ENQUÊTE MONDE CANOSSIEN - Afrique et Amérique, des ponts à construire Expériences de cheminement et de service
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ENQUÊTE MONDE CANOSSIEN Afrique et Amérique, des ponts à construire REPORTAGE Expériences de cheminement et de service SOCIAL PHOTOGRAPHIQUE N° 9 SEPTEMBRE - DÉCEMBRE 2019 Les paroles de l’interculture
vita più Très chers amis, les responsabilités que cela nous nous avons atteint le troisième donne. Des défis passionnants et et dernier numéro de VitaPiù de des réflexions stimulantes qui nous cette année 2019. Nous continuons amènent dans le grand chemin du notre cheminement dans l’esprit de Chapitre Général. l’interculturalité et achevons notre L’ Afrique et les Amériques, alors. Les voyage à travers le monde, touchant récits recueillis lors de l’enquête sur ainsi l’Afrique et les Amériques. le monde canossien sont très riches. Au moment où j’écris ces lignes, je Viennent ensuite des expériences répense avec gratitude aux visages de cheminement avec les jeunes, et aux histoires que nous avons de volontariat interculturel et rencontrées tout au long de ce chemin, intergénérationnel, le parcours de grâce à ceux qui se sont rendus préparation au Mois Missionnaire disponibles pour les partager - et les Extraordinaire d’Octobre, des mises rassembler, les raconter, les traduire - à jour sur le Chapitre Général, les dans ce magazine “de famille”. sections habituelles. Un voyage qui 2 La famille canossienne est vraiment continue. une famille spéciale: présente dans les cinq continents avec un style et un charisme unique, mais qui s’incarne dans des contextes, des langues, des cultures et des lieux très différents. De plus en plus consciente que cette diversité est une richesse inestimable. Avec toutes les complexités et Paolo Bovio VITA PIÙ PROPRIÉTAIRE Maison Générale des Filles de la Charité Canossiennes DIRECTEUR RESPONSABLE Paolo Bovio N. 9 - SEPTEMBRE - DÉCEMBRE 2019 CONCEPT ET GRAPHIQUES Studio Bertin ÉDITEUR Paolo Bovio Autorisation du Tribunal de Rome ZONE DE COMMUNICATION INSTITUT No 52/87 du 6 Février 1987 CANOSSIEN: Sandra Maggiolo (référente générale) Maria Grazia Bongarzone (coordonnateur) Paolo Bovio (responsable opérationnel) www.canossian.org infocanossiane infocanossiane youtube
L’AMOUR ET LA MISSION MARCHENT ENSEMBLE C hers amis, plus beau message que nous puissions je souhaite partager quelques communiquer avec notre vie, qui nait réflexions avec vous qui formez de la rencontre avec le Christ et de ce la Famille Canossienne dans le monde. que ses sentiments sont les nôtres. Nous Le thème du Chapitre général, qui avons tous reçu la mission d’être dans le concerne notre vie et celle de notre Fa- monde la présence de son Amour qui vit mille, commence par cette expression: en nous, de faire sentir à nos familles, “Femmes de la Parole qui aiment à nos communautés, à nos amis et à sans mesure”. ceux qui nous approchent que nous les “Femmes de la Parole”: est le point aimons. de départ que nous avons choisi de re- “Qui aiment sans mesure” est l’ex- tenir pour réfléchir sur l’avenir de notre pression que, dans ses écrits, Made- Congrégation. Nous avons mis l’accent leine, notre Fondatrice, répète de mille sur la “Parole” qui est pour nous tous, façons différentes et nous invite à aimer religieux, religieuses et laïcs, une source du même amour avec lequel le Seigneur 3 inépuisable et le guide de notre vie. Il nous aime. L’amour n’est pas une théo- nous a semblé important de partir de la rie, mais vie concrète, il n’est pas com- pris avec des explications, mais avec le Parole de Dieu, la seule capable de pé- témoignage. Dans le monde, nos Minis- nétrer le cœur de chaque être humain, tères sont différents, ils se déroulent de de transcender toutes les cultures, de différentes manières, dans différentes construire la communion en surmon- cultures, sous différentes latitudes, tant les différences et les divisions. C’est mais une réalité est la même: l’amour la Parole qui unifie et nous enseigne à qui doit nous caractériser, un don que aimer avec le Cœur du Christ. C’est nous avons reçu et un don que nous de- une belle opportunité que le Seigneur vons offrir. L’amour partagé se multiplie nous offre. Chaque jour nous pouvons et crée une nouvelle culture en contraste dire avec notre amour que la vie n’est avec certains aspects de la culture domi- pas stérile et grise, mais qu’elle a un nante. Chacun de nous “est une mission sens profond, aidant ceux qui l’ont per- à accomplir” et nous nous rappelons que du à le retrouver. L’amour est la force l’amour et la mission marchent en- la plus convaincante, il est compris de semble. tous et engendre l’espérance. C’est le M. Annamaria Babbini Supérieure Générale
Index PAGES DE VIE PAGE 6 “Allez dans le monde entier” L’interculturalité, pilier de l’Église PAG E S D E V I E INTERCULTURALITÉ ET CHARISME CANOSSIEN Aux racines de l’interculturalité PAGE 8 Histoire des premières missions en amérique et en afrique INTE RCULTUR ALITÉ Visages africains, coeurs universels PAGE 12 4 ENQUÊTE PAGE 14 VERS LE CHAPITRE PAGE 28 MONDE CANOSSIEN GÉNÉRAL AFRIQUE ET AMÉRIQUE, DES PONTS À CONSTRUIRE L’expérience et le partage de la commission précapitulaire LECTURES PAGE 30 Conseils online et offline NOUVELLES PAGE 31 Octobre 2019 - mois NOUVELLES PAGE 32 missionnaire extraordi- naire JEUNES ET SERVICE, VIE DE PLÉNITUDE Une immersion canossienne en Papua Nouvelle Guinée
vita più NOUVELLES La rencontre avec les PAGE 34 pauvres t’interpelle PAGE 35 Combien vaut une prière pour toi? SOCIAL FOTOGRAFICO SOCIAL PHOTOGRAPHIQUE PAGE 36 Le parole dell’intercultura Spunti, bisbigli, tracce di cammino da tutto il mondo Di là dalle idee, di là da ciò che è giusto e ingiusto, c’è un luogo. Incontriamoci là. Les paroles de [Jalāl ad-Dīn Rūmīī] È tempo che i genitori insegnino presto ai giovani che nella diversità c’è bellezza e forza. [Maya Angelou] Tutta la varietà, tutta la delizia, tutta la bellezza della vita è composta d’ombra e di luce. [Lev Tolstoj] l’interculture Non c’è più giudeo né greco; non c’è più schiavo né libero; non c’è più uomo né donna, poiché tutti voi siete uno in Cristo Gesù. [Lettera ai Galati 3,28] Se vuoi andare veloce, vai da solo. Ma se vuoi andare lontano, vai insieme. [Proverbio africano[ 36 La chiave per creare comunità è l’accettazione, la celebrazione delle differenze individuali e culturali. È la chiave per la pace nel mondo. [Scott Peck] 37 5 Ricordati sempre che sei unico. E che lo sono anche tutti gli altri. [Margaret Mead] Nessuna cultura può vivere se cerca di essere esclusiva. [Mahatma Gandhi] Non è meraviglioso? Siamo tutti fatti a immagine e somiglianza di Dio, e tuttavia c’è così tanta diversità nel Suo popolo. [Desmond Tutu] Io posso fare cose che tu non puoi, tu puoi fare cose che io non posso. Insie- me, possiamo fare grandi cose. [Madre Teresa] Il mondo è diventato troppo piccolo per qualsiasi altra cosa che la fratellanza [Arthur Powell Davies] Ciascuno di noi può essere ponte di incontro tra culture e religioni diverse, una via per riscoprire la nostra comune umanità. [Papa Francesco] ÉVÉNEMENTS ÉVÉNEMENTS CALENDRIER PAGE 38 FONDATION VOICA PAGE 40 AU TOGO GINÉCOLOGUES ET MISSIONNAIRES L’eau jaillit et le futur fleurit Donnons un futur aux “enfants de sr. griselda”
PAGES DE VIE “ALLEZ DANS LE MONDE ENTIER” L’interculturalité, pilier de l’Église la diversité culturelle, mais, comme l’histoire l’enseigne, elle vit de cette multiplicité qui la régénère et produit continuellement de nouveaux modes d’expression. Un texte de Paul est lapidaire: “Il n’y a ni Juif ni Grec; il n’y a ni esclave ni libre; il n’y a pas d’homme ou de femme, car vous êtes tous un dans le Christ Jésus “(Gal 3, 28). Mais l’unité dans le Christ n’annule pas les différences de genre, d’état et encore moins de culture: Juifs et Grecs sont 6 des chrétiens restant Juifs et Grecs. “A llez dans le monde entier et Et pourtant, en Christ, il n’y a plus de proclamez l’Évangile à toute “lointains”, “d’étrangers et d’invités”, créature” (Mc 16, 15). “Ils puisqu’ils sont tous “concitoyens des viendront de l’Orient et de l’Occident, saints et de la famille de Dieu” (Cf Ep du Nord et du Sud, et s’assoiront à 2,11-22). table dans le Royaume de Dieu” (Lc 13, 29). Deux textes, choisis presque “Dieu ne fait pas la préférence à des au hasard, qui parlent de la vocation personnes, mais accueille ceux qui le universelle et catholique de l’Église de craignent et qui pratique la justice, Dieu. quelle que soit la nation à laquelle il appartient” (Ac 10, 34-35), pour cela L’Esprit Saint (Ac 2,1-11) fera entendre “on ne devrait appeler profane ou les grandes œuvres de Dieu dans toutes impur aucun homme” (Ac 10, 28). les langues du monde et fertilisera toutes les cultures de manière à ce L’Église se projette donc dans le monde que chacune d’elles “produise” une en surmontant, sans les éliminer, les manière d’être Église qui réponde barrières culturelles; elle n’impose pas à l’unité essentielle de l’Évangile. une langue “sacrée”: les traductions L’Église se reconnaît dans les Églises de la Bible sont pratiquées depuis le qui confessent le mystère pascal. début; n’impose pas une culture aussi L’unité ne se fait pas aux dépens de meilleure ou supérieure aux autres:
vita più l’essentiel est la foi en le Seigneur contre ceux de langue hébraïque parce ressuscité et en l’unicité du Dieu de que, chaque jour, leurs veuves étaient Jésus Christ. Mais les tentations, au négligées” (Ac 6,1). début comme aujourd’hui, sont tenaces. Nous connaissons les difficultés Les grandes affirmations doctrinales rencontrées par Paul lorsqu’il a et théoriques risquent de se briser commencé à s’adresser aux païens de la au quotidien. Les petits groupes, culture hellénistique-romaine. les affinités de la vie, les modes de pensée sont ghettoïsés, voire même Pour devenir chrétiens, auraient- inconsciemment. Un exemple à ils dû être “judaïsés”? Le soi-disant première vue banal: la table. Nous “Concile de Jérusalem” (Ac 15) a connaissons les règles alimentaires résolu la question: dans l’Église du juives strictes, qui ont créé et créent Christ, il n’y a pas le droit d’exister non seulement une identité religieuse une culture hégémonique, à laquelle mais aussi (et surtout) culturelle. 7 toutes les autres doivent se conformer. Dans l’Église d’aujourd’hui, grâce aux Marc (7,14-23) et Paul (1Cor 10,25-26, missions et à la mondialisation, les cf Gal 2,11-14) libèrent les chrétiens cultures se sont mélangées et exigent des tabous alimentaires, afin que la une dignité égale. Elles demandent table puisse être partagée avec tout en effet à s’enrichir et à se féconder le monde. La seule limite à la charité mutuellement. c’est l’attention à ne pas scandaliser l’autre. En fait, la frontière entre la Les choix du Pape actuel dans la nourriture et les gens est très mince. réorganisation du Saint-Siège en Pierre vit une grande nappe descendre témoignent. Mais nous connaissons du ciel, pleine d’animaux purs et également les difficultés des E..glises impurs qu’il était invité à manger. À locales et des congrégations religieuses son refus, la voix du ciel lui révéla: “Ce à reconnaître une dignité égale pour que Dieu a purifié, toi ne l’appeles pas des éléments de cultures différentes. profane” (Ac 10, 9ss). Le Juif Pierre a Et cela en Occident, e Orient et en immédiatement rencontré et baptisé le Afrique. Souvent, au début comme centurion romain. L’interculture est un aujourd’hui, le problème n’est pas élément essentiel de l’église et traverse théorique, mais extrêmement pratique. la vie quotidienne grise et banale. “En augmentant le nombre de disciples, ceux de langue grecque murmuraient de don Valentino Cottini
INTERCULTURALITÉ ET CHARISME CANOSSIEN AUX RACINES DE L’INTERCULTURALITÉ Histoire des premières missions en Amérique et en Afrique MISSION CANOSSIENNE EN AMÉ- confia l’école anglaise, l’école italienne RIQUE DU NORD: ÉTATS-UNIS, et l’orphelinat des filles italiennes. Mal- CANADA, MEXIQUE heureusement, d’autres ont rapidement AUX ÉTATS-UNIS, la première pré- été ajoutées aux premières difficultés de sence canossienne remonte à 1886-1887, la fondation. Après plusieurs tentatives en Pennsylvanie, à Philadelphie, sur pour une résolution positive, les Supé- la côte orientale. La mission en faveur rieures ont rappelé les Sœurs en Italie. des catholiques italiens qui y vivaient À la fin de l’année scolaire, les cinq mis- avait été offerte à Mère Stella, supé- sionnaires s’embarquent et rentrent à rieure à Hong Kong, par Mgr. Raimondi. Pavie à la fin du mois de juillet 1887. Le Père Isoleri, missionnaire à Phila- Les Canossiennes rentrent en Amé- delphie et curé de la paroisse italienne, rique du Nord en 1961. Ouverture de par l’intermédiaire de Mgr. Raimondi, la pre- mière maison: le 17 préfet apostolique de Hong août à Albuquerque, Kong, avait Nouveau-Mexique demandé des (États-Unis), à l’invi- Soeurs Canos- tation du curé de la 8 siennes pour Paroisse de l’Annon- la catéchèse ciation, Mgr. Coggio- et d’autres la, pour la direction oeuvres dans et l’enseignement à sa paroisse. l’école paroissiale. M. Stella, qui Les quatre pre- était à ce temps miers pionnieres: en Italie à la Sr. Antonietta recherche d’une Colombo, ancienne aide économique missionnaire en Inde, Sr. Luisa Giugni et de Soeurs en vue de fondations de l’Italie, Sr. Teresa Norris de Singa- en Chine continentale, a transmis la pour et Sr. Dorothy Brown de l’Angle- proposition à Pavie, qui accepta. Le 27 terre. D’abord insérées dans l’école, elles août 1886, quatre Sœurs de la com- ont ensuite été progressivement intro- munauté de Pavie partirent pour cette duites dans les différents ministères mission: M. Rosa Manfredi, supérieure, de la Paroisse, en donnant toutes leurs M. Bianchi Rosa, M. Perego Elena, M. énergies avec courage et enthousiasme. Foglia Lucia et M. Giuseppina Testera D’autres Maisons ont ensuite été ou- de Hong Kong, l’une des six pionnieres vertes aux États-Unis d’Amérique, à de 1860. Albuquerque au Nouveau-Mexique, en Don Alessandro De Giorgi, le petit-ne- Californie à Sacramento et à San Fran- veu de Mons Ramazzotti, proposa de les cisco. accompagner. Parties d’Anvers, à leur Le 14 octobre 1988, quatre Soeurs de arrivée, elles ont reçu un accueil chaleu- Hong Kong ont ouvert une maison à reux de la part de la population. On leur Vancouver, dans l’ouest du Canada.
vita più Service parmi les immigrants chinois, dévouement aux activités pastorales de la Paroisse et un service précieux à l’hô- pital de la ville. Le 21 janvier 1991, une Maison a été ouverte au Mexique, à Chihuahua, pour le service à la paroisse Notre-Dame de Guadalupe. Lors des Délibérations du 12e Chapitre général, on demandait justement un élan missionnaire où le besoin était plus grand. MISSION CANOSSIENNE EN AMÉ- RIQUE DU SUD: ARGENTINE, BRÉSIL, PARAGUAY LES CANOSSIENNES EN ARGEN- TINE Le pape Pie XI avait exprimé à Mère Maria Cipolla, la première Supérieure 9 Générale de l’Institut, le souhait que Clementina Mattiuzzo. Accueillies à les Filles de la Charité Canossiennes Buenos Aires, elles se sont installées à se rendent également en Amérique. l’hôpital. Après avoir surmonté certaines Les Canossiennes sont arrivés en Ar- difficultés initiales, elles ont joyeuse- gentine, à La Plata, à la demande de ment commencé leur mission au service l’archevêque Mgr. Francesco Alberti et des malades, en particulier des italiens. de Don Lorenzo Laiti de Verone, pour la LES CANOSSIENNES AU BRÉSIL direction de l’hôpital italien “Umberto La première fondation canossienne au I”. Le 17 novembre 1932, la Mère Géné- Brésil a été réalisée par les Mères de rale nouvellement élue, Mère Antonietta l’Argentine le 14 mai 1948 à Santos, Monzoni, accompagnée de Mère Maria dans l’État de Saint Paul. Après avoir Moretti, quitta Gênes pour l’Argentine rencontré la famille Monzoni, domiciliée afin de commencer les préparatifs en à Saint-Paul, les autorités ecclésiales vue de la nouvelle fondation. Le 1er ont établi des contacts avec l’Institut décembre 1932, les deux Mères atter- Canossien, dont le siège est à Rome, rissent à Buenos Aires. De là, Mère pour demander l’arrivée des religieuses Monzoni a invité les Sœurs destinées à au Brésil. Ce rêve n’a pas tardé à deve- la fondation de la nouvelle communauté nir réalité, car à l’époque la Supérieure avec un télégramme: M. Giulia Fogale, Générale était la Révérende Antonietta M. Angela Giovanna Bonani, M. Angeli- Monzoni, une parente de cette famille. na Sironi, M. Maria Aberni, M. Giuditta M. Giulia Fogale, alors Supérieure de la Brambilla, M. Rosa Volonteri, Sr.Teresa nouvelle communauté et Régionale de Ferrari. Les sept pionnieres, accompa- l’Argentine, et M. Eugenia Pola se sont gnées de la Secrétaire Générale, Mère rendus pour la première fois au Brésil
INTERCULTURALITÀ E CARISMA CANOSSIANO Alle radici dell’intercultura en 1947 à Santos en vue de la fonda- nation de l’Amérique Latine. tion de l’oeuvre nouvelle qui leur était Le Paraguay a été choisi parce que c’est proposé, “Prato de sopa (c’est-à-dire “as- l’un des pays les plus pauvres. Sr. Lucia siette de soupe”) Mgr Moreira “. But de Rodighiero et Sr. Herminda Millacura l’oeuvre: aider concrètement toute per- ont inauguré la nouvelle Communauté sonne dans le besoin avec un plat chaud, «Marie de Nazareth» à Encarnacion le sans humilier personne. Elles ont visité 2 mars 1992, date de l’anniversaire du la modeste maison où elles se sentaient baptême de Sainte Madeleine. pauvres parmi les très pauvres qui dé- Le 5 mars, l’Évêque du diocèse, Mgr. voraient le grand bol de soupe ... Alors, Jorge Livieres Banks a béni les Sœurs comme elles sont sorties “avec un coeur et le début de leurs activités pastorales tourmenté par la grande douleur” après en accordant une attention particulière une visite à l’hôpital pédriatre appelé à la jeunesse et à la promotion de la “Gota de leite” (“Goute de lait”). De re- femme. Le 28 août 1992, la petite com- tour à Buenos Aires, elles décidèrent de munauté a accueilli avec joie l’arrivée de partir. Le 4 mai 1948, le premier groupe la troisième Sœur, Maria Dadda. Cette de missionnaires partit pour le Brésil: mission canossienne est à la pointe de M. Giulia Fogale, M. Mariannina Sgar- l’aide aux pauvres. Les Sœurs exercent bossa et M. Maria Bersani. Pour l’érec- leur activité surtout dans les zones où se tion canonique de la maison, un jour trouvent encore aujourd’hui des épais- significatif a été choisi par les sœurs: le sissements de cabanes en tôle et chif- 10 14 mai, car à cette époque il y avait en fons, sans aucun service susceptible de ce jour-là la fête de la Fondatrice Made- rendre dignité aux personnes. leine de Canossa. MISSION CANOSSIENNE EN AFRIQUE Le 13 juin, quatre autres sœurs sont ar- La première présence canossienne sur le rivées d’Italie: Eugenia Pozzoli, Emilia continent africain remonte à 1937 - 1942 Terenghi, Palmira Grassi et Annadora à Addis-Abeba, en Éthiopie (alors aussi Sironi. Bientôt, une école a été ajou- appelée Abyssinia). Les dix pionnieres tée au travail de rédemption pour les canossiennes partent dans la soirée du pauvres. Les Canossiennes se consa- 23 décembre 1936, accompagnées de la crèrent également aux activités de la Vicaire Générale M. Angela De Maria paroisse avec le zèle de leur Fondatrice. et arrivent à Addis-Abeba le 5 janvier Sur la photo, vous pouvez voir la petite 1937. D’autres sœurs ont par la suite communauté engagée à être “Servantes atteint cette mission et, avec un grand des pauvres”, en servant l’assiette de la dévouement et un esprit d’initiative, ont soupe. La présence des Canossiennes est aujourd’hui très active dans les dif- férentes communautés de l’État de Sao Paulo, de Rio de Janeiro, de Maranhão, de Santa Caterina et de Minas Gerais. DE L’ARGENTINE AU PARAGUAY La mission canossienne au Paraguay a débuté en 1992, à la demande de la Mère Générale, qui avait demandé aux Sœurs de l’Argentine de faire un geste missionnaire en direction d’une autre
vita più Mugana: les femmes et les enfants se rendent nombreux à la clinique pour se faire consulter et recevoir de la nourriture. réussi à accomplir de nombreuses bonnes Enfin, le 24 septembre 1956, elles ont pu oeuvres. En 1942, cependant, à cause entrer dans la maison de Mugana avec des événements de la Seconde Guerre la joie de toutes les personnes présentes Mondiale, les Sœurs ont dû quitter la et commencer ainsi les différentes acti- mission. vités. En 1956, les Filles de la Charité Canos- Depuis lors, en raison du mystérieux 11 siennes retournèrent en Afrique. Plan de la Divine Providence, la pré- Grâce à l’invitation du cardinal Laurian sence canossienne s’est répandue dans Rugambwa, le désir de Mère Joséphine de nombreux Pays africains: Bakhita devient réalité: “Je prie toujours 1957 République Démocratique du que le Seigneur envoie des missionnaires Congo également dans le centre de l’Afrique où 1959 Sao Tomé je me trouvais”. 1971 Ouganda Le 27 juin 1956, Angelina Rivetta, Giu- 1975 Malawi seppina Grillo et Vittoria Piccolo, trois 1988 Kenya Canossiennes, quittèrent Venise à bord 1993 Angola du navire «Europa» pour se rendre à 1994 Togo Mugana, en Tanzanie. La quatrième 1995 Soudan Mère, M. Carolina Gandini, les a re- 1996 Égypte jointes depuis Hong Kong. Quand elles Seule la mission au Caire (Égypte) a sont arrivées à Mombasa, elles ont été pris fin en 2014. Dans les autres États accueillies par le Nonce apostolique du africains la mission continue avec l’ou- Kenya, puis sont passés en Ouganda, verture des communautés et la fleurai- jusqu’à ce que le Vicaire du Cardinal son des “ouvriers” pour la “moisson” du les accompagna à Mugana. La maison, Royaume. Nombreuses sont en fait les cependant, n’étant pas prête, elles sont Sœurs qui, attirées par le charisme de parties pour Kashozi et sont restés chez Madeleine, continuent la mission canos- les Sœurs Blanches pendant environ sienne en faveur des plus démunis et deux mois, collaborant à leurs activités des plus défavorisés. et apprenant la langue et les coutumes. de m. Pia Deromedi, archivista
INTERCULTURALITÉ ET CHARISME CANOSSIEN Visages africains, coeurs universels Un dialogue sur le christianisme africain Entretien avec Mgr. Sosthène Ayikuli Adjuwa, Évêque de Mahagi-Nioka (R.D.Congo) Comment le message universel du pastoraux qui sont de ces cultures, pé- christianisme est-il incarné dans tris par ces cultures, ils peuvent les un contexte si riche de différentes évangéliser. Toutefois, en état actuel de cultures traditionnelles? choses, ce sont les enfants du terroir qui L’avantage et le présupposé incontes- poursuivent en profondeur l’œuvre im- tables pour le christianisme sont que mense de l’évangélisation entamée par son message est universel. De là vient les missionnaires. La connaissance de la qu’il peut s’incarner dans un contexte langue de la culture permet de faire la aussi riche de diverses cultures tradi- pastorale dans ses différents secteurs. tionnelles comme le nôtre. Mais pour Existe-t-il le risque d’une pastorale cela, il convient justement que ces diffé- missionnaire trop «occidentalisée»? rentes cultures traditionnelles s’ouvrent Comment le surmonter? à l’universel, s’ouvrent au message du Le risque d’une pastorale occidentalisée christianisme. Nos cultures tradition- est toujours présent. Car c’est la voie de nelles en général ont effectivement ac- la facilité, la voie de « on a toujours fait cueilli l’Évangile à travers son annonce, ainsi ». Par conséquent la loi de moindre la prédication, la catéchèse, même s’il effort consistant à se pavaner sur le che- est venu avec des coquilles occidentales. min déjà tracé. Il est possible de dépas- 12 Il est vrai que chacune de nos cultures ser une telle pastorale et il faut la dépas- a été évangélisée, même si pas totale- ser. Les premiers missionnaires, même ment, car il y a encore des poches de ré- s’ils ont apporté la manière de conduire sistance. Toutefois, beaucoup d’éléments la pastorale chez eux, ils ont dû inven- culturels contraires à la foi ont changé ter des méthodes pastorales adaptées au au point que chaque culture est capable lieu et au temps. Mais aujourd’hui, les de balbutier sa foi dans les éléments de choses ont beaucoup changé. À cet effet, sa culture, notamment par sa langue. il convient voir notre société actuelle, Que signifie réellement faire un voir les défis actuels, les juger et mettre travail pastoral sur un territoire sur pied une pastorale appropriée pour caractérisé par la présence de tant affronter ou relever tel ou tel défis. Il de langues différentes? n’est pas possible de les affronter tous. Dans mon diocèse, il y a au moins huit C’est en ce sens que par exemple, dans le tribus qui ont chacune sa langue diffé- Plan Pastoral Stratégique Quinquennal rente de l’autre, sauf quelques excep- 2017-2021, notre vision est qu’ « Aux ho- tions dues à la proximité qui remonte à rizons 2021, le Diocèse de Mahagi-Nioka, la souche. En clair, huit tribus et huit annonçant l’Évangile en profondeur, langues. Il est évident que faire la pas- s’engage à consolider sa vocation d’une torale dans un tel contexte n’est pas Église-Famille de Dieu dans les familles du tout aisé. Ce que les missionnaires et les Communautés Ecclésiales Vivantes on fait dès le début, c’est apprendre ces (CEV), place le Christ, Unique Sauveur, langues pour leur permettre d’entrer au centre de son existence, œuvre à l’en- dans la culture. Forts de cela, ils sont racinement du Royaume de Dieu et s’in- parvenus à faire entrer l’Évangile, le vestit dans la promotion de tout homme message chrétien dans ces cultures. Au- et de tout l’homme ». jourd’hui, nous comptons sur les agents L’expérience du christianisme afri-
vita più cain tel qu’il est vécu dans votre dio- toute manière l’Église d’Afrique s’y est cèse, que peut-il enseigner à l’Église engagée, y compris le Diocèse de Maha- universelle? gi-Nioka dont le gouvernement pastoral Parler du christianisme africain, c’est m’est confié. De là vient que cette Église 13 dire entre autres que « L’ecclésiologie particulière n’a peut-être pas grand- de l’Église de l’Afrique permettrait de chose à l’Église universelle, quant à faire prendre conscience aux pasteurs et l’expérience du christianisme vécu dans aux fidèles que l’évangélisation doit vi- mon Diocèse. Ceci certainement pour ser l’enracinement du message du salut plusieurs motifs, à savoir notre jeunesse dans la vie et l’histoire de notre continent (un centenaire d’évangélisation), le re- de sorte à promouvoir, en parole et en tard pris dans l’africanisation du chris- acte, le christianisme africain » (CENCO, tianisme, un non engagement clair pour La mission évangélisatrice de l’Église vivre un christianisme africain. Mais, dans l’Afrique aujourd’hui. Défis et on ne peut nier l’évidence selon laquelle perspectives, Nathanaël Yaovi SOEDE, chaque fils et chaque fille de ce Diocèse, Théologie et évangélisation en Afrique : pétri par sa culture essaye de se laisser Construire le christianisme africain, in transformer par l’Évangile et ce, sans Colloque International du 50e anniver- cesser d’être africain. saire du Décret Ad Gentes du Concile Va- Quoi qu’il en soi, je puis dire que modes- tican II et du 40e anniversaire de l’Exhor- tement notre Église peut transmettre tation apostolique Evangelii Nutiandi, p. la vigueur et la jeunesse de son ardeur 429), et « de façon à ce que le Christ, dans pour bâtir le non-encore, le nouveau qui les membres de son Corps, soit Africain » sera l’expression, c’est-à-dire le langage (Discours de Jean-Paul II aux évêques du ou mieux ce qui correspondra adéquate- Kenya, Nairobi 1980). Si tel doit être le ment à sa façon de manifester l’unique christianisme africain, il faut dire que, foi, de la célébrer, par conséquent origi- tout en étant un idéal, ce christianisme nale, conforme à sa langue, à son style, doit être encore à ses débuts, comme quoi à son tempérament, à son génie, à sa le chemin à parcourir est encore long. De culture.
ENQUÊTE MONDE CANOSSIEN 14
vita più INTRODUCTION À L’ENQUÊTE “C aminante, no hay camino: Ponts entre les rives de l’Océan se hace camino al andar”, Atlantique. Interculturalité qui écrivait le grand poète traverse tout le long continent Machado espagnol. américain et constitue le prisme Et - en marchant, en marchant - permettant d’observer les tensions, les même le voyage fait avec VitaPiù cette mouvements, les désirs, les blessures année est arrivé, pas après pas, à la et les ressources, comme dans la très destination. En touchant, numéro riche reflection de notre Mère Lisa Doti. après numéro, tous les continents. L’interculturalité est voyage, partage, Avec cette troisième version de 2019, rencontre et découverte, comme l’ont nous complétons notre tournée dans dit le groupe intergénérationnel des le monde entier, avec l’Afrique et les volontaires canossiens de l’Argentine Amériques comme protagonistes. Dans au Paraguay et les trois amis italiens cette “Enquête sur le monde canossien qui voyagent entre Asie et Afrique “nous connaîtrons les mille visages depuis des années, guidés par que l’interculturalité manifeste en ces l’étonnement, à la recherche d’histoires continents que la dimension culturelle de courage et de générosité à raconter l’ont profondément inscrite dans leurs dans leurs merveilleux documentaires. 15 ADN. Oui, le parcours de VitaPiù de cette L’interculturalité qui - dans le pur style année a été un voyage passionnant canossien - ne reste pas un concept et long, à la fois en distance et en abstrait, mais s’incarne dans la vie profondeur: il nous a fait faire le tour quotidienne, s’exprime au service des du monde, mais il nous a surtout pauvres et avec les jeunes, se vit dans amenés à toucher - dans les visages, le partage, dans l’effort et dans la fête. dans les mains, dans les récits, dans les L’interculturalité est vécue surtout pensées et dans les différences - cette dans la dimension de la mission. Elle artère fondamentale du cœur canossien est racontée dans les expériences appelée interculturalité. croisées de Sœur Lucia Antonio, une canossienne brésilienne en mission en Angola-São Tomé, et de Soeur Anne Ameyo Amouzou, d’origine togolaise qui a vécu une expérience de six mois en de Paolo Bovio Argentine. BRÉSIL / ANGOLA / SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE PAGE 16 TANZANIE PAGE 19 AMÉRIQUE DU NORD PAGE 20 ARGENTINE / PARAGUAY PAGE 22 TOGO / ARGENTINE PAGE 23
ENQUÊTE MONDE CANOSSIEN Du Brésil à l’Angola et à São Tomé et Principe Soeur Lucie et l’expérience de la mission interculturelle L a nouveauté de Dieu arrive dans de Canossa, nous dit: «Il s’agit d’animer notre vie avec des surprises que chaque action et chaque travail avec nous vivons et où nous expéri- l’Esprit de charité, de douceur, d’humi- mentons comment sa grande bonté et lité, de zèle et de force; un esprit très sa tendresse embrasse chaque créature. aimable, très généreux et très patient” Avec une distance de 7546 km entre les (Préface à la R.D.). Avec cette impulsion deux pays, je vais charismatique, le but à un endroit incon- du cheminement de nu, mais déjà aimé formation a atteint dès le moment son objectif dans les où j’ai reçu - moi, sources du charisme, une canossienne dans l’expérience brésilienne de la fraternelle en commu- province de Nossa nauté qui passe par Senhora Apareci- la vie de chacune et da-Brésil- l’appel ensemble nous nour- à vivre avec le mes rissons notre identité 16 soeurs en Angola, charismatique à la à Luanda et São lumière de la Parole Tomé et Principe. de Dieu. La rencontre Un voyage de foi et avec la culture de d’amour pour par- l’autre nous fait dé- tager ce que nous couvrir la semence de considérons le plus précieux pour notre la Parole cachée dans chaque geste de vocation, notre spiritualité et notre cha- bonté, de solidarité, de justice et la paix. risme de la charité. Le par- tage de la vie telle qu’elle est m’a permis d’être une com- munauté de soeurs. Comme Jésus l’a dit à ses disciples: “Vous êtes tous frères”. En- semble, nous avons essayé de vivre la fraternité, le respect et quelque chose qui nous est commune en tant que Filles de la Charité: la joie d’ap- partenir au Christ, chaste, pauvre et obéissant, en met- tant l’accent sur ce que notre Fondatrice, Sainte Madeleine BRÉSIL / ANGOLA / SÃO TOMÉ ET PRÍNCIPE
vita più L’invitation que Dieu nous fait au- dales de nos préjugés, idées préconçues jourd’hui d’élargir l’espace de notre tente et intolérance c’est la meilleure attitude pour accueillir la rencontre des diffé- à adopter pour l’aproche aux autres, car rents, nous ouvre bien au-delà de ce qui chaque culture porte en soi le vieux et le nous appartient, de ce que déjà nous sa- nouveau et nous met dans une situation vons et vivons et d’écoute, d’ac- nous lance vers ceptation et de le ‘nouveau’. Ce respect envers ce ‘nouveau’ signifie qui est différent, regarder la réa- une richesse à lité, se regarder découvrir. soi-même, regar- Chaque ren- der vers Dieu, contre avec les regarder le frère jeunes, la visite et la soeur, regar- aux familles, der notre consé- l’accueil d’un cration comme enfant, les une unité de vie rencontres de 17 interconnectée formation avec avec toutes les les sœurs, m’a valeurs présentes permis d’élargir dans toutes ma tente, d’ap- les cultures, profondir et de afin de donner consolider ma le meilleur de vocation de per- nous-mêmes, sonne consacrée le meilleur de canossienne. notre être, de nos Dieu s’est fait connaissances, de présent avec nos dons, conçus sa bonté et son dans la prière, amour dans ce dans la contemplation, dans le silence moment fort de formation, vivant en- intérieur, dans l’expérience de Dieu, semble et partageant fraternellement ce dans le discernement. Alors nos frères et que Dieu lui-même a accompli en cha- soeurs trouvent en nous l’épaule amicale cun de nous et ce que nous sommes ap- et accueillante de Dieu, le Père de la pelés à devenir, avec sa grâce et sa bien- tendresse. C’est comme ce que Dieu avait veillance. Merci pour cette expérience de demandé à Moïse: “Enlève tes sandales, foi et de communion avec les Sœurs et le car l’endroit où tu te trouves est une peuple de la Délégation d’Angola / Luan- terre sainte” (Exode 3,5). Enlever les san- da et de São Tomé et Principe. de sr. Lucia Teresinha Antonio
ENQUÊTE MONDE CANOSSIEN Trois amis et une rencontre qui change le regard De l’Amérique à l’Afrique, une caméra sur l’épaule, voyageant vers les plus pauvres I l y a des expériences indélébiles dans les jeunes, les familles et les personnes la vie de chacun d’entre nous, qui âgées qui se trouvent dans la nécessité, peuvent changer notre approche à les handicapés, les vagabonds, sans abri, la réalité. Des expériences à vivre avec les toxicomanes, les victimes de mal- le cœur, l’esprit ouvert, avec la foi. Ces traitance, les patients atteints du VIH expériences ont marqué un tournant / SIDA et personnes en difficulté. Dans dans nos vies. Je m’appelle Andrea Ra- le nord de la Thaïlande, nous avons ren- veane et je suis volontaire, donneur de contré le missionnaire catholique Don sang. En compagnie de deux amis, Paolo Bruno Soppelsa, notre Prêtre diocésain Capraro et Marco Recalchi, du métier de réalisateur, nous choisissons une fois par an, depuis une dizaine d’années, une destination précise à travers le monde, en essayant d’aider les moins fortunés. Nous avons voyagé pour beaucoup de continents, en essayant de promouvoir le don de sang gratuit et surtout la solidarité. Grâce à ces voyages ils ont réalisé des documentaires témoignant de la dure 18 réalité de ces continents pauvres et de l’aide concrète que chacun de nous peut ou pourrait apporter aux plus faibles. Notre mémoire va à la première de ces expériences, en Bolivie, avec notre ami missionnaire camillien, le Père Alfredo Rizzi. Ici, jusqu’à récemment, “Fidei donum”, qui, avec amour et dé- le sang était payé: les plus pauvres qui vouement, travaille quotidiennement n’avaient pas les moyens mourraient. en faveur des plus pauvres. Au Kenya Nous avons rencontré les gens du avec l’Évêque Monseigneur Mgr Virgi- peuple dans les différentes paroisses lio Pante, un missionnaire énergique boliviennes, nous avons expliqué que originaire de Lamon (Belluno), qui a donner du sang est un geste d’amour construit dans la savane l’hôpital de et qu’il est bon de le faire. Nous avons Wamba, un instrument de cohabitation assisté à la naissance de la première pacifique créé et voulu par lui-même et association de donneurs de sang volon- géré directement de son diocèse, où tout taires, qui le donnent gratuitement. En- le monde est reçu. À Chennai, dans le suite, grâce aux associations donatrices sud de l’Inde, nous avons été accueillis de la région de Vénétie, deux centres au “Jardin du Pape Jean”, un dispen- de transfusion ont été ouverts: de nos saire pour lépreux dirigé par l’ordre jours, finalement, le sang est donné. De salésien de Don Bosco. Il offre amoureu- la Bolivie à la Thaïlande. Ici nous avons sement soin et éducation aux personnes fait la connaissance du docteur Amporn vivant avec le VIH / Sida, qui vivent de l’Association Fordec, organisation en dessous du seuil de pauvreté et qui humanitaire dédiée à aider les enfants, sont souvent rejetées par les écoles pu-
vita più bliques par crainte d’être infectées. Tous tures dans nos bras a été surement un les trois, nous avons été impressionnés cadeau du Seigneur. Marco, notre ami par la joie, le sourire et l’accueil de ces directeur, est en train de réaliser éga- splendides peuples, en particulier de la lement un documentaire sur cette ex- dignité de ces personnes atteintes de la périence en Tanzanie; ce documentaire lèpre, qui mènent une vie sereine avec sera prochainement présenté et utilisé force et constance, ainsi que de tous ces pour une collecte de fonds pour l’hôpital. enfants et garçons touchés par le Sida / Ces expériences de vie nous ont permis VIH qui s’engagent quotidiennement à de constater, jour après jour, que la se- étudier pour créer un avenir meilleur. mence qui est jetée dans chaque homme Une expérience qui nous a permis d’ap- commence à germer: nous avons réussi précier la grande valeur de la vie. Enfin, à entrer dans ce contexte, à y rester en mai de cette année, nous étions en pendant un certain temps, à en être une Tanzanie, à l’hôpital de Mugana (Bu- partie active, à rechercher, comme une koba), près du lac Victoria, géré par les goutte dans l’océan, de donner notre Soeurs Canossiennes. Sœur Mariangela petite contribution de bien et d’amour. Massenti est une religieuse canossienne Grâce aux personnes rencontrées, nous très active, en mission en Afrique depuis pouvons apprendre à vivre d’une ma- près de 30 ans, qui, dans l’intérêt de son nière plus essentielle et plus fraternelle. peuple, veut renforcer l’hôpital et l’école Tout s’est passé très naturellement, 19 d’infirmières rattachés à l’hôpital même. comme si nous étions chez nous, avec Les sœurs nous ont accueillies et nous des gens qui nous ont fait sentir à l’aise avons pu constater tant d’amour et de dès le premier jour, presque comme si dévouement dans leur service au peuple nous étions amis, ou plutôt frères depuis africain. Excitant d’avoir assisté à deux toujours. Peu importe la couleur de la césariennes. Voir la naissance de la vie peau, l’amour et l’aide sont importants. et ensuite pouvoir tenir ces petites créa- L’amour c’est la joie, c’est le partage. par Andrea Ravane, avec Paolo Capraro e TANZANIE Marco Recalchi
ENQUÊTE MONDE CANOSSIEN Construire des ponts dans une Amérique en mutation “Nous accompagnons le dépassement des murs de la peur, au nom de l’Évangile” S entiers et Ponts. L’Amérique en méfiance et la peur des différences, ou a beaucoup. Les ponts relient les du possible changement que différentes points continentaux, reliant les cultures pourraient apporter. Nous, villes. L’Amérique a aussi ses murs. les Canossiennes, sommes appelés à L’idée d’ériger des murs le long de nos aider ceux que nous servons à trouver frontières face à la récente vague d’im- le courage de surmonter les murs de la migration est au centre de nombreuses peur au nom de Jésus. Dans l’épisode discussions. de la rencontre de la Samaritaine avec Et pourtant, les migrations et les Jésus, nous trouvons le modèle de la réfugiés ne sont pas un phénomène façon dont l’inculturation peut aider nouveau en Amérique: en effet, ce Pays à abattre des murs et construire des s’est construit avec l’immigration en ponts. La Samaritaine représente cha- provenance d’autres Pays. Outre les cun de nous. En général, en Amérique, Amérindiens (562 tribus différentes) les personnes de différentes ethnies et qui vivaient déjà sur le continent, les origines sociales sont habituées à inte- ragir les unes avec les autres tous les jours. Mais à la fin de la journée, nous retournons dans notre environnement familial où les valeurs sont renforcées. C’est le multiculturalisme: des gens qui vivent dans la même communauté, 20 sans prétendre apprendre une autre langue ni comprendre les valeurs des autres. La Samaritaine a compris à ce niveau, son interaction avec Jésus. Mais Jésus choisit de risquer d’entrer en Samarie, dans une autre culture. Il premiers à arriver d’Angleterre dans le est prêt à détruire le mur de l’exclusion Nouveau Monde dans les années 1600 sociale afin de réaliser une rencontre ont été ceux qui ont fui les persécutions personnelle. Ainsi Jésus amène à la religieuses. Depuis lors, de nombreuses conversion du cœur une personne qui, personnes sont venues aux États-Unis à son tour, amènera d’autres à la foi. à la recherche de la liberté de culte, du Nous devons aussi trouver de nouveaux travail et des possibilités de réaliser moyens, non seulement d’entrer comme leurs rêves. Ce mélange est la véritable missionnaires dans des territoires qui force de la nation. Avec l’ajout constant ne nous sont pas familiers, mais éga- de cultures et de traditions dans le lement de vouloir nous détacher de tissu du terrain culturel, chaque per- certains de nos façons de construire des sonne est enrichie, voire totalement murs, afin de construire des ponts de changée par les autres. Un modèle confiance entre l’Église et les personnes d’interculturalité. Nous savons d’expé- négligées, entre les peuples des diffé- rience, en tant que pays, quelle richesse rentes cultures et langues. Pour abattre nous avons dans notre diversité; nous ces murs, nous devons nous interroger savons aussi les difficultés que ces continuellement: sommes-nous dispo- différences peuvent créer, suscitant la nibles à faire un pas à l’avant - comme AMÉRIQUE DU NORD
vita più Jésus l’a fait -, nous rendre vulnérables a la capitale de l’État. Devant l’église et risquer d’être rejetés pour porter passent les gens du bureau qui portent l’Évangile là où il est plus nécessaire? des vêtements élégants ainsi que Comment et que faisons-nous déjà pour d’autres qui portent toutes leurs choses concrétiser notre appel à construire des sur des chariots. Les pauvres et les ponts? sans-abri augmentent. Les laïcs doivent Notre Province du Christ Roi s’étend être motivés pour agir, en tant que fruit sur trois grandes nations: le Canada, de la formation et de la prière. les États-Unis et le Mexique. Toutes nos Au Mexique, nos Sœurs coordonnent les communautés - Vancouver, Canada; Chi- activités d’une école primaire et d’un huahua, Mexique; Albuquerque, Nou- centre de formation humaine et péda- veau-Mexique, États-Unis; San Francis- gogique pour adultes et enfants. Beau- co, Californie, États-Unis et Sacramento, coup de gens avec qui elles traitent sont Californie, États-Unis - relevent les défis les soi-disant “nouveaux pauvres”: les des immigrants et de la réalité multi- Sœurs s’efforcent de les aider à retrou- culturelle d’aujourd’hui. Dans toutes ver leur autonomie. nos communautés, il y a des Sœurs qui Dans toutes nos activités apostoliques, travaillent dans leurs paroisses en tant nous essayons d’encourager les gens à que catéchistes, coordinatrices de la utiliser leurs dons et leurs talents pour préparation aux sacrements et de la for- devenir des messagers de la grâce de mation des laïcs, des programmes pour Dieu et pour faire connaître davantage les jeunes. D’autres apportent la commu- Jésus afin qu’il soit davantage aimé. 21 nion aux malades chez eux ou à l’hôpital, Les Sœurs elles-mêmes sont un mé- d’autres accompagnent les étudiants. lange de cultures au sein de ces diffé- Toutes les Soeurs sont impliquées dans rentes réalités humaines: nous sommes la préparation des laïcs au service de la américaines, indiennes, italiennes, phi- communauté paroissiale. L’afflux crois- lippines, chinoises, maicanes, anglaises sant de personnes de différentes cultures et eurasiennes. Afin d’aller au-delà qui arrivent nous a amenés à créer des du multiculturalisme et vers l’inter- ponts entre les familles déjà établies et culturalité, nous avons dû changer les nouvelles familles. notre culture de couvent avec l’arrivée À Vancouver, nos Sœurs servent la po- de chaque nouveau membre dans la pulation anglophone et chinoise dans la communauté, avec ses points forts et même paroisse, avec des groupes de for- ses points faibles. Comme Jésus, nous mation distincts pour mieux répondre à devons aller plus loin dans le territoire leurs besoins. Mais nous ressentons le étranger: le territoire du cœur. désir de trouver des moyens pour que En construisant des ponts de compré- les groupes se rencontrent et ainsi sus- hension dans nos communautés, nous citer chez leurs membres une nouvelle offrons un exemple de vie harmonieuse ouverture les aidant à reconnaître les malgré la diversité à ceux que nous uns dans les autres des frères et soeurs approchons. Souvent, cela nous oblige qui sont membres de la même Église. à laisser de côté nos préférences pour Il y a aussi le défi de construire des faire de la place à une autre, pour ponts entre riches et pauvres. À Sacra- qu’elle se sente chez elle. C’est comme mento, la paroisse de la Cathédrale se ça que nous commençons à construire trouve de l’autre côté de la rue où il y des ponts. de m. Lisa Doti
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