Gorilla Journal Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe - Berggorilla & Regenwald Direkthilfe eV

 
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Gorilla
                         Journal
Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe
No. 55, décembre 2017

Des micro-projets       Le mouvement        Renforcement de    Conserver les go­
bien ciblés pour la     « One Health »      la conservation    rilles dʼEbo grâce
conservation            pour la conserva­   transfrontalière   à la collabo­ration
                        tion des gorilles   pour Cross River   communautaire
BERGGORILLA & REGENWALD DIREKTHILFE

Table des matières                          Auteurs                                     vaillé pour Uganda Wildlife Authority de
                                                                                        1996 à 2000. Cela impliquait la mise en
R. D. Congo                            3    Andrew Dunn est chef de projet pour         place de programmes vétérinaires pour
Des micro-projets bien ciblés               le programme de recherche sur la bio­       les gorilles de montagne et d’autres
peuvent-ils favoriser la conserva-          diversité du WCS dans le sud-est du         espèces animales en même temps
tion, la lutte anti-braconnage et le        Nigéria, ayant pris ses fonctions en        qu’une éducation de la communauté.
combat contre la déforestation ?       3    mars 2004. Il travaille sur les études      Après cela, elle s’est spécialisée à
Nouvelle tentative d’exploitation           biologiques et les projets de con­serva­    l’Université d’Etat de Caroline du
pétrolière dans le Parc National            tion en Afrique depuis 1989, et possède     Nord et a conduit des recherches sur
des Virunga                            7    une grande expérience dans la sur­          la tuberculose chez les humains, les
Ouganda                                8    veillance des grands mammifères. Il         animaux sauvages et le bétail dans
Le mouvement « One Health »                 a travaillé comme conseiller en con­        les parcs nationaux de Bwindi Im­pé­
(Une Seule Santé) pour la                   servation pour le WWF au Parc Natio­        nétrable et Queen Elisabeth.
conservation des gorilles               8   nal de Gashaka-Gumti au Nigéria de          Daniel M. Mfossa est le coordinateur
Cross River                            12   1995 à 2000 et comme conseiller du          du Club des Amis des Gorilles de l’Ebo
Renforcement de la con­servation            Parc National de Korup au Cameroun          Forest Research Project. Il prépare
transfrontalière entre le Nigéria et        de 2000 à 2003.                             son doctorat à l’université ERAIFT de
le Cameroun pour protéger les               Ekwoge Enang Abwe est titulaire             Kinshasa et effectue des recherches
gorilles de Cross River                12   d’un MSC de conservation des pri­           sur les gorilles d’Ebo et leur habitat.
Une brève mise à jour sur l’auto-           mates obtenu à l’université d’Oxford        Dr. Bethan Morgan est chef du pro­
route proposée dans l’État de               Brookes. Il étudie les grands singes        gramme en l’Afrique Centrale de la
Cross River, au Nigéria                13   dans la région d’Ebo depuis 2004 et se      Société Zoologique de San Diego, Cen­
Gorilles                               14   consacre depuis 2008 au suivi et à la       tre pour la Reproduction des Espèces
Conserver les gorilles d’Ebo au             collecte de données écologiques sur les     en Danger (CRES), Pro­gramme Inter­
Cameroun grâce à la collaboration           gorilles d’Ebo. L’un de ses principaux      national de terrain au Cameroun, où
communautaire                          14   objectifs depuis 2011 est d’engager et      elle étudie l’écologie des grands mam­
Les sagas des dos argentés :                de motiver les communautés locales          mifères, particulièrement les drills.
luttes de dominance chez les                dans la conservation des gorilles.          Claude Sikubwabo Kiyengo a mené
mâles gorilles                         19   Dr. Inaoyom Imong est le Directeur          une étude sur les gorilles dans le
                                            du projet Cross River Landscape initié      Parc National de la Maïko de 1989
                                            par le WCS Nigéria. Il se consacre          à 1992, et en 1994 il a pris part au
                                            depuis 2004 à la conservation des           recensement de gorilles de Kahuzi-
Gorilla Journal 55, décembre 2017           gorilles de Cross River. Il a étudié dans   Biega. Il a travaillé ensuite avec l’Institut
 Editeur : Angela Meder                     le cadre de son doctorat les influences     Congolais pour la Conservation de la
 Augustenstr. 122, 70197 Stuttgart,         de l’écologie et de l’anthropogénie sur     Nature à Goma et de 2000 à 2004
­Allemagne                                  la distribution et la conservation des      pour le programme PPP de l’Union
 E-mail : meder@berggorilla.org             gorilles de Cross River.                    Internationale de la Conservation de
 Traduction : Yves Boutelant, Jean-         Dr. Gladys Kalema-Zikusoka est              la Nature. En 2005 il a travaillé pour
 Pascal Guéry, Erik Mager, Julia            fondatrice et Directrice Générale de        le bureau régional de l’Union Inter­na­
 Peguet, Florence Perroux                   l’organisme Conservation Through            tionale de la Conservation de la Nature
 Réalisation : Angela Meder                 Public Health. Elle a étudié la médecine    en Afrique Centrale. De 2006 à 2007
 Couverture : Le dos argenté qui est à      vétérinaire à Londres et a ensuite tra­     il a été chef conservateur du Parc Na­
 la tête du groupe de Bikingi à Bwindi                                                  tional des Virunga, secteur centre. Il
 Photo: Wolfram RietschelI                                                              a été notre assistant à partir de 2008
                                            Addresse de l’organisation :                et est maintenant Directeur Général
Relation bancaire :                         Berggorilla & Regenwald Direkthilfe         de l’Institut Supérieur de Conservation
IBAN DE06 3625 0000 0353 3443 15            c/o Burkhard Broecker                       de la Nature, de l’Environnement et du
BIC SPMHDE3E                                Juedenweg 3                                 Tourisme (ISCNET) de Rumangabo. De
Suisse :                                    33161 Hoevelhof, Allemagne                  2011 à 2016, il était expert PACEBCo
IBAN CH90 0900 0000 4046 1685 7             E-mail : broecker@berggorilla.org           pour la conservation et la biodiversité
BIC POFICHBEXXX                             Site web : http://www.berggorilla.org       dans la région de Virunga (COMIFAC).

2 Gorilla Journal 55, décembre 2017
R. D. CONGO

Des micro-projets
bien ciblés peuvent-ils
favoriser la conservation,
la lutte anti-braconnage
et le combat contre la
déforestation ?
La Réserve de Sarambwe et le Mont
Tshiaberimu sont deux sites formant
des îlots pour les gorilles, Gorilla
beringei beringei (Sarambwe) et Gorilla
beringei graueri (Mt. Tshiaberimu),
dans les parties Centrale et Nord du
Parc National des Virunga.
   La Réserve de Sarambwe, avec ses
900 hectares, est contigüe au Parc de
Bwindi, Bwindi Impenetrable National
Park. Environ 1/3 de sa superficie a
été transformée en jachère, dont une
partie est utilisée pour des cultures vi-
vrières pratiquées essentiellement par
des Ougandais prétendant que ces
terres se trouvent en Ouganda.
   Malgré sa superficie petite, la Ré-            Braconnier arrêté avec son chien dans la Réserve de Sarambwe
serve de Sarambwe héberge une                                                                    Photo : Jean Paul Kambere
faune riche et abondante. Les animaux
caractéristiques de la réserve sont sur-          panzé, le gorille et le Colobus guere-    – le voisinage du Parc de Bwindi, où
tout des primates, dont les 6 espèces             za. On dénombre également un por-           la plupart des primates se rendent
sont le Ceropithecus mitis, le Cerco-             cin, le potamochère. Le nombre total        pendant la saison aride,
pithecus ascanius, le babouin, le chim-           de gorilles est seulement de 23 indivi-   – et surtout par la maturité des fruits
                                                  dus, avec des familles de respective-       consommés par les primates, entre
          protected area             Ishasha
                                                  ment 12, 8 et 2 membres (cette der-         autres les ficus et les avocatiers …
          national border                         nière étant arrivée récemment), plus un
                                                  mâle solitaire. En revanche, les autres   Depuis le début de notre intervention
                                         UGANDA
                                                  primates ont été observés au cours de     appuyée dans et autour de la Réserve
                                                  ces trois derniers mois sous forme de
     uru
    tsh

               Parc National
                                     Butogota     groupes nombreux, allant jusqu’à 150
   Ru

               des Virunga
                                                  individus pour les babouins, 72 pour
                                                  les Ascagnes, 57 pour le colobe gue-
                      Sarambwe                    reza, 49 pour les Cercopithecus mitis
                     Réserve     Rusura           et enfin 27 pour les chimpanzés. Le
                    Naturelle       Buhoma        nombre élevé de primates dans cette
                 de Sarambwe
                                 Nteko            petite forêt résiduelle très fréquentée
                                   Bwindi         s’explique par :
              D. R. CONGO         Impenetrable
                                  National Park
              Rutshuru                            – les habitudes alimentaires de la po-
                                                    pulation qui ne s’intéresse pas à la
                                                    chair des primates, car ceux-ci sont
Réserve de Sarambwe                                 considérés comme des animaux            Antilope confisquée dʼun bra­
               Carte : Angela Meder                 proches de l’homme,                     connier dans la réserve

                                                                                            3 Gorilla Journal 55, décembre 2017
R. D. CONGO

de Sarambwe en 2008, les opérations
de monitoring ont été permanentes et
de multiples micro-projets de dévelop-
pement ont été déployés en faveur de
la population et des écoles. Il arrive
maintenant que des bénéficiaires de
micro- projets dénoncent aux pisteurs
et à la force conjointe armée-ICCN des
cas de braconnage et de violation des
limites. Ces dénonciations permettent
aux agents en charge de la conser-
vation de stopper les intrusions dans
la réserve aux fins de braconnage, de
coupe d’arbres ou agriculture. Malheu-
reusement, ces dénonciations ne se
produisent que du côté congolais.
   Pour les mois de juin à septembre,
on estime qu’une superficie de 114 hec-
tares était cultivée dans les anciennes
jachères, dont 14 dans la partie gé-
rée par des congolais et 100 hectares
dans la partie en conflit de limites avec
les ougandais. Les pisteurs ont détruit
8 hectares de haricots et 5 hectares de     Sciage de long dans la Réserve de Sarambwe – ces planches ont été
bananiers. Trois cas de sciage de long      confisquées.
ont été aussi signalés, avec pour résul-                                                  Photo : Jean Paul Kambere

                                                                                 tat l’arrestation d’un scieur et la saisie
                                                                                 de 25 planches. Les feux de brousse
                                                                                 ont consumé une superficie de 36 hec-
                                                                                 tares, toujours dans les anciennes par-
                                                                                 ties cultivées. Grâce aux dénoncia-
                                                                                 tions, 25 pièges ont été démantèles et
                                                                                 3 braconniers arrêtés, dont l’un avait
                                                                                 un chien.
                                                                                    Suite à la forte saison sèche qui a
                                                                                 sévi dans la région, des bergers ont
                                                                                 tenté d’amener leurs vaches en pâture
                                                                                 dans la réserve mais, grâce aux dé-
                                                                                 nonciations, 39 vaches d’un éleveur
                                                                                 ont été saisies et le dossier a été trans-
                                                                                 féré à l’ICCN (Institut Congolais pour la
                                                                                 Conservation de la Nature). Les autres
                                                                                 éleveurs n’ont pas tenté d’amener
                                                                                 leurs vaches dans la réserve.
                                                                                    Nous nous réjouissons de ces arres-
                                                                                 tations, car nous ignorions que les bra-
                                                                                 conniers surveillaient les mouvements
                                                                                 des pisteurs et essayaient de s’infor-
Vaches dans la Réserve de Sarambwe                                               mer sur les itinéraires de patrouilles
                                                     Photo : Jean Paul Kambere   afin de ne pas rencontrer les pisteurs.

4 Gorilla Journal 55, décembre 2017
R. D. CONGO

A présent, l’enthousiasme de la popu-        mettre en place de nouvelles activités    cas de 72 ruches sur les 80 de Saram-
lation pour les projets fait qu’elle n’hé-   économiques.                              bwe. Une première production de miel
site pas à dénoncer les cas de bracon-          Le projet d’apiculture est destiné     a eu lieu à Sarambwe en septembre
nage et même à dévoiler les plans des        à mettre en valeur les arbres plantés     dans 30 ruches avec une production
braconniers. Ceci permettra d’amélio-        dans le cadre de projets de pépinières    moyenne de 3,5 litres par ruche, ce
rer la surveillance et la protection de la   scolaires et de pépinières des femmes     qui représente environ 21 dollars par
réserve de Sarambwe.                         des pisteurs financés ces dernières an-   ruche. Notons que la production en sai-
    A partir du mois de mars 2017, plu-      nées, et à procurer des revenus sup-      son sèche représente environ la moitié
sieurs activités de développement ont        plémentaires à ses bénéficiaires. Un      de la production en saison pluvieuse.
été mises en place autour de Saram-          total de 130 ruches, dont 50 pour le      La première récolte avec l’ensemble du
bwe et au Mont Tshiaberimu. Ces acti-        Mont Tshiaberimu et 80 pour Saram-        potentiel de production est attendue au
vités visent à augmenter les revenus         bwe, ont été fabriquées et placées        mois de décembre 2017.
de la population, à valoriser les pro-       dans les arbres. Sur les 50 ruches du        Le projet de presse d’huile de
duits locaux, à diminuer la pression sur     Mont Tshiaberimu, 35 contiennent déjà     palme à Sarambwe. Ce projet a abou-
certaines ressources vulnérables et à        des abeilles, ce qui est également le     ti à la mise en place de trois points

Presse d’huile de palme à Sarambwe
                                                                Photo : Jean Paul Kambere, Chef des pisteurs de Sarambwe

                                                                                       5 Gorilla Journal 55, décembre 2017
R. D. CONGO

                                                                                     taculaire. Du fait des multiples usages
                                                                                     du bambou, l’adhésion de la population
                                                                                     au projet est énorme; à tel point que les
                                                                                     demandes ne peuvent pas être cou-
                                                                                     vertes par le projet en cours. Ce projet
                                                                                     porte sur 15 000 plants de bambous.
                                                                                     Près de 2350 personnes ont demandé
                                                                                     à avoir des plants ou des boutures de
                                                                                     bambou. Les superficies des champs
                                                                                     étant trop petites, les bambous se-
                                                                                     ront plantés isolément dans plusieurs
                                                                                     champs. Les habitants des villages de
                                                                                     Kabeka et de Vikuku ont également de-
                                                                                     mandé à avoir une forêt de bambous.
                                                                                         Par ailleurs, des jeunes gens autour
                                                                                     du Mont Tshiaberimu viennent de créer
                                                                                     un club nommé « Amis des bambous ».
                                                                                     Les initiateurs de ce club, qui sont au
                                                                                     nombre de 15, ont émis une demande
                                                                                     de 200 boutures chacun et ont reçu
                                                                                     3 ballons de football car, disent-ils, ils
                                                                                     veulent jouer des matchs pour les go-
Initiateurs du Club des Amis des bambous à Vurusi                                    rilles et pour les bambous. Ceci dénote
                                             Photo : Père André Katembo              une sensibilisation pour la conserva-
                                                                                     tion des gorilles et de bambous. L’en-
de presse de noix de palme destinés       propriétaires de plantations ou de pal-    gouement de la population pour les
à valoriser des anciennes plantations     miers isolés, mais aussi pour les ache-    plantations de bambous laisse espé-
de palmier à huile abandonnées et à       teurs car le prix de l’huile baisse avec   rer que la recherche de bambous dans
générer des revenus pour la popula-       la diminution des coûts de production).    le parc va diminuer sensiblement ou
tion (bénéficiaires de presses à huile,   C’est un projet qui bénéficie à toute la   même s’arrêter.
                                          population environnante. Trois presses         En dehors de la demande de bam-
                                          ont été installées pour les femmes des     bous par la population, ce sont les
                                          pisteurs et leur permettent de produire,   chefs locaux qui souhaitent obtenir des
                                          en plus de leurs activités quotidiennes,   bambous afin de stabiliser les routes
                                          40 litres d’huile de palme par semaine     sur les pentes abruptes autour du Mont
                                          et par presse, ce qui correspond à en-     Tshiaberimu.
                                          viron 56 dollars.                                       Claude Sikubwabo Kiyengo
                                             Le projet de pisciculture à Saram-
                                          bwe connaît également une évolution
                                          favorable. C’est en fait une répétition
                                          des projets de piscicultures du Mont
                                          Tshiaberimu. Au départ, le projet a été
                                          contrarié par le manque d’alevins dans
                                          le milieu environnant. Après plusieurs
                                          démarches, des alevins ont pu être ra-
                                          menés de Biruma, une localité proche
                                          de Rumangabo, située à près de 75 km
                                          au sud de Sarambwe. Les étangs ont
Pépinière de bambous                      déjà été ensemencés.
              Photo : André Katembo          Le projet de plantation des bam-
                  Mughunda, VONA          bous rencontre un enthousiasme spec-

6 Gorilla Journal 55, décembre 2017
R. D. CONGO

Nouvelle tentative                              d’un faux espoir, car Kinshasa vient de       nappes pétrolifères du côté congolais
                                                réattribuer le bloc controversé à une         du Rift Albertin.
d’exploitation pétrolière                       société offshore.                                 Toutefois, un tel projet d’exploi-
dans le Parc National des                           En 2014, la firme britannique SOCO        tation comporte sur le plan juridique
Virunga                                         International, suite à une campagne           des risques d’être invalidé, en plus du
                                                intense menée contre elle, avait an-          risque encouru par l’opérateur d’être
On avait cru que le Parc National des           noncé l’arrêt de ses activités dans le        présenté internationalement comme
Virunga resterait préservé après le             Parc National des Virunga et avoir ces-       un ennemi de la faune et de la flore.
retrait en 2015 de la firme pétrolière          sé de détenir un bloc dont plus de la         L’exploitation pétrolière dans un site
SOCO qui voulait y pratiquer des                moitié recouvrait le territoire du parc.      du Patrimoine mondial n’est par prin-
forages. Il s’agissait malheureusement          La crainte des défenseurs de l’envi-          cipe pas admise. Il est totalement illé-
                                                ronnement était que l’exploration sis-        gal d’exploiter du pétrole à l’intérieur
         protected area
                                                mique et l’exploitation ne portent at-        du parc, selon la législation congolaise
                                                teinte à la riche mais fragile biodiversité   actuelle. L’ancienne directrice générale
         national border
                                                du parc, qui comprend le Parc Natio-          de l’UNESCO, Irina Bokova, avait me-
         river                                  nal des Volcans rwandais et le Bwindi         nacé plusieurs fois les autorités congo-
                                                Impenetrable National Park ougandais,         laises de retirer le Parc National des
                    Beni                        refuges des gorilles de montage, ainsi        Virunga de la liste des sites du Patri-
                                           i
                                           or

DEMOCRATIC                                      qu’une partie du Lac Edouard. Ce der-         moine mondial si elles autorisaient des
                                       nz
                                      we

                            Mutsora             nier pourrait être touché par une ma-         forages à l’intérieur de celui-ci.
REPUBLIC OF
                                      Ru

                                                rée noire.                                        On peut donc se demander pour-
THE CONGO                                           Et voici que, deux ans après le dé-       quoi la Sonahydro et le Ministre des
                                                part de SOCO, Africa Energy Intelli-          Hydrocarbures, Aimé Ngoy Mukena
        Butembo
                                                gence (AEI), basée à Paris, vient de          font une nouvelle tentative pour lancer
                                                révéler que le gouvernement congolais         l’exploitation pétrolière dans le parc. Le
 Mt. Tshiaberimu                                n’a pas abandonné l’idée de permettre         film Virunga du réalisateur Orlando von
                                                l’exploitation pétrolière dans le parc.       Einsiedel révèle certaines pratiques de
                                                Un accord de principe a été signé pour        corruption de la part de SOCO. Ceci
                                                réattribuer le permis de SOCO à une           pourrait être un début d’explication.
                    Lake                        filiale de la société offshore Oil Quest             Résumé d’un article de François
                    Edward                      Holdings basée à l’Ile de Man. Son di-                    ­Misser dans La Libre Afrique
                                                recteur, Rui Miguel Léon-Suberbielle,
                                                n’est autre que le fils du président ac-
                                                tuel de SOCO, Rui de Sousa.
         Rwindi                                     Une deuxième coïncidence a été re-
                                                levée par AEI : l’homme de Oil Quest
                                                au Congo est l’ancien représentant
                                                de SOCO dans le pays, José San-
                               UGANDA           gwa Kanyunzi. Ceci mène à soupçon-
                 Rutshuru                       ner SOCO de vouloir récupérer son
    Tongo                                       bloc sous une autre identité. Cepen-
         Rumangabo                              dant, Rui de Sousa dément avoir le
 Nyamulagira                                    moindre intérêt dans la société dirigée
               Mikeno Sector                    par son fils.
  Nyiragongo
                                                    On remarquera quand même que
                                                l’enjeu est colossal. La firme irlandaise
             Goma
                           RWANDA               Tullow Oil a découvert des réserves de
 Lake Kivu                                      1,7 milliard de barils du côté ougan-
                                                dais, ce qui laisse espérer de bonnes
Parc National des Virunga                       chances de trouver également des
                Carte : Angela Meder

                                                                                              7 Gorilla Journal 55, décembre 2017
OUGANDA

Le mouvement                                 menacés par les conflits humains-go-         vage, la santé des communautés et
                                             rilles.                                      des moyens de subsistance alternatifs.
« One Health » (Une                              Nous remercions le Gorilla Journal          Dans le cadre du programme de
Seule Santé) pour la                         d’avoir soutenu le CTPH depuis sa fon-       conservation de la vie sauvage, nous
conservation des gorilles                    dation en 2003 en tant qu’ONG enre-          avons mis en place un programme de
                                             gistrée en Ouganda et en tant qu’orga-       surveillance à long terme de la santé
« One Health » est une initiative            nisation à but non lucratif enregistrée      des gorilles en tant que système pré-
qui aborde ensemble les santés               aux Etats-Unis. Le CTPH encourage la         coce d’alerte des épidémies entre les
de l’humain, de l’animal et des éco­         conservation de la biodiversité en per-      populations, les gorilles et les animaux
systèmes. Nous avons fondé Conser­           mettant aux personnes, à la faune sau-       domestiques.
va­tion Through Public Health ou             vage ainsi que domestique de coexis-            Nous formons le personnel du Parc
CTPH (La Conservation par la Santé           ter en améliorant leur santé et leurs        National de Bwindi à collecter men-
Publique) en 2003 parce que nous             moyens de subsistance à l’intérieur et       suellement des échantillons de déjec-
étions préoccupés par la transmission        autour des aires protégées en Afrique.       tions fécales provenant des nids et des
de maladies des humains aux gorilles,        Nous avons la vision de populations          sentiers afin de reconnaître et signaler
un problème que nous avons identifié         et de gorilles vivant dans l’équilibre, la   les signes cliniques chez les gorilles.
lors de la création de l’unité vétérinaire   santé et l’harmonie ainsi que de com-        Les signalements se font aussi lorsque
de l’Uganda Wildlife Authority ou UWA        munautés locales agissant en tant que        les échantillons de tous les groupes
(Agence Ougandaise pour la Vie               gardiens de leur environnement. Les          de gorilles habitués sont anormaux et
Sauvage) de 1996 à 2000 comme une            trois programmes intégrés du CTPH            lors du recensement des gorilles, qui a
des menaces affectant les gorilles.          sont la conservation de la vie sau-          lieu tous les cinq ans. Nous analysons
En 1996, j’ai dirigé une équipe qui a
enquêté sur la première épidémie de
gale chez les gorilles de montagne, qui
sont une espèce déjà très menacée.
l’origine de cette épidémie a été
attribuée aux personnes vivant aux
abords du parc et ayant un accès limité
à des services de santé de base et
autres services sociaux.
    En 2000, nous avons tenu une réu-
nion avec des partenaires de la conser-
vation des gorilles ainsi qu’avec le Pro-
gramme International de Conservation
des Gorilles (PICG) où j’ai été char-
gée de diriger une initiative pour sen-
sibiliser les communautés locales à la
santé et à l’hygiène de base. C’est à
ce moment que mon parcours « One
Health » a commencé en développant
des brochures en anglais et dans la
langue locale sur le risque de trans-
mission de maladies de l’humain vers
le gorille. C’était aussi ma première in-
troduction à l’éducation des commu-
nautés. En collaboration avec le direc-
teur de la conservation locale de l’UWA      Analyse d’échantillons d’excréments dans le laboratoire du CTPH : à
avec les gardes forestiers et des assis-     droite, Stephen Rubanga, responsable technique vétérinaire et l’un des
tants médicaux des sous-comtés, nous         fondateurs du CTPH, et sur la gauche des étudiants des universités de
avons discuté avec plus de 1000 per-         Londres et Dublin
sonnes dans 8 villages parmi les plus                                                                    Photo : CTPH

8 Gorilla Journal 55, décembre 2017
OUGANDA

                                            les centres de santé et les bureaux vé-    en commençant par la tuberculose et
                                            térinaires locaux afin de démarrer une     en consolidant la thérapie de courte
                                            action rapide et mieux gérer les efforts   durée basée sur l’observation directe
                                            sur la santé.                              intra-communautaire des traitements
                                               L’analyse des échantillons a été        (Community Based Direct Observation
                                            réalisée pour la première fois dans        of Treatment Short course therapy ou
                                            un centre de recherche sur le gorille      CBDOTS) puis en mettant en place un
                                            construit en 2005 à Buhoma, le prin-       planning familial communautaire avec
                                            cipal site touristique de Bwindi, grâce    la formation des VHCT dans les vil-
                                            à un financement de la Fondation           lages. Lorsque nous avons commencé
                                            MacArthur. Ce centre a été ensuite         à étendre le programme de Kanungu
                                            développé en centre permanent pour         au district de Kisoro, le Ministère de
                                            la santé et la conservation du gorille,    la Santé a commencé à reconnaître
                                            grâce aux fonds du Tusk Trust. Nous        les équipes de santé villageoises (Vil-
                                            encourageons également l’utilisation       lage Health Teams, VHT) constituées
                                            de réchauds à économie d’énergie           de volontaires des communautés lo-
                                            par l’intermédiaire de nos Équipes Vil-    cales, ce qui nous a permis de former
                                            lageoises de Santé et de Conserva-         les VHT les plus actifs pour devenir des
                                            tion (Village Health and Conservation      VHCT. Chaque VHCT est en charge
                                            Teams, VHCT) afin de réduire la défo-      de 50 ménages dans son village. Ils
                                            restation et la destruction de l’habitat   travaillent à la promotion d’une bonne
                                            des gorilles.                              hygiène, à l’assainissement, à la pré-
                                               Dans le cadre du programme de           vention des maladies infectieuses et ils
La fondatrice du CTPH Gladys                santé communautaire, nous avons ren-       gèrent le planning familial. Ils éduquent
Kalema-Zikusoka fournissant à une           forcé les soins de santé des villages      également à la nutrition et signalent
communauté des informations sur
la conservation et la santé publique
                        Photo : CTPH

régulièrement des échantillons fécaux
de gorilles pour prévenir et contrôler
la transmission croisée des maladies
entre les personnes, les gorilles et le
bétail, et nous effectuons aussi une
analyse comparative avec le bétail et
les humains.
    Nous travaillons également avec
des volontaires locaux pour la Réso-
lution des Conflits Humains–Gorilles
(Human–Gorilla Conflict Resolution
ou HuGo), une initiative mise en place
par UWA et le PICG pour rediriger en
toute sécurité les gorilles dans le parc.
Nous formons HuGo pour surveiller la
santé des gorilles lorsqu’ils se nour-
rissent sur les terres des villages alen-
tour, un environnement où ils sont les
plus susceptibles de contracter des         Un garde du parc enseigne à un volontaire de la communauté HuGo
maladies chez les humains. Les résul-       comment prélever des échantillons d’excréments dans un nid élevé
tats des analyses sont partagés avec        pendant un séminaire de formation du CTPH.
l’UWA, les ONG locales partenaires,                                                                   Photo : CTPH

                                                                                       9 Gorilla Journal 55, décembre 2017
OUGANDA

aux centres de santé les plus proches
les cas suspects de tuberculose, de
VIH, de gale ainsi que ceux souffrant
de diarrhée. Ils promeuvent également
la conservation des gorilles et des fo-
rêts et signalent les maisons visitées
par les gorilles, ce qui réduit le temps
de réponse des équipes HuGo et du
personnel du parc.
   Dans le cadre du programme de
moyens de subsistance alternatifs,
nous soutenons les VHCT avec des
projets d’élevage produisant des reve-
nus pour chaque paroisse. L’argent gé-
néré aide à soutenir leur activité béné-
vole et aide à répondre aux besoins de
base des ménages. Par la suite, les
VHCT réinvestissent les fonds dans des
Associations Villageoises d’Épargne et
de Crédit (Village Saving and Loan As-
sociations, VSLA), doublant leurs reve-
nus. Les VHCT ont continué à promou-
voir la santé et la conservation au-delà   Le Coordinateur du CPTH pour la santé des communautés, Alex Ngabi­
des apports des financeurs, et nous        rano, avec le personnel du nouveau VHCT et du Centre de Santé de
n’avons eu aucun abandon de poste          Mpungu
volontaire depuis 10 ans.                                                                            Photo : CTPH
   Le modèle VHCT et VSLA a conduit
le CTPH à remporter le premier prix du     développement le plus novateur quant        Interventions basées sur le travail
Réseau Mondial de Développement en         à l’amélioration de la prestation des       Au cours de la première année de mise
2012, le prix japonais pour le projet de   services sociaux. En 2016, nous avons       en place du programme de surveillance
                                           utilisé la même approche pour rendre        de la santé des gorilles, nous avons
                                           les groupes de volontaires HuGo fi-         découvert que les gorilles du groupe
                                           nancièrement stables en leur donnant        Nkuringo qui passaient plus de 50 % du
                                           des projets d’élevage collectif qui les     temps sur les terres villageoises mon-
                                           rassemblent et les aident à gagner un       traient le nombre de parasites le plus
                                           revenu au travers de ces entreprises        élevé. Ceci, ajouté à l’augmentation du
                                           d’élevage.                                  conflit homme–gorille, a incité l’UWA à
                                               En 2015, avec le soutien de WWF         recruter plus de membres HuGo dans
                                           Suisse, nous avons fondé le Gorilla         le secteur sud de Bwindi.
                                           Conservation Coffee (le Café pour la           Nous avons utilisé la méthode im-
                                           Conservation du Gorille), une initiative    muno-enzymatique ELISA sur les
                                           sociale du CTPH qui forme les agricul-      échantillons fécaux des populations,
                                           teurs et leur achète un café de qualité     des gorilles et du bétail pour tester
                                           à un prix équitable afin de réduire leur    la présence des parasites Giardia et
Le Coordinateur du CPTH pour la            dépendance au parc national pour sa-        Cryptosporidium et nous avons consta-
santé des communautés, Alex                tisfaire leurs besoins en nourriture et     té qu’il y avait une forte incidence de
Ngabirano, présentant le                   en bois de chauffage. Une partie des        Giardia chez les personnes avec des
programme du CPTH au personnel             bénéfices de chaque sac de café ven-        symptômes de diarrhée admises à l’hô-
du nouveau VHCT et du Centre de            du est utilisée pour continuer le travail   pital. Cela nous a incité à recruter un
Santé de Mpungu.                           de santé du CTPH avec les gorilles et       bénévole communautaire VHCT sup-
                      Photo : CTPH         les communautés locales de Bwindi.          plémentaire dans un plus grand village

10 Gorilla Journal 55, décembre 2017
OUGANDA

dont les cas de Giardia étaient les plus       coles durables et l’utilisation de ré-     vironnement et du Développement
fréquents et avec des conditions de vie        chauds à économie d’énergie, un            (IIED) pour mener une étude d’impact
parmi les plus pauvres, ainsi que de           gorille à dos argenté bénéficiant          social afin de déterminer comment les
fréquentes visites de gorilles sur leurs       d’une plus grande protection sur les       investissements réalisés au cours des
terres. L’hôpital a également formé les        terres communautaires ainsi qu’une         10 dernières années ont contribué à la
patients à recueillir de l’eau provenant       réduction du braconnage et des pré-        conservation et au développement du-
de sources protégées.                          lèvements illégaux de forêts qui sont      rable. Les recommandations de cette
    Lorsque nous avons mené des                actuellement mesurés grâce à une           étude seront utilisées pour améliorer
enquêtes de référence, nous avons              étude d’évaluation de l’impact social      nos programmes et adapter le modèle
constaté que plus de 50 % des foyers           réalisée avec financement de l’Initia-     à d’autres paroisses autour de Bwindi,
recueillent de l’eau provenant de              tive Darwin                                dans le sous-comté de Mpungu et dans
sources non protégées et que ceux qui      –   utilisation accrue des méthodes de         d’autres régions protégées. Il s’agit no-
en consommaient étaient plus suscep-           planification familiale de 20 à 60 %,      tamment de la forêt de Budongo diri-
tibles de boire de l’eau récoltée dans         c’est-à-dire supérieure de 30 % à la       gée par l’Institut Jane Goodall qui tra-
des récipients sales. Bien que nous            moyenne nationale                          vaille en étroite collaboration avec la
ayons trouvé du Cryptosporidium chez       –   hommes plus impliqués dans la pla-         station de conservation de la forêt de
les gorilles, les humains et le bétail,        nification familiale et des femmes         Budongo ainsi que le Mont Elgon diri-
ils ne présentaient pas de signes cli-         et jeunes plus impliqués dans la           gé par l’UWA, en étroite collaboration
niques.                                        conservation                               avec les agents de l’environnement du
    Cela nous a incité à augmenter nos     –   augmentation de 50 % des installa-         district.
efforts pour empêcher les gorilles d’at-       tions pour le lavage des mains, du
traper des Giardia, qui sont beaucoup          matériel d’hygiène rectale, des réci-      Plans futurs
plus pathogènes. L’UWA a mis la col-           pients de stockage d’eau propre et         Nous prévoyons d’intensifier la re-
lection mensuelle d’échantillons fécaux        des grilles de séchage                     cherche grâce à des partenariats avec
de gorilles par les gardes forestiers et   –   augmentation significative des cas         des universités et d’autres institutions
les pisteurs dans le plan opérationnel         suspects de tuberculose, de VIH et         de recherche pour mesurer et amélio-
annuel pour Bwindi.                            de gale adressés aux centres de            rer l’efficacité de notre modèle inno-
    Grâce à la communication des VHCT          santé                                      vant « One Health » et pour étendre
sur le changement des comportements                                                       notre approche en mettant en œuvre
et grâce aux encouragements supplé-        Mesurer notre impact                           de nouveaux programmes dans de
mentaires de l’UWA, les membres de la      En 2016, le CTPH a fait équipe avec            nouvelles régions d’Ouganda et dans
communauté de Bwindi autour du parc,       des chercheurs de l’Université d’Ox-           d’autres pays d’Afrique, notamment
en particulier dans le secteur sud, ont    ford et de l’Institut International de l’En-   avec la région des Virungas où nous
commencé à construire des latrines à                                                      avons démarré un projet. Nous voulons
fosse.                                                                                    aussi diffuser notre impact en formant
    Nous avons commencé à mener une                                                       d’autres à la mise en œuvre de notre
recherche conjointe « One Health »                                                        approche et en encourageant les mes-
par le biais de protocoles d’entente                                                      sages de promotions et d’influence.
avec le gouvernement local du district                                                                    Gladys Kalema-Zikusoka
de Kanungu et l’hôpital missionnaire
des ONG, l’hôpital communautaire de                                                       Nous sommes très reconnaissants en-
Bwindi.                                                                                   vers les nombreux donateurs et parte-
                                                                                          naires qui ont soutenu notre travail au
Résultats et impact                                                                       cours des 14 dernières années.
– réduction des occurrences de mala-
  dies chez les gorilles
– réduction des conflits homme–go-
  rille
– comportements de conservation            Alex Ngabirano et Richard
  améliorés, mis en évidence par           Bagyenyi
  l’augmentation de pratiques agri-                              Photo : CTPH

                                                                                          11 Gorilla Journal 55, décembre 2017
CROSS RIVER

Renforcement de la con­                                                              Anape                            protected area
servation transfrontalière                                             Butatong
                                                                                                                      gorilla distribution
entre le Nigéria et le                                                                           Akwaya
                                               Afi Mountain
Cameroun pour protéger                         Wildlife       Okwangwo
                                                                                                                      national border

les gorilles de Cross River                    Sanctuary    Mbe
                                                            Mountains
Limité à la région de la forêt tropicale     Afi River         Cross River          Takamanda        Mbulu Forest
                                             Forest Reserve    National             National                        CAMEROON
le long de la frontière entre le Nigéria                                            Park
                                                               Park
et le Cameroun, le gorille de Cross Ri-                                                      Basho
ver (Gorilla gorilla diehli) est l’anthro-                                                                    Kagwene
poïde le plus menacé de l’Afrique, avec                                                                       Gorilla Sanctuary
une population totale restante estimée                           Takamanda
à moins de 300. Avec une répartition         NIGERIA                                  Mon
                                                                                         e
transfrontalière, renforcer la coopéra-
                                                         Ma
tion entre les deux pays est primor-                       nyu
                                                                 (Cr                         Mone River
                                                                    oss
dial pour améliorer la gestion de leur                                   ) Ri
                                                                             ver             Forest Reserve
conservation. Environ un tiers de la
population connue de ces gorilles vit
                                                                            Mamfe
dans la zone transfrontalière entre la
Division Okwangwo du Parc National
                                                                                                              Tofala Hills
de Cross River au Nigéria et le Parc                                                                          Wildlife Sanctuary
National de Takamanda au Cameroun

                                                                                             qui représente le site le plus étendu
                                                                                             et le plus important pour la conserva-
                                                                                             tion de cette sous-espèce de gorilles
                                                                                             de l’ouest.
                                                                                                 Pour atténuer les menaces telles
                                                                                             que le braconnage transfrontalier et
                                                                                             l’exploitation forestière illégale ain-
                                                                                             si que le commerce transfrontalier il-
                                                                                             légal de viande de brousse, du bois
                                                                                             et des produits forestiers non ligneux
                                                                                             (PFNL) la collaboration entre les deux
                                                                                             aires protégées est essentiel. L’amé-
                                                                                             lioration de la collaboration transfron-
                                                                                             talière peut également renforcer l’en-
                                                                                             gagement national à la conservation
                                                                                             lorsqu’elle est considérée comme une
                                                                                             composante de la coopération inter-
                                                                                             nationale. La coopération transfronta-
                                                                                             lière entre le Nigéria et le Cameroun a
                                                                                             été fortement promu au cours des der-
                                                                                             nières années avec des patrouilles an-
                                                                                             ti-braconnage conjointes régulières au
                                                                                             territoire Okwangwo-Takamanda pour
                                                                                             traiter les braconniers et les exploitants
Les gardes du Parc National de Cross River et du Parc National de                            forestiers opérant à la frontière interna-
Takamanda se réunissent pour une patrouille commune transfrontalière.                        tionale, et des ateliers de planification
                                                             Photo : WCS                     transfrontalier annuels ainsi que des

12 Gorilla Journal 55, décembre 2017
CROSS RIVER

                                                                                           La première rencontre a eu lieu à
                                                                                       Bamenda (Cameroun) en mars 2016,
                                                                                       entraînant l’identification des objectifs
                                                                                       de gestion partagées et de la struc-
                                                                                       ture de gestion transfrontalière propo-
                                                                                       sée et un plan de zonage provisoire.
                                                                                       La deuxième réunion a eu lieu à Cala-
                                                                                       bar (Nigéria) en juin 2016 où il a été
                                                                                       convenu d’impliquer organismes dona-
                                                                                       teurs potentiels à la prochaine session
                                                                                       du groupe de travail et de poursuivre
                                                                                       l’état du site du Patrimoine Mondial de
                                                                                       l’UNESCO en parallèle avec la présen-
                                                                                       tation des formulaires de mise en can-
                                                                                       didature pour le processus de Réserve
                                                                                       de la Biosphère. Il a été recommandé
                                                                                       de créer une structure de coordination
Participants à la réunion du groupe de travail TBR au Nigéria, le 4 mai                conjointe pour piloter la mise en œuvre
2017                                                                                   du processus de désignation des Ré-
                                                                Photo : WCS            serves de Biosphère transfrontières,
                                                                                       ainsi qu’un comité chargé de coordon-
visites d’échange se sont organisées        de l’Economie, de la Planification et du   ner les activités de recherche axées
pour faciliter et améliorer le partage de   Développement Régional, le Ministère       sur la gestion. La troisième réunion a
l’information.                              de la Recherche Scientifique et de l’In-   eu lieu à Yaoundé (Cameroun) en no-
     La structure d’un accord de coopé-     novation et le Ministère des Arts et de    vembre 2016, au cours de laquelle les
ration a été élaborée entre les gouver-     la Culture au Cameroun).                   participants ont révisé la structure de
nements du Nigéria et le Cameroun              Le groupe de travail s’est rencon-      gestion transfrontalière proposée et la
pour la mise en œuvre conjointe des         tré en mai 2017 au Nigéria pour dis-       zonation proposée du Réserve de la
activités de conservation et des re-        cuter les progrès sur la TBR et le pro-    Biosphère Transfrontalière.
cherches transfrontaliers. Un proces-       cessus de mise en candidature WHS,             Actuellement des travaux sont en
sus est en cours pour créer une Ré-         avec un accent particulier sur la né-      cours pour élaborer un plan de gestion
serve de Biosphère Transfrontalière         cessité d’un financement dédié au pro-     des aires protégées transfrontalières
UNESCO (TBR) et un site du Patri-           cessus TBR et la nécessité de finan-       en s’inspirant des résultats de ces réu-
moine Mondial (WHS) qui comprendra          cer la sensibilisation communautaire       nions de groupes de travail dans le
la division Okwangwo du Parc National       et les activités de consultation au Ni-    cadre du processus de candidature de
de Cross River et le Parc National de       géria. Au Cameroun, ces activités ont      l’UNESCO.
Takamanda.                                  été soutenues par le programme finan-              Inaoyom Imong et Andrew Dunn
    Pour faciliter ce processus un groupe   cé par la KfW pour la gestion durable
de travail transfrontalier a été mis en     des ressources naturelles (PSMNR)
place, composé d’intervenants du Parc       dans le sud-ouest du Cameroun, alors       Une brève mise à jour sur
National de Cross River au Nigéria et       qu’aucun programme similaire existe        l’autoroute proposée dans
les Parcs Nationaux de Korup et de          au côté Nigérian. Des représentants        l’État de Cross River, au
Takamanda au Cameroun, ainsi que            des ambassades d’Allemagne à Abu-          Nigéria
d’autres Ministères pertinents et paras-    ja et Yaoundé, ainsi que le Directeur
tatales au Nigéria (Ministère Fédéral       du Pays pour le Cameroun de la KfW         En mars 2017, une réunion des interve-
de l’Environnement, le Comité Natio-        étaient présents à cette réunion. Ce       nants avait eu lieu à Calabar afin d’exa-
nal pour les Muséums et Monuments           fut la quatrième réunion du groupe de      miner la troisième version du rapport de
– un organisme parapublic relevant du       travail animée par les Bureaux Natio-      l’EIE sur le projet d’autoroute de Cross
Ministère Fédéral de l’Information et de    naux de la Wildlife Conservation So-       River. La quatrième version de l’EIE et
la Culture) et le Cameroun (Ministère       ciety (WCS) au Nigéria et au Came-         un plan d’action sur la biodiversité ont
des Relations Extérieures, le Ministère     roun.                                      depuis été soumis au Ministère fédéral

                                                                                       13 Gorilla Journal 55, décembre 2017
GORILLES

de l’Environnement en mai 2017. On a         Conserver les gorilles                      des gorilles d’Ebo est particulièrement
pu y découvrir des améliorations signi-                                                  intéressante d’un point de vue géogra-
ficatives comme l’annulation du couloir
                                             d’Ebo au Cameroun                           phique et taxonomique (Morgan et al.
de 20 km et la déviation de l’autoroute      grâce à la collaboration                    2003, Groves 2005). En dehors des
afin d’éviter d’importantes forêts com-      communautaire                               primates, la forêt d’Ebo abrite de nom-
munautaires et réserves forestières en                                                   breuses espèces animales et végé-
bordure du parc national. Cependant,         Le Cameroun abrite de nombreuses            tales emblématiques. Une portion si-
la qualité des données présentées était      espèces de primates à haute valeur de       gnificative de la forêt a été proposée au
extrêmement mauvaise et, par consé-          conservation, parmi elles les drills, le    classement en tant que parc national
quent, les mesures proposées par l’EIE       colobe de Preuss et les gorilles (Mor-      mais malheureusement, celui-ci attend
n’ont pas pu être prises en considéra-       gan et al. 2011). Les deux sous-es-         encore son officialisation par le gouver-
tion. De plus, l’EIE n’a pas tenu compte     pèces reconnues de gorilles occiden-        nement du Cameroun (Morgan et al.
des impacts indirects que la chasse et       taux (Gorilla gorilla) vivent au Came-      2011, Dunn et al. 2014).
la perte d’habitat causeraient à long        roun : le gorille des plaines de l’ouest       Appuyé par des partenaires locaux,
terme dans le Parc National de Cross         (G. g. gorilla) qui se rencontre au sud     nationaux et internationaux, le Pro-
River en raison de la proximité de celui-    de la rivière Sanaga et le gorille de       jet de Recherche de la Forêt d’Ebo
ci avec l’autoroute et d’un accès facilité   Cross River (G. g. diehli) qui évolue       (EFRP) travaille avec les communau-
à la forêt. La WCS (Wildlife Conserva-       dans la région frontalière entre le Nigé-   tés riveraines et le gouvernement du
tion Society) a recommandé que l’EIE         ria et le Cameroun jusqu’au nord de la      Cameroun pour conserver l’exception-
et le plan d’action sur la biodiversité      rivière Sanaga. Il existe en outre une      nelle biodiversité de la forêt d’Ebo à
soient rejetés.                              petite population de gorilles dans la fo-   travers la recherche en biologie et la
    En juillet 2017, le Ministère fédéral    rêt d’Ebo, située à environ 60 km au        sensibilisation à la conservation (Abwe
de l’Environnement a approuvé provi-         nord de la rivière Sanaga et 200 km         & Morgan 2012). Grâce au comptage
soirement l’étude d’impact sur l’envi-       au sud de la population de gorilles de      des nids et aux images fournies par
ronnement (EIE) requise pour l’auto-         la rivière Cross la plus proche. Avec       les pièges photographiques, nous es-
route. Cette approbation provisoire exi-     sa localisation intermédiaire entre les     timons qu’un maximum de 25 gorilles
geait que pas moins de 23 points soient      sous-espèces existantes de gorilles au      survivent dans la forêt d’Ebo sur une
traités et demandait que l’EIE soit révi-    Cameroun, la petite population isolée       zone d’environ 25 km2 (Morgan 2010).
sée et soumise à nouveau dans un
délai de deux semaines. Étaient in-
clus dans ces conditions le développe-
ment d’une compensation pour la bio-
diversité, une carte révisée montrant
clairement la nouvelle route, un plan
de réinstallation comprenant une liste
des communautés affectées et le paie-
ment de compensations aux commu-
nautés déjà touchées par le projet. Ap-
paremment, ces conditions n’auraient
pas été remplies, l’EIE n’a pas encore
été approuvée et aucune déclaration
d’impact environnemental ou certificat
d’EIE n’a été délivré par le Ministère fé-
déral de l’Environnement. Néanmoins,
la menace demeure, et à l’approche de
la saison sèche, nous nous attendons
à ce que le problème de l’autoroute re-
jaillisse à nouveau.
        Andrew Dunn et Inaoyom Imong,
                            ­octobre 2017    Vue de la forêt d’Ebo
                                                                                                          Photo : Daniel Mfossa

14 Gorilla Journal 55, décembre 2017
GORILLES

                                                                                      perturbations au sein de l’habitat des
                                                                   gorilla            gorilles jusqu’à ce que l’application de
               Bataba             Ndokmen Nord
                                                                   distribution       la loi puisse être assurée efficacement
                                                                                      par l’état. Cette approche « d’exclu-
                                               Iboti                                  sion » est complétée par une série de
                                                                                      mesures dites « d’inclusion » : la pro-
                              Locndeng                                                motion des avantages liés aux activités
                                              Mopoun Locnanga                         de conservation à travers les activités
Ndokbagengue
                                                                                      de sensibilisation et l’amélioration des
                 Njuma                                                                moyens de subsistance locaux en aug-
                                            Bekob                                     mentant les sources de revenus et le
                                                                                      bien-être de la population. Quelques-
                   Proposed                     Sah’aa                                unes de nos activités sont résumées
Ndokama            Ebo National Park                                                  dans cet article.

                                                                                      Une émission de radio pour cibler
                                                                                      les communautés rurales et
                     Ebo’oh                                                           l’administration locale
      Mamba                                                                           Accéder à des informations pertinentes
                                                                                      et à la connaissance des lois relatives
                                                                                      à la gestion des ressources naturelles
                                                                                      en milieu rural et urbain au Cameroun
                                                                                      n’est pas aisé en raison d’un accès li-
                                                                                      mité à la presse écrite, à la télévision et
  0   3   6      12 km                                                                à internet. Depuis avril 2016, l’EFRP en
                                                                                      collaboration avec le CAG, ACTRIFE
                                                                                      et quelques élites de la région d’Ebo
La forêt d’Ebo, où se trouvent les 3 stations de recherche (Njuma, Bekob              (personnalités importantes originaires
et Mopoun), avec la répartition approximative des populations de gorille              des villages mais qui résident désor-
                                                        Carte : Angela Meder          mais en ville) cherchent à éduquer le
                                                                                      grand public grâce à des programmes
L’habitat de ces gorilles se situe à      d’autres grands mammifères. Les             radiophoniques hebdomadaires.
proximité d’une poignée de villages       groupes du CAG mènent également                Le programme de conservation
isolés où la chasse et le commerce de     des activités de sensibilisation au sein    « BIOLittoral » (Biodiversité de la
viande de brousse représentent une        des communautés. L’ACTRIFE est              Région du Littoral) est diffusé sur la
importante source de revenus et de        engagée dans la sensibilisation com-        chaîne nationale du radio diffuseur
protéines animales pour les membres       munautaire mais concentre ses efforts       d’état, Radiotélévision du Cameroun
de la communauté (Morgan 2004).           sur la création du Parc National d’Ebo      (CRTV). BIOLittoral a pour objectif de
    Deux associations locales commu-      (ENP) en établissant des contacts ré-       promouvoir une gestion durable des
nautaires (le Club des Amis des Go-       guliers avec les services gouverne-         ressources tout en éduquant un large
rilles – CAG – et l’Association des       mentaux concernés ainsi que les élites      éventail d’acteurs locaux (administra-
Chefs Traditionnels Riverains de la       de la région. Dans la mesure où la          tion locale, élites, villageois, etc. …) en
Forêt d’Ebo – ACTRIFE) travaillent        création de ce parc est attendue de-        faisant appel à leur fierté pour la faune
autour de l’habitat des gorilles d’Ebo    puis longtemps, l’EFRP, en collabora-       locale et notamment les gorilles. Les
pour protéger cette petite popula-        tion avec les chefs traditionnels de la     programmes eux-mêmes visent à édu-
tion ainsi que d’autres espèces im-       zone et avec l’aide du CAG, travaille       quer les communautés au sujet des
portantes en termes de conservation.      pour l’aménagement d’une « zone in-         liens entre les humains et leur environ-
Chaque mois l’EFRP et le CAG pa-          terdite » qui couvrirait la majorité de     nement, de l’écologie animale, de la
trouillent au cœur de l’habitat des go-   l’habitat actuel des gorilles. Cette ini-   chasse et de la crise du commerce de
rilles, recensant les menaces envers      tiative, mise en œuvre et validée par       viande de brousse dans la région, de
les gorilles et les signes de présence    les communautés, vise à stopper les         la dégradation de la biodiversité, de la

                                                                                      15 Gorilla Journal 55, décembre 2017
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