Grippe aviaire Un défi planétaire annoncé Comment réagit le Royaume-Uni ? - Janvier 2006
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Ambassade de France au Royaume-Uni Service Science et Technologie Janvier 2006 Grippe aviaire Un défi planétaire annoncé Comment réagit le Royaume-Uni ? Crédit : RG Webster
Spécial Janvier 2006 Grippe aviaire : un défi planétaire annoncé. Comment réagit le Royaume-Uni ? La progression de la grippe aviaire aux portes de l’Europe suscite une vive émotion, bien qu’il n’y ait toujours pas de preuve que le virus aviaire soit devenu directement transmissible à l’Homme. L’Organisation Mondiale de la Santé a mis à jour en novembre 2005 son plan d’action pour faire face aux risques potentiels d’une pandé- mie grippale humaine. La phase d’alerte dans laquelle nous sommes entrés implique la mise en place de mesures rapides, coordonnées aux niveaux mondial et national, pouvant aider à endiguer ou à retarder la propagation d’une nouvelle souche de grippe humaine. Ce dossier Spécial fait le point sur la grippe aviaire, son développe- ment, son transfert à l’homme, les traitements anti-viraux disponibles et les perspec- tives de développement de nouveaux traitements, et présente les réponses que le Royaume-Uni envisage d’apporter, selon les mesures préconisées par l’OMS, sous la responsabilité du ministère de la Santé et du National Health Service. I. Introduction tions d’oiseaux vivants en provenance de la Turquie sont En cette mi-janvier 2006, l’épidémie de grippe aviaire interdites au Royaume-Uni depuis octobre 2005 et elles s’étend en Turquie : un nouveau cas a été confirmé le 13 vont l’être désormais pour les pays avoisinants. janvier, au centre de la Turquie, portant à 21 le nombre Pour le Pr. C. Blakemore, « la préparation et la vigilance de personnes touchées par le virus. Quatre enfants sont sont préférables à la panique ». Ainsi, le Ministère de la morts dans l’Est du pays (1). Plusieurs cas douteux sont santé britannique (Department of Health, DH) en charge en attente de confirmation de diagnostic. Cette progres- des plans d’alertes sanitaires au Royaume-Uni a publié le sion de la grippe aviaire aux portes de l’Europe fait, bien 19 octobre dernier un plan d’action dans le cas d’une épi- entendu, la Une des journaux britanniques et suscite une démie humaine de grippe dérivée de la grippe aviaire. Il très vive émotion : si le Times fait son ouverture sur s’est entouré d’un conseil scientifique de surveillance, « l’état d’alerte en Europe », le Daily Mail lance une ques- dans lequel le MRC, en lien étroit avec l’agence britanni- tion plus prosaïque : « est-ce que la Turquie est un endroit que de protection sanitaire et les organisations de recher- pour nos vacances ? », un souci que reflète également le che comme le BBSRC (Biotechnology and Biological Sciences titre de la Une du Daily Telegraph : « Ne vous rendez pas Research Council) et le Wellcome Trust (fondation privée dans les points chauds de la Turquie » (2). Les journaux font pour les sciences de la vie, la plus importante au en effet état de la mise en garde lancée par le Professeur Royaume-Uni), jouent un rôle clé. Colin Blakemore, directeur général du Medical Research Afin de prévoir une stratégie d’action à court et Council (MRC, équivalent au Royaume-Uni de l’Inserm ) moyen terme, le MRC a organisé à Londres les 7 et 8 et selon lequel « il serait mal avisé de se rendre dans la par- décembre dernier un atelier de réflexion réunissant, sur tie orientale de la Turquie ou dans toute autre région affectée invitation, une centaine d’experts britanniques, améri- par la grippe ». Selon C. Blakemore, il y a de forts risques cains, allemands, vietnamiens et chinois ainsi que le que la grippe atteigne le Royaume-Uni à un moment ou représentant de l’Inserm à Londres. Ce colloque faisait à un autre. Le Daily Telegraph précise également que le suite à la mission que le MRC a dépêchée au Vietnam et professeur a émis la possibilité que le virus existe déjà au en Chine du 24 au 30 octobre 2005 et répondait à deux Royaume-Uni dans la mesure où les canards peuvent en objectifs : être porteurs sans montrer de symptômes. Toutefois, au cours des quatre derniers mois, quelque 25 000 oiseaux • faire le point sur ce qui est actuellement connu sur la sauvages ont été testés pour la grippe aviaire et les résul- grippe aviaire, sa transmission à l’homme et la muta- tats ont été négatifs. Seul des perroquets importés ont été tion éventuelle du virus pour qu’il puisse se transmet- trouvés infectés et immédiatement sacrifés. Il n’y a tou- tre d’homme à homme, générant ainsi la pandémie ; jours pas de preuve que le virus aviaire soit devenu directement transmissible aux humains. Les importa- Actualités Scientifiques au Royaume-Uni Ambassade de France au Royaume-Uni 2
Janvier 2006 Spécial • répertorier les questions qui restent posées et qui doi- nouvelles capsides du noyau vers la membrane (M1) et vent être résolues de façon prioritaire. de leur fusion avec la membrane de la cellule hôte et du bourgeonnement des nouveaux virus (M2) (Figure 1). Les deux conclusions essentielles à l’adresse des pou- Trois espèces de virus influenza existent : A , B et C ; voirs publics sont la perspective de l’inefficacité probable alors que les formes B et C ne sont répertoriées que chez à long terme du Tamiflu® et donc la nécessité d’investir l’homme, et de façon très rare pour la forme C, la forme dans la recherche, et, en cas de pandémie humaine décla- A est la plus dangereuse. D’origine aviaire, ce virus rée, la mise en quarantaine absolue de la zone touchée. influenza A s’est diversifié selon les types des antigènes Nous développerons dans une première partie de ce HA et NA. « Spécial » l’état de la question sur la grippe aviaire, son Lors de la pandémie grippale majeure de 1918 (virus développement et son transfert à l’homme. Nous verrons H1N1 responsable de la grippe « espagnole » à l’origine dans une deuxième partie quels sont les traitements anti- de 20 à 50 millions de morts), il semble que le virus ait été viraux disponibles et les perspectives de développement transmis directement des espèces aviaires à l’homme. En de nouveaux traitements. Enfin, nous aborderons les effet, il s’agit d’un virus dont la séquence semble d’ori- mesures politiques, sociales et de santé publique qu’il gine uniquement aviaire, sans trace de réarrangement convient de prendre dans la phase d’alerte pandémique avec une autre souche virale. Il semble également qu’il dans laquelle nous sommes et celles qu’il faudra appli- soit particulièrement virulent, comme le souligne un tra- quer si la pandémie se déclare. vail récent démontrant une forte létalité après inocula- tion chez l’embryon de poulet (4). Dans les pandémies de II. Les vecteurs de la grippe 1957 (H2N2, grippe asiatique responsable II.1. Les virus influenza NA d’un million de morts) Le virus de la grippe est extrême- et de 1968 (H3N2, ment virulent : chaque année, les épidé- grippe de Hong-Kong mies saisonnières de grippe touchent responsable de cinq une grande partie de la population HA cent mille morts), le mondiale, certaines personnes fragiles M1 virus transmis à comme les personnes âgées pouvant l’homme a été le résul- développer des complications fatales. tat d’un réassortiment Toutefois, les sujets produisent des anti- génétique entre des corps dirigés contre le virus et cette segments génomiques défense immunitaire restera efficace de virus aviaires et contre cette souche virale particulière. humains chez le porc, Malheureusement, ces virus de la lequel a conduit à un grippe ont une grande facilité de muta- virus associé à une tion, et la vaccination prophylactique moindre mortalité doit être refaite chaque année, avec un chez l’homme. La vaccin adapté aux souches les plus pro- réapparition du sous- bables d’infection grippale. Il arrive par- type H1N1 responsa- fois que la mutation virale induise de ble de la pandémie tels changements dans l’enveloppe du Figure 1. Schéma d'un virus influenza A humaine de 1977 reste virus que les anticorps que nous possé- HA : Hémagglutinine ; NA : Neuraminidase ; M1 : protéine de inexpliquée. dons sont sans effet, rendant dès lors la transfert des capsides ; M2 protéine de bourgeonnement des nou- propagation et les effets de l’infection veaux virions. II.2. Les virus beaucoup plus sévères. RG Webster, MRC Worskhop, Londres 7-8 décembre 2005 aviaires Les virus grippaux sont des virus à Chez les oiseaux, ARN de la famille des Orthomyxovirus dont le génome les infections par des sous-types H5 et H7 sont particu- est composé de huit segments. Ils portent à leur surface lièrement pathogènes, avec des mortalités de l’ordre de deux antigènes majeurs, l’hémagglutinine (HA) et la 90 à 100 %. Cette infection peut toucher presque toutes neuraminidase (NA) dont il existe respectivement 16 et 9 les espèces d’oiseaux, sauvages ou domestiques. Le virus types (3). L’hémagglutinine intervient dans l’infection : se transmet entre animaux essentiellement par contami- elle permet au virus de se fixer et de fusionner avec la nation aérienne (sécrétions respiratoires), soit par contact cellule à coloniser. La neuraminidase participe à la diffu- direct, notamment avec les sécrétions respiratoires et les sion du virus : elle aide les virus nouvellement fabriqués matières fécales des animaux malades, soit de façon indi- par la cellule hôte à se détacher d’elle. Les protéines M1 recte par l’exposition à des matières contaminées (via la et M2 sont impliquées dans le processus du transport des nourriture, l’eau, du matériel et des vêtements contami- Actualités Scientifiques au Royaume-Uni Ambassade de France au Royaume-Uni 3
Spécial Janvier 2006 nés). Les oiseaux sauvages sont plus souvent des por- propagation silencieuse et efficace du virus parmi les teurs de souches de virus tout en n’en présentant aucun canards domestiques et sauvages d’Asie (5). des symptômes. Le contact de ces oiseaux migrateurs Dès lors, le rôle des oiseaux migrateurs pourrait être avec des volailles domestiques a été à l’origine de diffé- mis en cause dans la propagation de l’épizootie de grippe rentes épidémies aviaires. Le virus influenza aviaire peut aviaire vers l’Europe où des foyers de grippe sont appa- éventuellement infecter d’autres espèces animales rus en Russie en août 2005, en Turquie le 1er octobre comme le porc ou d’autres mammifères. On parle d’épi- 2005, en Roumanie le 4 octobre, en Grèce le 17 octobre et zootie de grippe aviaire lorsque la maladie affecte bruta- en Suède le 24 octobre (6, 7). Il est cependant important lement un grand nombre d’animaux à la fois dans une de distinguer la contamination par cette voie migratoire région donnée. de celle par des importations d’animaux contaminés, L’épizootie de la grippe aviaire H5N1 en Asie a comme cela semble avoir été le cas avec les perroquets au débuté par l’apparition en 1996 du virus H5N1 Royaume-Uni. Goose/Guandong/1/96. Dès 1997, une recombinaison des virus H5N1, de l’oie, H9N2 de la caille et H6N1 du II.3. Transmission à l’homme canard apparaît, provoquant la « grippe du poulet à Le virus de la grippe aviaire peut se transmettre de Hong-Kong », avec des conséquences humaines impor- l’animal à l’homme. C’est ce qui s’est produit depuis jan- tantes, et le décès de 6 des 18 patients contaminés. vier 2004 en Asie, mais également en Chine en 1997 Malgré un abattage systématique des volailles de la (« grippe du poulet à Hong-Kong ») avec un virus A région de Hong-Kong en 1997, de nouveaux génotypes H5N1 et aux Pays-Bas au printemps 2003 avec un virus ont continué à apparaître. A H7N7. La contamination aérienne se fait essentielle- ment lors de contacts étroits, prolongés et répétés dans Le canard, « cheval de Troie » de l’épizootie aviaire des espaces confinés avec des sécrétions respiratoires Comme tous les oiseaux aquatiques, le canard est un ou des déjections d’animaux infectés, par voie directe réservoir naturel des virus influenza, qui reste générale- ou indirecte (surfaces et/ou mains souillées par les déjec- ment inoffensif pour l’hôte. Toutefois, depuis fin 2002, tions). De ce fait, ces cas restent exceptionnels et concer- certains variants H5N1 sont devenus hautement patho- nent principalement les personnes qui travaillent ou gènes pour de nombreuses espèces aviaires aquatiques interviennent dans une zone contaminée : éleveurs, et terrestres et de mammifères, suggérant que l’équilibre techniciens de coopératives, vétérinaires, équipes de net- existant entre le virus et son hôte naturel avait été toyage et de désinfection. rompu. Afin de vérifier si cette évolution était définitive, Comme nous l’avons vu plus haut, l’hémagglutinine de jeunes canards ont été inoculés avec 23 souches H5N1 intervient dans l’infection : elle permet au virus de se isolées en Asie entre 2003 et 2004. Tous les virus se sont fixer et de fusionner avec la cellule à coloniser. De fait, répliqués, principale- dans la forme aviaire du virus, elle contient deux acides ment dans la trachée et aminés jouant un rôle clé, une glutamine en position 226 non dans le cloaque, et une glycine en position 228 : l’arrangement spatial de suggérant ainsi que la ces deux acides aminés forme ainsi une petite poche qui voie orale / fèces n’était se fixe sur la molécule d’acide sialique a2,3 de la mem- plus la voie principale brane cellulaire de la cellule hôte (8). D’un autre coté, la de contamination. Plus forme humaine contient une leucine en position 226 et surprenant, la pathogé- une sérine en position 228, qui forme une poche plus nicité des nouveaux large englobant préférentiellement la forme α2,6 de virus répliqués variait l’acide sialique (9). Chez les oiseaux, l’acide sialique α2,3 d’un état totalement non est surtout présent dans l’intestin tandis que chez pathogénique à un état l’homme, la forme α2,6 se trouve dans les voies respira- très létal, de façon corré- toires supérieures (trachée), sur des cellules non-ciliées. lée avec le titre des virus Toutefois, les cellules ciliées des bronchioles pulmonai- dans la trachée. Les 8 res expriment la forme α2,3 de l’acide sialique reconnue virus non-pathogéni- par le virus aviaire. Ces cellules ciliées doivent très cer- ques chez le canard qui tainement être la cible de l’attaque virale H5N1 aviaire ont été isolés se répli- chez les personnes exposées en permanence aux volailles Crédit : Webster RG. Evolution of quent et se transmettent (10, 11). H5N1 avian influenza and trans- efficacement s’ils sont mission to people. - MRC Workshop, injectés dans un hôte II.4. Transmission de l’homme à l’homme Londres 7-8 Décembre 2005 d’une autre espèce. Concernant le virus aviaire H5N1, il n’existe pas de Cette observation preuve d’une transmission inter-humaine significative importante suggère que le canard est le « cheval de en Asie selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Seules Troie » de l’épizootie H5N1 en Asie, permettant une Actualités Scientifiques au Royaume-Uni Ambassade de France au Royaume-Uni 4
Janvier 2006 Spécial quelques suspicions très limitées (le cas d’une mère au virus aviaire qui a muté pour pouvoir se transmettre à chevet de sa fille mourante) ont été évoquées. Mais le ris- l’homme (Figure 3). que d’une pandémie humaine repose sur la survenue Alors qu’on ne s’y attendait pas, les séquences des d’un virus influenza aviaire pathogène « humanisé » protéines polymérases PA, PB1 et PB2 du virus de 1918 (Figure 2). Une telle opération pourrait se faire en cas et des virus postérieurs humains diffèrent des séquences d’infection du virus aviaire chez une personne déjà des virus aviaires par seulement 10 aminoacides ! contaminée par le virus de la grippe humaine : des Plusieurs de ces changements ont déjà été répertoriés échanges de matériel génétique entre ces deux virus dans les virus très pathogéniques H5N1 qui ont provo- pourraient aboutir à l’apparition d’un nouveau type de qué la mort des patients atteints par la grippe aviaire en virus susceptible de se transmettre d’homme à homme, Asie ces derniers mois. Parmi ces mutations, citons par avec un risque d’épidémie voire de pandémie. Ce fut le exemple celle qui touche à la thermo-sensibilité du cas de la grippe asiatique de 1957 et de celle de Hong- virus : la substitution de l’isoleucine en leucine à la posi- Kong en 1968. Le virus humain a incorporé dans les deux tion 512 de la PB2 (14). En effet, les virus aviaires ont cas des fragments du matériel génétique aviaire : gènes besoin d’une température élevée pour se multiplier. Or PB1, HA et NA pour la grippe de 1957 ; PB1 et HA pour chez l’homme, la température corporelle est relativement celle de Hong-Kong. basse, surtout dans les voies aériennes supérieures. Cela explique que le virus ait des difficultés à se multiplier et donc à être transmis d’homme à homme. Au vu des ces données, il est clair que la crainte d’une mutation virale chez l’homme, comme cela s’est produit avec le virus de la grippe espagnole en 1918, soit autant jus- tifiée aujourd’hui. Il Figure 2. - Source : www.doctissimo.fr/html/dossiers/grippe-aviaire/7424-grippe-aviaire-vrais-dangers-02.htm suffirait par exemple que la glutamine en position 226 ou la glycine en position 228 du virus aviaire soit remplacée par une leucine ou une sérine pour que le virus puisse se fixer dans les voies aérien- nes supérieures chez l’homme, ouvrant la voie à de larges contaminations homme-homme. De fait, mainte- Figure 3. Source : www.doctissimo.fr/html/dossiers/grippe-aviaire/7424-grippe-aviaire-vrais-dangers-02.htm nant que le virus H5N1 se retrouve en Très récemment un groupe de chercheurs américains dehors des foyers originaux asiatiques, la possibilité vient de reconstituer par génétique inverse le virus de la d’une contamination mondiale semble inévitable, sous la grippe espagnole de 1918 dont la séquence a pu être forme animale, et probablement humaine en cas de connue à partir de prélèvements anatomo-pathologiques mutation. Il ne s’agit donc plus de savoir SI cela va se de l’époque ! Les travaux de Taubenberger et Coll. (12) et faire, mais QUAND cela arrivera. de Tumpey et Coll. (13) confirment le fait que la grippe espagnole a été le résultat d’une infection directe par le Actualités Scientifiques au Royaume-Uni Ambassade de France au Royaume-Uni 5
Spécial Janvier 2006 II.5. Pathogénicité trouvé dans les prélèvements permet d’obtenir ainsi la Entre décembre 2003 et septembre 2005, le Vietnam a « signature » du virus. connu les plus sévères attaques de grippe aviaire qui se sont succédées en trois vagues successives, affectant 61 III. Traitements provinces. Sur un nombre total de volailles estimées à près de 300 millions, plus de 45 millions sont mortes ou III.1. Traitements chez les oiseaux ont été abattues, soit 15% des élevages. Trente-deux pro- Comme nous l’avons vu plus haut, les oiseaux sauva- vinces ont vu une transmission du virus aviaire à ges et principalement les canards sont un réservoir natu- l’homme, affectant 93 patients, 42 étant décédés (taux de rel du virus influenza. Il y a transmission aux oiseaux mortalité : 45,2%). Parallèlement, tout le Sud-Est asiati- des basses-cours (poulets, canards, cailles, dindes, oies) que a été également très touché avec, au 2 décembre qui sont alors des vecteurs pour d’autres animaux 2005, 12 cas/7 décès pour l’Indonésie, 21 cas/13 décès domestiques (porc, chat) et pour l’homme. Devant l’am- pour la Thaïlande et 4 cas/4 décès pour le Cambodge, pleur de l’épidémie de grippe aviaire, le moyen le plus portant ainsi le bilan global à 133 cas et 68 morts pour radical pris par les autorités a été l’abattage systématique cette région (taux de mortalité : 51,12%). des volailles dans les zones affectées. Toutefois, cela n’a pas suffit à éradiquer tout danger et trois vagues succes- II.6. Diagnostic de la grippe aviaire chez l’homme sives d’épidémie ont touché l’Asie du Sud-Est en 2004, de Les données médicales vietnamiennes (15-17) mon- janvier à mars, puis de juillet à octobre et enfin à la fin trent que les temps d’incubation restent très courts, entre 2004 et en 2005. Il est donc impératif de réduire le niveau 1 et 15 jours (médiane : 3-5 jours). Les symptômes ini- d’infection dans ces réservoirs viraux naturels et de cou- tiaux sont la fièvre, des douleurs musculaires, des maux per tout risque de transmission de l’animal à l’homme. de tête, une toux, généralement sèche, parfois une rhinite Cependant, la tâche est immense ! Si l’on regarde seule- ou une diarrhée. Les difficultés respiratoires sont impor- ment le marché mondial du poulet, il s’élève à plus de 40 tantes (douleurs, râles crépitants) et s’aggravent rapide- milliards d’animaux utilisés par an : élevages industriels ment, conduisant à une détresse respiratoire nécessitant pour la consommation ou la ponte, élevages domesti- une ventilation externe. Les images pulmonaires mon- ques souvent très importants mais disséminés selon les trent, dès le 4ème jour, une pneumonie interstitielle, avec pays (basses-cours comportant quelques unités, à proxi- infiltration étendue et des signes de consolidation. Au mité des habitations : « backyard chickens »). Il faut donc plan biologique, on note une leucopénie, une lymphopé- définir des stratégies à court terme, pour enrayer l’épidé- nie, et une thrombopénie ainsi qu’une élévation des mie, à moyen et long termes, afin de contrôler ces réser- transaminases et une hyperglycémie. voirs de virus. Il est donc crucial de diagnostiquer formellement une La Chine a émis des règles très strictes pour juguler infection par le virus aviaire et ne pas confondre les l’extension de la grippe aviaire dans les élevages domes- symptômes avec ceux de la grippe saisonnière. Dans les tiques et industriels. Dans un rayon de 3 km autour du cas humains analysés, la présence d’un foyer de grippe foyer de grippe, les volailles sont toutes abattues. Au- aviaire permettait de pressentir le diagnostic. Plusieurs delà, une zone de 5 km est systématiquement vaccinée, tests de laboratoire permettent de définir le type du virus et tous les mouvements dans un rayon de 10 km autour incriminé à partir de prélèvements chez les patients, du foyer infectieux sont réglementés. Toutefois, il faut principalement naso-pharyngés obtenus par aspiration signaler qu’une vaccination à long terme, sans éradica- (18) : tion du virus, peut conduire à l’émergence de souches divergentes qui peuvent remettre en cause l’efficacité de • détection par anticorps des types viraux présents : la vaccination (19, 20). En outre, la taille même du pays cette méthode rapide (15 à 30 minutes) donne de bon- et la dispersion des élevages font que moins de 20 % des nes indications mais reste moyennement sensible ; volailles ont pu être vaccinées aujourd’hui en Chine. • mise en culture des virus : c’est une technique sensi- Les vaccins aviaires ble, mais assez longue (entre 2 et 10 jours), qui cepen- Trois vaccins ont été développés en Chine pour dant permet à la fois l’identification du virus et l’obten- enrayer la grippe aviaire : tion d’un matériel infectant qui servira à l’élaboration d’anticorps spécifiques, aux essais de molécules antivi- • le premier est une souche virale faiblement pathogène rales et à la mise au point de vaccin ; issue du virus H5N2, A/Turkey/England/N-28/1973. Toutes les volailles de la province de Guandong, au • analyse par reverse transcription polymerase chain reac- sud-est de la Chine, destinées à l’exportation vers tion (RT-PCR) seule technique permettant de préciser Hong-Kong et Macao ont été systématiquement vacci- rapidement (moins d’une journée) la nature réelle de nées à partir de 2004 avec ce vaccin H5N2. Tous les éle- l’agent infectieux : l’amplification de l’ARN viral vages ont été protégés durant les 9 vagues successives Actualités Scientifiques au Royaume-Uni Ambassade de France au Royaume-Uni 6
Janvier 2006 Spécial d’infection virale qui ont suivi. Ces volailles présentent Il est à noter que devant l’évolution de la grippe un titre élevé d’anticorps anti-hémagglutine et les pré- aviaire en Turquie, le gouvernement hollandais souhaite lèvements tests montrent que la diffusion du virus a été effectuer une vaccination préventive des volailles dont le stoppée dans toute la zone vaccinée. Le vaccin est nombre s’élève à 90 millions pour 16 millions d’habi- actuellement préparé par 9 compagnies pharmaceuti- tants, faisant de la Hollande le deuxième producteur ques. après la France. Le gouvernement hollandais vient donc d’en faire la demande à l’Union Européenne qui voit • Le deuxième vaccin est obtenu en utilisant une sou- jusqu’ici la vaccination comme la dernière échéance et che H5N1 rendue faiblement pathogène par transcrip- prend plutôt comme mesure préventive une interdiction tion génétique inverse, au cours de laquelle la virulence des importations d’animaux vivants ou de viande des de l’hémagglutinine a été éliminée par suppression des pays infectés. acides aminés basiques. La souche virale ainsi obtenue est faiblement pathogénique, capable de se multiplier III.2. Traitements chez l’homme très rapidement et induisant un titre élevé et stable Il existe aujourd’hui deux stratégies pour lutter d’anti-hémagglutinine : une dose inoculée à des pou- contre le virus aviaire transmis l’homme : l’utilisation lets offre une protection de 43 semaines, contre seule- d’antiviraux comme le Tamiflu® et la vaccination. ment 23 pour le vaccin H5N2. L’efficacité de ce vaccin a été démontrée sur les oiseaux aquatiques, réservoirs III.2.1. Les antiviraux naturel du virus, oies et canards, qui peuvent ainsi être Les antiviraux se groupent en deux grandes classes : totalement protégés (21). les inhibiteurs de la protéine M2 responsable de la fusion des capsides avec la membrane de la cellule hôte et du • Enfin, un troisième vaccin a été préparé en recombi- bourgeonnement des virions, et les inhibiteurs de la neu- nant les gènes HA et NA du virus H5N1 avec ceux du raminidase impliquée dans le détachement des nou- virus de la variole aviaire, un poxyvirus à ADN. Ce vac- veaux virions. cin est très immunogénique chez les poulets : 41 à 45 L’amantadine (Symmetrel®) et la rimantadine semaines après la vaccination, les volailles sont totale- (Flumadine®) sont administrées par voie orale. Ce sont ment protégées contre l’infection virale (22, 23). Les des inhibiteurs des canaux à protons de la protéine M2, effets de ce vaccin recombinant semblent toutefois être qui ont été utilisés avec un succès relatif lors des deux limités, dépendants de la souche virale (24). pandémies de grippe en 1968 (type H3N2) et 1977 (Type H1N1). Toutefois ces molécules présentent un risque Il faut cependant savoir que ces vaccinations permet- pour le système nerveux central (l’amantadine est utili- tent une éradication du virus à condition que ce dernier sée dans le traitement de la maladie de Parkinson) et sur- porte des sites HA qui seront reconnus par les anticorps tout l’apparition de virus mutants résistants à l’amanta- que la vaccination a fait produire par l’organisme. Si le dine (entre 2002 et 2005, la résistance des souches virales virus a modifié la composition de ses chaînes d’hémag- H3N2 venant de Chine et de Hong-Kong a augmenté de glutinine HA ou de neuraminidase NA, la vaccination ne 61 %) (25) font que cette voie de traitement est peu pré- sera que partiellement efficace et il conviendra de déter- conisée dans le cas d’une pandémie. Les autorités sani- miner alors les variants nouvellement apparus. Ainsi, les taires américaines viennent, le 15 janvier 2006, de trois grandes épizooties aviaires de 2005 en Chine se sont demander aux médecins de ne plus prescrire ces deux développées pour trois raisons différentes selon les molécules, la résistance virale de H5N3 atteignant 98 % régions touchées : des souches testées (Le Monde, 20/01/2006). Le Zanamivir (Relanza®) et l’Oseltamivir (Tamiflu®) • à l’ouest du pays, la région est assez pauvre et se sont deux inhibiteurs de la neuraminidase, bloquant caractérise surtout par les basses-cours familiales, com- ainsi la prolifération des virus chez l’hôte. En effet, lors portant seulement quelques volailles, mais en forte den- du bourgeonnement des virions, la neuraminidase est sité au sein des villages où la vaccination n’a pu être essentielle pour couper les liens entre le virion et la mem- faite. brane de la cellule hôte en hydrolysant les résidus acides sialiques des glycoprotéines et glycolipides de la mem- • au nord-est, dans la région de Pékin, la vaccination a brane cellulaire. Le Tamiflu® est un analogue de l’acide été faite avec des vaccins peu appropriés, laissant sialique, mimant le substrat naturel de la neuraminidase échapper des souches virales actives et pathogènes. et se fixant sur son site de liaison, bloquant toute activité ultérieure de l’enzyme (Figure 4). Le Relanza®) est • au sud, la région, est riche en étangs et lacs, favorisant administré sous forme d’aérosol peu pratique à contrô- la présence d’une concentration importante d’oiseaux ler, le Tamiflu® par voie orale, sous forme de comprimés. aquatiques dont la vaccination n’a pu être faite. Le Tamiflu est actuellement la seule thérapie disponible pour contrer la pandémie virale et des stocks importants Actualités Scientifiques au Royaume-Uni Ambassade de France au Royaume-Uni 7
Spécial Janvier 2006 III.2.2. Les vaccins Le vaccin classique contre la grippe, préconisé pour les personnes âgées et à risques de complications, ne pro- tège pas de la grippe aviaire. Les virus sont en effet sen- siblement différents. En revanche, une campagne mas- sive de vaccination devrait permettre de ralentir la pro- gression de la pandémie. Il s’agit d’une part, du point de vue individuel, de réduire le nombre de cas de grippe classique saisonnière afin de faciliter le diagnostic de la grippe aviaire, et surtout, du point de vue collectif, d’évi- ter au maximum la coexistence au sein d’un organisme humain, d’un virus de grippe aviaire, uniquement transmissible de l’animal à l’humain, et d’un virus de grippe classique, cette situation pouvant conduire à l’apparition d’un virus « réassorti » transmissible d’humain à humain et qui pourrait être à l’origine de la pandémie tant redoutée. Figure 4. Blocage par l'inhibiteur (e.g. Tamiflu®) du site Le développement d’un vaccin spécifiquement dirigé récepteur de la neuraminidase reconnaissant l'acide siali- contre les variants humains du virus du poulet H5N1 est que. - Crédit : Dr. Timothy Paustian, U. Wisconin- aujourd’hui de première priorité. La stratégie est la Madison. Microbilogy and bacteriology : « Tamifulu and même que celle décrite plus haut pour la vaccination du other flu related news », 7/11/2005. poulet : on utilisera soit des souches inactivées ou atté- http://www.bact.wisc.edu/Microtextbook nuées, soit des reconstructions génétiques. La difficulté réside dans le fait que l’on ne sait pas encore quelle sera sont mis en place par les différents organismes de santé la souche pathogène pour l’homme qui apparaîtra lors nationaux de par le monde (voir plus loin). Aucune de la pandémie. étude des effets du zanamivir n’a été faite chez l’homme Les premiers tests d’un vaccin H5N1 aux Etats-Unis atteint par le virus H5N1. en août 2005 ont montré que le virus seul, en absence Des études récentes chez la souris montrent que, d’adjuvant, ne stimule pas une forte immunité chez comparé aux souches H5N1 de 1997, la souche isolée en l’homme. Pour parer à l’infection virale et avoir un titre 2004 requiert des doses d’oseltamivir plus forte et des en anticorps acceptable, il convient de faire deux injec- temps de traitement plus longs pour induire des effets tions avec une dose de 90 microgrammes d’antigène antiviraux similaires et des taux de survie identiques (protéine de surface du virus), six fois plus élevée que les (26). Une résistance élevée au Tamiflu® apparaît lorsque vaccins classiques contre la grippe saisonnière. Par des mutations touchent les acides aminés de la neurami- contre, comme le montrent les résultats d’un premier nidase en position 292 (Arg292Lys), 119 (Glu119Val) ou essai clinique effectué en France sur 300 volontaires par 294 (Asn294Ser) (27). De tels variants ont été détectés le groupe Sanofi Pasteur (division vaccins du groupe chez des enfants japonais infectés avec le virus Sanofi-Aventis), l’adjonction d’adjuvant alun (sels d’alu- H1N1(16 %, 7 cas sur 43) (28) et H3N2 (18 %, 9 cas sur 50) minium) a induit une bonne réponse immunitaire. Deux (27). Il n’est donc pas surprenant qu’une telle résistance doses de 30 microgrammes de vaccin avec adjuvant ont ait été détectée récemment sur une fillette vietnamienne entraîné une réponse immunitaire dont les taux corres- de 13 ans et sa mère, infectées par la souche H5N1 (25 %, pondent aux exigences des agences de réglementation 2 cas sur 8), et décédées très rapidement après leur pour l’autorisation d’un vaccin grippal saisonnier (30, admission à l’hôpital (29). Alors que chez les adultes la 31). Le vaccin Sanofi utilise un virus tronqué, plutôt résistance des virus H1N1 ou H3N2 à l’oseltamivir est qu’un virus entier inactivé. Une compagnie pharmaceu- rare, la fréquence que l’on a observée chez les enfants tique chinoise, China Sinovac, teste actuellement sur 100 pourrait s’expliquer par le fait que le contact avec le virus volontaires âgés de 18 à 60 ans un vaccin H5N1 en utili- est une primo-infection associée à des taux de réplication sant le virus entier inactivé et un adjuvant alun. Les pre- des virions élevés dus à une absence d’immunité. miers résultats montrent une meilleure antigénicité du Comprenant le mode d’action de ces inhibiteurs de la virus entier (32). Ce vaccin est le résultat de 18 mois d’ef- neuraminidase, il est clair que le traitement doit être ini- fort entre Sinovac et le Chinese Center for Disease Control tié au plus tôt après la contamination virale, afin de blo- and Prevention. Tandis que ce vaccin est dirigé contre le quer la multiplication des virions et l’apparition de virus H5N1, il sera la base d’un nouveau vaccin adapté à mutants résistants à l’antiviral. des variants de cette souche native, car il serait possible Actualités Scientifiques au Royaume-Uni Ambassade de France au Royaume-Uni 8
Janvier 2006 Spécial de substituer, comme antigène, le virus muté. 1999, tient compte de la persistance du virus H5N1 et de Il n’en reste pas moins que si une pandémie grippale sa dissémination en dehors de l’Asie. Il était nécessaire apparaît, la première vague de contamination virale ne de redéfinir les phases d’une pandémie pour faire face pourra être contrecarrée par un vaccin spécifiquement aux risques que présente pour la santé publique une adapté à la infection grippale chez l’animal, relier l’évolution des souche virale phases plus directement à celles de la réponse de santé en circula- publique et se concentrer sur des événements précoces tion et seule se produisant pendant une période « d’alerte à la pan- une préven- démie » au cours de laquelle des mesures rapides, tion efficace, coordonnées aux niveaux mondial et national, peuvent notamment peut-être aider à endiguer ou à retarder la propagation par l’obser- d’une nouvelle souche de grippe humaine. vation de Même si elle ne permet pas de contenir la propaga- règles d’hy- tion, cette approche doit permettre de gagner du temps giène, et des pour mettre au point des vaccins contre la nouvelle sou- traitements che et appliquer d’autres mesures de préparation à la par le pandémie planifiées à l’avance. Le succès dépendra de Ta m i f l u ® plusieurs facteurs, notamment de la surveillance qui doit permettront permettre de tirer précocement la sonnette d’alarme à de réduire le l’échelle mondiale en cas d’infections humaines par de nombre de nouveaux sous-types de virus grippal. Ces nouvelles décès au phases sont présentées dans la Table 1. cours de Crédit : OMS / P. Virot Les buts prioritaires de santé publique lors de ces cette pre- phases se définissent ainsi : mière vague en attendant que les vaccins soient disponi- bles, soit près de 4 à 6 mois de délai. Tous les efforts • Phase 1 : renforcer la préparation à une pandémie de actuellement développés consistent à mettre en place les grippe à l’échelle mondiale, régionale, nationale et autorisations nécessaires auprès de l’Agence locale. Européenne du Médicament (EMEA) afin de réduire le délai nécessaire pour l’autorisation d’un vaccin pandé- • Phase 2 : réduire au minimum les risques de trans- mique en Europe, une fois la souche identifiée et la pan- mission à l’homme ; détecter et rapporter rapidement démie déclarée. Les études suivantes, qui sont en cours une telle transmission si elle se produit. de planification, seront réalisées avec le candidat vaccin produit à l’échelle industrielle, telle qu’elle sera mise en • Phase 3 : veiller à ce que le nouveau sous-type viral place en cas de pandémie déclarée. soit rapidement caractérisé et à ce que les nouveaux cas Sanofi Pasteur est le seul producteur de vaccins à par- soient rapidement dépistés et notifiés et des mesures ticiper au projet FLUPAN, financé par l’Union prises. Européenne, et mené en collaboration avec le National Institute for Biological Standards & Control (NIBSC) et • Phase 4 : contenir le nouveau virus à l’intérieur de l’université de Reading en Grande-Bretagne, l’Institut foyers limités ou retarder sa propagation pour gagner Supérieur de la Santé italien, l’Agence de Protection de la du temps afin de mettre en œuvre les mesures de pré- Santé britannique (HPA) et l’Université de Bergen paration, notamment la mise au point d’un vaccin. À ce (Norvège). FLUPAN a pour objectif d’améliorer le niveau sujet, signalons que Roche vient d’offrir à l’OMS, lors de de préparation de l’Union Européenne à la lutte contre la la conférence sur la grippe aviaire et la pandémie pandémie. Sanofi Pasteur doit produire un vaccin contre humaine qui s’est déroulée les 17 et 18 janvier à Pékin, une autre souche grippale à potentiel pandémique deux millions de doses de Tamiflu® à destination des (H7N1), vaccin qui sera utilisé pour un essai clinique pays les plus pauvres qui seraient touchés par la pandé- dans le cadre de FLUPAN (31). mie (34). IV. Plans d’intervention en santé publique • Phase 5 : s’efforcer au maximum d’endiguer ou retar- der la propagation, afin de peut-être éviter une pandé- IV.1. Plan mondial de l’OMS de préparation à une mie et de gagner du temps pour mettre en œuvre des pandémie de grippe et plans nationaux mesures de lutte contre la pandémie. L’Organisation Mondiale de la Santé a publié en mars 2005 un plan d’action, mis à jour en novembre 2005 (33). • Phase 6 : réduire au minimum les effets de la pandé- Ce nouveau plan, qui remplace le plan initial préparé en mie. Actualités Scientifiques au Royaume-Uni Ambassade de France au Royaume-Uni 9
Spécial Janvier 2006 l’Université américaine du Colorado à Boulder, dirigée par Kathy Rowlen, vient d’annon- cer qu’ils disposent à présent d’une puce à ADN, la fluchip, qui peut identifier en 11 heures une souche de grippe, contre quatre à cinq jours pour les méthodes actuelles, qui nécessi- tent une phase de culture en laboratoire (Figure 5) (35). Elle a été testée et serait efficace à 90 %. D’autres tests doivent la comparer aux méthodes stan- dards d’analyse virale dans les semaines à venir. La société Table 1 : Les six phases de pandémie définies par l’Organisation Mondiale de la Santé californienne CombiMatrix annonce, quant à elle, disposer IV.2. Plan national britannique d’une puce à ADN détectant un type de virus de grippe Selon les critères de l’OMS définis ci-dessus, nous en quatre heures (36). sommes entrés en phase 3 d’alerte. Au plan national, le Au plan national et régional, il est évident que ces Royaume-Uni se prépare depuis plusieurs mois, selon tests de diagnostics doivent pouvoir être utilisés par du les mesures préconisées par l’OMS. Le Ministère de la personnel des laboratoires des hôpitaux, sans nécessiter santé et le National Health Service (Service de la santé bri- une expertise technique de haut niveau. Ils doivent être tannique,NHS) ont la responsabilité de la coordination disponibles, rapides et robustes, et ne pas coûter cher ! des plans d’intervention. Des procédures opératoires claires, précises et commu- nes à tous les établissements doivent être affichées. Ces IV.2.1. Diagnostics tests seront sous la responsabilité du National Institute for La première urgence est de clairement diagnostiquer Medical Research du MRC , en banlieue de Londres, et du le type de grippe (grippe saisonnière contre grippe National Laboratory H5 network de l’OMS qui se situe dans aviaire) et de déterminer la souche modifiée en circula- les mêmes locaux. Aujourd’hui cependant, moins de 10 tion chez l’homme. Il est important de définir la nature % des hôpitaux britanniques peuvent mettre en place ce du virus dans les premières heures de sa multiplication programme chez le patient, et seules les cultures de virus et la détec- d ’a n a l y s e tion des antigènes ou la RT-PCR sont capables de donner moléculaire. une réponse rapide. Les puces à ADN pourraient être une réponse efficace et rapide. Ces puces sont très utili- sées en génétique pour accélérer la recherche de certains gènes ou repérer des agents pathogènes. Une puce à ADN est une petite plaque sur laquelle des points microscopiques, alignés en rang, portent le complément des matériels génétiques que l’on veut identifier. Si ces derniers sont présents, ils se lient aux compléments de la puce qui deviennent fluorescents. Les points fluorescents forment un motif qui caractérise l’échantillon testé. Figure 5. Les Pr. Kuchta et Rowlen montrent une L’épidémie de syndrome respiratoire aigu grave SARS puce à ADN Fluchip (Severe acute respiratory syndrome) avait motivé les recher- Crédit : Université de Boulder, Colorado. ches sur des puces à ADN car elles permettent d’identi- fier un agent pathogène. Plusieurs laboratoires travail- IV.2.2. Compréhension et comportement du public lent donc sur la mise au point de telles puces. Depuis Au plan du public, il y a beaucoup d’ignorance et de quelques mois, l’éventualité d’une arrivée massive de confusion entre la grippe aviaire, dont le virus sauvage grippe attise l’intérêt scientifique (et économique !) pour est pratiquement non-transmissible à l’homme, les muta- la détection des souches de virus grippaux. Dans le cas tions de ce virus, la différence entre grippe saisonnière, des virus grippaux, la puce porte les marqueurs généti- grippe aviaire animale et grippe aviaire humaine. ques des différentes souches virales. Le motif qui appa- D’ailleurs dans le langage courant, ne dit-on pas : « J’ai raît sur la puce permet ensuite de savoir quelle est la sou- la grippe », alors qu’il s’agit d’un simple rhume ? che virale en présence (H5N1, H3N2, etc.). L’équipe de Actualités Scientifiques au Royaume-Uni Ambassade de France au Royaume-Uni 10
Janvier 2006 Spécial Un effort d’information du public sans précédent a sein du pays s’appuient, bien entendu, sur une restriction été fait ces derniers mois par le Ministère de la santé et le des déplacements et de rassemblements de population. NHS, avec des brochures de vulgarisation, des articles de Le confinement chez soi lorsque l’on est atteint est sans synthèse destinés à une large audience, reprenant sous doute une bonne mesure de quarantaine, mais il faut forme de questions les points essentiels. Les médias ont rappeler qu’entre 25 à 35 % de la population britannique d’ailleurs parfaitement joué leur rôle et les articles de sont des personnes vivant seules (37), ce qui risque de fond de vulgarisation faisant le point de la question poser des problèmes d’accompagnement de ces malades. paraissent de façon très régulière. La fermeture des écoles reste débattue : il s’agit d’en- En cas de survenue de la grippe aviaire chez rayer la propagation de l’épidémie chez les enfants, cette l’homme, le public aura spontanément tendance à mesure ne modifiant pratiquement pas la propagation réduire ses déplacements et sa participation à des ras- chez les adultes. D’un autre côté, la garde des enfants à semblements de groupe et à rendre visite à son médecin la maison ajoutera à l’absentéisme des personnels indis- généraliste, même s’il n’a aucun symptôme, risquant pensables au maintien de la vie publique du pays, déjà ainsi de saturer rapidement les services de santé ! On bien touchée par le taux des personnes infectées. Le port s’attend en effet à ce que près de 10 millions de de masques individuels est également en débat : il s’agit Britanniques soient atteints par la première vague du d’une mesure coûteuse sur le plan économique, sans virus. La surveillance de ces réactions du public en doute très visible pour le public, mais dont l’efficacité, au temps réel permettra de réagir en ciblant les conseils et niveau du grand public, n’a pas été vraiment démontrée. les règles de conduite à imposer. Il est évident que cette mesure doit être employée par les personnels de santé au contact de malades hospitalisés, IV.2.3. Disponibilité des antiviraux mais elle peut, au niveau du public être éventuellement Le 1er mars 2005, le ministre de la santé britannique contrebalancée par des règles d’hygiène personnelles annonçait que son ministère allait constituer un stock de simples comme le lavage systématique des mains, l’utili- 14,6 millions de plaquettes de Tamiflu®, ce qui permet- sation de mouchoirs avant d’éternuer, etc, règles qui trait de traiter environ un quart de la population britan- paraissent évidentes, mais qui sont loin d’être appli- nique, proportion recommandée par l’OMS. En cas de quées ! De nombreux appels sont faits régulièrement crise, ces plaquettes seront mises à disposition des hôpi- pour éduquer la population à ces gestes simples (voir par taux du NHS et des centres locaux. Toute personne rési- exemple www.nhsdirect.nhs.uk/). dante au Royaume-Uni peut s’adresser à un hôpital du Enfin, il est indispensable de former les personnels de NHS, même si elle n’est pas inscrite chez un médecin santé qui seront en charge de traiter cette pandémie. Les généraliste (General Practitioner, GP). Plusieurs points hôpitaux du NHS ne sont pas habitués à recevoir un restent encore à définir : quelle est la solution optimale nombre important de malades hautement contagieux et pour mettre à disposition cet antiviral, hôpital ou présentant un pronostic grave dans les services des antenne de quartier ? Faut-il une posologie standard, maladies infectieuses ou d’urgence . Il y a un besoin afin de traiter le plus grand nombre, ou faire un traite- urgent de planification pour faire face à ces afflux de ment adapté pour chaque patient ? Y aura-t-il des diffé- patients, mais il convient aussi de protéger ces person- rences entre la population rurale et urbaine dans la réac- nels de santé de façon prioritaire et de leur assurer des tivité au virus et la réponse à l’antiviral ? La mise en règles de bonne conduite élémentaires. C’est un travail place de modèles ne permet pas d’anticiper ce qui se pas- important qui est actuellement entrepris. Une crainte est sera réellement, même s’ils sont des outils utiles : dès d’avoir un taux de personnel atteint lors de la première l’obtention d’informations réelles de terrain, ces modèles vague de la pandémie, période critique où les vaccins ne devront être ajustés. seront pas encore disponibles. A un degré moindre, la formation de la population aux gestes simples envers un IV.2.4. Modifications des comportements malade de la famille doit être entreprise. De fait, les Dès l’émergence de la pandémie, il est indispensable documents édités par le ministère de la santé et du NHS de retarder son apparition dans les pays non atteints et ne sont pas avares en recommandations utiles. d’enrayer sa propagation. Outre les risques humains, une pandémie reste catastrophique sur le plan de l’économie V. Conclusions des pays : bouleversements des services publics, des usi- Comme nous l’indiquions plus haut, la question nes et établissements tertiaires, etc. Lors de l’épidémie de aujourd’hui n’est plus de savoir SI la pandémie va se SARS, l’économie des pays asiatiques a perdu de l’ordre développer, mais OU et QUAND elle surviendra. de 25 milliards de dollars. Devant l’importance de l’extension de la grippe aviaire En phase 5, définie par l’OMS, tous les vols et autres asiatique, la virulence du virus H5N1 et la ressemblance moyens de transport au départ des pays contaminés avec ce qui s’est passé en 1918 avec le virus de la grippe devraient être annulés, bloquant les résidents étrangers « espagnole », les autorités sanitaires ont réagi rapide- sur place, sans tentative de rapatriement. Les mesures au ment et efficacement devant une menace qui reste encore Actualités Scientifiques au Royaume-Uni Ambassade de France au Royaume-Uni 11
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