Gorilla Journal Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe
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Gorilla Journal Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe No. 60, juin 2020 Le COVID-19 et les Sarambwe après La « success Les gorilles de la Gorilla Doctors la démarcation story » de gorille forêt d’Ebo me des limites des de montagne nacés par d’Unités deux Etats Forestières
BERGGORILLA & REGENWALD DIREKTHILFE Table des matières Auteurs can Programme à l’Institut Max Planck d’Anthropologie Evolutionnaire de COVID-19 3 Anna Behm Masozera est la direc- Leipzig. Elle est spécialisée dans la Le COVID-19 et les Gorilla Doctors 3 trice du Programme International de culture des grands singes, la communi- R. D. Congo 5 Conservation des Gorilles (PICG), une cation et la recherche relatives à la con- La Réserve Naturelle de Sarambwe coalition de Conservation Internation- servation, en particulier par l’utilisation après la démarcation des limites al, de Fauna & Flora International et de moyens non invasifs telles que les des deux Etats 5 du WWF. caméras et les enregistreurs audio au- Le Mont Tshiabirimu entre l’idée Dr. Ekwoge Enang Abwe est ensei- tomatiques pour la surveillance des pri- de la montagne des esprits et la gnant-chercheur postdoctoral au Zoo mates en liberté. science 7 de San Diego Global et responsable Jean Claude Kyungu Kasolene a Les activités de conservation dans du Project de la Forêt d’Ebo au Cam- présidé l’ONG écologique SEPRONA la Réserve Naturelle d’Itombwe eroun. entre 1994 et 1999. Depuis 1997, il est entre 2017 et 2019 12 Dr. Kirsten Gilardi est Directrice consultant en diversité au Nord-Kivu. Il Gorilles 15 exécutive et Vétérinaire en chef de Go- a dirigé la Réserve de Gorilles de Tay- Les éléments essentiels du rilla Doctors et Directrice associée au na ainsi que la Réserve de Gorilles de « success story » de gorille de UC Davis One Health Institute. la communauté de Walikale, et a été montagne 15 Anne-Céline Granjon suit un en- chef du projet des Gorilles de Tshiabe- 1063 gorilles de montagne – que seignement universitaire en Biologie rimu dans le Parc National des Virunga veut dire ce nombre ? 17 Evolutionnaire à l’Institut Max Planck pour le compte de la Gorilla Organiza- Les gorilles de la forêt d’Ebo me d’Anthropologie Evolutionnaire de tion. Il a été nommé en 2008 conserva- nacés par une proposition d’Unités Leipzig et y prépare son doctorat. Sa teur du secteur du Mont Tshiaberimu Forestières d’Aménagement 18 thèse est consacrée à l’analyse géné- du Parc National des Virunga. Il a été Réactions des grands singes tique de la taille et de la croissance de 2017 à 2019 le Directeur de la Ré- sauvages aux pièges photo- des populations de grands singes en serve d’Itombwe et depuis 2020 il est graphiques 20 Afrique. le Directeur du Parc National de Maïko. Dr. Ammie Kalan est une prima- Dr. Bethan Morgan est respon- tologue canadienne qui travaille ac- sable du Central African Programme tuellement dans le cadre du Pan Afri- du Zoo de San Diego, l’Investigateur Principal du Projet de Recherche de la Forêt d’Ebo et enseignant-cher- cheur honoraire à l’université de Stir- ling (Royaume-Uni). Claude Sikubwabo Kiyengo a mené une étude sur les gorilles dans Gorilla Journal 60, juin 2020 le Parc National de la Maïko de 1989 Editeur : Angela Meder Addresse de l’organisation : à 1992, et en 1994 il a pris part au re- Augustenstr. 122, 70197 Stuttgart, Berggorilla & Regenwald Direkthilfe censement de gorilles de Kahuzi-Bie- Allemagne c/o Burkhard Broecker ga. Il a travaillé ensuite avec l’ICCN à E-mail : meder@berggorilla.org Juedenweg 3 Goma et de 2000 à 2005 pour l’UICN. Traduction : Yves Boutelant, Jean- 33161 Hoevelhof, Allemagne De 2006 à 2007 il a été chef conserva- Pascal Guéry, Erik Mager, Julia E-mail : broecker@berggorilla.org teur du Parc National des Virunga, Peguet, Florence Perroux Site web : secteur centre. Il a été notre assis- Réalisation : Angela Meder http://www.berggorilla.org tant à partir de 2008. De 2010 il était Couverture : Dr. Fred Nizeyimana, Directeur Général de l’Institut Supé- vétérinaire de terrain en Ouganda, se Relation bancaire : rieur de Conservation de la Nature, de prépare à administrer un médicament IBAN DE06 3625 0000 0353 3443 15 l’Environnement et du Tourisme (ISC- à un gorille au moyen d’une fléchette BIC SPMHDE3E NET) de Rumangabo. De 2011 à 2016, projetée. Suisse : il était expert PACEBCo pour la conser- Photo: Skyler Bishop © Gorilla Doc- IBAN CH90 0900 0000 4046 1685 7 vation et la biodiversité dans la région tors BIC POFICHBEXXX de Virunga (COMIFAC). 2 Gorilla Journal 60, juin 2020
COVID-19 Le COVID-19 et les Gorilla Doctors L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré la pandémie de COVID-19 le 11 mars 2020. Jamais auparavant nous n’avions compris le concept « One Health » (« Une seule santé ») aussi bien qu’aujourd’hui, alors que nous faisons face en tant que communauté mondiale à la pandémie de COVID-19. Bien que nous n’ayons encore aucune preuve, il est probable que SARS CoV-2, le virus causant la maladie appelée COVID-19, a émergé à partir d’un hôte animal puis a contaminé la population humaine. Nous vivons un moment « One Health », et constatons ce qui peut arriver lorsque les humains et les animaux interagissent au sein d’un environnement partagé de manière non-durable, avec des conséquences Poste pour lavage des mains et utilisation de désinfectant pour les mains dévastatrices. pour les gardes, Parc National de Kahuzi-Biega, Mai 2020 Le One Health Institute, base admi- Photo: Gorilla Doctors nistrative de Gorilla Doctors à l’Ecole Quʼest-ce que cʼest ? de Médecine Vétérinaire de l’Univer- sité de Californie à Davis, a été sur SARS CoV-2 : le nom du virus. Quand le virus SARS CoV-2 infecte un le front de la surveillance et de la re- humain, la maladie qu’il provoque est appelée la COVID-19. Les tests cherche internationales sur tous les pratiqués sur une personne sont positifs au SARS CoV-2, pas à la facteurs qui nous ont conduit à la situa- COVID-19. tion dans laquelle nous nous trouvons SARS (SRAS en français) : S = Syndrôme ; R = Respiratoire ; A = Aigu ; maintenant, face à la réalité que repré- S = Sévère. SARS CoV-2 est classé comme SRAS parce qu’il est géné- sentent les intersections entre la faune tiquement relié au SARS CoV-1 de 2003. sauvage, les gens et les pathogènes COVID-19 : CO = corona ; VI = virus ; D = disease (« maladie », en français); émergents qui peuvent conduire à des 19 = 2019, l’année d’émergence du virus. changements altérant les conditions Pathogène : une bactérie, un virus ou tout autre micro-organisme (par de vie des populations humaines et du exemple, un champignon) qui peut provoquer une maladie. monde. Une nouvelle étude, publiée Zoonose : maladie chez les humains causé par un pathogène d’origine par l’Institut EpiCenter pour l’étude de animale. la dynamique des maladies, a mon- Spillover (Transmission de virus) : transmission d’un germe pathogène par tré que la perte d’habitat, l’exploitation des espèces animales à l’espèce humaine. Bien que cela ne soit pas en- humaine de la faune sauvage et l’ex- core démontré, on pense que le SARS CoV-2 est un exemple de « spil- tinction des espèces sont directement lover » zoonotique. corrélées au risque accru d’émergence Maladie infectieuse émergente : quand un pathogène apparaît chez d’une maladie, et que les émergences l’humain ou l’animal pour la première fois et entraîne une maladie ; elle de maladies apparaissent à un rythme émerge d’une nouvelle source, pour infecter les humains ou les animaux, plus rapide que jamais auparavant. et provoque une maladie. Depuis 10 ans (2009–2019), le One Health Institute a dirigé le projet 3 Gorilla Journal 60, juin 2020
COVID-19 PREDICT de l’USAID (Agence amé- respiratoires humains et que des mala- est à la pointe de la conservation de la ricaine pour le développement inter- dies respiratoires apparaissent réguliè- faune sauvage. Malgré la pandémie national) qui étudie les menaces de rement chez les gorilles de montagne. actuelle, je suis optimiste et confiant pandémies émergentes, afin d’identi- Quand un gorille est malade, nos vété- dans l’approche « One Health » des fier et de détecter les virus portés par rinaires collectent des échantillons de Gorilla Doctors, à savoir comprendre la la faune sauvage et qui pourraient re- diagnostic (crottes fraîches) qui sont connectivité intrinsèque entre la faune, présenter un risque pour la santé hu- testés pour de multiples pathogènes, les humains et les environnements que maine, mais aussi afin d’émettre des y compris désormais le nouveau virus nous partageons tous, qui nous four- recommandations dans le but de ré- SARS CoV-2. nira, au final, les solutions dont nous duire la propagation. Gorilla Doctors Le Rwanda, l’Ouganda et la Répu- avons besoin pour empêcher de fu- était le partenaire exécutif au Rwan- blique Démocratique du Congo ont tures épidémies. da, en Ouganda et dans l’Est de la tous suspendu temporairement les vi- Dr. Kirsten Gilardi République Démocratique du Congo, sites touristiques pour voir les gorilles, et une équipe, dirigée par nos vétéri- et ont sévèrement restreint l’accès aux naires en chef rians (Julius Nziza, Eddy parcs. Les employés des parcs et les Kambale Syaluha et Benard Ssebide) vétérinaires de Gorilla Doctors ont mis ont collecté et testé les échantillons en place ces mesures protectrices sup- de plus de 7000 personnes et d’ani- plémentaires : maux sauvages. Avec les laboratoires partenaires, nous avons détecté plus – Port du masque obligatoire pour tous de 80 virus (connus et inconnus) dans les employés des parcs pendant les trois pays, y compris plusieurs nou- les contrôles de santé (les Gorilla veaux coronavirus (SARS CoV-2 ne fi- Doctors ont toujours porté des gurait pas parmi les coronavirus détec- masques à proximité des gorilles) tés dans cette région). – Contrôle de température quotidien Le programme PREDICT avait été pour toute personne entrant dans un initié pour traiter la menace grandis- parc sante que représente l’émergence de – Maintien d’une distance minimale maladies depuis les hotspots mon- de 10 mètres avec les gorilles (c’est diaux (les regions les plus riches en la distance que les Gorilla Doctors biodiversité où il y a un risque significa- ont toujours pratiqué, à chaque fois tif de propagation de zoonoses à partir que cela était possible, au cours des de la faune sauvage. L’Afrique équato- contrôles de santé et des visites de riale est un de ces hotspots où la popu- suivi) lation humaine est dense et en accrois- – Lavage des mains et utilisation de sement, où la diversité d’espèces est désinfectant pour les mains significative, et où il y a un haut niveau – Désinfection des bottes d’interactions homme/animal, tous ces éléments se combinant et conduisant à Afin de renforcer ces mesures sani un accroissement du risque de propa- taires, nous travaillons aussi avec nos gation virale. partenaires du Gouvernement afin de Jusqu’à maintenant, nous ne savons maintenir au minimum le nombre de pas si des infections à SARS CoV- personnes qui doivent être en forte 2 sont apparues chez les gorilles de proximité avec les gorilles au quotidien l’Est (gorilles de montagne et gorilles pour assurer leur sécurité et leur de Grauer) des groupes habitués à la protection. présence humaine, ou chez d’autres La mission des Gorilla Doctors, grands singes présents dans la ré- conserver les gorilles de montagne et gion. Ce que nous savons, c’est que les gorilles de Grauer sauvages grâce les grands singes, y compris les go- à la médecine vétérinaire et la science rilles, sont sensibles aux pathogènes à travers une approche « One Health », 4 Gorilla Journal 60, juin 2020
R. D. CONGO La Réserve Naturelle Comparaison entre les activités illicites en 2018 et 2019 dans la Réserve de Sarambwe de Sarambwe après la démarcation des limites Mois Personnes Nouveaux Braconnage constaté Feux de des deux Etats aperçues champs (ha) Pièges Chiens brousse (ha) 2018 2019 2018 2019 2018 2019 2018 2019 2018 2019 Dans notre dernier article paru dans Janv. 25 20 3 1 – 11 3 – – – le Gorilla Journal 58, nous avions Févr. –* 4 –* 1 –* – –* – 3* – parlé de l’espoir de voir la fin de Mars –* – 1* 1 4* – 1* – –* – l’envahissement de la Réserve Na Avril 24 – 0,5 1,5 2 – 4 – 6 1 turelle de Sarambwe (RNS) par des Mai 30 14 4 6 – 4 – – – – cultivateurs ougandais en quête de Juin 53 – 9 – – – 4 – – – champs. Aujourd’hui, nous pouvons Juillet 12 – 2 – – 1 – – – – constater que ce changement a été Août – – 2 – – – – – – – réalisé et que ses conséquences sont Sept. 2 – 2 – 2 8 – – – – très positives. Nous allons également Oct. 2 1 – – 2 – 2 – – – formuler quelques recommandations Nov. 7 2 – – 2 – 2 – – – pour le futur de la conservation de la Déc. 2 9 16 – – – – – – – Réserve de Sarambwe. Total 157 50 39,5 10,5 12 24 16 0 9 1 Le taux d’envahissement de la Ré- * présence de militaires ougandais serve Naturelle de Sarambwe a tou- jours été très élevé. Cette situation Cette exploitation se faisait soit en dé- En effet, avant la délimitation précise était favorisée par la confusion entre- frichant la forêt pour créer de nouveaux des deux Etats, des cultivateurs, chas- tenue à propos du tracé de la fron- champs, soit en cultivant des champs seurs, scieurs et coupeurs de bois ou- tière entre les Etats et par un encou- existants, soit en pratiquant le sciage, gandais avaient été repérés tous les ragement, voire une protection de la la carbonisation et la chasse. Grâce mois, avec quelquefois la protection de population ougandaise qui venait ex- aux efforts très louables de hauts res- leur armée. Dans le tableau, on peut ploiter des champs dans la réserve en ponsables des deux pays et à la mobi- croire qu’il n’y a pas eu de présence République Démocratique du Congo. lisation des équipes sur le terrain, la ougandaise dans la réserve en février clarification des limites et leur maté- et mars 2018. Pendant ces deux mois, rialisation ont permis de mettre fin à il y avait une présence presque perma- D. R. CONGO UGANDA ces violations. Nous pouvons égale- nente de l’armée ougandaise dans la ment nous réjouir d’une récupération partie exploitée, ce qui fait que les pis- Sarambwe north d’environ 450 hectares de la superficie teurs et gardes ne pouvaient y péné- block envahie de la réserve qui peuvent être trer. La conséquence est une absence bien protégés. d’observations. Réserve central Rusura Pour préparer cette délimitation et Cela dit, malgré ces 2 mois sans ob- Naturelle block sa matérialisation, plusieurs réunions servations et le bon mois d’août, 157 de Sarambwe Buhoma ont eu lieu en R. D. Congo et en Ou- personnes ougandaises ont été comp- south ganda pour définir les actions à mener tées dans la réserve pour différentes block Bwindi en commun afin de sensibiliser la po- activités en 2018. En 2019, la situation Impenetrable pulation et faire évacuer les champs il- a été bien meilleure avec seulement National Park légaux après un délai de grâce accordé 50 personnes observées. Pour ce qui pour la récolte de vivres. est des surfaces, 39,5 ha avaient été border demarcation protected area Depuis ce moment, nous avons pu défrichés en 2018 pour des nouveaux re-integrated area constater que les activités d’envahis- champs contre seulement 4,5 ha en international border Nteko sement et les activités illicites sont al- 2019. Dans le domaine de la chasse et Carte de la Réserve de Sarambwe lés décroissant jusqu’à cesser complè- du braconnage, il y a eu plus de pièges indiquant la zone réintégrée tement. en 2019 qu’en 2018, (14 contre 4), Carte: Angela Meder à partir d’un Ce tableau montre une évolution po- mais pour les chiens la situation s’est document de l’ICCN sitive de la conservation dans la RNS. améliorée avec 16 chiens aperçus en 5 Gorilla Journal 60, juin 2020
R. D. CONGO 2018 contre aucun en 2019. Nous pouvons noter également une baisse très significative des activités illicites dans la RNS. A ce jour, aucun nouveau champ n’a été mis en place depuis le mois de mai 2019, ce qui re- présente 7 mois sans nouveau champ. Nous pouvons donc conclure à une fin de l’envahissement. Il faudra cepen- dant observer l’évolution des activités pendant l’année 2020. Pour l’instant, le bilan est positif et il n’y a pas eu d’acti- vités illégales dans la RNS. Qui sont les auteurs des dégrada- tions dans la réserve ? Pouvons-nous affirmer que les destruc tions dans la RNS doivent être imputées aux seuls Ougandais ? La réponse est non, bien que les observations des gardes et pisteurs aient pu en attribuer une large part à ces derniers. Du côté de la population congolaise, il y a Villageois défrichant un champ dans la RNS également eu des destructeurs, mais Photo: Jean Paul Kambere en plus petit nombre. Les gardes et les pisteurs ont quelquefois contrôlé – Un projet de presses à huiles, des destructions commises pendant des Congolais dans les champs – Un projet relatif à eau, plusieurs décennies d’envahissement. illicites. Cela dit, l’envahissement par – Des moulins communautaires, Il s’agit de grandes étendues de des Congolais a été minime, car un – Des élevages de porcs, moutons et jachères, qui sont maintenant des système d’alerte avait été mis en place chèvres, espaces dégradés nécessitant une pour dénoncer toute incursion dans la – Un projet de pisciculture, de moulin réhabilitation et une surveillance réserve. De plus, les personnes dans communautaire …, accrue. Le but de cette surveillance est les villages entourant la réserve ont été – Un projet de boisement pour la po- d’empêcher toute nouvelle incursion sensibilisées et motivées par plusieurs pulation avec des pépinières dans qui empêcherait la régénération micro-projets lancés par la Berggorilla les écoles et des pépinières pour les naturelle, laquelle prendra plusieurs & Regenwald Direkthilfe, laquelle prend femmes de pisteurs. années. Le maintien de la surveillance en charge les pisteurs et agit aux côtés et le soutien aux gardes et aux pisteurs de l’ICCN, qui est le gestionnaire de la Conclusion et recommandations sont donc à encourager et à renforcer. réserve. Nous pouvons citer quelques- La Réserve de Sarambwe est Pendant la période de confusion uns de ces projets communautaires, actuellement exempte de presque des frontières, les Ougandais avaient comme : toute intrusion et activité illégale. planté des espèces végétales très épi- Elle porte cependant les séquelles neuses dans le but de protéger leurs champs et surtout de bloquer leur ac- Activités illicites en 2020 cès aux animaux, principalement les Mois Personnes Nouveaux Braconnage Feux de Coupe bois gorilles. Ces épineux sont un handicap aperçues champs brousse pour une surveillance efficace et sont Janvier 0 0 0 0 1 (chauffage) également des espèces exotiques qu’il Février 1 trace 0 0 0 0 faut couper et éradiquer de la réserve. Mars 1 trace 0 0 0 0 Il est impérieux de tracer de nou- Avril 0 0 0 0 0 velles pistes dans la partie récupérée Total 2 traces 0 0 0 1 suite à la nouvelle démarcation afin 6 Gorilla Journal 60, juin 2020
R. D. CONGO montagnarde étagée en fonction de l’altitude. Le Mont Tshiabirimu dans le con- texte ancestral L’histoire des migrations des peuples bantous, dont les Wanandes (Bayi- ra), rapporte la découverte du Mont Tshiabirimu vers le XVIème siècle après la traversée de la rivière Semli- ki, anciennement appelée « Kalem- ba » ou encore « corde serpentée ». A l’arrivée des explorateurs européens, Stanley voulant connaître le nom de la rivière, a demandé à un pêcheur qui portait une gibecière, comment elle s’appelait. Celui-ci croyant qu’on le questionnait sur le contenu de sa gibecière a répondu « SIMULIKI » soit « IL N’Y A RIEN ». L’explora- teur notera Semliki comme le nom de la rivière, ce qui fut adopté jusqu’à ce jour. L’arbre de Stanley existe en- Enlèvement de buissons épineux des champs de la réserve core aujourd’hui, sur la côte ouest du Photo: Claude Sikubwabo Lac Edouard, entre Vuholu et Kisaka, baptisé ainsi en l’honneur de Stan- de bien assurer sa surveillance. Aussi, Le Mont Tshiabirimu entre ley qui avait l’habitude de camper au pour mieux surveiller l’ensemble de la l’idée de la montagne des pied des grands arbres. réserve et à cause de l’insécurité qui y Le peuple Yira, lui, en provenance règne encore, l’idéal serait la construc- esprits et la science d’Ouganda, a traversé la rivière Ka- tion de 2 nouveaux postes de garde, Le Mont Tshiabirimu est partie in lemba sur « le dos du dragon » ou l’un dans l’extrême sud de la réserve, tégrante du Parc National des Vi « Mughongo wa ndioka », la grande bien éloigné du poste actuel de Sa- runga (PNVi) dans son secteur Nord, roche actuellement visible qui sépare rambwe, et l’autre à l’extrême nord, au à l’Ouest du lac Edouard, dans la le lac Edouard de la rivière Semli- Mont Sarambwe. Province du Nord Kivu, à l’Est de la ki, à Ishango (site archéologique Un mini-atelier ou CoCoSi (Comité République Démocratique du Congo. de l’homme d’Ishango) dans le Parc de Coordination des Sites) spécifique Ce site est défini par les coordonnées National des Virunga (Mashauri à la Réserve de Sarambwe serait sou- géographiques 0° 9’–0° 11’ S et 29° 1980). haitable dans le cadre d’un plan opéra- 24’–29° 31’ E. Situé à une altitude de Après la traversée de la rivière tionnel pour le bon développement de 3117 m, sa superficie est de 60 km2 dont Semliki, le Chef du clan Baswagha la RNS et de la population de Saram- 7 km2 déjà déboisés suite à l’extension s’installa momentanément sur le bwe, comme ce fut le cas en 1998 et des champs de cultures vivrières. Les Mont Tshiabirimu et y découvrit des en 2001. gorilles exploitent la majeure partie de groupes d’animaux robustes qu’il Enfin, il convient de ne pas oublier l’habitat comprise entre 2650 et 2950 m n’avait jamais vus. A chaque ren- les habitants des alentours de la ré- d’altitude. contre avec ces animaux, ces der- serve qui continuent leur appui en dé- Le Mont Tshiabirimu bénéficie un niers menaçaient fortement en frap- nonçant les infractions et en sensibi- climat de montagne équatorial. La pant sur leur poitrine. Le Chef ap- lisant les personnes concernées. Les position équatoriale et l’altitude éle- pela ces animaux des esprits. Ainsi, micro-projets ont pour but de leur per- vée sont des facteurs qui influencent la montagne fût appelée « montagne mettre de subvenir à leurs besoins. le climat. La végétation est caracté- des esprits » dans le dialecte local Claude Sikubwabo Kiyengo risée par une forêt typiquement afro « Kitwa eky’evirimu » aujourd’hui 7 Gorilla Journal 60, juin 2020
R. D. CONGO « Tshiabirimu » (ou « Tshiaberimu ») de la densité de population modifient du projet (Gorilla Organization, Berggo- dont l’écriture normale reste « Ekya- le taux de croissance de ces popula- rilla & Regenwald Direkthilfe ou autre). virimu ». Ces esprits étaient bien en- tions en agissant sur le taux de natalité tendu des gorilles. ou sur le taux de mortalité. D’une ma- Monitoring et tracking des gorilles nière générale, le taux de croissance En 1997 et 1998, Claude Sikubwabo Le Mont Tshiabirimu : de l’esprit diminue lorsque la densité augmente. et feu Vital Katembo, avec l’appui de traditionnel vers une compréhen- Il mentionne aussi que chez certaines Berggorilla & Regenwald Direkthilfe, sion de la science espèces, la fécondité diminue avec la organisèrent une formation des Le Mont Tshiabirimu a été incorporé réduction du nombre de femelles fé- gardes au monitoring, à la lutte anti- dans le Parc National des Virunga condes mais aussi par la présence de braconnage et à la reconnaissance des en 1938 grâce à la présence en son pathologies. Ce serait le cas des go- types de végétation. Au début de l’an sein des gorilles découverts par Sir rilles de Tshiabirimu pour lesquels le 2000, Claude Sikubwabo a participé à Johnson en 1931 selon le rapport de nombre de femelles est actuellement l’initiation de l’habituation des gorilles l’ICCN (inédit). réduit à seulement deux. mais pour peu de temps car il a été George B. Schaller a étudié les go- appelé à diriger le Projet Parcs pour la rilles du Mont Tshiabirimu en 1959 Naissance d’un nouveau projet Paix (PPP) de l’UICN. pendant deux semaines et a trouvé Le recensement de 1996 a éclairé Entre 1997 et 2007, le monitoring est 4 groupes de gorilles, dont il a esti- la situation du Mont Tshiabirimu du assuré par 7 gardes bien entraînés et mé le nombre entre 30 et 40 indivi- point de vue de la faune sauvage répartis en deux groupes. Il est super- dus. Il a aussi étudié la fréquentation (mammifères, oiseaux) et de la flore. visé par les gardes Sindani et Maham- des strates par les gorilles, ainsi que Ce recensement était financé par le ba Paluku. Deux familles de gorilles leur régime alimentaire. Quelques tra- Zoo d’Atlanta, par Berggorilla & Regen- sont suivies. Il s’agit des familles Nzan- vaux se sont ensuite focalisés sur la wald Direkthilfe et par le Dian Fos zu-Lusenge et Tsongo. Selon Chifun- parasitologie des gorilles, notamment sey Gorilla Fund de Londres. Ce re dera les deux familles comptent res- sur la détermination des endoparasites censement a posé les bases de la pectivement 11 et 4 individus. Il existe (Masika et al. 2010), l’éco-éthologie et naissance d’un nouveau pro jet de aussi trois mâles solitaires et 3 bébés quelques aspects de l’alimentation des conservation des gorilles. Des équipe (Chifundera 2004). Pendant le suivi on gorilles (Chifundera et al. 2003). Les in- ments nécessaires au démarrage du enregistre des données relatives aux formations relatives aux effectifs de go- projet ont été fournis et laissés sur conditions de l’habitat (coordonnées rilles sur ce site proviennent des mis- place par Berggorilla & Regenwald géographiques, altitude, climat et vé- sions scientifiques menées respective- Direkthilfe. Le projet s’y est installé gétation) et au comportement des indi- ment par Schaller en 1959, qui compte pour sauvegarder la petite population vidus au sein de deux familles, surtout 30 à 40 individus (Schaller 1963) ; des gorilles isolée et menacée par les les interactions entre les mâles domi- Conrad Aveling dénombre 20 indivi- activités humaines nants. Les données sur l’alimentation dus en 1986 (Aveling & Aveling 1989) ; Pour mener à bien ses activités, le et l’actogramme sont plus étudiées en Tom Butynski et Esteban Sarmiento en projet de conservation du Mont Tshia- détail. Le contact d’habituation est quo- 1995 estiment la population à 14–16 birimu a recruté du personnel dans des tidien. gorilles (Sarmiento et al. 1996), puis à villages autour du Mont. Les gardes as- Les coordonnées géographiques 11 en 2003, sans pour autant indiquer surent les patrouilles et le monitoring. sont récoltées au moyen d’un GPS les détails relatifs à la composition des Les ouvriers assurent les travaux de Magellan 315 entre 1998 et 2002, puis groupes. Selon Chifundera l’effectif se- layonnage. L’assistant social s’occupe d’un Garmin 12XL (2002–2008), et en- rait remonté à 21 (Chifundera et al. de la sensibilisation de la population à fin avec un Garmin map 62 (depuis 2004) mais ce résultat a été fortement la conservation. Les tâches du conser- 2008). Elles sont prélevées à chaque contesté (Sikubwabo, inédit). Le recen- vateur-assistant consistent à la facili- endroit où l’on rencontre les gorilles, sement de 2006 (Kyungu & Kataomba tation administrative, la sensibilisation leurs crottes ou leurs nids. Ces don- 2007) indique une estimation de 13 in- et la participation aux patrouilles. Le nées permettent de dresser un ré- dividus. directeur était le gestionnaire respon- seau indiquant comment les gorilles Le Mont Tshiabirimu a été enva- sable administratif et scientifique du occupent et exploitent l’habitat. Elles hi par l’homme pour ses activités mi- projet. Il en assurait la bonne marche indiquent aussi comment les gorilles nières et pour l’agriculture. D’après et le développement suivant les termes se meuvent dans le site. Les données Dajoz (1980), des facteurs dépendants de référence définis par les partenaires sur l’altitude permettent de savoir les 8 Gorilla Journal 60, juin 2020
R. D. CONGO zones et étages de la végétation. Nous alors Chef de Projet, a initié le moni- mencé à se montrer moins farouches savons ainsi que les gorilles du Mont toring. L’équipe composée de pisteurs qu’au début. Tshiabirimu se meuvent entre 2650 et et de gardes s’était installée à Kalibi- Malgré les contraintes en période de 2950 m d’altitude. na, devenu aujourd’hui Centre de re- guerre, la ration était fournie régulière- La famille Nzanzu-Lusenge passe la cherche pour le suivi des gorilles. Cette ment à l’équipe de suivi. nuit en deux sous-groupes, l’un de 5 et équipe était composée de Paluku Ma- Le Chef de Projet ayant été appelé l’autre de 6 individus. Ceci présage une hamba (garde parc et chargé du moni- pour des études, un autre Directeur, scission dans un futur plus proche. Ils toring), Kakule Musavuli (pisteur), Kat- Mr Chifundera Kusamba, est arrivé en ne défèquent pas dans leurs nids. Le suva Kitsumbura (pisteur), Kambasu 2002. Les activités ont toujours conti- dos argenté passe la nuit avec le sous- Kasusu (pisteur), Kavembere Kahum- nué, surtout le monitoring, ainsi que groupe de 5. La disposition des nids ba (pisteur), Mumbere Katu (Chargé de beaucoup d’activités de recherche. Les est orientée vers l’Est. Quelques nids la logistique). Les pisteurs étaient char- événements que nous pouvons men- sont placés dans les arbres. gés de faire le suivi d’une seule famille tionner sur cette période : Des interactions (combats) entre les et la famille Lusenge, avec 11 individus deux mâles à dos argenté des deux fa- y compris des juvéniles, était la pre- – dislocation de la famille Lusenge milles ont été observées en décembre mière au Mont Tshiabirimu. Les gorilles pour donner naissance à une autre 2001 et janvier 2002 pour des raisons solitaires qui étaient connus étaient au famille, celle de Kipura dirigé par d’exploitation de l’habitat. Cette famille nombre de deux. Pour les localiser, il a Tsongo après plusieurs interactions, a disparu en 2012 ne laissant que 2 été impérieux d’augmenter l’effectif des – de nouvelles naissances sont men- individus ayant migré vers un autre pisteurs : deux ont été recrutés, Ka- tionnées comme la naissance de groupe. Il s’agit de Mukokya et Mwen- kule Nyerere et Katsuva Kayisumba. Mwasananyinya, Kambula et Mu- gesyali. Les travaux de monitoring étaient pé- sanganya, nibles et demandaient de l’endurance, – habituation ou suivi des solitaires De L’évolution des activités du mais certains résultats étaient déjà pal- comme Kanindo et Katsavara. monitoring des gorilles pables. Une habituation progressive se Le 26 avril 1998, feu Vital Katembo, faisait sentir, et les gorilles ont com- A cette occasion, il a encore une fois fallu augmenter le nombre de pisteurs : Kambale Towaluso, Kahindo Kivikwa- mo firent leur entrée dans l’équipe de monitoring, puis enfin Kambasu Vihu- gho ; Kihurania et Paluku Kakome en 2004. Le Directeur du projet, Chifundera, ayant été appelé pour d’autres fonc- tions, il a été remplacé par Jean Claude Kyungu en mars 2005. Les activités étant toujours maintenues, l’équipe de monitoring a été renforcée pour la lo- calisation d’autres gorilles solitaires. Ont fait leur entrée dans l’équipe Sina- minya Emmanuel, Paluku Kihunirwa, Vundama et Kambale Sivyaghendera. A cette période, un premier recense- ment scientifique des gorilles de Tshia- birimu a été réalisé par différents cher- cheurs ainsi que par les pisteurs. Un événement très important à signaler est la naissance d’un bébé dans la fa- mille Kipura en date du 5 août 2006, Jean-Claude Kyungu fait découvrir aux visiteurs le gorille Mukokya 2010. Musomboli, nom marquant la période Photo: Jean Claude Kyungu des élections, puis un autre bébé né en 9 Gorilla Journal 60, juin 2020
R. D. CONGO 2007 (Mwavita) et retrouvé mort suite à l’intérieur du parc. Avant la guerre, Les relations entre le projet et les à une altercation. Un troisième est né les gardes étaient armés pour conduire autorités mais mordu par sa mère Mwengesyali la surveillance. Les milices présentes Nous avons rencontré à trois reprises en 2009. ont fini par voler toutes les armes, et les Ministres et Chefs de Divisions les gardes ne travaillaient plus qu’avec (RCD-KML Kisangani) ayant la De l’évolution des patrouilles une machette ou une lance. conservation de la nature dans leurs Avant l’implantation du projet : La forêt Bien sûr, le parc était déjà envahi attributions, le Gouverneur de la du Mont Tshiabirimu était controlée par les cultivateurs, mais grâce à de province du Nord-Kivu à Beni et le par 4 postes de patrouilles (postes de nombreuses patrouilles, on a pu récu- Maire de la ville de Butembo. Apres gardes) dont le postes de Muramba et pérer certaines parties en 2002 avec le la réunification de la Province et de de Kyavinyonge situés respectivement concours de l’armée régulière. la République, il y a eu de nouvelles au sud et nord de la partie Est de Au début du projet, en 1996, Go- stratégies de collaboration avec Goma Tshiabirimu, sur le lac Edouard, et par rilla Organization (GO) avait songé à et Kinshasa (Députés Provinciaux et les postes de Camp Ngai et de Museya, la construction de trois postes de pa- Nationaux). A Kyondo nous sommes localisés respectivement dans la partie trouille (PP) en plus du Camp Ngai, régulièrement en contact avec les Chefs Ouest et Nord-Ouest de cette forêt. qui existait avant mais avait été détruit de Groupement et de Collectivités. Les patrouilles de surveillance et pendant la guerre. Ils ont été opération- Au cours de toutes ces rencontres, de lutte contre le braconnage étaient nels dans un premier temps : Le PP de nous fournissons des explications sur coordonnées par ces postes, lesquels Burusi, le PP Kitolu et le Centre de Ka- les objectifs du projet et en même contrôlaient des parties bien définies. libina toutes avec des maisons semi- temps nous sollicitons l’appui des Les objectifs des patrouilles, établis à durables. Ces différentes constructions communautés pour l’accomplissement l’époque, étaient les mêmes que ceux étaient motivées par l’augmentation du des activités de conservation au des patrouilles œuvrant pendant le pro- nombre des patrouilleurs et le besoin Mont Tshiabirimu. Pendant toutes les jet (Cf. ci-dessous). Mais aucun moni- de couverture de tous les secteurs. Les visites nous sommes accompagnés toring n’était effectué. patrouilles aller-retour comme les pa- par Mushenzi Norbert, Directeur du Pendant le projet : Les patrouilles trouilles sous tente ont été intensifiées. PNVi Secteur Nord. Les autorités ont sont de deux sortes : les patrouilles La ration de patrouille était fournie par participé sans hésitation aux réunions sous tente et les patrouilles ordinaires. le projet ainsi que les équipements. et ateliers organisés conjointement La patrouille sous tente est mensuelle Pour maintenir une surveillance conti- par GO, WWF/PEVi et l’ICCN, et ont et dure plus de 3 jours. Les gardes nue et dans les coins les plus reculés, toujours promis un appui au projet. en patrouilles partent avec leur ration GO a songé à construire deux maisons Cependant, toutes les personnalités alimentaire. Les patrouilles ont pour en planches au PP Kikyo en 2007. rencontrées réclament des projets de but de dissuader la population locale Le PP Mulango Wanyama est l’initia- développement socio-économiques d’entrer dans le parc. Elles permettent tive d’un des partenaires de l’ICCN, le autour du Mont Tshiabirimu. de lutter contre le braconnage, l’or- PEVi/KACHECHE (WWF). paillage, l’envahissement des terres Tshiabirimu étant une sous station, Les relations entre le projet et les et le sciage de bois. Les patrouilles quatre conservateurs se sont succé- populations permettent le maintien de l’intégrité dés dans la maintenance de l’ordre Les contacts avec la population locale des limites du parc. Depuis décembre et cela en collaboration avec les di- sont facilités par des personnes 2001, le sciage de bois et la coupe recteurs de projet. Il s’agit de feu le physiques et morales. Les membres du des bambous ont sensiblement dimi- Conservateur Kasereka Bayihota basé Comité de Coordination de la Relance nué, mais l’extension des champs pour a Kyavinyonge (1998–2000) ; feu Ka- de la Migration des populations et les cultures vivrières continue et consti- mate Malikewa (2000–2001 et 2006– l’Aménagement du Territoire (RMIP/AT) tue un sérieux problème pour la sau- 2009) et Beghene Katsumbano Joseph sont descendus à Burusi en décembre vegarde des gorilles et de leur habitat (2002–2005), puis Kyungu Kasolene 2001 et janvier 2002. Ils ont tenu des dans le secteur de Vihyo et de Mulango (2005–2014). Jean Claude Kyungu a réunions de sensibilisation auxquelles wa nyama. Des braconniers avec des été nommé Chef de projet de 2005 à 180 villageois ont participé. Cependant, chiens ont été appréhendés et trans- 2009, puis Conservateur et en même il existe quelques personnes et as férés au Quartier Général de Mutsora. temps Chef de projet de 2010 à 2012 et sociations hostiles aux activités de Pendant que le monitoring se fait à enfin de 2012 à 2014 comme Conser- conservation de la nature dans le PNVi Kalibina, les gardes font des patrouilles vateur. Le projet a pris fin en 2012. Secteur Nord, tel est le cas du SYDIP 10 Gorilla Journal 60, juin 2020
R. D. CONGO Recherche scientifique Pendant la période du projet, plusieurs études ont été conduites sur le Mont Tshiabirimu. Il y a eu des travaux spontanés de KAUR (Université de Virginie) sur le paludisme des gorilles et de MIKE (MGVP) sur l’hématologie. Ci- dessous la liste d’autres travaux scientifiques menés et dont la plupart existe déjà sous publication. Baluku, B. et al. (2010) : Contribution à l’étude verticale des amphi- UOR, 40 p. biens du Mont Tshiabirimu, Parc National des Virunga, Nord-Kivu, Kyungu, K. & Kavugho, N. (2006) : Les paysans face à la gestion des RD Congo. Mémoire de Licence, inédit, UOR, 41 p potentialités hydrauliques du Mont Tshiabirimu en territoire de Beni- Bapeamoni, A. et al. (2008) : Inventaire ornithologique du Mont Lubero, TFC inédit, ISDR/GL, 54 p. Tshiabirimu (R. D. Congo). GO, rapport inédit, 80 p. Kyungu, K. et al. (2008) : Dépistage des parasites gastro-intestinaux Butynski, T. M. & Sarmiento, E. E. (1995): On the brink: The Gorillas au Mont Tshiabirimu et ses environs. Rapport inédit, ICCN-GO, 25 p. of Mont Tshiaberimu, Zaire. Kenya Past and present 27 (1), 17–20 Kyungu, K. J.-C. et al. (2013) : Contribution to the analysis of the vi- Chifundera, K. et al. (2003) : The Mount Tshiabirimu in the Albertin ability of a small gorilla population, Gorilla beringei graueri (Homi- Rift: biodiversity, habitats and conservation issues. Rapport inédit, nidae, Primates), by modeling and simulations of the Mount Tshia- Dian Fossey Gorilla Fund Europe, 231 p. birimu ecosystem, Virunga National Park in the Democratic Republic Chifundera, K. et al. (2004) : Inventaire des amphibiens au Mont of the Congo. http://primatologie.revues.org/1453 Tshiabirimu: cas du marais d’altitude de Kalibina et de la vallée de Kyungu, K. J.-C. et al. (2019) : Impacts des pressions anthropiques Burusi et ses environs. TFC inédit, ISEC/KAYNA, 35 p. sur l’habitat de la population de gorilles de Grauer dans le Grand Kambale, S. (2018) : Diet selection strategies of Grauer’s gorillas Paysage Virunga : comprendre les origines des pressions sur l’habi- (Gorilla beringei graueri) in relation to nutritional benefits and ex- tat des gorilles de Tshiabirimu (République Démocratique Du Congo). posure to hepatotoxic phytochemical in Mount Tshiabirimu Forest, IOSR Journal of Humanities And Social Science (IOSR-JHSS) Virunga National Park, DRC. Dissertation, Ms, Makerere Univer- Masika, L. et al. (2010) : Prévalence des helminthes chez les gorilles sity, inédit, 73 p. du Mont Tshiabirimu. Mémoire de Doctorat en Médecine Vétérinaire, Kasika, L. et al. (2011) : Etude de l’influence de l’activité humaine inédit, Université Catholique du Graben, 65 p. sur les aires protégées en Territoire de Beni et Lubero : cas du Ngbolua, K. et al. (2014) : Phytochemical investigation and TLC Mont Tshiabirimu « secteur Nord du Parc National de Virunga » en screening for antioxidant activity of 24 plant species consumed by the République Démocratique du Congo. Parcours et Initiatives Vol. 9, Eastern Lowland Gorillas (Gorilla beringei ssp. graueri : Hominidae, 92–124 Primates) endemic to Democratic Republic of the Congo. Journal of Kigotsi, K. et al. (2009) : problématique de la gestion des aires pro- Advancement in Medical and Life Sciences 1 (3), 1–6 tégées face à l’émergence socio-économique des populations rive- Roy, J. et al. (2014) : Recent divergences and size decreases of east- raines en province du Nord-Kivu. Cas du Mont Tshiabirimu de 2002 ern gorilla populations. Biology Letters 10, 11 à 2008. Mémoire inédit, UNIGOM, 86 p. Sarmiento E. E. & Butynski, T. M. (1997) : Population and Habitat Vi- Kyungu, K. & Kahambu, M. (2010) : Etude du rythme d’activités ability (PHV) for Gorilla gorilla beringei: Preliminary report on the Mt journalières des Cercopithecidae au Mont Tshiabirimu. TFC inédit, Tshiaberimu survey, June 28–July 17. Kampala Uganda (Syndicat de défense des Intérêts des l’existence du projet et de la conserva- – des formations diverses sur l’éle- Paysans) et des personnes comme tion des gorilles. L’association SAGOT vage, l’agriculture, la santé des ani- Ngovi de Nguli, Kadembi, Kasomya (Solidarité des Amis des Gorilles de maux sauvages et humaine, et Abel du village Kabeka. Ceux-ci Tshiabirimu) souhaitait collaborer avec – l’appui au projet et aux commu- incitaient la population à entrer dans le projet dans les campagnes scolaires nautés riveraines. A partir de 2008, le parc et y commettre des actes de de communication environnementale. Berggorilla & Regenwald Direkthilfe vandalisme. Cependant la relation a L’Association Culturelle Unité (ACU) a fourni les fonds pour la ration sup- été vite rétablie et maintenue entre dirigé par Mr Apollinaire a composé plémentaire et pour les équipements 2006 et 2014. des chansons dédiées à la conserva- de brousse aux pisteurs. Une mai- Les campagnes de sensibilisation à tion des gorilles du Mont Tshiabirimu. son en planche de 12 m sur 6 m a la conservation ont été menées res- Une cassette a été enregistrée à ce été construite avec les fonds de pectivement par l’Assistante Sociale sujet. Berggorilla & Regenwald Direkthilfe Mme Kave Aveline entre 2002 et 2005, Les campagnes de sensibilisation à Burusi. Une partie de cette mai- puis par Paluku Vhosi entre 2005 et se focalisaient sur : son a servi comme bureau du projet 2009, et ensuite par Kasereka Vate- à Burusi et une autre partie a servi naye entre 2010 et 2014. Le Conserva- – l’éducation de la population par des de logement aux agents non locaux teur est descendu plusieurs fois dans conférences, réunions, activités cul du projet. Un équipement du bureau les villages pour expliquer à la popula- turelles et sportives, a été fourni et des matelas et des lits tion le bien fondé et les avantages de – des émissions radio, ont été achetés. 11 Gorilla Journal 60, juin 2020
R. D. CONGO – Appui de Berggorilla & Regenwald et a fortement consolidé ses interven- laquelle met l’accent sur la conserva- Direkthilfe à Tshiabirimu : construc- tions. Actuellement la situation se sta- tion des gorilles de l’est. Cette coopé- tion du bureau du PP Burusi en bilise et une bonne nouvelle donne de ration, ainsi que des échanges régu- 2012, culture de fruits par les com- l’espoir : la naissance d’un bébé gorille liers et des réunions de planification munautés, appui en équipement à la fin de l’année 2019. fréquentes entre les autorités respon- pour les pisteurs. Jean-Claude Kyungu Kasolene et sables des ressources naturelles de Claude Sikubwabo Kiyengo ces trois pays ont permis de maximi- Après le projet ser le potentiel de conservation dans Le projet s’est terminé d’une façon Références les parcs où vivent des gorilles. Aveling, C. & Aveling, R. (1989) : Gorilla brusque et sans aucune préparation. conservation in Zaire. Oryx 23, 64–70 Les activités en faveur de la biodi- Les primes, les salaires et tous les Chifundera, K. et al. (2003) : The Mount Tshia- versité dans le Massif d’Itombwe, au appuis ont été coupés brusquement. birimu in the Albertin Rift: biodiversity, habitats cœur du Rift Albertin, sont déjà an- Le personnel (pisteurs), pourtant bien and conservation issues. Rapport inédit, Dian ciennes et remontent notamment aux Fossey Gorilla Fund Europe, 231 p. formé, a été abandonné sur terrain. Dajoz, R. (1980): Précis d’écologie, 5e édition. expéditions menées dans les années Berggorilla & Regenwald Direkthilfe, ed. Bordas, Paris, 505 p. 1950 par Prigogine, Curry Lindahl et qui intervenait déjà sur le site, s’est Kyungu, K. & Kataomba, K. (2007) : Inventaire George B. Schaller, ainsi qu’aux tra- des mammifères du Mont Tshiabirimu, Projet retrouvé seul pour prendre en charge de conservation des Gorilles du Mont Tshiabi- vaux de Laurent au début des années le site du Mont Tshiaberimu. C’est fut rimu. Rapport de mission, inédit, 32 p. 60. Ces missions initiales, ainsi que une nouvelle expérience car au même Mashauri, M. (1980) : Les migrations yira : celles conduites par Prigogine dans les moment sont survenus de graves rivalités d’occupation des terres à haute alti- années 70 et 80, ont mis en lumière tude. In: Annales de la Faculté des sciences, problèmes : incursions d’inciviques UNILU, PUL Vol. 2.p. l’importance du Massif d’Itombwe pour et politiciens avides de pouvoir, s’ap Sarmiento, E. et al. (1996) : Mission d’explo- les populations de gorilles aussi bien puyant sur le retrait du projet pour ration scientifique au Mont Tshiabirimu. ICCN, au niveau local qu’au niveau national rapport, inédit, 12 p. dire que les partenaires européens et international (17 zones importantes Schaller, G. B. (1963) : The Mountain Gorilla: étaient partis parce qu’ils avaient ecology and behavior. University of Chicago pour les gorilles avaient alors été iden- compris que les gorilles ne pouvaient Press, 390 p. tifiées). En 1993, la préparation d’un plus survivre sur le site. En effet, programme de conservation du Massif une chute drastique du nombre des d’Itombwe a débuté. Ce programme, gorilles, tombés à 6 individus dont 2 Les activités de conser prévu pour être financé par la Banque femelles (parmi lesquelles une femelle vation dans la Réserve Mondiale et porté par le Bureau pour trop vieille pour procréer) avait été Naturelle d’Itombwe entre l’Afrique Centrale de l’UICN, a com- enregistrée. Les politiciens militaient 2017 et 2019 mencé par une enquête environne- pour la redistribution des terres du mentale et socio-économique dirigée Mont Tshiabirimu aux populations. Le Rift Albertin de l’Afrique de l’Est par l’UICN en vue de planifier les in- Contacté, Berggorilla & Regenwald est connu pour sa biodiversité et son terventions futures. Cette enquête a Direkthilfe a intensifié ses appuis sur endémisme, qui est le plus élevé permis la collecte d’informations com- le site et continue jusqu’à présent une d’Afrique continentale et a fait l’objet plémentaires et pertinentes visant à lutte acharnée pour sauver ces go- de nombreuses études biologiques et une conservation de la diversité biolo- rilles durant une période au cours de écologiques. Le Rift s’étend sur six gique des lieux sur un horizon durable laquelle des gardes ont été tués, des pays, ayant chacun son histoire et (Charles Doumenge et Christine Schil- pisteurs blessés et contraints de fuir son système politique, mais aussi une ter 1997). le milieu. Un autre événement est no- volonté commune de mettre en place En 1996, un inventaire systématique table : la disparition d’un gorille. une conservation efficace. D’importants des grands singes a été conduit par Plusieurs projets de développement efforts ont été observés au cours des l’ICCN et le WCS. En 2004, le WWF a ont été exécutés autour du Mont Tshia- dernières décennies dans ce domaine. effectué un inventaire ornithologique. birimu et cela a aussi contribué non Le succès des efforts de conserva- Créée en 2006 par l’arrêté ministé- seulement à la sensibilisation de la po- tion dans certaines parties de la ré- riel 038/CAB/MIN/ECN-EF/2006 du pulation mais aussi au développement gion a récemment été amplifié par une 11 octobre 2006 sur une superficie de de la population. L’ICCN, qui s’était reti- collaboration transfrontalière efficace 760 000 hectares, la Réserve Naturelle ré du site pendant quelques mois entre entre l’Ouganda, le Rwanda et la Répu- d’Itombwe (RNI) était difficile à gérer, 2016 et 2017, a renforcé son équipe blique Démocratique du Congo (RDC), car ses contours n’étaient pas claire- 12 Gorilla Journal 60, juin 2020
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