DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE TERRITORIAL : COMMENT LES COLLECTIVITÉS LOCALES PEUVENT-ELLES FAVORISER DES FILIÈRES AGRICOLES DURABLES ?
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DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE TERRITORIAL : COMMENT LES COLLECTIVITÉS LOCALES PEUVENT-ELLES FAVORISER DES FILIÈRES AGRICOLES DURABLES ? JUIN 2018 Ce guide de recommandations et bonnes pratiques est issu des travaux du réseau national des sites pilotes eau & bio, coordonnés par la FNAB et Bio en Hauts-de-France.
PRÉAMBULE Un besoin de mieux identifier le rôle que pourraient jouer les collectivités locales dans l’émergence de systèmes agroalimentaires durables et territorialisés GÉNÈSE ET LE RÉSEAU FONCTIONNEMENT DES SITES PILOTES D’UN GROUPE DE EAU & BIO, TRAVAIL EN QUELQUES MOTS… DÉDIÉ À CETTE PROBLÉMATIQUE Si en matière de reconquête et Ce réseau - animé par la FNAB de préservation de la qualité de - se compose d’une trentaine de Le réseau des sites pilotes et la l’eau sur des secteurs agricoles, la sites pilotes représentatifs de la FNAB ont l’intuition que le déve- solution la plus durable et la plus diversité des systèmes agricoles, loppement économique et l’appui à efficace est le développement à des contextes pédoclimatiques, la structuration de filières longues grande échelle de l’agriculture bio- des dimensions géographiques, (projets allant au-delà et en complé- logique1, les références locales ou politiques et administratives que ment des circuits courts de proximi- européennes en la matière sont l‘on retrouve en France. té tels que les paniers, marchés de peu nombreuses, notamment sur plein vent, la restauration collective) les leviers d’actions publics. 1 Girardin et Sardet, INRA, 2003. pourraient être de puissants leviers Billen, Piren Seine-Normandie, pour développer et structurer loca- Le dispositif site pilote Eau & Bio, CNRS, 2011. lement l’agriculture biologique. créé en 2010, est un réseau de co-production, d’expérimenta- Pourtant, ces leviers sont souvent tion, d’innovation et de transfert méconnus et sous-employés. Nous d’expériences visant à mieux fa- disposons de peu d’exemples dans voriser et comprendre les dyna- lesquels la collectivité locale a pu miques territoriales en faveur du faire émerger une économie agroa- développement de l’agriculture limentaire durable et reterritoriali- biologique. sée. Par ailleurs, les collectivités en charge de la protection de l’eau n’ont Il réunit à ce titre les territoires les soit pas la compétence développe- plus innovants et engagés dans ment économique, soit peinent à la problématique du développe- articuler leurs compétences avec les ment agricole, plus particulière- politiques publiques de développe- ment celui du mode de produc- ment économique agricole et agroa- tion biologique, dans un contexte limentaire. d’enjeu de protection de l’eau. Ce groupe de travail animé par la FNAB et le GABNOR (aujourd’hui www.eauetbio.org Bio en Hauts-de-France) en par- tenariat avec le bureau d’études Epices, composé de collectivités 2 Préambule
Source : SEV - SIEPDEP de la vallée de la Courance locales du réseau des sites pilotes, a cherché à mieux comprendre le rôle des collectivités en matière de dé- veloppement économique agricole et alimentaire. A travers cette analyse écono- mique, l’objectif était d’identifier de nouvelles pistes de soutiens pu- blics au développement territorial de l’agriculture biologique. Pour ce faire, le groupe de travail composé d’une dizaine de collectivités lo- 26 acteurs ressources ont été in- l’Auxerrois, Saint Etienne Métro- cales s’est réuni trois fois et a orga- terviewés afin d’enrichir l’analyse : pole, Grenoble Alpes Métropole, nisé un voyage d’étude à la Bioval- Pays du Ternois, Communauté de lée (Drôme) en mai 2016. • Opérateurs économiques : Communes Val de Drôme, Eau de société IRIS (ex-SANOFLORE), Paris SCOP Ti (ex – FRALIB), Agrobio- drôme, Terres Dioises, société • Têtes de réseau et experts : roses et d’or, fromagerie de la Lé- Fédération Nationale des PNR, mance, fermes de Figeac Association des Régions de France, Agence Bio, CAP Rural, • Acteurs publics : CERDD, ATEMIS, France Clus- Pays des Herbiers, PNR Pyrénées ters, l’Assemblée Des Commu- Ariégeoises, Conseil Départe- nautés de France, ANPP mental de la Savoie, Agence de l’Eau Seine Normandie, Com- munauté d’Agglomération de Enfin, un séminaire et des ateliers de co-production dédiés organisés à Paris le 19 janvier 2017 ont réunis élus, collectivités locales, produc- teurs et opérateurs économiques : http://www.eauetbio.org/catego- rie-dossiers-thematiques/semi- naire-transition-agricole-des-ter- ritoires/ Préambule 3
UN GUIDE DE RECOMMANDATIONS 05 ET DE BONNES PRATIQUES POUR DONNER ENVIE AUX COLLECTIVITÉS CONTEXTE LOCALES DE S’ENGAGER LES CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME AGROA- LIMENTAIRE LIMITENT Comment encourager L’ACTION DES COLLEC- l’entreprenariat agricole TIVITÉS TERRITORIALES individuel et collectif ? Que faire quand les centres de décision des entreprises Un système agroalimentaire ne sont plus dans les terri- concentré, spécialisé et toires ? globalisé… - Comment mobiliser des Qui invite à repenser le mode acteurs économiques d’organisation des filières… positionnés sur des marchés - internationaux ? Mais qui révèle les difficultés des collectivités territoriales à intervenir sur l’organisation des filières 11 Comment créer davantage de coopérations entre les acteurs économiques et les RECOM. 1 élus d’un territoire ? SORTIR DU CADRE, CHANGER DE POSTURE : Voici quelques-unes des ques- UN PRÉALABLE tions soulevées par le groupe de travail auxquelles nos travaux se Des compétences en sont attachés à répondre. L’ob- développement économique, jectif de ce guide est de valori- mais une difficulté des ser les échanges et expériences collectivités à se positionner - La proposition d’un schéma issus de ces travaux à travers sur l’économie agricole, à méthodologique et de clés à penser le lien aux ressources destination des collectivités lo- - Une présentation du contexte en eau cales pour se lancer dans la mise agroalimentaire - en œuvre de politiques de déve- Pourquoi et comment loppement économique facili- dépasser ce cadre ? - La formulation de 3 recom- tant la transition agroalimentaire mandations clés à destination d’un territoire des élus et agents de collectivi- tés locales 4 Préambule
RECOM. 2 16 SYNTHÈSE MÉTHODOLOGIQUE 27 ENCOURAGER L’ENTREPRENARIAT Des actions ponctuelles pour INDIVIDUEL OU démarrer COLLECTIF, POUR FAIRE - ÉMERGER DES ALTER- Schéma méthodologique NATIVES AU SYSTÈME AGROALIMENTAIRE Accompagner et mettre en réseau les initiatives entrepreneuriales alternatives - Attirer des entrepreneurs qui contribueront à la mise en œuvre du projet de territoire : zones d’activité immobilières CONTEXTE dédiées, marketing territorial, crowdfunding territorial… LES CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME AGROALIMENTAIRE RECOM. 3 INFLUENCER LES 23 LIMITENT L’ACTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PRATIQUES DES ENTREPRISES AGROA- UN SYSTÈME AGROALIMENTAIRE LIMENTAIRES DU TER- RITOIRE : DES MARGES CONCENTRÉ, SPÉCIALISÉ ET GLOBALISÉ… DE MANŒUVRE À EXPLORER La théorie des avantages compara- Les filières agricoles se sont donc tifs soutient l’idée que chaque ter- structurées autour de ce principe, Se construire un avenir ritoire a intérêt à se spécialiser dans conduisant à la simplification des commun en révélant les la production agricole pour laquelle systèmes de production (moindre enjeux communs entre les il dispose de la productivité la plus diversité des assolements, réduc- entreprises et le territoire forte. En fonction de différents fac- tion de la durée des rotations…). - teurs : contexte pédoclimatique, Cette simplification des systèmes Saisir les opportunités pour infrastructures logistiques, outils des production s’est accompagnée influencer les pratiques des de transformation et organisation d’une spécialisation des territoires entreprises des acteurs… Le système de libre- autour de bassins de production, or- échange a poussé les régions agri- ganisés à travers des acteurs et des coles à se spécialiser en vertu de outils de transformation de plus en cette théorie, sur un modèle écono- plus concentrés. mique basé sur le couple volume / prix. Les caractéristiques du système agroalimentaire limitent l’action... Contexte 5
SPÉCIALISATION Diminution des rotations culturales entre 1970 et 2000 L’histoire agricole, avec les appa- ritions progressives de la moto- risation, mécanisation, intrants, sélection variétale, a conduit les exploitations agricoles puis les ter- ritoires à se spécialiser. Cette spé- cialisation s’est accélérée par la structuration des filières agro-in- dustrielles basées sur des bassins de production afin de maîtriser vo- lumes, qualité, logistique et de réa- liser des économies d’échelles. Les cartes ci-dessous montrent cette spécialisation des territoires et des systèmes productifs par la simplifi- Sur ces cartes, plus la couleur tend cation des rotations alors même que vers le rouge, plus les rotations la diversification des cultures, pierre culturales sont faibles. angulaire des systèmes bio, est le principal levier pour le développe- Source des cartes : SOLAGRO et ment de systèmes de productions AGRESTE - RGA durables économes en intrants et respectueux des territoires. Schéma décrivant la concentration CONCENTRATION des acteurs dans la filière alimentaire Le schéma ci-contre représente la chaîne agroalimentaire de six pays européens en 2000 avec le nombre d’acteurs à chaque niveau : on ob- serve une atomisation des consom- mateurs et des agriculteurs face à une concentration croissante des acteurs à mesure que l’on s’avance Les cartes ci-contre montrent l’évo- vers la distribution. lution du secteur sucrier, symbole de la spécialisation des territoires et Aujourd’hui en France, deux tiers du la concentration des outils de pro- chiffre d’affaires de l’industrie agroa- duction : la betterave est surtout limentaire est réalisé par moins de cultivée dans le Nord de la France, et 10% des entreprises. La distribution s’il existait à la fin du XIXème siècle Source : BASIC est encore davantage concentrée plus de 200 sucreries rien que sur le puisque 90% du commerce de dé- département de l’Oise, ce territoire tail alimentaire en libre-service est n’en compte aujourd’hui plus qu’une réalisé par 6 entreprises, regroupées seule, 20 sur le territoire national… autour de 4 centrales d’achats. 6 Contexte Les caractéristiques du système agroalimentaire limitent l’action...
Nombre sucreries 1960 Nombre sucreries 2010 Source : Association pour la sauvegarde de la sucrerie de franciere GLOBALISATION Le monde agricole fait l’objet d’at- Une étude2 menée en 2014 a cher- vis-à-vis de ses débouchés puisque tentes contradictoires. D’un côté, la ché à comprendre l’impact du sys- 90% de la production est vouée à société qui lui demande de prendre tème agroalimentaire de la région l’export. en compte toutes les ressources Nord-Pas-de-Calais sur la ressource dont il est indirectement en charge en eau. Cette étude, basée sur le localement, liées à la nature ou au suivi des flux d’azote du système bien commun de la société (eau, agroalimentaire régional, a mis en biodiversité, santé, gestion du pay- évidence la vulnérabilité et la forte sage…), dans une vision de long dépendance de la région vis-à-vis de terme. De l’autre côté, on observe ses intrants (engrais azotés, alimen- une pression économique crois- tation animale…) mais également sante due à un marché mondialisé, dérégulé, libéralisé, où l’on attend de l’agriculteur esprit d’initiatives et prise de risques : l’agriculteur est concurrent de bassins de produc- tions globalisés, ce qui implique une vision plutôt court-termiste. 2 Analyse du système agroalimentaire de la région Nord-Pas-de-Calais et ses enjeux sur l’eau, Mémoire de Master 2 réalisé par Mohamed BENHALIMA sous la direction de Florence SCARSI (Bureau de l’Agriculture, MEDDE) Gilles BILLEN (CNRS/UPMC), Septembre 2014 Les caractéristiques du système agroalimentaire limitent l’action... Contexte 7
DES CONSTATS QUI INVITENT À REPENSER LE MODE D’ORGANISATION DES FILIÈRES… Pourtant, seuls un allongement des rotations, une diversification des MAIS... QUI RÉVÈLENT cultures, un équilibre entre pro- ductions animales et végétales à LES DIFFICULTÉS DES COLLECTIVITÉS l’échelle des territoires permettront TERRITORIALES À INTERVENIR SUR l’émergence d’écosystèmes agroa- limentaires respectueux des res- L’ORGANISATION DES FILIÈRES sources locales. L’émergence de ces systèmes agroalimentaires durables passera donc par la capacité des Dans ce contexte, la principale difficulté pour les collectivités territoriales est acteurs économiques à s’organiser l’absence d’interlocuteurs locaux : les centres de décision de la majorité des collectivement pour parvenir à va- opérateurs agroalimentaires, collecteurs, coopératives ne sont plus présents loriser un maximum de productions localement. La proximité relationnelle et idéologique entre acteurs écono- diverses à l’échelle des territoires. Il miques et élus locaux est perdue et rend le dialogue difficile. sera pour cela nécessaire de travail- ler sur un nouvel agencement des acteurs économiques et repenser Que faire quand les centres les modèles de développement éco- de décision des entreprises nomiques et territoriaux : mise en ne sont plus dans les place d’outils de gouvernance coo- territoires ? pératifs multi acteurs, contractuali- sation inter-filière, plan d’investis- sement dans des outils post-récolte et de transformation de petites tailles, économes, accessibles, poly- L’aventure de Sanoflore a débuté valents… La durabilité des systèmes il y a une vingtaine d’années sur agricoles est donc conditionnée notre territoire. Le jour où Sano- par la façon dont les acteurs éco- flore a été racheté par L’Oréal, nomiques s’organisent à l’échelle nous avons perdu la proximité que des territoires. C’est à cette échelle nous avions tissé avec eux. Au- que les collectivités territoriales ont jourd’hui le dialogue est rompu. toutes leurs places, notamment à travers des compétences renfor- cées en matière de développement un élu de la Communauté de Com- économique. munes du Val de Drôme. L’éloignement des pouvoirs de dé- Comment créer davantage cision des entreprises complique de coopérations entre les la tâche des collectivités qui sou- acteurs économiques et les haitent les mobiliser sur des enjeux élus d’un territoire ? territoriaux tels que la protection de l’eau ou le maintien de l’emploi. 8 Contexte Les caractéristiques du système agroalimentaire limitent l’action...
Nous disposons d’un maillage Les industries agroalimentaires Comment faire converger dense d’entreprises agroalimen- du territoire telles que le groupe un projet de territoire au taires notamment des fromage- Arivé, Fleury Michon…, toutes service de l’intérêt général ries, des glaciers... Pour la plupart positionnées sur les marchés avec les réalités écono- d’entre elle, aucun approvision- internationaux, ont participé miques des entreprises ? nement n’est réalisé auprès des aux échanges avec les élus du éleveurs laitiers du territoire. En territoire, mais à aucun mo- cherchant à construire un pro- ment nous n’avons réussi à par- jet visant à mieux valoriser les tager un projet avec eux. Parler Par ailleurs, du fait de la financiari- ressources locales du territoire qualité de l’eau du bassin ver- sation du système agroalimentaire, dans les rations animales, on sant à des industriels position- la gouvernance des multinationales s’est rendu compte de la diffi- nés sur les marchés mondiaux est davantage actionnariale que culté à mobiliser ces entreprises dans des chaines intégrées, ne partenariale : nouer des partenariats dans un projet de territoire. rencontrait aucun écho car ils dans le territoire devient compliqué. n’y voyaient pas d’intérêt. A Les avantages concurrentiels poussent Julien Viaud, chargé de mission au l’époque, les démarches RSE parfois à la délocalisation des unités PNR des Pyrénées Arriégeoises. étaient encore peu répandues ; industrielles : dans ce cas, l’impact sur peut-être qu’à travers cet outil l’activité agricole est considérable. Les grands groupes agroalimentaires on aurait pu les mobiliser. et multinationaux ont plutôt des po- litiques court-termistes alors que le territoire, pour répondre aux enjeux Le groupe Unilever décida en tels que la protection de l’eau, doit Comment mobiliser des 2010, de délocaliser le site de nécessairement s’inscrire dans une acteurs économiques production de Gémenos (13), vision de long terme. Le Pays des positionnés sur des marchés jugé non rentable, en Pologne, internationaux ? Herbiers (85) s’est également heur- té à cette difficulté. Olivier Leberquier, engagé dans le Pour enrayer la dégradation de l’eau bras de fer qui a suivi avec FRALIB. du bassin versant de la Bultière, la collectivité s’est engagée à travers un programme LEADER intitulé Filière agroalimentaire et qualité de l’eau. Il ambitionnait d’associer les opérateurs économiques du terri- toire, constatant que chercher à agir sur les pratiques des agriculteurs ne suffisait pas. Les caractéristiques du système agroalimentaire limitent l’action... Contexte 9
Face à ces constats, les collectivités Il est impératif d’associer ceux qui, territoriales membres du groupe de a priori, ne veulent pas changer. de travail ont tout d’abord montré L’étude menée sur l’impact du sys- une certaine résignation dans leur tème agroalimentaire de la région capacité à mobiliser les entreprises Nord-Pas-de-Calais et ses enjeux agroalimentaires de leurs territoires sur l’eau a montré que vouloir agir dans un processus de changement. sur l’avenir du territoire et la pro- Les politiques locales de déve- tection de l’eau nécessite d’influen- loppement économique semblent cer les pratiques de l’ensemble des peu adaptées face à ces enjeux. acteurs du système agroalimentaire Néanmoins, exclure ces entreprises car ils représentent des volumes im- agroalimentaires correspondrait à portants qui peuvent avoir un effet nier leur importance, pourtant dé- levier déterminant sur le change- terminante. Nier ce contexte re- ment agricole. viendrait à rester dans les marges, et passé à côté d’une véritable tran- sition agricole et alimentaire de son territoire. Comment influencer les pratiques des opérateurs économiques pour faciliter la conversion des Collectivités territoriales agriculteurs à la bio ? et entreprises : parta- geons-nous la même défini- tion du territoire ? Ces questionnements nous ont permis, malgré les difficultés de l’exercice, d’identifier quels pourraient être le rôle et les marges de manœuvre des col- lectivités pour agir sur le changement agroalimentaire. En cherchant à éviter les raccourcis manichéens, les expériences recensées à travers ce groupe de travail ont permis de caractériser trois recommandations à destination des collectivités territoriales : RECOMMANDATION 1 Sortir du cadre, changer de posture, un préalable RECOMMANDATION 2 Encourager l’entreprenariat individuel ou collectif, pour faire émerger des alternatives au système agroalimentaire RECOMMANDATION 3 Influencer les pratiques des entreprises agroalimentaires du territoire : des marges de manœuvre à explorer 10 Contexte Les caractéristiques du système agroalimentaire limitent l’action...
RECOMMANDATION 1 Sortir du cadre, changer de posture, un préalable DES COMPÉTENCES EN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, MAIS UNE DIFFICULTÉ DES COLLECTIVITÉS À SE POSITIONNER SUR L’ÉCONOMIE AGRICOLE, À PENSER LE LIEN AUX RESSOURCES NATURELLES soutiennent tout particulièrement rurales de plus en plus grandes en l’immobilier d’entreprise (zones termes de taille2. Les approches du d’activités) ou le mobilier d’intérêt développement économique sont communautaire, peuvent assurer elles aussi en recomposition. On l’animation dans le domaine écono- constate une part croissante de col- mique... Au-delà, d’autres échelons lectivités qui abordent ce dévelop- sont aussi partie prenante histo- pement en référence à des projets rique de ces logiques de développe- territoriaux formalisés, là où 50% Le développement économique ment – Pays, PNR - avec une entrée des communautés rurales étaient s’organise traditionnellement au- davantage tournée vers le déve- auparavant dans le « simple exercice tour des politiques sectorielles loppement local et la promotion de compétences ». des grandes branches d’activités, des projets locaux soutenus par les relayées au niveau territorial par contractualisations territoriales ou des compétences en développe- des programmes Leader. 1 Le Conseil régional est en charge de la définition d’une stratégie régionale de ment économiques des Conseils développement économique, d’innova- régionaux, des EPCI, voire des com- La profonde réforme territoriale en- tion et d’internationalisation (SRDEII) munes. Le niveau territorial est donc gagée au cours de la dernière décen- en concertation avec les intercommu- investi sur ces sujets du fait de ses nie conduit petit à petit à redessiner nalités. compétences, et outillé pour inter- le paysage des territoires : forte 2 Seuil minimal de 20 000 habitants et venir dans le champ du développe- concentration / agrandissement des fort accroissement des communautés ment. communautés, renforcement des de plus de 50 communes. échelons régionaux, la limitation des A titre d’exemple, les collectivi- prérogatives des communes… Elle tés régionales sont engagées tout s’accompagne aussi d’une évolution particulièrement sur la stratégie et marquée des compétences, condui- planification économique (SRDEII)1 sant globalement à renforcer les apportant aussi le plus souvent de moyens et capacités d’intervention soutiens financiers au dévelop- des communautés d’agglomération, pement (appels à projets et mani- des métropoles et plus largement festations). Les intercommunalités de l’ensemble des communautés Sortir du cadre, changer de posture, un préalable Recommandation 1 11
Les logiques de soutien à l’écono- mie évoluent petit à petit de modèles très « classiques » (accueil et finance- ment de zones d’activités) – vers des approches plus complexes (mise en réseau, chaîne de valeur, démarches collaboratives, clusterisation et re- groupement d’entreprises…). Néanmoins, malgré la diversité des collectivités engagés dans le champ du développement et l’importance des réformes en cours, les inter- ventions des acteurs territoriaux restent modestes et circonscrites Typologie des actions économiques mises en oeuvre par les EPCI dans le domaine agricole, avec une Source : ADCF et institution supérieur des métiers, 2010 difficulté à se positionner sur l’agri- culture et davantage encore sur les filières agroalimentaires. D’après De façon symétrique, la gestion de nomie de la transition », n’est pas vrai- une enquête de l’ADCF de 2010, l’eau par les collectivités s’organise ment présente dans le débat public seules 27% des communautés ur- elle aussi de façon assez sectorielle et dans les interventions des acteurs baines et 17 % des communautés au cours des dernières décennies, locaux, alors même que les collectivi- de communes conduisent une ac- sans faire le lien avec les politiques tés, de plus en plus grandes et dotées tion économique dans le champ d’aménagement du territoire ou de sur le plan des compétences écono- agricole. En dehors des politiques développement économique. Les miques, se retrouvent aussi mission- de développement local abordant enjeux de qualité de la ressource nées sur la protection de la ressource le sujets de l’agriculture de proxi- sont abordés comme des problé- (cf. loi Gemapi) et impliquées sur les mité (circuits courts, vente directe, matiques de mises aux normes des questions alimentaires3. transformation à la ferme…) les col- techniques et activités agricoles lectivités sont peu présentes sur ces (ajustement des pratiques, des bâti- sujets. A partir des années 2000 ments, de la gestion des effluents) et 3 cf. Lois d’Avenir et projet de loi elles élargissent ces interventions non comme un enjeu de développe- alimentation visant à promouvoir les en faisant le lien aux préoccupations ment économique alternatif sur les projets alimentaires territoriaux PAT de la restauration collective, mais territoires hyperspécialisés et orien- sans vraiment changer d’échelle. tés vers la production de commodités Au final, les collectivités mobilisent agricoles industrielles. Là aussi, l’idée peu leurs compétences écono- d’un développement axé sur « l’éco- miques dans le domaine agricole pour orienter l’évolution de l’appa- reil agroalimentaire de leurs terri- toires. La plupart d’entre elles su- bissent les évolutions du secteur soumis aux politiques globales, sans chercher à infléchir les tendances à l’œuvre par des projets de dévelop- pement économique spécifiques, compatibles avec les enjeux de du- rabilité et de préservation des res- sources. 12 Recommandation 1 Sortir du cadre, changer de posture, un préalable
TÉMOIGNAGES D’ACTEURS POURQUOI ET COMMENT DÉPASSER Changement de paradigme au sein d’une CE CADRE ? collectivité territoriale : le cas de l’AESN dans la lutte contre les pollutions d’ori- gine agricole REPENSER SA FAÇON DE TRAVAILLER PAR UNE APPROCHE INTÉGRÉE ET UN DÉCLOISONNEMENT Romain DEGOUL, DES OUTILS D’INTER- chargé de mission au sein de VENTION PUBLIQUE l’Agence de l’Eau Seine Normandie La majorité des collectivités en- quêtées constatent que leur prin- L’Agence de l’Eau Seine Normandie a constaté que la façon dont elle agis- cipale marge de manœuvre pour sait pour lutter contre les pollutions diffuses manquait d’efficacité, car elle appréhender ce sujet consiste à portait sur les pratiques agricoles, à la parcelle. Or, l’Agence a considéré faire évoluer leur façon de travailler. qu’en prenant de la hauteur, en interrogeant les pratiques de l’agriculteur On pointe notamment la nécessité dans son environnement socio-professionnel, son action pourrait gagner de décloisonner les services. Bien en efficacité. Une étude sur les cultures à bas niveau d’intrants (BNI) a souvent, la question de la transi- été réalisée et a révélé la nécessité d’un changement culturel au sein de l’Agence, notamment en décloisonnant les approches et en agissant à tion agricole et alimentaire d’un l’échelle des filières. territoire, c’est l’affaire des services en charge de l’agriculture ou de la Pour Romain DEGOUL, « il est nécessaire de mettre en synergie la politique de protection de l’eau. Pourtant notre l’eau avec le développement des filières. travail montre qu’il faut repenser ses méthodes de travail : travailler en On s’est rendu compte que, indirectement, l’énergie, le bâtiment sont par exemple interservices avec les services déve- des domaines d’activités intéressants pour la qualité de l’eau. Ces filières peuvent loppement économique, urbanisme, encourager le développement de cultures à BNI telles que le chanvre par exemple. aménagement, protection de l’eau… ; avoir une approche intégrée des Cette évolution dans notre approche de l’enjeu de qualité de l’eau va nous pousser à : questions économiques ; coopérer • Expliciter, faire connaître les enjeux de la qualité de l’eau auprès d’autres élus avec d’autres territoires voisins… afin de créer des alliances, notamment avec les élus et services des intercommu- nalités en charge des questions économiques. • Formaliser de nouveaux partenariats avec des acteurs avec qui nous n’avons pas l’habitude de travailler : le ministère du logement, l’ADEME… • Passer d’une logique de financement direct des agriculteurs à un financement des filières et de son réseau d’acteurs : aide à l’investissement, ingénierie, anima- tion et mise en réseau. Des filières bio, lentilles, chanvre sont autant d’opportuni- tés pour protéger la ressource en eau. » RETROUVEZ LA VIDÉO ICI bit.ly/FNAB-AESN Sortir du cadre, changer de posture, un préalable Recommandation 1 13
FAIRE ÉMERGER UNE CULTURE COMMUNE ENTRE ÉLUS ET ENTREPRISES PAR UN DIALOGUE ÉCONOMIQUE TERRITORIAL Les nombreux témoignages convergent en 2022 et 90% sur les champs cap- vers la nécessité de multiplier les es- tants. Pour atteindre ces objectifs paces de paroles dans les territoires. et animer la mise en œuvre du plan Pourtant, si les entreprises ont bien d’actions, une gouvernance parta- souvent des liens étroits avec la col- gée a été mise en place à travers le lectivité au début de son implanta- COPIL Bio. Cette instance, qui se tion (zone immobilière, aides…), on réunit deux fois par an, est présidée observe un délitement du dialogue par un élu du territoire. Tous les ac- au fil du temps. « Pourtant ce n’est teurs du territoire sont invités à par- pas parce que nous existons depuis ticiper à ces COPIL. Les coopératives 10 ans que nous n’avons pas de du territoire y participent systémati- projet pour le territoire », constate quement. Julien Gauthey, directeur adjoint de la fromagerie de la Lémance. Mais Pour Dominique Olivier, directeur de pour cela, il est nécessaire d’identi- la coopérative « fermes de Figeac » et fier et d’investir ces espaces de dia- président du Pays de Figeac, « l’en- logue. treprise doit s’occuper du territoire, mais les élus ont du mal à lâcher prise car ils se pensent responsables Les collectivités territoriales de- du Territoire pour lequel ils sont vraient participer aux Assem- élus. Je pense que les élus se voient blées Générales des coopératives. en aménageurs alors qu’ils devraient Il faut que les pouvoirs publics se être des développeurs.» réapproprient ces lieux de dia- logue. Nous invitons systémati- quement les élus de notre terri- toire aux nôtres. OUTILS ET directeur d’une coopérative céréa- RESSOURCES lière Drômoise. LE SCENARIO Afterres 2050, Les Conseils de développement des Pays sont également des un outil de prospective territoriale lieux où élus et acteurs écono- miques peuvent débattre. Ouvrir un débat pluridisciplinaire sur des bases chiffrées, pour relever de nombreux défis inter-dépendants : tel est l’objectif d’Afterres 2050. Com- Mickaël RESTIER, de l’Association ment nourrir une population plus nombreuse en 2050 ? Comment nour- rir aussi nos cheptels, fournir du carbone renouvelable pour l’énergie, la Nationale des Pays (ANPP). chimie, des biomatériaux alors que l’équivalent d’un département français est artificialisé tous les ans ? Est-il possible d’y parvenir en préservant la santé des populations, en restaurant la biodiversité, en luttant contre le En Hauts-de-France, le Parc naturel changement climatique ? Le scénario Afterres a souhaité répondre à ces régional de l’Avesnois porte l’ambi- questions et offrir une image de l’agriculture française en 2050, à même de tieux objectif de développer l’agricul- répondre aux grands enjeux de notre temps. ture bio sur son territoire : 30% de la surface agricole utile certifiée bio Source : Scenario Afterres 2050 14 Recommandation 1 Sortir du cadre, changer de posture, un préalable
TÉMOIGNAGES D’ACTEURS MOBILISER LES OUTILS DE PROSPECTIVE ÉCO- NOMIQUE, FACTEUR Les Fermes de Figeac, une coopérative de D’UN DÉVELOPPEMENT territoire qui renouvelle la façon de faire TERRITORIAL INTÉGRÉ du développement territorial Pour Dominique Olivier, directeur de la coopérative « fermes de Fi- geac », l’appui de la recherche a été déterminant dans la conduite du Dominique OLIVIER, projet coopératif. « Depuis 1994, directeur des Fermes de Figeac nous sommes accompagnés par Sols & Civilisation, ainsi que l’IN- RA. Le monde de la recherche a été un outil puissant pour nous aider à prendre du recul sur notre activité 1. Votre ambition est d’être une coopérative de territoire : ça et surtout dessiner le futur de notre veut dire quoi ? coopérative ». Aujourd’hui, la coo- pérative compte plus de 160 sala- Nous sommes en passe de remporter le championnat de France de la plus petite coopérative : 600 producteurs, 160 salariés dans un rayon de 20km… Depuis riés dans un rayon de 20km. Le fait 1994, nous travaillons avec l’association Sols & Civilisation pour nous aider à d’ancrer cette coopérative dans son prendre du recul sur notre activité : la prospective est déterminante. En 2003, nous territoire permet de diversifier les décidons que le territoire doit devenir notre allié. Puis, en 2008, en se posant la activités et d’intensifier les emplois. question « quel avenir pour une petite coopérative comme la notre ? », notre réponse La prospective a permis à la coopé- a été simple : notre avenir, c’est le territoire. Si on ne fait rien, en 2020, on n’existe rative de prendre de la hauteur. En plus. C’est à partir de ce constat que nous avons changé de cap : nous ne produisons 2008, c’est par exemple autour de pas que du lait. Nous produisons un ensemble de biens pour le territoire : de l’eau de la question : « quel avenir pour une qualité, de l’air, du lien social… Par exemple, on crée une coopérative de toit solaire, petite coopérative comme la nôtre une ferme éolienne citoyenne… Plutôt que de grossir et fusionner entre coopéra- à l’horizon 2020 ? » que nous avons tives, l’orientation que nous avons donné à notre entreprise nous a permis d’être construit notre projet. La réponse à intensif en emplois. cette question a été claire : « Notre avenir, c’est le territoire ! Si on ne 2. Vous avez été président du Pays de Figeac, président d’un Pôle faisait rien, en 2020, petite coopé- Territorial de Coopération Economique : quel regard portez-vous rative laitière, nous disparaitrions ». sur l’action des collectivités en matière de développement éco- nomique ? Comment cette volonté de s’ancrer dans le territoire a D’autres outils de prospective également changé vos pratiques ? comme le scénario AFTERRE de So- lagro ou l’étude du PIREN sur l’im- Nous nous sommes vite rendu compte qu’on arrive à s’impliquer dans un territoire pact du système agroalimentaire sur que lorsqu’on y appartient, qu’on y vit. Mais c’est compliqué, car chacun est dans ses la ressource en eau, sont également verticalités, que je considère mortifères. Tout est organisé en silo. Or, l’innovation est au carrefour du vertical (la filière agricole) et du transversal (le territoire). Il faut des outils de prospective intéres- aussi considérer que seul, personne n’est légitime. C’est l’alliance du territoire, d’en- sants pour les territoires. treprises et de la société civile, qui donne cette légitimité. Les élus d’un territoire ont souvent une approche trop descendante. Ils ont souvent du mal à lâcher prise car ils se pensent responsables du territoire pour lequel ils sont élus. A l’inverse, les entreprises doivent également s’occuper du territoire, se préoc- cuper de son avenir. C’est intimement lié. Or j’observe que chacun pense que l’autre n’est pas légitime. C’est pourtant le couple élu – entreprise qui rend une légitimité. Sortir du cadre, changer de posture, un préalable Recommandation 1 15
Plus qu’un couple d’ailleurs, je parlerai d’une triade : collectivités locales, société civile, Club d’entreprises. Les collectivités territoriales Réunir les entreprises à travers des clubs me semble pertinent : cela permet de passer du be- soin individuel de l’entreprise, à un besoin collectif. En club d’entreprises, on ne parle pas du besoin de l’entreprise, mais du besoin du territoire. La société civile On a créé en 2015 un Pôle Territorial de Coopération Economique, Figeac’teur, qui réunit 70 acteurs locaux : cela dépasse le champ agricole car on identifie des besoins communs (crèche, tiers-lieu, mobilité…). Par exemple, on a un enjeu fort autour du renouvellement des générations en agriculture : il faut faire venir des jeunes de l’extérieur. Les entreprises du ter- Les clubs ritoire (Airbus par exemple) rencontrent les mêmes problématiques. Plutôt que de raisonner l’installation agricole en silo, la réflexion à l’échelle du territoire permet d’avoir une réponse d’entreprises coordonnée : nous devons travailler sur l’attractivité du territoire. locaux www.sicaseli.fr bit.ly/FNAB-Figeac RETROUVEZ LA VIDÉO ICI RECOMMANDATION 2 Encourager l’entreprenariat individuel ou collectif pour faire émerger des alternatives au système agroalimentaire ACCOMPAGNER ET METTRE EN RÉSEAU LES INITIATIVES ENTREPRENEURIALES ALTERNATIVES Le métier d’animateur de développeur Cette mise en réseau des acteurs de territoire, est central pour tirer économiques semble être le moteur parti des forces vives d’un territoire. essentiel du changement. Lorsqu’elle Toutes les entreprises rencontrées est défaillante, « nous cohabitons, en- convergent sur ce point : treprises, élus, mais nous ne portons Comment attirer des entre- pas de projets communs », ajoute un prises qui développeront une directeur d’entreprise. activité qui répond à mon Même dans des territoires qui projet de territoire ? Des semblent verrouillés il y a toujours activités qui préserveront les des acteurs qui portent des initia- ressources du territoire ? tives de changement. Le rôle de la collectivité est alors de les identi- fier et de les mettre en réseau. 16 Recommandation 2 Encourager l’entreprenariat individuel ou collectif,...
ATTIRER DES ENTREPRENEURS Quels sont les outils à ma QUI CONTRIBUERONT À LA disposition ? MISE EN ŒUVRE DU PROJET DE TERRITOIRE Lorsqu’une collectivité locale porte toriale transversale, décloisonnement un projet de territoire bien défini et des acteurs, capacité à se projeter, partagé, elle peut chercher à favori- prospective territoriale… Par contre, il ser l’installation d’opérateurs écono- nous manque des outils d’intervention miques sur son territoire dont l’activité incitatifs, concrets, qu’on peut aller est en adéquation avec le projet poli- chercher au sein des EPCI ». tique local. Les recherches du groupe de travail ont bien souvent montré une complémentarité entre les EPCI De quelles compétences en charge des politiques de dévelop- m’entourer pour y parvenir ? pement économique et les Territoires de projets (PNR, Pays…). Pour Julien Viaud, chargé de mission au Parc na- turel régional des Pyrénées Ariégeois, « les territoires de projets ont les com- pétences pour construire un projet de territoire que n’ont pas forcément les EPCI : ingénierie de projet, vision terri- OUTILS ET RESSOURCES Un référentiel de compétences des développeurs économiques territoriaux La loi NOTRe du 7 août 2015 renforce les responsabilités des Régions et des intercommunalités (communautés et métropoles) en matière de dé- veloppement économique. Cette nouvelle donne appelle la mobilisation des compétences professionnelles des développeurs économiques dont le nombre est évalué à 8000 personnes en France. Dans ce contexte, l’As- semblée des Communautés de France (AdCF) et le réseau national des agences de développement (CNER), en lien avec la Caisse des Dépôts et Régions de France, ont pris l’initiative dès 2015 de proposer une réflexion entre les principaux représentants d’employeurs de développeurs écono- miques. L’enjeu : consacrer la professionnalisation de l’action économique locale en organisant une véritable communauté professionnelle. Encourager l’entreprenariat individuel ou collectif,... Recommandation 2 17
TÉMOIGNAGES D’ACTEURS Regards croisés sur le rôle de la collectivité : Hugues VERNIER et deux entrepreneurs du territoire Hugues VERNIER, chargé de mission à la Communauté de Communes du Val de Drôme Point de vue de la collectivité : « La collectivité locale doit être en capacité d’identifier puis d’accompagner les signaux faibles. J’entends par là l’accompagnement d’initiatives alternatives qui peuvent pa- raître anecdotiques ou marginales dans un premier temps mais qui pourront faire masse dans le futur. Lorsqu’on a accompagné SANOFLORE à ses débuts, c’était une initiative alternative. 25 ans après, l’entreprise employait près de 150 salariés pour un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros : à partir de là, l’impact des pratiques de l’entreprise, notamment en matière d’approvisionnement en matières premières bio régionales a eu un impact significatif sur l’activité agricole. On peut alors parler d’effet levier. D’un point de vue organisationnel, la CCVD a fait le choix d’inclure le dévelop- pement agricole et agroalimentaire au service développement économique. Cela nous permet de faire du lien entre AMONT et AVAL et de rencontrer individuellement les entreprises, de connaître leurs besoins et d’être en capacité de les accompagner, par exemple pour la réponse à des appels à projets, pour mobiliser du financement ou les mettre en réseau avec les agriculteurs du territoire. Lorsqu’on porte une politique volontariste comme celle-ci, les liens entreprises / territoire sont plus faciles et plus réactifs face aux préoccupations des entrepreneurs. La rencontre des entrepreneurs, , la connaissance des fonctionnements administratifs, financiers mais aussi des projets de développement est très bien perçue par le monde économique. Des rendez-vous individuels réguliers avec les entreprises du territoire sont nécessaires, tout comme l’existence d’une interface facile, lisible et accessible aux entreprises locales ». Point de vue d’entrepreneur : « la collectivité locale doit écouter, être en veille et accompagner les signaux faibles portés par des agriculteurs et entrepreneurs locaux. En tant qu’entrepreneur, nous sommes face à une multitude d’interlocuteurs : la collectivité connaît les acteurs, elle est en capacité de nous mettre en relation les uns avec les autres. Elle doit se position- ner en chef de file car la mise en réseau est déterminante. Cela nécessite des moyens d’animation dédiés » Point de vue d’entrepreneur : « Nous avons pour projet de nous installer dans la Biovallée car nous intégrerons un écosystème favorable : une zone d’activité dédiée et surtout un dense réseau d’agri- culteurs bio avec qui nous espérons pouvoir développer une filière de production d’amandes bio, sésame bio ou huiles essentielles. Aujourd’hui toutes ces matières pre- mières sont importées, principalement d’Espagne ou du Mali. La collectivité locale a la connaissance des agriculteurs, des possibilités offertes par le territoire. Les entreprises n’ont pas le temps de faire ce travail : la mise en réseau est ici essentielle ». 18 Recommandation 2 Encourager l’entreprenariat individuel ou collectif,...
CONCEVOIR DES ZONES D’ACTIVITÉ IMMOBILIÈRES DÉDIÉES Des zones d’activités immobilières dédiées À LA BIO : à la bio : le cas de la Communauté de CONDITIONNALITÉ Communes du Val de Drôme D’ACCÈS Un Pôle bio dans la Drôme : malgré une rude concurrence pour l’accès à ce type de Un consensus ressort des travaux zones d’activités, la CCVD impose aux candidats à l’installation de porter un projet du groupe de travail : la condition- d’entreprise compatible avec le projet du territoire. « La volonté politique de la collec- nalité des aides aux entreprises est tivité est dans ce cas déterminante : nous avons par exemple récemment refusé l’im- un levier sous-exploité. Bien sou- plantation d’un entrepreneur qui souhaitait faire de l’import–export de produits bio, vent le critère de création d’emploi sans aucune interaction avec l’agriculture du territoire. Dans un contexte de tension est la seule condition d’accès. La pour l’accès au foncier, il faut savoir assumer ce choix politiquement : l’accès au Pôle collectivité peut pourtant utiliser Bio est conditionné par le respect du cahier des charges de la zone immobilière. cet outil comme un véritable moteur La marque Biovallée, véritable projet de territoire, nous y aide ». La création de ce Pôle d’attraction. L’émergence de zones Bio reflète bien l’envie de regrouper les différentes structures locales travaillant sur la immobilières dédiées à l’implanta- BIO et surtout l’envie de faire du lien entre production et transformation, commer- tion d’activités bio, sous forme de cialisation et recherche. Ce bâtiment s’intègre aussi au milieu d’une zone d’activités Pôles bio, est symbolique de cette dédiée aux entreprises en lien avec l’agriculture biologique. Il est financé par la CCVD et le Fonds National d’Aménagement et du Développement du Territoire (FNADT). « capacité à agir localement. Les espaces seront à terme mis à la location pour les entreprises afin de permettre à la CCVD de faire une opération blanche ». « Nous avons décidé de nous installer sur ce Pôle Bio car cette zone d’activité dédiée à la filière bio fait converger des projets d’entrepreneurs autour d’un même objectif : favoriser les collaborations entre entreprises locales et agriculteurs du territoire pour amplifier encore davantage le développement de la production bio sur le territoire », complète un entrepreneur local. Encourager l’entreprenariat individuel ou collectif,... Recommandation 2 19
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