JOUONS LA CARTE DE LA FRATERNITÉ - ÉDUQUER À L'ÉGALITÉ DANS LA DIVERSITÉ DOSSIER PÉDAGOGIQUE 2014 WWW.LALIGUE.ORG
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JouONS La CARTE De La FRaTERNiTÉ Éduquer à l’égalité dans la diversité Dossier pédagogique 2014 www.laligue.org en partenariat avec
sommAire ÉditOrial Éditorial ................................... 2 Dans la période de crise sociétale que nous traversons, favo- Mode d’emploi ....................... 3 risant le repli sur soi, nous sommes témoins depuis des mois La fraternité .............................. 6 de manifestations violentes de rejet de l’autre dans sa diffé- Éléments d’analyse des photographies ........................ 7 rence (quelle qu’elle soit). On a vu resurgir dans les médias Éléments de biographie l’éternelle figure du bouc émissaire, prenant tantôt le visage de des photographes ................ 11 l’homosexuel tantôt celui de l’étranger ou encore du noir ou du Éduquer à l’égalité rom… Dans ce climat social détérioré où l’exacerbation des dans la diversité et individualismes met à mal le « vivre ensemble », il est plus que contre les préjugés ............... 12 jamais impératif de travailler avec les enfants et les jeunes sur Égalité, diversité : leurs propres représentations de l’autre, et de remettre à l’ordre petit lexique .......................... 13 du jour des valeurs de tolérance et de respect, qui doivent être Qu’est-ce qu’une a minima celles du citoyen responsable. La nécessaire prise de discrimination ? ...................... 16 conscience des limites légales posées aujourd’hui au racisme, à l’homophobie et à toute forme de discrimination n’est pas RESSOURCES ....................... 18 suffisante : c’est bien les consciences qu’il faut éclairer, et dès Fiches pratiques : • Lecture collective des le plus jeune âge, sur les valeurs humanistes d’enrichissement photographies ................... 18 par l’autre, pour bannir la défiance et la méfiance qui défont • Exemple d’analyse d’une notre lien social. image photographique....... 20 • Lecture d’image : À l’aube d’échéances électorales décisives, nous avons aussi lexique ............................... 23 souhaité souligner le sens républicain et laïque que nous don- • Animation d’un atelier nons à la « Fraternité » dans cette opération. Valeur qui est au photographie ..................... 25 fondement de notre pacte social. Et, pour que notre parole soit • Mener un travail d’écriture encore plus puissante, nous lui avons donné corps à travers les avec des jeunes ................ 26 photos profondément humanistes d’Aimée Thirion. • L’exemple du haïku ........... 28 • Un atelier d’écriture imaginé par Yves Béal ...... 29 Bibliographie thématique et webographie Littérature jeunesse .................................. 31 Bibliographie thématique et webographie générale ....... 33 Filmographie ........................... 34 ANNEXES ............................... 38 Charte pour un atelier d’écriture ................................. 38 Fiche bilan 2014 ..................... 40 Contact ................................... 41 2
MOde d’Emploi L’opération « Jouons la carte de la fraternité » consiste en une idée simple, celle de la bouteille à la mer : le 21 mars de chaque année, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale 1, des enfants et des adolescents sont invités à envoyer des cartes postales à des anonymes tirés au hasard dans l’annuaire du dépar- tement. Chacune de ces cartes est une photographie portant un message de fraternité réalisé dans le cadre d’ateliers d’écriture. À leur tour, les destinataires sont invités à répondre à l’aide d’un coupon détachable, envoyé à la Ligue de l’enseignement du département qui les fait suivre aux enfants et jeunes expéditeurs. Ainsi, chaque année, des dizaines de milliers de cartes postales (105 000 en 2013) sont envoyées à des inconnus à travers la France et une relation inédite est créée, fondée sur l’échange et la sensibilité. La réussite de l’opération repose sur l’engagement d’enseignants et d’éducateurs qui souhaitent aborder avec leurs élèves ou les groupes de jeunes qu’ils encadrent les questions de fraternité, de solidarité, et d’éducation à l’égalité dans la diversité. Les cartes postales sont adressées gratuitement par la Ligue de l’enseignement du département, sur simple demande. Elles sont accompagnées du présent dossier pédagogique, qui a pour vocation d’aider à la mise en œuvre de l’opé- ration. Plusieurs objectifs sont ainsi poursuivis ■ Engager, avec les jeunes, une réflexion sur la diversité, le racisme, les discriminations et les représentations que l’on s’en fait. La rédaction d’un texte personnel et son expédition à un vrai destinataire sont des actes qui signifient un début d’engagement et qui peuvent déclencher une authentique prise de conscience, contribuant à l’apprentissage des valeurs de la fraternité : égalité, solidarité, justice, respect… ■ Sensibiliser les jeunes à la lecture de l’image et à l’écriture, par le biais d’ateliers de pratique artistique : les aider d’une part à décrypter des messages portés par des images toujours plus nombreuses dans la société contemporaine ; d’autre part à développer leur esprit critique et leur imaginaire en confrontant leurs idées, leurs opinions et leurs émotions, matière première d’un message écrit, construit et adressé. ■ Toucher le destinataire par le message envoyé qui, au-delà de l’originalité de la relation qu’il provoque, vise à susciter un intérêt pour le sujet abordé ; amener le destinataire à répondre en donner son avis sous la forme qui lui convient. Le simple fait que le message reçu provoque une réponse est en soi un élément positif… Les photographies choisies veulent sensibiliser les jeunes et leurs destinataires à la diversité de notre société, mais aussi pousser chacun à s’interroger sur ses préjugés, sur les représentations qu’il porte en lui à propos de l’immigration, de la jeunesse, des préjugés, de la famille, des relations entre générations… 6 étapes clés pour répondre aux objectifs poursuivis : 1. Découvrir les photographies et s’exprimer à leur propos Le parti pris consiste à susciter l’expression par les jeunes de leurs représentations, y compris dans ce qu’elles com- portent de préjugés ; l’analyse des stéréotypes et des idées reçues permettant de combattre les attitudes de repli sur soi et de rejet de l’autre. La découverte des photographies se fait collectivement, à partir d’un affichage des tirages des cartes fournis en grand format ou en les projetant sur un écran. Elle se fait en trois étapes (voir fiche pratique, page 18, et le petit lexique, page 13) : la première permet aux jeunes d’exprimer leur ressenti, la deuxième de procéder à une description complète de la photographie ; la troisième, enfin, permet de tenter une interprétation et de la confronter à celle des autres. Cette lecture collective fournit un point de départ précieux pour l’écriture. 2. Jouer avec les mots Dans cette opération, la photographie est aussi un déclencheur pour l’écriture. Le fait que celle-ci soit adressée à quelqu’un conditionne en amont sa forme et sa construction. Il s’agit là d’un exercice difficile qui ne peut faire l’économie d’une démarche spécifique. Un atelier d’écriture (voir « Charte pour un atelier d’écriture », page 38) libère l’imagination des jeunes et stimule leur capacité d’invention, en même temps qu’il permet l’élaboration d’un message universel sur la base de la part d’intime de chacun. 1. La Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale est célébrée chaque année le 21 mars, pour commémorer ce jour de 1960 où, à Sharpeville (Afrique du Sud), la police a ouvert le feu et tué 69 personnes lors d’une manifestation pacifique contre les lois relatives aux laissez-passer imposées par l’apartheid. En proclamant la Journée internationale en 1966, l’Assemblée générale des Nations unies a engagé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale. 3
Même si le temps fait défaut, il apparaît néanmoins indispensable d’accompagner au plus près ce moment d’écriture. On trouvera, en page 26, des exemples de jeux d’écriture qui pourront inspirer et nourrir cette étape. Le moment collectif de lecture des productions de chaque participant pendant ces jeux d’écriture est très important. Il permet de mesurer tous les possibles parcourus, et d’en parler dans une dynamique d’aide mutuelle. 3. Rechercher des destinataires Le choix du destinataire est fait par les jeunes dans l’annuaire du département. Pour limiter le nombre de cartes envoyées à des adresses obsolètes, il est évidemment préférable de disposer d’un annuaire récent. Il est par ailleurs important de sensibiliser les jeunes au fait que leur destinataire ne répondra pas forcément : la présence d’un volet réponse détachable à l’intérieur de la carte ne doit pas laisser imaginer, pour autant, des retours en masse. L’expérience passée montre que les taux de réponses se situent dans une moyenne de 6 à 12 % des envois, c’est- à-dire que pour une classe de 30, la moyenne des retours excède rarement 2 ou 3. C’est peu en regard de l’attente des jeunes, mais en même temps, c’est un très bon résultat pour un envoi comme le nôtre : les envois de masse « à l’aveugle » engendrent généralement un taux de retour inférieur à 1 %. On pourra expliquer aux jeunes que la réponse, si elle est sollicitée, n’est évidemment pas obligatoire. Répondre ou non est laissé au libre choix de chaque destinataire, sans que cela signifie quoi que ce soit sur la valeur de la démarche. On pourra également insister sur la dynamique de l’opération qui est celle du don généreux : ainsi, la réussite de l’opé- ration ne se mesure pas par le nombre de retours, mais par le nombre et la qualité des cartes qui auront effectivement atteint un destinataire. On pourra enfin mettre l’accent sur le caractère collectif de cette action : de nombreuses personnes auront pu être touchées, sensibilisées, sans pour autant avoir pu ou voulu répondre. Et c’est parfois plusieurs mois après la réception de la carte que le destinataire décide de répondre… ou de renoncer. Il est important de ne pas négliger cette étape, afin que chaque participant prenne le temps d’imaginer la personne à laquelle il écrit. Elle restera probablement « sans visage », mais tout ce qui a pu être imaginé permet aussi de travailler sur l’immensité des singularités possibles de nos contemporains. 4. Écrire (au brouillon) Les émotions ressenties à la découverte des photographies, les échanges entre pairs, l’histoire personnelle, les valeurs que l’on exprime, fournissent autant de matière pour l’écriture. Il n’y a aucune contrainte sur la forme du message effecti- vement envoyé, mais un choix assumé. Les jeux d’écriture préalablement organisés ont vocation à stimuler l’imagination et à aider dans ce choix. Il sera utile, à ce stade, que l’enseignant ou l’éducateur jette un œil sur les écrits pour éviter des erreurs de français trop importantes ou trop nombreuses. 5. Mettre au propre (sur la carte) La qualité de l’écriture et le soin apporté pour rendre le message clair et agréable à lire sont des éléments déterminants si l’on espère une réponse. Tout est possible en ce domaine : le dessin, la calligraphie, l’enluminure, les calligrammes, les collages… Au-delà, les responsables du groupe vérifieront que la signature de l’enfant dans le volet inférieur de la carte comporte le prénom – et seulement le prénom ! (pour des questions de protection des mineurs) –, la classe et le nom de l’établis- sement. Ceci est indispensable pour l’acheminement des retours. 6. Envoyer les cartes L’affranchissement est à la charge de l’expéditeur. Le tarif écopli à 0,58 € est suffisant. Selon le contexte, c’est le responsable du groupe qui aura trouvé les moyens de fournir des timbres aux jeunes ou ces derniers qui devront s’en procurer un. Au moment de plier les cartes, il faut veiller à bien écraser les plis avec un objet dur pour éviter que la carte ne baille ou ne s’ouvre dans les machines de la Poste. Scotcher, si nécessaire, les bords de la carte, sans oublier d’affranchir ! On pourra prendre contact avec le receveur du bureau de Poste : peut-être sera-t-il d’accord pour accueillir la classe ou le groupe et donner un peu de solennité à l’expédition des cartes. En principe, toutes les cartes sont expédiées le 21 mars, Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. La Ligue de l’enseignement du département fera parvenir aux responsables des groupes les réponses reçues, dans les plus brefs délais. 4
Pour donner de l’écho à l’opération La journée du 21 mars doit être l’occasion d’une véritable sensibilisation à la tolérance et à la fraternité. Nous invitons à occuper largement les colonnes de la presse locale pendant quelques jours pour préparer le terrain et tenter de tou- cher ceux qui recevront une carte, pour amplifier l’impact de notre action au moment où elle devient publique et plus largement pour faire parler de l’éducation à l’égalité dans la diversité. Il est sans doute utile d’adresser un communiqué au correspondant du journal local dès la semaine précédente, afin d’annoncer l’expédition des cartes : avec un peu de chance, il se déplacera ce jour-là… Ces démarches peuvent être partagées avec les enfants et les jeunes dans le cadre d’une sensibilisation au rôle et au fonctionnement de la presse et des médias. Pour faire le bilan de l’opération, nous vous demanderons de communiquer à la Ligue de l’enseignement du départe- ment : - un échantillon des meilleurs textes (2 ou 3 par classe ou groupe suffisent), - les articles parus dans la presse locale, - le nombre effectif de cartes expédiées (pour les statistiques et la mesure de l’impact départemental). Les plus beaux textes de l’opération « Jouons la carte de la fraternité » sont mis en valeur au niveau départemental et national : ouvrages, expositions, éditions papier ou électronique… 5
La frAternité (…) Redoutable statut que celui de la fraternité qui, entre le double absolu de l’identité égoïste et de l’universel rassurant, impose la recherche empirique d’un au-delà du moi et d’un en deçà du tout. Une approximation en quelque sorte, mais qui n’anéantit rien de ce qui forge l’identité ni ne présuppose la négation de toute référence à un absolu de principes. Un travail toujours recommencé qui construit de la proximité sur de l’ignorance initiale et assoit les complicités qu’elle génère sur le respect des singularités qu’elle rapproche. L’une des institutions non confessionnelles qui se soit le plus et le mieux approché de cette réalité insaisissable, et ait assigné à la fraternité une fonction de dépassement mais aussi de mobilisation des singularités est la franc-maçonnerie qui s’est donné pour rôle de rapprocher des personnes qui, de par leurs attachements, leurs convictions, la trajectoire de leur existence, seraient restées à « perpétuelle distance ». Une fraternité sans a priori, sans orthodoxie, sans capitulation. (…) C’est au lendemain de la Révolution de février 1848 que le mot acquiert une véritable opérativité politique à l’occa- sion de la fête de la Fraternité organisée le 20 avril 1848, juste avant les élections à l’Assemblée constituante, avant que le préambule de la Constitution du 4 novembre 1848 l’intègre comme troisième terme de la devise républicaine. Diverses mesures sont prises, clairement inspirées de l’idéal de fraternité comme l’abolition de l’esclavage ou la reconnaissance du devoir pour la République d’assurer « par une assistance fraternelle (…), l’existence des citoyens nécessiteux ». Elle apparaît, aux yeux de Michelet, comme le principe qui permettra de remédier aux dangers de l’individualisme porteur de division sociale. La fraternité c’est alors également celle des peuples, mise au service des nationalités opprimées mais aussi de la paix. À partir de ce moment, son lien avec la République ne se démentira plus. La fraternité est assurément un principe de concorde sociale et en même temps le socle d’une construction des rapports individuels. Elle est aussi et avant tout un processus. Il n’y a pas de fraternité sans l’engagement d’un processus de fraternisation. Sa force évocatrice est d’autant plus puissante qu’il est à l’œuvre entre des individus que tout pousse à l’anéantissement réciproque, qui ne sont habitués à voir dans l’autre qu’une menace sur leur propre existence, comme lors des quelques épisodes de fraternisation qui ont eu lieu au cours du premier conflit mondial, dont celui de Noël 1914, argument du film de Christian Carion Joyeux Noël. Certes il ne s’agit que de fugaces moments d’humanité dans l’immense boucherie qui pendant plus de quatre ans anéantira pour longtemps, et peut-être de façon définitive, les rêves de puissance des pays européens. Mais s’y révèle la volonté de dépasser l’inconcevable, de suspendre l’irrémédiable, de sortir d’une logique de mort pour retrouver cette part irréductible d’humanité qui rend à la parole, au sourire, au par- tage et à l’échange une fonction d’apprivoisement, permettant de retrouver la part d’humanité dans l’adversaire avec une force, une brutalité dotées d’une intensité à la mesure de ce que la logique de guerre aurait dû produire. Même si les adversités les plus douloureuses sont le terreau des fraternités les plus essentielles – ne dit-on pas qu’hors des fraternités guerrières elles restent marquées d’incertitude et manqueraient de profondeur – fort heureusement l’établissement de liens fraternels ne se résume pas à la prévention de l’irréparable. Il y a possibilité de fraternité dès lors qu’existent une dissemblance, un choc de singularités qui veulent se préserver en même temps qu’elles font effort pour se comprendre et se dépasser. Elle ne fait sens que si elle se construit à l’égard du dissemblable. Étrangère à toute connivence a priori, elle suppose l’acceptation « d’autres intelligibilités » comme l’indique François Jullien, favorisant dans la durée des apprivoisements réciproques qui, par-delà la reconnaissance due à ce qui est différent, affranchissent des identités et les muent en ressources. Pour reprendre l’analyse de François Jullien, la fraternité se love dans « l’entre », se construit dans « l’écart », se nourrit de la fécondité d’une extériorité, d’une distance, dont le temps est parvenu à gommer l’énergie centrifuge. Les fraternisations les plus vigoureuses exigent de la patience, imposent la mémoire de ce à quoi elles ont permis d’échapper, nécessitent pour durer une rationalisation des raisons qui les ont fait naître. Si elles n’ont pas toujours besoin de serments, elles ne durent que tout autant que subsiste le souvenir de ce qui les a rendues nécessaires. (…) Mais encore faut-il ne pas se méprendre sur sa signification. Elle n’est ni camaraderie ni connivence, ni philanthro- pie, ni simple amitié. Elle impose la découverte du commun derrière la dissemblance et la pluralité. Dissemblances et pluralités qui n’ont jamais été aussi vives que dans une société où l’individualisme a ravagé les solidarités, où l’exigence d’une concurrence généralisée induit défiance, culpabilité et peur de l’autre. La fraternité naît « de » et agit au service d’un dépassement de l’adversité. Elle fonctionne à la manière d’un outil de subversion du regard et de la parole. Au « moi-je », elle substitue le « nous » du projet, de la conviction et, pourquoi pas, du combat ou, à tout le moins, de l’indignation. Consciemment assumée et dépouillée de la tentation qui la menace en permanence de se réduire à l’exclusivité d’un objet déterminé, elle peut devenir l’outil d’une reconstruction d’un pacte social passablement malmené. Extrait de « La fraternité, outil privilégié de reconstruction du pacte social », article de Jean-Michel Ducomte paru dans la Revue Diasporiques, cultures en mouvement de décembre 2012. 6
ÉlémEnts d’anAlyse des phOtographies « L’autre peut nous paraître bien étrange si on n’essaie pas de le connaître. Sa façon de vivre, de s’habiller, ses choix… Alors on peut se replier sur soi et dire que l’autre n’est pas bien, pas beau. Dire qu’il y a des malheureux, mais qu’on n’y peut rien. On prend peur, on s’enferme. Dans mes reportages je veux raconter l’histoire de personnes, de lieux, que l’on a trop souvent tendance à vouloir effacer, parce qu’ils dérangent. Quand je photographie, j’essaie de me faire oublier au maximum afin de voir les personnes évoluer en toute liberté face à l’objectif. Le choix pour certains reportages de travailler sur la longueur, de m’immerger, me permet d’être plus proche des gens que je photographie ; une confiance s’installe, la photo devient plus intime. Une photo déclenche des émotions, des questionnements et peut donner l’envie d’en savoir plus sur le thème abordé. Elle devient alors une passerelle pour aller à la rencontre de l’autre. Elle permet aussi d’engager des dis- cussions, de partager des idées, de débattre. Elle peut déranger. La photo engendre en nous une multitude de réactions. Les mots vont nous permettre de nous positionner devant elle et d’échanger nos ressentis. Face à une photo tout n’est pas toujours simple. Il faut parfois aller chercher le petit détail pour en comprendre l’instant rapporté. Il faut aussi aller chercher au fond de nous-même ce qui a déclenché notre émotion. Participer au projet de la Ligue de l’enseignement « Jouons la carte de la fraternité » va dans ce sens. À partir d’une sélection de photographies, engager les jeunes dans une réflexion sur la discrimination. À travers l’image, partir à la rencontre de l’autre et découvrir nos propres peurs face à l’inconnu. Puis envoyer les photos, sous forme de cartes postales, accompagnées d’un message, pour inviter le destinataire au débat. Après avoir fait une sélection de photographies réalisées lors de différents reportages, je les ai regardées une à une et j’ai noté les impressions ressenties. Tout d’abord en essayant de me détacher au maximum de l’histoire de chacune d’elles. Puis, en replaçant chaque photo dans son contexte, j’ai ajouté à la liste d’autres impressions. De là sont apparus plusieurs thèmes liés à la discrimination. Dans les photos sélectionnées on peut remarquer une utilisation différente de la lumière, ce qui amènera divers ressentis. Pour compléter la série, j’ai demandé au photographe Olivier Touron, dont je connais l’engagement dans les sujets qu’il traite, de me proposer une sélection de photos. J’en ai retenu deux, pour les thèmes abordés et la technique utilisée lors de la prise de vue. Olivier a travaillé à pleine ouverture, ce qui permet d’isoler le sujet. Au total, une sélection de six photos proposées pour aller ensemble vers l’autre. » Aimée Thirion 7
Dans cette page, se retrouvent des éléments de deux natures : - Des données factuelles qui informent sur l’image (présentées sous la photographie). - Des propositions d’éléments d’analyse formulées par les rédacteurs du dossier pédagogique (à droite de la photographie). Vous êtes invités à explorer, par vous-même, la polysémie de ces photographies sans se limiter aux exemples d’analyse fournis. IMPRESSIONS RESSENTIES Une personne valide soutient une personne handicapée ou malade. Réconfort à un enfant en difficulté. Secours à une personne en difficulté. Souffrance physique. Un environnement douillet. Soutien, courage, force. ÉLÉMENTS VISUELS SIGNIFIANTS Les deux mains se touchent au centre de la photo. Les corps sont au centre et occupent beaucoup d’espace. Un corps allongé Légende : Écoute. et un corps agenouillé. © Aimée Thirion/Divergence Contraste entre la maigreur du bras et des jambes de la personne couchée, et les bras et jambes de l’autre personne. Mobilier (tabouret, matelas…) médical. Les visages sont hors cadre. Les couleurs sont douces (jaune, rose, couleur chair). La matière de la couverture blanche est palpable. THÈMES POSSIBLES Le handicap, la solidarité, l’accès aux soins médicaux. IMPRESSIONS RESSENTIES Isolement, solitude, froid. Personne endormie ou morte ? Détresse, pauvreté, peur, abandon, solitude, rejet, froid, mort. Une personne sans domicile fixe. ÉLÉMENTS VISUELS SIGNIFIANTS Un corps caché sous une bâche sur un banc, dans un coin de parc isolé au milieu de la nuit. Les arbres forment un écrin au milieu duquel le corps semble déposé. La lumière chaude éclaire uniquement le corps. Légende : À la rue. Éléments d’architecture urbaine : le banc, le mur en brique au fond, la végé- © Aimée Thirion/Divergence tation, les pavés : un jardin public ? Une bouteille, par terre, à gauche. THÈMES POSSIBLES L’exclusion, le droit au logement, les SDF, la solitude, l’isolement, la pau- vreté. 8
IMPRESSIONS RESSENTIES Une personne seule dans l’obscurité de la nuit. Tristesse, isolement, rejet. Lassitude et retenue. Silence. Angoisse. Peine, quelqu’un de perdu en attente de quelque chose. ÉLÉMENTS VISUELS SIGNIFIANTS C’est un portrait. Personne cachée au point de disparaître : visage noir sur fond noir. Le noir qui encadre le visage fatigué. Le bonnet. Légende : Patricia, bonne Visage faiblement éclairé. immigrée/Liban. Yeux baissés. © Aimée Thirion/Divergence Est-ce un homme ou une femme ? Pas de signe distinctif. THÈMES POSSIBLES La clandestinité, les migrations, l’isolement, la solitude, l’exclusion. IMPRESSIONS RESSENTIES Une personne de passage, qui se cache. Solitude, déracinement, anonymat. Ne veut pas dévoiler son identité. Une personne qui pose, qui veut revendiquer quelque chose sans montrer son visage. Lieu de passage, temporaire. Fuir, se cacher. ÉLÉMENTS VISUELS SIGNIFIANTS Une personne seule au milieu. La serviette sur la tête, éclairée. Légende : Hakim, réfugié syrien/ Le mur du fond bleu. Liban. Les tapis et un matelas au sol. © Aimée Thirion/Divergence Des affaires en vrac au sol. Deux verres. Le bric-à-brac derrière la personne. Pose figée, bras ballants. Aucune source de lumière visible dans l’image. Pas d’horizon, pas d’ouver- ture vers l’extérieur. Serviette sur la tête. La personne se trouve sous la lumière ; ce qui contraste avec le fait qu’il cache son visage. THÈMES POSSIBLES Les migrations, les réfugiés, la solidarité, l’exil, l’engagement politique. 9
IMPRESSIONS RESSENTIES La fête, la joie. Cérémonie heureuse. Rassemblement de plusieurs générations. Fête de famille décontractée et conviviale. Lieu qui ne semble pas institu- tionnel, officiel. Mariage, bonheur, partage. Surprise liée au fait que ce soit deux hommes. ÉLÉMENTS VISUELS SIGNIFIANTS Échange d’anneaux entre deux hommes. Légende : Un mariage gay. Nombreuses personnes qui remplissent l’espace de la photo. © Olivier Touron/Divergence La mise au point faite sur la main du marié qui va recevoir l’alliance. Les deux personnes en 1er plan ; personnes légèrement floutées en arrière plan. Tenues festives et colorées. Mains unies au centre de l’image. Visages souriants. Des prises de vue dans la photo elle-même. Du mouvement, les corps ne sont pas figés. THÈMES POSSIBLES Le mariage, le mariage pour tous, l’homophobie, l’homosexualité, la famille, l’égalité des droits. IMPRESSIONS RESSENTIES Face à la justice, un jeune peu sûr de lui, dans une attitude empruntée, engoncée. Distance entre la justice et le justiciable. Un jeune qui n’entend pas ce que lui dit le/la juge. Idée floue de la justice, éloignée. Un endroit impersonnel, froid. Jeune en tenue décontractée et dans une posture décalée par rapport à la situation. Une certaine décontraction. ÉLÉMENTS VISUELS SIGNIFIANTS Légende : Moi et la justice Le jeune au centre de la photo, au premier plan. pénale, parcours mineur. © Olivier Touron/Divergence Une personne floue, en arrière-plan, qu’on peut supposer être un magistrat au vu de sa robe. Jeune de dos, légèrement penché. On devine qu’il a les mains croisées devant lui. Le jeune paraît plus grand que le/la juge ; il semble la surplomber. Une chaise vide. Un halo de lumière inonde le/la juge. Les lignes droites du bureau du juge, perpendiculaires aux lignes du mur. THÈMES POSSIBLES La justice, la place des jeunes dans la société actuelle, la protection de l’enfance, les droits et devoirs des citoyens. 10
ÉlémEnts de biOgraphie des photogrAphes Aimée Thirion Photographe indépendante depuis 1999, Aimée Thirion est basée à Lille et travaille régulièrement en commande pour la presse : Libération, La Croix, Le Monde, ASH Magazine, Liaison Sociale, La Vie… En plus des commandes elle s’investit dans des sujets à long terme en France et à l’étranger : maison d’arrêt de Loos, hôpital psychiatrique, femmes algériennes en France et en Algérie, maison de retraite… Depuis 2004, elle s’intéresse particulièrement au Liban où elle a effectué plusieurs séjours, pour s’y installer une année (d’octobre 2011 à octobre 2012). Ce qui lui a permis d’y suivre l’actualité mais aussi de travailler un projet approfondi sur la situation des femmes domestiques au Liban originaires de Madagascar, du Sri Lanka, des Philippines, d’Éthiopie. Et d’y suivre le parcours, chaotique, de celles qui se sauvent de chez leur employeur. Expositions • En 2009 : « Des femmes algériennes aujourd’hui » (Centre culturel algérien, Paris) ; exposition « Réfugiés à Beyrouth/ guerre Liban - juillet 2006 » (Théâtre de Charleville-Mézières) ; exposition « Soin, humain et technicité » (Hôpital, média- thèques, places publiques dans le Nord). • En 2008 : exposition collective « Est-ce que j’ai une tête de génération future » ; portraits de jeunes âgés de 21 ans en 2008 (Maison folie de Wazemmes, Lille). • 2007 : projection diaporama « Danse à Roubaix » (Gymnase, journée du patrimoine, Roubaix). • 2006 : « Des femmes algériennes aujourd’hui » (lieux culturels Lille et agglomération) ; « Je veux bien oublier mais pas tout » (Maison de la culture et de la communication, Sallaumines). • 2005 : « Mise en demeure » (Galerie du centre Effel, Carvin) ; « Portraits d’instants de résidents » (maison de retraite, Orchies). • 2003 : exposition « Des femmes algériennes aujourd’hui » (Hôtel de ville de Saint-Gilles, Bruxelles ; École nationale supérieure des arts et industrie Textiles, Roubaix ; Hospice Comtesse, Lille). • 2002 : « Psychiatrie » (Centre médico-psychologique, Lille) ; « Mise en demeure » (Transphotographiques, galerie Épreuve d’Artiste, Lille). • 2000 : exposition « Arrêt sur maison d’arrêt » (maison de la nature et de l’environnement avec la Ligue des droits de l’homme et Prison 59, Lille). Olivier Touron Photographe journaliste indépendant depuis 1999, Olivier Touron est basé dans le nord de la France, près de Lille. Il a suivi à Paris la formation au photojournalisme (EMI-CFD,1999), après une formation initiale en mathématiques dans l’idée de devenir enseignant. Depuis, il continue régulièrement de se former aux nouvelles pratiques de son métier, notamment autour du web-documentaire. Il travaille avec la presse périodique régionale, nationale et internationale (Géo, Le Monde, L’Humanité, La Croix, VSD, De Morgen, STERN, Financial Times, NewsWeek Japan, Pèlerin, Le Monde Diplomatique, Libération, Marie-Claire, Liberté- Hebdo, Nordway, Marianne…) et il a été un collaborateur régulier du quotidien gratuit 20 Minutes entre 2004 et 2010. Ses travaux personnels sont diffusés au travers d’expositions (« 14 jours en Tunisie », 2011 ; « Moi et la justice pénale, parcours mineur », 2010 ; « Itinéraires Kurdes », 2003) et de livres (Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, éd. Alterna- tives, 2006 ; Amazone : Farachine, rebelle kurde, éd. Michel Lafont, 2009) ou de blog (Aventure et Partage, Chine, 2006). Pour financer en partie ses recherches, il répond également à des commandes « corporate » (portraits, reportages), en direct avec les entreprises ou par le biais d’agences. Depuis 2008, il est chargé d’enseignement pour le master Journalisme de la Faculté libre des sciences humaines à l’Institut catholique à Lille. 11
éduqUer à l’égAlité dans la divErsité et cOntre les préjUgés Il est plus que jamais nécessaire de mobiliser la raison contre la barbarie. Il est plus que jamais indispensable d’éduquer contre toutes les formes de repli sur soi, de rejet de l’autre, contre toutes les discriminations. Les Semaines d’éducation contre le racisme, temps fort de la mobilisation des acteurs de l’éducation, ont plus de 20 ans. Force est de constater que ces 20 ans d’engagement n’auront pas suffi à convaincre. Car, faire évoluer réellement les représentations des jeunes et faire reculer les attitudes xénophobes et de rejet n’est pas chose facile. En premier parce que cela nous amène, nous éducateurs, à interroger nos propres représentations et à les déconstruire pour pouvoir accompagner ensuite les jeunes dans cette démarche. Éviter le moralisme Tous les éducateurs savent qu’il ne suffit pas de discours moralisateurs et incantatoires pour atteindre un tel objectif. Mais il est tout particulièrement difficile de se dégager de la pression morale qu’exerce sur les Européens que nous sommes le « Plus jamais ça » de l’après Auschwitz. Tolérer un écart de langage, risquer une expression qui pourrait s’apparenter à du racisme ou à de l’antisémitisme est, pour la plupart des éducateurs, un exercice douloureux. On est alors tenté de préparer les élèves, de les guider dans leurs prises de parole, de rappeler combien le racisme est condamnable. Or, c’est une condition sine qua non du dialogue que de construire des espaces de parole où peuvent s’exprimer des préjugés, des incompréhensions (sur les modes de vie, les cultures, les religions), se formuler des plaintes ou des revendications. C’est une condition nécessaire pour les déconstruire. Bien entendu, toute séance de libre expression devra se terminer par un rappel fort de la loi, sa lettre et son esprit. Refuser la victimisation Dans cet effort de dialogue, il faut se souvenir que les victimes comme les bourreaux ne sont pas victimes ou bourreaux par essence. Il est donc important de ne pas contribuer involontairement au jeu de la concurrence entre les victimes. Les discriminations ne sont pas l’affaire des seules victimes ; c’est bien l’ensemble de la société qui vacille quand ces attitudes de rejet se développent. Proposer un projet de société alternatif dans l’école Plus positivement, pour lutter contre les discriminations, il nous faut militer pour les valeurs de fraternité, d’égalité des droits, de justice sociale, de démocratie. Ces valeurs républicaines ne sont pas des principes désincarnés. Elles doivent être vivantes dans les établissements scolaires. Si l’on veut en convaincre les plus jeunes, il est indispensable que les établissements soient des lieux d’action collective, d’apprentissage de la démocratie et de la responsabilité. Sanctionner sans généraliser Enfin, il nous semble nécessaire de faire en sorte que la lumière soit systématiquement faite sur toute affaire de racisme et de discrimination dans une école, un collège ou un lycée, que le délit soit sanctionné et que l’on refuse toute géné- ralisation. Faire se rencontrer les acteurs, faire se croiser les points de vue de tous les acteurs, y compris les parents, permet de faire face à ce qui est l’un des défis majeurs de notre système éducatif. 12
ÉgAlité, divErsité : pEtit lexiqUe Antisémitisme Terme apparu en Allemagne à la fin du XIXe siècle destiné à caractériser en terme « racial » et pseudo-scientifique une hostilité aux Juifs, jusqu’alors perçus en termes religieux et culturels (antijudaïsme). De manière plus générale, ce terme désigne l’hostilité particulière envers un groupe de personnes considérées, à tort ou à raison, comme « juives ». Bouc émissaire (théorie) Se référant à un rite expiatoire, la théorie du bouc émissaire permet d’envisager que certains groupes contiennent la violence présente en leur sein en désignant un ennemi, intérieur ou extérieur. Cet ennemi cristallise la violence du groupe et l’oriente vers l’extérieur. Il s’agit d’un phénomène qui n’est jamais totalement conscient (la plupart des membres du groupe sont convaincus que l’ennemi présente des caractéristiques négatives qu’il faut combattre par la violence). Communautarisme Néologisme apparu dans les années 1980, en référence aux revendications de certaines « minorités » d’Amérique du Nord (Indiens, Noirs, Québécois Français). Employé dans un sens plutôt péjoratif, le terme communautarisme désigne une forme d’ethnocentrisme ou de socio- centrisme qui donne à la communauté (ethnique, religieuse, culturelle, sociale, politique, mystique, sportive…) une valeur plus importante qu’à l’individu, avec une tendance au repli sur soi. Ce repli « identitaire », « culturel » ou « communau- taire » s’accompagne d’une prétention à contrôler les opinions et les comportements des membres de la communauté contraints à une obligation d’appartenance. Communauté Au sens général, une communauté désigne un groupe social constitué de personnes partageant les mêmes caractéris- tiques, le même mode de vie, la même culture, la même langue, les mêmes intérêts… Elles interagissent entre elles et ont en outre un sentiment commun d’appartenance à ce groupe. Exemples : la communauté chinoise dans une grande ville, la communauté des artistes, les communautés virtuelles sur Internet… Une communauté intentionnelle est un groupe de personnes qui décident de vivre ensemble en respectant les mêmes règles. Exemples : une communauté hippie, une communauté monastique. Différentialisme Idéologie qui prône la mise à distance, la discrimination, l’infériorisation ou l’exclusion d’un individu ou d’un groupe en raison d’une différence réelle ou supposée. Le différentialisme apparaît en réaction à l’universalisme (égalité de tous en matière de droit). Alors que l’existence de « races » est mise à mal par les découvertes scientifiques, le racisme prend alors appui sur des catégories culturelles. Il se base notamment sur l’idée que l’hétérogénéité culturelle constitue une menace pour la survie de certaines cultures Discrimination Traitement différencié d’une personne ou d’un groupe de personnes. Les discriminations sont des pratiques qui entravent l’égalité d’accès — à des rôles, des statuts, des lieux… en fonction de caractéristiques socialement construites. 1 Diversité culturelle La diversité culturelle est la constatation de l’existence de différentes cultures, comme la biodiversité est la constatation de l’existence de la diversité biologique dans la nature. La déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle de 2001 est considérée comme un instrument normatif reconnaissant, pour la première fois, la diversité culturelle comme « héritage commun de l’humanité » et considérant sa sauvegarde comme un impératif concret et éthique inséparable du respect de la dignité humaine. Pour certains sociologues, c’est un concept servant à décrire l’existence de différentes cultures au sein d’une société, en fait à l’intérieur d’un État-nation. Ethnicité Sentiment de partager une ascendance commune, que ce soit avec une langue, des coutumes, des ressemblances physiques ou de l’histoire vécue. Cette notion est très importante sur le plan social et politique. Il s’agit d’héritage socio- 1. Voir article détaillé page 16. 13
culturel commun, différent en cela du concept de race : qui partage des caractéristiques biologiques et morphologiques liées à des ancêtres communs. L’ethnicité est donc tout ce qui nourrit un sentiment d’identité, d’appartenance et les expressions qui en résultent. Étranger Personne qui a une nationalité différente de celle qui la considère. Pour le Haut conseil à l’intégration, et donc sous l’angle de la présence d’une personne sur un territoire, un étranger est une personne qui ne possède pas, sur le territoire français, la nationalité française, soit qu’elle possède (à titre exclusif) une autre nationalité, soit qu’elle n’en possède aucune (apatride). Hétérophobie Albert Memmi 1 définit l’hétérophobie comme « le refus d’autrui au nom de n’importe quelle différence ». L’hétérophobie constitue, selon lui, le sentiment premier qui est à l’origine du racisme. À ne pas confondre avec une seconde acception du terme, en référence à l’hétérosexualité, où l’hétérophobie fait pendant à l’homophobie et désigne l’hostilité à l’égard des hétérosexuels. Homophobie L’homophobie désigne toutes les manifestations (discours, pratiques, violences…) de rejet ou de différenciation à l’encontre d’individus, de groupes ou de pratiques homosexuels ou perçus comme tels. Identité En psychologie, cette notion est définie comme un processus cognitif et affectif par lequel le sujet se conçoit et se per- çoit. Cette entrée permet d’éviter de figer définitivement pour un être son identité et de mettre cette notion en lien avec le principe d’émancipation de l’individu. Dans une approche plus collective et pour éviter le piège de l’identité nationale, on peut parler d’une identité culturelle ou sociale comme de ce qui regroupe tout ce qui est commun avec les autres membres d’un groupe, tel que valeurs, normes, règles que la personne partage avec sa communauté ou sa société. Interculturel Rencontre des cultures. Plus qu’un pont entre les cultures, il s’agit d’un mélange de différents rapports culturels, un nouvel espace d’interactions. Intégration Le terme d’intégration désigne un processus complexe qui provoque chez les individus un « sentiment d’identification à une société et à ses valeurs ». Selon Patrick Weil, l’intégration désigne un « processus continu d’intériorisation de règles et de valeurs communes [qui] permet de socialiser, dans un cadre national, des citoyens appartenant à des entités géographiques, des classes sociales, des cultures ou des religions différentes ». Aujourd’hui, l’usage de ce concept est décrié par un certain nombre de chercheurs. Islamophobie Le terme islamophobie est employé par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme pour désigner une peur et/ou un rejet de l’islam qui se traduisent par des pratiques de mises à distance, de stigmatisation ou de rejet à l’encontre des musulmans. Judéophobie Attitudes et comportements anti-juifs fondés sur un amalgame entre juifs, Israéliens et sionistes. Il s’agit d’un nouvel antisémitisme, apparu après la Shoah, qui peut prendre trois formes : - La négation ou la relativisation de la Shoah, - Un « antisionisme », qui rend l’ensemble des juifs responsables de la politique de l’État d’Israël, ou qui rend l’État d’Israël responsable de maux politiques qui ne relèvent pas de ses actions, - Une comparaison entre les crimes « endurés » et les crimes « commis » par les (ou des) juifs. Migrant Se dit d’une personne qui quitte son pays d’origine pour s’installer durablement dans un pays dont elle n’a pas la natio- nalité. Si le terme « immigré » favorise le point de vue du pays d’accueil et le terme « émigré » celui du pays d’origine, le terme « migrant » prend en compte l’ensemble du processus migratoire. 1. Écrivain et essayiste franco-tunisien, in Le racisme, Gallimard, 1994. 14
Minorités Les minorités sont le produit d’un rapport social : il s’agit de groupes différenciés, stigmatisés ou rejetés dans une société donnée. Préjugé Dans son sens premier, le terme « préjugé » désigne une opinion préconçue qui peut participer à la catégorisation, et parfois au rejet, d’individus. Par extension, le terme désigne également les processus de généralisation abusive. Lorsque le groupe concerné par ce/ces préjugé(s) est racialisé, on parle alors de préjugé racial. Racisme Si la catégorie « race » est employée de façon courante depuis le XVIIIe siècle, le terme « racisme », utilisé avant la Pre- mière Guerre mondiale, devient d’un emploi courant essentiellement lors des années vingt et trente. Il apparaît dans le Larousse en 1932. Il désigne à la fois des pratiques (ségrégations, discriminations, violences…), des représentations (stéréotypes, préju- gés…) et des discours qui tendent à « caractériser un ensemble humain par des attributs naturels, eux-mêmes asso- ciés à des caractéristiques intellectuelles et morales qui valent pour chaque individu relevant de cet ensemble », et à s’appuyer sur cette caractérisation pour discriminer, inférioriser ou exclure. Selon Albert Memmi, « le racisme consiste en une mise en relief de différences ; en une valorisation de ces différences ; enfin en une utilisation de cette valorisation au profit de l’accusateur ». Le racisme classique s’appuie sur une conception des races comme entités biologiques distinctes et profondément inégales (physiquement comme intellectuellement). Racisme institutionnel L’expression « racisme institutionnel » désigne l’ensemble des processus inégalitaires informels qui apparaissent au cœur même de l’institution et tendent à discriminer, exclure ou stigmatiser les individus appartenant à un groupe racisé. Le racisme institutionnel dénote des résistances plus ou moins conscientes de la majorité au principe de démocratisation. Sexisme Élaboré durant les années 1960, par des Américains s’inspirant du terme « racisme », ce concept s’est ensuite étendu au niveau international. Il s’agissait alors de souligner le lien existant entre les dominations masculine et raciale : dans les deux cas, on s’appuie sur des différences physiques visibles (la couleur de la peau, les organes sexuels…) pour expliquer et rendre légitime la discrimination, l’infériorisation ou la dévalorisation. Selon Marie-Josèphe Dhavernas et Liliane Kandel, le sexisme est un système spécifique « comparé à tous les autres systèmes de discrimination et de domination » car il imprègne « l’immense majorité des productions idéologiques et culturelles de nos sociétés ». Il produit « une double image, ambivalente, mais aux deux facettes également développées, du groupe opprimé (résumé, schématiquement, dans le couple mère/putain) » sur laquelle il s’appuie. Xénophobie De Xenos, en grec, signifiant étranger. Sentiment de peur ou de rejet des étrangers et, par extension, des groupes perçus comme différents. 15
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