Grippe aviaire Un défi planétaire annoncé Comment réagit le Royaume-Uni ? - Janvier 2006

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Grippe aviaire Un défi planétaire annoncé Comment réagit le Royaume-Uni ? - Janvier 2006
Ambassade de France au Royaume-Uni
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                                   Janvier 2006

        Grippe aviaire
  Un défi planétaire annoncé
Comment réagit le Royaume-Uni ?

             Crédit : RG Webster
Grippe aviaire Un défi planétaire annoncé Comment réagit le Royaume-Uni ? - Janvier 2006
Spécial                                                                                                      Janvier 2006

Grippe aviaire : un défi planétaire annoncé. Comment réagit
le Royaume-Uni ?
La progression de la grippe aviaire aux portes de l’Europe suscite une vive émotion,
bien qu’il n’y ait toujours pas de preuve que le virus aviaire soit devenu directement
transmissible à l’Homme. L’Organisation Mondiale de la Santé a mis à jour en
novembre 2005 son plan d’action pour faire face aux risques potentiels d’une pandé-
mie grippale humaine. La phase d’alerte dans laquelle nous sommes entrés implique
la mise en place de mesures rapides, coordonnées aux niveaux mondial et national,
pouvant aider à endiguer ou à retarder la propagation d’une nouvelle souche de
grippe humaine. Ce dossier Spécial fait le point sur la grippe aviaire, son développe-
ment, son transfert à l’homme, les traitements anti-viraux disponibles et les perspec-
tives de développement de nouveaux traitements, et présente les réponses que le
Royaume-Uni envisage d’apporter, selon les mesures préconisées par l’OMS, sous la
responsabilité du ministère de la Santé et du National Health Service.

I. Introduction                                                   tions d’oiseaux vivants en provenance de la Turquie sont
    En cette mi-janvier 2006, l’épidémie de grippe aviaire        interdites au Royaume-Uni depuis octobre 2005 et elles
s’étend en Turquie : un nouveau cas a été confirmé le 13          vont l’être désormais pour les pays avoisinants.
janvier, au centre de la Turquie, portant à 21 le nombre              Pour le Pr. C. Blakemore, « la préparation et la vigilance
de personnes touchées par le virus. Quatre enfants sont           sont préférables à la panique ». Ainsi, le Ministère de la
morts dans l’Est du pays (1). Plusieurs cas douteux sont          santé britannique (Department of Health, DH) en charge
en attente de confirmation de diagnostic. Cette progres-          des plans d’alertes sanitaires au Royaume-Uni a publié le
sion de la grippe aviaire aux portes de l’Europe fait, bien       19 octobre dernier un plan d’action dans le cas d’une épi-
entendu, la Une des journaux britanniques et suscite une          démie humaine de grippe dérivée de la grippe aviaire. Il
très vive émotion : si le Times fait son ouverture sur            s’est entouré d’un conseil scientifique de surveillance,
« l’état d’alerte en Europe », le Daily Mail lance une ques-      dans lequel le MRC, en lien étroit avec l’agence britanni-
tion plus prosaïque : « est-ce que la Turquie est un endroit      que de protection sanitaire et les organisations de recher-
pour nos vacances ? », un souci que reflète également le          che comme le BBSRC (Biotechnology and Biological Sciences
titre de la Une du Daily Telegraph : « Ne vous rendez pas         Research Council) et le Wellcome Trust (fondation privée
dans les points chauds de la Turquie » (2). Les journaux font     pour les sciences de la vie, la plus importante au
en effet état de la mise en garde lancée par le Professeur        Royaume-Uni), jouent un rôle clé.
Colin Blakemore, directeur général du Medical Research                Afin de prévoir une stratégie d’action à court et
Council (MRC, équivalent au Royaume-Uni de l’Inserm )             moyen terme, le MRC a organisé à Londres les 7 et 8
et selon lequel « il serait mal avisé de se rendre dans la par-   décembre dernier un atelier de réflexion réunissant, sur
tie orientale de la Turquie ou dans toute autre région affectée   invitation, une centaine d’experts britanniques, améri-
par la grippe ». Selon C. Blakemore, il y a de forts risques      cains, allemands, vietnamiens et chinois ainsi que le
que la grippe atteigne le Royaume-Uni à un moment ou              représentant de l’Inserm à Londres. Ce colloque faisait
à un autre. Le Daily Telegraph précise également que le           suite à la mission que le MRC a dépêchée au Vietnam et
professeur a émis la possibilité que le virus existe déjà au      en Chine du 24 au 30 octobre 2005 et répondait à deux
Royaume-Uni dans la mesure où les canards peuvent en              objectifs :
être porteurs sans montrer de symptômes. Toutefois, au
cours des quatre derniers mois, quelque 25 000 oiseaux             • faire le point sur ce qui est actuellement connu sur la
sauvages ont été testés pour la grippe aviaire et les résul-       grippe aviaire, sa transmission à l’homme et la muta-
tats ont été négatifs. Seul des perroquets importés ont été        tion éventuelle du virus pour qu’il puisse se transmet-
trouvés infectés et immédiatement sacrifés. Il n’y a tou-          tre d’homme à homme, générant ainsi la pandémie ;
jours pas de preuve que le virus aviaire soit devenu
directement transmissible aux humains. Les importa-

                                                                                       Actualités Scientifiques au Royaume-Uni
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Grippe aviaire Un défi planétaire annoncé Comment réagit le Royaume-Uni ? - Janvier 2006
Janvier 2006                                                                                                 Spécial

 • répertorier les questions qui restent posées et qui doi-         nouvelles capsides du noyau vers la membrane (M1) et
 vent être résolues de façon prioritaire.                           de leur fusion avec la membrane de la cellule hôte et du
                                                                    bourgeonnement des nouveaux virus (M2) (Figure 1).
    Les deux conclusions essentielles à l’adresse des pou-          Trois espèces de virus influenza existent : A , B et C ;
voirs publics sont la perspective de l’inefficacité probable        alors que les formes B et C ne sont répertoriées que chez
à long terme du Tamiflu® et donc la nécessité d’investir            l’homme, et de façon très rare pour la forme C, la forme
dans la recherche, et, en cas de pandémie humaine décla-            A est la plus dangereuse. D’origine aviaire, ce virus
rée, la mise en quarantaine absolue de la zone touchée.             influenza A s’est diversifié selon les types des antigènes
    Nous développerons dans une première partie de ce               HA et NA.
« Spécial » l’état de la question sur la grippe aviaire, son            Lors de la pandémie grippale majeure de 1918 (virus
développement et son transfert à l’homme. Nous verrons              H1N1 responsable de la grippe « espagnole » à l’origine
dans une deuxième partie quels sont les traitements anti-           de 20 à 50 millions de morts), il semble que le virus ait été
viraux disponibles et les perspectives de développement             transmis directement des espèces aviaires à l’homme. En
de nouveaux traitements. Enfin, nous aborderons les                 effet, il s’agit d’un virus dont la séquence semble d’ori-
mesures politiques, sociales et de santé publique qu’il             gine uniquement aviaire, sans trace de réarrangement
convient de prendre dans la phase d’alerte pandémique               avec une autre souche virale. Il semble également qu’il
dans laquelle nous sommes et celles qu’il faudra appli-             soit particulièrement virulent, comme le souligne un tra-
quer si la pandémie se déclare.                                     vail récent démontrant une forte létalité après inocula-
                                                                    tion chez l’embryon de poulet (4). Dans les pandémies de
II. Les vecteurs de la grippe                                                                             1957 (H2N2, grippe
                                                                                                          asiatique responsable
    II.1. Les virus influenza                            NA                                               d’un million de morts)
    Le virus de la grippe est extrême-                                                                    et de 1968 (H3N2,
ment virulent : chaque année, les épidé-                                                                  grippe de Hong-Kong
mies saisonnières de grippe touchent                                                                      responsable de cinq
une grande partie de la population                                                                  HA cent mille morts), le
mondiale, certaines personnes fragiles                                  M1                                virus      transmis    à
comme les personnes âgées pouvant                                                                         l’homme a été le résul-
développer des complications fatales.                                                                     tat d’un réassortiment
Toutefois, les sujets produisent des anti-                                                                génétique entre des
corps dirigés contre le virus et cette                                                                    segments génomiques
défense immunitaire restera efficace                                                                      de virus aviaires et
contre cette souche virale particulière.                                                                  humains chez le porc,
Malheureusement, ces virus de la                                                                          lequel a conduit à un
grippe ont une grande facilité de muta-                                                                   virus associé à une
tion, et la vaccination prophylactique                                                                    moindre        mortalité
doit être refaite chaque année, avec un                                                                   chez l’homme. La
vaccin adapté aux souches les plus pro-                                                                   réapparition du sous-
bables d’infection grippale. Il arrive par-                                                               type H1N1 responsa-
fois que la mutation virale induise de                                                                    ble de la pandémie
tels changements dans l’enveloppe du                   Figure 1. Schéma d'un virus influenza A            humaine de 1977 reste
virus que les anticorps que nous possé- HA : Hémagglutinine ; NA : Neuraminidase ; M1 : protéine de inexpliquée.
dons sont sans effet, rendant dès lors la transfert des capsides ; M2 protéine de bourgeonnement des nou-
propagation et les effets de l’infection                             veaux virions.                           II.2. Les virus
beaucoup plus sévères.                         RG Webster, MRC Worskhop, Londres 7-8 décembre 2005        aviaires
    Les virus grippaux sont des virus à                                                                       Chez les oiseaux,
ARN de la famille des Orthomyxovirus dont le génome                 les infections par des sous-types H5 et H7 sont particu-
est composé de huit segments. Ils portent à leur surface            lièrement pathogènes, avec des mortalités de l’ordre de
deux antigènes majeurs, l’hémagglutinine (HA) et la                 90 à 100 %. Cette infection peut toucher presque toutes
neuraminidase (NA) dont il existe respectivement 16 et 9            les espèces d’oiseaux, sauvages ou domestiques. Le virus
types (3). L’hémagglutinine intervient dans l’infection :           se transmet entre animaux essentiellement par contami-
elle permet au virus de se fixer et de fusionner avec la            nation aérienne (sécrétions respiratoires), soit par contact
cellule à coloniser. La neuraminidase participe à la diffu-         direct, notamment avec les sécrétions respiratoires et les
sion du virus : elle aide les virus nouvellement fabriqués          matières fécales des animaux malades, soit de façon indi-
par la cellule hôte à se détacher d’elle. Les protéines M1          recte par l’exposition à des matières contaminées (via la
et M2 sont impliquées dans le processus du transport des            nourriture, l’eau, du matériel et des vêtements contami-

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Spécial                                                                                                     Janvier 2006

nés). Les oiseaux sauvages sont plus souvent des por-             propagation silencieuse et efficace du virus parmi les
teurs de souches de virus tout en n’en présentant aucun           canards domestiques et sauvages d’Asie (5).
des symptômes. Le contact de ces oiseaux migrateurs                  Dès lors, le rôle des oiseaux migrateurs pourrait être
avec des volailles domestiques a été à l’origine de diffé-        mis en cause dans la propagation de l’épizootie de grippe
rentes épidémies aviaires. Le virus influenza aviaire peut        aviaire vers l’Europe où des foyers de grippe sont appa-
éventuellement infecter d’autres espèces animales                 rus en Russie en août 2005, en Turquie le 1er octobre
comme le porc ou d’autres mammifères. On parle d’épi-             2005, en Roumanie le 4 octobre, en Grèce le 17 octobre et
zootie de grippe aviaire lorsque la maladie affecte bruta-        en Suède le 24 octobre (6, 7). Il est cependant important
lement un grand nombre d’animaux à la fois dans une               de distinguer la contamination par cette voie migratoire
région donnée.                                                    de celle par des importations d’animaux contaminés,
   L’épizootie de la grippe aviaire H5N1 en Asie a                comme cela semble avoir été le cas avec les perroquets au
débuté par l’apparition en 1996 du virus H5N1                     Royaume-Uni.
Goose/Guandong/1/96. Dès 1997, une recombinaison des
virus H5N1, de l’oie, H9N2 de la caille et H6N1 du                    II.3. Transmission à l’homme
canard apparaît, provoquant la « grippe du poulet à                   Le virus de la grippe aviaire peut se transmettre de
Hong-Kong », avec des conséquences humaines impor-                l’animal à l’homme. C’est ce qui s’est produit depuis jan-
tantes, et le décès de 6 des 18 patients contaminés.              vier 2004 en Asie, mais également en Chine en 1997
Malgré un abattage systématique des volailles de la               (« grippe du poulet à Hong-Kong ») avec un virus A
région de Hong-Kong en 1997, de nouveaux génotypes                H5N1 et aux Pays-Bas au printemps 2003 avec un virus
ont continué à apparaître.                                        A H7N7. La contamination aérienne se fait essentielle-
                                                                  ment lors de contacts étroits, prolongés et répétés dans
    Le canard, « cheval de Troie » de l’épizootie aviaire         des espaces confinés avec des sécrétions respiratoires
    Comme tous les oiseaux aquatiques, le canard est un           ou des déjections d’animaux infectés, par voie directe
réservoir naturel des virus influenza, qui reste générale-        ou indirecte (surfaces et/ou mains souillées par les déjec-
ment inoffensif pour l’hôte. Toutefois, depuis fin 2002,          tions). De ce fait, ces cas restent exceptionnels et concer-
certains variants H5N1 sont devenus hautement patho-              nent principalement les personnes qui travaillent ou
gènes pour de nombreuses espèces aviaires aquatiques              interviennent dans une zone contaminée : éleveurs,
et terrestres et de mammifères, suggérant que l’équilibre         techniciens de coopératives, vétérinaires, équipes de net-
existant entre le virus et son hôte naturel avait été             toyage et de désinfection.
rompu. Afin de vérifier si cette évolution était définitive,          Comme nous l’avons vu plus haut, l’hémagglutinine
de jeunes canards ont été inoculés avec 23 souches H5N1           intervient dans l’infection : elle permet au virus de se
isolées en Asie entre 2003 et 2004. Tous les virus se sont        fixer et de fusionner avec la cellule à coloniser. De fait,
                                    répliqués, principale-        dans la forme aviaire du virus, elle contient deux acides
                                    ment dans la trachée et       aminés jouant un rôle clé, une glutamine en position 226
                                    non dans le cloaque,          et une glycine en position 228 : l’arrangement spatial de
                                    suggérant ainsi que la        ces deux acides aminés forme ainsi une petite poche qui
                                    voie orale / fèces n’était    se fixe sur la molécule d’acide sialique a2,3 de la mem-
                                    plus la voie principale       brane cellulaire de la cellule hôte (8). D’un autre coté, la
                                    de contamination. Plus        forme humaine contient une leucine en position 226 et
                                    surprenant, la pathogé-       une sérine en position 228, qui forme une poche plus
                                    nicité des nouveaux           large englobant préférentiellement la forme α2,6 de
                                    virus répliqués variait       l’acide sialique (9). Chez les oiseaux, l’acide sialique α2,3
                                    d’un état totalement non      est surtout présent dans l’intestin tandis que chez
                                    pathogénique à un état        l’homme, la forme α2,6 se trouve dans les voies respira-
                                    très létal, de façon corré-   toires supérieures (trachée), sur des cellules non-ciliées.
                                    lée avec le titre des virus   Toutefois, les cellules ciliées des bronchioles pulmonai-
                                    dans la trachée. Les 8        res expriment la forme α2,3 de l’acide sialique reconnue
                                    virus non-pathogéni-          par le virus aviaire. Ces cellules ciliées doivent très cer-
                                    ques chez le canard qui       tainement être la cible de l’attaque virale H5N1 aviaire
                                    ont été isolés se répli-      chez les personnes exposées en permanence aux volailles
  Crédit : Webster RG. Evolution of quent et se transmettent      (10, 11).
  H5N1 avian influenza and trans- efficacement s’ils sont
mission to people. - MRC Workshop, injectés dans un hôte             II.4. Transmission de l’homme à l’homme
     Londres 7-8 Décembre 2005      d’une autre espèce.              Concernant le virus aviaire H5N1, il n’existe pas de
                                    Cette         observation     preuve d’une transmission inter-humaine significative
importante suggère que le canard est le « cheval de               en Asie selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Seules
Troie » de l’épizootie H5N1 en Asie, permettant une
                                                                                       Actualités Scientifiques au Royaume-Uni
                                                                                            Ambassade de France au Royaume-Uni
   4
Grippe aviaire Un défi planétaire annoncé Comment réagit le Royaume-Uni ? - Janvier 2006
Janvier 2006                                                                                                     Spécial

quelques suspicions très limitées (le cas d’une mère au                  virus aviaire qui a muté pour pouvoir se transmettre à
chevet de sa fille mourante) ont été évoquées. Mais le ris-              l’homme (Figure 3).
que d’une pandémie humaine repose sur la survenue                            Alors qu’on ne s’y attendait pas, les séquences des
d’un virus influenza aviaire pathogène « humanisé »                      protéines polymérases PA, PB1 et PB2 du virus de 1918
(Figure 2). Une telle opération pourrait se faire en cas                 et des virus postérieurs humains diffèrent des séquences
d’infection du virus aviaire chez une personne déjà                      des virus aviaires par seulement 10 aminoacides !
contaminée par le virus de la grippe humaine : des                       Plusieurs de ces changements ont déjà été répertoriés
échanges de matériel génétique entre ces deux virus                      dans les virus très pathogéniques H5N1 qui ont provo-
pourraient aboutir à l’apparition d’un nouveau type de                   qué la mort des patients atteints par la grippe aviaire en
virus susceptible de se transmettre d’homme à homme,                     Asie ces derniers mois. Parmi ces mutations, citons par
avec un risque d’épidémie voire de pandémie. Ce fut le                   exemple celle qui touche à la thermo-sensibilité du
cas de la grippe asiatique de 1957 et de celle de Hong-                  virus : la substitution de l’isoleucine en leucine à la posi-
Kong en 1968. Le virus humain a incorporé dans les deux                  tion 512 de la PB2 (14). En effet, les virus aviaires ont
cas des fragments du matériel génétique aviaire : gènes                  besoin d’une température élevée pour se multiplier. Or
PB1, HA et NA pour la grippe de 1957 ; PB1 et HA pour                    chez l’homme, la température corporelle est relativement
celle de Hong-Kong.                                                      basse, surtout dans les voies aériennes supérieures. Cela
                                                                                                               explique que le virus
                                                                                                               ait des difficultés à se
                                                                                                               multiplier et donc à
                                                                                                               être          transmis
                                                                                                               d’homme à homme.
                                                                                                                    Au vu des ces
                                                                                                               données, il est clair
                                                                                                               que la crainte d’une
                                                                                                               mutation virale chez
                                                                                                               l’homme,        comme
                                                                                                               cela s’est produit
                                                                                                               avec le virus de la
                                                                                                               grippe espagnole en
                                                                                                                1918, soit autant jus-
                                                                                                                tifiée aujourd’hui. Il
Figure 2. - Source : www.doctissimo.fr/html/dossiers/grippe-aviaire/7424-grippe-aviaire-vrais-dangers-02.htm    suffirait par exemple
                                                                                                                que la glutamine en
                                                                                                               position 226 ou la
                                                                                                               glycine en position
                                                                                                               228 du virus aviaire
                                                                                                               soit remplacée par
                                                                                                               une leucine ou une
                                                                                                               sérine pour que le
                                                                                                               virus puisse se fixer
                                                                                                               dans les voies aérien-
                                                                                                               nes supérieures chez
                                                                                                               l’homme, ouvrant la
                                                                                                               voie à de larges
                                                                                                               contaminations
                                                                                                               homme-homme.
                                                                                                                    De fait, mainte-
Figure 3. Source : www.doctissimo.fr/html/dossiers/grippe-aviaire/7424-grippe-aviaire-vrais-dangers-02.htm      nant que le virus
                                                                                                                H5N1 se retrouve en
   Très récemment un groupe de chercheurs américains                     dehors des foyers originaux asiatiques, la possibilité
vient de reconstituer par génétique inverse le virus de la               d’une contamination mondiale semble inévitable, sous la
grippe espagnole de 1918 dont la séquence a pu être                      forme animale, et probablement humaine en cas de
connue à partir de prélèvements anatomo-pathologiques                    mutation. Il ne s’agit donc plus de savoir SI cela va se
de l’époque ! Les travaux de Taubenberger et Coll. (12) et               faire, mais QUAND cela arrivera.
de Tumpey et Coll. (13) confirment le fait que la grippe
espagnole a été le résultat d’une infection directe par le

Actualités Scientifiques au Royaume-Uni
Ambassade de France au Royaume-Uni
                                                                                                                                 5
Grippe aviaire Un défi planétaire annoncé Comment réagit le Royaume-Uni ? - Janvier 2006
Spécial                                                                                                 Janvier 2006

    II.5. Pathogénicité                                         trouvé dans les prélèvements permet d’obtenir ainsi la
    Entre décembre 2003 et septembre 2005, le Vietnam a         « signature » du virus.
connu les plus sévères attaques de grippe aviaire qui se
sont succédées en trois vagues successives, affectant 61       III. Traitements
provinces. Sur un nombre total de volailles estimées à
près de 300 millions, plus de 45 millions sont mortes ou           III.1. Traitements chez les oiseaux
ont été abattues, soit 15% des élevages. Trente-deux pro-          Comme nous l’avons vu plus haut, les oiseaux sauva-
vinces ont vu une transmission du virus aviaire à              ges et principalement les canards sont un réservoir natu-
l’homme, affectant 93 patients, 42 étant décédés (taux de      rel du virus influenza. Il y a transmission aux oiseaux
mortalité : 45,2%). Parallèlement, tout le Sud-Est asiati-     des basses-cours (poulets, canards, cailles, dindes, oies)
que a été également très touché avec, au 2 décembre            qui sont alors des vecteurs pour d’autres animaux
2005, 12 cas/7 décès pour l’Indonésie, 21 cas/13 décès         domestiques (porc, chat) et pour l’homme. Devant l’am-
pour la Thaïlande et 4 cas/4 décès pour le Cambodge,           pleur de l’épidémie de grippe aviaire, le moyen le plus
portant ainsi le bilan global à 133 cas et 68 morts pour       radical pris par les autorités a été l’abattage systématique
cette région (taux de mortalité : 51,12%).                     des volailles dans les zones affectées. Toutefois, cela n’a
                                                               pas suffit à éradiquer tout danger et trois vagues succes-
    II.6. Diagnostic de la grippe aviaire chez l’homme         sives d’épidémie ont touché l’Asie du Sud-Est en 2004, de
    Les données médicales vietnamiennes (15-17) mon-           janvier à mars, puis de juillet à octobre et enfin à la fin
trent que les temps d’incubation restent très courts, entre    2004 et en 2005. Il est donc impératif de réduire le niveau
1 et 15 jours (médiane : 3-5 jours). Les symptômes ini-        d’infection dans ces réservoirs viraux naturels et de cou-
tiaux sont la fièvre, des douleurs musculaires, des maux       per tout risque de transmission de l’animal à l’homme.
de tête, une toux, généralement sèche, parfois une rhinite     Cependant, la tâche est immense ! Si l’on regarde seule-
ou une diarrhée. Les difficultés respiratoires sont impor-     ment le marché mondial du poulet, il s’élève à plus de 40
tantes (douleurs, râles crépitants) et s’aggravent rapide-     milliards d’animaux utilisés par an : élevages industriels
ment, conduisant à une détresse respiratoire nécessitant       pour la consommation ou la ponte, élevages domesti-
une ventilation externe. Les images pulmonaires mon-           ques souvent très importants mais disséminés selon les
trent, dès le 4ème jour, une pneumonie interstitielle, avec    pays (basses-cours comportant quelques unités, à proxi-
infiltration étendue et des signes de consolidation. Au        mité des habitations : « backyard chickens »). Il faut donc
plan biologique, on note une leucopénie, une lymphopé-         définir des stratégies à court terme, pour enrayer l’épidé-
nie, et une thrombopénie ainsi qu’une élévation des            mie, à moyen et long termes, afin de contrôler ces réser-
transaminases et une hyperglycémie.                            voirs de virus.
    Il est donc crucial de diagnostiquer formellement une          La Chine a émis des règles très strictes pour juguler
infection par le virus aviaire et ne pas confondre les         l’extension de la grippe aviaire dans les élevages domes-
symptômes avec ceux de la grippe saisonnière. Dans les         tiques et industriels. Dans un rayon de 3 km autour du
cas humains analysés, la présence d’un foyer de grippe         foyer de grippe, les volailles sont toutes abattues. Au-
aviaire permettait de pressentir le diagnostic. Plusieurs      delà, une zone de 5 km est systématiquement vaccinée,
tests de laboratoire permettent de définir le type du virus    et tous les mouvements dans un rayon de 10 km autour
incriminé à partir de prélèvements chez les patients,          du foyer infectieux sont réglementés. Toutefois, il faut
principalement naso-pharyngés obtenus par aspiration           signaler qu’une vaccination à long terme, sans éradica-
(18) :                                                         tion du virus, peut conduire à l’émergence de souches
                                                               divergentes qui peuvent remettre en cause l’efficacité de
 • détection par anticorps des types viraux présents :         la vaccination (19, 20). En outre, la taille même du pays
 cette méthode rapide (15 à 30 minutes) donne de bon-          et la dispersion des élevages font que moins de 20 % des
 nes indications mais reste moyennement sensible ;             volailles ont pu être vaccinées aujourd’hui en Chine.

 • mise en culture des virus : c’est une technique sensi-         Les vaccins aviaires
 ble, mais assez longue (entre 2 et 10 jours), qui cepen-         Trois vaccins ont été développés en Chine pour
 dant permet à la fois l’identification du virus et l’obten-   enrayer la grippe aviaire :
 tion d’un matériel infectant qui servira à l’élaboration
 d’anticorps spécifiques, aux essais de molécules antivi-       • le premier est une souche virale faiblement pathogène
 rales et à la mise au point de vaccin ;                        issue du virus H5N2, A/Turkey/England/N-28/1973.
                                                                Toutes les volailles de la province de Guandong, au
 • analyse par reverse transcription polymerase chain reac-     sud-est de la Chine, destinées à l’exportation vers
 tion (RT-PCR) seule technique permettant de préciser           Hong-Kong et Macao ont été systématiquement vacci-
 rapidement (moins d’une journée) la nature réelle de           nées à partir de 2004 avec ce vaccin H5N2. Tous les éle-
 l’agent infectieux : l’amplification de l’ARN viral            vages ont été protégés durant les 9 vagues successives

                                                                                   Actualités Scientifiques au Royaume-Uni
                                                                                         Ambassade de France au Royaume-Uni
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Grippe aviaire Un défi planétaire annoncé Comment réagit le Royaume-Uni ? - Janvier 2006
Janvier 2006                                                                                            Spécial

 d’infection virale qui ont suivi. Ces volailles présentent         Il est à noter que devant l’évolution de la grippe
 un titre élevé d’anticorps anti-hémagglutine et les pré-       aviaire en Turquie, le gouvernement hollandais souhaite
 lèvements tests montrent que la diffusion du virus a été       effectuer une vaccination préventive des volailles dont le
 stoppée dans toute la zone vaccinée. Le vaccin est             nombre s’élève à 90 millions pour 16 millions d’habi-
 actuellement préparé par 9 compagnies pharmaceuti-             tants, faisant de la Hollande le deuxième producteur
 ques.                                                          après la France. Le gouvernement hollandais vient donc
                                                                d’en faire la demande à l’Union Européenne qui voit
 • Le deuxième vaccin est obtenu en utilisant une sou-          jusqu’ici la vaccination comme la dernière échéance et
 che H5N1 rendue faiblement pathogène par transcrip-            prend plutôt comme mesure préventive une interdiction
 tion génétique inverse, au cours de laquelle la virulence      des importations d’animaux vivants ou de viande des
 de l’hémagglutinine a été éliminée par suppression des         pays infectés.
 acides aminés basiques. La souche virale ainsi obtenue
 est faiblement pathogénique, capable de se multiplier             III.2. Traitements chez l’homme
 très rapidement et induisant un titre élevé et stable             Il existe aujourd’hui deux stratégies pour lutter
 d’anti-hémagglutinine : une dose inoculée à des pou-           contre le virus aviaire transmis l’homme : l’utilisation
 lets offre une protection de 43 semaines, contre seule-        d’antiviraux comme le Tamiflu® et la vaccination.
 ment 23 pour le vaccin H5N2. L’efficacité de ce vaccin a
 été démontrée sur les oiseaux aquatiques, réservoirs               III.2.1. Les antiviraux
 naturel du virus, oies et canards, qui peuvent ainsi être          Les antiviraux se groupent en deux grandes classes :
 totalement protégés (21).                                      les inhibiteurs de la protéine M2 responsable de la fusion
                                                                des capsides avec la membrane de la cellule hôte et du
 • Enfin, un troisième vaccin a été préparé en recombi-         bourgeonnement des virions, et les inhibiteurs de la neu-
 nant les gènes HA et NA du virus H5N1 avec ceux du             raminidase impliquée dans le détachement des nou-
 virus de la variole aviaire, un poxyvirus à ADN. Ce vac-       veaux virions.
 cin est très immunogénique chez les poulets : 41 à 45              L’amantadine (Symmetrel®) et la rimantadine
 semaines après la vaccination, les volailles sont totale-      (Flumadine®) sont administrées par voie orale. Ce sont
 ment protégées contre l’infection virale (22, 23). Les         des inhibiteurs des canaux à protons de la protéine M2,
 effets de ce vaccin recombinant semblent toutefois être        qui ont été utilisés avec un succès relatif lors des deux
 limités, dépendants de la souche virale (24).                  pandémies de grippe en 1968 (type H3N2) et 1977 (Type
                                                                H1N1). Toutefois ces molécules présentent un risque
    Il faut cependant savoir que ces vaccinations permet-       pour le système nerveux central (l’amantadine est utili-
tent une éradication du virus à condition que ce dernier        sée dans le traitement de la maladie de Parkinson) et sur-
porte des sites HA qui seront reconnus par les anticorps        tout l’apparition de virus mutants résistants à l’amanta-
que la vaccination a fait produire par l’organisme. Si le       dine (entre 2002 et 2005, la résistance des souches virales
virus a modifié la composition de ses chaînes d’hémag-          H3N2 venant de Chine et de Hong-Kong a augmenté de
glutinine HA ou de neuraminidase NA, la vaccination ne          61 %) (25) font que cette voie de traitement est peu pré-
sera que partiellement efficace et il conviendra de déter-      conisée dans le cas d’une pandémie. Les autorités sani-
miner alors les variants nouvellement apparus. Ainsi, les       taires américaines viennent, le 15 janvier 2006, de
trois grandes épizooties aviaires de 2005 en Chine se sont      demander aux médecins de ne plus prescrire ces deux
développées pour trois raisons différentes selon les            molécules, la résistance virale de H5N3 atteignant 98 %
régions touchées :                                              des souches testées (Le Monde, 20/01/2006).
                                                                    Le Zanamivir (Relanza®) et l’Oseltamivir (Tamiflu®)
 • à l’ouest du pays, la région est assez pauvre et se          sont deux inhibiteurs de la neuraminidase, bloquant
 caractérise surtout par les basses-cours familiales, com-      ainsi la prolifération des virus chez l’hôte. En effet, lors
 portant seulement quelques volailles, mais en forte den-       du bourgeonnement des virions, la neuraminidase est
 sité au sein des villages où la vaccination n’a pu être        essentielle pour couper les liens entre le virion et la mem-
 faite.                                                         brane de la cellule hôte en hydrolysant les résidus acides
                                                                sialiques des glycoprotéines et glycolipides de la mem-
 • au nord-est, dans la région de Pékin, la vaccination a       brane cellulaire. Le Tamiflu® est un analogue de l’acide
 été faite avec des vaccins peu appropriés, laissant            sialique, mimant le substrat naturel de la neuraminidase
 échapper des souches virales actives et pathogènes.            et se fixant sur son site de liaison, bloquant toute activité
                                                                ultérieure de l’enzyme (Figure 4). Le Relanza®) est
 • au sud, la région, est riche en étangs et lacs, favorisant   administré sous forme d’aérosol peu pratique à contrô-
 la présence d’une concentration importante d’oiseaux           ler, le Tamiflu® par voie orale, sous forme de comprimés.
 aquatiques dont la vaccination n’a pu être faite.              Le Tamiflu est actuellement la seule thérapie disponible
                                                                pour contrer la pandémie virale et des stocks importants

Actualités Scientifiques au Royaume-Uni
Ambassade de France au Royaume-Uni
                                                                                                                       7
Spécial                                                                                                    Janvier 2006

                                                                     III.2.2. Les vaccins
                                                                     Le vaccin classique contre la grippe, préconisé pour
                                                                 les personnes âgées et à risques de complications, ne pro-
                                                                 tège pas de la grippe aviaire. Les virus sont en effet sen-
                                                                 siblement différents. En revanche, une campagne mas-
                                                                 sive de vaccination devrait permettre de ralentir la pro-
                                                                 gression de la pandémie. Il s’agit d’une part, du point de
                                                                 vue individuel, de réduire le nombre de cas de grippe
                                                                 classique saisonnière afin de faciliter le diagnostic de la
                                                                 grippe aviaire, et surtout, du point de vue collectif, d’évi-
                                                                 ter au maximum la coexistence au sein d’un organisme
                                                                 humain, d’un virus de grippe aviaire, uniquement
                                                                 transmissible de l’animal à l’humain, et d’un virus de
                                                                 grippe classique, cette situation pouvant conduire à
                                                                 l’apparition d’un virus « réassorti » transmissible
                                                                 d’humain à humain et qui pourrait être à l’origine de la
                                                                 pandémie tant redoutée.
    Figure 4. Blocage par l'inhibiteur (e.g. Tamiflu®) du site       Le développement d’un vaccin spécifiquement dirigé
    récepteur de la neuraminidase reconnaissant l'acide siali-   contre les variants humains du virus du poulet H5N1 est
       que. - Crédit : Dr. Timothy Paustian, U. Wisconin-        aujourd’hui de première priorité. La stratégie est la
    Madison. Microbilogy and bacteriology : « Tamifulu and       même que celle décrite plus haut pour la vaccination du
               other flu related news », 7/11/2005.              poulet : on utilisera soit des souches inactivées ou atté-
             http://www.bact.wisc.edu/Microtextbook              nuées, soit des reconstructions génétiques. La difficulté
                                                                 réside dans le fait que l’on ne sait pas encore quelle sera
sont mis en place par les différents organismes de santé         la souche pathogène pour l’homme qui apparaîtra lors
nationaux de par le monde (voir plus loin). Aucune               de la pandémie.
étude des effets du zanamivir n’a été faite chez l’homme             Les premiers tests d’un vaccin H5N1 aux Etats-Unis
atteint par le virus H5N1.                                       en août 2005 ont montré que le virus seul, en absence
    Des études récentes chez la souris montrent que,             d’adjuvant, ne stimule pas une forte immunité chez
comparé aux souches H5N1 de 1997, la souche isolée en            l’homme. Pour parer à l’infection virale et avoir un titre
2004 requiert des doses d’oseltamivir plus forte et des          en anticorps acceptable, il convient de faire deux injec-
temps de traitement plus longs pour induire des effets           tions avec une dose de 90 microgrammes d’antigène
antiviraux similaires et des taux de survie identiques           (protéine de surface du virus), six fois plus élevée que les
(26). Une résistance élevée au Tamiflu® apparaît lorsque         vaccins classiques contre la grippe saisonnière. Par
des mutations touchent les acides aminés de la neurami-          contre, comme le montrent les résultats d’un premier
nidase en position 292 (Arg292Lys), 119 (Glu119Val) ou           essai clinique effectué en France sur 300 volontaires par
294 (Asn294Ser) (27). De tels variants ont été détectés          le groupe Sanofi Pasteur (division vaccins du groupe
chez des enfants japonais infectés avec le virus                 Sanofi-Aventis), l’adjonction d’adjuvant alun (sels d’alu-
H1N1(16 %, 7 cas sur 43) (28) et H3N2 (18 %, 9 cas sur 50)       minium) a induit une bonne réponse immunitaire. Deux
(27). Il n’est donc pas surprenant qu’une telle résistance       doses de 30 microgrammes de vaccin avec adjuvant ont
ait été détectée récemment sur une fillette vietnamienne         entraîné une réponse immunitaire dont les taux corres-
de 13 ans et sa mère, infectées par la souche H5N1 (25 %,        pondent aux exigences des agences de réglementation
2 cas sur 8), et décédées très rapidement après leur             pour l’autorisation d’un vaccin grippal saisonnier (30,
admission à l’hôpital (29). Alors que chez les adultes la        31). Le vaccin Sanofi utilise un virus tronqué, plutôt
résistance des virus H1N1 ou H3N2 à l’oseltamivir est            qu’un virus entier inactivé. Une compagnie pharmaceu-
rare, la fréquence que l’on a observée chez les enfants          tique chinoise, China Sinovac, teste actuellement sur 100
pourrait s’expliquer par le fait que le contact avec le virus    volontaires âgés de 18 à 60 ans un vaccin H5N1 en utili-
est une primo-infection associée à des taux de réplication       sant le virus entier inactivé et un adjuvant alun. Les pre-
des virions élevés dus à une absence d’immunité.                 miers résultats montrent une meilleure antigénicité du
Comprenant le mode d’action de ces inhibiteurs de la             virus entier (32). Ce vaccin est le résultat de 18 mois d’ef-
neuraminidase, il est clair que le traitement doit être ini-     fort entre Sinovac et le Chinese Center for Disease Control
tié au plus tôt après la contamination virale, afin de blo-      and Prevention. Tandis que ce vaccin est dirigé contre le
quer la multiplication des virions et l’apparition de            virus H5N1, il sera la base d’un nouveau vaccin adapté à
mutants résistants à l’antiviral.                                des variants de cette souche native, car il serait possible

                                                                                      Actualités Scientifiques au Royaume-Uni
                                                                                           Ambassade de France au Royaume-Uni
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Janvier 2006                                                                                          Spécial

de substituer, comme antigène, le virus muté.                  1999, tient compte de la persistance du virus H5N1 et de
    Il n’en reste pas moins que si une pandémie grippale       sa dissémination en dehors de l’Asie. Il était nécessaire
apparaît, la première vague de contamination virale ne         de redéfinir les phases d’une pandémie pour faire face
pourra être contrecarrée par un vaccin spécifiquement          aux risques que présente pour la santé publique une
adapté à la                                                    infection grippale chez l’animal, relier l’évolution des
souche virale                                                  phases plus directement à celles de la réponse de santé
en circula-                                                    publique et se concentrer sur des événements précoces
tion et seule                                                  se produisant pendant une période « d’alerte à la pan-
une préven-                                                    démie » au cours de laquelle des mesures rapides,
tion efficace,                                                 coordonnées aux niveaux mondial et national, peuvent
notamment                                                      peut-être aider à endiguer ou à retarder la propagation
par l’obser-                                                   d’une nouvelle souche de grippe humaine.
vation       de                                                    Même si elle ne permet pas de contenir la propaga-
règles d’hy-                                                   tion, cette approche doit permettre de gagner du temps
giène, et des                                                  pour mettre au point des vaccins contre la nouvelle sou-
traitements                                                    che et appliquer d’autres mesures de préparation à la
par           le                                               pandémie planifiées à l’avance. Le succès dépendra de
Ta m i f l u ®                                                 plusieurs facteurs, notamment de la surveillance qui doit
permettront                                                    permettre de tirer précocement la sonnette d’alarme à
de réduire le                                                  l’échelle mondiale en cas d’infections humaines par de
nombre de                                                      nouveaux sous-types de virus grippal. Ces nouvelles
décès        au                                                phases sont présentées dans la Table 1.
cours        de               Crédit : OMS / P. Virot              Les buts prioritaires de santé publique lors de ces
cette      pre-                                                phases se définissent ainsi :
mière vague en attendant que les vaccins soient disponi-
bles, soit près de 4 à 6 mois de délai. Tous les efforts        • Phase 1 : renforcer la préparation à une pandémie de
actuellement développés consistent à mettre en place les        grippe à l’échelle mondiale, régionale, nationale et
autorisations nécessaires auprès de l’Agence                    locale.
Européenne du Médicament (EMEA) afin de réduire le
délai nécessaire pour l’autorisation d’un vaccin pandé-         • Phase 2 : réduire au minimum les risques de trans-
mique en Europe, une fois la souche identifiée et la pan-       mission à l’homme ; détecter et rapporter rapidement
démie déclarée. Les études suivantes, qui sont en cours         une telle transmission si elle se produit.
de planification, seront réalisées avec le candidat vaccin
produit à l’échelle industrielle, telle qu’elle sera mise en    • Phase 3 : veiller à ce que le nouveau sous-type viral
place en cas de pandémie déclarée.                              soit rapidement caractérisé et à ce que les nouveaux cas
    Sanofi Pasteur est le seul producteur de vaccins à par-     soient rapidement dépistés et notifiés et des mesures
ticiper au projet FLUPAN, financé par l’Union                   prises.
Européenne, et mené en collaboration avec le National
Institute for Biological Standards & Control (NIBSC) et         • Phase 4 : contenir le nouveau virus à l’intérieur de
l’université de Reading en Grande-Bretagne, l’Institut          foyers limités ou retarder sa propagation pour gagner
Supérieur de la Santé italien, l’Agence de Protection de la     du temps afin de mettre en œuvre les mesures de pré-
Santé britannique (HPA) et l’Université de Bergen               paration, notamment la mise au point d’un vaccin. À ce
(Norvège). FLUPAN a pour objectif d’améliorer le niveau         sujet, signalons que Roche vient d’offrir à l’OMS, lors de
de préparation de l’Union Européenne à la lutte contre la       la conférence sur la grippe aviaire et la pandémie
pandémie. Sanofi Pasteur doit produire un vaccin contre         humaine qui s’est déroulée les 17 et 18 janvier à Pékin,
une autre souche grippale à potentiel pandémique                deux millions de doses de Tamiflu® à destination des
(H7N1), vaccin qui sera utilisé pour un essai clinique          pays les plus pauvres qui seraient touchés par la pandé-
dans le cadre de FLUPAN (31).                                   mie (34).

IV. Plans d’intervention en santé publique                      • Phase 5 : s’efforcer au maximum d’endiguer ou retar-
                                                                der la propagation, afin de peut-être éviter une pandé-
   IV.1. Plan mondial de l’OMS de préparation à une             mie et de gagner du temps pour mettre en œuvre des
pandémie de grippe et plans nationaux                           mesures de lutte contre la pandémie.
L’Organisation Mondiale de la Santé a publié en mars
2005 un plan d’action, mis à jour en novembre 2005 (33).        • Phase 6 : réduire au minimum les effets de la pandé-
Ce nouveau plan, qui remplace le plan initial préparé en        mie.

Actualités Scientifiques au Royaume-Uni
Ambassade de France au Royaume-Uni
                                                                                                                    9
Spécial                                                                                                                Janvier 2006

                                                                                                        l’Université américaine du
                                                                                                        Colorado à Boulder, dirigée par
                                                                                                        Kathy Rowlen, vient d’annon-
                                                                                                        cer qu’ils disposent à présent
                                                                                                        d’une puce à ADN, la fluchip,
                                                                                                        qui peut identifier en 11 heures
                                                                                                        une souche de grippe, contre
                                                                                                        quatre à cinq jours pour les
                                                                                                        méthodes actuelles, qui nécessi-
                                                                                                        tent une phase de culture en
                                                                                                        laboratoire (Figure 5) (35). Elle
                                                                                                        a été testée et serait efficace à
                                                                                                        90 %. D’autres tests doivent la
                                                                                                        comparer aux méthodes stan-
                                                                                                        dards d’analyse virale dans les
                                                                                                         semaines à venir. La société
         Table 1 : Les six phases de pandémie définies par l’Organisation Mondiale de la Santé           californienne        CombiMatrix
                                                                                                         annonce, quant à elle, disposer
    IV.2. Plan national britannique                                        d’une puce à ADN détectant un type de virus de grippe
    Selon les critères de l’OMS définis ci-dessus, nous                    en quatre heures (36).
sommes entrés en phase 3 d’alerte. Au plan national, le                        Au plan national et régional, il est évident que ces
Royaume-Uni se prépare depuis plusieurs mois, selon                        tests de diagnostics doivent pouvoir être utilisés par du
les mesures préconisées par l’OMS. Le Ministère de la                      personnel des laboratoires des hôpitaux, sans nécessiter
santé et le National Health Service (Service de la santé bri-              une expertise technique de haut niveau. Ils doivent être
tannique,NHS) ont la responsabilité de la coordination                     disponibles, rapides et robustes, et ne pas coûter cher !
des plans d’intervention.                                                  Des procédures opératoires claires, précises et commu-
                                                                           nes à tous les établissements doivent être affichées. Ces
    IV.2.1. Diagnostics                                                    tests seront sous la responsabilité du National Institute for
    La première urgence est de clairement diagnostiquer                    Medical Research du MRC , en banlieue de Londres, et du
le type de grippe (grippe saisonnière contre grippe                        National Laboratory H5 network de l’OMS qui se situe dans
aviaire) et de déterminer la souche modifiée en circula-                   les mêmes locaux. Aujourd’hui cependant, moins de 10
tion chez l’homme. Il est important de définir la nature                   % des hôpitaux britanniques peuvent mettre en place ce
du virus dans les premières heures de sa multiplication                    programme
chez le patient, et seules les cultures de virus et la détec-              d ’a n a l y s e
tion des antigènes ou la RT-PCR sont capables de donner                    moléculaire.
une réponse rapide. Les puces à ADN pourraient être
une réponse efficace et rapide. Ces puces sont très utili-
sées en génétique pour accélérer la recherche de certains
gènes ou repérer des agents pathogènes. Une puce à
ADN est une petite plaque sur laquelle des points
microscopiques, alignés en rang, portent le complément
des matériels génétiques que l’on veut identifier. Si ces
derniers sont présents, ils se lient aux compléments de la
puce qui deviennent fluorescents. Les points fluorescents
forment un motif qui caractérise l’échantillon testé.                                        Figure 5. Les Pr. Kuchta et Rowlen montrent une
L’épidémie de syndrome respiratoire aigu grave SARS                                                        puce à ADN Fluchip
(Severe acute respiratory syndrome) avait motivé les recher-                                     Crédit : Université de Boulder, Colorado.
ches sur des puces à ADN car elles permettent d’identi-
fier un agent pathogène. Plusieurs laboratoires travail-                       IV.2.2. Compréhension et comportement du public
lent donc sur la mise au point de telles puces. Depuis                         Au plan du public, il y a beaucoup d’ignorance et de
quelques mois, l’éventualité d’une arrivée massive de                      confusion entre la grippe aviaire, dont le virus sauvage
grippe attise l’intérêt scientifique (et économique !) pour                est pratiquement non-transmissible à l’homme, les muta-
la détection des souches de virus grippaux. Dans le cas                    tions de ce virus, la différence entre grippe saisonnière,
des virus grippaux, la puce porte les marqueurs généti-                    grippe aviaire animale et grippe aviaire humaine.
ques des différentes souches virales. Le motif qui appa-                   D’ailleurs dans le langage courant, ne dit-on pas : « J’ai
raît sur la puce permet ensuite de savoir quelle est la sou-               la grippe », alors qu’il s’agit d’un simple rhume ?
che virale en présence (H5N1, H3N2, etc.). L’équipe de
                                                                                                Actualités Scientifiques au Royaume-Uni
                                                                                                      Ambassade de France au Royaume-Uni
    10
Janvier 2006                                                                                            Spécial

    Un effort d’information du public sans précédent a          sein du pays s’appuient, bien entendu, sur une restriction
été fait ces derniers mois par le Ministère de la santé et le   des déplacements et de rassemblements de population.
NHS, avec des brochures de vulgarisation, des articles de       Le confinement chez soi lorsque l’on est atteint est sans
synthèse destinés à une large audience, reprenant sous          doute une bonne mesure de quarantaine, mais il faut
forme de questions les points essentiels. Les médias ont        rappeler qu’entre 25 à 35 % de la population britannique
d’ailleurs parfaitement joué leur rôle et les articles de       sont des personnes vivant seules (37), ce qui risque de
fond de vulgarisation faisant le point de la question           poser des problèmes d’accompagnement de ces malades.
paraissent de façon très régulière.                                 La fermeture des écoles reste débattue : il s’agit d’en-
    En cas de survenue de la grippe aviaire chez                rayer la propagation de l’épidémie chez les enfants, cette
l’homme, le public aura spontanément tendance à                 mesure ne modifiant pratiquement pas la propagation
réduire ses déplacements et sa participation à des ras-         chez les adultes. D’un autre côté, la garde des enfants à
semblements de groupe et à rendre visite à son médecin          la maison ajoutera à l’absentéisme des personnels indis-
généraliste, même s’il n’a aucun symptôme, risquant             pensables au maintien de la vie publique du pays, déjà
ainsi de saturer rapidement les services de santé ! On          bien touchée par le taux des personnes infectées. Le port
s’attend en effet à ce que près de 10 millions de               de masques individuels est également en débat : il s’agit
Britanniques soient atteints par la première vague du           d’une mesure coûteuse sur le plan économique, sans
virus. La surveillance de ces réactions du public en            doute très visible pour le public, mais dont l’efficacité, au
temps réel permettra de réagir en ciblant les conseils et       niveau du grand public, n’a pas été vraiment démontrée.
les règles de conduite à imposer.                               Il est évident que cette mesure doit être employée par les
                                                                personnels de santé au contact de malades hospitalisés,
    IV.2.3. Disponibilité des antiviraux                        mais elle peut, au niveau du public être éventuellement
    Le 1er mars 2005, le ministre de la santé britannique       contrebalancée par des règles d’hygiène personnelles
annonçait que son ministère allait constituer un stock de       simples comme le lavage systématique des mains, l’utili-
14,6 millions de plaquettes de Tamiflu®, ce qui permet-         sation de mouchoirs avant d’éternuer, etc, règles qui
trait de traiter environ un quart de la population britan-      paraissent évidentes, mais qui sont loin d’être appli-
nique, proportion recommandée par l’OMS. En cas de              quées ! De nombreux appels sont faits régulièrement
crise, ces plaquettes seront mises à disposition des hôpi-      pour éduquer la population à ces gestes simples (voir par
taux du NHS et des centres locaux. Toute personne rési-         exemple www.nhsdirect.nhs.uk/).
dante au Royaume-Uni peut s’adresser à un hôpital du                Enfin, il est indispensable de former les personnels de
NHS, même si elle n’est pas inscrite chez un médecin            santé qui seront en charge de traiter cette pandémie. Les
généraliste (General Practitioner, GP). Plusieurs points        hôpitaux du NHS ne sont pas habitués à recevoir un
restent encore à définir : quelle est la solution optimale      nombre important de malades hautement contagieux et
pour mettre à disposition cet antiviral, hôpital ou             présentant un pronostic grave dans les services des
antenne de quartier ? Faut-il une posologie standard,           maladies infectieuses ou d’urgence . Il y a un besoin
afin de traiter le plus grand nombre, ou faire un traite-       urgent de planification pour faire face à ces afflux de
ment adapté pour chaque patient ? Y aura-t-il des diffé-        patients, mais il convient aussi de protéger ces person-
rences entre la population rurale et urbaine dans la réac-      nels de santé de façon prioritaire et de leur assurer des
tivité au virus et la réponse à l’antiviral ? La mise en        règles de bonne conduite élémentaires. C’est un travail
place de modèles ne permet pas d’anticiper ce qui se pas-       important qui est actuellement entrepris. Une crainte est
sera réellement, même s’ils sont des outils utiles : dès        d’avoir un taux de personnel atteint lors de la première
l’obtention d’informations réelles de terrain, ces modèles      vague de la pandémie, période critique où les vaccins ne
devront être ajustés.                                           seront pas encore disponibles. A un degré moindre, la
                                                                formation de la population aux gestes simples envers un
   IV.2.4. Modifications des comportements                      malade de la famille doit être entreprise. De fait, les
   Dès l’émergence de la pandémie, il est indispensable         documents édités par le ministère de la santé et du NHS
de retarder son apparition dans les pays non atteints et        ne sont pas avares en recommandations utiles.
d’enrayer sa propagation. Outre les risques humains, une
pandémie reste catastrophique sur le plan de l’économie         V. Conclusions
des pays : bouleversements des services publics, des usi-               Comme nous l’indiquions plus haut, la question
nes et établissements tertiaires, etc. Lors de l’épidémie de    aujourd’hui n’est plus de savoir SI la pandémie va se
SARS, l’économie des pays asiatiques a perdu de l’ordre         développer, mais OU et QUAND elle surviendra.
de 25 milliards de dollars.                                     Devant l’importance de l’extension de la grippe aviaire
   En phase 5, définie par l’OMS, tous les vols et autres       asiatique, la virulence du virus H5N1 et la ressemblance
moyens de transport au départ des pays contaminés               avec ce qui s’est passé en 1918 avec le virus de la grippe
devraient être annulés, bloquant les résidents étrangers        « espagnole », les autorités sanitaires ont réagi rapide-
sur place, sans tentative de rapatriement. Les mesures au       ment et efficacement devant une menace qui reste encore

Actualités Scientifiques au Royaume-Uni
Ambassade de France au Royaume-Uni
                                                                                                                       11
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