PENTECOTE - Là où l'arbre dit Dieu Guyane - Spiritains.org
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P ENTECOTE LA FAMILLE SPIRITAINE sur le monde N° 912 Juillet - août 2020 ISSN 0476-2428 Guyane Là où l’arbre dit Dieu… Parcours Hommage Question de foi 12031 à Bernard Foy Guérir grâce à la foi ?
SOMMAIRE REPORTAGE VIE SPIRITUELLE Guyane Question de foi Là où l’arbre Guérir grâce à la foi ? ...........................................20 dit Dieu… Bible et mission Donner toute sa vie...............................................21 Parole pour ma route L’eucharistie, rendez-vous avec la Trinité.............22 Au souffle de l’Esprit Blasphème contre l’Esprit Saint............................24 Pages 4-11 PROXIMITÉ Brèves / Agenda............................................26 FAMILLE SPIRITAINE Coup de pouce..............................................27 Événement Courriers des lecteurs...............................28 Frère Marc Tyrant, Sourire...................................................................29 auprès des « oubliés du confinement ».................12 Apprentis d’Auteuil : 4 000 jeunes confinés Unis dans la prière........................................30 à accompagner......................................................14 Sagesse...................................................................31 Parcours Hommage : P. Bernard Foy, une théologie Publications « au ras des arachides ».........................................16 Né en 1938, en Isère, André Cognat rêvait d’aventure et de voyage. Il arrive en Guyane en 1961. Adopté par un chef amérindien, il fonde le village d’Antecume- Rencontre Pata. Il a créé un dispensaire, une école primaire et Taiouna, un collège associatif d’étude à distance, avec le Cned, pour permettre aux enfants de Sr Anastasie Sonko : tisseuse de liens...................17 rester plus longtemps au village, être plus forts moralement et physiquement pour affronter un monde différent. André Cognat a écrit deux livres : Jeunes et Mission – J’ai choisi d’être indien, chez L’Harmattan, Vivre Là-Bas (rééd. 2000). Benoît Domange, volontaire Amos : du soutien – Antecume ou une autre vie, chez Robert Laffont (1977). scolaire… à la retraite spirituelle..........................18 Une pétition en ligne pour que la France signe la « reconnaissance des Amérindiens comme peuple premier » : http://www.change.org/AmerindiensFrance Ont contribué à ce numéro… Photo : Franz Lichtlé En couverture À Maripa Soula, au cœur du parc P. 12-13 : Marc Tyrant, né en 1962 à Saint-Brieuc amazonien de Guyane, la forêt (Bretagne), est Frère spiritain et docteur en s’étend à perte de vue. L’arbre est le médecine. Ancien formateur des jeunes, adhérent lien entre le fleuve, la terre, le vivant, à une organisation humanitaire médicale l’homme et le ciel. C’est de là que trois internationale, il est depuis huit ans membre spiritains déploient leur mission : l’un vers du Conseil général des spiritains à Rome. le sud en pays amérindien, le deuxième vers Papaïchton, la capitale des Boni, le P. 14 : P. Marc Whelan, spiritain irlandais, né en troisième sur Maripa Soula, peuplée de 1962 à Dublin. Il a été en mission au Ghana puis noirs marrons issus des révoltes dans l’océan Indien. Rappelé en Irlande pour d’esclaves du XVIIe siècle, d’Amérindiens, l’animation spirituelle de la province, il y a été élu de créoles, de Surinamiens, provincial. Depuis un an, il est délégué à la tutelle de Brésiliens, d’Haïtiens… L’arbre à Apprentis d’Auteuil (France). invite à l’humilité, la patience, la paix et la prière. P. 23-24 : P. Philippe Sidot, spiritain, est né en 1964 à Metz (Moselle). Ordonné prêtre en 1999, il a été une dizaine d’années en mission en Éthiopie. Rappelé en France pour la formation des jeunes spiritains, il est actuellement économe Tarifs d’abonnement annuel (6 numéros) : France et Belgique : 20 € provincial à Paris. Abonnement de soutien à votre gré - Suisse : 35 CHF - Autres pays, DOM-TOM : 25 € 2 Juillet - août 2020
Édito Le souffle coupé « Nous savons qu’un équilibre de l ’écosystème est nécessaire pour ne pas suffoquer. Que fait-on donc pour protéger la planète contre le réchauffement climatique ? « Ciric La vie n’est pas mesurée par les respirations rait-il des anticorps, lui aussi, pour se protéger ? Le que l’on prend, mais par les moments qui covid-19 n’en serait-il pas un ? La question mérite- vous coupent le souffle », écrit un auteur rait sans doute d’être posée ! anonyme. Cette citation m’a fait penser à l’im- En tout cas, il a beau être microscopique, il a bou- portance que l’être humain accorde à l’oxygène, leversé le monde. Il a changé la face de la terre surtout lorsqu’il lui en manque. Asphyxié, il réalise du jour au lendemain. Une partie des malades n’a tout à coup que respirer est un acte vital et que pas survécu. La contagion continue. D’autres per- personne ne peut s’en passer. De manière générale, sonnes, surtout les plus fragiles, en meurent tou- la respiration se met en route dès la naissance et il jours. Même ceux qui se croyaient invincibles ont n’y a plus besoin, ni de réfléchir, ni de se poser des fini par admettre leur impuissance face à l’ampleur questions, à l’exception de personnes qui ont un de la maladie ! Même certains dirigeants politiques problème d’asthme ou toute autre maladie respi- ont eu le souffle coupé ! ratoire. Nous savons qu’un équilibre de l’écosystème est Dans la crise du covid-19, nous avons constaté la nécessaire pour ne pas suffoquer. Que fait-on donc souffrance de milliers de personnes en manque de pour protéger la planète contre le réchauffement souffle. Une fois que la petite bête microscopique climatique ? Le reportage que nous proposons dans pénètre dans les poumons, elle peut asphyxier ce numéro nous permet d’en parler. Il nous amène un être humain, le faisant suffoquer. En manque en Guyane, un département français à l’entrée de la de nourriture, on peut vivre plusieurs jours. Mais forêt amazonienne, poumon de la planète. quand on ne peut plus respirer, quelques minutes Elle a beau absorber notre pollution, alimenter la suffisent pour rendre l’âme. L’absence d’air conduit terre d’oxygène, apporter de la pluie, ses arbres ne à une mort certaine. cessent de disparaître à coup de haches, de tron- On peut en être sûr, cette crise ne sera pas la der- çonneuses et de feux. Protéger nos forêts permet- nière. Peut-on prévenir la prochaine ? Quel mode tra de préserver la vie sur terre. Comme disait Bruce de vie faut-il adopter pour éviter les futures pan- Lansky, auteur américain : « Le secret de la longévité, démies ? Sommes-nous capables d’en tirer les en- seignements qui s’imposent ? ■ c’est de continuer à respirer. » Le temps du confinement, l’arrêt des usines et, sur- tout, du transport aérien ont permis à la planète de mieux respirer. Des photos satellites ont mon- tré la diminution de la pollution de l’air pendant la crise. Pourquoi et d’où viennent les virus ? L’univers, contiendrait-il un système immunitaire ? Fabrique- revuefrance@gmail.com Juillet - août 2020 3
Reportage Guyane Là où l’arbre dit Dieu… Il y a eu le feu en Amazonie. Il y a la déforestation, les pollutions, les brigandages en forêt amazonienne. Il y a les menaces qui pèsent sur les habitants traditionnels de cette forêt… Et puis il y a le synode de l’Amazonie, prometteur pour l’Église et le monde… Entre les fleuves Oyapock, à l’est, et Maroni, à l’ouest, la Guyane constitue une porte d’entrée du plateau amazonien. Les spiritains y sont à l’œuvre depuis le XVIIIe siècle. L à, au cœur de la forêt (les Guyanais ne l’appel- Entendons l’arbre leront jamais du terme péjoratif « jungle »), il Cet arbre témoin, raconte. Il ne peut plus protéger y a l’arbre. Un arbre qui parle, qui dit Dieu. parce qu’il a été affaibli. Il ne peut plus avertir, car Il parle par la bouche de cet Amérindien qui ne nous sommes devenus sourds à ses appels. Il ne comprend pas que des hommes soient venus le peut plus montrer l’horreur de ce que nous pré- bouleverser dans son milieu de vie, lui imposer des parons, car nous sommes devenus aveugles. Il ne conduites au mépris de cet arbre qui est tout pour peut plus faire toucher au dessèchement de son lui. Cet arbre nous raconte combien le Bushinen- écorce, car nous sommes devenus insensibles. gué (le noir marron) est triste de le voir abattu, lui Et pourtant, Dieu continue à nous parler à travers qui les protégeait de tous les maux. Cet arbre nous la souffrance de l’arbre. Nous n’avons pas d’ex- dit comment il a laissé un peu de place à l’agri- cuse. En Guyane, tout cela est particulièrement culture vivrière lorsque les Hmong sont arrivés au perceptible. Il y a là un arbre à entendre et à tra- XXe siècle, chassés de leur lointain Laos. Cet arbre nous explique qu’il continue à recevoir des peuples duire aux mots de l’Évangile. ■ différents, venus de diverses régions du monde pour lui solliciter un peu de vie. Il est vraisemblable que cet arbre qui a accueilli les premiers spiritains de France métropolitaine, Au moment où nous mettions ce numéro sous presse, mi-juin, la autour des années 1778, en Guyane, soit le même Guyane connaissait une nouvelle poussée épidémique au covid-19, qui continue à accueillir les spiritains du Nigéria, avec des mesures de reconfinement partiel. Jusqu’à présent, le de Martinique, du Gabon, du Congo, de Haïti, de territoire avait plutôt bien résisté, malgré de premiers cas importés de Tanzanie, de Madagascar aujourd’hui. Ces seize métropole dès le mois de mars. Le relatif isolement du département confrères ont accepté la mission exigeante de pre- avait certainement dans un premier temps permis de circonscrire la mière évangélisation dans l’ouest du département maladie. Mais la Guyane partage 400 km de frontière avec le Brésil où ainsi que sur le fleuve Maroni. la pandémie était en mai /juin galopante. 4 Juillet - août 2020
Textes : Franz Lichtlé Photos : Michel Protain et Franz Lichtlé PARC AMAZONIEN Ipokan Ëutë DE GUYANE Il n’y a pas de limite en forêt. Le fleuve Maroni (appelé aussi Lawa ou Litani suivant l’usage local, la langue ou la localisation) est une voie de communication, au cœur de cette forêt, entre le Surinam et la Guyane, entre les villages qui longent le fleuve… Aïkou, à droite sur la photo, nous emmène en territoire wayana, le peuple dont il fait partie, accompagné de Hervé, spiritain en mission dans cette contrée éloignée.
Reportage éviter les contresens. Prêcher est Famille d’Aïkou, réunie pour le synode de Guyane une des difficultés qu’éprouve à Cayenne. Aïkou qui se prépare au diaco- nat permanent. Il faut traduire le sens biblique dans une culture étrangère à l’Évangile. Une culture ancestrale menacée L’Église catholique fait des ef- forts pour s’adapter à la culture amérindienne. Mais les Églises En terre wayana protestantes évangéliques sont Photos Michel Protain importantes en pays amérin- dien et leur présence pesante. Les évangéliques demandent Hervé Moutaleno, spiritain congolais, est le curé de la paroisse amérindienne aux Amérindiens de rejeter qui s’étend au nord de Maripa Soula. Avec lui et Aikumale Alemin, leur culture ancestrale ; ils se moquent des catholiques et de couramment appelé Aïkou, le 13 février, nous sommes allés à la rencontre leurs rites. d’un des peuples premiers du continent, les Wayana, et découvrir Ipokan Plus largement, le choc des Ëutë, « village de la liberté », appelé aussi « Freedom City ». cultures est difficile à vivre pour les Amérindiens, non reconnus L a pirogue glisse sur l’eau catéchiste philippin, martyr dans leurs droits fondamentaux1. verdâtre du fleuve, le piro- au XVIIe siècle, a été créée l’an Quand on est coupé de ses ra- guier connaît bien les en- dernier. Il faut encore faire de la cines, la tentation de l’alcool et droits où il faut passer, comme peinture, arranger les bancs et de la drogue est forte. Le suicide si une route était tracée dans le aménager les fenêtres de la cha- dans ces milieux est un véritable cours d’eau au milieu des ro- chers, des bancs de sable, des pelle. En juin, le P. Emmanuel Lafont devrait venir l’inaugurer fléau. ■ cascades appelées « sauts ». À et y déposer le Saint Sacrement. 1- La France n’a toujours pas ratifié « la l’horizon, de la brume et, par- Les communautés chrétiennes Convention 169 relative aux droits des fois, de la fumée à côté des car- s’étendent sur cinq villages. Il peuples indigènes et tribaux dans les pays bets (gîtes traditionnels) de petits faut que les célébrations aient lieu indépendants », adoptée en 1989 par villages. « Vous avez des choses sur chaque lieu à tour de rôle. Les l’Organisation internationale du travail, à bâcher ? » Le temps de mettre grandes fêtes sont célébrées à la agence des Nations-Unies. Cette convention nos paréos, de couvrir nos ap- paroisse centrale. Les liturgies reconnaît un ensemble de droits fondamentaux pareils photo, et il pleut à verse doivent se faire en wayana. C’est essentiels à la survie des peuples autochtones, là, où cinq minutes auparavant, tout un travail de tout traduire notamment leurs droits à la terre et à disposer nous nous protégions encore du avec les mots justes. Aïkou est d’eux-mêmes. La ratification donnerait du soleil. L’ondée est courte. Le soleil aidé par Yakapin, son épouse, poids à la demande de reconnaissance des revient, les sauts se succèdent. dans cette tâche délicate. Il faut Amérindiens en Guyane. Village de la liberté Voilà « Freedom City » qui se profile : le village qu’Aïkou, notre hôte, animateur de la petite communauté catholique amérin- dienne, a fondé avec sa famille. Aujourd’hui, elles sont quatre à y habiter ! Il nous conduit à tra- vers le village pour nous faire vi- siter la nouvelle chapelle, un peu Chorale Amérindienne Kali’nas, à l’église à l’écart. La paroisse San Pedro Sainte-Bernadette de Yalimapo. Calungsod, du nom d’un jeune 6 Juillet - août 2020
Témoignage Aïkou : « Nous n’avons qu’une parole » L ors de notre visite à Ipokan ëutë, nous avons demandé à Aïkou de nous parler de son peuple et de retracer son parcours au sein de l’Église. S’apprêtant à participer au 2e synode de Guyane, organisé en février dernier à Cayenne, il se réjouissait alors par avance « de voir l’Église de Guyane se retrouver pour réfléchir, prier et tracer l’avenir du diocèse ». « Les peuples se battaient pour du territoire. Le chef a dit que ce n’était plus possible et a créé une Aïkou avec son épouse et nouvelle génération d’Amérin- Franz Lichtlé des membres de sa famille. diens, avec une nouvelle langue, de nouveaux accents sur le Maroni : les Wayanas. Nous avons décidé de Français de l’Isère qui a fondé décidé de m’engager encore plus. ne plus faire la guerre. Nous avons Antecume Pata. C’est là que je Pendant un mois, j’ai lu la bible en promis. Nous n’avons qu’une pa- suis né ! Il y a huit ans, j’ai fondé wayana que m’avait donnée mon role que nous tenons… Mais il ne “Freedom City”, au nom wayana père, évangélique. En 2019, j’ai été faut pas qu’on nous embête ! de “Ipokan ëutë”. Je suis parti avec à Rome pendant trois semaines J’ai une obligation politique pour ma femme et mon fils. Quatre fa- pour le synode de l’Amazonie. mon peuple et pour le village que milles nous ont rejoints à ce jour. Brésiliens, Colombiens, Équato- j’ai fondé ! Fuyant la guerre civile Dans la région, il y a plusieurs riens, Guyanais, nous n’avons pas au Brésil, mes parents ont été ac- villages amérindiens : Antecume trop communiqué les uns avec cueillis par André Cognat, un Pata, Talwen, Helay, Wenke, les autres à cause de la langue, Aloike… Ils dépendent de Ma- mais nous avons beaucoup prié ripa Soula qui est la plus grande ensemble. Mgr Lafont m’a donné commune en surface de toute la l’acolytat et le lectorat. Quand j’au- France. J’ai été élu au conseil mu- rai approfondi ma formation, je André Cognat à Antecume Pata, nicipal de la ville1. pourrai être ordonné diacre. Mon village qu’il a J’ai une obligation vis-à-vis de épouse Yakapin est catéchiste avec fondé. l’Église catholique ! Les Églises moi, elle suit la formation comme protestantes évangéliques me de- moi. Elle traduit les chants, anime mandaient de les rejoindre. Mais la chorale et s’occupe de tout ce j’ai refusé de suivre une Église qui est liturgie. qui était contre la tradition amé- J’ai une obligation sociale pour rindienne. Je respecte ces Églises, mon peuple ! Je travaille au dis- mais je ne suis pas d’accord avec pensaire d’Antecume Pata. Nous leur démarche négative vis-à-vis sommes deux pour soigner les de mon peuple. En 2011, j’ai de- gens. J’aime ça, ça me rend heu- mandé le baptême dans l’Église reux. J’ai aussi une obligation pour catholique. Nous sommes les ma famille. Je suis marié et j’ai nouveaux chrétiens catholiques du Haut-Maroni. Je suis caté- quatre enfants. » ■ chiste, mais ça ne suffit pas. En Michel Protain 1– le 15 mars dernier, la liste a été réélue au 2016, aux JMJ en Pologne, j’ai premier tour avec plus de 54% des voix. Juillet - août 2020 7
Reportage Le grand fromager de Papaïchton est tombé dans la nuit du 16 au 17 février 2017. La base du tronc s’est redressée un an après sa chute. Un autel a été monté à côté de la souche pour que la population puisse y déposer ses offrandes. Avec les peuples des villages de la forêt Michel Protain Les Bushinengué sont autonomes. Ils n’aiment pas qu’on s’impose à eux. Ils se sont battus pour être libres. Ils se sont échappés de l’emprise de leurs maîtres esclavagistes. Ils ont vécu dans la clandestinité, dans le marronnage, en cachette dans la forêt. Ils sont entiers. On ne joue pas avec leur bien, leur culture, leur identité. Il faut les prendre tels qu’ils sont. On comprendra ainsi pourquoi l’arbre a une telle importance dans leur culture, dans leur foi, dans leur espérance. Toucher à la forêt, c’est toucher à leur âme. L e P. Michel Sellaye est là, chaise, derrière lui. « Béni soit son puis c’est la messe en aluku, une derrière l’autel sur lequel est saint nom… Béni soit Jésus Christ des langues bushinengué. L’en- exposé le Saint Sacrement, vrai Dieu et vrai homme… Bénis fant s’est réveillé et sert la messe. courbé comme accablé, en pose soient les pauvres… Bénis soient les Sans précipitation, la célébration d’humilité et de confiance. Trois malheureux… Bénis soient les ex- se poursuit, avec un petit partage jeunes femmes et cinq enfants ploités… Bénis soient les persécu- d’Évangile et puis la prière eucha- l’accompagnent dans cette petite tés… Bénis soient les persécuteurs… ristique, la communion et l’envoi… église Saint-Kisito1 de Papaïch- Bénis soient les méchants… » récite L’église est au milieu du village. Il ton. L’un des enfants dort sur une Michel. L’office des vêpres suit, n’y a pas grand-monde, mais elle accueille la vie du village, les bruits des multiples activités, les enfants qui jouent, les personnes qui tra- vaillent, la musique, des coups de marteau, les gens qui se saluent, des quads qui circulent… Tout cela nourrit la prière quotidienne de la petite communauté catholique. Brassage humain… Papaïchton est la capitale des Boni (ou Aluku), un des six groupes bushinengué. Michel Sellaye, spi- ritain martiniquais, en Guyane Le P. Samuel, spiritain nigérian, avec des depuis une quinzaine d’années, nous reçoit. C’est une nouvelle pa- Michel Protain paroissiens devant l’église Saint-Bernard d’Apatou. roisse qui dépendait auparavant de 8 Juillet - août 2020
se sont organisés en forêt ama- porter ses offrandes. À Apatou, Maison traditionnelle boni à Apatou. L’art « tembé » se compose de lignes zonienne. Ce n’est qu’à la fin du ça fait des années que, penché, un et de formes géométriques enlacées. XIXe siècle que la France a accueilli arbre vénérable risque de s’effon- Elles symbolisent le rapport de l’homme le groupe Boni dans le haut Maro- drer dans le fleuve. Personne n’ose au monde et à l’environnement naturel. ni, à Maripa Soula et Papaïchton. pas même y toucher, au risque En raison d’instabilités politiques d’une malédiction. L’ensemble de au Surinam et en Guyana, d’autres la population s’y soumet, même les groupes de Bushinengué, les Djuka nouveaux arrivants. Bushinengué, et les Saamaka ont traversé le fleuve Créoles, Haïtiens, Amérindiens, pour s’installer en Guyane, princi- Brésiliens, réfugiés de Guyana qui palement à Grand-Santi et Apatou, se disent « Anglais »… chacun ob- mais aussi à Kourou, à l’occasion serve l’usage et se soumet à l’inter- des grands travaux du centre spa- dit ancestral. tial. Leur langue est imprégnée Pour respecter les Bushinengué, d’amérindien, de hollandais, d’an- on commencera donc à apprendre glais selon le groupe. Les Aluku leur langue, le Bushi Tongo ou ou Boni sont Français. D’autres Nege Tongo, l’une d’elles tout groupes sont en majorité surina- du moins, puisqu’il y a plusieurs miens. nuances suivant les origines des Franz Lichtlé ancêtres : les Boni, les Ndyuca, les … Et arbres vénérables Paamaca… Chaque groupe sera Maripa Soula. « Avec le P. Michel, Quand un orage a fait tomber pris en considération. C’est une notre Église est vivante. Il sait se l’immense arbre fromager à l’en- langue qui se parle, pas de gram- rendre disponible, à tout instant. trée de Papaïchton, ce fut le drame. maire, pas de structure. Ceux qui Il nous guide avec douceur ! Il veut La ville semblait avoir perdu toute ont une oreille fine reconnaîtront toujours nous satisfaire. Il prie protection. On a attendu des mois, de l’anglais, d’où la facilité pour beaucoup pour la communauté. Il avant d’y toucher. On a fait des nos confrères anglophones de se comprend nos retards, nos absences, services liturgiques en signe d’ex- familiariser avec la langue. Mais on nos refus ! Il nous accepte comme piation pour demander pardon. y reconnaîtra aussi du néerlandais, nous sommes. Il s’est bien intégré à L’ensemble de ses feuillages, ses du créole… Il faudra aussi s’ajuster la communauté. Il nous impose les branchages et de son tronc ont été aux jeunes. Plus de la moitié de la règles avec douceur. Quand on lui dit qu’on ne peut pas, que ça ne mar- emportés bien loin en forêt au mi- lieu des autres arbres. La souche a population a moins de 30 ans. ■ chera pas… il nous répond qu’on n’a repris sa place, un petit lieu de culte 1 – du nom d’un enfant catéchumène, le plus pas encore essayé ! Il s’est entouré a été construit à ses côtés pour que jeune du groupe des vingt-deux martyrs de d’un conseil, il nous apprend à nous chacun puisse continuer à y ap- l’Ouganda. gérer et à gérer l’Église. » « Le missionnaire doit se donner entièrement. Il ne peut pas se per- mettre de faire les choses à moitié. Pour être heureux dans notre minis- tère, il faut être entièrement avec… Si on est partagé, divisé, on devient triste… ! », témoigne Wenky, spiri- tain haïtien à Grand-Santi. Les Bushinengué, littéralement « les peuples des villages de la forêt », sont issus des esclaves marrons de l’ancienne Guyane hollandaise, l’actuel Surinam, et de l’ancienne Guyane britannique, aujourd’hui Guyana. Ils avaient fui leur condi- Le P. Michel célèbre dans l’église tion en trouvant refuge dans la Saint-Kisito de Papaïchton forêt pendant de nombreuses an- Michel Protain avec des paroissiens. nées. Traqués, ils ont survécu et Juillet - août 2020 9
Reportage Stéphien Heu, diacre hmong, devant le centre du Rocher, chapelle construite par le P. Yves Bertrais, OMI, fondateur du village en 1979. « C’est Dieu qui nous a donné cette terre… » Franz Lichtlé Javouhey est un village de 2 000 habitants, essentiellement des Hmong. Calistus Nwokeji, spiritain nigérian accompagne la communauté depuis 2016. Un confrère spiritain vietnamien doit le rejoindre. L a principale activité des Hmong est l’agriculture, depuis leur arrivée à Ja- vouhey en 1979. Ils ont la main verte. Les grandes surfaces, les centrales d’achat et les marchés sont fournis en légumes par cette communauté. La vie ici est cha- leureuse. Le dimanche après la messe, ils organisent le marché et jouent aux boules. Beaucoup de touristes fréquentent les lieux. Les restaurants sont bien remplis. L’église Bienheureuse-Anne-Marie-Javouhey n’est pas assez grande pour les grandes fêtes, mais habituellement, il reste de la place. Le P. Calistus, spiritain nigérian chez madame Les gens sont très solidaires. « Quand on Arsenta, son fils, a des travaux à faire, la paroisse achète les et ses petits-enfants. matériaux et les paroissiens fournissent la main d’œuvre. » Les Hmong sont de grands travailleurs. Beaucoup d’Haïtiens viennent Michel Protain travailler pour eux. Les Hmong en Guyane Stéphien Heu, diacre hmong les familles en deuil. « J’essaie d’être patient Le P. Yves Bertrais, prêtre La Guyane compte trois diacres permanents pour préserver la langue et les traditions et Oblat de Marie Immaculé (OMI), a été expulsé du hmong. L’un d’eux est à Javouhey, les deux maintenir l’entente et la solidarité. » Il y a Laos en 1975. Il a œuvré autres sont à Cacao, autre communauté aussi un pasteur hmong à la communauté auprès du gouvernement hmong importante. Stéphien Heu assure protestante évangélique du village. Les re- français pour que des les préparations aux sacrements, principa- lations sont bonnes. réfugiés hmong puissent venir en Guyane. Il parlait lement, les baptêmes. Il accompagne aussi Madame Arsenta est une grand-mère bien le hmong très bien et avait dévouée pour la paroisse. Elle raconte : « On participé à la création de Marché à Cayenne. est arrivé en 1979. J’avais dix ans. Ici, c’était l’écriture cette langue qui la forêt. On a beaucoup travaillé pour pré- permet aujourd’hui encore parer les jardins. Au début, on mangeait le aux 8 millions de Hmong à travers le monde de com- riz que l’État français nous donnait, jusqu’à muniquer par écrit. Il a la première récolte. On a produit beaucoup traduit l’ensemble de la de légumes de toute sorte. On allait vendre liturgie ainsi que beau- en ville à vélo, en moto, en voiture. On a eu coup de textes de la Bible. Il a été enterré en France beaucoup de chance de recevoir ces terres, métropolitaine selon le car beaucoup de Hmong qui sont restés au rite hmong en 2007. ■ Michel Protain Laos ou au Vietnam n’ont pas de terre. » 10 Juillet - août 2020
Rencontre de spiritains à Cayenne lors du synode de Guyane. De gauche à droite : Samuel Akwuba, Frantz Volcy, Astyanax Obame-Nguema, Jude Monpoint, Zeny Michael « La Guyane forge Rasolofoarimanana, Wenky Frédérique, Frédéric Bakala, Athanase Nwosu, Hervé Moutaleno, une vie spirituelle » Gaëtan Mayama Kiyindou. Michel Protain En Guyane depuis 2007, Frédéric Bakala, spiritain du Congo-Brazzaville, a œuvré sur le Maroni, aussi bien avec le peuple bushinengué qu’avec le peuple amérindien. Il vient de commencer son deuxième mandat comme supérieur du groupe spiritain de Guyane. Peux-tu nous présenter le groupe qui sont éloignés. Nous attendons des Né le 21 septembre 1864 des spiritains en Guyane ? confrères affectés. Je tiens à visiter chaque à Villiers-le-Pré, le P. Victor Frédéric Bakala. Nous sommes un petit confrère au moins une fois par an. Renault fit profession groupe de seize spiritains sur huit lieux le 6 août 1922. Après la Martinique, il demanda et dix paroisses. Nous sommes fiers de Comment ça se passe à poursuivre son apostolat ceux qui nous ont précédés sur ce terri- avec le diocèse ? à Cayenne. Il vécut quinze toire, mais c’est aussi un défi pour chacun Ce n’est pas toujours simple de faire col- ans parmi les condamnés du bagne et avec les de nous. Pour moi comme supérieur, il laborer le groupe des spiritains avec les lépreux, dont il contracta s’agit d’approcher les confrères sur leurs structures diocésaines. Le diocèse est la maladie. Il est mort, lieux d’insertion, d’être attentif à ce qu’ils très créatif. On entreprend beaucoup de comme un saint qu’il était, le 13 octobre 1940, vivent, et les soutenir dans leurs questions choses, mais on n’évalue pas assez : les ac- à 76 ans. et manques. quis, les limites, les échecs, les oppositions, le suivi… C’est dommage ! Nous avons un Quelle sont vos priorités ? réel manque de ressources humaines et Nous avons décidé de prioriser notre pré- matérielles… sence sur le fleuve Maroni et dans l’ouest du département. C’est un choix de pre- Quelles sont les conditions pour être mière évangélisation. Nous nous sommes bien dans son apostolat en Guyane ? répartis en trois communautés régionales. Il faut laisser du temps au confrère qui L’objectif est de se retrouver une fois par arrive d’apprendre à connaître et à aimer mois pour échanger sur les pratiques pas- la région, ses cultures, son histoire, une torales, nos joies, nos difficultés et nos langue. Il faut aussi qu’il comprenne les projets. Le groupe a un besoin de dispo- orientations pastorales et missionnaires du nibilité, de souplesse et de mobilité de la part de chacun. Il n’est pas toujours facile groupe spiritain et du diocèse. Il est néces- saire que s’instaure une collaboration entre Prochain de respecter les engagements pris. Il nous le pays d’affectation et les pays d’origine des reportage paraît également important de passer du divers confrères. La Guyane forge une vie bon temps ensemble. spirituelle. Je ne suis plus le même qu’il y a Spiritains Certains confrères ne sont pourtant treize ans. J’ai appris à prendre sur moi, à trouver des forces en moi pour défendre les En mission pas en communauté… petits, victimes d’injustices, à affronter les dans C’est vrai, plusieurs confrères sont seuls sur leur lieu de mission. J’ai vraiment le réalités politiques, sociales, régionales. ■ un monde souci de ne pas laisser un confrère isolé. D’autres articles et photos du reportage en Guyane sur le site : www.spiritains.org confiné Je tiens à trouver des solutions pour ceux Juillet - août 2020 11
Famille spiritaine Événement Crise sanitaire Auprès des « oubliés du confinement » M. Tyrant Le Frère Marc Tyrant, spiritain et docteur en médecine, s’est mis en habit de service pour combattre le covid-19, à Paris, en se rendant auprès des personnes vulnérables sans domicile ou mal logés. Pourquoi as-tu choisi de rentrer en France complémentaires : alimentation, kits d’hygiène, pour lutter contre le covid-19 ? chèques services… Frère Marc Tyrant. Comme médecin, je me suis Du côté médical, nous informons les personnes profondément senti appelé à participer à l’effort rencontrées sur tout ce qui concerne l’épidémie en commun, avec les outils qui sont les miens. Étant cours. Nous répondons à leurs questions et à leurs membre d’une organisation médicale engagée sur inquiétudes. Nous détectons, prenons en charge le terrain et par ailleurs inscrit légalement comme et référons, au besoin, les cas suspects d’infection praticien en France, le plus simple était de me au coronavirus. Nous assurons également d’autres mettre à disposition de cette organisation dans besoins de santé, pour ces personnes qui n’ont pas mon pays d’origine. ou plus accès aux services qui fonctionnent en temps normal. En somme, nous nous consacrons Quelles sont les activités du quotidien ? aux « angles morts » de la crise. En raison des mesures légitimes et très strictes du confinement et de la nécessité de maintenir une Qu’as-tu observé en sillonnant les quartiers ? distanciation sociale, il est impossible de mainte- J’ignorais qu’il y avait, dans et autour de Paris, nir nos centres médicaux ouverts tant que le risque tant de bidonvilles et de squats. Pire : je ne les épidémique est élevé. Aussi nous nous consacrons voyais pas ! Quant aux personnes dans la rue, à rejoindre de façon systématique les personnes nous les apercevons si souvent et partout, que nous vulnérables sans domicile ou mal logées : par des finissons par les « effacer » de nos consciences. maraudes dans les rues de Paris, le jour auprès de Tous, ils constituent les « oubliés du confinement », migrants, disséminés dans des petits campements car leur vulnérabilité est exacerbée en cette ou sur le trottoir, ou la nuit auprès des SDF. Nous période de crise sanitaire. Par exemple, quand les rencontrons aussi par des cliniques mobiles on vit dans des lieux surpeuplés et insalubres dans les squats et les bidonvilles de la banlieue. comme les squats et les bidonvilles, comment Nous sommes souvent accompagnés d’autres peut-on se protéger du virus en maintenant les ONG partenaires qui peuvent fournir des services nécessaires « gestes barrières », tout en assurant 12 Juillet - août 2020
« Dans la rue ou dans les squats, comme aux urgences des hôpitaux, le soignant C’est un appel à nous libérer de notre suf- fisance. Il m’arrive souvent, ces jours-ci, de penser et le soigné sont tous deux exposés au même virus au fondateur des spiritains, Claude Poul- et leur rencontre est parfois à risque. lart des Places. Il y a plus de trois cents ans, Peut-être cette crise sanitaire nous apprendra dans les rues de cette même ville de Paris, c’est la rencontre concrète – et la révélation que cette commune vulnérabilité est ce qui unit les violente – des pauvres qui a suscité sa se- humains au-delà des différences d ’origine, conde conversion et qui l’a conduit à grou- de culture, de religion, de classe sociale. per autour de lui des « pauvres étudiants » qui consacreront leur vie au service d’autres pauvres. Je souhaite que la rencontre des les besoins essentiels du quotidien ? pauvres d’aujourd’hui, aux périphéries de Quand les hôpitaux sont sous extrême cette crise que nous vivons, dans ses angles tension, comment accéder aux consultations morts, mène les spiritains à une nouvelle médicales et renouveler les traitements découverte de leur vocation. Le chapitre gé- des maladies chroniques ? Quand les néral qui vient ne pourra pas ignorer ce que déplacements sont prohibés, comment s’assurer de maigres revenus : ferraillage, nous avons vécu et découvert. ■ mendicité, etc. ? Quand les administrations Extrait de l’interview de Samuel Mgbecheta fonctionnent seulement en télétravail, pour la revue Kontinente comment régulariser sa situation ? Quand on a des plaies, des fractures, des infections, comment les soigner si l’on est dans la rue et que l’on subit la violence quotidienne d’autres exclus ou le harcèlement de la police ? Cette précarité s’étend à de nouvelles po- pulations, comme en témoignent les files d’attente qui s’allongent devant les banques alimentaires. Que retiens-tu de cette expérience ? Le souvenir de rencontres émotionnel- lement fortes : des îlots d’humanité dans la violence de la rue ou la promiscuité des C. Loubelo habitats précaires. Il est impossible de sai- Chrislain Loubelo, CSSp sir toute la complexité et la richesse d’une existence, mais on peut partager quelques « Servir au Samu social : instants de simplicité et de vérité dans le une belle expérience de solidarité » contexte d’une proposition de soins ou Quand on ne vit point dans une bulle, on a bien tout simplement d’écoute, même si on sait conscience que la fragilité de l’autre est aussi la nôtre. M’inspirant de l’exemple d’autres témoins, j’ai entre- qu’on ne résoudra pas fondamentalement pris la démarche d’un service bénévole sur la plate- les problèmes. C’est toute la beauté du mé- forme du Samu social qui ouvrait des douches pour tier de soignant, et je retrouve le plaisir de les personnes en situation de rue. La proximité du site ma vocation. avec ma communauté (Marseille) a facilité les choses. Une vulnérabilité partagée : dans la rue ou Tous les mercredis à compter du 12 mai, j’assurais un service d’accueil au stade Vallier dans le quatrième dans les squats, comme aux urgences des arrondissement avec un agent de la ville : rappel et hôpitaux, le soignant et le soigné sont tous respect des gestes barrières, renouvellement des vê- deux exposés au même virus et leur ren- tements et accessoires dans la mesure de ce qui était contre est parfois à risque. Peut-être cette disponible, une boisson chaude ou froide. C’était une occasion d’échanges fraternels. En tant que spiritain, crise sanitaire nous apprendra que cette j’ai vécu cette expérience avec simplicité, n’accom- commune vulnérabilité est ce qui unit les plissant rien de spécial, mais en le faisant en étroite humains au-delà des différences d’origine, collaboration avec les autres. de culture, de religion, de classe sociale. Juillet - août 2020 13
Famille spiritaine Événement Crise sanitaire 4 000 jeunes confinés à accompagner Apprentis d’Auteuil accompagne des jeunes en difficulté. Le temps du confinement imposé en France n’a pas arrêté ses activités, comme le souligne Marc Whelan, spiritain délégué général à la tutelle et à la pastorale de l’institution. P endant la crise sanitaire, 4 000 jeunes point sur les différentes régions pour relever qui n’avaient pas d’autre possibili- défis et difficultés. Les aumôniers spiritains té pour se confiner sont restés chez ont été très présents avec leurs équipes. nous. Il s’agit des mineurs non accompa- Pour certains jeunes, déjà traumatisés par gnés, venus en France pour trouver refuge un parcours périlleux, le confinement a été et sécurité, et les enfants qui nous sont difficile et anxiogène. Mais la disponibilité, confiés par la protection de l’enfance. Cer- l’inventivité, le dévouement et la compé- taines de nos crèches également ont accueil- tence du personnel présent dans les éta- li les enfants du personnel soignant. blissements ont permis d’apaiser les esprits. Pour gérer ce temps de confinement, une Certains de nos collaborateurs et des jeunes cellule de crise a été mise en place, dès le ont été contaminés. Malheureusement, un 17 mars. Chaque jour, nous avons fait le éducateur est décédé. Nous lui rendons Blanquefort en Gironde « On s’est fixé des objectifs réalisables » Daniel Fasquelle, laïc spiritain associé, est directeur des établissements scolaires Saint-Joseph et de la Maison d’accueil de mineurs non accompagnés (Mamina) sous l’égide de la Fondation d’Auteuil à Blanquefort en Gi- ronde. « En apprenant la fermeture des établissements scolaires à la té- lévision, j’ai réuni dès le lendemain l’ensemble des équipes pour organiser la continuité pédagogique et éducative. Il nous fallait une attention particulière pour nos jeunes, dont beaucoup sont en difficulté ou en décrochage scolaire. On s’est fixé des objectifs réalisables d’une heure de travail par jour. Et on a sollicité des aides pour les jeunes qui n’avaient pas d’accès au numérique. » Le 19 mars, jour de la Saint-Joseph, saint patron de l’établisse- ment, tout en respectant les gestes barrières, une messe ras- semble la communauté éducative. Puis, Daniel mobilise toutes les forces vives à s’engager. Il confie les projets, les réalités de vie, les santés des enseignants, des jeunes, des éducateurs, de leurs familles à saint Joseph et au P. Brottier. Pour donner du relief aux journées, l’établissement a proposé des activités multiples : Daniel Fasquelle entretien du jardin potager, cours de capoeira, de tam-tams, de cuisine, apprentissage boulangerie, soutien scolaire… Tam-tams dans l’enceinte du jardin de Saint-Joseph. Estelle Grenon 14 Juillet - août 2020
Château des Vaux (Eure-et-Loir) « Est-ce que le virus a été voulu par Dieu ? » A umôniers spiritains, les PP. cricket, visionnage de films ou de Calvin Massawe et Jean- documentaires, temps d’écoute, de Edmond Rakotomalala, partage, d’ouverture, de connais- E. Shirima ont vécu le confinement en sance mutuelle et de solidarité. accompagnant les jeunes et tenté de La communauté de Sœurs du Cœur répondre à leurs interrogations. immaculé de Kongolo (Cimko) « Nous avons choisi d’être présents a porté fidèlement sa mission de au côté des jeunes pour traverser le présence et de prière avec les ani- temps de crise sanitaire ensemble, mations pendant les messes et les comme l’avait fait le P. Brottier en temps spirituels. Le temps des cé- partant au front lors de la Grande lébrations eucharistiques nous a P. Marc Whelan. Guerre. Nos interventions dans les soudés dans la prière pour les ma- foyers ont permis de sensibiliser les lades, les familles endeuillées et hommage pour le don de sa vie. jeunes sur l’importance de respec- les personnes volontaires en cette Les aumôniers et les équipes pas- ter les gestes barrières. En présence période de crise. Grâce à internet, torales ont accompagné les per- de jeunes originaires de cultures nous étions connectés avec une sonnes touchées par le deuil et par et de religions différentes, nous les quarantaine des collaborateurs. l’angoisse. Lors des fêtes pascales, avons accompagnés en respectant Avec l’équipe de direction, nous ils ont déployé toute leur créati- la foi et la sensibilité de chacun. partagions nos préoccupations et vité pour aider le personnel et les Il y a eu des temps d’échange ensemble rassurions les jeunes, les jeunes à célébrer ce moment im- pour mieux comprendre, lever familles et nos équipes sur le terrain portant du calendrier chrétien. les craintes et surtout parler et ré- et en télétravail. pondre aux questions des jeunes Comme un arbre tombé, et qui Garder contact qui se demandaient : “Est-ce que le continue à pousser malgré tout, ce Pour moi, comme pour beaucoup virus a été voulu par Dieu ? Est-ce temps nous rappelle que notre vie de mes collègues, le temps passé qu’on a une part de responsabilité ?” peut prendre une nouvelle orien- en visioconférence nous a permis De jour en jour, rester chez soi est tation plus positive pour changer de garder contact et de prendre les devenu de plus en plus lourd. Les le monde. Ces expériences res- nouvelles des uns et des autres. équipes et les éducateurs ont orga- semblent à des semences tombées Chaque semaine, j’ai publié sur nisé de multiples activités : soutien en terre qui donneront beaucoup de le site de la fondation deux textes scolaire, débat autour d’un thème, fruits pour les générations futures. pour alimenter la réflexion et la vélo, courses à pied, prise et mon- Soyons les bâtisseurs d’espérance et prière pendant ce temps de crise. tage vidéo, matches de foot et de d’avenir heureux. » Avec le déconfinement viennent d’autres défis et soucis. Je crois que nos fondateurs (Poullart des Places et Libermann) vont conti- nuer à nous accompagner dans notre travail en faveur des jeunes, confiants que nous sommes bien capables de répondre à l’appel. Car comme disait le Bienheureux Brottier : « C’est la confiance qui ■ sauve l’avenir » ! C. Massawe Marc Whelan Le P. Calvin massawe, assis à droite, P. Jean-Edmond Rakotomalala. avec les jeunes du Château des Vaux. Juillet - août 2020 15
Famille spiritaine Parcours Hommage au P. Bernard Foy Une théologie « au ras des arachides » Ancien spiritain, membre du comité de rédaction de l’Écho de la mission, le P. Bernard Foy était passionné par le développement des peuples. B ernard, « grand homme de taire internationale géraient notre Dès ta première mission en taille et d’esprit », portait le quotidien sans vergogne, à notre pays « minguissa » où tu diriges souci du lien entre moder- insu. Il expliquait comment un une école de garçons, tu prends nité et tradition, Parole de Dieu vêtement cousu en France « en- conscience d’un choc culturel entre et culture locale. Créatif et dyna- globait » le monde entier : le lin la tradition des villages camerou- mique, il s’est donné sans réserve cultivé en Inde était récolté et tra- nais et l’enseignement français à l’annonce de l’Évangile, notam- vaillé par des enfants et des ou- importé. Tu réalises rapidement ment par l’éducation. vriers mal payés, pour être enfin la nécessité de te plonger dans la proposé à bas prix en Europe. Sans langue « éwondo » parlée par la po- »Témoignage le savoir, nous sommes complices pulation locale. En 1957, Mgr Graf- de Sr Marie-Louise Kœssler, d’un commerce qui exploite les fin te confie la tâche de construire Sœur de la Charité pauvres pour enri- une nouvelle mission Témoin dynamique en œuvres de chir les puissants de au sud de Yaoundé. développement des peuples, Ber- ce monde, disait-il. Débarqué seul, sans nard a eu une longueur d’avance voiture, au beau mi- pour comprendre les méandres de »Hommage lieu du village d’Afan la mondialisation. Il y a vingt ans, (extrait) de son Oyo, avec juste une il disait déjà comment le monde neveu Lionel cantine cabossée et informatisé et la politique moné- Bernard, la lecture une petite valise, tu de la Bible t’était découvres une nou- familière, tu la li- velle facette de la vie Repères sais, l’analysais, t’en d’un missionnaire D. Baumann nourrissais. Tu nous pionnier : bâtir ! Sans parlais souvent de aucune expérience en « l’Alliance » propo- la matière, tu te lances sée par Dieu aux hommes tout au dans la construction de la nouvelle Srs de la Charité de Strasbourg long des textes de l’Ancien Tes- mission qui doit comprendre un tament. Tu étais fasciné par ce presbytère, une église et une école, Dieu-homme venu partager par selon la règle du triptyque spiritain. amour notre humanité. Tu aimais Pour toi, la mission d’évangélisa- réfléchir, faire réfléchir tes amis tion passe par la connaissance de 1925 naissance le 15 septembre africains, bien souvent dans « la la langue, des coutumes, des pro- à Port-Louis (Bretagne). palabre » sous un grand arbre, sur blèmes concrets de ceux à qui tu 1951-1998 missionnaire ce qu’est l’homme. Tu avais une t’adresses. Tu pratiques une théo- au Cameroun. grande espérance en « l’homme logie « au ras des arachides » selon 1998-2018 aumônier de Sœurs debout », appelé à la liberté, à la res- ta propre expression, qui ne sépare de la Charité de Strasbourg. ponsabilité et à l’autonomie grâce surtout pas vie sociale, vie écono- 2018-2020 Ehpad de la Toussaint (Strasbourg) où il rend son dernier au message de Jésus. Tu as été un émulateur et un témoin mission- mique et proposition spirituelle. ■ souffle, le 19 mars. naire, nous entraînant à une cer- Propos recueillis par taine intimité avec ce Jésus. Denise Baumann 16 Juillet - août 2020
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