EUROPOLITIQUE Aviation et écologie : le défi - Lequotidiendesaffaireseuropéennes Lundi29Novembre2010 SupplémentauN 4092 38e année

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EUROPOLITIQUE Aviation et écologie : le défi - Lequotidiendesaffaireseuropéennes Lundi29Novembre2010 SupplémentauN 4092 38e année
EUROPOLITIQUE
Aviation et écologie : le défi

  Le quotidien des affaires européennes   Lundi 29 Novembre 2010 Supplément au N° 4092 38e année
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EUROPOLITIQUE Aviation et écologie : le défi - Lequotidiendesaffaireseuropéennes Lundi29Novembre2010 SupplémentauN 4092 38e année
                                                                                                                    Lundi 29 Novembre 2010 N° 4092 EUROPOLITIQUE

Sommaire du supplément au n° 4092
L’industrie aéronautique doit                                 Le ciel unique doit                                             Bruit : une directive pas très
répondre au défi environnemental.......... 3                  rationaliser le trafic aérien.....................10            efficace mais révisée en 2011................16

Clean Sky travaille                                           P. Ky : « Fin
                                                                      �� ���� 2011,
                                                                              ������������������������
                                                                                    premier paquet de                         Le démontage, une filière
sur les avions de demain.......................... 5          produits                                                        industrielle pleine d’avenir....................18
                                                              et de procédures opérationnelles »........... 12
Le défi Open Rotor : gagner en                                                                                                L’avion qui repousse les
consommation sans perdre en bruit........ 6                   Aéroports : sur la route                                        limites au-delà du possible.....................20
                                                              de la neutralité carbone.........................13
Eric Dautriat, directeur exécutif de                                                                                          Trois questions à Bertrand Piccard,
l’entreprise commune Clean Sky............ 7                  Les députés européens veulent                                   médecin psychiatre et aéronaute,
                                                              une industrie plus ambitieuse...............14                  initiateur du projet Solar Impulse.........22
F. Gayet : « L’Europe
           �� ��������������������������
                        a eu un parcours
remarquable depuis trente ans »............. 8                L’industrie américaine réclame
                                                              aux régulateurs plus d’incitants ............15

                                     Dossier coordonné par Anne Eckstein et Isabelle Smets

                                       E-MAIL                            Secrétariat de rédaction :            Correspondants :                    MARKETING-ABONNEMENTS
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EUROPOLITIQUE Aviation et écologie : le défi - Lequotidiendesaffaireseuropéennes Lundi29Novembre2010 SupplémentauN 4092 38e année
EUROPOLITIQUE N° 4092 Lundi 29 Novembre 2010                                                                                                         

L’industrie aéronautique doit répondre au défi environnemental
Par Isabelle Smets                                      indispensable aujourd’hui. Beaucoup               le futur système de gestion du trafic aérien
                                                        pensent en effet que l’on n’est pas loin du       en Europe, lui aussi en développement (lire
   L’Organisation de l’Aviation Civile Inter-           meilleur que l’on puisse obtenir avec les         pages 10-12). L’objectif environnemental
nationale (OACI), l’agence spécialisée des              formules d’avion classiques et qu’il faudra       est de diminuer l’impact de chaque vol de
Nations unies en matière d’aviation, s’est              passer à des configurations différentes pour      l’ordre de 10 %, grâce à la réduction de la
engagée à ce que les émissions de CO2 de                obtenir encore des gains environnemen-            quantité de carburant utilisée.
l’aviation internationale soient stabilisées à                                                               Mi-2010, le Conseil consultatif pour
partir de 2020, que l’efficacité du carburant             Un constructeur comme                           la recherche aéronautique en Europe
d’aviation soit améliorée de 2 % par an jus-                                                              (ACARE), qui regroupe Commission
qu’en 2050, et qu’une norme sur les émis-                   Airbus consacre 80%                           européenne, États membres et industriels,
sions de CO2 des moteurs d’avions soit éta-                de ses financements en                         a confirmé un agenda de recherche ambi-
blie d’ici 2013. Cela s’est passé à Montréal,             R&D à des améliorations                         tieux pour l’Europe qui vise à mettre sur le
Canada, le 8 octobre 2010. Au moment où                                                                   marché en 2020 les technologies permet-
les négociations climatiques reprennent à
                                                             environnementales                            tant de diminuer le CO2 de 50 %, le NOx
Cancun, au Mexique, et ce n’est évidem-                                                                   (oxyde d’azote) de 80 % et le bruit de 50 %
ment pas un hasard.                                     taux significatifs. Ce qui rend la recherche      par rapport à l’an 2000. Gagner sur les trois
   Car l’industrie aérienne est sous pression,          d’autant plus risquée et coûteuse pour l’in-      tableaux - CO2, NOx, bruit - reste cepen-
singulièrement depuis qu’ont débuté les                 dustrie. Mais a-t-elle le choix ? Alors que de    dant un véritable défi et des arbitrages sont
négociations post-Kyoto en 2007. Certes,                nouveaux acteurs aéronautiques montrent           continuellement nécessaires entre ces trois
l’on considère généralement que l’aviation              le bout du nez - la Chine ne cesse d’affir-       cibles. Mais ce qui est certain, c’est que le
ne contribue que pour 2 % au total des émis-            mer ses ambitions dans le domaine -, c’est        prix du baril, l’épuisement des ressources
sions de CO2 dans le monde. Mais en tenant              le prix à payer pour permettre à l’Europe de      pétrolières, les politiques publiques type
compte de l’effet des autres émissions et des           rester à la pointe.                               échange des droits d’émission (ETS) ou de
particularités de ce mode de transport - l’al-             La chasse aux émissions s’effectue aussi       limitation du bruit autour des aéroports (lire
titude à laquelle ces émissions sont émises             sur le terrain des opérations aériennes. Itiné-   page 16-17) font aujourd’hui de la recher-
- le groupe d’experts des Nations unies sur             raires raccourcis, procédures d’atterrissage      che en faveur d’avions moins gourmands,
le climat (GIEC) évalue l’impact global de              repensées, limitation des temps d’attente         moins lourds, plus aérodynamiques, plus
l’aviation sur le changement climatique à               avant décollage. Ce sont des millions de          silencieux, un véritable enjeu économique.
5 %. C’est déjà plus significatif. Et c’est sans        tonnes de CO2 qui peuvent être économi-           Il ne faut pas y voir de la philanthropie de la
tenir compte du doublement prévu du trafic              sées chaque année. C’est l’affaire de SESAR,      part du secteur. n
aérien entre 2005 et 2020. Dans l’UE entre
1990 et 2005, les émissions de CO2 produi-
tes par l’aviation ont augmenté de 87 %,                    Le secteur a ses propres                      (très) long terme et si aucune contrainte
alors que les émissions totales baissaient                  objectifs                                     légale n’encadre cet engagement. Avec
parallèlement de 5,5 %.                                     Indépendamment de l’OACI, le secteur          une amélioration de l’efficacité énergéti-
   Pas d’issue : l’industrie aéronautique                   aérien a défini ses propres objectifs envi-   que de 1,5 % par an, ces objectifs sont
doit répondre au défi environnemental.                      ronnementaux, fin 2009, à la veille de la     par contre moins ambitieux sur le court
Cette bataille, elle la mène sur le front de                conférence de Copenhague sur le chan-         terme que ceux de l’OACI (2 % par an).
la recherche d’abord : sur les carburants                   gement climatique. Il s’engage à stabiliser   Pour François Gayet, le secrétaire géné-
alternatifs, sur l’allégement des structures,               ses émissions de CO2 et à atteindre une       ral de l’association représentant l’in-
sur l’aérodynamique, sur les moteurs. Un                    croissance neutre en carbone à partir de      dustrie aéronautique en Europe (ASD),
constructeur comme Airbus consacre 80 %                     2020, à améliorer son efficacité énergéti-    « cela implique qu’il va falloir accélérer
de ses financements en R&D à des amé-                       que de 1,5 % par an en moyenne jusque         certains développements, en particulier
liorations environnementales. Les avions                    2020, et à réduire ses émissions de CO2       sur SESAR et le ciel unique européen,
d’aujourd’hui sont 70 % plus efficaces sur                  de 50 % d’ici 2050 par rapport à 2005.        qui sont des éléments importants pour
le plan énergétique - et 75 % plus silen-                   Ces objectifs sont le fruit d’un accord       amener ces réductions. C’est aussi clai-
cieux - qu’il y a quarante ans, 20 % qu’il y                du secteur aérien dans son ensemble :         rement lié au renouvellement des flot-
a dix ans. En Europe, un programme de                       ils sont soutenus au niveau international     tes ». En clair : les constructeurs peu-
recherche comme Clean Sky (lire pages                       par les compagnies aériennes, les aéro-       vent prédire ce que leurs avions seront
5-7), qui implique avionneurs, motoristes,                  ports, les services de navigation aérienne    capables de faire mais il faut aussi que
équipementiers, permet d’aller explorer les                 et l’industrie aérospatiale.                  les compagnies aériennes choisissent
technologies de rupture, qui permettront                    Contrairement à l’OACI, le secteur s’en-      d’optimiser leurs flottes plutôt que de
de véritables gains environnementaux.                       gage donc sur un objectif chiffré de          payer des droits d’émission dans le
Et si c’est beaucoup plus coûteux qu’une                    réduction du CO2. Même si c’est sur le        cadre de législations type ETS.
recherche classique, c’est aussi devenu

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EUROPOLITIQUE                                                                                                                                                                                                                             LE QUOTIDIEN DES AFFAIRES EUROPEENNES

                                                                                         Nous avons les détails !

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        ❏ 6 mois, soit 112 numéros (version papier + HTML + PDF) au prix de 935 € (1) .                                                                                                                                                                                                                                                           AIDEZ-NOUS À MIEUX VOUS CONNAÎTRE
        ❏ 1 an, soit 223 numéros (version papier + HTML + PDF) au prix de 1785 € (1) .                                                                                                                                                                                                                                                    VOTRE ACTIVITÉ                                          VOS INTÉRÊTS
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          ❏ Ambassades                                            ❏ Agro-industrie et agriculture
        ❏ 6 mois, soit 112 numéros ( PDF + HTML) au prix de 795 € (1) .                                                                                                                                                                                                                                                                   ❏ Associations, fédérations,                            ❏ Concurrence
        ❏ 1 an, soit 223 numéros ( PDF + HTML) au prix de 1520 € (1) .                                                                                                                                                                                                                                                                      syndicats, fondations, ONG                            ❏ Consommateurs
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          ❏ Chambres de commerce                                  ❏ Energie
        Je souhaite recevoir Europolitique en : ❏ français ❏ anglais                                                                                                                                                                                                                                                                      ❏ Consultants et avocats                                ❏ Environnement
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          ❏ Entreprises                                           ❏ Finance, fiscalité et économie
     ❏ Je souhaite recevoir un numéro gratuit de EUROPOLITIQUE en: ❏ français ❏ anglais                                                                                                                                                                                                                                                   ❏ Finance, banque, assurance                            ❏ Industries et Entreprises
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          ❏ Institutions européennes                              ❏ Justice et affaires intérieures
Nom : ........................................................................................................................................... Prénom : ..........................................................................................................................................................                     ❏ Instituts de recherche,                               ❏ Médias          ❏ PME
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            bureaux d’étude, universités                          ❏ Politique européenne générale
Organisation : ....................................................................................................................... Activité : ..........................................................................................................................................................                              ❏ Médias et communication                               ❏ Relations UE-pays tiers
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          ❏ Ministères et parlements                              ❏ Science et Recherche
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            nationaux                                             ❏ Sécurité et Défense
Fonction : .................................................................................... TVA : ❏ Non, ❏ Oui : N° ............................................................................................................................................................                                                      ❏ Missions, représentations                             ❏ Social et Emploi
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            auprès de l’UE                                        ❏ Société de l’information
Adresse : .....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................           ❏ Autres : .......................................      ❏ Transports
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            ...................................................   ❏ Autres : .......................................
Code Postal :                     ............................................................................. Ville :.............................................................................................................................................................................................................
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       Si l’adresse de facturation est différente de l’adresse de livraison, merci de nous l’indiquer. Veuillez
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                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       Pour les abonnements multiples et les licences multi-utilisateurs, nous consul-
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EUROPOLITIQUE N° 4092 Lundi 29 Novembre 2010                                                                                                              

Clean Sky travaille sur les avions de demain
Par Isabelle Smets
                                                            Les thèmes de recherche                           file : AgustaWestland (Italie, Royaume-Uni)
   La part du budget consacrée à l’aéronauti-               - Les ailes laminaires. C’est-à-dire              et Eurocopter (France, Allemagne).
que dans le 7e programme-cadre de recher-                   des ailes dont l’aérodynamique est telle          - Les moteurs verts. C’est le domaine
che et développement technologique de                       que l’écoulement de l’air ne produit pas de       de recherche qui englobe la plus grande part
l’UE (7e PCRD 2007-2013) est de 2,2 mil-                    turbulence, minimisant la traînée et donc         du budget de Clean Sky : 27 %. Rolls-Royce
liards d’euros. Dont plus d’un tiers - 800 mil-             diminuant la consommation de carburant.           (Royaume-Uni) et Safran (France), les deux
lions d’euros - est dédié à un programme                    Le choix est fait, dans Clean Sky, d’une          leaders, veulent notamment mettre le paquet
emblématique dénommé « Clean Sky ». Le                      laminarité « naturelle », c’est-à-dire entière-   sur la recherche liée à « l’open rotor », un
nom parle de lui-même : il s’agit de donner                 ment liée à la définition du profil et à l’état   moteur au nouveau design (lire page 6) qui
un coup d’accélérateur à la recherche pour                  de surface de l’aile, sans mettre en œuvre        doit permettre de réduire considérablement
des avions plus propres, moins bruyants, plus               de mécanismes actifs à bord de l’avion. Si        la consommation de carburant.
aérodynamiques, moins gourmands en car-                     elle fait ses preuves, cette technologie sera     - L’éco-conception. Les équipes tra-
burant. Les technologies développées dans le                mature à la fin du programme. Les chefs           vaillent sur le choix des meilleurs maté-
cadre de Clean Sky pourraient équiper la pro-               de projets sont Airbus (France, Allemagne,        riaux - les plus légers, les moins polluants
chaine génération d’avions. Dont le succes-                 Royaume-Uni, Espagne) et Saab (Suède).            (peinture), les mieux recyclables, etc. - pour
seur du monocouloir A320, véritable « vache                 - Les avions de transport régional.               toutes les phases de la chaîne de vie des
à lait » du constructeur européen.                          Un domaine qui englobe des recherches             avions. Les chefs de file dans ce domaine
   Les objectifs sont ambitieux : les produits              sur des structures composites avancées            sont Dassault Aviation (France) et Fraunho-
que le programme validera devraient per-                    destinées à rendre l’appareil le plus léger       fer Gesellschaft (Allemagne). Le budget de
mettre de réduire les émissions de CO2 des                  possible, sur des technologies permettant         Clean Sky qui lui est consacré est de 7 %.
différents types d’aéronefs de 20 à 40 %, les               de diminuer l’impact sonore des appareils,        - Les systèmes pour des opérations
émissions d’oxyde d’azote (NOx) de 20 % à                   et sur des systèmes qui rendront l’appareil       respectueuses de l’environnement.
60 % et le bruit de 10 à 20 dB. Le gros du                  capable d’optimiser sa navigation. Bien que       Ici, les équipes travaillent sur les mécanis-
budget est concentré là où les gains envi-                  pensées pour un avion régional, les techno-       mes d’optimisation des trajectoires de l’ap-
ronnementaux sont potentiellement les plus                  logies développées pourront aussi équiper         pareil et la gestion des flux d’énergie dans
prometteurs : les recherches sur les moteurs                les moyens et longs courriers. Ce domaine         l’avion (l’idée est de concevoir un avion doté
et sur l’aérodynamique.                                     de recherche compte pour 11 % dans le             du plus grand nombre possible d’équipe-
                                                            budget de Clean Sky. Les chefs de file sont       ments électriques afin de supprimer tuyau-
EN SITUATION OPÉRATIONNELLE                                 Alenia Aeronautica (Italie) et EADS CASA          teries, pompes et autres fluides polluants et
   « C’était un maillon indispensable pour                  (Espagne).                                        diminuer la consommation de carburant,
rendre plus efficace et plus applicable la                  - Les hélicoptères. Dans ce domaine               donc les émissions de CO2). Pratiquement
recherche aéronautique européenne », expli-                 (10 % du budget de Clean Sky), la recher-         20 % du budget de Clean Sky est consacré
que Eric Dautriat, le directeur exécutif de                 che est focalisée sur les pales et moteurs        à ces recherches, avec comme chefs de file
l’entreprise commune Clean Sky, qui pilote                  innovants, visant la réduction du bruit et de     Thales (France) et Liebherr (Allemagne).
le programme. Car Clean Sky n’est pas un                    la consommation de carburant. Chefs de
programme de recherche classique. Dans le
jargon, on parle d’une « initiative technologi-         jugés stratégiques, comme justement une               sion européenne finançant une part équiva-
que conjointe » (ITC), nouvel instrument de             aviation plus propre. Une ITC suppose un              lent. Cela permet de créer une masse critique.
partenariat public-privé créé par le 7e PCRD,           investissement financier important de la part         La démarche est pluridisciplinaire, implique
qui vise le financement de grands program-              de l’industrie, soit au moins 800 millions            les avionneurs, motoristes, équipementiers,
mes de recherche dans quelques domaines                 d’euros dans le cas de Clean Sky, la Commis-          avec des recherches menées en parallèle sur,
                                                                                                              en gros, tout ce qui constitue un avion et la
                                                                                                              manière de le fabriquer (voir les domaines de
                                                                                                              recherche en encadré).
                                                                                                                 Clean Sky réunit tout ce qui compte dans
                                                                                                              le secteur aéronautique en Europe. Quelques
                                                                                                              grands noms : Airbus, Saab, EADS, Alenia,
                                                                                                              AgustaWestland, Eurocopter, Rolls-Royce,
                                                                                                              Thales, Dassault Aviation ou Safran. L’intérêt
                                                                                                              de ce type de méga-projet est de permettre
                                                                                                              d’aller explorer les technologies de rupture,
                                                                                                              qui permettront de véritables gains environ-
                                                                                                              nementaux. Exemple avec un moteur diesel
                                                                                                              développé pour les hélicoptères légers et

En vente uniquement par abonnement © reproduction interdite en toutes langues                                                            www.europolitique.info
                                                                                                                Lundi 29 Novembre 2010 N° 4092 EUROPOLITIQUE

dont on attend des gains de consommation                classiques de R&D, c’est que Clean Sky se                          vent avoir des interactions avec les autres ».
de carburant - et donc des émissions de CO2             situe à l’aval du processus de recherche, qui                      C’est le stade le plus « abouti » de la recher-
- qui peuvent aller jusque 40 %. Exemple                permet d’arriver au stade des démonstrations                       che. Et le plus coûteux aussi.
aussi avec l’open rotor, un nouveau type de             intégrées. On ne vise plus les technologies                           Après une période de mise en route plus
moteur d’avion qui sera testé en vol et qui doit        individuelles testées en laboratoire, mais                         lente que prévue, le programme a maintenant
permettre des gains d’émissions de CO2 de               on arrive à des démonstrateurs en situation                        atteint son rythme de croisière. Le 29 septem-
l’ordre de 20 % par rapport aux moteurs clas-           opérationnelle. En clair, toutes les technolo-                     bre 2010 est d’ailleurs à marquer d’une pierre
siques. « C’est très significatif, explique Eric        gies développées seront rassemblées sur des                        blanche pour les équipes de Clean Sky : c’est
Dautriat. Dans l’amélioration des moteurs               avions pour être testées en situation représen-                    à cette date que s’est déroulée la première
classiques, les gains se comptent généralement          tative. L’avion est un tout et c’est un avantage                   démonstration en vol, sur un Airbus A380. Il
en quelques pourcents : 1, 2, 3 %. Ici, c’est vrai-     de pouvoir travailler sur les différentes com-                     s’agissait de tester en situation réelle l’aérody-
ment un changement de concept, qui résulte              posantes en même temps. « Les essais en vol                        namique et les performances anti-glace d’une
en un bénéfice très important. »                        permettent d’observer le comportement global                       nouvelle technologie réduisant les émissions
   L’autre intérêt par rapport aux programmes           d’un certain nombre de technologies qui peu-                       sonores des moteurs d’avions classiques. n

Le défi Open Rotor : gagner en consommation sans perdre en bruit
Par Isabelle Smets                                      développé au milieu des années 1980 par                            quées et travailler sur deux projets permet
                                                        GE Aviation - des vols d’essais ont même                           de maximiser les chances d’aboutir à une
   Un des projets phares du programme                   eu lieu - avant d’être abandonné au profit                         démonstration couronnée de succès. « En
Clean Sky vise le développement des                     d’amélioration plus classiques des moteurs,                        outre, Rolls-Royce et à Safran sont les deux
technologies « Open Rotor », du nom                     moins spectaculaires en économie de car-                           premiers motoristes européens, possédant
d’un nouveau type de                                                                                                                     aujourd’hui des positions
moteur qui pourrait bien                                                                                                                 très fortes dans la motorisa-
équiper les générations futu-                                                                                                            tion des avions de 150 places
res d’avions monocouloirs.                                                                                                               type A320 - B737. Donner à
Les gains environnemen-                                                                                                                  chacun d’eux la possibilité, à
taux attendus sont consi-                                                                                                                travers Clean Sky, de main-
dérables puisque l’on parle                                                                                                              tenir ces positions de maître
d’une baisse de consomma-                                                                                                                d’œuvre dans l’hypothèse
tion - et des émissions de                                                                                                               - crédible - où l’Open Rotor
CO2 qui l’accompagnent                                                                                                                   constitue la future généra-
- de l’ordre de 20 % par rap-                                                                                                            tion, est un atout pour la
port aux moteurs classiques.                                                                                                             compétitivité européenne »,
Pour prendre la mesure du                                                                                                                dit Eric Dautriat, directeur
progrès, il faut savoir que                                                                                                              exécutif de l’entreprise com-
les améliorations sur des                                                                                                                mune Clean Sky.
                                                                                                                                        © Cleansky

moteurs classiques engen-                                                                                                                   Quant au problème du
drent des gains se comptant                           Une « soufflante non carénée » : les pales du moteur à l’air libre                 bruit, c’est clairement un des
généralement en quelques                                                                                                                 points critiques du projet.
pourcents, moins de 5 %.                                burant mais plus convaincantes en termes                           Les travaux sur cet aspect impliquent à
   Une telle avancée ne peut se faire que               de bruit. Car il est essentiellement là, le                        la fois les motoristes, pour l’optimisation
grâce à des ruptures technologiques.                    problème de l’Open Rotor : avec des pales                          du profil des pales, et les avionneurs, pour
L’Open Rotor est fondamentalement                       à l’air libre, le bruit n’est plus bloqué par                      trouver des solutions d’architecture mas-
différent d’un moteur classique. Dans le                la nacelle du moteur.                                              quant le plus possible le bruit. Gagner
jargon, on parle d’une « soufflante non                    Deux projets d’Open Rotor sont menés                            sur les deux tableaux - bruit et CO2 - est
carénée », ce qui signifie, en gros, que les            parallèlement au sein de Clean Sky, dirigé                         difficile. « Mais je ne crois pas qu’il faille
pales du moteur sont à l’air libre. Cela n’a            l’un par Rolls-Royce et l’autre par Safran.                        se dire aujourd’hui qu’on doit perdre d’un
l’air de rien mais ce « détail » obligera               Chacun des deux motoristes a effectué ses                          côté pour gagner de l’autre », explique
les constructeurs à concevoir leurs avions              propres choix dans les principales techno-                         Eric Dautriat. On gagnera moins en bruit
d’une manière totalement différentes puis-              logies impliquées, d’où une investigation                          avec un Open Rotor qu’avec un turbofan
que les moteurs ne seront plus placés sous              plus large qu’avec un seul partenaire. Une                         (moteur classique, ndlr) mais cela ne veut
les ailes - en raison notamment du risque               seule des technologies qui sortira de ces                          pas dire que l’on perdra par rapport à la
induit par le détachement d’une pale,                   recherches sera testée en vol, en 2015 selon                       situation d’aujourd’hui. Les avions équi-
qui pourrait endommager les ailes - mais                le calendrier Clean Sky. Pourquoi deux                             pés d’un Open Rotor seront au moins aussi
à l’arrière du fuselage. En soi, le concept             partenaires ? Parce que les technologies les                       silencieux que les avions équipés de moteurs
n’est pas tout à fait nouveau puisqu’il a été           plus prometteuses sont aussi les plus ris-                         classiques actuellement ». n

www.europolitique.info                                                                        En vente uniquement par abonnement © reproduction interdite en toutes langues
EUROPOLITIQUE N° 4092 Lundi 29 Novembre 2010                                                                                                                           

Eric Dautriat, directeur exécutif de l’entreprise commune Clean Sky
Par Isabelle Smets                                                  moteur n’entrent pas en jeu. L’ensemble             Statutairement, l’entreprise commune Clean
                                                                    des moteurs développés dans le cadre de             Sky est établie jusque 2017. Ensuite, on est
                                                                    Clean Sky pourra être rendu compatible              dans le contexte du 8e PCRD. Aujourd’hui,
                                                                    avec des biocarburants. Il n’y a pas de risque      il est trop tôt pour dire ce qui sera proposé, et
                                                                    de contradiction. Les principaux problèmes          a fortiori décidé, mais les concepts d’« initia-
                                                                    à résoudre pour l’utilisation des biocarbu-         tive commune conjointe » et de recherche
                                                                    rants sont à l’amont, dans toute la phase de        à haut niveau d’intégration technologique, à
                                                                    production industrielle, plus que dans leur         la base de Clean Sky, sont en train de faire
                                                                    utilisation par l’aéronautique.                     leurs preuves. Je pense qu’il serait assez légi-
                                                                    - Clean Sky est cofinancé par le 7e pro-            time de renouveler cette initiative dans le 8e
                                                                    gramme de recherche et développement                PCRD. Avec des objectifs qui seront forcé-
                                                                    de l’UE (PCRD). Comment voyez-vous                  ment renouvelés. n
                                                                    l’après 2013 ?
                                                       © Cleansky

                                                                                                                        filières alimentaires. Ils pourraient être fabri-
      « Légitime de renouveler cette initiative dans
                      le 8e PCRD »
                                                                      Et du côté des biocarburants ?                    qués à partir de résidus agricoles (tiges,
- Quand les technologies développées dans                             Clean Sky ne travaille pas sur les carbu-         feuilles...), forestiers (copeaux, sciures...),
le cadre de Clean Sky pourront-elles être                             rants. Mais l’après-kérosène est sur toutes       ou d’algues. Ces dernières ont l’avantage de
mises sur le marché ? À temps pour, par                               les lèvres. Depuis quelques années, l’inté-       pousser plus rapidement que les végétaux
exemple, équiper la prochaine génération                              rêt des avionneurs et des motoristes s’est        terrestres (entre 30 et 300 fois plus vite) et
d’Airbus prévue pour remplacer l’A320 ?                               renforcé, à la faveur des montées de prix         peuvent être cultivées en bassin, en lagune,
Les démonstrations sont prévues essentiel-                            du baril et des questionnements sur l’épui-       dans de l’eau douce ou de l’eau de mer. Elles
lement entre 2013 et 2015. À partir de ce                             sement des réserves de pétrole. Ce que le         n’entrent pas en concurrence avec les filières
moment-là, il faut entrer dans une phase de                           secteur recherche, ce sont des solutions          alimentaires. « Il y a quelque 200 000 espè-
développement qui prend quelques années                               qui pourraient se substituer au kérosène          ces d’algues disponibles pour la recherche
mais qui ne relève pas de Clean Sky, dont le                          traditionnel sur les avions existants, avec       dans les carburants d’aviation », explique-t-
rôle s’arrête à la fin de la phase de recherche.                      un minimum de modification des avions et          on chez Airbus. L’avionneur estime que les
On peut compter qu’au début des années                                des moteurs (on parle de « drop-in »). Cer-       biocarburants pourraient représenter jus-
2020, il deviendra possible d’utiliser opéra-                         taines pistes ont d’ores et déjà été exclues,     qu’à 30 % du carburant avion utilisé d’ici à
tionnellement les technologies Clean Sky.                             comme la voie éthanol, au pouvoir calori-         2030. Lors du salon aéronautique de Berlin,
Mais tout dépend des stratégies industriel-                           fique très inférieur à celui du kérosène (ce      en juin 2010, sa maison mère, EADS, a
les de remplacement des avions. Il y a des                            qui nécessiterait de grossir les réservoirs       réussi à faire voler un bimoteur à partir d’un
objectifs calendaires assignés aux différents                         des appareils), ou les huiles végétales non       carburant produit entièrement à partir d’al-
démonstrateurs, qui sont liés à la perspective                        transformées, qui gèlent entre 0° et -10°         gues. Une première mondiale.
des nouvelles générations d’avions, l’A320                            (la température descend sous les 50 °C à          Depuis le début 2008, une série de vols
comme le Boeing 737 d’ailleurs. L’objectif                            11 000 mètres d’altitude). Les carburants         d’essai très médiatisés ont en tout cas eu
est d’être prêt à temps, c’est évident, mais                          synthétiques fabriqués à partir de ressour-       lieu, qui ne doivent cependant pas laisser à
quant à savoir si, et à quel moment, les tech-                        ces fossiles - le charbon, le gaz naturel ou la   penser que des solutions sont à portée de
nologies Clean Sky seront choisies, c’est                             biomasse - sont une piste déjà assez avan-        main. Tant Airbus que Boeing sont sur le
l’affaire des avionneurs. C’est le marché                             cée, même s’il faut tenir compte, dans leur       coup. Mais tout le monde est bien conscient
qui pilote. Cependant, le cofinancement                               bilan environnemental, d’un raffinage qui         qu’il faudra encore pas mal de temps avant
des activités de Clean Sky par l’industrie                            produit beaucoup de CO2.                          que ce type de carburant puisse ravitailler
donne une solide assurance de l’intérêt du                            Et il y a les biocarburants. « On était encore    nos avions. Et le vrai problème sera sur-
monde industriel et commercial pour ces                               prudent il y a deux ou trois ans, mais l’indus-   tout de développer des filières industrielles
technologies.                                                         trie fait maintenant des essais en vol, a pu      qui soient capables de produire ces carbu-
- Le fait que Clean Sky ne travaille pas                              faire voler des avions dans lesquels des bio-     rants en très grandes quantités. « Il y a un
sur les biocarburants ne risque-t-il pas de                           carburants étaient mélangés à du kérosène,        vrai business qui se développe et je ne vois
déboucher sur des incompatibilités quand                              et même des plus petits avions uniquement         pas pourquoi l’Europe ne s’y intéresserait
les avionneurs commenceront à utiliser ce                             alimentés aux biocarburants. On s’achemine        pas, parce que cela permettrait de mettre
type de carburant ?                                                   en 2011 vers les premières certifications »,      en valeur des régions entières et des filières
Non, l’utilisation du biocarburant n’a pas                            explique François Gayet, secrétaire général       industrielles nouvelles », dit François Gayet.
de lien direct avec l’architecture du moteur                          de l’association de l’industrie aéronautique      « À notre avis, la Commission européenne
et avec la plupart des autres technologies.                           en Europe (ASD).                                  devrait d’ailleurs investir dans et soutenir le
Elle a une influence sur la combustion pro-                           Les biocarburants que vise l’aéronautique         développement de ces filières. » Le mes-
prement dite et sur la chambre de combus-                             n’entreront pas en concurrence avec les           sage est lancé.
tion, mais les caractéristiques générales du

En vente uniquement par abonnement © reproduction interdite en toutes langues                                                                        www.europolitique.info
                                                                                                     Lundi 29 Novembre 2010 N° 4092 EUROPOLITIQUE

« L’Europe a eu un parcours remarquable depuis trente ans »
Propos recueillis par Isabelle Smets         tales - et il faut renforcer les investisse-                   D’où toute l’énergie dépensée actuelle-
                                             ments autour de ces questions. Clean                           ment pour trouver les technologies du
  François Gayet est le secrétaire géné-     Sky est un bon exemple de programme                            futur. Ces efforts doivent se poursuivre.
ral de l’association représentant les        d’investissement. On peut penser qu’il                         Si on prend du retard dans le dévelop-
industries aéronautiques, spatiales et       ne s’arrêtera pas en 2014.                                     pement de ces technologies du futur,
de défense en Europe (ASD - Aerospace        L’autre élément, encore plus significa-                        la compétitivité de nos industriels sera
and Defence Industries Association of        tif sans doute, est la concurrence qui                         mise à mal quand il faudra lancer la
Europe). Il insiste sur la nécessité de      devient plus active et plus directe. Là                        nouvelle famille des monocouloirs, qui
garantir un niveau ambi-                                                                                                   sont les avions les plus
tieux de financement de                                                                                                    vendus      actuellement.
la recherche aéronautique                                                                                                  L’Europe a eu un par-
en Europe et sur l’urgence                                                                                                 cours absolument remar-
d’aller de l’avant avec                                                                                                    quable depuis trente ans ;
SESAR, le futur système                                                                                                    l’aéronautique est un
européen de gestion du                                                                                                     de nos secteurs les plus
trafic aérien. Les mem-                                                                                                    performants, nous avons
bres d’ASD représentent                                                                                                    réussi à nous hisser à la
quelque 2000 entrepri-                                                                                                     première place mon-
ses européennes, dont les                                                                                                  diale. Ce serait quand
géants EADS et Airbus,                                                                                                     même étonnant que
BAE Systems, Thales,                                                                                                       l’on délaisse ce secteur
Rolls-Royce ou Safran.                                                                                                     en se disant qu’il a déjà
                                                                                                                           été bien servi et que l’on
La recherche aéronau-                                                                                                      prenne le risque de se
tique a été bien servie                                                                                                    retrouver dans dix ans
dans le septième pro-                                                                                                      dans une situation très
gramme-cadre de recher-                                                                                                    dégradée. Parce que les
che et développement                                                                                                       produits ne seront plus
de l’UE : 2,2 milliards                                                                                                    compétitifs et parce qu’ils
d’euros sur 7 ans. Com-                                                                                                    ne répondront pas aux
ment      convaincre    la                                                                                                 normes environnementa-
Commission et les États                                                                                                    les recherchées à terme.
de garder le cap pour
la prochaine période de                                                                                                     On est en situation de
programmation ?                                                                                                             crise et l’on sait que les
D’abord,     nous     nous                                                                                                  États auront du mal à
ferons les avocats d’une                                                                                                    délier les cordons de la
ligne budgétaire parti-                                                                                                     bourse...
culière pour l’aéronau-                                                                                                     Mais il faut être conscient
                                                                                                                         © DR

tique. Pas uniquement                          « La concurrence devient plus active et plus directe »                       que l’aéronautique est un
parce que cela amènerait plus d’argent       où aujourd’hui il y a un duopole entre                         secteur à part, où les partenariats publics
mais aussi parce qu’une ligne spécifi-       Airbus et Boeing, au moins sur les                             privés sont fondamentaux. Parce que
que refléterait le niveau stratégique        gros-porteurs, on voit apparaître pro-                         les investissements s’effectuent à long
qui doit être celui de l’aéronautique        gressivement d’autres acteurs, qui ont                         terme et sont risqués. À long terme :
en Europe. Ensuite, il est clair que les     des stratégies très clairement affichées                       les technologies sur lesquelles on lance
constructeurs ont toujours investi pour      pour monter en gamme. Les Russes, les                          les travaux aujourd’hui ne seront pas
améliorer l’efficacité et les performan-     Chinois, les Japonais dans une moindre                         en service avant dix, voire quinze ans.
ces de leurs avions. Mais là, il faut être   mesure, les Canadiens, les Brésiliens.                         Risqué : il y a des sommes très impor-
conscient qu’on est confronté à une          Il est clair aujourd’hui qu’un troisième                       tantes à mettre au pot sans qu’il y ait
problématique complexe. D’une part           acteur majeur finira par émerger, peut-                        de retour immédiat, sans même qu’il y
avec cette donnée supplémentaire que         être un quatrième. Dans ce contexte de                         ait une certitude de retour. On est dans
sont les contraintes environnementa-         concurrence plus active, nous devons                           un environnement très contraint par les
les. Elles deviennent prioritaires - 80 %    pouvoir mettre sur le marché des avions                        certifications. Dès les premiers travaux,
de la R&D financée par Airbus est déjà       plus innovants, plus performants, avec                         on a ça en tête : ce que je développe
liée à des améliorations environnemen-       des empreintes carbone plus faibles.                           pourra-t-il être certifié « bon pour

www.europolitique.info                                                           En vente uniquement par abonnement © reproduction interdite en toutes langues
EUROPOLITIQUE N° 4092 Lundi 29 Novembre 2010                                                                                                         

voler » ? Le jour où un nouvel avion est                à charge de l’industrie. Il faut conti-          Bien sûr que nous la craignons. Si l’Eu-
lancé, les technologies non matures, qui                nuer sur base d’un PPP ?                         rope n’avance pas à la bonne vitesse, alors
ont pris du retard, qui n’ont pas subi les              La phase de déploiement a été évaluée            qu’elle avait pris une certaine avance en
vols d’essai, ne peuvent être utilisées.                à hauteur de 30 milliards d’euros. C’est         termes de concept, elle peut être dou-
C’était un de nos soucis avec Clean Sky,                un chiffre qui peut paraître très impor-         blée par les Américains. Maintenant, il
qui avait pris presque deux ans de retard.              tant mais nos évaluations montrent que           faut être conscient qu’il y a un double
Aujourd’hui, on est plus confiant.                      ce budget s’étalera sur quinze ans. Envi-        enjeu : compétition mais aussi coopéra-
                                                        ron 23 milliards seront nécessaires pour         tion. Avec les États-Unis, nous travaillons
Le Conseil consultatif pour la recher-                  l’aviation civile, 7 milliards pour le mili-     activement pour établir des standards
che aéronautique en Europe (ACARE)                      taire. Pour la partie civile, il est clair que   communs. SESAR impliquant une part
a réaffirmé récemment l’ambition de                     le montant sera partagé par l’ensemble           beaucoup plus grande de contrôle à
mettre sur le marché, à partir de 2020,                 des acteurs. Les compagnies aérien-              bord des avions, avec des équipements
les technologies qui permettront aux                    nes, d’abord, qui devront équiper leurs          de transmission sophistiqués, il va fal-
avions d’émettre deux fois moins de                     avions avec des standards compatibles            loir que les avions ne soient pas équipés
CO2, deux fois moins de bruit et 80 %                   avec SESAR, et sans doute compatibles            d’autant d’équipements que de stan-
d’oxyde d’azote en moins par rapport aux                avec les standards américains. S’il s’agit       dards, avec la nécessité de basculer d’un
appareils conçus en 2000. Ces objectifs                 d’avions neufs ils seront équipés d’office.      système à l’autre en passant l’Atlantique.
sont à la portée de l’industrie ?                       Si ce sont des avions anciens, ils seront        Aujourd’hui, on parle de Nextgen mais
Précisons qu’ACARE vise les technolo-                   « retrofités ». Pour les installations au sol,   on peut très bien voir apparaître aussi des
gies disponibles plutôt que l’avion en ser-             ce sont                                          standards chinois, japonais, australien…
vice. Ces objectifs, qui ont été définis il y                                                            Cela deviendrait ingérable. Il y a donc
a dix ans déjà, étaient considérés comme                  « Nous considérons qu’il                       un travail commun, en coopération avec
très ambitieux à l’époque. Aujourd’hui,                                                                  les pays tiers, pour la définition de stan-
à mi-parcours, les bilans qui ont été faits               faut une gouvernance et                        dards mondiaux. L’OACI (Organisation
montrent que l’on peut être confiant.                      un cofinancement de la                        de l’Aviation Civile Internationale) y tra-
Il n’y a plus de questionnement sur le                    Commission pour qu’elle                        vaille, de même qu’il y a des discussions
fait de pouvoir atteindre ces objectifs ou                                                               entre nos associations respectives et entre
non. ACARE travaille actuellement sur
                                                            puisse jouer son rôle                        les constructeurs, en particulier entre
le plus long terme, l’horizon 2050. Là,                         d’incitateur »                           Airbus et Boeing. À partir du moment où
on rejoint les objectifs sur lesquels nous,                                                              des normes communes sont définies, le
industrie, nous travaillons. Nous avons                 les fournisseurs des services de navigation      problème de la compétition avec les pays
pris l’engagement de réduire de moitié                  aérienne qui devront s’équiper. Il reste-        tiers devient plus un problème indus-
les émissions de CO2 de l’aviation d’ici                rait finalement une partie relativement          triel. Il n’y aura pas un standard Nex-
2050, par rapport à 2005. On va faire ce                modeste du financement qui pourrait être         tGen différent du standard SESAR, il y
qu’il faut pour tenir ces objectifs. Ce n’est           conservée au niveau de la Commission             aura un standard mondial commun, tout
pas du « whishful thinking ». L’intérêt                 européenne, afin que celle-ci conserve           le monde pourra s’y abonner et ce sera
de l’ACARE, c’est que tous les acteurs                  un rôle de leader et de facilitateur pour        aux constructeurs de jouer leurs cartes en
sont présents. À partir du moment où la                 le déploiement aussi rapide que possi-           termes de concurrence.
vision a été définie en commun, chacun                  ble de ce programme. Nous considérons
fait ce qu’il faut pour y contribuer. Mais              qu’il faut une gouvernance et un cofinan-        Washington a déjà passé des accords
si, parallèlement, un projet comme                      cement de la Commission pour qu’elle             avec la Chine et l’Inde. Il y a aussi
SESAR1 dérape, il serait impossible de                  puisse jouer son rôle d’incitateur.              une politique volontariste au niveau
tenir les objectifs qui ont été fixés. C’est                                                             européen ?
la raison pour laquelle tous les acteurs –              Dans quelle proportion ce financement            Aujourd’hui, c’est vrai que les Américains
les compagnies aériennes en particulier                 de la Commission ?                               cherchent à nouer des accords. Les Euro-
– appellent le ciel unique. C’est aussi                 Nous pensons que l’investissement sur le         péens en font autant et il y a des discus-
une façon très intelligente de réduire les              budget européen pourrait être de 3-4 mil-        sions au niveau de la Commission dans
coûts d’exploitation, pas uniquement le                 liards sur la période 2014-2020. Cela cor-       le cadre des partenariats avec les grandes
CO2.                                                    respond à quelques centaines de millions         régions du monde. Donc chacun essaie
                                                        d’euros par an.                                  de jouer sa partie. Mais l’objectif le plus
Comment, justement, imaginer le                                                                          important pour l’instant est de trouver
financement de la phase de déploie-                     Les États-Unis sont en train de dévelop-         des normes communes. n
ment de SESAR, qui doit débuter en                      per leur propre système de gestion du
2014 ? La phase de développement se                     trafic aérien, NextGen. Cette concur-
fait actuellement sur base d’un parte-                  rence pourrait gêner le déploiement de           (1) Futur système européen de gestion
nariat public privé (PPP), à raison d’un                SESAR hors Europe, et donc les retom-            du trafic aérien - lire en pages 10-12. Le
tiers à charge de la Commission, un                     bées que l’industrie peut en attendre. La        projet vise à optimiser le trafic aérien et les
tiers à charge d’Eurocontrol et un tiers                craignez-vous ?                                  opérations des avions au sol et en l’air.

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10                                                                                                            Lundi 29 Novembre 2010 N° 4092 EUROPOLITIQUE

Le ciel unique doit rationaliser le trafic aérien
Par Isabelle Smets
                                                          pourraient atteindre les 16 millions de                   temps d’attente réduit avant les décol-
                                                          tonnes par an.                                            lages, ...). « Une gestion inefficace du
  Le groupe d’experts intergouver-                           Dans la perspective de l’augmen-                       trafic aérien coûte 3 milliards d’euros
nemental sur l’évolution du climat                        tation constante du trafic aérien, la                     aux compagnies aériennes », a rappelé
(GIEC) estime que 18 % du carburant                       réforme de la gestion du trafic est jugée                 Ulrich Schulte-Strathaus, le secrétaire
d’aviation est consommé inutilement                       nécessaire par toute l’industrie. Pour                    général de l’Association des compa-
du fait d’une infrastructure et d’opéra-                  ses conséquences environnementales,                       gnies aériennes européennes (AEA).
tions inefficaces. C’est dire qu’une ges-                 mais aussi pour des raisons de sécurité                   « Après le fiasco du volcan islandais, le
tion optimale du trafic aérien et qu’une                  et, tout simplement, de capacité. Mais                    moindre que l’on puisse attendre est que
rationalisation des opérations au sol et                  on n’y est pas encore. Epine dorsale du                   les efforts se concentrent maintenant sur
en l’air permettrait d’améliorer les per-                 ciel unique, les « blocs d’espace aériens                 l’accélération du ciel unique ».
formances environnementales du trans-                     fonctionnels » (FAB - qui découpent
port aérien. Et c’est notamment pour                      l’espace aérien sur base des flux de trafic               PAS DE CIEL UNIQUE SANS SESAR
cela qu’a été lancé, au début des années                  et non suivant les frontières nationales)                   Le volet technologique de cette
2000, le « ciel unique européen », vaste                  sont tout ce qu’il y a de plus difficile                  réforme tant attendue s’appelle SESAR
chantier de réforme du trafic aérien qui                  à mettre en place. On se heurte ici à                     (Single European Sky ATM Research
doit se traduire par des routes aérien-                   la souveraineté chatouilleuse des États                   Programme), un programme de recher-
nes plus directes, donc moins longues,                    membres, qui ont pourtant pris l’enga-                    che public-privé destiné à faire faire un
moins gourmandes en carburant, moins                      gement politique de mettre en place les                   saut technologique considérable à la
coûteuses. Exemple concret servi par                      FAB d’ici 2012. La Commission vient                       gestion d’un trafic aérien. SESAR verra
la Commission européenne : chaque                         aussi d’être freinée dans son élan par                    se substituer à des outils d’un autre âge
vol Madrid-Londres effectuerait une                       le comité « ciel unique européen »,                       une panoplie de technologies de pointe,
moyenne de 123 kilomètres superflus                       composé de représentants des États.                       embarquées ou au sol, couvrant les com-
par rapport à une trajectoire idéale, ce                  Le 25 octobre 2010, ce comité a rejeté                    munications numériques, l’informati-
qui équivaudrait à plus de 1 200 kg de                    une proposition de règlement, jugée                       que et la radionavigation par infrastruc-
CO2 gaspillés par vol. Selon l’IATA,                      trop ambitieuse, fixant des objectifs de                  tures au sol et satellites. Aujourd’hui les
l’Association du transport aérien inter-                  performance des services de navigation                    pilotes utilisent toujours l’antique sys-
national, ce sont 468 millions de kilo-                   aérienne. La fixation de ces objectifs est                tème de radio VHF pour communiquer
mètres de vol inutile qui ont été comp-                   pourtant une étape fondamentale dans                      avec les contrôleurs aériens. Demain, la
tabilisés en 2007. Si, comme l’espère la                  la mise en place du ciel unique.                          technologie en développement dans le
Commission, toutes les routes étaient                        Ces retards impatientent l’industrie,                  cadre de SESAR améliorera considéra-
rationalisées et la gestion des aéroports                 qui a tout à gagner d’une rationalisa-                    blement la coopération air-sol, avec des
optimisée, les « économies » de CO 2                      tion du trafic (routes moins longues,                     échanges d’information rapides et faci-
                                                                                                                    les entre les contrôleurs aériens et les
                                                                                                                    pilotes mais également des messages en
                                                                                                                    temps réel provenant des centres opéra-
                                                                                                                    tionnels des compagnies aériennes, des
                                                                                                                    services météo ou des aéroports. Tout
                                                                                                                    cela doit permettre aux appareils de
                                                                                                                    suivre des routes selon un tracé optimal
                                                                                                                    et un timing précis, définis par l’ensem-
                                                                                                                    ble des données recueillies et traitées
                                                                                                                    en continu. Derrière la technologie,
                                                                                                                    les bénéfices : sur un vol Bruxelles-
                                                                                                                    Stockholm, le gain de temps est estimé
                                                                                                                    entre 12 et 20 minutes. L’économie
                                                                                                                    de carburant entre 435 et 725 kg. Les
                                                                                                                    gains d’émissions de CO 2 entre 1370 et
                                                                                                                    2283 kg.
                                                                                                                      SESAR associe la Commission euro-
                                                                                                                    péenne, Eurocontrol et des entrepri-
                                                                                                                    ses comme AENA, Thales, Airbus,
                                                                                                                    Honeywell ou Alenia Aeronautica pour
                                                                                                                    une mise en œuvre de ces technologies
            « Des routes aériennes plus directes, donc moins longues, moins gourmandes en carburant »               de pointe entre 2012 et 2020. Au total,

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