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http://portaildoc.univ-lyon1.fr Creative commons : Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 France (CC BY-NC-ND 2.0) http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD-LYON I U.F.R. D'ODONTOLOGIE Année 2014 THESE N° 2014 LYO 1D 033 THESE POUR LE DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN CHIRURGIE DENTAIRE Présentée et soutenue publiquement le : Jeudi 26 juin 2014 par MONSET Pauline Née le 8 avril 1988, à Annemasse (74) _____________ UTILISATION DE L’HYPNOSE POUR ACCOMPAGNER LES SOINS DENTAIRES: RAPPORT D’UNE EXPERIENCE CLINIQUE ______________ JURY Monsieur le Professeur Guillaume MALQUARTI Président Madame le Docteur Marion LUCCHINI Assesseur Madame le Docteur Béatrice RICHARD Assesseur Monsieur le Docteur Matthieu FABRIS Assesseur MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON I Président de l'Université M. le Professeur F-N. GILLY Vice-Président du Conseil d’Administration M. le Professeur H. BEN HADID Vice-Président du Conseil Scientifique M. le Professeur P-G. GILLET Vice-Président du Conseil des Etudes et de Vie Universitaire M. le Professeur P. LALLE Directeur Général des Services M. A. HELLEU SECTEUR SANTE Comité de Coordination des Etudes Médicales Président : Mme la Professeure C. VINCIGUERRA Faculté de Médecine Lyon Est Directeur : M. le Professeur. J. ETIENNE Faculté de Médecine et Maïeutique Lyon-Sud Directeur : Mme la Professeure C. BURILLON Charles Mérieux Faculté d'Odontologie Directeur : M. le Professeur D. BOURGEOIS Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques Directeur : Mme la Professeure C. VINCIGUERRA Institut des Sciences et Techniques de la Directeur : M. le Professeur Y. MATILLON Réadaptation Département de Formation et Centre de Directeur : Mme la Professeure A.M. SCHOTT Recherche en Biologie Humaine SECTEUR SCIENCES ET TECHNOLOGIES Faculté des Sciences et Technologies Directeur : M. le Professeur F. DE MARCHI UFR des Sciences et Techniques des Directeur : M. le Professeur C. COLLIGNON Activités Physiques et Sportives Institut Universitaire de Technologie Lyon 1 Directeur : M. C. VITON, Maître de Conférences Ecole Polytechnique Universitaire Directeur : M. P. FOURNIER de l’Université Lyon 1 Institut de Science Financière et d’Assurances Directeur : Mme la Professeure V. MAUME DESCHAMPS Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education Directeur : M. A. MOUGNIOTTE (ESPE) Observatoire de Lyon Directeur : M. B. GUIDERDONI, Directeur de Recherche CNRS Ecole Supérieure de Chimie Physique Electronique Directeur : M. G. PIGNAULT MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
FACULTE D'ODONTOLOGIE DE LYON Doyen : M. Denis BOURGEOIS, Professeur des Universités Vice-Doyen : Mme Dominique SEUX, Professeure des Universités Vice-Doyen : M. Stéphane VIENNOT, Maître de Conférences Vice-Doyen Etudiant : Mlle DARNE Juliette SOUS-SECTION 56-01: PEDODONTIE Professeur des Universités : M. Jean-Jacques MORRIER Maître de Conférences : M. Jean-Pierre DUPREZ SOUS-SECTION 56-02 : ORTHOPEDIE DENTO-FACIALE Maîtres de Conférences : M. Jean-Jacques AKNIN, Mme Sarah GEBEILE-CHAUTY, Mme Claire PERNIER, Mme Monique RABERIN SOUS-SECTION 56-03 : PREVENTION - EPIDEMIOLOGIE ECONOMIE DE LA SANTE - ODONTOLOGIE LEGALE Professeur des Universités M. Denis BOURGEOIS Professeur des Universités Associé : M. Juan Carlos LLODRA CALVO Maître de Conférences M. Bruno COMTE SOUS-SECTION 57-01 : PARODONTOLOGIE Maîtres de Conférences : Mme Kerstin GRITSCH, M. Pierre-Yves HANACHOWICZ, M. Philippe RODIER, SOUS-SECTION 57-02 : CHIRURGIE BUCCALE - PATHOLOGIE ET THERAPEUTIQUE ANESTHESIOLOGIE ET REANIMATION Maître de Conférences : Mme Anne-Gaëlle CHAUX-BODARD, M. Thomas FORTIN, M. Jean-Pierre FUSARI SOUS-SECTION 57-03 : SCIENCES BIOLOGIQUES Professeur des Universités : M. J. Christophe FARGES Maîtres de Conférences : Mme Odile BARSOTTI, Mme Béatrice RICHARD, Mme Béatrice THIVICHON-PRINCE, M. François VIRARD SOUS-SECTION 58-01 : ODONTOLOGIE CONSERVATRICE - ENDODONTIE Professeur des Universités : M. Pierre FARGE, M. Jean-Christophe MAURIN, Mme Dominique SEUX Maîtres de Conférences : Mme Marion LUCCHINI, M. Thierry SELLI, M. Cyril VILLAT SOUS-SECTION 58-02 : PROTHESE Professeurs des Universités : M. Guillaume MALQUARTI, Mme Catherine MILLET Maîtres de Conférences : M. Christophe JEANNIN, M. Renaud NOHARET, M. Gilbert VIGUIE, M. Stéphane VIENNOT, M. Bernard VINCENT SOUS-SECTION 58-03 : SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES OCCLUSODONTIQUES, BIOMATERIAUX, BIOPHYSIQUE, RADIOLOGIE Professeur des Universités : Mme Brigitte GROSGOGEAT, M. Olivier ROBIN Maîtres de Conférences : M. Patrick EXBRAYAT, Mme Sophie VEYRE-GOULET MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
Maître de Conférences Associé : Mme Doris MOURA CAMPOS MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
A notre Président du jury, Monsieur le Professeur Guillaume MALQUARTI Professeur des Universités à l'UFR d'Odontologie de Lyon Praticien-Hospitalier Docteur en Chirurgie Dentaire Docteur de l'Université Lyon I Chef de Service du Service d'Odontologie de Lyon Habilité à Diriger des Recherches Nous vous remercions de l’honneur que vous nous faites en acceptant la présidence de notre jury de thèse. Nous vous témoignons la plus grande reconnaissance pour votre disponibilité, votre sens de l’écoute et votre volonté de nous voir acquérir un sens clinique de qualité. Veuillez trouver dans ce travail, l’expression de notre sincère et profond respect. MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
A notre directeur de thèse, Madame le Docteur Marion LUCCHINI Maître de Conférences à l'UFR d'Odontologie de Lyon Praticien-Hospitalier Docteur en Chirurgie Dentaire Docteur de l'Université Lyon I Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir accepté de diriger cette thèse avec autant de gentillesse et d’intérêt pour le sujet. Soyez assurée de notre estime et admiration pour votre disponibilité et la qualité de votre enseignement aussi bien théorique que clinique, dispensé avec douceur, écoute et rigueur, tout au long de nos études. Veuillez accepter nos remerciements les plus sincères. MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
A notre juge, Madame le Docteur Béatrice RICHARD Maître de Conférences à l'UFR d'Odontologie de Lyon Praticien-Hospitalier Docteur en Chirurgie Dentaire Docteur de l'Université Bordeaux 2 Nous sommes honorés de votre présence dans ce jury. Nous avons réellement apprécié apprendre et travailler à vos cotés en 6ème année et admirons votre patiente ainsi que votre joie de vivre. Que cette thèse vous exprime notre estime et notre profond respect. MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
A notre juge, Monsieur le Docteur Matthieu FABRIS Assistant hospitalo-universitaire au CSERD de Lyon Ancien Interne en Odontologie Docteur en Chirurgie Dentaire Nous sommes très heureux de vous compter parmi les membres de notre jury de thèse. Nous vous sommes très reconnaissant pour votre disponibilité et votre sympathie concernant ce travail ainsi que lors de votre enseignement clinique. MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
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TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ............................................................................................................... 1 1. L’HYPNOSE DANS L’HISTOIRE ET SON INTRODUCTION EN MEDECINE ET EN ODONTOLOGIE ............................................................................ 2 2. PHOBIE ET DOULEUR ................................................................................................ 4 2.1 DE LA PEUR A LA PHOBIE DU DENTISTE ........................................................... 4 2.2 LA DOULEUR ............................................................................................................ 5 2.2.1 Composante « sensori-discriminative » ................................................................ 6 2.2.2 Composante « affectivo-émotionnelle » ............................................................... 6 3. LES BASES DE L’HYPNOSE ....................................................................................... 7 3.1 SUSCEPTIBILITE ET SUGGESTIBILITE HYPNOTIQUES ................................... 7 3.2 LES DONNEES SCIENTIFIQUES ............................................................................. 8 3.2.1 Neurophysiologie.................................................................................................. 8 3.2.2 Physiologie ......................................................................................................... 11 3.2.3 Cas particulier de l’hypnoanalgésie .................................................................... 13 3.3 LES DONNEES PRATIQUES : PLAN D’UNE SEANCE ....................................... 14 3.3.1 L’induction ......................................................................................................... 14 3.3.2 La dissociation .................................................................................................... 15 3.3.3 Le réveil .............................................................................................................. 16 4. LA PRATIQUE DE L’HYPNOSE AU CABINET DENTAIRE............................... 17 4.1 DE LA SIMPLE RELAXATION ….......................................................................... 17 4.2 … A L’ANESTHESIE HYPNOTIQUE .................................................................... 18 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
4.3. LES INDICATIONS, CONTRE-INDICATIONS ET RECOMMANDATIONS DE L’HYPNOSE MEDICALE.............................................................................................. 19 4.3.1 Indications .......................................................................................................... 19 4.3.2 Contre-indications .............................................................................................. 20 4.3.3 Recommandations de l’American Medical Association .................................... 21 5. EXPERIENCE CLINIQUE .......................................................................................... 21 5.1 HISTORIQUE DE LA PATIENTE ........................................................................... 21 5.2 CONDUITE DES SEANCES .................................................................................... 22 5.3 VECU DES SEANCES .............................................................................................. 25 5.3.1 Le point de vue du praticien observateur............................................................ 25 5.3.2 Le ressenti de la patiente .................................................................................... 25 5.3.3 Le ressenti des 2 praticiens ayant effectué les soins ........................................... 28 5.4 ANALYSE ................................................................................................................. 32 5.4.1 Analyse des observations générales ................................................................... 32 5.4.2 Analyse du vécu de la patiente ........................................................................... 33 5.4.3 Analyse du vécu des 2 praticiens ayant effectué les soins ................................. 34 CONCLUSION .................................................................................................................. 36 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 37 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
INTRODUCTION Peu de patients viennent consulter avec plaisir leur chirurgien-dentiste. C’est en effet, dans une position particulière qu’ils se trouvent vis-à-vis de ce soignant : les soins s’effectuent allongés, au niveau de la cavité buccale (zone située tout près des yeux et associée à une sensibilité accrue), les patients étant conscients et souvent dans l’appréhension de la douleur. Ainsi, la communication est un élément essentiel au sein de ce colloque particulier pour établir une relation de confiance nécessaire au bon déroulement des séances de soins. Dans ce contexte, l’hypnose apparaît comme un mode de communication de choix au cabinet dentaire, pour une prise en charge globale du patient. Elle lui offrirait un confort allant de la détente à l’analgésie, voire l’anesthésie. De nombreuses études scientifiques ont aujourd’hui validé la réalité de l’état hypnotique et ont décrit un certain nombre de phénomènes constants ou non et reproductibles, propres à cet état. Dans le cadre de ce sujet, nous avons jugé intéressant de relater l’expérience d’une patiente qui a bénéficié, à sa demande, d’un accompagnement hypnotique, pour la réalisation de ses soins dentaires. 1 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
1. L’HYPNOSE DANS L’HISTOIRE ET SON INTRODUCTION EN MEDECINE ET EN ODONTOLOGIE (Salem et Bonvin, 2001 ; Bioy, 2007 ; Suarez, 2013) Rappelons que certaines formes d’hypnose étaient pratiquées il y a 6000 ans en Mésopotamie, puis en Egypte par les médecins de Ramsès II, par les pères de la médecine chinoise et dans l’Antiquité grecque. Leur but était de soulager l’homme de diverses manifestations du mal dont il souffrait. Plus tard, Hippocrate souligne que « les affections qu’éprouve le corps, l’âme les voit très bien les yeux fermés ». Mais, ce n’est qu’au 18ème siècle, que l’on accepte de constater dans la médecine occidentale que des manifestations organiques peuvent avoir une origine plus profonde et non mystique. En 1779, Franz Anton Mesmer, médecin autrichien, décrit ce qu’il appelle le « magnétisme animal ». Pour lui, la maladie est conçue comme un blocage du corps à la circulation du fluide. Le retour à la santé supposait la levée de ce ou de ces blocages par le fluide administré par le magnétiseur. Il est accusé de charlatanisme par l’Académie royale de médecine française, arrête ses séances de transes collectives et se retire. Un de ses disciples, le Marquis Chastenet de Puysegur prend le relais. Il ne fait plus provoquer de crises convulsives à ses patients mais ceux-ci se trouvent dans un état à demi endormi, qu’il nomme somnambulisme. Cet état se rapproche de celui dans lequel se trouvent les patients lorsqu’ils sont en transe hypnotique de nos jours. Ces pratiques continuent à déplaire en France et deviennent interdites. De nombreux médecins s’exilent alors en Angleterre et continuent à exercer. En 1841, James Braid, médecin anglais, comprend que tout est suggestion. Grâce à lui, l’hypnotisme devient une science. L’utilisation du chloroforme étant peu étendue, il donne l’idée d’utiliser l’hypnose comme substitut à l’anesthésie lors de certaines interventions chirurgicales. A cette période, on note un regain d’intérêt pour la technique et nombreux sont les récits qui relatent des opérations pratiquées sous hypnose. 2 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
On ne parle plus de théorie fluidique mais « d’hypnotisme », sur la base étymologique grecque d’ « Hypnos » qui signifie sommeil. Le nom est resté mais paraît aujourd’hui en décalage avec la signification de sa racine. En effet, nous verrons plus loin que cet état particulier est bien différent du sommeil. Au milieu du 19ème siècle, le magnétisme est toujours interdit en France, mais pas cette nouvelle pratique qu’est l’hypnose. Ainsi, de nombreux médecins s’y intéressent. Peu à peu, l’hypnose est utilisée, de façon expérimentale, pour comprendre les maux de l’âme. Jean Martin Charcot, considéré comme le père de l’Ecole française de neurologie, démontre notamment que certaines paralysies ne sont pas dues à une cause organique. Il propose des séances publiques à l’hôpital de la Salpêtrière, où il traite ses patientes hystériques. Pour lui, l’hypnose ne sert qu’à traiter ce type de pathologies. C’est sur ce point qu’il s’affronte avec le médecin Hippolyte Bernheim et son associé Ambroise- Auguste Liébault de l’école de Nancy pour qui, l’hypnose fondée uniquement sur la suggestion est applicable à tous les patients, sauf ceux souffrant d’hystérie. Quelques récits d’avulsions dentaires sous hypnose sont retrouvés, notamment ceux de Liébault (1866) et Bernheim (1886). Plus tard, dans les années 1900, le célèbre psychiatre américain Milton H. Erickson décrit l’état hypnotique comme un état naturel. Pour lui, cette ressource est disponible en chacun de nous. Qui n’a jamais été tant absorbé par quelque chose, qu’il n’a plus conscience du reste autour de lui? C’est cet état de distraction qu’Erickson appelle déjà « transe quotidienne commune ». L’hypnothérapeute ne se sent plus dans la nécessité de fournir une solution à son patient. C’est à lui-même de mettre à profit l’état hypnotique pour accéder à ses ressources intérieures. Erickson souligne déjà la possibilité pour les patients de pratiquer l’autohypnose. Aujourd’hui encore, l’hypnose reste dans beaucoup d’esprits une pratique « mystique », dans laquelle le patient perdrait le contrôle de ses actes. Elle est pourtant reconnue et enseignée, depuis plusieurs décennies, dans les facultés de Médecine et d’Odontologie aux USA et au Canada (depuis 1955 par la British Medical Association et 1958 par l’American Medical Association). 3 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
Au début des années 2000, le chef de service d’anesthésie de l’Hôpital de la Pitié- Salpêtrière ouvre un diplôme universitaire d’hypnose médicale. Ces dernières années, cette technique connaît un essor important et les formations à l’hypnose ericksonienne sont de plus en plus fréquentées par les anesthésistes, dentistes, infirmières, sages femmes… Sa pratique se développe en milieu hospitalier, où le traitement de la douleur physique et psychique est devenu une priorité de santé, depuis les directives ministérielles de 1994 et les plans de lutte contre la douleur de 2002 et 2006. Ainsi, l’histoire de l’hypnose a évolué entre des périodes plus ou moins mystiques et la volonté du corps scientifique de prouver la réalité neuro-physiologique de cette approche du corps humain. Elle est certainement appelée à occuper une place grandissante dans la médecine moderne. 2. PHOBIE ET DOULEUR « Quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur. » Pierre Augustin Caron de Beaumarchais 2.1 DE LA PEUR A LA PHOBIE DU DENTISTE Ancrée dans les mémoires, cette peur est alimentée dès l’enfance par les parents, qui eux- mêmes redoutent le rendez-vous chez le dentiste. Elle peut être aussi associée à une mauvaise expérience antérieure, vécue notamment pendant l’enfance. 10% de la population aurait peur du dentiste et, pour le reste, le rendez-vous n’est pas vécu comme un moment agréable. Pour les patients phobiques, cette peur est incontrôlable et 4 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
mène à un évitement des soins qui les plonge, par conséquent, dans un cercle vicieux, dont ils éprouvent une grande difficulté à s’extraire seuls. Anxiété et douleur sont intimement liées et dans le cadre des soins dentaires, la principale peur est d’avoir mal. Un souvenir douloureux, une mauvaise expérience peut marquer le patient à tel point que, lorsque l’expérience est renouvelée, l’appréhension est telle qu’elle se traduit en douleur (Weisman et coll., 1998). Les expériences menées par le psychiatre Théodore Xenophon Barber et son équipe montrent que les sujets non anxieux éprouvent moins de douleur lors d’un geste médical que ceux qui le sont (Michaux, 2004). 2.2 LA DOULEUR (Michaux et coll., 2007) L’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) a proposé en 1979 la définition suivante : « La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans des termes impliquant une telle lésion ». Le terme de « potentielle » est important à prendre en compte. Chez le dentiste, les patients ont peur de la douleur potentielle et de tout ce qui entoure le soin tels que les sons, les odeurs caractéristiques du cabinet dentaire ainsi que la nécessité de devoir remettre leur sourire entre les mains du praticien. Dans une pratique moderne de la dentisterie, cette notion de « douleur chez l’arracheur de dents » devrait être totalement désuète. De nombreux travaux ayant étudié la complexité de la réaction du système nerveux à la douleur ont montré que celle-ci peut être modulée par des facteurs psychologiques (dont certains états émotionnels) et environnementaux. Les chercheurs se sont penchés aussi bien sur la composante sensorielle que sur la composante affective et dissocient bien ces deux caractères. 5 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
2.2.1 Composante « sensori-discriminative » Elle est relative à la localisation, la durée, l’intensité et la nature du stimulus douloureux. Les voies nerveuses et cérébrales impliquées dans la perception de la douleur ont été étudiées grâce à la neuro-imagerie fonctionnelle. Les fibres nerveuses A α et β transmettent le message normal, suite à une stimulation des récepteurs associés. Les fibres A δ et C transmettent le message douloureux. Plus on stimule les premières, plus on bloque la transmission par les fibres A δ et C. Donc, plus on ressent autre chose, plus on bloque la sensation de douleur. En 1997, Rainville et ses collaborateurs ont montré par imagerie médicale que l’hypnose agit sur les voies centrales de la douleur. La sensation douloureuse active le cortex somatosensoriel. Lorsqu’il suggérait au sujet sous hypnose de réduire la douleur « en tournant un bouton imaginaire », il observait que l’activité du cortex somatosensoriel diminuait. 2.2.2 Composante « affectivo-émotionnelle » Elle est relative au caractère déplaisant du stimulus douloureux perçu par le patient. Rainville a également étudié lors de la même expérience la composante affective, émotionnelle. Elle est en rapport avec l’activité du cortex cingulaire antérieur. La suggestion que « la douleur ne le dérange pas » était proposée au patient pour atténuer le désagrément douloureux et on observait que l’activité du cortex cingulaire antérieur (CCA) diminuait. La douleur a une part subjective et sa perception est propre à chacun. Elle dépend de son passé, de sa culture, de ses croyances. Selon Price et Rainville (2004), « l’expérience de la douleur n’est jamais un évènement sensoriel isolé et qui arriverait sans l’influence d’une part d’un contexte donné, d’autre part d’une signification qui lui est associée. » 6 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
Figure 1. Diminution de la perception de la douleur sous hypnose comparée aux tâches contrôles : repos les yeux fermés et tâche de distraction (NS = non significatif) (Faymonville et coll., 2003(a)). L’hypnose modulerait la douleur, non seulement dans sa composante affectivo- émotionnelle par un vécu modifié de la douleur, mais aussi dans sa composante sensori- discriminative par l’élévation des seuils de la douleur (Faymonville et coll., 2005). Les effets de l’hypnose sont tout de même plus remarquables sur la composante affective. Price et Barber (1987) démontrent expérimentalement que l’hypnoanalgésie agit pour 80% sur la composante affective et 45% sur la composante sensorielle. 3. LES BASES DE L’HYPNOSE 3.1 SUSCEPTIBILITE ET SUGGESTIBILITE HYPNOTIQUES Susceptibilité et suggestibilité hypnotiques sont 2 notions bien distinctes. La susceptibilité hypnotique, encore appelée hypnosabilité, fait référence à la facilité avec laquelle chaque individu entre en état hypnotique. Des études ont été menées pour essayer de lier les traits de la personnalité et la susceptibilité hypnotique d’une personne. Elles aboutissent à des conclusions contradictoires. Nous pouvons tout de même retenir, selon 7 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
Hilgard, que la susceptibilité hypnotique serait un trait de personnalité à part entière, indépendant des autres. Selon Lichtenberg et coll. (2004), les personnes hautement hypnotisables auraient une capacité à être plus attentives. La suggestibilité fait référence à la disposition psychique d’une personne à accepter facilement une proposition faite. Des tests sont disponibles pour évaluer la suggestibilité hypnotique de chacun. Les échelles de Stanford et d’Harvard sont les plus utilisées et permettent une certaine standardisation. 3.2 LES DONNEES SCIENTIFIQUES (Michaux et coll., 2007) 3.2.1 Neurophysiologie De nombreuses études tentent de démystifier l’hypnose et de prouver scientifiquement la réalité de cet état particulier de conscience, de le définir et le comprendre. A la fin des années 1990, des études électroencéphalographiques ont permis de prouver les modifications de l’activité électrique du cerveau lors du processus hypnotique. Selon De Pascalis et coll. (1998), lors de l’état hypnotique, ce sont en majorité des ondes α qui sont mises en évidence au niveau cérébral ; elles correspondent à un état de relaxation légère et d’éveil calme. Il y a aussi une production plus importante qu’à l’état de veille d’ondes τ, correspondant à une relaxation profonde. Cette découverte a été confirmée récemment (Jensen et coll., 2013). Mais, ce tracé ECG n’est pas spécifique à l’état hypnotique et à ses différentes phases. Il est en effet retrouvé, entre autres, lors de l’extase yogique étudiée par Das et Gastaut (Ulett et coll., 1972). 8 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
ONDES β (13-30 Etat attentif, éveil Hz) ONDES α Relaxation (8-12 Hz) légère, éveil calme ONDES τ Relaxation (4-7 Hz) profonde, sommeil léger, imagerie mentale ONDES δ (0,5-3 Hz) Sommeil Figure 2. Les ondes cérébrales à l’EEG en fonction des états de conscience (site internet de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie). Aujourd’hui, l’imagerie moderne telle que la Tomographie par Emission de Positons (ou TEPscan) et l’Imagerie par Résonnance Magnétique fonctionnelle permettent d’étudier les réponses cérébrales à différents stimuli, lors des différents niveaux de conscience (veille, sommeil). Au cours des années 1970, l’hypothèse était que lors de la phase de transe hypnotique, le cerveau droit prédomine, contrairement à l’état de veille où le cerveau gauche est en plus forte activité. Précisons que le cerveau droit est intemporel et imaginatif, tandis que le cerveau gauche est critique, logique et rationnel, ce qui laissait à penser que sous hypnose, l’hémisphère droit s’activerait au détriment du gauche. Depuis, de nombreuses études ont montré qu’il n’y a pas de prédominance d’activité hémisphérique cérébrale chez un sujet sous hypnose (De Pascalis 1988 ; Rainville et coll., 1999 ; Faymonville, 2003(b)). 9 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
Cependant, certaines zones cérébrales sont activées de façon privilégiée : - les lobes occipitaux droit et gauche, ce qui traduirait la profonde relaxation induisant la modification de vigilance et faciliterait la production d’imagerie visuelle, observées lors du processus hypnotique, - le cortex dorsolatéral frontal gauche, - l’insula gauche, - le cortex pariétal et cérébelleux présenteraient une activation spécifique lors des mouvements sous hypnose, selon 2 études menées par Suarez et coll. (2009). On note aussi une diminution de l’activité régionale au niveau : - des lobes temporopariétaux, - d’une partie du lobe préfrontal, - du cortex cingulaire postérieur et du précunéus, qui sont 2 régions impliquées dans la représentation de son corps, la conscience de soi et de son environnement, ce qui suggère que le sujet en hypnose se trouve dans un état modifié de conscience. L’état hypnotique apparaît comme le résultat d’une activation neurophysiologique du cycle de relaxation et d’une dissociation relationnelle. Ainsi, l’hypnose est définie comme un état spécifique, différent de l’éveil, du sommeil, du rêve, de la méditation, de la focalisation (Suarez, 2013) et de la distraction (Faymonville et coll., 2003(a)). Selon le Dr Faymonville, le processus hypnotique se rapprocherait le plus de l’imagerie mentale, le patient se trouve alors dans un état modifié de conscience. De nombreuses recherches sont actuellement mises en œuvre pour continuer à explorer et comprendre cet état hypnotique. A ce jour, les études n’ont pas démontré de corrélations spécifiques entre ses différentes étapes et l’imagerie, mais elles ont simplement observé des modifications de l’activité de certaines aires cérébrales. 10 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
3.2.2 Physiologie Des études ont tenté de répertorier des marqueurs physiologiques constants chez les sujets hypnotisés, mais il est difficile de mettre en évidence de tels éléments spécifiques à l’état hypnotique. Cependant, certains comportements et vécus des patients sont très fréquemment retrouvés. Large et coll. (2003) ont proposé une synthèse des 5 caractéristiques du ressenti des patients en état hypnotique : - une sensation de détente. Cette détente musculaire est objectivable cliniquement et expérimentalement par électromyogramme, - une attention concentrée et focalisée, - une diminution du jugement et de la censure (le patient ne se demande pas si ce qu’on lui propose est réaliste, logique), - une modification de leur orientation spatio-temporelle (la majorité des patients n’ont plus conscience d’être dans le fauteuil), - une expérience de réponse quasi automatique ou principe d’involontarité décrit par les Canadiens. Lorsque l’on suggère au patient que sa main est légère, levée par des petits ballons (métaphore de légèreté), il a l’impression qu’elle se lève toute seule, mais en réalité il s’agit d’un mouvement volontaire. Le patient ayant une altération du sens de soi, perçoit le mouvement comme passif, automatique, indépendant de sa volonté, bien que le système moteur soit mis en jeu (Benhaiem, 2005). Nous pouvons aussi ajouter que la perception des bruits extérieurs est fréquemment modifiée. Ils paraissent en effet, atténués ; la voix de l’hypnothérapeute étant perçue normalement dans la majorité des cas (Michaux et coll., 2007). Selon Salem et Bonvin (2001), voici les indices corporels fréquents permettant d’apprécier l’état hypnotique, sans en être, encore une fois, spécifiques, rejoignant et complétant les observations de Large et coll. ( 2003) : - léthargie, détente (ou activité rythmée), - catalepsie (inhibition des mouvements volontaires), 11 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
- mouvements automatiques, induction ou inhibition d’un mouvement (Michaux et coll., 2007), - relaxation de la musculature volontaire (visage, cou, nuque, dos, abdomen, etc.), - petites saccades musculaires, clignement ou trémulation des paupières, - larmoiement, rhinorrhée, - activation passagère de la musculature lisse (salivation, péristaltisme, toux, dilatation bronchique, vasodilatation périphérique), - inhibition du réflexe de déglutition, - ralentissement du débit verbal, dysarthrie légère, - changement du rythme cardiaque et respiratoire (en général diminution), - diminution de la tension artérielle, - sensation de lourdeur ou de légèreté (selon le thème abordé), - sensation de chaleur ou de fraîcheur (selon le thème abordé), - modification du schéma corporel, - lévitation spontanée d’un ou plusieurs membres, - inhibition ou excitation sensorielle spontanée (en accord avec les suggestions), - perception accentuée (hyperesthésie) partielle ou générale du corps, - modification des mouvements oculaires (mouvements lents, augmentation du temps de fixation et diminution de la taille pupillaire). Selon Kallio et coll. (2011), ces modifications pourraient être propres à l’état hypnotique. L’équipe du Dr Faymonville prend également les mouvements oculaires lents comme un des 4 critères pour valider l’état hypnotique d’un patient lors de ses études cliniques. - hypoesthésie ou anesthésie partielle (ce phénomène sera décrit dans la partie suivante) 12 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
3.2.3 Cas particulier de l’hypnoanalgésie Ce phénomène hypnotique est probablement l’un des mieux connus. Les suggestions d’analgésie augmentent les seuils de perception thermique ainsi que les seuils de la douleur au chaud chez des sujets sains. On observe aussi une diminution de la réponse cardiovasculaire et des réflexes moteurs de retrait déclenchés par un stimulus douloureux (Benhaiem, 2005). La réduction de la douleur n’apparaît cependant pas corrélée avec le niveau de suggestibilité du patient (Price et Barber 1987 ; Houle et coll., 1988). Les résultats de l’équipe de Kiernan (1995) montrent que l’analgésie hypnotique repose, en partie, sur la mise en jeu de systèmes capables de réduire la transmission des informations douloureuses, dès leur premier relais dans la moelle épinière. De nombreuses autres études en arrivent au même constat (Crawford et coll., 1998 ; De Pascalis et coll., 1998). L’analgésie hypnotique est donc le résultat d’un processus actif inhibant la stimulation douloureuse. Ce processus inhibiteur découle d’un mécanisme de détournement et donc de contrôle de l’attention situé dans le cortex fronto-latéral, activé lorsque la suggestion d’analgésie est intégrée par le patient. L’hypnoanalgésie a une origine multifactorielle mettant en cause plusieurs éléments du système nerveux central, dont certains mécanismes de modulation de la douleur restent inconnus à ce jour. Selon Patterson, l’induction hypnotique et l’état de transe ne suffisent pas à augmenter le seuil de la douleur, elle doit être accompagnée de suggestions d’analgésie (Michaux et coll., 2007). Ainsi, l’hypnose permettrait de réduire de 50 % la perception douloureuse (Faymonville et coll., 2006). 13 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
3.3 LES DONNEES PRATIQUES : PLAN D’UNE SEANCE Il existe plusieurs courants de pratique de l’hypnose, la pratique étant différente pour chaque patient. En hypnose médicale, c’est la méthode ericksonnienne qui est employée. Elle est permissive, le praticien passe du « je veux que… » de l’hypnose classique, à « si vous voulez… ». Dans la relation interpersonnelle qui s’installe, le patient n’est pas passif et rien ne se passe sans la collaboration volontaire de celui-ci. Ainsi, Erickson abat le mythe de l’hypnothérapeute tout puissant. L’hypnose est l’ensemble des techniques relationnelles mises en œuvre par un thérapeute pour générer cet «état modifié de conscience », que nous appelons la transe hypnotique. Le praticien accompagne le patient dans cette transe en s’aidant de la suggestibilité de celui- ci. Pour Bernheim, la suggestion est définie comme « toute idée acceptée par le cerveau ». Préalablement à la séance d’hypnose, il est important de recueillir auprès du patient quelques informations qui nous serviront à tisser le fil conducteur des scénarii de suggestions. Il peut ainsi nous éclairer sur ses loisirs et vacances, voyages à réaliser, ... Selon Erickson, « l’observation des invariables et des corrélations du comportement humain est la condition sine qua non, le matériel de base de l’hypnothérapeute créatif. » (Godin et Malarewicz, 2005). Cette première étape établit un climat de confiance, indispensable à une bonne relaxation. Le déroulement de la transe comporte 3 phases : l’induction, la dissociation, le réveil. Ces 3 temps sont à respecter et à conduire selon le rythme du patient. 3.3.1 L’induction Elle permet de déclencher, d’induire l’état hypnotique en orientant l’attention du patient vers l’intérieur. Selon Salem et Bonvin (2001), «l’induction passe par l’intermédiaire de suggestions ou l’introduction d’une idée qui va provoquer un état, une émotion, un mouvement selon le 14 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
principe idéomoteur (l’idée provoque l’acte). L’induction facilite l’accès à un mode de fonctionnement hypnotique et favorise un état de dissociation : conscient / inconscient ; corps / esprit. C’est une sorte de rituel qui permet au sujet un retrait et une réorientation de son attention de l’extérieur vers l’intérieur ». Il existe un grand nombre de méthodes d’induction mais c’est le plus souvent par la voie sensorielle que le praticien « ouvre la porte du contenu de l’inconscient ». Le patient s’installe confortablement et on lui propose de fixer son attention sur une perception (sa respiration, un point précis de la pièce ou quelque chose d’imaginaire). Cette hyperfocalisation va permettre la dissociation psychique par la modification de la perception de l’environnement et paradoxalement, l’élargissement de son champ de conscience. Le praticien va observer le patient pour évaluer l’efficacité des suggestions proposées. 3.3.2 La dissociation Pour Erickson, l’inconscient est tout ce qui n’est pas conscient et lors du processus de la transe hypnotique, le patient se déplace entre le conscient et l’inconscient. Il se crée alors une dissociation corps / esprit. Conscient Ressources Inconscient Figure 3. Utilisation des ressources du patient (rvd-psychologue.com). 15 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
Selon le psychologue Yves Halfon (2004), cette dissociation est le moment prépondérant du processus hypnotique. S’il n’est pas dissocié, le patient n’entre pas en transe. Pour lui, notre conscience fluctue en permanence entre certains degrés de dissociation, même en état de veille normal. Qui ne s’est jamais déconnecté d’une conversation en pensant à autre chose ? Nous sommes conscients mais « ailleurs » : c’est une forme de dissociation légère. Lors de la transe hypnotique, le patient est hyperconcentré sur son intérieur. Son corps est dans le fauteuil et reçoit les soins dentaires ; son esprit s’évade au gré de son imagination, grâce aux suggestions du soignant. Selon le Dr Faymonville, le patient a l’impression de vraiment « revivre » sous hypnose le moment agréable qu’on lui propose de s’imaginer, grâce à la production d’imagerie visuelle, kinesthésique et motrice. Alors qu’en état de veille naturel, il se souvient seulement de ce qu’il a vécu. 3.3.3 Le réveil A la fin de la séance, le patient se réapproprie son corps et l’environnement, toujours guidé par le praticien. Il est important de bien laisser chaque patient prendre le temps qui lui est nécessaire. Juste avant cette phase, le soignant pourra saupoudrer quelques suggestions post- hypnotiques, concernant le soin qui a été réalisé : « et vous allez saigner ce qu’il faut pour bien cicatriser » ou concernant les soins futurs : « et si vous voulez, vous pouvez retrouver cette sensation de bien-être, de confort ». Pour chaque patient, chaque expérience est unique et subjective. 16 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
4. LA PRATIQUE DE L’HYPNOSE AU CABINET DENTAIRE La profession de chirurgien-dentiste nécessite d’allier performances intellectuelles, manuelles et sociales en un temps limité. Le fait de devoir créer une relation particulière avec un patient est aussi un facteur majeur de stress pour le praticien (pour 45% d’entre eux, selon une enquête réalisée en 2012). Nous avons donc intérêt à améliorer notre communication, pour créer une relation positive reposant sur la confiance mutuelle. Notons qu’il existe 4 stades de transe hypnotique (Salem et Bonvin, 2001) : l’état hypnoïde, la transe légère, la transe moyenne et la transe profonde. Dans le cadre de l’utilisation de l’hypnose au cabinet dentaire, le premier stade, correspondant à un « relâchement psychique complet » et le stade de transe légère sont suffisants pour obtenir les résultats attendus. La profondeur de la transe varie au cours d’une même séance, au fil des suggestions. L’accompagnement des soins dentaires par l’hypnose peut aller de la simple relaxation jusqu’à un niveau de transe plus profonde pour créer une anesthésie hypnotique (hypno- analgésie). 4.1 DE LA SIMPLE RELAXATION … L’accompagnement peut se manifester simplement dans la façon dont nous parlons et communiquons avec le patient, sans le mettre en transe hypnotique à proprement parler. On ne passe pas par une induction formelle : c’est ce que l’on appelle l’hypnose conversationnelle (Rombourg et Bramas, 2013). Le comportement para-verbal et non verbal du praticien joue un rôle important dans ce cadre. Prenons l’exemple d’un patient anxieux lors de l’anesthésie. Lorsque cet acte est difficile, le soin qui suit est souvent moins bien vécu. Il pourra alors être rassuré, en nous entendant, 17 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
d’une voix douce, lui proposer de décroiser les pieds « pour une meilleure circulation » et les bras pour « mieux respirer ». Lorsque l’on juge opportun de guider le patient jusqu'à la transe hypnotique, son attention est alors détournée vers son intérieur. Son corps est détendu et le patient est recentré sur son esprit. Il peut alors se produire un phénomène d’immobilité propre au processus hypnotique : la catalepsie des muscles de la mandibule en ouverture. Ainsi, le patient ne ressent pas de fatigue ou de gêne, même lorsque le soin à réaliser est long. 4.2 … A L’ANESTHESIE HYPNOTIQUE (Defechereux et coll., 2000 ; Michaux, 2004 ; Faymonville et coll., 2005). C’est la capacité d’induire l’anesthésie d’une partie du corps par la seule suggestion de cette anesthésie. Elle est réalisée afin de potentialiser l’anesthésie chimique locale, ou peut même remplacer complètement celle-ci, dans le cas d’un patient intolérant majeur aux anesthésiants chimiques. En général, on suggère l’anesthésie d’un doigt par l’évocation de sensations de froid, de picotements, qui gagnent progressivement la main. Le patient en éprouve réellement les effets : il ressent le froid et la zone définie peut blanchir légèrement. Puis, celui-ci transfère cette anesthésie au niveau de la zone buccale qui va subir le soin en venant la toucher avec le doigt de la main anesthésiée. Cette technique est appelée anesthésie en gant ou encore technique de Golan (Ignace et Cunin-Roy, 2010-2011 ; Michaux, 2004). L’anesthésie hypnotique a été prouvée expérimentalement et cliniquement et continue à faire l’objet de nombreuses études pour déterminer les origines et les voies nerveuses impliquées dans ce phénomène. Ainsi, l’hypnose s’avère utile au cabinet dentaire en préopératoire et tout au long du soin pour diminuer, voire supprimer, stress, anxiété et douleur. 18 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
4.3. LES INDICATIONS, CONTRE-INDICATIONS ET RECOMMANDATIONS DE L’HYPNOSE MEDICALE 4.3.1 Indications La capacité analgésique de l’hypnose peut être utilisée afin de créer une anesthésie comme nous l’avons vu précédemment. L’hypnose peut aussi être employée dans la gestion de la douleur (Michaux et coll., 2007 ; Stoelb et coll., 2009) : - la douleur aigue : en calmant l’angoisse et en permettant un soin plus confortable, - la douleur iatrogène : par hypnoanalgésie et suggestions post-hypnotiques pour faciliter les soins futurs, - la douleur chronique : l’utilisation de l’hypnose dans ce cadre diminuerait l’intensité, la durée et la fréquence des douleurs. Les suggestions post-hypnotiques permettent au patient de retrouver la sensation de confort qu’il a éprouvée, après la séance, tout simplement en fermant les yeux, par exemple. Le praticien lui fait prendre conscience qu’il peut agir lui- même sur sa douleur et la moduler. Ainsi, l’apprentissage de l’autohypnose est intéressant pour ces patients et cette méthode est efficace dans la prise en charge des douleurs idiopathiques persistantes orofaciales (Abrahamsen et coll., 2008). L’hypnose peut aussi s’envisager à d’autres niveaux de notre pratique : - pour la maîtrise du saignement et de la salivation. Par exemple avec la technique d’imagerie mentale du réseau de plomberie dont le patient fermerait, ou au contraire, ouvrirait un robinet (Bourassa et coll., 2008), - pour obtenir des suites opératoires plus favorables grâce aux suggestions post- hypnotiques : la cicatrisation est sensiblement plus rapide, les oedèmes et douleurs post- opératoires sont atténués et donc la prise d’antalgiques diminuée (Enqvist et Fischer, 1997 ; Deltombe et coll., 2012), - pour l’adaptation d’une prothèse, - pour traiter les SADAM, parafonctions et apprentissage de nouveaux comportements notamment en ODF, en complément des thérapeutiques habituelles, 19 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
- pour la diminution du réflexe nauséeux par relaxation musculaire, - pour la motivation à l’hygiène, - pour potentialiser les effets du MEOPA (Michaux et coll., 2007). L’application la plus courante semble être l’accompagnement des soins chez l’enfant anxieux non coopérant. En effet, malgré le manque de preuves évidentes dans la littérature à ce jour (Al Harasi et coll., 2010), l’hypnose reste une alternative non médicamenteuse, utilisée et étudiée, pour la prise en charge de tels patients. Notamment, en ce qui concerne les soins nécessitant une anesthésie locale (Huet et coll., 2011). En raison de leur grand pouvoir d’imagination, la suggestibilité des enfants est importante et ils répondent souvent facilement à l’induction hypnotique. Cette capacité serait maximale entre 7 et 14 ans et diminuerait par la suite chez les jeunes adultes (Olness et Gardner, 1988). La pratique de l’hypnose trouve donc sa place dans notre pratique quotidienne et dans certains cas pour élargir nos possibilités thérapeutiques. 4.3.2 Contre-indications Rappelons brièvement qu’il existe des contre-indications à l’utilisation de l’hypnose au cabinet dentaire qui découlent du bon sens (Salem et Bonvin, 2001) : - un praticien non formé à l’hypnose médicale, - un patient qui est contre cette technique ou se soumet au traitement sous la pression d’un tiers, - un patient ayant des problèmes psychiatriques (névrotiques, psychotiques), - les enfants de moins de 3 ans, - les arriérés mentaux. 20 MONSET (CC BY-NC-ND 2.0)
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