Delage, Panhard, Honda et le

 
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D   elage, Panhard, Honda et le
     rappel de soupape par barre de torsion
         Où l’on reconnaît certains mérites
           oubliés de Maurice Gaultier
                                                                                 par Faurès Fustel de Coulanges

     S
           uite à l’apparence « classique » de ses modèles les plus emblématiques, Delage a rarement eu l’image
           d’un constructeur d’avant-garde ou simplement épris de technique. Et pourtant, les exemples de la
           créativité de son bureau d’études ne manquent pas : soupapes à rappel desmodromique (Type S -
     1914), freins sur les quatre roues en série (CO - 1919), moteur V12 en Grand Prix (2LCV - 1923), compres-
     seurs latéraux (15S8 - 1926), soupapes à rappel démultiplié (D8-S - 1931), suspensions avant indépendantes
     (D6-11 - 1932), V12 inversé et carter conique (12GVis - 1932), chambre de combustion polysphérique
     (D8-85 - 1934), etc.
     Il est également arrivé que Delage soit trop en avance, et développe une technique qui ne pourra être
     appliquée que des années plus tard, donc… chez d’autres constructeurs ! C’est un de ces cas de figure que
     nous abordons ici…

     Delage - Maurice Gaultier et son brevet
     Le 6 décembre 1932, est déposé au nom de Delage le brevet FR760785 intitulé « Organe élastique et ses
     applications, notamment à la distribution des moteurs à explosion ».

     Ce brevet est également déposé en Grande Bretagne et aux États-Unis, sous les références GB414935
     et US2041539 respectivement. Si la version britannique est également déposée au nom de Delage, en
     revanche la version américaine est déposée au nom de Maurice Gaultier, pour Delage, levant ainsi toute
     ambiguïté sur la véritable paternité de ce brevet. NdA : Maurice Gaultier est alors le responsable des études
     « voitures de tourisme » de la marque.

     Voici les extraits essentiels de ce brevet :
     « (...) Dans le cas particulier de la commande d’une distribution de moteurs à explosions, le choix du rappel
     du ressort de rappel des soupapes est déterminé en tenant compte des variables suivantes : longueur du fil
     de ressort, vitesse de propagation des perturbations dans le ressort et forme de la came de commande. (...)
     Même en tirant le meilleur parti possible de ces trois variables, on se trouve assez rapidement limité pour
     la vitesse maximum de l’arbre à cames.
     Le dispositif suivant la présente invention permet d’élever considérablement cette limite pratique de vitesse
     et, d’une façon plus générale, permet de commander correctement les déplacements alternatifs à fréquence
     beaucoup plus élevée que ne le permettraient des ressorts en hélice ordinaires.
     Suivant la présente invention, l’organe élastique est constitué par un barreau rectiligne en métal élastique
     travaillant à la torsion, et présentant une saillie latérale à laquelle est relié l’organe commandé. [Note : le
     barreau rectiligne comporte, à l’extrémité opposée de celle qui porte la saillie sus-indiquée, un organe de
     blocage]
     L’invention vise également l’application de ce dispositif à la commande de soupapes, la dite saillie latérale
     étant alors constituée par un bras terminé par une fourchette s’engageant sous un collet de la queue de la
     soupape. (...)
     Ce dispositif se prête donc tout particulièrement à la commande de la distribution des moteurs à régimes
     élevés. (...)»

10        Les Amis de Delage - Bulletin Décembre 2007
D       elage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion

                                                                                    Illustration du brevet Delage pour le rappel
                                                                                    de soupape par barre de torsion. Dans cette
                                                                                    configuration les soupapes (14) sont verticales
                                                                                    et alignées. Les barres de torsion (1) sont alors
                                                                                    difficiles à loger. (© SFFC)

En résumé, il s’agit de remplacer dans un moteur à explosions,
les ressorts de rappel de soupape par des barres de torsion, qui
supportent des régimes plus élevés sans perdre le contact avec
le culbuteur et la came de commande.
Par ailleurs, ce brevet évoque également, schémas à l’appui, un
dispositif de réglage, ainsi qu’un dispositif intermédiaire des-
tiné à démultiplier la déformation de l’organe élastique, d’une
manière analogue à celle décrite dans le brevet FR684773 de
1929 (voir l’encart « Maurice Gaultier »). Ces parties ne nous
intéressent pas dans le cas présent.
Comme l’Histoire l’a montré, aucune Delage « de série » n’a
jamais été dotée de ce dispositif. Au mieux a-t-il été réalisé
sous forme de prototype, mais peut-être n’a t’il jamais dépassé
le stade de la planche à dessin. Cependant l’histoire ne s’arrête
pas là…

         Pour faciliter la comparaison avec les systèmes qui vont suivre, on peut
     ré-arranger les éléments du brevet Delage, sans impact sur leur principe de
                       fonctionnement, pour obtenir des soupapes en V. (© SFFC)

                                                                                         Les Amis de Delage - Bulletin Décembre 2007    11
D      elage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion

                                                         Maurice Gaultier
                                           De « la voiture de l’élite » à « la voiture chic »

     Maurice Gustave Gaultier est né le 3 décembre 1884 à Carrières sur Seine (Yvelines), où il grandira, et
     habitera pendant toute sa vie professionnelle. Il est une (petite) exception parmi les « grands » ingénieurs de
     Delage, car s’il est bien diplômé des Arts & Métiers, contrairement à L. Delâge, L. Michelat, Ch. Planchon,
     A. Lory et M. Sainturat, ce n’est pas à Angers mais à Lille qu’il effectue son cursus. Il entame ce dernier le
     1er octobre 1901 et termine diplômé le 31 juillet 1904 avec le rang de second de sa promotion.
     En 1911 il entre chez Delage, à la production. En 1916, en plein cœur de la Grande Guerre, une série
     conséquente d’obus défectueux oblige Delage à se séparer de lui. Après l’armistice, il est sélectionné par
     Georges Irat pour étudier la 2 litres qu’il a l’intention de produire sous son nom. Présentée au salon de Paris
     1921, la Georges Irat 4A, que la publicité présente comme « la voiture de l’élite », est une des plus belles
     2 litres françaises des années 1920.

                                                                                         Pendant ce temps chez Delage, les départs
                                                                                         successifs de Charles Planchon et Frégal
                                                                                         Escure ont créé un vide à la tête des études
                                                                                         « voitures de tourisme ». En 1925 la place
                                                                                         est proposée à Maurice Gaultier qui, en
                                                                                         retournant chez le constructeur de « la voi-
                                                                                         ture chic » va devenir l’artisan des modèles
                                                                                         les plus « classiques » de la marque, au sens
                                                                                         historique du terme : les DM, DR, D8, D6,
                                                                                         DS ; ainsi que les D8-S, D6-11, D4 et D8-15
                                                                                         qui partagent la technique du levier démul-
                                                                                         tiplicateur entre la soupape et le ressort de
                                                                                         rappel (brevet FR684773 déposé en novem-
                                                                                         bre 1929). Hélas les trois dernières citées
                                                                                         (qui sont les premières Delage à suspensions
                                                                                         avant indépendantes) connaîtront quelques
                                                                                         problèmes de fiabilité qui provoqueront à
                                                                                         nouveau le départ de Maurice Gaultier de
                                                                                         l’entreprise, fin 1933. Il entre alors chez
                                                                                         Renault où il finit sa carrière, avant de pren-
                                                                                         dre sa retraite à Quimperlé (Finistère), où il
                                                                                         décède le 18 janvier 1950.
                                                                              (© SFFC)

             La Delage D8-15 « Letourneur & Marchand » telle qu’elle apparaît
          dans le tome II des aventures de Harry Dickson en bandes dessinées
       « Les spectres bourreaux » (Dargaud 1988). Comme ses sœurs D6-11 et
         D4, en 1933 la D8-15 est une voiture très moderne avec suspensions
          indépendantes à l’avant et démultiplication de la force de rappel des
                              ressorts de soupape. (© Pascal Zanon / Dargaud)

12        Les Amis de Delage - Bulletin Décembre 2007
D      elage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion

 Panhard - Louis Delagarde et la Dyna X
 Pendant l’entre-deux guerres, les automobiles Panhard & Levassor occupent un marché relativement proche
 de celui de Delage : les voitures de luxe. Les Panhard sont alors caractérisées par leur moteur sans soupape
 à fourreaux (système Knight), et leur carrosserie à forte personnalité (en particulier la Dynamic).

                  Panhard & Levassor : un bon apprentissage avant Delage ?
 Il y a peu de liens connus entre les constructeurs Panhard & Levassor et Delage, sinon le fait que les plus
 brillants ingénieurs de Delage ont travaillé auparavant chez le constructeur de l’avenue d’Ivry.
 - Léon Michelat, après avoir été diplômé, entre chez Panhard & Levassor à l’outillage, où il passe environ
 trois ans de l’été 1902 à l’été 1905.
 - Albert Lory, à l’instar de L. Michelat, commence sa carrière chez Panhard & Levassor, où il passe une
 petite année à la production en 1914-1915.
 - Charles Planchon dirige pendant trois années le « Service Expérimentation » de Panhard & Levassor, du
 printemps 1916 au printemps 1919. Un peu plus tard son fils épousera la fille de Léon Pasquelin, le futur
 responsable des études de Panhard & Levassor dans les années 1930.

 Pour que le tableau soit complet, on ajoutera que Némorin Causan serait le père du moteur d’avion
 Panhard & Levassor V8 12,6 litres de 1913.
 Paradoxalement Maurice Gaultier, dont il est question ici, n’a à priori jamais eu de lien avec Panhard &
 Levassor !

Dès le début de la seconde guerre mondiale, le bureau d’étude de la marque, qui a été déménagé à Tarbes,
commence à penser au retour à la paix. Après un premier projet de berline de gamme moyenne-supérieure,
c’est finalement sur une voiture économique que l’on s’oriente, plus judicieuse en prévision de la période de
relance économique qui suivra la fin de la guerre. On assigne alors à un ingénieur « maison », la tâche d’étu-
dier cette nouvelle petite voiture.
Cet ingénieur, c’est Louis Delagarde. Né en
1898 à Vitry le François, il est diplômé de
l’Ecole Centrale et a fait toute sa carrière
chez Panhard & Levassor où il est entré en
1921. Jusqu’à la déclaration de guerre il
s’est surtout occupé de véhicules militaires.
Il porte donc un regard « neuf » sur le pro-
blème de la voiture économique.

   La Panhard Dyna X, premier véhicule de série dotée
    d’un rappel de soupape par barre de torsion. Cette
    première version, à phares non intégrés, est encore
  dotée de deux barres de torsion par cylindre (une par
                                    soupape). (© SFFC)

Au salon de l’auto 1946, est présenté le fruit de ses travaux : la Dyna X. Le petit bi-cylindre refroidi par air de
cette dernière, outre ses chambres de combustion hémisphériques, comporte de nombreuses caractéristiques
remarquables brevetées « Panhard & Levassor » parmi lesquelles des soupapes rappelées par barre de torsion :
Brevet FR988554 (versions britanniques et américaines : GB581714, US2579608) « Perfectionnements aux
dispositifs de rappel des soupapes », déposé le 10 janvier 1944.

Comme dans le cas de Delage, voici les extraits essentiels de ce brevet :
« On sait toutes les difficultés que l’on rencontre lorsque l’on veut faire tourner à vitesse élevée un moteur à
soupapes. Une de ces difficultés provient, lorsqu’on emploie des ressorts à boudins pour le rappel des soupapes,
de l’inertie propre de ces ressorts et des coupelles mobiles qui servent à leur liaison avec la soupape. (...)

                                                             Les Amis de Delage - Bulletin Décembre 2007              13
D       elage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion

     On a aussi songé à l’emploi de barres de torsion,
     mais, jusqu’à ce jour, on n’a pu les utiliser pratique-
     ment en raison de la longueur de barre excessive qui
     les rendait presqu’impossible à loger.
     La présente invention a pour objet une disposition
     perfectionnée de ces barres qui permet de diminuer
     leur encombrement d’une façon considérable et de
     les loger sans difficulté.
     A cet effet, suivant la présente invention, au lieu d’at-
     tribuer une barre de torsion par soupape, on jumelle
     la commande de rappel des deux soupapes, les deux
     demi-barres étant liées entre elles en torsion de façon
     qu’une des soupapes serve d’ancrage à la barre tandis
     que l’autre extrémité se trouve en travail et inver-
     sement. Cette disposition permet, pour une même
     longueur utile de barre, d’avoir un encombrement
     moitié moindre. (...)»

       Illustration du brevet Panhard pour le rappel de soupape par barre
         de torsion. Les éléments illustrés et leur fonctionnement sont très
            proches du brevet Delage, à l’exception de la pièce référencée
       « Fig. 3 » permettant de faire travailler les deux barres ensemble en
          les liant à leur base, et donc de réduire leur longueur de moitié.
                                                                    (© SFFC)

     La première version du bi-cylindre Panhard. Contrairement à
     l’illustration du brevet, les barres fonctionnent à l’air libre sans
     aucun capotage. (© SFFC)

                                                             De ces éléments, on peut déduire ce qui suit.
                                                                - Louis Delagarde est au courant de l’existence anté-
                                                                       rieure de l’emploi de barres de torsion pour le
                                                                         rappel de soupape. Il est donc plus que proba-
                                                                          ble qu’il a eu connaissance du brevet Delage
                                                                         FR760785.
                                                                        - La référence à la longueur excessive des barres
                                                                        de torsion fournit une explication plausible sur
                                                                       le fait que ce principe n’a en final pas été retenu
                                                                     par Delage.
                                                                   - Louis Delagarde cherche donc une solution pour
                                              les raccourcir. Il propose l’idée de jumeler l’extrémité des deux barres
                                       (celle de la soupape d’admission et celle de la soupape d’échappement) pour
                                  les faire travailler ensemble, ce qui permet de réduire leur longueur de moitié.
                              - Le brevet Panhard & Levassor FR988554 est donc indissociable du brevet Delage
                             FR760785, auquel il vient s’appliquer « par dessus », par le biais de la pièce intitulée
     « Fig. 3 » liant les barres de torsion entre elles.

     Enfin notons que Louis Delagarde poussera le principe encore plus loin puisqu’en 1950, il remplace le sys-
     tème de rappel à une barre de torsion par soupape, par une barre unique travaillant dans un sens ou dans
     l’autre avec la soupape d’admission et la soupape d’échappement : Brevet FR966302 (versions britanniques

14          Les Amis de Delage - Bulletin Décembre 2007
D      elage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion

et américaines : GB663472, US2534621) « Perfectionnements aux dispositifs de rappel des soupapes »,
déposé le 5 mai 1948. Effectivement, lors du démontage des deux barres, il arrivait qu’elles soient interver-
ties, et ne travaillant plus dans le même sens, elles cassaient. La barre unique supprime ce risque d’erreur,
et permet de réduire l’encombrement de l’ensemble. Ce dernier système sera utilisé jusqu’à l’extinction de
la branche automobile de Panhard en 1967.

 Le second principe de rappel de soupape par barre de torsion breveté par
  Panhard. Cette fois on s’écarte de la configuration Delage pour avoir une
seule barre de torsion rappelant alternativement la soupape d’admission et
                                       la soupape d’échappement. (© SFFC)

La seconde version du bi-cylindre Panhard, doté d’une barre de torsion unique pour chaque cylindre. Dans le cas présent le bi-cylindre
Panhard est monté sur un prototype Nardi à châssis tubulaire présenté aux salons de Turin et de Paris en 1952. Heureux hasard pour un
                       Delagiste, cette photo a été retrouvée au sein des archives d’Albert Lory… (© Jean Lory)

                                                                         Les Amis de Delage - Bulletin Décembre 2007                     15
D      elage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion

                              Motom : une variation sur le même thème
                                               d’après Piero Bersan

     Motom est un fabriquant italien de motos de petites cylindrées né en 1947 (NdA : les premiers statuts de
     l’entreprise sont déposés en Suisse suite à la situation politique en Italie après la guerre). En 1953, Motom
     s’assure les service de l’ingénieur Piero Remor pour concevoir une petite moto innovante. Ce dernier a
     alors acquis une réputation plus que flatteuse dans le domaine des deux-roues grâce aux succès en Grand
     Prix de ses 4 cylindres 500 cm3 2ACT à refroidissement par air Gilera puis MV Agusta.
     Le résultat des études de Piero Remor est la famille Motom 98T à moteur monocylindre horizontal de
     98 cm3. La variante sportive de la 98T, nommée 98TS, se singularise par l’emploi de barres de torsions au
     niveau de la distribution. Cependant, dans ce cas précis, ce sont les culbuteurs qui sont montés sur, et donc
     rappelés par, les barres de torsion, au lieu d’être
     articulés sur des arbres. Les soupapes, disposées en
     V, sont pour leur part rappelées par de classiques
     ressorts hélicoïdaux. Les Motom 98T et 98TS sont
     construits en série de 1954 à 1960.

                                                                                                  (© Motom Club d’Italia)

                                                                            Dans la configuration Motom, ce sont les
                                                                            culbuteurs (11) qui sont fixés sur, et donc
                                                                            rappelés par, des barres de torsion (15). Les
                                                                            soupapes (1) sont pour leur part rappelées par
                                                                            deux ressorts (3 & 5) chacune. (© Motom Club
                                                                            d’Italia)

                                                                            En 1958, Motom présente un modèle
                                                                            dit « Competizione » à moteur mono-
                                                                            cylindre vertical de 48 cm3 destiné,
                                                                            comme son nom l’indique, à la com-
                                                                            pétition (il bat plusieurs records de
                                                                            vitesse à Monza les 3 et 4 avril 1958)
                                                                            et non commercialisé. Ce dernier
                                                                            reprend le principe des culbuteurs
                                                                            montés sur barres de torsion, avec
                                                                            cette fois des soupapes verticales.

16        Les Amis de Delage - Bulletin Décembre 2007
D       elage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion

               Honda - Tadashi Kume et la Formule 2… et la CB450
               En ce qui concerne la compétition automobile, Honda entre dans le grand cirque de la Formule 1 en 1964.
               A l’origine, Honda ne devait fabriquer que le moteur, qui aurait été installé dans un châssis britannique. Des
               discussions avaient été initiées dans ce but avec Brabham, Cooper et Lotus. En final, déçu par l’attitude des
               deux derniers cités, Honda décide de construire lui-même intégralement sa Formule 1.
               Cependant, les discussions pré-mentionnées n’avaient pas été totalement vaines puisque Honda en avait
               profité pour conclure un accord avec Brabham pour la fourniture d’un moteur de Formule 2. Ainsi pour la
               Formule 2 Brabham BT16 de 1965, l’ingénieur Tadashi Kume étudie un moteur de 1 000 cm3, dérivé des
               moteurs de la famille Honda de tourisme S500/S600/S800 à double arbre à cames en tête. Hélas cette pre-
               mière Brabham-Honda ne connaît aucun succès.
               Aussi pour 1966, Tadashi Kume développe un moteur entière-
               ment nouveau, toujours de 1 000 cm3, qui n’est plus un dérivé
               de la famille S500/S600/S800. Dotées de ce nouveau moteur, les
               deux Brabham BT18 « usine », dominent de très loin la saison
               de Formule 2 1966 : elles disputent treize des quinze épreuves
               de l’année et en remportent douze ! Une des caractéristiques
               remarquables de ce nouveau moteur est… l’emploi de barres de
               torsion pour le rappel des soupapes (à l’inverse des moteurs de
               Formule 1 de la marque, qui pour leur part font appel à des res-
               sorts classiques). Malheureusement, aucun plan ni schéma tech-
               nique de ce moteur n’ont été rendus public à ce jour. Quoiqu’il
               en soit, ses succès sont la consécration du dispositif de rappel de
               soupape par barre de torsion !
                                                                                                      Une rare photo d’époque de la Brabham BT18 sans son capotage
                                                                                                       arrière, permettant donc de voir le moteur Honda de Formule 2.
                                                                                                        Cette association s’est révélé imbattable lors de la saison 1966.
                                                                                                                                                                (© Cirrus)
                                                                     Dans le domaine de la moto de grosse cylindrée, en 1962 Alfred
                                                                     Walter Douglas Woods et le distributeur moto britannique BMG
                                                                     proposent un kit pour adapter une commande desmodromique
                                                                     aux motos Velocette. Ce kit fait l’objet d’un brevet GB939895
                                                                     « Improvements in or relating to valve operating mechanism for inter-
                                                                     nal combustion engines », déposé le 17 mai 1962. La transformation

                                                                            La Honda CB450. Cette première grosse cylindrée japonaise fait vieillir d’un coup toutes ses
                                                                            contemporaines avec sa technologie course « de série » : double arbre à cames en tête, cotes
                                                                                               super-carrées, rappel de soupape par barre de torsion… (© Rick Darke)

Bien que n’étant pas d’époque, cette photo, prise lors du
Goodwood Festival of Speed (Grande Bretagne) en 2005, est
présentée ici car elle permet de voir l’autre côté du moteur
Honda, techniquement le plus intéressant. Effectivement, les
barres de torsion de rappel de soupape y sont nettement visibles
en formant huit excroissances (une, deux, deux, deux, une) sortant
du bloc au-dessus des tubulures d’échappement. Par rapport au
moteur de la CB450 décrit plus loin, chaque barre de torsion a
pivoté de 90° autour de l’axe de sa soupape. (© Honda)

               comprend, entre autres, le remplacement
               des ressorts de rappel de soupape par
               des barres de torsion, permettant ainsi
               d’atteindre un régime de 9 000 tr/min très
               supérieur au régime de base. Toutefois

                                                                                         Les Amis de Delage - Bulletin Décembre 2007                                    17
D     elage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion

     cette transformation, bien que soignée, relève de l’artisanat et ne saurait être considérée comme une étape
     majeure dans l’histoire du rappel de soupape par barre de torsion.
     Pour sa part, et à une autre échelle, Honda lance son premier « Pearl Harbour motocycliste » en 1965 en
     présentant la CB450 (le second sera la présentation de la CB750 fin 1968). Comme les motos sportives
     anglaises de l’époque (BSA, Norton, Triumph…), la CB450 est propulsée par un bi-cylindre vertical. Mais
     si les Anglaises sont des longues courses culbutées, le moteur de la CB450 est un super-carré, doté d’un
     double arbre à cames en tête, et ses soupapes sont rappelées… par des barres de torsion. Ces dernières,
     dont la forme est très proche de celle décrite dans le brevet Delage, permettent à la CB450 d’atteindre des
     régimes compris entre 8500 et 9000 tr/min, soit 1 000 à 2000 tr/min de plus que ses concurrentes de l’épo-
     que ! Quant à la puissance, elle atteint 97 ch par litre ! Avec la CB450, c’est la technologie de la Formule 2
     qui est mise à la portée du public. En 1975 la Honda CB450 est remplacée par la CB500T. Cette dernière
     est propulsée par un dérivé du moteur CB450 dont la course a été allongée et qui conserve le rappel des
     soupapes par barres de torsion. En 1978 la dernière CB500T tombe de la chaîne…

                                                                      Très intéressante maquette de la distribution de la
                                                                      Honda CB450, réalisée par Henk Cloosterman. On
                                                                      distingue clairement : à droite l’arbre à came, et à
                                                                      gauche l’axe du culbuteur et sous ce dernier la barre
                                                                      de torsion de rappel de la soupape. Le logement de
                                                                      la barre de torsion a été usiné pour mieux mettre en
                                                                      évidence cette dernière. (© Henk Cloosterman)

                                                                          La même maquette vue en contre-plongée. La forme
                                                                         des éléments et leur principe de fonctionnement sont
                                                                       très proche du brevet Delage déposé plus de trente ans
                                                                      auparavant. Enfin l’ensemble est à multiplier par quatre,
                                                                         le moteur étant un bi-cylindre comportant un total de
                                                                                      quatre soupapes. (© Henk Cloosterman)

     Ainsi se termine la « saga » du rappel de sou-
     pape par barre de torsion initiée par Maurice
     Gaultier chez Delage près d’un demi-siè-
     cle plus tôt ! Effectivement, entre-temps les
     progrès réalisés sur les aciers ont permis de
     produire des ressorts accompagnant très pré-
     cisément le mouvement des soupapes, et le
     principe du rappel de soupape par barre de
     torsion est tombé dans l’oubli.
     Toutefois les 30 années d’application, avec
     succès, de ce principe à l’échelle industrielle,
     voire sportive, chez Panhard de 1946 à 1967
     puis chez Honda de 1965 à 1978, restent un
     témoignage précieux de l’esprit fertile, et par-
     fois précurseur comme dans le cas présent,
     du bureau d’études de Delage.

18        Les Amis de Delage - Bulletin Décembre 2007
D     elage, Panhard, Honda et le rappel de soupape par barre de torsion

                  Chronologie du rappel de soupape par barre de torsion
 1932 - Delage	Dépôt du brevet décrivant le rappel de soupape par barre de torsion.
 1944 - Panhard	Dépôt d’un brevet améliorant le principe Delage en réduisant la longueur des barres de
                   torsion.
 1946 - Panhard	Présentation de la voiture Dyna X à rappel de soupape par barre de torsion.
 1948 - Panhard	Dépôt d’un brevet décrivant une barre de torsion unique pour rappeler à la fois la sou-
                   pape d’admission et la soupape d’échappement.
 1954 - Motom	Présentation de la moto 98TS à rappel de culbuteur par barre de torsion.
 1958 - Motom	Un modèle inédit « Competizione » à rappel de culbuteur par barre de torsion est
                   construit pour battre des records de vitesse à Monza.
 1960 - Motom	Arrêt de la production de la 98TS.
 1962 - Velocette	Dépôt du brevet et commercialisation du kit BMG à commande desmodromique et
                   rappel de soupape par barre de torsion.
 1965 - Honda	Présentation de la moto CB450 à rappel de soupape par barre de torsion.
 1966 - Honda	La Brabham BT18 à moteur Honda à rappel de soupape par barre de torsion domine la
                   saison de Formule 2.
 1967 - Panhard	Arrêt définitif de la production automobile et des moteurs à rappel de soupape par barre
                   de torsion.
 1978 - Honda	Arrêt de la production de la CB500T, dernière moto de la marque à rappel de soupape
                   par barre de torsion.

Pour réagir à cet article : sebastien.faures@yahoo.fr

L’auteur remercie cordialement Piero Bersan (Motom Club d’Italia) et Henk Cloosterman (Desmodromology)
pour leur contribution à cet article.

Bibliographie
- « Panhard X86 - Toujours jeune et… dynamique » par Michel Leroux in « Auto Passion » n° 24 (juin 1989).
- « Les premières Dyna Panhard » par René Bellu in « Automobilia » n° 3 (juin 1996).
- « Premiers pas en Formule 1 » & « Honda ne manque pas d’air » par Gérard Crombac in « Rétroviseur » n° 89
   & 91 (janvier & mars 1996).
- « Brabham + Ralt + Honda - The Ron Tauranac Story » par Mike Lawrence (MRP 1999).
- “CB450 Honda - Le twin de la conquête a 40 ans” par Michel Cottereau in “Moto Légende” n° 168
   (mai 2006).

Sites Internet
- Office Européen des Brevets	ep.espacenet.com
- Motom Club d’Italia	www.motomclub.it
- Desmodromology Home Page	members.chello.nl/~wgj.jansen

                      A
                             près des articles bien documentés et inédits sur les ingénieurs PLANCHON et LORY,
                             Sébastien Faurès Fustel de Coulanges nous fait découvrir un aspect relativement méconnu
                             de la créativité du bureau d’études de DELAGE. Il est intéressant de voir ce qu’un brevet de
                      1932 est devenu par la suite.
                      C’est aussi un hommage à l’ingénieur inventif que fut Maurice GAULTIER..

                                                            Les Amis de Delage - Bulletin Décembre 2007                     19
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