Des terres à protéger du soleil - Agrivoltaïsme DOSSIER - cède les jachères à l'agriculture productiviste

 
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Des terres à protéger du soleil - Agrivoltaïsme DOSSIER - cède les jachères à l'agriculture productiviste
N° 384 – juin 2022 – 6 € – ISSN 09834-9181

DOSSIER
Agrivoltaïsme
Des terres à protéger du soleil

 La Commission européenne
 cède les jachères à l’agriculture productiviste
Des terres à protéger du soleil - Agrivoltaïsme DOSSIER - cède les jachères à l'agriculture productiviste
Vie syndicale
                              p.4 AG et table ronde, élections législatives
                                                                                                      Dossier
                             et mégabassines
                                                                                                      Agrivoltaïsme
                              p.5 Se former politiquement et s’organiser
                             pour la suite                                                            Des terres à protéger du soleil
                              p.6 Les maux de la faim

                             Actualité
                              p.7 Stop à l’usine à poules de Lescout !
                              p.8 La sécurité sanitaire des aliments en danger
                              p.9 Le lait bio sous tension
                              p.10 La Commission européenne cède les jachères
                             à l’agriculture productiviste
                              p.11 La CR lève le voile
                                                                                                     Ami·e·s de la Conf’
                                                                                                       p.13 Un pressoir mobile pour valoriser des variétés
                                                                                                     fruitières anciennes
        Le Samson du mois

                                                                                                     Internationales
                                                                                                     p.14 Près de Genève, sauver les terres des
                                                                                                     Cherpines
                                                                                                       p.15 Les mensonges des protéines cultivées en
                                                                                                     laboratoire

                                                                                                     Agriculture paysanne
                                                                                                       p.16 Loir-et-Cher Les bons fruits du Bel Air
                                                                                                       p.17 Pays basque « Je voulais produire ce que
                                                                                                     j’aime consommer »

                                                                                                     Initiative
                                                                                                       p.18 Deux-Sèvres Pâti’Bar à la ferme

                                                                                                       p.19     Culture
                                                                                                     Marie Gazeau Une vie près de la terre
                                                                                                     Éric Chaumillon, Mathieu Duméry et Guillaume Bouzard
                                                                                                     La mer contre-attaque

                                                                                                          Abonnement
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                                                                                                     p.22 Petites annonces

                                                                                                     La Conf’ en action
                                                                                                       p.24 Charivari pour les terres de Pertuis

                                                                 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux
                                                             de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis.
2   Campagnes solidaires N° 384 – juin 2022                                                                                    Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
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                                                                           Nourrir le monde
                                                                              Jusqu’à présent, l’agriculture pro-             à des questions d’accessibilité aux
                                                                           ductiviste n’a pas permis d’éradiquer              aliments que d’offre alimentaire insuf-
                                                                           la précarité et les crises alimentaires.           fisante), les propositions pour remé-
                                                                           Elle a aussi des conséquences né-                  dier à cette crise, brandie comme une
                                                                           fastes pour les paysan·nes (manque                 menace, ne se sont pas fait attendre.
                                                                           de revenu, conditions de travail dé-                  L’une des plus caricaturales est celle
                                                                           gradées, perte de sens du métier…),                du patron de Syngenta, multinationale
                                                                           l’environnement et les consommateurs               agrochimique, qui a appelé à abandon-
                                                                           et consommatrices. Malgré tout, elle               ner l’agriculture biologique (1). D’après
                                                                           reste LA norme. Toujours soutenue fi-              lui, « la bio nuit au climat et favorise
                                                                           nancièrement et politiquement, et bien             la consommation de terres » car elle
                                                                           accompagnée par les filières et les                nécessiterait un labour important, pra-
                                                 Laurence Marandola,       marchés dérégulés, il semble qu’elle               tique émettrice de CO2, ainsi que de
                                                  paysanne en Ariège,      puisse continuer de produire plus à                plus grandes surfaces. Cette affirma-
                                                   secrétaire nationale    l’infini, ce qui n’est aucunement le cas.          tion est mise à mal par de nombreuses
                                                                              Face aux aléas climatiques et aux               études qui montrent que l’agriculture
                                                                           dépendances colossales (aux éner-                  sans pesticides pourrait vraiment nour-
                                                                           gies fossiles, engrais, aliments pour              rir le monde. À l’inverse, l’agriculture
                                                                           animaux…), le produire plus rencontre              conventionnelle, à grand renfort d’in-

                           V    oici un mois de juin qui rime avec
                                sécheresse pour certain·es, avec
                           élections législatives pour tous les ter-
                                                                           de réelles limites, même avec les nou-
                                                                           velles et insistantes propositions d’al-
                                                                           lègements de règles (de l’utilisation de
                                                                                                                              trants et d’engrais azotés, met en péril
                                                                                                                              le climat.
                                                                                                                                 Mais les attaques les plus violentes
                           ritoires français, mais aussi avec les          jachères à celle des OGM).                         sont peut-être celles que nous enten-
                           incessantes attaques contre l’agricul-             Les expert·es de l’Institut du déve-            dons au quotidien, relayées par les
                           ture paysanne partout dans le monde.            loppement durable et des relations                 médias et certains politiques pour
(1) Entretien au              Les promoteurs de l’agriculture in-          internationales (Iddri) affirment : « Ce           qui l’agriculture paysanne est pas-
journal suisse NZZ,        dustrielle ne désarment pas : une agri-         ne sont pas les réglementations en-                sée d’une alternative sympathique
8 mai.                     culture plus écologique ne produirait           vironnementales qui limitent les ren-              à un système de production dange-
                           pas assez pour « nourrir le monde ».            dements, mais bien les chocs clima-                reux parce qu’il ne pourrait pas nourrir
                           La guerre en Ukraine est instrumen-             tiques, la perte de pollinisateurs ou              le monde !
                           talisée pour faire suspendre certaines          encore la dégradation des sols. »                     Alors une fois encore, nous réaf-
                           mesures liées au respect de l’environ-             Cela implique de repenser totale-               firmons que l’agriculture industrielle
                           nement en agriculture, positions plutôt         ment les politiques agricoles actuelles,           n’a pas vaincu la faim dans le monde
                           cyniques et aux effets davantage idéo-          à commencer par la Pac dont la nou-                jusqu’à présent et qu’accélérer dans
                           logiques que réellement productifs.             velle déclinaison du plan stratégique              cette même voie ne le permettra pas
                              Quotidiennement, on entend la ques-          national (PSN) français est en pleine              non plus dans le futur. En revanche,
                           tion : peut-on satisfaire les besoins           négociation à l’heure d’écrire ces                 l’agriculture paysanne peut sans au-
                           alimentaires avec l’agriculture pay-            lignes. Mais ce PSN sera malheureu-                cun doute jouer un rôle majeur dans les
                           sanne et/ou l’agroécologie ? Avec une           sement vraiment trop peu ambitieux                 défis que nous affrontons aux niveaux
                           réponse qui semble une évidence…                pour répondre aux enjeux climatiques,              climatique et alimentaire. Pour cela, les
                              Mais on pourrait aussi renverser la          environnementaux et alimentaires.                  soutiens et politiques adaptées pour
                           question : peut-on satisfaire les be-              Malgré les impasses du produire                 accompagner les paysan·nes, plutôt
                           soins alimentaires en continuant avec           plus et une vision erronée de la crise             que les attaques incessantes, sont
                           l’agriculture industrielle ?                    alimentaire mondiale (due davantage                indispensables. n

 Mensuel édité par                              Abonnements : 01 43 62 82 82          Comité de publication :                     Dessins : Samson et Rodho
 l’association Média Pays                       abocs@confederationpaysanne.fr        Andréa Blanchin, Céline Berthier,           Maquette : Julia Klag et Pierre Rauzy
 104, rue Robespierre                           Directeur de la publication :         Christian Boisgontier, Michel Curade,       Impression : Chevillon
 93170 Bagnolet                                 Nicolas Girod                         Marc Dhenin, Florine Hamelin,               26, boulevard Kennedy
 Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03   Rédaction :                           Véronique Léon, Jean-Claude                 BP 136 – 89101 Sens Cedex
 campsol@confederationpaysanne.fr               Benoît Ducasse                        Moreau, Michèle Roux, Geneviève             CPPAP n° 1126 G 88580
 confederationpaysanne.fr                       et Sophie Chapelle                    Savigny                                     N° 384 – juin 2022
 facebook.com/confederationpaysanne             Secrétariat de rédaction :            Diffusion : Anne Burth                      Dépôt légal : à parution
 Twitter : @ConfPaysanne                        Benoît Ducasse                        et Jean-Pierre Edin                         Bouclage : 25 mai 2022

                                                                                                                                    Campagnes solidaires N° 384 – juin 2022   3
Des terres à protéger du soleil - Agrivoltaïsme DOSSIER - cède les jachères à l'agriculture productiviste
Vie syndicale

     AG et table ronde
       La Confédération paysanne a tenu             À la table ronde participaient Phi-      tout le monde s’accorde à vouloir
     son assemblée générale les 4 et 5 mai,       lippe Martinez, secrétaire général         – et devoir – construire collective-
     à Paris. L’AG est une étape statutaire       de la CGT, Murielle Guilbert, co-dé-       ment un autre modèle de société.
     entre deux congrès bisannuels.               léguée générale de Solidaires,             Entendu parmi les propos tenus :           (1) La plus
       Le second jour s’est tenue une table       Jean-François Julliard, directeur          « sortir de son couloir », « élargir       récente étant
     ronde du collectif Plus Jamais ça, fon-      général de Greenpeace France,              nos audiences », « échanger ex-            l’appel commun
     dé en 2020 par quatre syndicats (CGT,        Elyne Etienne, chargée de mis-             pertises et pratiques », « trouver de      à participer aux
     FSU, Solidaires et la Confédération          sion « agriculture » des Amis de la        nouvelles façons de s’adresser au          manifestations
     paysanne) et quatre ONG (Green-              Terre, et Nicolas Girod, porte-pa-         public, de nouvelles façons de faire »     du 1er mai, « pour
                                                                                                                                        défendre nos
     peace, Oxfam, Attac et les Amis de la        role national de la Confédération          pour « conjuguer droits sociaux et         droits et rappeler
     Terre). L’occasion de faire le point sur     paysanne.                                  combats écolos ». Un travail « éner-       l’urgence de
     cette dynamique, les actions (1) et les        Sans nier les divergences pouvant        gisant », en conclusion d’une des          construire un
     publications communes (2).                   exister entre les uns et les autres,       participantes. n                           monde socialement
                                                                                                                                        et écologiquement
                                                                                                                                        juste ».
                                                                                                                                        (2) Dont
                                                                                                                                        Propositions pour
                                                                                                                                        un plan de rupture
                                                                                                                                        et Pas d’emploi sur
                                                                                                                                        une planète morte,
                                                                                                                                        à lire et télécharger
                                                                                                                                        sur : plus-jamais.org

                             Élections législatives
     (communiqué                Lors de la campagne présiden-           quinquennat d’Emmanuel Macron               tives de juin, à la démarche de large
     de presse du 12/5)      tielle, la Confédération paysanne          rendra les paysan.nes encore plus           rassemblement de la gauche au sein
                             avait appelé à rompre avec les po-         dépendant·es de l’agro-industrie.           de la Nouvelle Union Populaire Eco-
                             litiques libérales qui font disparaître      Au vu de la situation exception-          logique et Sociale (NUPES), la plus
                             et s’appauvrir les paysan·nes depuis       nelle – urgence agricole et alimen-         à même d’offrir des perspectives de
                             des décennies. Le triptyque « robo-        taire, climatique, démocratique et          nouveaux droits sociaux et paysans
                             tique-numérique-génétique » qui se-        sociale – le syndicat apporte son           et de mettre en œuvre la transition
                             ra la boussole agricole du nouveau         soutien, pour les élections légista-        agroécologique. n

     Vers la fin des mégabassines !
       Une procédure judiciaire avait               En parallèle, cette bassine de Cram-
     été lancée contre le porte-parole            Chaban et les quatre autres du bassin
     de la Confédération paysanne,                du Mignon ont une nouvelle fois été
     suite à la plainte de Thierry Bou-           jugées illégales par la cour administra-
     ret (1), bénéficiaire de la bassine de
     Cram-Chaban (Charente-Maritime),
                                                  tive d’appel de Bordeaux. Le 17 mai,
                                                  la cour a annulé l’arrêté préfectoral
                                                                                             (1) Mégabassines :
                                                                                             l’agri-manager
                                                                                                                        La Conf’ a dit
     contre laquelle la Confédération             d’autorisation de création de ces cinq     qui s’accapare
     paysanne avait manifesté le 6 no-            bassines. Elle a estimé que les élé-       un million de m3           Tous les communiqués de
     vembre. Bien que le vol d’un mor-            ments complémentaires apportés par         d’eau : urlz.fr/ijMN       presse publiés nationale-
     ceau de pompe ait été qualifié, Ni-          leurs promoteurs étaient toujours dé-                                 ment par la Confédération
     colas Girod a été dispensé de peine          faillants pour assurer que ces bassines                               paysanne sont à lire sur le
     et le préjudice moral a été ramené           avaient un impact limité sur le milieu.                               site :
     à l’euro symbolique. Ce démontage              Ces deux décisions légitiment les                                   confederationpaysanne.fr
     est donc bien reconnu comme une              actions syndicales contre ces mé-                                     (rubrique : Presse)
     action syndicale légitime.                   gabassines. n

4   Campagnes solidaires N° 384 – juin 2022
Des terres à protéger du soleil - Agrivoltaïsme DOSSIER - cède les jachères à l'agriculture productiviste
Se former politiquement et s’organiser pour la suite
Après la Haute-Vienne en 2020, puis le Pays basque en 2021, une nouvelle rencontre nationale des groupes
« jeunes » de la Confédération paysanne s’est déroulée les 18, 19 et 20 mars, en Alsace.

   Notre point de départ a été l’envie           Ces espaces inclusifs et émanci-                Paloma               têtes l’objectif d’un groupe « jeunes »
d’affiner notre rôle et de continuer           pateurs permettent d’intégrer à notre          Cuevas, Amélie          par département. Pour faciliter l’émer-
à nous définir collectivement. Les             rythme la vie syndicale. Ce sont des           Ségard et Samuel        gence de nouvelles dynamiques, nous
groupes « jeunes » de la Confédération         lieux privilégiés de recrutement. En           Bodin                   avons créé un groupe de suivi national
paysanne ont essaimé ces dernières             ce sens, les groupes « jeunes » nous                                   se réunissant par téléphone une fois
années dans plusieurs départements.            semblent être un moyen de se saisir                                    par mois. Nous travaillons la commu-
Parmi les participant·es à la rencontre        du renouvellement futur de nos respon-                                 nication, notre organisation interne et
en Alsace, nous retrouvions une grande         sables locaux. Il en va de la vie de notre                             externe afin d’accroître notre visibilité.
diversité de situations : des installé·es      organisation, et donc de la défense des                                Cet article y contribuera et, nous l’es-
récemment, mais aussi de nombreux              paysannes et des paysans.                                              pérons, sera le premier d’une longue
porteurs et porteuses de projets, non            Pendant ces deux jours, nous avons                                   série.
encore adhérent·es du syndicat par dé-         travaillé sur nos stratégies de lutte et sur                             Au sein du groupe « jeunes » national
finition. Certain·es se sont déplacé·es        la place de la radicalité dans le syndicat,                            s’est imposée naturellement la volonté
en tant que représentant·es de groupes         en lien direct avec le vote du dernier                                 de poursuivre la formation syndicale et
déjà constitués, d’autres seul·es mais         congrès (1) et les débats au comité na-                                politique dans les groupes déjà exis-
avec la volonté de monter un groupe            tional. Le groupe « jeunes » national          (1) À Velanes           tants, pour acquérir des outils de lutte,
dans leur département.                         avait, en février, porté un texte sur le       (Isère), en juin 2021   s’approprier le plaidoyer et contribuer
   Parmi les actions des groupes exis-         sujet, avec comme objectif de faire avan-                              aux débats qui animent le syndicat.
tants, la mise en place de temps convi-        cer ces questions qui bousculent nos                                   Pour cela, il n’y a pas mille solutions :
viaux réguliers, hors du champ politique       imaginaires et nos cultures politiques.                                nous avons besoin de nous réunir, de
institutionnel, est très appréciée. Tout       Nous avons discuté de la nécessaire                                    nous former ensemble et de continuer
comme l’organisation d’actions directes        évolution de nos modalités d’action et                                 de nous rencontrer dans la réflexion,
symboliques, pour donner du sens à             de nos partenaires de lutte face aux                                   mais aussi dans l’action. Si tu es in-
l’implication collective et concrétiser la     urgences auxquelles fait face notre gé-                                téressé·e pour rencontrer les jeunes
définition du modèle agricole et social        nération. Avec l’envie, notamment, de                                  paysan·nes de ton territoire et te former
qui nous rassemble. C’est aussi ré-            se saisir des interrogations nouvelles                                 à la dynamique syndicale, les groupes
apprendre ensemble le syndicalisme             qu’apportent sur la table paysanne les                                 « jeunes » sont là pour ça ! Pour savoir
comme moyen de lutte pour sortir des           alliances syndicales et citoyennes.                                    si un groupe existe dans ton départe-
postures individualistes dans lequel le          À l’issue de ces journées intenses,                                  ment, t’en rapprocher ou en créer un,
système capitaliste essaye de nous             notre priorité est de poursuivre l’essai-                              nous contacter :
enfermer.                                      mage sur les territoires, avec dans nos                                jeunes@confederationpaysanne.fr n

      Installation Reconnaissance des structures
      alternatives d’accompagnement
         Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des es-         Les financements du programme pour l’accompagnement à l’installa-
      paces ruraux (CGAAER) a rendu en avril son rapport d’évaluation              tion et la transmission en agriculture (AITA) doivent aussi être mieux
      du fonctionnement des structures chargées de la préparation à                répartis en faveur des structures locales (Adear) qui accompagnent
      l’installation agricole. Ce rapport salue l’importance des structures        près d’un tiers des futur·es installé·es chaque année.
      dites alternatives d’accompagnement à la création d’activité. Ces               Il est également nécessaire d’assurer à ces structures de pouvoir
      structures – dont la Fédération associative pour le développement            travailler sereinement à l’amélioration continue de leurs accompa-
      de l’emploi agricole et rural (Fadear) (1) – sont enfin pleinement           gnements. Pour cela, le montant du Compte d’affectation spécial
      reconnues pour leurs compétences et leur professionnalisme.                  au développement agricole et rural (CasDAR), de 130 000 euros
         Leur travail est bien adapté à l’évolution sociologique des porteuses     par an alloué à la Fadear, est largement insuffisant.
      et porteurs de projets d’installation agricole. Mais il faut désormais que      Sans oublier que la dotation jeune agriculteur (DJA) ne finance
      les soutiens financiers publics à ces structures soient à la hauteur des     qu’un tiers des installations et que ce soutien doit être repensé.
      enjeux : la baisse de ces aides, année après année, est inadmissible                                                           (communiqué du 28/3)
      alors qu’une ferme sur deux ne trouve pas repreneur ou repreneuse.                                                         (1) agriculturepaysanne.org

                                                                                                                            Campagnes solidaires N° 384 – juin 2022   5
Des terres à protéger du soleil - Agrivoltaïsme DOSSIER - cède les jachères à l'agriculture productiviste
Vie syndicale

Bifurquer
  C’était le 30 avril, lors de la remise des
diplômes à l’école Agro Paris Tech. Huit
étudiant·es y ont fait part de leur évalua-
tion très mordante du monde vers lequel
leur formation d’ingénieur·e agronome
voulait les emmener. Défiant l’autosatis-
faction de l’école qui assure former les
« talents d’une planète soutenable », ils
et elles entendent bifurquer.
  Pourquoi bifurquer ? Entre autres
parce qu’il n’y a pas « besoin de toutes
les agricultures » puisque « l’agro-in-
dustrie mène une guerre au vivant et
                                                                        Les maux de la faim
à la paysannerie sur toute la terre. »
  L’école, par le tri des interventions                                    Le 5 mai, dans la foulée de la tenue      mondiaux, Cargill et ses concurrents
en son sein, peut être facteur de nor-                                  de son assemblée générale (cf. p. 4), la     dans la course sans fin aux profits par-
                                                                        Confédération paysanne s’est rendue          ticipent à affamer les populations du jour
malisation, de mise au pas de l’esprit                                  dans le quartier d’affaires de la Défense,   au lendemain. Il en va de même pour les
critique. Et l’école voudrait donner une                                aux portes de Paris, pour pointer du         éleveurs et éleveuses, pris à la gorge
vision de complémentarité de ces agri-                                  doigt les maux de la faim : spéculation,     par l’augmentation brutale du coût de
                                                                        libre-échange et agrocarburants.             l’alimentation animale. La volatilité des
cultures-là quand ces jeunes relèvent                                      Une cinquantaine de paysan·nes            prix n’est pourtant pas une fatalité.
des contradictions, des oppositions et                                  a ainsi manifesté devant le siège de
des luttes inégales.                                                    Cargill, numéro un mondial du négoce         Situation absurde
                                                                        international des matières premières           En se posant deux secondes, on
  Dans un deuxième temps, ils et elles          (1) Même si             agricoles. Cette multinationale, opa-        comprend vite l’absurdité de cette
                                                la production
se sont adressé à leurs camarades, « à                                  que et surpuissante, dont le chiffre         spéculation débridée car, dans le
                                                mondiale de blé
ceux et celles qui doutent ». Le plus           tendre pourrait         d’affaires atteint les 130 milliards de      monde, près de 85 % de tous les
                                                nettement baisser       dollars, profite du laisser-faire néoli-     aliments sont consommés locale-
grand mérite de leur intervention est           en 2022-2023            béral sur les marchés mondialisés.           ment, principalement produits par
sûrement d’avoir partagé ce qui fait jus-       à cause de la           Aucune souveraineté alimentaire              l’agriculture paysanne. Pourtant, le
                                                guerre en Ukraine,      n’est possible avec ces règles du            commerce mondial a une influence
tement la noblesse de leur expérience :
                                                elle est quand          libre-échange, dont Cargill est un           décisive sur les prix des marchés.
« Nous avons douté et nous doutons              même attendue
                                                à 746 millions
                                                                        des emblèmes.                                  La Confédération paysanne a éga-
parfois encore. Mais nous refusons de                                      Après le pétrole, le maïs et le soja      lement dénoncé le détournement des
                                                de tonnes,
servir ce système et avons décidé de            selon le Conseil        sont les principales matières pre-           productions alimentaires à des fins
chercher d’autres voies, de construire          international des       mières négociées en bourse. Quatre           énergétiques. En France, 800 000
                                                céréales, tandis        entreprises détiennent plus de 75 %          hectares sont aujourd’hui détournés
nos propres chemins. »                          que la demande          de ce négoce et de celui des céréales :      de leur vocation alimentaire pour la
                                                atteindrait
  Et enfin : « Ne perdons pas notre             750,5 millions
                                                                        Archer Daniel Midlands, Bunge, Louis         production de d’agrocarburants.
                                                de tonnes,              Dreyfus, et donc Cargill.                      C’est pourquoi la Confédération
temps (…) N’attendez pas le 12e rapport
                                                principalement             Avec l’invasion de l’Ukraine par les      paysanne porte trois revendications
du Giec qui démontrera que les États            pour les utilisations   armées russes, les prix du blé et du         fondamentales :
et les multinationales n’ont jamais fait        humaines. Soit un       maïs (dont les deux pays sont les            • L’arrêt de la spéculation sur l’ali-
                                                déficit global en       principaux exportateurs mondiaux)            mentation.
qu’aggraver les problèmes et qui place-         fin de campagne
                                                                        ont explosé. Dès les premiers jours          • La régulation des marchés (stocks
ra ses derniers espoirs dans les révoltes       équivalant à 0,5 %
                                                de la production.       de la guerre, le cours du blé est passé      publics, transparence des stocks, pro-
populaires (…) À vous de trouver vos                                    de 280 à plus de 400 euros la tonne.         tection économique des paysan·nes
manières de bifurquer ! »                                                  Or, les stocks existent ! Du point de     et des marchés intérieurs, contrôle
                                                                        vue de la disponibilité physique, il n’y     des prix des biens essentiels…).
  Chaleureuse ovation de leurs cama-                                    a pas aujourd’hui de pénurie (1). Mais       • L’arrêt de la production d’agrocarbu-
rades : leurs mots ont tapé juste.                                      la spéculation et les règles libérales       rants, qui contribue à la hausse des
                                                                        du commerce mènent la danse et font          cours alimentaires et aux émeutes
 La vidéo : urlz.fr/iiP1                                                monter les prix. En affolant les cours       de la faim. n

                                               6    Campagnes solidaires N° 382 – juin 2022
Des terres à protéger du soleil - Agrivoltaïsme DOSSIER - cède les jachères à l'agriculture productiviste
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                                                                                                                      ÉCOBRÈVES
Stop à l’usine à poules de Lescout !
                                                                                                                      Fantasme agronomique
À Lescout, dans le Tarn, l’opposition contre l’extension d’un poulailler industriel ne                                  L’idée : permettre aux principales cé-
faiblit pas. La ferme-usine « élève » actuellement 150 000 poules pondeuses et un                                     réales de capter l’azote de l’air comme
nouveau bâtiment en projet permettrait d’en recevoir 30 000 supplémentaires.                                          le font les légumineuses, et limiter ain-
                                                                                                                      si l’usage d’engrais azotés. Des cher-
                                                                                                                      cheurs et chercheuses de 4 universités,
                                                                                                                      dont Oxford et Cambridge, ont combiné
  Nouvelle manifestation, le 26 avril,        au regard du nombre d’animaux. In-               Jean-Luc               un orge et une bactérie : le génome
devant la ferme-usine de Lescout.             terpellés par le Collectif, les services    Hervé, porte-parole         de l’orge a été manipulé pour lui faire
Accompagné·es par une dizaine de              de l’État assurent que « toutes les         de la Confédération
                                                                                          paysanne du Tarn
                                                                                                                      produire une molécule qui stimule la
tracteurs, les manifestant·es pro-            règles sont respectées »… tout en                                       bactérie présente dans les racines de
testent contre la construction d’un           reconnaissant que la visite de la ré-                                   la plante afin de lui faire capter l’azote
5 e bâtiment pour 30 000 poules               pression des fraudes sur le terrain n’a                                 de l’air. L’association ne devrait être
supplémentaires : défilé depuis le            pu se faire, compte tenu du contexte                                    bénéfique qu’à la plante d’intérêt, pas
village, blocage de l’entrée de la            sanitaire et des mesures de claus-
                                                                                                                      aux « mauvaises herbes » autour. C’est
ferme-usine, circulation alternée             tration (3).
des véhicules et tractage, prises de            L’arrêté d’ICPE (4) de 2009 qui                                       bien ce qui a été observé, selon un ar-
paroles, dont celle de Nicolas Girod,         n’autorise à Lescout que l’élevage                                      ticle paru dans Le Monde le 19 avril, qui
porte-parole national de la Confédé-          de poules en cage aurait dû être                                        précise que le chemin sera encore long
ration paysanne.                              modifié. Le Collectif soutient que le                                   du labo au champ.
  Le permis de construire fait l’objet        passage au plein air constitue une
d’un recours contentieux devant le            modification substantielle qui induit                                   OGM clandestins
                                                                                          (1) Agence                    Début mai, l’équipe d’Inf’OGM a fait
tribunal, pas encore jugé sur le fond.        une nouvelle procédure, avec étude          régionale de santé
L’ARS (1) avait pourtant donné un avis        d’impact, enquête publique, etc. Deux       (2) Sur Facebook :          part de sa découverte : lors du tournage
défavorable « par application du prin-        cabinets d’avocats planchent sur la         urlz.fr/imuy                d’une émission consacrée aux agro-
cipe de précaution, et au titre de la         question, ce qui a contraint les ser-       (3) Relatives au            carburants (attendue sur France 5),
                                                                                          risque de grippe
protection de la santé publique ». Le         vices de l’État à réexaminer la nature      aviaire, ces derniers       « nous avons récolté des plants de
Collectif de Lescout (2), dont fait partie    de la modification ; les résultats sont     mois.                       colza qui poussaient le long des routes,
la Conf’ du Tarn, demande un mora-            attendus pour l’automne.                    (4) Installations           près du port de Rouen. Ces repousses
toire sur l’extension tant que l’impact         Notre détermination ne faiblit pas.       classées protection
                                                                                          de l’environnement.         se sont avérées être majoritairement
de la ferme-usine sur la qualité de l’air     De nouvelles organisations rejoignent
et la santé des riverain·es n’est pas         sans cesse le Collectif. Et la médiati-                                 transgéniques. Ce colza, résistant à un
évalué. Mais les analyses de la qualité       sation donne à notre lutte une dimen-                                   herbicide, a été importé en France par
de l’air, promises par la préfecture          sion nationale. D’autres actions sont                                   bateau. Des graines se sont « échap-
depuis plus de 4 ans, ne commence-            envisagées à l’automne. n                                               pées » lors du déchargement. Les agro-
ront pas avant l’automne. Et il faudra                                                                                carburants français sont donc, en partie,
attendre l’automne 2023 pour la mise                                                                                  issus de colza transgénique importé,
à jour de la note d’analyse épidémio-                                                                                 lequel se dissémine illégalement sur le
logique de Santé Publique France. La                                                                                  territoire ». L’article complet : urlz.fr/i9s3
préfecture se hâte avec lenteur… Et,
à Lescout, le principe de précaution                                                                                  Inique
ne s’applique pas.                                                                                                      Frappe lourde : le 11 mai, le tribunal
                                                                                                                      correctionnel de Toulouse a condamné
L’arnaque du plein air industriel                                                                                     3 faucheurs volontaires d’OGM à une
   La ferme-usine, de son côté, tient
                                                                                                                      amende de 458 000 euros et à trois
un discours vertueux d’adaptation aux
besoins des consommateurs. Ceux-ci                                                                                    mois de prison avec sursis. Le pro-
boudent les œufs de poules en cage,                                                                                   cès, du moins son simulacre selon
on passe donc au « plein air ». Ou                                                                                    les faucheurs, s’était tenu le 30 mars.
plutôt par l’arnaque du plein air indus-                                                                              En 2017, les condamnés avaient par-
triel : moins de 10 % des poules sortent                                                                              ticipé à la neutralisation de cinq par-
effectivement du bâtiment, quelques                                                                                   celles de tournesol expérimental près
heures par jour, pendant la moitié de                                                                                 de Toulouse. L’expérimentation était
leur vie… quand les mesures de claus-                                                                                 conduite par Arvalis. Les faucheurs et
tration ne les confinent pas à l’intérieur.                                                                           faucheuses avaient justifié leur action
Le consommateur ou la consomma-                                                                                       par « la certitude qu’une ou plusieurs
trice, abusé·e par les belles photos
                                                                                                                      variétés rendues tolérantes aux her-
de poules picorant dans l’herbe, croit
faire un achat responsable.                                                                                           bicides (VRTH) y [étaient] cultivées »,
   L’industriel ne dispose pas des                                                                                    lesquelles « sont des OGM ». La suite
surfaces de parcours nécessaires                                                                                      en appel, dans quelques mois.

                                                                    Campagnes solidaires N° 382 – juin 2022       7
Des terres à protéger du soleil - Agrivoltaïsme DOSSIER - cède les jachères à l'agriculture productiviste
Actualité

                     ÉCOBRÈVES
                                                  La sécurité sanitaire des aliments
Amazon
  Saucisson de Savoie, comté, carré
                                                  en danger
d’agneau… La « boutique des produc-
teurs », créée par Amazon en 2018,                Les contrôles de sécurité alimentaire de la Direction générale de la concurrence, de
réunit aujourd’hui plus de 400 produc-            la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) vont être abandonnés
teurs et productrices qui vendent sur la          au ministère de l’Agriculture. Traduction et alerte du syndicat Solidaires de la DGCCRF.
plateforme 13 000 produits alimentaires et
boissons. Ils et elles payent pour cela un
abonnement mensuel de 39 euros et une                  Source :            Le ministre de l’économie et des         génèrent des profits financiers, et l’ex-
commission de 8 à 15 % est perçue sur             communiqué            finances, Bruno Le Maire, a fait plai-      pertise des agent·es de la DGCCRF
chaque produit vendu. Les producteurs et          (12 mai) de           sir à l’industrie agroalimentaire, alors    ne se bornant pas à la seule question
                                                  Solidaires CCRF       que l’émotion des scandales Buitoni         sanitaire, leur retirer ces missions est
productrices peuvent passer par les ser-          et SCL
vices d’Amazon pour l’expédition de leurs                               et Kinder n’est pas retombée (1). Les       impensable. De plus, il est de notorié-
                                                                        missions de la DGCCRF sont variées,         té publique que le ministère de l’Agri-
produits ou les expédier eux-mêmes. Le
                                                                        et recouvrent notamment le contrôle         culture entretient des liens privilégiés
monstre est bien dans la place.                                         des produits alimentaires, à la pro-        avec les lobbys de l’agroalimentaire :
Pour rappel, notre dossier sur Amazon :                                 duction comme à la distribution. Ce         on peut s’interroger sur les conflits
urlz.fr/ij1H
                                                                        sont ses enquêtrices et enquêteurs          d’intérêts que ce transfert sous-tend.
Victoire                                                                qui ont mené ou mènent encore des
  Après presque 3 ans de luttes, Cha-                                   investigations, notamment dans les          Casse d’un service public
pelle-Darblay, dernier site français de                                 dossiers Buitoni et Kinder, mais aus-         Bref, l’une des toutes dernières dé-
fabrication de papier journal et d’em-                                  si dans ceux de la viande de cheval         cisions politiques de MM. Castex, Le
ballage 100 % recyclé, est sauvé de la                                  trouvée dans des lasagnes au bœuf           Maire et Denormandie aura été de
                                                                        de Findus et Picard, des laits infantiles   casser le service public de la sécurité
délocalisation. Le 10 mai, la métropole           (1) 2 morts et 56
                                                                        Lactalis contaminés par la salmonelle,      sanitaire des aliments, en dehors de
                                                  cas graves de
de Rouen, qui avait préempté le site et           salmonellose suite    des aliments contaminés à l’oxyde           tout débat public. Pire, cette décision
les machines, a signé l’acte de vente             à la consommation,    d’éthylène (cancérogène) découverts         ouvre la porte à un vieux serpent de
à un consortium d’industriels, Fibre              en février-mars,      en 2021…                                    mer : l’externalisation des missions de
                                                  de pizzas Buitoni
Excellence et Véolia. La production va            fabriquées à             Enfin, c’étaient ses missions : ce       contrôle en hygiène alimentaire à la
pouvoir redémarrer. C’est une victoire            Caudry (Nord).        11 mai, par courriel aux personnels,        distribution : restaurants, charcuteries,
pour les salarié·es et le collectif Plus          Plus de 150 cas       sans concertation préalable, la direc-      boucheries et boulangeries, dont celles
                                                  de salmonellose       trice générale a informé les agent·es       des grandes surfaces… Des contrôles
jamais ça – dont est membre la Confé-             recensés dans le
dération paysanne – qui se sont associés          monde, depuis
                                                                        de « la création d’une police unique en     payants, exercés par des entreprises à
à cette occasion. « Les luttes sociales           le début de           charge de la sécurité sanitaire des ali-    but lucratif, employant des personnels
                                                  l’année, parmi les    ments par le transfert de compétences       parfois précarisés, et non plus par des
et écologiques menées collectivement              personnes ayant       du ministère de l’économie, des fi-         personnels indépendants. Idem pour
peuvent payer », a déclaré l’association          consommé des          nances et de la relance vers le ministère   les analyses en laboratoire, exercées
Attac, autre membre du collectif, dans un         Kinder (Ferrero)
                                                  fabriqués en          de l’agriculture et de l’alimentation ».    jusque-là par le Service Commun des
communiqué publié le 12 mai : urlz.fr/ifDl.       Belgique.             La Direction générale de l’Alimentation     Laboratoires (SCL) de Bercy, désor-
                                                                        (DGAL) du ministère de l’Agriculture        mais fortement menacé.
Agrocarburants                                                          devrait récupérer, au 1er janvier 2023,       Et la protection des consommatrices
  « Fabriquer des biocarburants à partir                                l’ensemble des contrôles liés à la sé-      et consommateurs dans tout ça ? Les
de blé, de colza et de maïs, ce n’est pas                               curité sanitaire des aliments.              crises alimentaires se suivent, sans ré-
durable », a déclaré, le 2 mai, le ministre                                Cette décision ne tient pas compte       action de gouvernements qui préfèrent
allemand de l’Agriculture, Cem Özdemir.                                 d’un élément décisif concernant les         le mot de compétitivité à celui de sécuri-
« La place des aliments est d’abord dans                                infractions en matière de sécurité de       té et se satisfont du sacrifice d’un bouc
nos assiettes, pas dans nos réservoirs,                                 l’alimentation : si des fraudes sont        émissaire administratif plutôt que poin-
surtout quand il y a de plus en plus de                                 commises, c’est bien parce qu’elles         ter du doigt les industriels défaillants. n
gens qui meurent de faim sur cette pla-
nète. » Quelques jours plus tôt, la mi-
nistre de l’Environnement, Steffi Lemke,
annonçait qu’elle souhaitait « continuer
                                                     Une police sanitaire déroutée et désarmée
de réduire la part de biocarburants issus              Le 13 mai, c’est la CFDT Spagri (person-           ministre a toujours soutenu que le transfert
de cultures vivrières et fourragères ». Un           nels du ministère de l’Agriculture) qui a dé-        de missions vers le ministère de l’Agriculture
positionnement très différent de celui du            ploré « une réorganisation décidée dans un           ne pouvait pas se faire sans transfert des
gouvernement français.                               objectif budgétaire sans prendre en compte           moyens ». Or, sur les 180 agent·es que ré-
                                                     les agents ». Le syndicat assure ne pas              clame la DGAL du ministère pour assurer ces
NB : La plupart de nos écobrèves ont pour            avoir reçu d’informations « officielles » de         nouvelles missions, seul·es 60 leur seraient
source les informations fournies par les             la part de son ministère, rappelant que « le         transféré·es de la DGCCRF.
agences Agra et Contexte.

                                              8      Campagnes solidaires N° 382 – juin 2022
Des terres à protéger du soleil - Agrivoltaïsme DOSSIER - cède les jachères à l'agriculture productiviste
Actualité

                                                                                                                      ÉCOBRÈVES
Le lait bio sous tension
                                                                                                                       Sécheresse
La collecte de lait de vache bio continue de progresser (+5 % en début d’année,                                           Alors que des températures étaient en
après les +11 % en 2020 et 2021), mais la demande augmente bien moins vite. Cela                                       France jusqu’à 9 °C supérieures aux
se répercute depuis près d’un an par une baisse des prix payés aux producteurs et                                      normales de saison, la sécheresse se
productrices par Biolait (qui collecte un tiers des volumes de la filière).                                            manifestait déjà en mai. Dès avril, les
                                                                                                                       ministres de l’Agriculture et de la Tran-
                                                                                                                       sition écologique « ont décidé d’aug-
                                                                                                                       menter en 2022 de 100 millions d’euros
   Voilà 30 ans que j’élève avec fierté des   fectuer nombre de travaux autour des                Jean-François        le plafond de dépenses des Agences
vaches laitières. Pendant 20 ans, j’ai        haies, des cours d’eau… ce qui n’est pas       Guitton, paysan en        de l’eau ». Objectif : accompagner les
livré du lait conventionnel sans aucune       répercuté dans le prix de vente.               Loire-Atlantique          filières agricoles dans leur stratégie
augmentation du prix de vente, alors que        On parle aussi, depuis des années,                                     d’adaptation, soutenir les collectivités
les charges connaissaient une inflation.      d’imposer une part de produits bio dans                                  territoriales dans la lutte contre les fuites
   Depuis 10 ans, j’adhère au cahier des      la restauration collective. Mais la loi Ega-                             dans les réseaux, ou encore accélérer
charges de l’agriculture bio. Jusqu’en        lim est mal ficelée : si elle vise les 20 %
                                                                                                                       la désimperméabilisation urbaine pour
2020, j’ai eu le sentiment d’être reconnu,    de bio dans les cantines publiques à
valorisé et bien rémunéré grâce à cette       partir du 1er janvier 2022, elle ne prend                                traverser « une période plus sèche et
conversion.                                   pas en compte la part de produits vé-                                    chaude que la normale ». Mais l’excep-
   Puis, de nouveau la spirale de l’ina-      gétaux ou animaux. C’est pourquoi on                                     tion semble de plus en plus devenir la
daptation de l’offre à la demande, qui        va plus facilement trouver des oranges,                                  normale.
entraîne une baisse du prix du lait alors     avocats ou bananes que des yaourts,            (1) Le surplus de
                                                                                             production de lait        Chèque alimentaire
que les charges, même s’il y en a moins,      du fromage ou une blanquette de veau           bio a été estimé
progressent.                                  dans le menu des cantines.                     à 250 millions              Le Secours catholique, l’association
   Lorsque je cherche à comprendre                                                           de litres en 2021         Vrac (Vers un réseau d’achat commun)
pourquoi nous en sommes là, la colère         Réflexion collective                           (source : Les             et le réseau Cocagne craignent que le
                                                                                             Échos).
n’est pas loin.                                  Il nous appartient de réfléchir collecti-   (2) Les quotas            « chèque alimentaire », prévu par la loi
   Alors que les consommatrices et            vement à la gestion de cette situation.        laitiers qui              climat et résilience et relancé par Emma-
consommateurs ont été très nombreux              Depuis plus de deux ans, les pré-           encadraient la            nuel Macron en campagne, ne soit qu’un
à acheter bio et à vouloir un environ-        visionnistes se sont trompés. Ils ont          production en
                                                                                                                       « gadget ». Les sommes évoquées, de
nement plus sain, soudainement les            sous-estimé l’augmentation de la pro-          Europe ont été
                                                                                             supprimés le              30 à 50 euros par mois et par bénéfi-
ventes de nos produits stagnent, voire        duction de lait biologique et surestimé        31 mars 2015.
régressent. Nous sommes toutes et             sa consommation (1).                                                     ciaire, parlent d’elles-mêmes. Les asso-
tous influençables par la pub, la mise           Tandis que chez Biolait, dès 2020,                                    ciations craignent en outre que le dispo-
en rayon et le prix. Et, bien que nous le     on a pris conscience du risque de voir                                   sitif soit financé au prix d’un transfert de
sachions, nous avons laissé le champ          le prix producteur baisser s’il n’y avait                                subventions existantes. Ainsi, le réseau
libre à tous les nouveaux logos (souvent      pas de maîtrise de la production (2), les                                Cocagne, qui va perdre 300 000 euros de
bidon) sur le « consommer local », le         autres opérateurs, coopératives en tête,                                 subvention publique pour ses « paniers
« sans OGM », le « plus riche en ceci         ont déclassé de 18 à 30 % de lait bio                                    solidaires », a indiqué que le gouverne-
ou cela », le « végétal plutôt que l’ani-     en conventionnel dans la plus grande                                     ment avait justifié cette mesure par le fu-
mal » et, cerise sur le gâteau, après le      discrétion, repoussant ainsi les prises                                  tur déploiement des chèques. On est loin
« raisonné » apparaît le HVE !                de décisions qui s’imposaient.                                           de la Sécurité sociale de l’alimentation.
   Le client ou la cliente, sensible aux         Comme en 2009 et en 2016, les
enjeux environnementaux et à la rému-         mêmes qui avaient organisé la surpro-                                    Sale gaz
nération du producteur, pense donc être       duction de lait conventionnel ont refusé                                    Pour réduire sa dépendance au gaz
cohérent·e en faisant l’effort de payer       d’anticiper en espérant grignoter des
                                                                                                                       russe, Engie va importer du gaz de
un peu plus cher, même « si ce n’est          parts de marché sur les concurrents. Et
pas tout à fait bio ». Il faut reconnaître    une fois encore, ce sont les producteurs                                 schiste américain à partir de 2026.
que les produits étiquetés bio sont par-      et productrices qui vont servir de variable                              Le contrat avec la firme NextDecade
fois bien chers. Mais ce n’est pas une        d’ajustement, par leur nombre et leur                                    prévoit 1,75 million de tonnes de gaz
fatalité.                                     rémunération.                                                            naturel liquéfié (GNL) par an. Ce gaz
   D’une part, la grande distribution se         Le contexte haussier du coût de l’éner-                               de schiste, issu de la fracturation hy-
gave sur notre dos avec des marges            gie et des intrants doit nous conforter                                  draulique, méthode d’extraction que la
insensées. D’autre part, les politiques       dans la poursuite de systèmes plus                                       Confédération paysanne a combattu
publiques nous ont abandonné·es au mi-        autonomes, même avec des volumes                                         en réseau et avec succès en France,
lieu du gué. Derrière des discours bien-      produits inférieurs.                                                     transitera par le terminal texan Rio
veillants sur l’intérêt d’une alimentation       L’échec des laiteries privées et coo-                                 Grande LNG, un mégaprojet contesté
plus saine, sur la nécessité de diminuer      pératives à rémunérer correctement les
                                                                                                                       pour les menaces qu’il fait peser sur
l’utilisation de pesticides et d’engrais      livreurs doit nous inciter à pousser plus
chimiques, les actions vont à l’inverse.      loin notre capacité à nous organiser en                                  les communautés autochtones et sur
   On nous a ainsi sucré la prime au          organisation de producteurs, afin de                                     la réserve naturelle au sein de laquelle
maintien. Pourtant, je continue d’ef-         rester maître de notre destin. n                                         il est en cours de construction.

                                                                       Campagnes solidaires N° 382 – juin 2022    9
Des terres à protéger du soleil - Agrivoltaïsme DOSSIER - cède les jachères à l'agriculture productiviste
Actualité

                       ÉCOBRÈVES
                                                       La Commission européenne cède les
Guerre et dépendances
  Solagro propose ses solutions face à
                                                       jachères à l’agriculture productiviste
la guerre en Ukraine. Le 27 avril, l’asso-
                                                       Le 23 mars, la Commission européenne a adopté un train de mesures destinées
ciation a mis en ligne trois notes avec
ses « pistes de réflexion ». Pour le blé,
                                                       à amortir les impacts de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. En bonne
elle encourage à augmenter de quelques                 place, la possibilité de cultiver les jachères, à titre exceptionnel pour 2022,
quintaux à l’hectare les rendements                    30 ans après leur introduction dans les règlements de la Pac.
dans les pays les moins productifs, plu-
tôt qu’à produire plus dans ceux où les
rendements sont déjà très élevés, tels
                                                          Benoît                L’Ukraine et la Russie repré-          agricultrices et agriculteurs fran-
la France : « Les quelques quintaux ga-                Ducasse                sentent 30 % du commerce mondial         çais : selon un sondage réalisé début
gnés au prix soit d’une consommation                                          du blé, 32 % de celui de l’orge, 17 %    avril auprès de 525 personnes par
significativement accrue d’intrants, soit de                                  de celui du maïs et plus de 50 % de      La France agricole, seuls 8 % des
la destruction d’infrastructures agroécolo-                                   celui de l’huile et des graines de       sondé·es prévoyaient de remettre
giques, ne sont pas de nature à changer                                       tournesol (1).                           en culture leurs jachères et 6 % s’in-
la donne à l’échelle mondiale », Solagro                                        Pour autant, l’Union européenne        terrogeaient.
                                                                              est globalement autosuffisante au          Alors pourquoi tant de bruit autour
promeut aussi la substitution d’une partie                                    niveau de la production d’aliments       de l’annonce de cette dérogation
des besoins en protéines animales par                                         de base, sauf pour ses approvision-      temporaire ?
des protéines végétales et la promotion                                       nements en maïs venant d’Ukraine.          Pour Jean-Bernard Lozier : « La
des systèmes herbagers.                                                       Pour la France, la production de         Commission européenne s’est fait
La fiche sur le blé : urlz.fr/i6Zw                                            blé ou de maïs est suffisante pour       manipuler par le Copa-Cogeca, le
                                                                              couvrir la consommation intérieure       puissant rassemblement des gros
Guerre, climat et dépendances                                                 à plus de 150 % en moyenne (2).          syndicats agricoles européens,
   Le cabinet d’études et de conseil indépen-                                 Ce sont surtout les pays d’Afrique,      présidée par Christiane Lambert,
dant Carbone 4 a publié fin avril un article                                  notamment l’Afrique du Nord, et du       la présidente de la FNSEA. Cette
par lequel il appelle à un « virage du sys-                                   Proche Orient qui sont affectés (3).     dérogation pour la remise en culture
tème alimentaire » français alliant autono-                                     De plus, ce n’est pas sur les ja-      des jachères est le prétexte pour
                                                                              chères qu’on comblerait les éven-        remettre le pied dans la porte afin
mie des productions, sobriété énergétique
                                                                              tuels déficits d’approvisionnement.      de demander à produire plus et de
et bas carbone. Il s’appuie sur l’exemple de                                    « Ce qu’on met en jachères dans        contrer la stratégie européenne Farm
trois productions : tomate, poulet et grandes                                 les régions de grandes cultures,         to fork. (4) » Cette feuille de route, éta-
                                                       (1) Source : DG
cultures. Il rappelle ainsi le poids des serres        Agri Commission        ce sont les terres les moins pro-        blie par la Commission dans le cadre
chauffées dans la production de tomates, le            européenne             ductives », rappelle Jean-Bernard        du Pacte vert européen, prévoit de
gaz naturel représentant 77 % de l’énergie             (2) Entre 2015         Lozier, cultivateur dans Eure et         réduire d’ici 2030 le recours aux pes-
                                                       et 2019, données       membre du comité national de la          ticides de 50 %, l’usage d’engrais
utilisée pour cela. Il souligne ensuite la part        FranceAgriMer
                                                       (3) L’Égypte importe   Confédération paysanne. « Et elles       chimiques de 20 %, et de consacrer
importante de protéines importées pour
                                                       son blé tendre à       ne représentent que peu de sur-          25 % de surfaces agricoles au bio
l’alimentation animale : « Les tourteaux que           61 % de Russie et à    faces » : en France, 300 000 hec-        (contre 8,5 % en 2019). Un casus
consomment nos poulets sont très peu de                23 % d’Ukraine.        tares, soit 1 % de la surface agricole   belli pour la FNSEA et ses alliés,
                                                       (4) « De la ferme à
France pour le tournesol (31 %) ou pas du              la fourchette », en
                                                                              utile et 2 % des terres arables.         fidèles à leur dogme productiviste.
tout de France pour le soja (1 %). » Enfin,            français.                                                         La demande de la FNSEA est aus-
pour les grandes cultures, ​​Carbone 4 rap-            (5) Rapport Amis de    Plus d’engrais,                          si un écran de fumée pour cacher
pelle que la France couvre « seulement »
                                                       la Terre/Canopée,      plus de pesticides…                      au public une autre réalité : loin
                                                       octobre 2021,            Jean-Bernard Lozier : « Si on re-      des 300 000 hectares de jachères
un tiers de ses besoins en azote, le reste             données 2017 :
                                                                              met ces terres en culture et qu’on       du pays, 800 000 hectares sont
                                                       170 213 hectares
venant d’ailleurs en Europe, d’Égypte ou               de céréales            intensifie les productions sur les       consacrés en France à la production
de Russie.                                             pour l’éthanol et      autres terres, cela voudra aus-          d’agrocarburants (5). Et la Confédé-
                                                       520 000 hectares       si dire plus d’utilisation d’engrais     ration paysanne de rappeler : « La
La publication : urlz.fr/i708
                                                       d’oléagineux pour
                                                       l’agrodiésel.
                                                                              chimiques et de synthèse qui nous        solution urgente est d’arrêter d’uti-
Faim                                                                          sont fournis… par la Russie, fabri-      liser les productions alimentaires
  Selon un rapport publié le 4 mai par le                                     qués à partir de son gaz. Et plus de     pour la production énergétique
Réseau mondial contre les crises alimen-                                      pesticides, alors que les jachères       (agrocarburants, méthanisation),
taires – qui réunit notamment la FAO, l’UE                                    s’inscrivent dans les surfaces d’inté-   proposition d’ailleurs formulée par
et le Programme alimentaire mondial –                                         rêt écologique (SIE) de la Pac, avec     la Commission. En France, cela
193 millions de personnes dans le monde                                       un rôle affirmé pour la protection de    libérerait immédiatement jusqu’à
                                                                              la biodiversité. »                       5 % de la surface agricole pour la
se trouvaient dans une situation de crise
                                                                                Remettre en culture quelques           production alimentaire, face à un
alimentaire aiguë ou « pire » en 2021. Soit                                   arpents de leurs plus mauvaises          potentiel incertain de 2 % pour les
40 millions de plus qu’en 2020 (+24 %).                                       terres ne semble pas motiver les         jachères. » n

                                                  10      Campagnes solidaires N° 382 – juin 2022
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