Bains urbains Concours d'idées pour l'aménagement de la rade de Genève - espazium
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143e année / 19 mai 2017 Bulletin technique de la Suisse romande dossier Bains urbains Les cours d’eau sont des espaces publics comme les autres résultats de concours Concours d’idées pour l’aménagement de la rade de Genève Rencontre entre les CFF et la SIA
de B G 1 – le ruban ann oba nd® -BSB s incendies ccords H co ntre le endies, ra n c protectio tre les in ction con açonneri e s de prote or te nts de m éléme êtres et p entre les Pour fen ara tion et is de sép des paro l 120 a u feu jusqu’à E nce e résista 4102 T1 Classe d selon DIN m a ble ent inflam Difficilem honique t the rm ique et p Isola n és ts expos s si p ou r les join ts Au lémen ent aux é directem I ar l’AEA Admis p oire de répert (listé au ies) ro te c ti o n incend p e 10 estrass Gewerb s a ch 0S is CH-445 86 02 1 /9 7 3 Tél. 06 03 /973 86 Fax 061 en onseillé Votre c n d e roma suisse rcier ri s to phe Me C h 6 4 52 77 076/3 Mobile LA QUIN- TESSENCE DU CHEZ SOI. LE NOUVEAU Ce sont ces choses qui semblent couler de source qui font d’une maison un chez-soi. Le SK Citypro S en est un parfait SK CITYPRO S. exemple. Un robinet d’une qualité irréprochable qui inspire confiance. Aussi disponible en modèle équipé d’une douchette extractible. www.similorkugler.ch
10 PRO- TECTION DU Bains urbains Les cours d’eau sont des espaces publics comme les autres. 6 Cultures et idéologies du bain en ville BÉTON et en eaux libres Stéphanie Sonnette 12 Plaisir des bains, une tradition suisse Stéphanie Sonnette 18 Carnet de baignades www.desax.ch Jean-Baptiste Lestra résultats de concours 20 pRADEmatique genevoise Cedric van der Poel et Yony Santos territoire 24 Rawabi, la ville du premier âge d’un Etat palestinien ? Hacène Belmessous 5 éDITORIAL 36 Concours 28 actualités 37 offres d’emploi 30 Livres 38 Agenda 32 l’architecture à l’écran 39 Nouveaux produits 33 pages SIA Trois nageurs dans le canal de la Spree à Berlin lors de la Flussbad Pokal, une compé- tition de natation ouverte à tous, en juillet 2015. (© Annette Hauschild/Ostkreuz) En ligne : espazium.ch Learning from the Front Maison de l’écriture, Montricher VD 40 étudiants européens au finissage de la Biennale de Venise 2016. Un carnet de route filmé en 5 épisodes. http://bit.ly/learningfromfront Paraissent chez le même éditeur : Protection anti-graffiti Protection du béton TEC21 Nr. 20–21 (19.05.2017) Innenräume: same same, but different Cosmétique du béton Anwalt des Hauses | Geschichte weiterschreiben TEC21 Nr. 19 (12.05.2017) Linth-Limmern: Die Drachen Décoration du béton erwachen Veredeltes Elixier | Auf Bohren, Biegen und Brechen Nettoyage du béton durch den Berg ARCHI Nr. 2/2017 (04.2017) Progettare in sezione La sezione sotto lo skyline | Sezioni di strade, sezioni di edifici | La sezione come strumento di progettazione DESAX AG DESAX AG DESAX AG Ernetschwilerstr. 25 Felsenaustr. 17 Ch. Mont-de-Faux 2 8737 Gommiswald 3004 Bern 1023 Crissier T 055 285 30 85 T 031 552 04 55 T 021 635 95 55
Tracés 10/2017 éditorial 5 A l’eau ! e nage à présent au ras d’un vertigineux quai de pierre de taille, une paroi sans faille, haute, ancienne, lisse, humide, où plongent de rares escaliers. De part en part, de gros anneaux de fer, des cercles vieillis de rouille s’accrochent à la cloison. (…) Des murs de façades dressées comme des falaises aux angles durs : le courant me conduit vers des ponts de métal et de pierre, des arches basses en travers de la Seine, où glissent des autobus ». Ce texte de Pierre Patrolin, extrait de La traversée de la France à la nage, pourrait faire office de légende à la photographie de couverture de ce nouveau Tracés. Tout au long de ces 859 pages de dérive aquatique parues en 2012, le narrateur parcourt la France à la nage, comme d’autres le font à pied, de fleuves en rivières, nous donnant à voir le territoire sous un angle inédit, par en-dessous, au ras de l’eau. La baignade en eaux vives alimente les imaginaires et un certain nombre de fantasmes. Dans les villes, des collectifs revendiquent aujourd’hui un « droit à la baignade », celui de se baigner dans les cours d’eau, qui sont après tout des espaces publics comme les autres. Les trois nageurs de la couverture par exemple se baignent dans le Kupfergraben, le canal de la Spree qui délimite l’île aux Musées à Berlin, au pied de l’imposante façade du Bode Museum. Ils participent à la première édition de la Flussbad Berlin Cup, une compétition de natation initiée en juillet 2015. L’association Flussbad Berlin, qui l’organise, entend sensibiliser les Berlinois à l’intérêt d’assainir les eaux de la Spree pour intensifier les usages sur la rivière. Le bain, plaisir simple et festif, gratuit, dont certains citadins se voient privés par des règlements sanitaires, devient un acte militant dont les motivations sont diverses : retour à la « nature », libération des corps bridés par les codes et les pratiques d’un monde trop policé, trop confortable, trop climatisé, réappropriation de l’espace urbain ou simple aspiration à une activité saine, sociale, sportive et rafraîchissante... La Suisse, où la pratique de la baignade en ville est courante et facilitée par la pro- preté des cours d’eau, est regardée avec envie dans toute l’Europe. Tracés vous invite à un tour d’horizon des pratiques et des cultures de la baignade en eaux libres dans quelques villes d’Europe, entre plaisir simple et revendication citoyenne, et revient sur les résultats tous frais du concours d’idées pour l’aména- gement de la rade de Genève, où la baignade figure en bonne place. Stéphanie Sonnette
6 urbanisme Tracés 10/2017 Cultures et idéologies du bain en ville et en eaux libres Se baigner en ville, dans les rivières, les fleuves, les lacs, est à la mode. Alors que dans certains pays comme la Suisse, la culture du bain perdure depuis le 19e siècle, dans d’autres elle s’est tarie sous l’effet de réglementations contraignantes, si bien qu’aujourd’hui, des baigneurs revendiquent un « droit à la baignade » dans les cours d’eaux des grandes villes. Stéphanie Sonnette A Bâle, la 37e édition de la Rheinschwimmen adeptes des bains urbains d’une tonalité écologique, aura lieu en août 2017. Comme tous les à laquelle s’ajoute une couche festive et transgressive. ans, des centaines d’hommes, de femmes et La baignade serait-elle devenue, bien plus qu’un plaisir d’enfants se jetteront à l’eau pour descendre le Rhin épicurien simple et gratuit, un acte politique de résis- sur deux kilomètres, portés par le courant. A Paris, le tance vis-à-vis d’un espace urbain jugé trop normé et 28 août 2016, bravant l’interdiction de la Préfecture normatif, voire un énième avatar de la privatisation et de police, des centaines de Parisiens ont barboté dans de la marchandisation de l’espace public ? le bassin de la Villette. A Copenhague, une nouvelle génération de bains publics construits par la jeune Brève histoire des bains garde de l’architecture contemporaine fleurissent « De tout temps on a reconnu que les bains froids depuis les années 2000 dans le port industriel ont une influence précieuse et incontestable pour reconverti en quartier résidentiel et tertiaire. guérir, et surtout prévenir les maladies nerveuses. Tradition ou renouveau, la baignade en ville et en L’impression de froid sur la peau, les mouvements de eaux libres semble s’accorder aujourd’hui avec les aspi- la natation, la respiration d’un air pur, la gaîté même rations de nombreux urbains européens, entre retour à qui préside toujours à cet exercice, tout contribue la nature et « réappropriation citoyenne » de la ville et de ses « biens communs » que sont les cours d’eau et les lacs. 1 Cité par Isabelle Duhau dans son article « Les baignades en rivière d’Ile- de-France, des premiers aménagements à la piscine parisienne Joséphine Le réchauffement climatique confirmé chaque année Baker », publié dans la revue Livraisons d’Histoire de l’Architecture, n°14 / par des épisodes caniculaires agrémente le discours des 2e semestre 2007. 1 2
Tracés 10/2017 Bains urbains 7 à donner du ton à nos tissus, à faciliter les fonctions, A Copenhague, une politique publique de à rendre la circulation du sang et des humeurs plus la baignade rapide, la digestion plus complète, la respiration plus Comme souvent, Copenhague donne le ton en large. Et cette dispersion puissante de l’activité vitale matière de pratiques sociales, environnementales dans toutes les parties du corps contrebalance pour et citoyennes. Il en va de la baignade en ville comme quelque temps la concentration intellectuelle dans du reste. Dans l’ancien port industriel, aujourd’hui laquelle la civilisation moderne nous fait vivre. » Voici en cours de reconversion en quartier résidentiel et ce que l’on pouvait lire en 1876 dans la 3e édition de La tertiaire, les habitants se baignent depuis 2002 dans natation naturelle à l’homme et l’art de nager, suivi de quatre nouveaux bains, dont l’emblématique Islands considérations sur les traitements hydrothérapiques et sur Brygge, signé Bjarke Ingels Group (BIG), et d’autres l’effet hygiénique des bains froids ou des bains chauds1 . La sont en cours de construction. Les activités portuaires propagande hygiéniste va alors bon train. et industrielles abandonnées dans les années 1980 A Paris, dès le 18e siècle, les bains en rivière sont avaient pourtant laissé des traces peu propices à la considérés comme bénéfiques pour la santé des urbains baignade : pollution aux hydrocarbures et déchets et les établissements de bains, flottants, temporaires industriels, sans compte un système d’égouts déficient ou non, souvent en bois, se multiplient sur la Seine. qui débordait dans le port en cas de fortes pluies. Pour En 1805, on y dénombre 19 bains froids et 4 bains améliorer la qualité de l’eau, dans le cadre des objectifs chauds et 2 écoles de natation. En plus du plaisir de de la politique environnementale municipale, la Ville la baignade, ils offrent divers services et attractions : de Copenhague a investi 135 millions d’euros dans cafés, salons, cabines personnelles, plongeoirs… l’extension de ses stations d’épuration et la moderni- La pratique des bains connaît de nouveaux déve- sation de son système d’assainissement. Elle a notam- loppements au début du 20 e, toujours dans les cours ment construit des bassins de rétention des eaux d’eau, mais cette fois en dehors des centres urbains. pluviales qui limitent les effets de débordement des De grands établissements de bains en béton, vastes eaux usées dans le port. En cas de très forte pluie, un ensembles de loisirs très populaires, voient le jour système d’alerte en ligne permet de fermer immédiate- partout en Europe au bord des fleuves et des rivières ment les installations de bains2 . comme sur le Rhin, la Marne ou le Wannsee à Berlin. L’exemple de Copenhague montre que, au-delà du La pollution des cours d’eau, les préoccupations caractère parfois anecdotique de la baignade en ville, liées à la sécurité des baigneurs et l’apparition des la reconquête des cours d’eaux urbains relève d’une premières piscines artificielles sonnent le glas de politique publique volontariste, qui touche autant la baignade en eaux vives dans un certain nombre à l’environnement qu’au développement urbain et à de pays d’Europe à partir des années 1930. En l’image de la ville et nécessite des investissements France par exemple, un arrêté préfectoral de 1923 publics importants. Ici, la baignade est considérée interdit de se baigner dans la Seine. S’il n’a été comme un facteur d’attractivité du nouveau quar- appliqué que dans les années 1950, il est toujours tier et les bains comme des équipements publics de en vigueur aujourd’hui. Dans d’autres pays, comme premier plan, dont l’accès est gratuit. en Allemagne, dans les pays du Nord ou en Suisse, la qualité des eaux et le cadre légal de la responsa- A Londres et à Berlin, des projets participatifs bilité expliquent peut-être que la tradition des bains et citoyens ne se soit jamais perdue. La construction récente de A Londres, la baignade est interdite dans la Tamise nouvelles infrastructures, la rénovation ou la recons- entre Putney Bridge et la barrière de la Tamise depuis truction des plus anciennes témoignent d’un goût 2012, du fait du trafic fluvial et des marées. Cette toujours actuel pour la baignade en milieu naturel, interdiction n’a pas suffit à décourager les architectes qui s’étend aujourd’hui toute l’année, grâce aux du Studio Octopi, à l’initiative d’un projet de « lido » saunas, hammams, massages… qui viennent souvent flottant, les Thames Baths. Cette piscine de 25 mètres compléter l’offre. alimentée par l’eau de la Tamise légèrement chauffée 1 Les bains sur le Wannsee à Berlin construits dans les années 1920-1930 sur les plans de l’architecte Richard Ermisch et classés monument historique. (Photo Jean- Baptiste Lestra) 2 Les bains Rheinstrandbad Rappenwört à Karlsruhe, construits dans les années 1920 au bord du Rhin (à gauche). On se baignait à l’origine dans un bassin naturel (à droite), avant la construction des piscines à partir des années 60. (Photo Jean-Baptiste Lestra) 3 Les bains Islands Brygge, publics, gratuits et surveillés, 3 dans le port de Copenhague. (Photo BIG)
8 urbanisme Tracés 10/2017 et filtrée naturellement pourrait voir le jour grâce à une campagne de crowdfunding sur Kickstarter (qui a pour l’instant rapporté 142 000 livres). L’un des fondateurs du Studio explique que c’est à la suite d’un voyage en famille à Zurich en 2013 qu’il a eu l’idée des Thames Baths. Pour vanter les mérites de leur proposi- tion, les initiateurs du projet ont écrit un « manifeste » qui débute ainsi : « C’est notre droit le plus élémen- taire que d’avoir accès à la Tamise (...). Le plus vaste espace public de Londres a été entouré de routes et 4 d’immeubles qui ont restreint l’accès au fleuve. Nous imaginons le futur grand espace public londonien qui permettra de nager en toute sécurité en plein centre- ville et offrira à tous un espace accueillant où passer du temps. » A Berlin, on se souvient du succès immédiat du complexe de bains Badeschiff Berlin, ouvert en 2004 sur la Spree. Alors que la rivière était interdite à la baignade pour des raisons d’hygiène, il devenait possible de se baigner, non pas dans, mais au milieu de la Spree, dans une péniche des années 1960 trans- formée en bassin de nage de 32 mètres, accessible par des pontons. Une plage, un sauna, un bar, des 5 concerts, ont rapidement consacré l’endroit comme un haut lieu de la jeunesse berlinoise branchée. Ce projet situé dans un secteur industrialo-portuaire reconverti en espace culturel, l’Arena complex, a bénéficié de fonds publics. Il fait suite à un concours lancé en 2002 par le Stadtkunstprojekte e.V., une association publique de production culturelle, et remporté par l’artiste Susanne Lorenz en collabo- ration avec AMP Arquitectos et Gil Wilk. Il est aujourd’hui géré par la société Arena Berlin qui gère l’ensemble de l’Arena complex. 6 Aujourd’hui, un autre projet, d’initiative privée cette fois, comme les Thames Baths, pourrait voir le jour : Flussbad Berlin. Porté depuis 1998 par deux architectes, Jan et Tim Edler (realities:united studio), il propose de nettoyer le canal de la Spree entre Schlossplatz et l’île des Musées grâce à un système de filtration par les plantes pour le rendre propice à la baignade. Le projet, qui s’étend sur 1,8 km, comporte trois sections : une aire écologique pour la flore et la faune, une zone de filtrage et une zone de baignade naturelle de 840 mètres. Là encore, le discours va bien au-delà de la promotion des bienfaits de la baignade (« The Flussbad is about 7 much more than just swimming in the Spree », nous dit le site internet flussbad-berlin.de). Le projet s’inscrit pour ses auteurs dans un « mouvement international qui tend à revaloriser les fleuves et les rivières urbains 4 Le projet des Thames Baths à Londres, d’initiative privée, pourrait en tant que ressources ». Ecologique, citoyen, partici- permettre de se baigner dans l’eau chauffée et filtrée de la Tamise, en plein centre-ville. (Studio Octopi + Picture Plane) patif, il contribuerait au développement durable et à 5 La piscine Badeschiff Berlin sur la Spree, ouverte en 2004, haut lieu l’attractivité du centre-ville de Berlin, délaissé par les de la jeunesse branchée avec sa plage, son sauna, ses bars et ses habitants. Ce canal « inutilisé pendant plus de 100 ans concerts. (Photo Jean-Baptiste Lestra) 6-8 Le projet Flussbad Berlin d’assainissement écologique du canal de sera reconquis par les résidents de Berlin et deviendra la Spree : un espace de loisirs public et non commercial pour 6) Le projet global d’assainissement du canal les habitants et les visiteurs ». L’association à but non 7) La zone de filtrage sur Friedrichsgracht 8) La baignade à hauteur du Lustgarten (© 2015 realties:united, Berlin, avec l’aimable autorisation de Flussbad 2 Source : Denmark.dk, the official website of Denmark. Berlin e.V.)
Tracés 10/2017 Bains urbains 9 8 lucratif fondée en novembre 2012 pour gérer le projet qui a dressé en novembre 2016 un premier inventaire a récolté des fonds importants depuis 2014, notamment de 49 sites possibles de baignade dans la Métropole du 4 millions d’euros accordés par le gouvernement fédéral Grand Paris. La question n’étant finalement pas tant de allemand et l’Etat de Berlin pour le développement et savoir où se baigner que dans quelle eau, un plan d’actions la promotion du projet dans le cadre de son programme a été engagé sous l’égide de l’Etat et de la Ville de Paris « Projets de développement urbain national ». La filtra- afin d’atteindre une qualité des eaux de la Marne et de la tion écologique des cours d’eau a un coût… Seine compatible avec la baignade. Moins soucieux de ces préoccupations hygiénistes, A Paris, de la baignade sauvage au projet métro des mouvements de baignades « sauvages » ou « pirates », politain ? comme le Laboratoire des baignades urbaines expéri- Jacques Chirac, briguant un troisième mandat de mentales, qui s’est fait remarquer pour avoir organisé maire de Paris, l’avait promis en novembre 1988 : en août 2016 une baignade non autorisée dans le bassin « Dans cinq ans, on pourra à nouveau se baigner dans de la Villette, revendiquent une approche plus festive la Seine. Et je serai le premier à le faire. » Promesse et militent pour une réappropriation des cours d’eau non tenue qui pourrait trouver aujourd’hui un écho en ville. Pierre Mallet, cofondateur du collectif LBUE, favorable à la faveur de la candidature de Paris aux explique : « A l’échelle internationale, on assiste à une Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Anne double dynamique : la réinvention du rapport à l’eau en Hidalgo, l’actuelle maire de la capitale, a en effet ville et l’émergence de collectifs citoyens qui se mobi- confirmé son souhait d’organiser le triathlon et les 10 lisent pour offrir un meilleur accès aux cours d’eau km de nage en eau libre dans la Seine. Dans cette pers- urbains et militent pour un droit à la baignade en ville. pective, elle a confié une mission d’études à l’APUR 3 , Ils partagent un état d’esprit festif et la conviction selon e i s t ifs ie i qu bo uc t d n du i s tr en ir en ho bo on s n e l’a nc p on c n tio em nc vi e i n t i té du es io ric a ai ll na de ité tio va ili és pt de r e c e r b iv è m e a b r is te l ité le cu ot és ur a ér st nc éf ég ai n ua c Sé Pr Pr D D Sy Co Pr Pr M Q Cy Lignum, votre référence pour le bois 021 652 62 22 | www.lignum.ch Lignum | Economie suisse du bois | En Budron H6 | 1052 Le Mont-sur-Lausanne RZ_1845_LIG_Inserat_200x63mm_tec21_d+f.indd 1 10.01.17 13:46
10 urbanisme Tracés 10/2017 9 9 Baignade non autorisée dans le bassin de la Villette à Paris le 28 août 2016, à l’initiative du collectif Labora- toire des Baignades Urbaines Expérimentales. (Photo Nicolas Rochette) laquelle l’eau urbaine est un bien commun dont on se doit de développer ses concepts de bains, au même devrait pouvoir jouir collectivement de façon plus titre que ses bars à la mode, ses restaurants bio et ses systématique. La baignade, c’est aussi une porte d’en- concept stores. L’exploitation des cours d’eau comme trée pour défendre une certaine vision de l’espace « ressource » ne risque-t-elle pas d’attiser encore le urbain, moins normé et moins normatif qu’il ne l’est mouvement général de privatisation de l’espace public actuellement. »4 auquel on assiste depuis plusieurs années dans diffé- rents pays d’Europe ? En France par exemple, sous Réappropriation citoyenne ? prétexte de renflouer des finances publiques en berne, On le voit, le « droit à la baignade » en ville revêt les collectivités n’hésitent pas à rentabiliser leurs diverses formes et se pare de discours plus ou moins espaces publics, qu’elles louent pour divers événe- marqués idéologiquement selon les villes et les pays, en ments ou qu’elles font exploiter et entretenir par des fonction de leur culture, de leur rapport au risque, de sociétés privées. Il suffit de jeter un œil à certaines la qualité de leurs eaux. Du simple bain rafraîchissant plages de la Méditerranée où les portions de sable réel- après une journée de travail à l’acte collectif militant, lement publiques et gratuites sont réduites à quelques de la plage en famille au kilomètre de nage quotidien, mètres carrés entre deux plages privées. de la baignade gratuite au complexe nautique payant, privé ou public… Derrière ces multiples déclinaisons de la baignade urbaine, on voit poindre l’idée que les cours d’eau en ville sont une ressource inexploitée, des espaces vides dans des centres anciens trop étri- qués et finalement, au-delà des bonnes intentions, des territoires à conquérir, dont le potentiel, d’usages dans le meilleur des cas, mais aussi marchand, est sous exploité. Une forme de réappropriation, très 3 L’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), association régie par la loi 1901, a été créé le 3 juillet 1967 par le Conseil de Paris. Il a pour missions de documenter, peu citoyenne. Il faut dire que le fantastique poten- analyser et développer des stratégies prospectives concernant les évolutions tiel communicant que recèlent les bains en ville peut urbaines et sociétales. avoir de quoi attirer des investisseurs de tous bords. 4 Pierre Mallet interrogé par Margot Baldassi, pop-up urbain, cabinet de conseil en prospective urbaine le 21 septembre 2016 www.pop-up-urbain. A l’image de Copenhague, toute ville européenne qui com/histoire-deaux-entretien-avec-le-laboratoire-des-baignades-urbaines- se revendique jeune, attractive, festive et dynamique, experimentales
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12 urbanisme Tracés 10/2017 Plaisir des bains, une tradition suisse Panorama de quelques infrastructures de bains sur les lacs et les cours d’eaux. Rénovées, reconverties, reconstruites, elles entretiennent et renouvellent une culture du bain en eaux libres toujours vive en Suisse. Stéphanie Sonnette D epuis les maisons de bains en bois du L’introduction dans les bains de ces nouvelles 19e siècle jusqu’aux constructions en béton pratiques, qui appelle des reconfigurations de l’exis- du 20e et aux reconversions et rénovations tant et/ou de nouveaux espaces, comme la nécessité contemporaines, les bains suisses ont toujours pris de rénover ces installations qui se sont dégradées place dans le paysage des villes et leur succès populaire au fil du temps, ouvrent des champs de réflexion ne s’est jamais démenti. Cette culture des bains, passionnants pour les architectes. Les structures de qui s’est aussi transformée et enrichie de nouvelles bains, qu’elles soient très anciennes ou plus récentes, pratiques au fil du temps, est plus que jamais vivante en bois ou en béton, ont en commun leur architecture et inspire aujourd’hui de nombreux militants de la rustique, fonctionnelle et souvent peu démonstrative baignade en ville en Europe, là où elle est parfois qui va de pair avec la simplicité de la baignade en encore interdite, tant pour des raisons de sécurité que eaux vives. Dans les exemples de rénovations, recon- d’hygiène. En Suisse, cette dernière question ne se versions ou reconstructions présentés ici, les archi- pose pas : une étude de la Commission européenne et tectes et les ingénieurs se sont attachés à retrouver de l’Agence européenne pour l’environnement publiée l’esprit originel de ces bains – sobriété esthétique, en 2016 montre que la qualité de l’eau est généralement économie de moyens, flexibilité des installations –, « excellente » dans les lacs et les rivières de Suisse, « en souvent mis à mal par les rénovations successives. particulier dans les lacs de Zurich, Hallwil (AG) et Une attitude attentive au caractère patrimonial Aegeri (ZG) ». de ces structures et soucieuse de mettre en valeur, Si les infrastructures de bains sur les lacs et les au-delà de l’esthétique ou du confort, tout ce qui cours d’eau n’ont longtemps été ouvertes que pendant fait le charme des bains : la magie de la baignade en la saison d’été, pour la baignade et les bains de soleil, pleine ville, au cœur et en dehors du rythme effréné elles voient de plus en plus leur fonctionnement de la vie urbaine. s’étendre à l’année grâce au développement d’autres activités : sauna, hammam, massages, cafés, événe- ments festifs... La baignade en eaux vives, familiale et populaire en été, se transforme en hiver en une pratique plus sophistiquée, hybride entre des tradi- tions nordiques (sauna) et orientales (hammam, bains turcs...), et mâtinée de naturisme. Un certain « savoir » des bains, une culture des usages et des gestes, le Pour aller plus loin dans l’exploration de la baignade silence plus ou moins imposé, attirent un public diffé- en eaux libres à travers le temps : rent, dans lequel on compte une bonne proportion Exposition « Plouf, une histoire de la baignade dans le Léman », Musée du d’urbains actifs en quête d’espaces de sociabilité et de Léman à Nyon, à voir jusqu’en septembre 2018, www.museeduleman.ch Catalogue co-édité avec Glénat Suisse, 2017, 128 p. / CHF 23.– détente après le travail.
Tracés 10/2017 Bains urbains 13 Les Bains des Pâquis à Genève, rénovation 1989-1996, extension sur la jetée 2002-2005 Maîtres d’ouvrage : AUBP (Association d’usagers des Bains des Pâquis) et Ville de Genève Maîtres d’œuvre : Collectif d’architectes (Marcellin Barthassat, Claude Butty, Gabriele Curonici, Jacques Menoud), avec Jean-Pierre Cêtre ingénieur et, pour l’extension, Carmen Perrin, artiste et Mantegani & Wysseier, ingénieurs Les Bains tels qu’on les connaît depuis le milieu des années 1990 sont le Des travaux techniques de rénovation lourde de la structure sont effectués fruit d’une aventure de longue haleine qui a débuté dans les années 1960. en saison hivernale pour tirer profit des basses eaux : traitement des pilotis et L’histoire commence en 1872, lorsque sont construits les premiers bains des sommiers, changement de toutes les canalisations, dragage des bassins, privés : un carré de 22 mètres de côté, fermé par des planches en bois, nouvelle dalle de liaison entre la jetée et les bâtiments... Les travaux sont partiellement ouvert sur la ville. Devenus plus tard publics, les bains sont aussi liés aux nouveaux usages des bains (ouverture toute l’année, sauna, reconstruits en 1890, puis de nouveau en 1932, cette fois en béton armé. 448 hammam, bains turcs, buvette, mixité...). pieux en béton préfabriqués, longs de 9 à 13 mètres, sont plantés au fond du Sensibles à l’« architecture raisonnée » des Pâquis, « encore intelligible malgré lac. Deux bassins de taille égale accueillent d’un côté les hommes, de l’autre les nombreuses transformations subies depuis 1932 », les architectes et les femmes. Le succès est tel que les bains sont agrandis dès 1934. l’ingénieur ont souhaité « retrouver l’esprit de clarté et de rationalité originel, Dans les années 1960, la Ville veut construire une piscine chauffée à la place considérer le souci d’économie des auteurs du projet, la simplicité et la de la structure en béton d’origine, rongée par la carbonatation1. En réaction, relative pauvreté de l’établissement comme un exemple à suivre du bon les habitués et amoureux des Bains, qui se mobilisent contre la démolition usage des ressources humaines et matérielles ».2 et militent pour la restauration, créent l’Association d’usagers des Bains des Pâquis (AUBP). A l’issue d’un référendum municipal en 1987, puis d’une votation qui leur donnent raison, la Ville leur confie la restauration et la gestion des bains. Le Conseil administratif de la Ville s’est alors mis d’accord 1 La carbonatation est un phénomène de vieillissement naturel des matériaux à base de liant avec l’AUBP pour mandater le Collectif d’architectes (Marcellin Barthassat, minéral qui conduit à la formation de carbonates de calcium par réaction entre les composés Claude Butty, Gabriele Curonici, Jacques Menoud) et l’ingénieur Jean-Pierre des ciments et le dioxyde de carbone atmosphérique (CO2). Elle entraîne la mise à nu des armatures en acier et des problèmes de résistance des structures. Cêtre sur le projet de sauvegarde. En contrepartie, l’exécutif de la Ville à 2 Rénovation des bains des Pâquis : le témoignage des architectes, Philippe Beuchat, proposé à l’AUBP de devenir gestionnaire des lieux. Heimatschutz 4/95 1 Le plan du projet définitif de restauration-transformation (1993) (Collectif d’architectes bbcm) 2 Les Bains rénovés (1997) (Photo M. Barthassat / Collectif d’architectes) 3 L’extension en bois en aval de la jetée (2002) et en dalles calcaires côté amont (2005) (Photo M.Barthassat / Collectif 1 d’architectes) 2 3
14 urbanisme Tracés 10/2017 Seebad Enge à Zurich, reconversion en sauna 2004 Maître d’ouvrage : Tonttu GmbH Zürich Maîtres d’œuvre : Marius Hug architectes Situé sur le lac de Zurich, à hauteur de l’arboretum, le Seebad Enge constitue 19e siècle. A gauche sur le plan, les bains des hommes, à droite, les bains des un autre exemple d’adaptation des structures de bains à de nouveaux femmes, chaque bâtiment donnant accès à un bassin entouré d’un large deck usages. Ici, on accède par un ponton à deux bâtiments construits en 1960 par en bois. En 2004, le bâtiment de droite a été reconverti en sauna pour la saison Robert Landolt, réinterprétation « moderne » des maisons de bains en bois du d’hiver, permettant ainsi aux bains de fonctionner toute l’année. Photos Roman Keller, Zurich Bain des hommes 1 Caisse/café 5 Grand sauna 2 Espace repos 6 Sauna femmes 3 Douches froides 7 Espace détente Bain des femmes 4 Petit sauna chaud 8 Pédiluve
Tracés 10/2017 Bains urbains 15 Oberer Letten Zurich, rénovation 2012 Maître d’ouvrage : Ville de Zurich Maîtres d’œuvre : Gut&Schoep architectes Sur la Limmat, les bains de l’Oberer Letten, construits en 1953 par les architectes Elsa et Ernst Burkhardt-Blum et classés au patrimoine, ont fait l’objet en 2012 d’une rénovation respectueuse de l’esprit du lieu. Remis aux normes et adaptés à de nouveaux usages, ils ont conservé leur rationalité initiale, notamment grâce à la mise en valeur de la sobriété des matériaux d’origine : acier, pierre calcaire, bois et béton. La réorganisation des programmes au sein des différents bâtiments a permis d’exploiter de nouvelles configurations spatiales qui ajoutent encore au charme de ces bains très populaires à Zurich. L’ancien bâtiment des vestiaires hommes a été aménagé en vestiaire mixte, libérant ainsi la partie réservée aux femmes, transformée en café ouvert sur la Limmat. La terrasse réservée traditionnellement aux femmes pendant la journée est désormais ouverte à tous le soir, après la fermeture des bains, comme une extension du café. Photos Walter Mair, Bâle Moins de tracas pour les indépendants. L’assurance des chefs d’entreprise de la Suva offre une pro- tection financière unique en son genre aux personnes exerçant une activité lucrative indépendante en cas de maladies pro- fessionnelles et d’accidents du travail ou durant les loisirs. Les membres de la famille travaillant dans l’entreprise sans perce- voir de salaire soumis à l’AVS peuvent également en bénéficier. Infos complémentaires: le site www.suva.ch/afc. : u n e offre z a n de 20 Dem 48 820 8 0 8
16 urbanisme Tracés 10/2017 Seebad à Lucerne, reconstruction 2009-2010 Maître d’ouvrage : Seebad AG Luzern Maîtres d’œuvre : Bosshard + Luchsinger architectes Construits en 1885, sur les plans de l’architecte Heinrich Victor von Segesser, bassin entouré de cabines individuelles. Rénovés dans les années 1960, puis les bains en bois sur pilotis de Lucerne étaient typiques des maisons de à nouveau en 1984-1985, ils ont finalement été démantelés dans les années bains publics du 19e siècle, offrant à la vue des passants leurs façades en bois 2000 pour être reconstruits à l’identique, à partir de certains éléments du opaques pour préserver l’intimité des baigneurs et révélant à l’intérieur un bâtiment d’origine recyclés et de nouveaux éléments en bois préfabriqués. Photos Jean-Pierre Grüter, Lucerne
18 urbanisme Tracés 10/2017 Carnet de baignades Du Rhin à la Méditerranée, baignades d’un rêveur solitaire (et peu frileux). Jean-Baptiste Lestra Vendredi 25 octobre 2013 Vendredi 22 novembre 2013 Lieu : Plittersdorf (DE) Lieu : Zurich (CH) Température de l’eau : 12 °C Température de l’eau : 28 °C Le Rhin ne rigole pas près de Karlsruhe, large Hallenbad City réconcilie avec les piscines et noble. municipales. Sa surface rapide annonce des courants puissants. Bâtiment années 1930, grandes verrières, réhabili- Les blocs du perré sont coupants, parsemés tation impeccable. de ronces. Pour nageurs réguliers. La journée ne fait que com- Une fois dans l’eau, le fond se dérobe rapidement mencer, il est 7 h. et je nage près du bord, attentif à éviter le cadavre Un architecte qui fait entrer le soleil du matin flottant d’un animal non identifié. jusque dans les douches a toute ma sympathie. Vendredi 1er novembre 2013 Vendredi 29 novembre 2013 Lieu : Fribourg-en-Brisgau (DE) Lieu : Lausanne (CH) Température de l’eau : 13 °C Température de l’eau : 8 °C Dans le quartier Vauban, la rivière coule derrière A Bellerive-Plage, les épis rocheux scandent la pro- l’école. Des gamins du Kinderabenteuerhof en menade du lac, pseudo-récifs et petites criques qui arpentent le lit en bottes avec leurs animateurs. lui donnent des airs marins. L’aventure en bas de chez soi. Je m’y coule à leur suite. L’horizon se fond dans le ciel, blanc baveux nimbé de bleu. Dimanche 3 novembre 2013 La piscine est hivernée, les colverts sont de sortie, Lieu : Bâle (CH) quelques promeneurs saluent ma baignade. Température de l’eau : 11 °C Impossible de sécher ni de se réchauffer au soleil Les fontaines du vieux Bâle s’offrent à moi la nuit. de novembre. Fond clair, eau limpide. Le tour du bassin est d’un calcaire dur et poli, facile Dimanche 1er décembre 2013 à enjamber. Lieu : Genève (CH) Malgré la fraîcheur, j’y suis comme dans mon bain. Température de l’eau : 3° C Ô Pâquis ! Havre des nageurs de toutes saisons ! Mercredi 13 novembre 2013 Des stalactites pendent de la main courante de la Lieu : Bâle (CH) passerelle. Température de l’eau : 9 °C Seule une bonne sudation permet d’endurer l’eau Etrange structure métallique accrochée au quai à 3° C. Brasse à contre-courant, nuque paralysée, haut et plantée dans le Rhin, à mi-chemin entre un contact tétanisant avec la lisse galvanisée qui échafaudage et un bateau-lavoir. m’arrache à l’eau. Sous la plate-forme, un escalier me guide jusqu’à la berge sale et l’eau épaisse du fleuve. Lundi 23 décembre 2013 Seul dans la nuit, je patauge en me tenant à l’écart Lieu : Bellegarde-sur-Valserine (FR) du courant. Fantasme d’une baignade dans la Valserine, gorges Il suffit d’une seconde, mais l’immersion doit être aperçues depuis le train. totale, à un moment. Escale balnéaire à programmer bientôt...
Tracés 10/2017 Bains urbains 19 Jeudi 2 janvier 2014 Lieu : Miribel-Jonage (FR) Température de l’eau : 11 °C Le lac de Miribel, dernière divagation du Rhône avant son entrée dans Lyon. La plage, ravagée l’été par l’affluence métropolitaine, s’offre à moi tout seul en ce mois de janvier. Petit tas de vêtements posé sur les chaussures, et hop ! Se griser à nager quelques brasses vers le large, le plan d’eau à 180° au niveau des yeux. Mardi 14 janvier 2014 Lieu : Lyon (FR) Température de l’eau : 12 °C En pleine ville, une plage dans la lône, au bout des hautes herbes. Niche heureuse dérobée au regard des promeneurs mais offerte à celui des passants du pont, et des habitants de la colline d’en face. Jeudi 16 janvier 2014 Lieu : Vernaison (FR) Température de l’eau : 11 °C Ces longues prairies alluviales que j’ai souvent pra- tiquées n’offrent jamais le même faciès, le niveau d’eau variable en transforme les usages. En me laissant dériver le long de la berge inondée, je sens sous mes pieds les grèves où l’autre fois je lisais. Projet de descendre le Rhône porté par le flot, sur quelques kilomètres. Samedi 18 janvier 2014 Samedi 1er février 2014 Mardi 18 février 2014 Lieu : Fontaines-sur-Saône (FR) Lieu : Marseille (FR) Lieu : Port de Bouc (FR) Température de l’eau : 13 °C Température de l’eau : 13 °C Température de l’eau : 14° C Les rives érodées de la Saône présentent des C’est peut-être un spot aux beaux jours, mais Celui qui ne craint pas de se baigner dans les recoins aussi singuliers que familiers. aujourd’hui il n’y a personne sur les chicots cal- parages de l’industrie a ici l’embarras du choix, les Elles découpent des loges sur mesure, l’île- caires de la Fausse Monnaie. plages sont nombreuses : le Bottaï, la Baumasse, le ponton et son saule font office de plongeoir, Sous la route de la Corniche, les escaliers se Cap d’Aiguade. les pelouses grasses mitoyennes accueillent le dérobent pour me faire passer sous le viaduc et J’irai au sud, au revers de Lavera, calanque de baigneur repu. trouver la mer. Ponteau. Site parfaitement grec au pied de la cen- Le bord recrache du menu déchet, mais à vingt trale thermique. Dimanche 19 janvier 2014 mètres, c’est déjà la grande bleue, durcie et rendue Lieu : Cruas (FR) rêche par le vent. Vendredi 28 février 2014 Température de l’eau : 13 °C J’ai beau étudier la mise à l’eau, j’en ressors en Lieu : Port Saint Louis du Rhône (FR) Au pied de la centrale nucléaire passe la Crema, sang, méchante houle qui me rabat sur le bord. Température de l’eau : 14° C vieille lône du Rhône enfermée dans les digues, qui De l’autre côté du golfe de Fos se termine le Rhône sert aujourd’hui d’exutoire au réseau pluvial et aux Mardi 4 février 2014 et mon voyage. torrents qui dévalent de la Montagne ardéchoise. Lieu : Ensuès la Redonne (FR) La plage Napoléon et ses kilomètres de sable fraî- Ca ne se refuse pas, je m’y jette ! Température de l’eau : 13 °C chement déposé, protection naturelle stratégique Le travelling du train de la Côte Bleue fournit pour l’accès aux darses XXL du Port. Jeudi 30 janvier 2014 des rêves de baignade pour longtemps, criques C’est là que la baignade sera la plus longue, Lieu : Cavaillon (FR) entr’aperçues qui s’impriment dans les yeux à la l’une des dernières de la saison avant l’arrivée La Durance traversée depuis le TGV : tant de lieux faveur d’un tunnel. du printemps. où le bain serait propice... L’arrêt est improbable, la crique ne semble reliée au Irruption à 300 km/h dans des replis inaccessibles monde que par le train. Ici, le bain est au bout du Jean-Baptiste Lestra est paysagiste DPLG. du territoire, larges rives inviolées. chemin qui grimpe au-dessus du village et longe la falaise : calanque des Anthénors.
20 résultats de concours Tracés 10/2017 pRADEmatique genevoise Lancé en novembre 2016, le concours d’idées pour l’aménagement de la rade de Genève a rendu son verdict : un palmarès stratégique et un projet lauréat pragmatique. Yony Santos et Cedric van der Poel I nitiative du maire de Genève par des architectes, des architectes-paysa- forme d’évidence. Il propose une pro- Guillaume Barrazzone (lire l’entretien gistes et des étudiants en master. menade « à fleur de l’eau » organisée en sur www.espazium.ch), ce concours A ce jeu, le jury a choisi de récompenser séquences distinctes. Sur la rive droite, d’idées proposait aux participants d’ima un nombre restreint de projets (quatre), qui les empierrements du quai Wilson, entre giner de nouveaux principes d’aména- proposent des stratégies différentes et des La Perle du Lac et les Bains des Pâquis, gements pour la rade de Genève sur un aires d’intervention distinctes. laissent la place à des emmarchements périmètre s’étendant du pont du Mont-Blanc et des plages de galets. Le quai du Mont- jusqu’à la future plage publique des Eaux- Le projet évidence Blanc est revalorisé par une « plateforme Vives sur la rive gauche, et au parc de La Si les deux premiers prix s’appuient sur lacustre de détente », à l’image du Seebad Perle du Lac sur la rive droite. Les objectifs la même charpente patrimoniale : le mur Enge à Zurich, et par un nouveau débar- étaient de faire émerger des visions du quai qui file tout le long de la rade, le cadère pour les bateaux de la Compagnie alternatives, novatrices et différenciées, de premier s’attache à réinventer l’espace et la générale de navigation (CGN). La pro- susciter le débat et de stimuler la réflexion, friche urbaine, située entre ce mur et le lac, menade se prolonge sur la rive gauche, et enfin d’élaborer une image directrice sur alors que le second développe des straté- accessible par la future passerelle pié- la base de laquelle serait lancée une grande gies de relation et de cohésion entre la ville tonne également remportée par Pierre- consultation publique. et le lac. Alain Dupraz Architecte en 2012. Le Le jury international a eu la lourde Œuvre du bureau genevois Pierre- quai de la rive gauche se déploie en une tâche d’évaluer et de choisir les projets Alain Dupraz Architecte, Au ras de l’eau grande esplanade bordée en partie par un lauréats parmi 70 propositions conçues s’impose par sa simplicité et une certaine épais mur habité qui abrite les différents
Tracés 10/2017 concours d’idées pour l’aménagement de la rade de Genève 21 1 AU RAS DE L’EAU (n° 665) Pierre-Alain Dupraz Architecte, Genève 2 convergence (n° 626) Maxime Lecuyer et Ljirim Seljimi, Petit-Lancy
22 résultats de concours Tracés 10/2017 programmes (guinguettes, toilettes, han- situé au centre de la rade et reposant sur Palmarès gars, locations de pédalos, etc.). un système complexe d’écluses fait dispa- 1er rang/1er prix (100 000.–) « AU RAS DE L’EAU » Pierre-Alain Dupraz Architecte, Genève Le projet met en valeur les qualités de raître les bateaux. Comme le souligne le 2e rang/2e prix (90 000.–) « CONVERGENCE » l’architecture de Pierre-Alain Dupraz : une rapport du jury, la dimension utopique de Maxime Lecuyer et Ljirim Seljimi, Petit-Lancy sobriété précise, une « architecture topo- ce projet « rappelle les critiques émises par 3e rang/3e prix (50 000.–) « JEAN-JACQUES » TRIBU Architecture SA, Lausanne graphique » (lire l’article « Une topogra- Superstudio dans les années 1970 ». Elle 4e rang/4e prix (10 000.–) « LA RADE PUBLIQUE» phie ludique », Tracés n° 18/2016) que confère à la rade, par un nettoyage en règle Dürig AG, Zurich soulignent le travail sur les seuils très fine- des quais et du lac, soutenu par une série Membres du jury (professionnels) ment pensés entre la rue et le quai et entre d’espaces publics plantés, une identité dia- Patrick Devanthéry, architecte, Genève (président) le quai et l’eau. Le réalisme de ce projet métralement opposée à celle – chaotique Isabelle Charollais, Ville de Genève permet aux autorités d’imaginer une suite – d’aujourd’hui, basée sur un mélange de Christelle Pally, Ville de Genève Francesco Della Casa, Canton de Genève concrète et rapide à ce concours d’idées. loisirs et d’activités artisanales. Alexandre Wisard, Canton de Genève François de Marignac, architecte, Genève Le projet cohésion Une vision pragmatique pour l’avenir François Chaslin, critique d’architecture, Paris Suzannah Drake, architecte, New-York Développé par Maxime Lecuyer et de la rade Jan Ammundsen, architecte, Copenhague Ljirim Seljimi, deux étudiants de la Haute En couronnant un projet et non des David Zahle, architecte, Copenhague école du paysage, d’ingénierie et d’archi- idées – comme le soulignait l’intitulé Elmar Lederberger, historien et économiste, ancien maire de la Ville de Zurich tecture de Genève (hepia), Convergences du concours – le jury s’inscrit dans un Pia Durisch architecte, Lugano se déploie au-delà des limites de la rade, pragmatisme qui caractérise ces der- Marie-Claude Bétrix, architecte, Zurich entre le mur historique et la ville. Dans nières années la production architectu- Jean-Pierre Stefani, architecte, Genève Thomas Lebedinsky, Ville de Genève (suppléant) une représentation graphique de l’espace rale et urbaine à Genève. En choisissant Bénédicte Montant, architecte, Genève (suppléante) public, les auteurs du projet se sont appli- de récompenser des projets intensément Pierre Bonnet, architecte, Genève (suppléant) qués à repenser tout particulièrement complémentaires et non concurrentiels, le lien entre la ville et l’eau. Ce travail de notamment pour les deux premiers prix, EXPOSITIONS Les projets lauréats sont exposés jusqu’au 28 juin 2017 confluences se base sur un concept de mail- le jury a préféré la faisabilité et le consen- sur les quais Gustave Ador, Général-Guisan et Wilson. lage d’une grande force conceptuelle. Par sus au débat. Isabelle Charollais, directrice L’ensemble des projets est également à découvrir leur situation unique vis-à-vis de la rade, du Département des constructions et de au Forum Faubourg, jusqu’au 19 mai 2017 (du lundi au samedi, de 11:00–18:00). neuf rues sont réorganisées selon une l’aménagement de la Ville de Genève l’a série d’interventions, dont la suppression souligné lors de la conférence de presse : APPLICATION MOBILE « LA RADE » de la circulation motorisée et du station- « le concours d’idées a l’avantage de pou- Disponible gratuitement sur l’App Store (iOS) et Google play (Android), l’application « La rade » vous invite à faire une visite nement, et un travail d’unification par le voir construire sur la base de plusieurs 360° de la rade et des projets lauréats. Cette application a été revêtement du sol et les matériaux. Ces projets ». Au ras de l’eau et Convergences, réalisée en partenariat avec le studio genevois Apelab. rues menant à la rade deviennent ainsi dont on imagine aisément qu’ils puissent Espazium.ch des « lieux d’animation, de représentation, être réalisés conjointement, proposent Les autres projets retenus au troisième tour sont visibles d’échanges et de dialogues ». des aménagements rassurants et réalistes. sur www.espazium.ch Ce choix confirme une politique de la ville Le projet symbole qui, si elle peut parfois sembler austère, se Le troisième prix, Jean-Jacques, du veut surtout pragmatique, continuiste et bureau lausannois Tribu Architecture, d’une grande exigence formelle, et dont propose comme élément phare de son l’architecture de Pierre-Alain Dupraz, intervention une nouvelle attraction sur lauréat des deux projets les plus embléma- le lac, un nouveau symbole pour la rade. tiques de Genève – le quartier de l’Etoile Un immense anneau relié directement à la du grand projet urbain Praille Accacias future passerelle du Mont-Blanc vient com- Vernets et le réaménagement de la rade – pléter le chapelet des îles situées en aval du semble être la digne représentation. pont et donne une interprétation contem- poraine et désenclavée de l’Ile Rousseau. Au-delà du « geste spectaculaire mais respectueux », pour reprendre les termes du président du jury Patrick Devanthéry, Jean-Jacques imagine une nouvelle appropriation de la rade et une relation à l’eau inédite. Le projet manifeste Appliquant à la lettre l’une des données du programme – l’encombrement du site par les bateaux – le bureau zurichois Dürig répond par un projet radical, aux limites du sarcasme et de l’ironie. Un immense port
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