FAL MAG - France Amérique Latine
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FRANCE AMERIQUE LATINE MAGAZINE FAL MAG N°139 Décembre 2018 5 euros L' Amérique latine et la Caraïbe aux urnes en 2018 En Images Actualités Vie associative G20 en Argentine Délégation au FSM des Migrations Solidarité Brésil
ASSOCIATION FRANCE AMÉRIQUE LATINE Amitié - Découverte - Solidarité avec les peuples d’Amérique latine et de la Caraïbe L'Amérique latine et la Caraïbe : une histoire marquée par le combat contre le saccage et le pillage. Terre de contrastes où se côtoient de fabuleuses ressources naturelles mais aussi de profondes inégalités, cette région du monde est en pleine mutation. Depuis la conquête européenne du XVème siècle, le sous-continent latino-américain lutte pour son indépendance, résistant successivement au colonialisme, au capitalisme, au néolibéralisme, aux diktats des institutions financières internationales, aux visées hégémoniques et impériales étasuniennes et européennes. Une région riche de ses cultures originaires et métisses, de ses luttes populaires et au coeur du mouvement altermondialiste. Depuis 1970, France Amérique Latine s’attache à faire connaître l’histoire, la culture, les mobilisations et les revendications des peuples d’Amérique latine et de la Caraïbe dans toute leur diversité. Nous leur manifestons notre solidarité en diffusant des informations sur leurs expériences collectives, en apprenant de leurs combats et en soutenant leurs luttes contre l’impunité, pour le respect des droits humains, pour la démocratie politique, pour le progrès social et le bien-vivre ainsi que pour la protection de l’environnement et de la mère-terre. France Amérique Latine : un réseau national d’une trentaine de comités locaux et des commissions thématiques. L’action de FAL s’inscrit dans le cadre des revendications du mouvement altermondialiste et des mouvements sociaux internationaux. Ainsi, FAL travaille avec des ONG, associations, syndicats, mouvements sociaux en France, en Europe et en Amérique latine. Notre association est membre - entre autres - du Comité de Recherche et d’Information sur le Développement (CRID), du Collectif Guatemala, du Collectif Haïti de France… L’association mène un travail de réflexion et d’information sur les accords de partenariat économique et de libre- échange, ainsi que sur le rôle des multinationales, via des débats, des pétitions citoyennes, des manifestations et des interventions directes auprès des autorités nationales et internationales. Notre magazine FAL MAG puise dans la richesse et la diversité de son réseau de militants, d’experts et d’universitaires en France et en Amérique latine-Caraïbe, afin de garantir une analyse actualisée des problématiques de cette région avec le souci de présenter des points de vue diversifiés. FAL MAG est entièrement conçu bénévolement par le comité de rédaction. Chaque numéro comporte un dossier central traitant d’une thématique ou d’un pays en particulier, et des rubriques régulières : actualités, analyse, en images, culture, vie associative. Notre revue représente une importante source d’informations sur des sujets aussi divers que la violation des droits humains, les mouvements sociaux environnementaux, la lutte contre l’impunité ou encore la défense des communautés indigènes. À l’heure où l’Amérique latine donne de la voix sur la scène internationale, il est essentiel de connaître et de faire connaître les enjeux propres à cette région. Pour être membre de FAL, il suffit de vouloir connaître, faire connaître et soutenir les peuples d’Amérique latine et de la Caraïbe ! France Amérique Latine : 37, Boulevard Saint Jacques 75014 Paris Tél : (33) 1 45 88 22 74 Fax : (33)1 45 65 20 87 www.franceameriquelatine.org FAL Mag est une revue publiée par l'association France Amérique Latine Directeur de Publication : Fabien Cohen Ont participé à ce numéro : Eliot Allaire, Anna ISSN : 1957-6668 Amiach, Lise Bouzidi, Yoletty Bracho, Françoise Rédactrices en chef : Chambeu, Maud Chirio, Marie-Christine Impression et diffusion : Cathy Ferré et Renata Molina. Delacroix, Gérard Fenoy, Clara de la Fuente, Imprimerie Grenier Agathe Francopoulo, Rocío Gajardo, Jean-José 115 avenue Raspail, 94250 Gentilly. Comité de rédaction : Colette Casado, Miguel Mesguen, Yolène Moura, Jean-Marie Paoli, Donabin, Françoise Escarpit, Catherine Gégout, Pablo Ospina Peralta, Rodrigo Restrepo, Alban Couverture : Adèle Goliot, Braulio Moro, Monique Murga, Sénault, Mónica Vargas, Natalia Urzúa. Composition par Renata Molina. Cora de Villeneuve. Montage maquette : Renata Molina.
ÉDI TORIAL Brésil : solidarité internationaliste face à Bolsonaro et ses sbires ! Depuis le premier janvier, le Brésil a officiellement comme président de la République Jair Bolsonaro, un chef d’État ouvertement raciste, réactionnaire, militariste et revendiquant un programme économique violemment néolibéral. L’arrivée au pouvoir de ce nouvel allié de Trump en Amérique latine, à la tête de l’un des principaux pays de la région, de par son poids économique, géopolitique et démographique, est de très mauvais augure pour commencer cette année 2019. La composition du gouvernement n’a fait que confirmer le danger extrême que constitue le nouvel exécutif pour les droits fondamentaux et démocratiques des peuples brésiliens, mais aussi pour toute l’Amérique latine, tant ce qui se passe au Brésil a des effets déséquilibrants au plan global et multilatéral. Ainsi que le résumait le journal en ligne Bastamag, « des généraux s’occuperont des ministères de la Défense et de l’Intérieur, un ultra-libéral, issu des « Chicago boys », siègera à l’Économie, une pro-pesticide, liée aux intérêts de l’agro-business, héritera de l’agriculture, un climato-sceptique pro- Trump dirigera la diplomatie… ». Au plan de la politique internationale, les annonces de sortie du Brésil de l’accord de Paris sur le climat et le transfert de son ambassade à Jérusalem donnent le ton. Au plan interne, les premières réformes devraient consacrer une baisse du salaire minimum, la fin du système universel de santé ou encore la remise en cause du droit au territoire des peuples autochtones... L’heure est donc à l’organisation et à la mobilisation de nos solidarités. Elle est aussi à l’unité. Dans une tribune récente, plusieurs organisations sociales, syndicales, ONG, et associations de solidarité internationale hexagonales, dont France Amérique Latine, soulignaient que « les défenseur.e.s des droits humains, les militant.e.s et activistes ainsi que les minorités discriminées (populations noires, autochtones, femmes et LGBTQ) sont particulièrement ciblé.e.s par les politiques de Jair Bolsonaro. Tout au long de sa campagne électorale, il n’a cessé de qualifier les mouvements sociaux et les ONG d’organisations terroristes, laissant pour seule alternative à leurs membres de choisir entre la prison et l’exil et annonçant qu’il assumera d’« en tuer 100 000 s’il le faut » ». Rappelons que, depuis l’élection, un campement du Mouvement des Sans Toit à Curitiba a été victime d’un incendie meurtrier et que deux membres du Mouvement des Travailleurs sans Terre (MST) ont été assassinés le 8 décembre dernier dans le nord- est du pays, ceci alors que se multiplient les violences racistes, homophobes et contre les militant.e.s de gauche dans tout le pays. Les mêmes organisations signataires de la tribune ajoutaient : « Nous appelons également les institutions françaises et européennes à la plus grande vigilance et à ne pas laisser leurs intérêts économiques ou géopolitiques particuliers prendre le pas sur le respect des droits humains et environnementaux. Les relations entre États ne peuvent se construire aux dépens des droits, des libertés et la démocratie ». Pour France Amérique Latine, la priorité est au soutien des mouvements populaires et émancipateurs du Brésil, dont le Front Brésil Populaire, qui regroupe plus de 120 mouvements, et le Front Peuple Sans Peur. Il s’agit également de continuer d’exiger la libération de l’ex-président Lula, accusé à ce jour sans preuves. Nous souhaitons également réaffirmer notre solidarité avec les luttes syndicales qui vont devoir affronter un programme économique de destruction sociale, avec le Mouvement des Travailleurs Sans Terre et avec les Sans Toit, avec les femmes et le mouvement féministe, avec les résistances afro et indigènes, avec les minorités sexuelles. En bref, avec toutes celles et tous ceux qui entendent résister à Bolsonaro et son monde rétrograde, violent et inégalitaire, au service du néo-libéralisme le plus débridé. Il s’agit d’une urgence absolue. Et nous appelons toutes les bonnes volontés à nous rejoindre dans cette tâche unitaire. Franck GAUDICHAUD Président de France Amérique Latine
SOMMAIRE Photo : Renata Molina. P. 24 En Images Forum Social Mondial des Migrations ACTUALI TÉS G20 en Argentine : sommet du capitalisme mondialisé et contre-sommet des peuples p. 5 Lutter contre la toute-puissance des multinationales p. 7 ANALYSE « Globalisation du contrôle des frontières et résistances des peuples » : atelier du FSMM (Mexico, novembre 2018) p. 27 VIE ASSOCIATIVE Hommage à Maurice Caupert p. 29 Le Brésil au cœur des Français.e.s p. 30 L'Amérique latine et la Caraïbe P. 10 aux urnes en 2018 Cuba, un nouveau président et une nouvelle Constitution p. 11 Venezuela : une séquence électorale dans un contexte de crise politique p. 12 Le Paraguay toujours contrôlé par le Parti Colorado p. 14 Colombie : une année électorale marquée par la violence et la corruption p. 15 Élection d’AMLO au Mexique : alternance ou alternative ? p. 17 Brésil, octobre 2018 : l’extrême droite au pouvoir p. 19 Du « corréisme » au « morénisme » : changements dans l’Équateur de la Révolution Citoyenne p. 21 Pérou : élections dans la tourmente p. 22 Photo : DR.
Actualités G20 en Argentine : sommet du capitalisme mondialisé et contre-sommet des peuples C’est au milieu d’une profonde crise économique et sociale que l’Argentine de Mauricio Macri a reçu les dirigeant-e-s des vingt plus grandes économies du monde, qui représentent 85% du PIB mondial, ainsi que les représentant-e-s des institutions financières mondiales, les vendredi 30 novembre et samedi 1er décembre 2018. Mobilisation à Buenos Aires. Photo : DR. Sur fond de licenciements massifs, gouvernement, dans le but de vider Pour elle, le sommet a été la parfaite coupes budgétaires et persécution desla capitale et d’empêcher les grandes excuse pour militariser et équiper mouvements sociaux, l’État argentin mobilisations, a en partie fonctionné. le pays d’armes qui seront utilisées Après avoir déclaré un jour férié, a investi pour l’occasion pas moins de pour réprimer les mouvements de quatre millions de dollars étasuniensbouclé complètement le centre-ville et contestation sociale une fois que les dans un dispositif de sécurité supprimé le transport public pour s’y médias internationaux détourneront exceptionnel, tout en autorisant les rendre, les autorités ont fait en sorte leur regard de Buenos Aires. que le parcours des manifestant-e-s États-Unis à militariser l’espace aérien et soit complètement déconnecté du lieu maritime du Río de la Plata. Symbole du Le protagonisme renouement de « relations charnelles » de des négociations. L’absence notable du mouvement féministe de certains secteurs du kirchnerisme, soumission aux intérêts des puissances qui prépare son retour sur la scène du nord, la tenue du G20 à Buenos Aires Face à cette stratégie de bâillonnement, politique, a également été pointé du marque bel et bien un retour à l’ordre rendant très difficile toute forme de doigt. néolibéral dicté par le Fonds Monétaire radicalité pendant la manifestation, Si la manifestation a quand même pu International (FMI) et la fin des politiques d’autres formes de mobilisations ont mobiliser 10.000 personnes, elle s’est de résistance aux institutions financières émergé. Encore une fois, le mouvement déroulée dans le calme, sans tirs de internationales qui ont caractérisé les féministe argentin s’est affirmé en gouvernements de Néstor et Cristina gaz lacrymogènes ni affrontement protagoniste dans cette lutte et s’est Kirchner. avec la police : une première dans illustré comme force de proposition et l’histoire des mobilisations sous de construction d’alternatives. Une mobilisation locale fragilisée Macri. Cependant, « le G20 s’en va, L’organisation d’une école d’économie mais les balles vont rester » : c’est féministe, qui a réuni plus de 180 La large campagne d’intimidation l’analyse inquiétante qu’en fait Bettina participant-e-s, a fait partie des actions et de dissuasion menée par le Müller, membre d’ATTAC Argentine. de résistance imaginées par le réseau 5
Actualités d’activistes féministes du Sud1, dans d’une déclaration commune faisant un environnementaux des conflits armés, le cadre de la semaine d’action contre état des lieux de la crise systémique tel qu’il a été décidé par la commission le G20. Dans l’optique de construire du néolibéralisme, de l’évasion fiscale pour l’environnement des Nations une pensée critique sur la relation généralisée des grands groupes Unies. entre les dynamiques économiques, économiques transnationaux, du - la libre autodétermination des peuples. les relations de genre/classe/race et budget astronomique assigné à l’OTAN - le respect des peuples originaires et de les mécanismes de reproduction des et des nouvelles formes de coups d'État leur droit d’accès à leurs territoires. inégalités, cet espace de formation médiatiques, judiciaires et financiers, - le respect du droit des femmes à la intitulé « narratives et résistances mettant en danger les démocraties et maîtrise de la fécondité, le droit à la face au capitalisme financier et aux l’autonomie des peuples. contraception et à l’avortement libre et corporations » était aussi l’occasion de La déclaration dénonce l’illégitimité gratuit pour toutes. (re)penser des stratégies féministes d’une minorité de pays qui, réunis à - une politique globale pour lutter contre la pensée hégémonique de huis clos au sein du G20, contribuent contre les féminicides et les violences l’agenda du G20. depuis 2008 au renforcement d’une et pour faire advenir des démocraties logique qui privilégie les finances au paritaires. La déclaration de Paris détriment de la qualité de vie des - le maintien des politiques de mémoire, peuples et de leurs relations avec la de vérité et de justice et le respect des En France, les mobilisations contre nature, notamment via l’application de lieux de mémoire en Argentine. la tenue du G20 en Argentine ont politiques néolibérales violentes dont - le respect des libertés individuelles été convoquées par l’Assemblée des les conséquences sont bien connues : et de la libre pensée au Brésil, présidé Citoyens Argentins en France (ACAF), avec une crise environnementale alarmante, aujourd’hui par Bolsonaro et son le soutien de nombreuses associations la mise en danger des droits humains, la gouvernement néo-fasciste. et collectifs citoyens : Attac, Alba Paris,militarisation du monde et la violence Alliance de femmes pour la démocratie, contre les femmes. Le vendredi 30 novembre, jour de Collectif Effraction : poètes des cinq l’ouverture du G20, l’ACAF a appelé à continents, Emmaüs international, La déclaration de Paris se conclut avec une manifestation devant l’ambassade France Amérique Latine, Hijos-Paris, les exigences suivantes : d’Argentine à Paris. À cette occasion, la Mouvement de la paix, Comité pour la déclaration de Paris a été lue. libération de Lula-Paris. - une régulation et un contrôle des flux financiers. Le respect des décisions de En amont du G20, l’ACAF avait organisé l’ONU en la matière. à la mi-novembre un forum citoyen - la création d’une instance de contrôle à Paris, avec la volonté de réfléchir pénal au sein de l’ONU pour éviter les Anna AMIACH Service civique FAL National aux thématiques de travail du G20, dérives des corporations au niveau notamment celles concernant les environnemental. finances, l’économie, la démocratie, - l'inclusion de l'écocide en tant que les droits humains, la politique et la crime contre l'humanité, les entreprises 1 Réseau DAWN : faillite environnementale. L’ensemble devenant des sujets punissables. http://dawnnet.org/2018/11/escuela-de- de ces débats a donné lieu à l’adoption - des études sur les impacts economia-feminista/ Mobilisation à Buenos Aires. Photo : DR.
Actualités Lutter contre la toute-puissance des multinationales Mettre un frein au pouvoir exorbitant des multinationales : c’était tout l’enjeu de la quatrième session de négociations pour un Traité contraignant, qui a eu lieu en octobre dernier à Genève. France Amérique Latine, qui participe depuis le début à l'élaboration de ce traité, y était présente, partie intégrante de la coalition internationale formée par la Campagne globale. Photo : Agathe Francopoulo. conduite contraignant résolution demandant la création d’un pour réguler les pratiques groupe de travail intergouvernemental des multinationales. Dix à composition non limitée, chargé ans plus tard, le débat d’élaborer un instrument international se clôt pour cause d’une juridiquement contraignant sur les trop grande influence du sociétés transnationales. puissant lobbying des Sociétés Transnationales Pour soutenir ce groupe de travail, deux des années 1980. coalitions internationales importantes se forment : le Treaty Alliance et la En juillet 2000, le Pacte Campagne globale contre l’impunité Mondial est mis en place des multinationales. Cette dernière par le secrétaire général regroupe plus de deux-cent cinquante de l’ONU, Kofi Annan, sur ONG et associations, dont France la base d’un engagement Amérique Latine. qui invite les entreprises Depuis 2016, FAL mène des actions, à respecter des principes concernant les La Campagne globale contre l’impunité au sein d’une coalition d’associations droits humains, les normes de travail, des multinationales françaises, pour obtenir le vote d’une l’environnement et la lutte contre la loi nationale sur le devoir de vigilance corruption. Ces mécanismes volontaires La Campagne globale défend des entreprises. Votée à l’Assemblée et non contraignants pour les la souveraineté des peuples, le nationale le 27 mars 2017, cette loi multinationales, destinés à leur donner démantèlement du pouvoir des sera effective au 1er janvier 2019, et une image « verte » et « responsable », multinationales et la fin de leur permettra à la société civile d’avoir ne font aucune différence en termes impunité. En effet, la société civile un meilleur contrôle sur les impacts d’accès à la justice et à la réparation s’organise pour mettre un terme environnementaux, sociaux et humains pour les communautés affectées ou les aux pratiques néocoloniales des des multinationales "françaises", travailleurs. multinationales et aux désastreuses qui seront obligées de réaliser une conséquences environnementales, cartographie des risques que leurs Le 24 avril 2013, s’effondre le Rana politiques et sociales de leurs activités : activités feraient encourir à la société Plaza, un bâtiment situé dans la capitale monocultures intensives nocives pour civile. du Bangladesh, abritant des ateliers la santé, activités minières polluantes, de confection pour diverses marques destruction d’espaces naturels, Une lutte qui ne date pas d’hier internationales de vêtements. Il aura accaparements de terres… fallu attendre cette catastrophe, qui Ainsi, la Campagne globale a participé Cela dit, au niveau international, a couté plus d’un millier de vies, pour activement aux négociations du de nombreuses luttes restent à éveiller les consciences et dénoncer groupe de travail intergouvernemental mener contre la toute-puissance des clairement les abus de la mondialisation de l’ONU depuis ses débuts. L’année multinationales. Et ces luttes ne datent sauvage. dernière, la coalition a présenté pas d’hier : en 1973, à l’aube de la une proposition de traité, et cette mondialisation, Salvador Allende avait En 2014, John Ruggie, rapporteur année, lors de la 4ème session à déjà saisi l’importance de cet enjeu, et spécial des droits humains, publie un Genève, la Campagne globale a avait proposé l’élaboration d’un traité rapport préconisant la mise en œuvre formulé des commentaires et des visant à contraindre les multinationales. d’instruments juridiques internationaux recommandations en lien avec le En 1974, la Commission des Sociétés pour responsabiliser les multinationales projet de traité soumis par le groupe Transnationales, créée par le Conseil et les États. Parallèlement, à l’occasion de travail intergouvernemental. Économique et Social des Nations de la 26ème session du Conseil des Unies et composée de quarante-huit droits de l’Homme à l’ONU, l’Équateur La coalition soutient ce groupe de États, a été chargée d’établir un code de et l’Afrique du Sud présentent une travail afin de poursuivre l’effort 7
Actualités traité et la protection du processus contre l’influence des multinationales et de ses représentants. Tous ces éléments devront être inclus dans le traité, pour permettre aux victimes des conséquences de l ’i r r e s p o n s a b i l i t é des multinationales d’accéder enfin à une justice tangible. Engagée dans un travail de plaidoyer depuis 2013, France Amérique Latine est constamment présente dans ce - il devra prévoir un mécanisme processus de négociations : rendez-vous d’élaboration d’un instrument international pour appliquer des avec les ministères et les parlementaires, international juridiquement contraignant pouvoirs efficaces et contraignants. contacts avec des juristes universitaires, pour les multinationales. Elle précise Dans ce sens, la Campagne globale publications de rapports et de néanmoins que le traité devra inclure propose la création d’une Cour communiqués, et, présence à l’ONU lors les points suivants : internationale pour juger les des sessions de négociation. - le futur traité devra être transmis multinationales qui commettent des FAL poursuit son travail au sein de aux multinationales, conformément violations des droits humains. la Campagne globale. Au travers de au mandat octroyé au groupe - il devra établir de manière claire son réseau, l’association peut être intergouvernemental de travail dans la la suprématie du respect des droits une véritable de force de proposition, résolution 26/9. humains sur les accords de commerce et s’est manifestée à l’occasion de la - il devra contenir des obligations et d’investissement. dernière session en octobre à Genève directement adressées aux - il devra intégrer des mesures concrètes par des actions de mobilisation et de multinationales. contre l’influence des multinationales désobéissance civique. - il devra établir une responsabilité sur le processus de formulation conjointe et solidaire entre les sièges de politiques publiques au niveau Cette mobilisation est d’autant plus des entreprises et les entités de international et national. importante qu’une enquête réalisée production, tout le long de leur chaîne - la participation de la société civile par l’European Network of Corporate internationale de production : filiales, devra être effective dans toutes les Observatories (ENCO) dévoile les sous-traitants, fournisseurs. étapes des négociations sur le projet du stratégies déployées par l’Union BRÈVES LA FRANCE AUTORISE L’EXTRADITION DE MARIO SANDOVAL RICARDO PALMA : EXTRADITION OU DROIT D’ASILE ? Le 24 octobre dernier, Edouard Philippe signait le décret d’extradition Ricardo Palma milite au Frente Patriótico Manuel Rodríguez (FPMR), de Mario Sandoval. Six ans après les premières réclamations de l’État groupe issu du Parti Communiste Chilien (PCC) qui opte pour la lutte argentin, la bataille juridique (2 jugements en appel et 2 pourvois en armée, se structure en 1983 et commet enlèvements et attentats. En cassation) semble prendre fin et permettra à la justice argentine de mener 1986, il aurait participé à l’attentat raté contre Pinochet. à bien le procès de l’ancien policier – accusé de crime contre l’humanité En 1991, Jaime Guzmán, conseiller de Pinochet et concepteur de la et cité dans plus de 500 faits de meurtres, tortures et séquestrations Constitution de 1980 est assassiné. Ricardo Palma est arrêté, avoue sous dans le cadre du procès de l’ESMA. La justice française n’aura pourtant la torture et est condamné à la prison à perpétuité. En 1996, il s’évade et retenu que le cas de l’ex-militant disparu, Hernán Abriata, pour répondre est depuis recherché par Interpol. positivement à la demande d’extradition. Si l’intéressé a immédiation Arrêté en France en février 2018, il est laissé en liberté surveillée. En déposé un recours auprès du Conseil d’État, l’avocate Sophie Thonon- juillet, des intellectuels, FAL et les ex-prisonniers chiliens demandent qu’il Wesfreid se dit optimiste quant à la réponse de ce dernier. bénéficie du droit d’asile. En octobre, le Chili demande son extradition. Mais le 4 novembre, l’OFPRA lui accorde l’asile politique, décision que conteste le gouvernement chilien. La justice, qui doit rendre son verdict le 23 janvier 2019, peut-elle aller à l’encontre de la décision de l’OFPRA ?
Mobilisation à Genève. Photo : Agathe Francopoulo. européenne pour freiner l’élaboration Il n’est pas étonnant alors de constater moment fort de notre campagne de ce traité. En juillet 2018, une une corrélation entre le discours tenu sur la responsabilité des entreprises, nouvelle tentative de l’UE pour saboter par les représentants de l’UE et celui notamment en lien avec celle des l’avancement du groupe de travail d’organisations entrepreneuriales élections européennes en interpellant intergouvernemental s’est révélée, telles que la Chambre de Commerce toutes et tous les candidat-e-s. lorsqu’un représentant a proposé une et d’industrie (CCI) et l’Organisation résolution visant à voter à nouveau le Internationale des Employeurs (OIE). mandat du groupe de travail. Ce genre de stratégie n’est pas nouveau, car Ainsi, la lutte continue, et une depuis qu’elle fait partie du groupe de campagne de pétition, sur toute travail en 2017, l’Union Européenne n’a l’année 2019, sera lancée le 22 janvier de cesse de remettre en cause la validité prochain au plan mondial dans le du mandat du groupe de travail et de but de regrouper plusieurs millions Clara DE LA FUENTE demander l’adoption d’une nouvelle de signatures. Nous voulons faire de Stagiaire résolution du Conseil des Droits de la date du 3 mars, date anniversaire Eliot ALLAIRE l’Homme pour le prolonger. de la mort de Berta Cáceres, un Service Civique FAL National ASSASSINATS DE MILITANTS DU MST DU BRÉSIL QUI A ASSASSINÉ BERTA CÁCERES ? La nuit du 8 décembre 2018, au camp de réforme agraire José Maria Berta Cáceres, coordinatrice du Conseil Civique d’Organisations Populaires Pires, à côté de Alhandra (État de Paraíba, Brésil), deux militants du et Indigènes du Honduras (COPINH), et opposante à la construction Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre (MST-PB), José Bernardo du barrage d’Agua Zarca, en territoire Lenca, qui priverait d’eau la da Silva et Rodrigo Celestino, ont été assassinés par quatre hommes population, a été assassinée chez elle, le 2 mars 2016, après avoir reçu de cagoulés et lourdement armés. nombreuses menaces. José Bernardo da Silva, 46 ans, et Rodrigo Celestino, 38 ans, étaient tous Le 29 novembre 2018 le tribunal a jugé que ce meurtre avait été commis deux membres de la direction MST de Paraíba. Le MST occupe ce camp par des responsables de l’entreprise DESA, suite aux pertes financières depuis plus d’un an, les militants exercent leur droit constitutionnel en causées par la suspension des travaux en 2013. Sept personnes ont été occupant des terres abandonnées. À ce jour, plus de 450 familles y vivent. condamnées dont Sergio Rodríguez, directeur du développement social Ce terrain est la propriété de l’usine Santa Teresa, qui appartient à la et environnemental de DESA, et le commandant Mariano Díaz. Compagnie Agroindustrielle Goiana. La famille et le COPINH protestent et réclament justice car elles pensent Cette exécution intervient dans un contexte politique et social que les véritables responsables sont du côté de la famille Atala Zablah, extrêmement tendu. En effet, le président élu, Jair Bolsonaro, ne cache propriétaire de DESA, et que des ministres et des hauts fonctionnaires pas son mépris pour le MST. La récente nomination, au ministère de pourraient être impliqués pour ce crime, voire même le président Juan l’environnement, de Ricardo Salles, qui s’est ouvertement déclaré hostile Orlando Hernández. au Mouvement des Travailleurs sans Terre, ne fait que légitimer cette violence contre les leaders sociaux.
L' Amérique latine et la Caraïbe aux urnes en 2018 Coordination du dossier : Cathy Ferré, rédactrice en cheffe. En Amérique latine et Caraïbe, l'année 2018 a été rythmée par de nombreux passages aux urnes : en effet, du Costa Rica au Brésil, en passant par la Colombie, le Paraguay, le Venezuela et le Mexique, six pays ont élu leur président au cours des derniers mois. Ces présidentielles ont été le plus souvent accompagnées de scrutins législatifs, auxquels il faut ajouter des votes locaux, des consultations et des référendums en Équateur, à Cuba, au Pérou et au Salvador. De manière générale, les gauches latino-américaines, qui avaient connu leur âge d’or dans les années 2000, sortent fragilisées de cette séquence électorale. Après les victoires de Juan Orlando Hernández en 2014 au Honduras, de Mauricio Macri en 2015 en Argentine, de Pedro Pablo Kuczynski en 2016 au Pérou, de Sebastián Piñera en 2017 au Chili, après la destitution de Dilma Rousseff au Brésil, l’année écoulée confirme le glissement à droite du continent. Ainsi, les gouvernements progressistes latino-américains, qui avaient symbolisé l’espoir d’une transformation sociale, ont trouvé leurs limites : au Venezuela, si Nicolás Maduro s’est maintenu au pouvoir, les rendez-vous électoraux se sont produits dans un cadre peu propice au développement démocratique et sur fond de crise durable, tandis que, dans l’Équateur de Lenín Moreno, le virage néolibéral s’accentue. En Colombie, malgré une nette modification du panorama politique qui a permis une expression sans précédent des forces progressistes, c’est la droite dure représentée par Iván Duque qui l’emporte finalement, dans un inquiétant contexte de remise en cause du processus de paix et d’augmentation de la violence contre les mouvements sociaux. Enfin, au Brésil, l’année électorale latino-américaine s’est conclue par un véritable coup de tonnerre avec l’emprisonnement de Lula, favori des sondages, et la victoire du candidat d’extrême droite, Jair Bolsonaro, au terme d’une campagne qui a exclu tout débat de fond et a donné lieu à une manipulation massive de l’opinion publique. Dans ce paysage, Cuba conserve une image singulière : après la succession sans surprise de Raúl Castro par Miguel Díaz Canel et une passation de pouvoir sous le signe de la continuité, ce qui a marqué cette année, c'est le dynamisme du débat populaire autour de la modification de la Constitution. Mais la grande surprise de cette année électorale nous vient du Mexique, où Andrés Manuel López Obrador, élu avec 53,3% des voix et laissant loin derrière lui ses adversaires, engage la « quatrième transformation » du pays et affirme qu’il combattra la violence, les inégalités, la corruption et l’impunité : une tâche titanesque. Le basculement à gauche du Mexique est donc source d’espoir dans cette Amérique latine en mutation. Mais, pour notre association, il est clair que seule la capacité de résistance et de mobilisation des couches populaires permettra les changements sociaux nécessaires sur tout le continent. Sans prétendre à l’exhaustivité, pour son dernier numéro de 2018, FALMag propose à ses lecteurs un panorama de cette intense année électorale.
Composition de photos des campagnes électorales. Photo : Renata Molina. Dossier Cuba, un nouveau président et une nouvelle Constitution Le 19 avril dernier, Miguel Díaz Canel était élu, par l'Assemblée nationale du pouvoir populaire, président du Conseil d'État de la République de Cuba, en remplacement de Raúl Castro qui avait succédé à son frère à ce poste en février 2008. Discret, intervenant jusqu'alors relativement peu en public, Díaz Canel a néanmoins une longue expérience des responsabilités : né en 1960, il fait des études d'ingénieur en électronique avant d'enseigner à l'Université centrale de Las Villas ; après différentes responsabilités au sein de l'Union de la Jeunesse Communiste, il est élu en 1993 premier secrétaire du Parti Communiste Cubain (PCC) de la province de Villa Clara, occupe en 2003 la même fonction dans la province de Holguín et entre au Bureau politique du PCC cette même année. Il sera en 2009 ministre de l’Éducation supérieure puis travaillera étroitement avec Raúl Castro, notamment comme vice-président du Conseil des ministres depuis 2012, puis premier vice-président du Conseil d'État à partir de 2013. Cette passation de pouvoir se fait donc population. Situation pleine de dangers et le rôle du PCC, parti unique, «force sous le signe clair de la continuité, donc, pour le président Díaz Canel dont dirigeante de la société et de l’État ». Au d'autant que Raúl Castro reste, les premiers mois à la tête de l'État ont long de ces trois mois de discussion, jusqu'au prochain congrès annoncé été marqués par de très nombreuses une équipe nationale a recueilli pour 20211, premier secrétaire du visites de terrain, à la rencontre de la les propositions (voir encadré). La PCC. Les deux dirigeants affirment population cubaine et, à l'étranger, commission de rédaction, présidée par la poursuite de la politique de par sa participation à l'Assemblée Raúl Castro, doit maintenant synthétiser réformes dans un environnement générale de l'ONU3 et une importante ce débat et présenter un nouveau texte international, et singulièrement latino- tournée très orientée sur l’économie au vote de l'Assemblée nationale avant américain, défavorable et dans une qui l'a récemment conduit en Russie, un référendum le 24 février 2019. situation économique complexe. Les en Chine, au Vietnam, en Corée du nord Les principales réformes ont été au investissements, particulièrement et au Laos, avec un passage par Paris, cœur des discussions. Si les mesures de les investissements étrangers où il a rencontré le Premier ministre, renforcement des libertés civiques sont considérés comme prioritaires dans et une visite de travail de trois jours au accueillies favorablement, avec souvent les infrastructures, restent largement Royaume Uni. le souhait d'aller plus loin - par exemple insuffisants pour soutenir la croissance, sur le droit à une assistance juridique qui est annoncée légèrement Une nouvelle Constitution en débat dès l'arrestation ou une liberté plus supérieure à 1% pour 2018, alors large pour les médias -, les propositions qu'il faudrait escompter 6 à 7% pour Mais, peut être plus que cette succession de changement institutionnel, à redresser l'économie et s'attaquer à sans surprise, ce qui a marqué cette l'exception de la volonté d'accorder la pauvreté qui touche des secteurs année, c'est le débat populaire qui plus d'autonomie au niveau local, croissants. s’est déroulé entre le 13 août et le 15 sont plus discutées, notamment la novembre autour de la modification limitation à deux mandats du président Tous les domaines de l'économie sont de la Constitution4. La réforme mise en de la République, la limite d'âge, fixée ouverts, hormis l'éducation, la défense chantier suite à l'adoption du projet par à 60 ans, pour l'exercice du premier et pour partie la santé, mais pour les l'Assemblée nationale en juin, vise à de ces mandats, le remplacement des investisseurs, les obstacles demeurent, mettre en adéquation les changements assemblées provinciales du Pouvoir liés notamment au blocus étasunien, intervenus, notamment dans le populaire par un gouverneur désigné - toujours en vigueur et, pour la 27ème domaine économique, avec les textes par l'Assemblée nationale et un conseil année consécutive, massivement fondamentaux : une actualisation populaire réunissant les représentants condamné lors de la dernière de l'ordonnancement institutionnel des assemblées locales, la création Assemblée générale de l'ONU, seuls les en parallèle avec celle du modèle d'un poste de Premier ministre. De États-Unis et Israël ayant voté contre économique. même la reconnaissance des nouvelles cette condamnation- et à son caractère Le projet mis en discussion comporte formes de propriété non étatiques, extra territorial2. 224 articles -soit 87 de plus-, répartis en dont la propriété privée, est actée, mais 11 grands chapitres. Les changements certaines propositions visent à accorder Dans le même temps, la réforme portent notamment sur l'élargissement aux Cubains les mêmes droits qu'aux monétaire, considérée comme une des droits civiques, les structures de étrangers en matière d'investissement priorité, tarde, et Cuba devra affronter l’État à tous les niveaux, les formes dans l'économie, et les questions liées à dans les prochaines années une de propriété. Deux points importants la concentration de la propriété, et des révolution démographique qui conduit n'ont cependant pas été modifiés : le richesses, ont été l'objet de nombreux à un vieillissement accéléré de sa caractère «irrévocable» du socialisme commentaires. 11
Dossier Enfin, l'un des articles souvent repris par la presse française, l'article 68, qui définit le mariage non plus comme Venezuela : l'union d'un homme et d'une femme une séquence électorale mais comme une «union volontaire entre deux personnes», a suscité l'opposition dans un contexte de crise politique des milieux religieux et d'une partie de la population jugeant ce changement Les années 2017 et 2018 ont été marquées par de fortes échéances électorales : prématuré, alors que le président élection de l’Assemblée Nationale Constituante et élections régionales en juillet Diaz Canel déclarait qu'elle répondait et octobre 2017, élection présidentielle en mai 2018. Mais ces rendez-vous se au «besoin d'éliminer tout type de sont produits dans un contexte peu propice au développement démocratique. discrimination dans la société»5. L'Assemblée nationale examinera à la fin de l'année le texte issu de cet exercice de démocratie directe, qui Une politique électorale négociations de Saint Domingue, entre a visiblement mobilisé largement. peu démocratique le gouvernement de Nicolás Maduro Vu l'ampleur du débat, c'est sans et les représentants des opposants doute un texte largement modifié L’élection présidentielle de 2018 se réunis dans la coalition Mesa de la qu'adopteront les députés6. Un tient dans un cadre institutionnel et Unidad (MUD), négociations délaissées important travail législatif suivra, avec politique qui laisse beaucoup à désirer. en février 2018. Ainsi, avancer la date notamment une nouvelle loi électorale Un premier écueil est celui de la électorale peut être vu comme un mais en attendant les problèmes et définition de la date du rendez-vous passage en force du gouvernement, les incertitudes demeurent quant aux électoral : le scrutin, originellement visant à réduire le temps de la campagne améliorations tant attendues de la vie prévu en décembre, est avancé au pour mieux s’assurer la victoire. À ces quotidienne. 30 avril par décision de l’Assemblée manœuvres, s’ajoute l’invalidation par Nationale Constituante (ANC), le Tribunal Suprême de Justice de toute un organe dont le caractère peu candidature labellisée MUD, du fait Marie-Christine DELACROIX Bureau National de FAL démocratique, que ce soit dans que celle-ci n’est pas un parti politique, 10 novembre 2018 son élection comme dans son mais une coalition qui enfreindrait fonctionnement, est critiqué par de l’interdiction de la double militance. 1 Lors de l'investiture de Díaz Canel, multiples acteurs, y compris ceux Dans ce contexte, des responsables Raúl Castro a proposé qu'il prenne la qui y siègent. Cette décision doit de la MUD optent pour le boycott de direction du PCC après le Congrès, sous les être mise en relation avec l’échec des l’élection présidentielle, refusant de applaudissements des députés de l'Assemblée nationale. 2 Exemple frappant des conséquences financières de ce blocus, un article publié dans Le Monde daté du 21 novembre 2018 signalait que, après BNP Paribas en 2014 et le Crédit Agricole en 2015, la Société Générale avait accepté de verser 1,34 milliard aux autorités étasuniennes pour mettre un terme aux poursuites engagées pour violation de l'embargo sur Cuba (et accessoirement sur l'Iran et le Soudan). Et Donald Trump prévoit de nouvelles mesures administratives pour durcir encore le blocus. 3 Il a profité de son séjour aux États-Unis pour rencontrer notamment des représentants de Google et Amazon. 4 La Constitution actuellement en vigueur, et déjà révisée en 1992 puis en 2002, avait été adoptée par référendum en février 1976. 5 Au point que certains craignent un score plus faible lors du référendum si cet article reste en l'état. 6 Nous rendrons compte de ces débats sur le site de FAL. Le débat autour du projet de Constitution en chiffres : - plus de 7 millions de Cubains (résidant ou non dans l'île) ont participé. - 659 527 propositions ont été enregistrées (dont plus de 2000 commentaires de la diaspora), portant sur des modifications (560 003), des ajouts (27 238), des éliminations (38 503) ou des questionnements (33 781). Source Cubadebate.
Quartiers de Caracas. Photos: Yoletty Bracho (août 2018). légitimer un système qu’ils considèrent ne-s. Ainsi, lors des élections Secrétaire Général de l’Organisation peu démocratique. Si l’élection présidentielles de 2006, 2012, 2013 des États Américains, Luis Almagro, présidentielle est finalement repoussée et des élections législatives de et réunissant des gouvernements de au 20 mai, les capacités d’organisation 2015, on a pu observer des taux de droite - condamne une réélection jugée de l’opposition sont amoindries. Face participation de plus de 70% et jusqu’à anti-démocratique. Or, ces divisions, à Henri Falcón pour le parti Avanzada 80% pour un corps électoral d’environ calées sur la polarisation politique Progresista - intégré à la MUD -, et au 20,5 millions de citoyen-ne-s. Or, en vénézuélienne, et transposées à un pasteur évangélique Javier Bertucci 2018, seulement 46,07% du corps contexte international, où « libéraux » pour le parti Esperanza Por El Cambio, électoral se déplace aux urnes. Une et « anti-impérialistes » se battent pour le président en exercice l’emporte telle chute dans la participation est être les porteurs légitimes du drapeau facilement, avec 67,84 % des suffrages un effet de la conjoncture politique de la démocratie, ne font que renforcer exprimés. propre à l’élection, et notamment de les difficultés internes du pays. Ainsi, l’interdiction-boycott de la MUD. Mais les différents acteurs internationaux L’abstention, conséquence elle doit aussi être mise en perspective proposent leur soutien politique et de la crise du politique avec une situation politique, économique soit à des opposants économique et sociale où les capacités mudistes qui misent tout sur la politique Mais ces 67,84% de votes ne signifient d’organisation des Vénézuéliens-ne-s du pire, encourageant le blocage pas pour autant une grande victoire se raréfient. Dans un tel contexte, économique du pays et espérant une car l’élection présidentielle se déroule les motivations à la participation intervention militaire extérieure, soit sur fond de politique, notamment dans les cadres au gouvernement de Maduro dont les crise - politique, représentatifs et participatifs réguliers, concessions aux capitalistes étrangers économique, semblent moins vives, et ceci dans tout et nationaux n’offrent pourtant aucune internationale- l’échiquier politique. réponse à la crise traversée par le pays. d u r a b l e , qui touche Internationalisation et La crise du politique est fort visible lors profondément instrumentalisation des échéances électorales. Mais elle le quotidien des de la question vénézuélienne est aussi présente dans le quotidien Vé n é z u é l i e n - d’une population qui a besoin d’une ne-s, produisant Ce constat pessimiste n’est pas sortie de cette situation, par le haut et des effets amélioré par les perspectives négociée. Les Vénézuélien-ne-s n’ont négatifs sur le internationales. Après l’échec des pas renoncé au politique : ils et elles développement négociations entre gouvernement et le construisent inlassablement par les du politique. opposants mudistes en République résistances individuelles et collectives Un des effets Dominicaine, le clivage de la qui permettent de vivre le quotidien, visibles en est question vénézuélienne à l’échelle malgré des structures toujours plus la montée de internationale paraît s’approfondir. contraignantes. l’abstention. En La réélection de Nicolás Maduro effet, les rendez- en est un très bon exemple : des Yoletty BRACHO vous électoraux, souvenirs de guerre froide s’éveillent Doctorante et notamment quand cette élection n’est pas en science politique à l’Université Lumière Lyon 2 ceux touchant reconnue par les gouvernements dits Membre de FAL aux élections «occidentaux», comme ceux des États- nationales, Unis et de la France, mais l’est par des À voir aussi ont été par gouvernements «non-occidentaux», le passé très comme ceux de la Russie et de la FALMag N°134, dossier "Venezuela : comprendre la crise actuelle". concourus par Chine. À l’échelle régionale, le groupe En lecture libre sur notre site : les Vénézuélien- de Lima - constitué à l’initiative du http://www.franceameriquelatine.org/falmag/ 13
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