Gorilla Journal Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe - Berggorilla & Regenwald Direkthilfe eV
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Gorilla Journal Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe No. 55, décembre 2017 Des micro-projets Le mouvement Renforcement de Conserver les go bien ciblés pour la « One Health » la conservation rilles dʼEbo grâce conservation pour la conserva transfrontalière à la collaboration tion des gorilles pour Cross River communautaire
BERGGORILLA & REGENWALD DIREKTHILFE Table des matières Auteurs vaillé pour Uganda Wildlife Authority de 1996 à 2000. Cela impliquait la mise en R. D. Congo 3 Andrew Dunn est chef de projet pour place de programmes vétérinaires pour Des micro-projets bien ciblés le programme de recherche sur la bio les gorilles de montagne et d’autres peuvent-ils favoriser la conserva- diversité du WCS dans le sud-est du espèces animales en même temps tion, la lutte anti-braconnage et le Nigéria, ayant pris ses fonctions en qu’une éducation de la communauté. combat contre la déforestation ? 3 mars 2004. Il travaille sur les études Après cela, elle s’est spécialisée à Nouvelle tentative d’exploitation biologiques et les projets de conserva l’Université d’Etat de Caroline du pétrolière dans le Parc National tion en Afrique depuis 1989, et possède Nord et a conduit des recherches sur des Virunga 7 une grande expérience dans la sur la tuberculose chez les humains, les Ouganda 8 veillance des grands mammifères. Il animaux sauvages et le bétail dans Le mouvement « One Health » a travaillé comme conseiller en con les parcs nationaux de Bwindi Impé (Une Seule Santé) pour la servation pour le WWF au Parc Natio nétrable et Queen Elisabeth. conservation des gorilles 8 nal de Gashaka-Gumti au Nigéria de Daniel M. Mfossa est le coordinateur Cross River 12 1995 à 2000 et comme conseiller du du Club des Amis des Gorilles de l’Ebo Renforcement de la conservation Parc National de Korup au Cameroun Forest Research Project. Il prépare transfrontalière entre le Nigéria et de 2000 à 2003. son doctorat à l’université ERAIFT de le Cameroun pour protéger les Ekwoge Enang Abwe est titulaire Kinshasa et effectue des recherches gorilles de Cross River 12 d’un MSC de conservation des pri sur les gorilles d’Ebo et leur habitat. Une brève mise à jour sur l’auto- mates obtenu à l’université d’Oxford Dr. Bethan Morgan est chef du pro route proposée dans l’État de Brookes. Il étudie les grands singes gramme en l’Afrique Centrale de la Cross River, au Nigéria 13 dans la région d’Ebo depuis 2004 et se Société Zoologique de San Diego, Cen Gorilles 14 consacre depuis 2008 au suivi et à la tre pour la Reproduction des Espèces Conserver les gorilles d’Ebo au collecte de données écologiques sur les en Danger (CRES), Programme Inter Cameroun grâce à la collaboration gorilles d’Ebo. L’un de ses principaux national de terrain au Cameroun, où communautaire 14 objectifs depuis 2011 est d’engager et elle étudie l’écologie des grands mam Les sagas des dos argentés : de motiver les communautés locales mifères, particulièrement les drills. luttes de dominance chez les dans la conservation des gorilles. Claude Sikubwabo Kiyengo a mené mâles gorilles 19 Dr. Inaoyom Imong est le Directeur une étude sur les gorilles dans le du projet Cross River Landscape initié Parc National de la Maïko de 1989 par le WCS Nigéria. Il se consacre à 1992, et en 1994 il a pris part au depuis 2004 à la conservation des recensement de gorilles de Kahuzi- Gorilla Journal 55, décembre 2017 gorilles de Cross River. Il a étudié dans Biega. Il a travaillé ensuite avec l’Institut Editeur : Angela Meder le cadre de son doctorat les influences Congolais pour la Conservation de la Augustenstr. 122, 70197 Stuttgart, de l’écologie et de l’anthropogénie sur Nature à Goma et de 2000 à 2004 Allemagne la distribution et la conservation des pour le programme PPP de l’Union E-mail : meder@berggorilla.org gorilles de Cross River. Internationale de la Conservation de Traduction : Yves Boutelant, Jean- Dr. Gladys Kalema-Zikusoka est la Nature. En 2005 il a travaillé pour Pascal Guéry, Erik Mager, Julia fondatrice et Directrice Générale de le bureau régional de l’Union Interna Peguet, Florence Perroux l’organisme Conservation Through tionale de la Conservation de la Nature Réalisation : Angela Meder Public Health. Elle a étudié la médecine en Afrique Centrale. De 2006 à 2007 Couverture : Le dos argenté qui est à vétérinaire à Londres et a ensuite tra il a été chef conservateur du Parc Na la tête du groupe de Bikingi à Bwindi tional des Virunga, secteur centre. Il Photo: Wolfram RietschelI a été notre assistant à partir de 2008 Addresse de l’organisation : et est maintenant Directeur Général Relation bancaire : Berggorilla & Regenwald Direkthilfe de l’Institut Supérieur de Conservation IBAN DE06 3625 0000 0353 3443 15 c/o Burkhard Broecker de la Nature, de l’Environnement et du BIC SPMHDE3E Juedenweg 3 Tourisme (ISCNET) de Rumangabo. De Suisse : 33161 Hoevelhof, Allemagne 2011 à 2016, il était expert PACEBCo IBAN CH90 0900 0000 4046 1685 7 E-mail : broecker@berggorilla.org pour la conservation et la biodiversité BIC POFICHBEXXX Site web : http://www.berggorilla.org dans la région de Virunga (COMIFAC). 2 Gorilla Journal 55, décembre 2017
R. D. CONGO Des micro-projets bien ciblés peuvent-ils favoriser la conservation, la lutte anti-braconnage et le combat contre la déforestation ? La Réserve de Sarambwe et le Mont Tshiaberimu sont deux sites formant des îlots pour les gorilles, Gorilla beringei beringei (Sarambwe) et Gorilla beringei graueri (Mt. Tshiaberimu), dans les parties Centrale et Nord du Parc National des Virunga. La Réserve de Sarambwe, avec ses 900 hectares, est contigüe au Parc de Bwindi, Bwindi Impenetrable National Park. Environ 1/3 de sa superficie a été transformée en jachère, dont une partie est utilisée pour des cultures vi- vrières pratiquées essentiellement par des Ougandais prétendant que ces terres se trouvent en Ouganda. Malgré sa superficie petite, la Ré- Braconnier arrêté avec son chien dans la Réserve de Sarambwe serve de Sarambwe héberge une Photo : Jean Paul Kambere faune riche et abondante. Les animaux caractéristiques de la réserve sont sur- panzé, le gorille et le Colobus guere- – le voisinage du Parc de Bwindi, où tout des primates, dont les 6 espèces za. On dénombre également un por- la plupart des primates se rendent sont le Ceropithecus mitis, le Cerco- cin, le potamochère. Le nombre total pendant la saison aride, pithecus ascanius, le babouin, le chim- de gorilles est seulement de 23 indivi- – et surtout par la maturité des fruits dus, avec des familles de respective- consommés par les primates, entre protected area Ishasha ment 12, 8 et 2 membres (cette der- autres les ficus et les avocatiers … national border nière étant arrivée récemment), plus un mâle solitaire. En revanche, les autres Depuis le début de notre intervention UGANDA primates ont été observés au cours de appuyée dans et autour de la Réserve ces trois derniers mois sous forme de uru tsh Parc National Butogota groupes nombreux, allant jusqu’à 150 Ru des Virunga individus pour les babouins, 72 pour les Ascagnes, 57 pour le colobe gue- Sarambwe reza, 49 pour les Cercopithecus mitis Réserve Rusura et enfin 27 pour les chimpanzés. Le Naturelle Buhoma nombre élevé de primates dans cette de Sarambwe Nteko petite forêt résiduelle très fréquentée Bwindi s’explique par : D. R. CONGO Impenetrable National Park Rutshuru – les habitudes alimentaires de la po- pulation qui ne s’intéresse pas à la chair des primates, car ceux-ci sont Réserve de Sarambwe considérés comme des animaux Antilope confisquée dʼun bra Carte : Angela Meder proches de l’homme, connier dans la réserve 3 Gorilla Journal 55, décembre 2017
R. D. CONGO de Sarambwe en 2008, les opérations de monitoring ont été permanentes et de multiples micro-projets de dévelop- pement ont été déployés en faveur de la population et des écoles. Il arrive maintenant que des bénéficiaires de micro- projets dénoncent aux pisteurs et à la force conjointe armée-ICCN des cas de braconnage et de violation des limites. Ces dénonciations permettent aux agents en charge de la conser- vation de stopper les intrusions dans la réserve aux fins de braconnage, de coupe d’arbres ou agriculture. Malheu- reusement, ces dénonciations ne se produisent que du côté congolais. Pour les mois de juin à septembre, on estime qu’une superficie de 114 hec- tares était cultivée dans les anciennes jachères, dont 14 dans la partie gé- rée par des congolais et 100 hectares dans la partie en conflit de limites avec les ougandais. Les pisteurs ont détruit 8 hectares de haricots et 5 hectares de Sciage de long dans la Réserve de Sarambwe – ces planches ont été bananiers. Trois cas de sciage de long confisquées. ont été aussi signalés, avec pour résul- Photo : Jean Paul Kambere tat l’arrestation d’un scieur et la saisie de 25 planches. Les feux de brousse ont consumé une superficie de 36 hec- tares, toujours dans les anciennes par- ties cultivées. Grâce aux dénoncia- tions, 25 pièges ont été démantèles et 3 braconniers arrêtés, dont l’un avait un chien. Suite à la forte saison sèche qui a sévi dans la région, des bergers ont tenté d’amener leurs vaches en pâture dans la réserve mais, grâce aux dé- nonciations, 39 vaches d’un éleveur ont été saisies et le dossier a été trans- féré à l’ICCN (Institut Congolais pour la Conservation de la Nature). Les autres éleveurs n’ont pas tenté d’amener leurs vaches dans la réserve. Nous nous réjouissons de ces arres- tations, car nous ignorions que les bra- conniers surveillaient les mouvements des pisteurs et essayaient de s’infor- Vaches dans la Réserve de Sarambwe mer sur les itinéraires de patrouilles Photo : Jean Paul Kambere afin de ne pas rencontrer les pisteurs. 4 Gorilla Journal 55, décembre 2017
R. D. CONGO A présent, l’enthousiasme de la popu- mettre en place de nouvelles activités cas de 72 ruches sur les 80 de Saram- lation pour les projets fait qu’elle n’hé- économiques. bwe. Une première production de miel site pas à dénoncer les cas de bracon- Le projet d’apiculture est destiné a eu lieu à Sarambwe en septembre nage et même à dévoiler les plans des à mettre en valeur les arbres plantés dans 30 ruches avec une production braconniers. Ceci permettra d’amélio- dans le cadre de projets de pépinières moyenne de 3,5 litres par ruche, ce rer la surveillance et la protection de la scolaires et de pépinières des femmes qui représente environ 21 dollars par réserve de Sarambwe. des pisteurs financés ces dernières an- ruche. Notons que la production en sai- A partir du mois de mars 2017, plu- nées, et à procurer des revenus sup- son sèche représente environ la moitié sieurs activités de développement ont plémentaires à ses bénéficiaires. Un de la production en saison pluvieuse. été mises en place autour de Saram- total de 130 ruches, dont 50 pour le La première récolte avec l’ensemble du bwe et au Mont Tshiaberimu. Ces acti- Mont Tshiaberimu et 80 pour Saram- potentiel de production est attendue au vités visent à augmenter les revenus bwe, ont été fabriquées et placées mois de décembre 2017. de la population, à valoriser les pro- dans les arbres. Sur les 50 ruches du Le projet de presse d’huile de duits locaux, à diminuer la pression sur Mont Tshiaberimu, 35 contiennent déjà palme à Sarambwe. Ce projet a abou- certaines ressources vulnérables et à des abeilles, ce qui est également le ti à la mise en place de trois points Presse d’huile de palme à Sarambwe Photo : Jean Paul Kambere, Chef des pisteurs de Sarambwe 5 Gorilla Journal 55, décembre 2017
R. D. CONGO taculaire. Du fait des multiples usages du bambou, l’adhésion de la population au projet est énorme; à tel point que les demandes ne peuvent pas être cou- vertes par le projet en cours. Ce projet porte sur 15 000 plants de bambous. Près de 2350 personnes ont demandé à avoir des plants ou des boutures de bambou. Les superficies des champs étant trop petites, les bambous se- ront plantés isolément dans plusieurs champs. Les habitants des villages de Kabeka et de Vikuku ont également de- mandé à avoir une forêt de bambous. Par ailleurs, des jeunes gens autour du Mont Tshiaberimu viennent de créer un club nommé « Amis des bambous ». Les initiateurs de ce club, qui sont au nombre de 15, ont émis une demande de 200 boutures chacun et ont reçu 3 ballons de football car, disent-ils, ils veulent jouer des matchs pour les go- Initiateurs du Club des Amis des bambous à Vurusi rilles et pour les bambous. Ceci dénote Photo : Père André Katembo une sensibilisation pour la conserva- tion des gorilles et de bambous. L’en- de presse de noix de palme destinés propriétaires de plantations ou de pal- gouement de la population pour les à valoriser des anciennes plantations miers isolés, mais aussi pour les ache- plantations de bambous laisse espé- de palmier à huile abandonnées et à teurs car le prix de l’huile baisse avec rer que la recherche de bambous dans générer des revenus pour la popula- la diminution des coûts de production). le parc va diminuer sensiblement ou tion (bénéficiaires de presses à huile, C’est un projet qui bénéficie à toute la même s’arrêter. population environnante. Trois presses En dehors de la demande de bam- ont été installées pour les femmes des bous par la population, ce sont les pisteurs et leur permettent de produire, chefs locaux qui souhaitent obtenir des en plus de leurs activités quotidiennes, bambous afin de stabiliser les routes 40 litres d’huile de palme par semaine sur les pentes abruptes autour du Mont et par presse, ce qui correspond à en- Tshiaberimu. viron 56 dollars. Claude Sikubwabo Kiyengo Le projet de pisciculture à Saram- bwe connaît également une évolution favorable. C’est en fait une répétition des projets de piscicultures du Mont Tshiaberimu. Au départ, le projet a été contrarié par le manque d’alevins dans le milieu environnant. Après plusieurs démarches, des alevins ont pu être ra- menés de Biruma, une localité proche de Rumangabo, située à près de 75 km au sud de Sarambwe. Les étangs ont Pépinière de bambous déjà été ensemencés. Photo : André Katembo Le projet de plantation des bam- Mughunda, VONA bous rencontre un enthousiasme spec- 6 Gorilla Journal 55, décembre 2017
R. D. CONGO Nouvelle tentative d’un faux espoir, car Kinshasa vient de nappes pétrolifères du côté congolais réattribuer le bloc controversé à une du Rift Albertin. d’exploitation pétrolière société offshore. Toutefois, un tel projet d’exploi- dans le Parc National des En 2014, la firme britannique SOCO tation comporte sur le plan juridique Virunga International, suite à une campagne des risques d’être invalidé, en plus du intense menée contre elle, avait an- risque encouru par l’opérateur d’être On avait cru que le Parc National des noncé l’arrêt de ses activités dans le présenté internationalement comme Virunga resterait préservé après le Parc National des Virunga et avoir ces- un ennemi de la faune et de la flore. retrait en 2015 de la firme pétrolière sé de détenir un bloc dont plus de la L’exploitation pétrolière dans un site SOCO qui voulait y pratiquer des moitié recouvrait le territoire du parc. du Patrimoine mondial n’est par prin- forages. Il s’agissait malheureusement La crainte des défenseurs de l’envi- cipe pas admise. Il est totalement illé- ronnement était que l’exploration sis- gal d’exploiter du pétrole à l’intérieur protected area mique et l’exploitation ne portent at- du parc, selon la législation congolaise teinte à la riche mais fragile biodiversité actuelle. L’ancienne directrice générale national border du parc, qui comprend le Parc Natio- de l’UNESCO, Irina Bokova, avait me- river nal des Volcans rwandais et le Bwindi nacé plusieurs fois les autorités congo- Impenetrable National Park ougandais, laises de retirer le Parc National des Beni refuges des gorilles de montage, ainsi Virunga de la liste des sites du Patri- i or DEMOCRATIC qu’une partie du Lac Edouard. Ce der- moine mondial si elles autorisaient des nz we Mutsora nier pourrait être touché par une ma- forages à l’intérieur de celui-ci. REPUBLIC OF Ru rée noire. On peut donc se demander pour- THE CONGO Et voici que, deux ans après le dé- quoi la Sonahydro et le Ministre des part de SOCO, Africa Energy Intelli- Hydrocarbures, Aimé Ngoy Mukena Butembo gence (AEI), basée à Paris, vient de font une nouvelle tentative pour lancer révéler que le gouvernement congolais l’exploitation pétrolière dans le parc. Le Mt. Tshiaberimu n’a pas abandonné l’idée de permettre film Virunga du réalisateur Orlando von l’exploitation pétrolière dans le parc. Einsiedel révèle certaines pratiques de Un accord de principe a été signé pour corruption de la part de SOCO. Ceci réattribuer le permis de SOCO à une pourrait être un début d’explication. Lake filiale de la société offshore Oil Quest Résumé d’un article de François Edward Holdings basée à l’Ile de Man. Son di- Misser dans La Libre Afrique recteur, Rui Miguel Léon-Suberbielle, n’est autre que le fils du président ac- tuel de SOCO, Rui de Sousa. Rwindi Une deuxième coïncidence a été re- levée par AEI : l’homme de Oil Quest au Congo est l’ancien représentant de SOCO dans le pays, José San- UGANDA gwa Kanyunzi. Ceci mène à soupçon- Rutshuru ner SOCO de vouloir récupérer son Tongo bloc sous une autre identité. Cepen- Rumangabo dant, Rui de Sousa dément avoir le Nyamulagira moindre intérêt dans la société dirigée Mikeno Sector par son fils. Nyiragongo On remarquera quand même que l’enjeu est colossal. La firme irlandaise Goma RWANDA Tullow Oil a découvert des réserves de Lake Kivu 1,7 milliard de barils du côté ougan- dais, ce qui laisse espérer de bonnes Parc National des Virunga chances de trouver également des Carte : Angela Meder 7 Gorilla Journal 55, décembre 2017
OUGANDA Le mouvement menacés par les conflits humains-go- vage, la santé des communautés et rilles. des moyens de subsistance alternatifs. « One Health » (Une Nous remercions le Gorilla Journal Dans le cadre du programme de Seule Santé) pour la d’avoir soutenu le CTPH depuis sa fon- conservation de la vie sauvage, nous conservation des gorilles dation en 2003 en tant qu’ONG enre- avons mis en place un programme de gistrée en Ouganda et en tant qu’orga- surveillance à long terme de la santé « One Health » est une initiative nisation à but non lucratif enregistrée des gorilles en tant que système pré- qui aborde ensemble les santés aux Etats-Unis. Le CTPH encourage la coce d’alerte des épidémies entre les de l’humain, de l’animal et des éco conservation de la biodiversité en per- populations, les gorilles et les animaux systèmes. Nous avons fondé Conser mettant aux personnes, à la faune sau- domestiques. vation Through Public Health ou vage ainsi que domestique de coexis- Nous formons le personnel du Parc CTPH (La Conservation par la Santé ter en améliorant leur santé et leurs National de Bwindi à collecter men- Publique) en 2003 parce que nous moyens de subsistance à l’intérieur et suellement des échantillons de déjec- étions préoccupés par la transmission autour des aires protégées en Afrique. tions fécales provenant des nids et des de maladies des humains aux gorilles, Nous avons la vision de populations sentiers afin de reconnaître et signaler un problème que nous avons identifié et de gorilles vivant dans l’équilibre, la les signes cliniques chez les gorilles. lors de la création de l’unité vétérinaire santé et l’harmonie ainsi que de com- Les signalements se font aussi lorsque de l’Uganda Wildlife Authority ou UWA munautés locales agissant en tant que les échantillons de tous les groupes (Agence Ougandaise pour la Vie gardiens de leur environnement. Les de gorilles habitués sont anormaux et Sauvage) de 1996 à 2000 comme une trois programmes intégrés du CTPH lors du recensement des gorilles, qui a des menaces affectant les gorilles. sont la conservation de la vie sau- lieu tous les cinq ans. Nous analysons En 1996, j’ai dirigé une équipe qui a enquêté sur la première épidémie de gale chez les gorilles de montagne, qui sont une espèce déjà très menacée. l’origine de cette épidémie a été attribuée aux personnes vivant aux abords du parc et ayant un accès limité à des services de santé de base et autres services sociaux. En 2000, nous avons tenu une réu- nion avec des partenaires de la conser- vation des gorilles ainsi qu’avec le Pro- gramme International de Conservation des Gorilles (PICG) où j’ai été char- gée de diriger une initiative pour sen- sibiliser les communautés locales à la santé et à l’hygiène de base. C’est à ce moment que mon parcours « One Health » a commencé en développant des brochures en anglais et dans la langue locale sur le risque de trans- mission de maladies de l’humain vers le gorille. C’était aussi ma première in- troduction à l’éducation des commu- nautés. En collaboration avec le direc- teur de la conservation locale de l’UWA Analyse d’échantillons d’excréments dans le laboratoire du CTPH : à avec les gardes forestiers et des assis- droite, Stephen Rubanga, responsable technique vétérinaire et l’un des tants médicaux des sous-comtés, nous fondateurs du CTPH, et sur la gauche des étudiants des universités de avons discuté avec plus de 1000 per- Londres et Dublin sonnes dans 8 villages parmi les plus Photo : CTPH 8 Gorilla Journal 55, décembre 2017
OUGANDA les centres de santé et les bureaux vé- en commençant par la tuberculose et térinaires locaux afin de démarrer une en consolidant la thérapie de courte action rapide et mieux gérer les efforts durée basée sur l’observation directe sur la santé. intra-communautaire des traitements L’analyse des échantillons a été (Community Based Direct Observation réalisée pour la première fois dans of Treatment Short course therapy ou un centre de recherche sur le gorille CBDOTS) puis en mettant en place un construit en 2005 à Buhoma, le prin- planning familial communautaire avec cipal site touristique de Bwindi, grâce la formation des VHCT dans les vil- à un financement de la Fondation lages. Lorsque nous avons commencé MacArthur. Ce centre a été ensuite à étendre le programme de Kanungu développé en centre permanent pour au district de Kisoro, le Ministère de la santé et la conservation du gorille, la Santé a commencé à reconnaître grâce aux fonds du Tusk Trust. Nous les équipes de santé villageoises (Vil- encourageons également l’utilisation lage Health Teams, VHT) constituées de réchauds à économie d’énergie de volontaires des communautés lo- par l’intermédiaire de nos Équipes Vil- cales, ce qui nous a permis de former lageoises de Santé et de Conserva- les VHT les plus actifs pour devenir des tion (Village Health and Conservation VHCT. Chaque VHCT est en charge Teams, VHCT) afin de réduire la défo- de 50 ménages dans son village. Ils restation et la destruction de l’habitat travaillent à la promotion d’une bonne des gorilles. hygiène, à l’assainissement, à la pré- Dans le cadre du programme de vention des maladies infectieuses et ils La fondatrice du CTPH Gladys santé communautaire, nous avons ren- gèrent le planning familial. Ils éduquent Kalema-Zikusoka fournissant à une forcé les soins de santé des villages également à la nutrition et signalent communauté des informations sur la conservation et la santé publique Photo : CTPH régulièrement des échantillons fécaux de gorilles pour prévenir et contrôler la transmission croisée des maladies entre les personnes, les gorilles et le bétail, et nous effectuons aussi une analyse comparative avec le bétail et les humains. Nous travaillons également avec des volontaires locaux pour la Réso- lution des Conflits Humains–Gorilles (Human–Gorilla Conflict Resolution ou HuGo), une initiative mise en place par UWA et le PICG pour rediriger en toute sécurité les gorilles dans le parc. Nous formons HuGo pour surveiller la santé des gorilles lorsqu’ils se nour- rissent sur les terres des villages alen- tour, un environnement où ils sont les plus susceptibles de contracter des Un garde du parc enseigne à un volontaire de la communauté HuGo maladies chez les humains. Les résul- comment prélever des échantillons d’excréments dans un nid élevé tats des analyses sont partagés avec pendant un séminaire de formation du CTPH. l’UWA, les ONG locales partenaires, Photo : CTPH 9 Gorilla Journal 55, décembre 2017
OUGANDA aux centres de santé les plus proches les cas suspects de tuberculose, de VIH, de gale ainsi que ceux souffrant de diarrhée. Ils promeuvent également la conservation des gorilles et des fo- rêts et signalent les maisons visitées par les gorilles, ce qui réduit le temps de réponse des équipes HuGo et du personnel du parc. Dans le cadre du programme de moyens de subsistance alternatifs, nous soutenons les VHCT avec des projets d’élevage produisant des reve- nus pour chaque paroisse. L’argent gé- néré aide à soutenir leur activité béné- vole et aide à répondre aux besoins de base des ménages. Par la suite, les VHCT réinvestissent les fonds dans des Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit (Village Saving and Loan As- sociations, VSLA), doublant leurs reve- nus. Les VHCT ont continué à promou- voir la santé et la conservation au-delà Le Coordinateur du CPTH pour la santé des communautés, Alex Ngabi des apports des financeurs, et nous rano, avec le personnel du nouveau VHCT et du Centre de Santé de n’avons eu aucun abandon de poste Mpungu volontaire depuis 10 ans. Photo : CTPH Le modèle VHCT et VSLA a conduit le CTPH à remporter le premier prix du développement le plus novateur quant Interventions basées sur le travail Réseau Mondial de Développement en à l’amélioration de la prestation des Au cours de la première année de mise 2012, le prix japonais pour le projet de services sociaux. En 2016, nous avons en place du programme de surveillance utilisé la même approche pour rendre de la santé des gorilles, nous avons les groupes de volontaires HuGo fi- découvert que les gorilles du groupe nancièrement stables en leur donnant Nkuringo qui passaient plus de 50 % du des projets d’élevage collectif qui les temps sur les terres villageoises mon- rassemblent et les aident à gagner un traient le nombre de parasites le plus revenu au travers de ces entreprises élevé. Ceci, ajouté à l’augmentation du d’élevage. conflit homme–gorille, a incité l’UWA à En 2015, avec le soutien de WWF recruter plus de membres HuGo dans Suisse, nous avons fondé le Gorilla le secteur sud de Bwindi. Conservation Coffee (le Café pour la Nous avons utilisé la méthode im- Conservation du Gorille), une initiative muno-enzymatique ELISA sur les sociale du CTPH qui forme les agricul- échantillons fécaux des populations, teurs et leur achète un café de qualité des gorilles et du bétail pour tester à un prix équitable afin de réduire leur la présence des parasites Giardia et Le Coordinateur du CPTH pour la dépendance au parc national pour sa- Cryptosporidium et nous avons consta- santé des communautés, Alex tisfaire leurs besoins en nourriture et té qu’il y avait une forte incidence de Ngabirano, présentant le en bois de chauffage. Une partie des Giardia chez les personnes avec des programme du CPTH au personnel bénéfices de chaque sac de café ven- symptômes de diarrhée admises à l’hô- du nouveau VHCT et du Centre de du est utilisée pour continuer le travail pital. Cela nous a incité à recruter un Santé de Mpungu. de santé du CTPH avec les gorilles et bénévole communautaire VHCT sup- Photo : CTPH les communautés locales de Bwindi. plémentaire dans un plus grand village 10 Gorilla Journal 55, décembre 2017
OUGANDA dont les cas de Giardia étaient les plus coles durables et l’utilisation de ré- vironnement et du Développement fréquents et avec des conditions de vie chauds à économie d’énergie, un (IIED) pour mener une étude d’impact parmi les plus pauvres, ainsi que de gorille à dos argenté bénéficiant social afin de déterminer comment les fréquentes visites de gorilles sur leurs d’une plus grande protection sur les investissements réalisés au cours des terres. L’hôpital a également formé les terres communautaires ainsi qu’une 10 dernières années ont contribué à la patients à recueillir de l’eau provenant réduction du braconnage et des pré- conservation et au développement du- de sources protégées. lèvements illégaux de forêts qui sont rable. Les recommandations de cette Lorsque nous avons mené des actuellement mesurés grâce à une étude seront utilisées pour améliorer enquêtes de référence, nous avons étude d’évaluation de l’impact social nos programmes et adapter le modèle constaté que plus de 50 % des foyers réalisée avec financement de l’Initia- à d’autres paroisses autour de Bwindi, recueillent de l’eau provenant de tive Darwin dans le sous-comté de Mpungu et dans sources non protégées et que ceux qui – utilisation accrue des méthodes de d’autres régions protégées. Il s’agit no- en consommaient étaient plus suscep- planification familiale de 20 à 60 %, tamment de la forêt de Budongo diri- tibles de boire de l’eau récoltée dans c’est-à-dire supérieure de 30 % à la gée par l’Institut Jane Goodall qui tra- des récipients sales. Bien que nous moyenne nationale vaille en étroite collaboration avec la ayons trouvé du Cryptosporidium chez – hommes plus impliqués dans la pla- station de conservation de la forêt de les gorilles, les humains et le bétail, nification familiale et des femmes Budongo ainsi que le Mont Elgon diri- ils ne présentaient pas de signes cli- et jeunes plus impliqués dans la gé par l’UWA, en étroite collaboration niques. conservation avec les agents de l’environnement du Cela nous a incité à augmenter nos – augmentation de 50 % des installa- district. efforts pour empêcher les gorilles d’at- tions pour le lavage des mains, du traper des Giardia, qui sont beaucoup matériel d’hygiène rectale, des réci- Plans futurs plus pathogènes. L’UWA a mis la col- pients de stockage d’eau propre et Nous prévoyons d’intensifier la re- lection mensuelle d’échantillons fécaux des grilles de séchage cherche grâce à des partenariats avec de gorilles par les gardes forestiers et – augmentation significative des cas des universités et d’autres institutions les pisteurs dans le plan opérationnel suspects de tuberculose, de VIH et de recherche pour mesurer et amélio- annuel pour Bwindi. de gale adressés aux centres de rer l’efficacité de notre modèle inno- Grâce à la communication des VHCT santé vant « One Health » et pour étendre sur le changement des comportements notre approche en mettant en œuvre et grâce aux encouragements supplé- Mesurer notre impact de nouveaux programmes dans de mentaires de l’UWA, les membres de la En 2016, le CTPH a fait équipe avec nouvelles régions d’Ouganda et dans communauté de Bwindi autour du parc, des chercheurs de l’Université d’Ox- d’autres pays d’Afrique, notamment en particulier dans le secteur sud, ont ford et de l’Institut International de l’En- avec la région des Virungas où nous commencé à construire des latrines à avons démarré un projet. Nous voulons fosse. aussi diffuser notre impact en formant Nous avons commencé à mener une d’autres à la mise en œuvre de notre recherche conjointe « One Health » approche et en encourageant les mes- par le biais de protocoles d’entente sages de promotions et d’influence. avec le gouvernement local du district Gladys Kalema-Zikusoka de Kanungu et l’hôpital missionnaire des ONG, l’hôpital communautaire de Nous sommes très reconnaissants en- Bwindi. vers les nombreux donateurs et parte- naires qui ont soutenu notre travail au Résultats et impact cours des 14 dernières années. – réduction des occurrences de mala- dies chez les gorilles – réduction des conflits homme–go- rille – comportements de conservation Alex Ngabirano et Richard améliorés, mis en évidence par Bagyenyi l’augmentation de pratiques agri- Photo : CTPH 11 Gorilla Journal 55, décembre 2017
CROSS RIVER Renforcement de la con Anape protected area servation transfrontalière Butatong gorilla distribution entre le Nigéria et le Akwaya Afi Mountain Cameroun pour protéger Wildlife Okwangwo national border les gorilles de Cross River Sanctuary Mbe Mountains Limité à la région de la forêt tropicale Afi River Cross River Takamanda Mbulu Forest Forest Reserve National National CAMEROON le long de la frontière entre le Nigéria Park Park et le Cameroun, le gorille de Cross Ri- Basho ver (Gorilla gorilla diehli) est l’anthro- Kagwene poïde le plus menacé de l’Afrique, avec Gorilla Sanctuary une population totale restante estimée Takamanda à moins de 300. Avec une répartition NIGERIA Mon e transfrontalière, renforcer la coopéra- Ma tion entre les deux pays est primor- nyu (Cr Mone River oss dial pour améliorer la gestion de leur ) Ri ver Forest Reserve conservation. Environ un tiers de la population connue de ces gorilles vit Mamfe dans la zone transfrontalière entre la Division Okwangwo du Parc National Tofala Hills de Cross River au Nigéria et le Parc Wildlife Sanctuary National de Takamanda au Cameroun qui représente le site le plus étendu et le plus important pour la conserva- tion de cette sous-espèce de gorilles de l’ouest. Pour atténuer les menaces telles que le braconnage transfrontalier et l’exploitation forestière illégale ain- si que le commerce transfrontalier il- légal de viande de brousse, du bois et des produits forestiers non ligneux (PFNL) la collaboration entre les deux aires protégées est essentiel. L’amé- lioration de la collaboration transfron- talière peut également renforcer l’en- gagement national à la conservation lorsqu’elle est considérée comme une composante de la coopération inter- nationale. La coopération transfronta- lière entre le Nigéria et le Cameroun a été fortement promu au cours des der- nières années avec des patrouilles an- ti-braconnage conjointes régulières au territoire Okwangwo-Takamanda pour traiter les braconniers et les exploitants Les gardes du Parc National de Cross River et du Parc National de forestiers opérant à la frontière interna- Takamanda se réunissent pour une patrouille commune transfrontalière. tionale, et des ateliers de planification Photo : WCS transfrontalier annuels ainsi que des 12 Gorilla Journal 55, décembre 2017
CROSS RIVER La première rencontre a eu lieu à Bamenda (Cameroun) en mars 2016, entraînant l’identification des objectifs de gestion partagées et de la struc- ture de gestion transfrontalière propo- sée et un plan de zonage provisoire. La deuxième réunion a eu lieu à Cala- bar (Nigéria) en juin 2016 où il a été convenu d’impliquer organismes dona- teurs potentiels à la prochaine session du groupe de travail et de poursuivre l’état du site du Patrimoine Mondial de l’UNESCO en parallèle avec la présen- tation des formulaires de mise en can- didature pour le processus de Réserve de la Biosphère. Il a été recommandé de créer une structure de coordination Participants à la réunion du groupe de travail TBR au Nigéria, le 4 mai conjointe pour piloter la mise en œuvre 2017 du processus de désignation des Ré- Photo : WCS serves de Biosphère transfrontières, ainsi qu’un comité chargé de coordon- visites d’échange se sont organisées de l’Economie, de la Planification et du ner les activités de recherche axées pour faciliter et améliorer le partage de Développement Régional, le Ministère sur la gestion. La troisième réunion a l’information. de la Recherche Scientifique et de l’In- eu lieu à Yaoundé (Cameroun) en no- La structure d’un accord de coopé- novation et le Ministère des Arts et de vembre 2016, au cours de laquelle les ration a été élaborée entre les gouver- la Culture au Cameroun). participants ont révisé la structure de nements du Nigéria et le Cameroun Le groupe de travail s’est rencon- gestion transfrontalière proposée et la pour la mise en œuvre conjointe des tré en mai 2017 au Nigéria pour dis- zonation proposée du Réserve de la activités de conservation et des re- cuter les progrès sur la TBR et le pro- Biosphère Transfrontalière. cherches transfrontaliers. Un proces- cessus de mise en candidature WHS, Actuellement des travaux sont en sus est en cours pour créer une Ré- avec un accent particulier sur la né- cours pour élaborer un plan de gestion serve de Biosphère Transfrontalière cessité d’un financement dédié au pro- des aires protégées transfrontalières UNESCO (TBR) et un site du Patri- cessus TBR et la nécessité de finan- en s’inspirant des résultats de ces réu- moine Mondial (WHS) qui comprendra cer la sensibilisation communautaire nions de groupes de travail dans le la division Okwangwo du Parc National et les activités de consultation au Ni- cadre du processus de candidature de de Cross River et le Parc National de géria. Au Cameroun, ces activités ont l’UNESCO. Takamanda. été soutenues par le programme finan- Inaoyom Imong et Andrew Dunn Pour faciliter ce processus un groupe cé par la KfW pour la gestion durable de travail transfrontalier a été mis en des ressources naturelles (PSMNR) place, composé d’intervenants du Parc dans le sud-ouest du Cameroun, alors Une brève mise à jour sur National de Cross River au Nigéria et qu’aucun programme similaire existe l’autoroute proposée dans les Parcs Nationaux de Korup et de au côté Nigérian. Des représentants l’État de Cross River, au Takamanda au Cameroun, ainsi que des ambassades d’Allemagne à Abu- Nigéria d’autres Ministères pertinents et paras- ja et Yaoundé, ainsi que le Directeur tatales au Nigéria (Ministère Fédéral du Pays pour le Cameroun de la KfW En mars 2017, une réunion des interve- de l’Environnement, le Comité Natio- étaient présents à cette réunion. Ce nants avait eu lieu à Calabar afin d’exa- nal pour les Muséums et Monuments fut la quatrième réunion du groupe de miner la troisième version du rapport de – un organisme parapublic relevant du travail animée par les Bureaux Natio- l’EIE sur le projet d’autoroute de Cross Ministère Fédéral de l’Information et de naux de la Wildlife Conservation So- River. La quatrième version de l’EIE et la Culture) et le Cameroun (Ministère ciety (WCS) au Nigéria et au Came- un plan d’action sur la biodiversité ont des Relations Extérieures, le Ministère roun. depuis été soumis au Ministère fédéral 13 Gorilla Journal 55, décembre 2017
GORILLES de l’Environnement en mai 2017. On a Conserver les gorilles des gorilles d’Ebo est particulièrement pu y découvrir des améliorations signi- intéressante d’un point de vue géogra- ficatives comme l’annulation du couloir d’Ebo au Cameroun phique et taxonomique (Morgan et al. de 20 km et la déviation de l’autoroute grâce à la collaboration 2003, Groves 2005). En dehors des afin d’éviter d’importantes forêts com- communautaire primates, la forêt d’Ebo abrite de nom- munautaires et réserves forestières en breuses espèces animales et végé- bordure du parc national. Cependant, Le Cameroun abrite de nombreuses tales emblématiques. Une portion si- la qualité des données présentées était espèces de primates à haute valeur de gnificative de la forêt a été proposée au extrêmement mauvaise et, par consé- conservation, parmi elles les drills, le classement en tant que parc national quent, les mesures proposées par l’EIE colobe de Preuss et les gorilles (Mor- mais malheureusement, celui-ci attend n’ont pas pu être prises en considéra- gan et al. 2011). Les deux sous-es- encore son officialisation par le gouver- tion. De plus, l’EIE n’a pas tenu compte pèces reconnues de gorilles occiden- nement du Cameroun (Morgan et al. des impacts indirects que la chasse et taux (Gorilla gorilla) vivent au Came- 2011, Dunn et al. 2014). la perte d’habitat causeraient à long roun : le gorille des plaines de l’ouest Appuyé par des partenaires locaux, terme dans le Parc National de Cross (G. g. gorilla) qui se rencontre au sud nationaux et internationaux, le Pro- River en raison de la proximité de celui- de la rivière Sanaga et le gorille de jet de Recherche de la Forêt d’Ebo ci avec l’autoroute et d’un accès facilité Cross River (G. g. diehli) qui évolue (EFRP) travaille avec les communau- à la forêt. La WCS (Wildlife Conserva- dans la région frontalière entre le Nigé- tés riveraines et le gouvernement du tion Society) a recommandé que l’EIE ria et le Cameroun jusqu’au nord de la Cameroun pour conserver l’exception- et le plan d’action sur la biodiversité rivière Sanaga. Il existe en outre une nelle biodiversité de la forêt d’Ebo à soient rejetés. petite population de gorilles dans la fo- travers la recherche en biologie et la En juillet 2017, le Ministère fédéral rêt d’Ebo, située à environ 60 km au sensibilisation à la conservation (Abwe de l’Environnement a approuvé provi- nord de la rivière Sanaga et 200 km & Morgan 2012). Grâce au comptage soirement l’étude d’impact sur l’envi- au sud de la population de gorilles de des nids et aux images fournies par ronnement (EIE) requise pour l’auto- la rivière Cross la plus proche. Avec les pièges photographiques, nous es- route. Cette approbation provisoire exi- sa localisation intermédiaire entre les timons qu’un maximum de 25 gorilles geait que pas moins de 23 points soient sous-espèces existantes de gorilles au survivent dans la forêt d’Ebo sur une traités et demandait que l’EIE soit révi- Cameroun, la petite population isolée zone d’environ 25 km2 (Morgan 2010). sée et soumise à nouveau dans un délai de deux semaines. Étaient in- clus dans ces conditions le développe- ment d’une compensation pour la bio- diversité, une carte révisée montrant clairement la nouvelle route, un plan de réinstallation comprenant une liste des communautés affectées et le paie- ment de compensations aux commu- nautés déjà touchées par le projet. Ap- paremment, ces conditions n’auraient pas été remplies, l’EIE n’a pas encore été approuvée et aucune déclaration d’impact environnemental ou certificat d’EIE n’a été délivré par le Ministère fé- déral de l’Environnement. Néanmoins, la menace demeure, et à l’approche de la saison sèche, nous nous attendons à ce que le problème de l’autoroute re- jaillisse à nouveau. Andrew Dunn et Inaoyom Imong, octobre 2017 Vue de la forêt d’Ebo Photo : Daniel Mfossa 14 Gorilla Journal 55, décembre 2017
GORILLES perturbations au sein de l’habitat des gorilla gorilles jusqu’à ce que l’application de Bataba Ndokmen Nord distribution la loi puisse être assurée efficacement par l’état. Cette approche « d’exclu- Iboti sion » est complétée par une série de mesures dites « d’inclusion » : la pro- Locndeng motion des avantages liés aux activités Mopoun Locnanga de conservation à travers les activités Ndokbagengue de sensibilisation et l’amélioration des Njuma moyens de subsistance locaux en aug- Bekob mentant les sources de revenus et le bien-être de la population. Quelques- Proposed Sah’aa unes de nos activités sont résumées Ndokama Ebo National Park dans cet article. Une émission de radio pour cibler les communautés rurales et Ebo’oh l’administration locale Mamba Accéder à des informations pertinentes et à la connaissance des lois relatives à la gestion des ressources naturelles en milieu rural et urbain au Cameroun n’est pas aisé en raison d’un accès li- mité à la presse écrite, à la télévision et 0 3 6 12 km à internet. Depuis avril 2016, l’EFRP en collaboration avec le CAG, ACTRIFE et quelques élites de la région d’Ebo La forêt d’Ebo, où se trouvent les 3 stations de recherche (Njuma, Bekob (personnalités importantes originaires et Mopoun), avec la répartition approximative des populations de gorille des villages mais qui résident désor- Carte : Angela Meder mais en ville) cherchent à éduquer le grand public grâce à des programmes L’habitat de ces gorilles se situe à d’autres grands mammifères. Les radiophoniques hebdomadaires. proximité d’une poignée de villages groupes du CAG mènent également Le programme de conservation isolés où la chasse et le commerce de des activités de sensibilisation au sein « BIOLittoral » (Biodiversité de la viande de brousse représentent une des communautés. L’ACTRIFE est Région du Littoral) est diffusé sur la importante source de revenus et de engagée dans la sensibilisation com- chaîne nationale du radio diffuseur protéines animales pour les membres munautaire mais concentre ses efforts d’état, Radiotélévision du Cameroun de la communauté (Morgan 2004). sur la création du Parc National d’Ebo (CRTV). BIOLittoral a pour objectif de Deux associations locales commu- (ENP) en établissant des contacts ré- promouvoir une gestion durable des nautaires (le Club des Amis des Go- guliers avec les services gouverne- ressources tout en éduquant un large rilles – CAG – et l’Association des mentaux concernés ainsi que les élites éventail d’acteurs locaux (administra- Chefs Traditionnels Riverains de la de la région. Dans la mesure où la tion locale, élites, villageois, etc. …) en Forêt d’Ebo – ACTRIFE) travaillent création de ce parc est attendue de- faisant appel à leur fierté pour la faune autour de l’habitat des gorilles d’Ebo puis longtemps, l’EFRP, en collabora- locale et notamment les gorilles. Les pour protéger cette petite popula- tion avec les chefs traditionnels de la programmes eux-mêmes visent à édu- tion ainsi que d’autres espèces im- zone et avec l’aide du CAG, travaille quer les communautés au sujet des portantes en termes de conservation. pour l’aménagement d’une « zone in- liens entre les humains et leur environ- Chaque mois l’EFRP et le CAG pa- terdite » qui couvrirait la majorité de nement, de l’écologie animale, de la trouillent au cœur de l’habitat des go- l’habitat actuel des gorilles. Cette ini- chasse et de la crise du commerce de rilles, recensant les menaces envers tiative, mise en œuvre et validée par viande de brousse dans la région, de les gorilles et les signes de présence les communautés, vise à stopper les la dégradation de la biodiversité, de la 15 Gorilla Journal 55, décembre 2017
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