de Bretagne et les Pays-Bas. Il doit son accessibilité construit dans les années 60 pour faciliter le contour- développement et d’urbanisme du grand maritime à des conditions très particulières, qu’a nement routier de l’agglomération. Ce sont les der- Amiénois, en partenariat exploré Didier Coquillas, médiateur scientifique à niers franchissements avant le très vaste estuaire de la avec le Conseil général de la Gironde. l’université de Bordeaux. Grâce à un “effet d’enton- Gironde, le seul en Europe à ne pas être traversé par noir”, l’estuaire connaît des marées de grande ampli- un pont. Ce territoire est l’espace d’origine d’un port, tude – de 4 à 4,50 mètres – qui remontent loin à comme l’explique Étienne Naudé, directeur de la stra- l’intérieur des terres, jusqu’à 150 kilomètres de l’em- tégie et du développement au Grand Port Maritime de bouchure. L’eau, très limoneuse, est à demi salée : la Bordeaux. Bordeaux Port Atlantique est le sixième limite entre eau de mer et eau douce tend à s’éloigner port français avec un chiffre d’affaires de 48 millions de la côte en raison du régime faiblissant des rivières d’euros et un trafic de 3 000 entrées de navires par an, descendant des montagnes. Elle est chargée de sédi- assurant essentiellement de petites liaisons euro- ments qui se déposent sur les fonds – la drague aspi- péennes. Il se répartit sur sept terminaux offrant à la ratrice Pierre Lefort travaille en permanence à fois l’accessibilité atlantique, la proximité de la métro- dégager les chenaux navigables – et dessinent une pole et d’importantes disponibilités foncières. topographie faite de bancs de sable, de vasards et d’îles intermittentes : sur les treize îles de l’estuaire, Au cœur de Bordeaux, le Port de la Lune est le terminal l’une a disparu en 2003 et deux autres sont en forma- historique, qui continue d’accueillir les grands paque- tion… bots de croisière. Plus au nord, le terminal de Bassens et son paysage de grues, de tapis roulants et de silos, Un port historique, des ports en réseau accueille et traite les vracs solides, céréales (2 millions Quittant Bordeaux, le bateau glisse sous le pont levant de tonnes par an) et bois des pays nordiques. Il dispose flambant neuf Bacalan-Bastide – qui porte désormais d’une cale sèche de 240 m pour développer la filière des mars 2013 - HORS SÉRIE n° 44 / URBANISME / 17
Bordeaux métropole Aquitaine LE GRAND TERRITOIRE BORDELAIS, CÔTÉ ESTUAIRE Bordeaux métropole Aquitaine E N J E UX BORDEAUX, MÉTROPOLE EN PROJET(S) Malgré sa vocation industrielle, l’estuaire est une destination touristique remarquable. “Bordeaux se trouve sans conteste parvenu à un moment charnière de son his- chantiers de déconstruction et assure un trafic de 60 000 sin est à développer. Enfin, tout reste à faire en toire”, affirmait il y a peu le “projet métropolitain” élaboré sous l’égide de la com- conteneurs par an. Sur la rive gauche, le nouveau termi- matière de valorisation touristique de l’estuaire, dont munauté urbaine. Mais pour franchir cette nouvelle étape de son développement nal multi-vrac de Grattequina, inauguré en 2012, servira les atouts sont aussi remarquables que ceux de la qui doit la porter au niveau d’une “agglomération millionnaire”, les défis quanti- en particulier au transport de pales d’éoliennes Baie de Somme ou de la Camargue. construites par EADS Astrium sur l’Écoparc de tatifs et qualitatifs sont encore nombreux. Tour d’horizon des enjeux actuels, par Blanquefort. Ambès, à la confluence de la Garonne et de Le Syndicat mixte a été créé en 2001 par les départe- Pierre Gras (avec Olivier Réal) la Dordogne, et Blaye, la cité de Vauban sur la rive droite, ments de la Charente-Maritime et de la Gironde, bien- accueillent pour leur part deux grands terminaux pétro- tôt rejoints par les régions Aquitaine et Poitou- Ville “bourgeoise”, “immobile”, voire “endormie” : Bordeaux ne se résume évidemment pas au vin et à la chimiques. À mi-chemin entre Bordeaux et l’océan, le Charentes, puis en 2012 par l’agglomération de que n’a-t-on dit de Bordeaux dans une période où la ville patrimoniale. “La transformation de Bordeaux, terminal de Pauillac reçoit notamment des éléments de Royan. Son périmètre est variable, selon qu’il s’agit cité aquitaine, forte d’un développement continu souligne l’ancien Premier ministre, c’est aussi le déve- l’Airbus A380. Enfin, tout près de l’océan, le terminal du du Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau mené au fil des Trente Glorieuses et de la notoriété loppement économique, avec l’aéronautique, la filière Verdon sert principalement au transport de conteneurs. (SAGE), adopté en 2010, ou du programme européen de ses grands crus, se contentait de “gérer son his- bois, le numérique, l’économie créative ou le tou- LEADER 2007-2013 portant sur l’agriculture, l’environ- toire” ? Cette image d’Épinal n’a certes pas été com- risme…. Les efforts d’urbanisme dans l’hyper-centre y Un grand territoire aux limites fluctuantes nement et le tourisme (à hauteur de 1,3 millions d’eu- plètement fortuite, mais elle semble faire partie ont bien sûr contribué. Mais il fallait travailler aussi sur L’estuaire a longtemps divisé des régions aux his- ros). Ce qui n’empêche pas le Syndicat mixte de désormais de l’attirail des clichés qui nourrissent l’uni- d’autres périmètres comme la Rive droite (le parc aux toires séparées, voire antagonistes, avec la langue fonctionner avec le statut d’établissement public de vers médiatique, de “Montpellier la surdouée” à Angéliques, le projet Darwin…) ou Euratlantique, avec d’oïl au nord et la langue d’oc au sud – ainsi, les petits bassin, qui lui permet de gérer les fonds européens “Rennes l’intelligente”. Or, prendre en compte la réa- l’arrivée du TGV, qui doivent donner à la ville une cours d’eau qui drainent ces terres basses sont nom- et faire de l’estuaire une destination touristique lité d’une métropole, c’est savoir lire en profondeur dimension européenne plus globale”. Bordeaux a ainsi més “estiers” en Charente et “jalles” en gascon. La aujourd’hui réputée. et en mouvement. Et Bordeaux s’y prête plutôt bien. été classée seconde en 2011 dans la hiérarchie française fédération des deux rives en un grand territoire est des villes de congrès internationaux. Cela lui enjoint tou- récente, comme le rappelle Jérôme Baron, directeur En face de Pauillac, le bateau fait escale sur l’île de Une dimension globale tefois de renforcer son parc hôtelier, notamment sur le du Syndicat mixte pour le développement durable de Patiras, l’une de ces terres de pirates affleurant à Pour Alain Juppé, maire de Bordeaux depuis 1995 et 1er haut de gamme, même si la ville propose un taux de res- l’Estuaire de la Gironde (SMIDDEST). La convergence peine, constituées de limons si fertiles que leurs jar- vice-président de la communauté urbaine, l’image de taurants par habitant parmi les plus élevés d’Europe… s’effectue au début des années 2000 autour de trois diniers remportent tous les concours des plus gros enjeux. D’une part, le défi d’une gestion unifiée de légumes ! Niché à côté d’un ancien phare, un calme l’eau sur les 370 000 ha du bassin ne peut plus être refuge construit et géré par une association accueille retardé : les vents du grand large continuent de s’en- les amateurs de robinsonnades en solitaire, en famille gouffrer dans l’estuaire, créant périodiquement des ou entre amis, dans l’immense face-à-face du ciel et dégâts considérables, en raison notamment de de l’estuaire /2. Un univers magique d’eau, de limon 2/ Aperçus sur digues de hauteurs variables. D’autre part, hormis les et de vent abritant le secret d’une “cabane” improba- http://refugedepatiras.com vignobles du Médoc et de Blaye, l’économie du bas- ble. O. R. I Alain Juppé Le nouveau pont Jacques Chaban-Delmas. 18 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 44 - mars 2013 mars 2013 - HORS SÉRIE n° 44 / URBANISME / 19
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