L'évolution du mouvement associatif montréalais : un retour au territoire programmé par l'État ? The evolution of the community movement in ...
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Document generated on 07/15/2022 7:50 a.m. Lien social et Politiques III Quand la société civile brandit le territoire pour l’action publique L’évolution du mouvement associatif montréalais : un retour au territoire programmé par l’État ? The evolution of the community movement in Montreal: A state orchestrated focus on space? Annick Germain, Richard Morin and Gilles Sénécal Number 52, Fall 2004 Article abstract Le territoire, instrument providentiel de l’État social Over time the Montreal community movement acquired a significant capacity for co-ordinating local actors and designing co-operation at neighbourhood URI: https://id.erudit.org/iderudit/010595ar level. This mandate was in large part the result of the state’s redefinition of the DOI: https://doi.org/10.7202/010595ar role of civil society in social affairs, with the neighbourhood identified as the relevant spatial unit. Based on three case studies of local-level community action—eco-neighbourhoods; cross-sectoral neighbourhood consultations; See table of contents non-governmental public consultations—we observe the emergence of place-based community action as well as the redeployment of government programmes towards the local level. These processes tend to encourage an Publisher(s) institutionalization of the community movement, and thereby reinforce the logic of concerted action in networks and via partnerships. The game of Lien social et Politiques constraints and possibilities thereby implied will not be left untouched by the newly designed municipal power structure, however. Following from ISSN municipal mergers and de-mergers, new levels of urban governance have 1204-3206 (print) appeared. Will they give rise to a redefinition of the territorial action frame 1703-9665 (digital) that has been developed over the last years? Explore this journal Cite this article Germain, A., Morin, R. & Sénécal, G. (2004). L’évolution du mouvement associatif montréalais : un retour au territoire programmé par l’État ? Lien social et Politiques, (52), 129–138. https://doi.org/10.7202/010595ar Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2004 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
LSP 52 24/02/05 12:16 Page 129 L’évolution du mouvement associatif montréalais : † un retour au territoire programmé par l’État ? † Annick Germain, Richard Morin et Gilles Sénécal Le débat politique et social au pelons que le premier, axé sur le plein études de cas, centrées chacune sur les Québec est dominé depuis quelque emploi, aborde la gestion du social de formes principales prises par l’action temps par la crise ou la survivance du manière centralisée par la demande et associative au niveau local, à savoir les modèle québécois, c’est-à-dire un soutient une consommation de masse instances de concertation intercommu- régime marqué par l’image d’un État en protégeant les droits sociaux, alors nautaire que sont les tables de concer- de bien-être encore proche de l’État que le second, soucieux de flexibilité, tation intersectorielle de quartier et les keynésien. Anomalie dans un pay- voit l’État se restructurer et coopter les corporations de développement écono- sage international où domine un principales forces de la société civile mique communautaire, les associa- régime post-fordiste accompagné en les impliquant dans des procédures tions mises sur pied dans le cadre du d’un nouveau modèle de l’action de coordination-concertation. La part programme Éco-quartier instauré par publique dans la gestion du social, réservée à l’État dans la gestion du la ville de Montréal, et enfin des opé- ou effet de discours porté par des social varie selon les types de société. rations non gouvernementales de logiques politiques dont la question Mais ce qui importe ici, c’est de noter consultation publique ayant mobilisé nationale n’est pas tout à fait que si l’observation de la scène locale citoyens et associations autour de absente ? À moins que le Québec ne † témoigne bien d’une redéfinition des controverses d’aménagement. Chaque représente une configuration particu- rapports entre le secteur associatif et étude de cas portait sur deux arrondis- lière, donc hybride, combinant un l’État, dans le cas montréalais, cette sements différents de l’ancienne ville État encore maître du jeu bien que redéfinition semble s’être jouée en de Montréal (avant la fusion des 28 dans une situation de gouvernance partie autour de la définition d’un municipalités de l’île de Montréal en où dorénavant son action doit épou- territoire local, à savoir le quartier et une nouvelle ville de Montréal en ser les chemins du partenariat ? † (ou) l’arrondissement. C’est du 2002); six des neufs arrondissements moins ce que l’on peut dégager ont donc été couverts 2.† Selon Bob Jessop (1999), il y a de d’une large enquête 1 menée à† multiples variantes au modèle keyné- Montréal en 1999-2000 sur l’évolu- Nous voudrions puiser dans les sien ou à celui qui lui succède, le tion de la vie associative montréalaise résultats de cette enquête (auxquels régime schumpétérien (Schumpeterian concernant l’aménagement du cadre nous ajouterons ceux d’une étude sur Workfare Postnational Regime). Rap- de vie. L’enquête reposait sur trois la participation des associations Lien social et Politiques – RIAC, 52, Le territoire, instrument providentiel de l’État social. Automne 2004, pages 129 à 138.
LSP 52 24/02/05 12:17 Page 130 LIEN SOCIAL ET POLITIQUES–RIAC, 52 d’une relecture que nous en faisons à Elle a en effet reçu plusieurs déno- la lumière d’un questionnement par- minations au cours des quarante der- L’évolution du mouvement associatif montréalais : un retour au territoire † fois différent de celui qui a présidé à nières années : aux « comités de † † programmé par l’État ? † leur collecte, ou du moins plus géné- citoyens » du début des années 1960 † ral. Si la problématique de la territo- succèdent les « groupes populaires » † † rialisation et de l’institutionnalisation du tournant des années 1970; à leur des associations était bien au cœur de tour ceux-ci font place aux « orga- † nos recherches, il est évident que nismes communautaires » du milieu † l’actualité leur donne une résonance des années 1970, qui sont soumis à particulière. Qu’il s’agisse de l’actua- une relative institutionnalisation au lité toute montréalaise, puisqu’il milieu des années 1980, avant de semble bien qu’une nouvelle donne voir le qualificatif « autonomes » pro- † † 130 territoriale se mette en place avec les longer leur nom, à la fin des années fusions municipales décrétées par le 1990. À travers cette succession de gouvernement québécois en 2002, ou terminologies accompagnant les s’occupant de populations immi- qu’il s’agisse du débat sur le modèle mutations du mouvement associatif, grantes aux instances de concertation se modifie également le rapport au communautaire de quartier 3 et ceux québécois et sur la redéfinition des territoire local, comme on va le voir. † d’un projet de recherche portant sur liens entre État et société civile le développement économique com- locale. On ne saurait donc boucler la Les « comités de citoyens » qui se † † munautaire 4) pour montrer, dans les † réflexion sans évoquer au moins briè- sont multipliés à Montréal de 1963 à lignes qui suivent, que, dans un pre- vement, mais à nos risques et périls, 1968 sont définis, selon Godbout et mier temps, le rapport au territoire l’actualité récente. Collin (1977 : 23), comme « des † † local n’a pas toujours été un principe groupes de pression locaux qui tra- structurant de l’action associative, Le milieu associatif montréalais vaillent en milieu urbain, à l’échelon comme pourrait le laisser entendre le et le rapport au territoire : † du quartier, dans les zones dites défa- label « communautaire » générale- † † mariage de nature ou de raison ? † vorisées, et qui ont pour objectif ment utilisé au Québec pour désigner principal l’amélioration des équipe- En principe, les organismes dits cette action. Nous verrons ensuite ments collectifs et la non-détériora- communautaires se distinguent des que la territorialisation de l’action tion de leur milieu de vie ». Cette institutions publiques par leur enra- † dite communautaire accompagne un multiplication est étroitement asso- cinement dans un milieu local : ils ciée à un contexte sociopolitique en † recentrage de plusieurs programmes émanent de la communauté locale à gouvernementaux autour du terri- transformation : c’est la Révolution † laquelle les lie un sentiment d’appar- toire local, et plus particulièrement tranquille, période de rattrapage en tenance, ils sont en symbiose avec matière de régulation étatique des autour du quartier et de l’arrondisse- elle. À la limite, écriront Jacques T. dynamiques socio-économiques et ment à partir du milieu des années Godbout et Jérôme Guay, il n’y a pas axée sur la planification et la partici- 1980. Cette territorialisation renforce de différences entre celui qui donne pation. Elle est associée également à une institutionnalisation de l’action un service dit communautaire et une nouvelle approche du travail communautaire qui finira par inter- celui qui le reçoit, puisqu’ils appar- social largement inspirée du courant peller l’autonomie de cette dernière. tiennent tous les deux à la même de l’animation sociale aux États- Mais on insistera davantage sur les communauté (Godbout et Guay, Unis, formalisé par Saul Alinsky atouts et les contraintes d’une 1989). Or au Québec, contrairement (Blondin, 1967). Mais cette mou- logique de territoire à l’heure où les à ce qui se passe dans d’autres pays vance contestataire est largement associations sont de plus en plus (Blockland, 2003), cette notion de nourrie aussi par les coups de force mobilisées par des logiques de communauté n’a pas nécessairement d’une administration municipale concertation. de connotation territoriale, comme le autoritaire déterminée à moderniser On aura donc compris que les montrera ci-dessous un aperçu histo- la ville, par l’implantation d’infra- matériaux de recherche utilisés dans rique de la dynamique associative structures, notamment autoroutières, le cadre de cet article participent montréalaise. et par l’élimination des taudis, à la
LSP 52 24/02/05 12:17 Page 131 faveur d’opérations de rénovation cul politique pour dénoncer les iné- À l’élection de 1986, un nouveau urbaine visant les vieux quartiers galités sociales engendrées par le régime politique s’installe à Montréal : † industriels. Des comités de citoyens, système capitaliste ? Toujours est-il † le Rassemblement des citoyens de soutenus par des animateurs sociaux, que les actions menées ne concernent Montréal met en place une politique revendiqueront non seulement la pré- plus les quartiers (même si certaines de consultation qui vise à démocrati- servation mais aussi l’amélioration appellations demeurent), mais bien ser la gestion municipale (Hamel, de leur cadre de vie (construction de les services à la personne (Godbout 1999). Elle s’articule notamment logements sociaux, aménagement de et Collin, 1977 : 24). † autour de la création de comités- parcs, réfection d’écoles, ouverture conseils d’arrondissement (l’arrondis- de centres « communautaires ») † † La troisième période, dans cette sement couvre de trois à cinq (Favreau, 1989). Ce quasi-« syndica- histoire abrégée de l’associatif quartiers; c’est un nouveau découpage lisme du cadre de vie » (Bélanger et † montréalais, coïncide avec l’avène- territorial conçu dans une perspective Lévesque, 1987 : 255) se déploie à † ment d’un parti d’opposition sur la de décentralisation des services) et 131 l’échelle des paroisses, périmètre de scène municipale, le Rassemblement d’un bureau de consultation publique, référence des équipements collectifs des citoyens de Montréal, qui repré- qui seront par exemple mis à contribu- concernés et qui correspond à ce sente le tiers des conseillers munici- tion pour sonder l’opinion des qu’on va appeler un quartier. paux en 1974, et l’élection du Parti citoyens et des groupes organisés sur québécois sur la scène provinciale. l’élaboration du premier plan d’urba- Ces groupes de pression vont, Alors que s’achève la période des pour certains, tenter de se muer en nisme de la ville. C’est aussi dans le Trente Glorieuses, que s’amorce un milieu des années 1980 que naît, « agents de transformation de la † long et pénible processus de restruc- société », dans le sillage de la contes- autour des questions d’emploi, la pre- turation de l’économie et que s’ac- † tation étudiante de 1968 et d’un rap- mière corporation de développement cumulent, à droite comme à gauche, économique communautaire (CDEC), prochement avec le mouvement les critiques contre l’État provi- qui se construit sur un partenariat entre syndical, ce qui conduira à la créa- dence, le gouvernement du Parti organismes communautaires, organi- tion d’un parti politique de gauche québécois mise notamment sur la sations syndicales, institutions sur la scène municipale, le Front concertation et le partenariat avec publiques et milieux d’affaires d’action politique (FRAP). On passe les acteurs du mouvement syndical (Morin, 1994-1995). Les premiers donc des comités de citoyens aux et populaire, ainsi que sur une rela- financements gouvernementaux se groupes populaires, définis comme des regroupements de personnes qui tive décentralisation vers le local et transformeront bientôt en un finance- s’identifient aux classes populaires et le régional (Morin, 1998b). La com- ment tripartite accompagnant la remettent en question la société glo- binaison des exigences de démocra- reconnaissance d’une série de CDEC. bale. Le référent du quartier ou de la tie manifestées par les groupes Alors que les premières CDEC inter- paroisse est donc évacué au profit de populaires et des contraintes de réor- venaient à l’échelle des quartiers, le celui des classes populaires. Par ganisation de l’action publique va nouveau protocole de financement des ailleurs, tout en se radicalisant sur le propulser sur le devant de la scène CDEC signé au début des années 1990 plan du discours, les groupes popu- les « organismes communautaires », † † contraint ces dernières à adopter un laires se lancent dans l’offre de ser- regroupements de personnes s’iden- nouveau référent territorial, à savoir vices aux classes défavorisées dans tifiant à une « communauté d’inté- † l’arrondissement. En conséquence, les les domaines du logement, de l’ali- rêt » qui s’organisent collectivement † organismes communautaires œuvrant mentation, de la consommation, de la pour se donner des services. Il n’est dans le domaine de l’emploi et dont le garde des enfants, des soins de santé, cependant pas question de référence soutien financier passera de plus en etc. Or les comités logement, asso- au territoire du quartier. Ce n’est que plus par les CDEC devront aussi ajus- ciations coopératives d’économie vers le milieu des années 1980 que ter leurs actions au territoire de l’ar- familiale, comptoirs alimentaires, plusieurs initiatives, tant gouverne- rondissement, alors que plusieurs garderies et cliniques médicales mentales que « communautaires », † † d’entre eux se référaient à des com- populaires seront mis sur pied en vont ramener le quartier comme ter- munautés d’intérêts (jeunes, femmes, partie grâce à des financements ritoire de référence; et au quartier immigrants, etc.) plutôt qu’à des com- octroyés par l’État. Paradoxe ou cal- s’ajoutera l’arrondissement. munautés locales. Puis la ville cherche
LSP 52 24/02/05 12:17 Page 132 LIEN SOCIAL ET POLITIQUES–RIAC, 52 munautaires au sein de conseils com- signe avec la ville de Montréal une munautaires ou l’équivalent, en les entente pour confier à cette dernière la L’évolution du mouvement associatif montréalais : un retour au territoire † élargissant de manière à pouvoir gestion d’un Plan d’action visant programmé par l’État ? † inclure des organismes parapublics et l’accueil et l’intégration en français publics. Ces tables, dont la configura- des immigrants dans les quartiers. tion est variée (Maheu, 2002), vont Cette entente est une première dans la inciter de nombreux organismes mesure où elle reconnaît le rôle du communautaires à se territorialiser à municipal dans l’intégration des l’échelle du quartier alors que cer- immigrants, et c’est l’échelle du quar- tains avaient l’habitude de fonction- tier qui est retenue pour programmer ner avec des populations cibles. Par les activités d’intégration 8. † ailleurs, le nouveau maire, se faisant Voyons plus en détail comment 132 le chantre d’une ville propre, suscite ces nouvelles instances locales ins- la mise sur pied d’un nouveau type taurent une nouvelle gouvernance d’organisme à l’échelle du district à doter chaque quartier d’une table locale qui va reposer sur de nouveaux électoral 6, l’éco-quartier, doté d’une † intersectorielle de concertation dans liens entre État, organismes commu- mission de propreté, d’embellisse- le cadre du programme « Vivre nautaires et milieux d’affaires. ment et de récupération des matières † Montréal en santé ». Ce programme recyclables ancrée dans les milieux † La mise en place d’une s’inspire de l’expérience des healthy locaux. Enfin, 17 conseils de quartier gouvernance locale cities (Duhl et Handcock, 1986), qui, succèdent aux neuf comités-conseils d’une certaine façon, vise à dévelop- d’arrondissement. Le premier pas dans la création per, dans les quartiers, des expé- d’une gouvernance locale 9 (Le Galès, † riences d’évaluation des besoins et Il y a donc au niveau municipal 1995) est fait avec la création des cor- de mesure des conditions de l’envi- renforcement de l’action collective à porations de développement écono- ronnement naturel et construit (Ville l’échelon du district électoral, du mique communautaire (CDEC) à de Montréal, 1993). En d’autres quartier et de l’arrondissement. Mais partir du milieu des années 1980. Les termes, les associations sont invitées le territoire local est aussi au centre du CDEC ont pour mission l’aide à la à prendre le pouls du territoire, à s’y virage qui s’amorce avec les orga- réinsertion sur le marché du travail investir et, à terme, à mobiliser l’en- nismes ethno-culturels qui s’occupent des individus qui en sont exclus, le semble de la communauté. des personnes immigrantes. Pour se soutien aux entreprises dans le but de détacher d’une philosophie par trop maintenir et de créer des emplois, et L’objectif général poursuivi par ce multiculturaliste au nom de laquelle la mobilisation des acteurs locaux en programme est de réaliser des por- l’État soutenait les dynamiques asso- vue de mettre de l’avant des projets traits de quartier dans un contexte ciatives monoethniques, le gouverne- de développement local (Morin, participatif et, par la suite, d’en assu- ment provincial cherche à encourager 1994-1995). Ces organismes favori- rer localement le suivi et l’évaluation. des pratiques communautaires moins sent la coopération d’acteurs asso- Le programme est bientôt remplacé, différencialistes en subventionnant ciés non seulement à la société civile après l’arrivée du parti Vision davantage des organismes qui accep- (groupes communautaires et syndi- Montréal à l’Hôtel de ville, en 1994, tent de s’afficher comme multieth- cats) mais aussi au marché (gens à la fois par le programme Éco-quar- niques ou universels (Helly et al., d’affaires) et à l’État (diverses insti- tiers pour la portion environnemen- 2000). Surtout, le ministère des tutions publiques qui offrent des ser- tale et par le programme conjoint des Relations avec les citoyens et de vices locaux) (Morin, 1998a). Les tables de concertation de quartier l’Immigration repense son approche différents acteurs locaux regroupés pour la portion concertation. Ces 20 pour la prestation des services d’ac- au sein des CDEC partagent un tables intersectorielles de concerta- cueil et d’établissement et privilégie objectif commun, soit la revitalisa- tion de quartier 5 viennent, dans de † une base territoriale en instituant des tion socio-économique du territoire nombreux cas, formaliser des expé- carrefours locaux d’intégration 7. Par † local (Morin, 1995). Le cadre de vie riences plus ou moins longues de ailleurs, en 1999 le ministère provin- est alors pris en compte sous l’angle concertation entre organismes com- cial responsable de l’immigration des fonctions urbaines qu’il
LSP 52 24/02/05 12:17 Page 133 recouvre : résidentielles, indus- † des stratégies de développement éco- concertation particulièrement effi- trielles, commerciales, publiques. nomique et de repenser ainsi le déve- cace, comme en témoignent les dos- loppement local (Fontan et al., siers de développement local et Les tables intersectorielles de 2003b). En matière d’aménagement d’aménagement du cadre de vie dans concertation de quartier regroupent urbain, elles sont intervenues, soit lesquels elles sont intervenues. Mais elles aussi une diversité d’acteurs directement, notamment à l’occasion ce qui les distingue aussi lorsqu’on locaux et sont souvent assorties de des consultations publiques sur les compare leurs logiques d’action avec tables consacrées à des domaines plans d’urbanisme d’arrondissement celles des organismes communau- précis : l’aménagement, les jeunes, le † et en faisant la promotion de projets taires des périodes précédentes, c’est loisir, etc., le tout variant d’un quar- de développement industriel sur des le pragmatisme de leurs interventions. tier à l’autre. La concertation inter- terrains convoités à des fins résiden- En effet, sur des dossiers concrets de communautaire est en effet une tielles, soit indirectement, par le biais court terme, elles parviennent à mobi- opération à géométrie variable et le de leur participation à des tables liser les acteurs locaux, à faciliter les 133 programme municipal « Vivre † d’aménagement. Par exemple, dans solutions négociées et à opérer les Montréal en santé » avait cherché à † le Centre-Sud, la table d’aménage- médiations nécessaires en cas de respecter les dynamiques associa- ment animée par une professionnelle conflit. Ce pragmatisme a cependant tives locales plutôt qu’à imposer un payée par la CDEC locale (regrou- un coût. Elles opèrent en effet beau- format unique pour amadouer les pant des représentants d’organismes coup moins sur le registre des luttes tables existantes. Dans certains quar- communautaires, du milieu culturel urbaines ou sur le renouvellement des tiers, ce qui fait office de table de et du secteur commercial) est interve- visions du social. concertation (par exemple, un nue dans plusieurs dossiers urbains conseil communautaire) se définit en faisant prévaloir le point de vue de C’est le cas également des éco- exclusivement au service du déve- ses adhérents : localisation de la † quartiers, organismes d’un type nou- loppement social, alors que, dans Grande Bibliothèque, reconfiguration veau uniques au Canada 11, mis sur † d’autres quartiers, l’arrimage avec le de l’édicule d’une station de métro, pied par la ville de Montréal comme développement économique local est revitalisation d’une rue commerciale, organismes locaux d’éco-civisme plus fort. Certaines tables ne regrou- etc. (Morin et al., 2000). Quant aux (Sénécal et Saint-Laurent, 1999). Ils pent que des organismes communau- tables intersectorielles de concerta- sont lancés en 1995 afin d’accompa- taires alors que d’autres ont un tion de quartier, elles ont aussi été gner la généralisation de la cueillette membership beaucoup plus varié. impliquées dans différents dossiers sélective des matières résiduelles. Nés urbains et ce, avec un certain succès. sous les pressions des groupes envi- Ces formes de gouvernance locale ronnementaux inscrits aux niveaux Par exemple, dans le quartier Pointe- marquées par une forte présence des québécois ou montréalais, notamment Saint-Charles, la table locale s’est associations ont un impact certain sur Action Rebuts, qui milite pour le engagée dans le dossier de l’aména- le terrain en ce qui concerne notam- recyclage, les éco-quartiers sont mis gement d’un parc-école, dans celui ment le développement local et en place à l’échelle des districts élec- de la décontamination de sols et dans l’aménagement urbain. Les diverses toraux. Les associations sectorielles celui de la vocation du canal de évaluations portant sur les CDEC qui en environnement, qui militent géné- Lachine (ibid.). Bien que les petites assument depuis 1998 un mandat de ralement sur des thématiques très pré- victoires aient été nombreuses, il y a centre local de développement 10 (par cises, comme la lutte contre la tout de même eu quelques défaites, † exemple Leduc, 1994; SQDM, 1996; pollution ou la valorisation des notamment durant le deuxième man- Fauteux, 1999 et 2001) ont montré matières résiduelles, n’auront pas, dat (1998-2002) du parti Vision que ces dernières ont contribué à la sauf exception, de liens privilégiés Montréal, qui, retrouvant au conseil création d’emplois en appuyant des avec les éco-quartiers. D’ailleurs, ce municipal la majorité confortable entreprises d’économie de marché et programme tranche aussi avec les ini- qu’il avait perdue durant son premier d’économie sociale ainsi qu’à la tiatives précédentes, notamment Vivre mandat, se montra moins à l’écoute requalification pour le marché du tra- Montréal en santé, en valorisant les des organismes communautaires. vail d’individus qui en étaient exclus actions directes, suivant une liste Les CDEC ont aussi permis d’inté- Ensemble, les CDEC et les tables d’activités déterminées à l’avance, par grer des préoccupations sociales à constituent donc une matrice de la Ville. Les activités types sont les
LSP 52 24/02/05 12:17 Page 134 LIEN SOCIAL ET POLITIQUES–RIAC, 52 la Ville, sans chercher à en étendre la Mais si le réseau associatif territo- portée, ni à développer des partena- rialisé, inscrit à l’intérieur de la pro- L’évolution du mouvement associatif montréalais : un retour au territoire † riats avec les organismes communau- grammation étatique, apparaît comme programmé par l’État ? † taires. Ils ont limité leur champ un canal privilégié de régulation des d’action à l’éco-civisme et à la pro- tensions sociales et de gestion de pro- motion du recyclage. Dans un arron- blèmes locaux, on peut se demander si dissement péricentral, où la vie l’institutionnalisation qui en est le associative de type communautaire corollaire ne vient pas mettre en péril est plus dense, les organismes ont plu- l’autonomie du secteur associatif, et tôt cherché à étendre la portée de leurs donc sa capacité à monter au front en interventions, et pas seulement dans matière de défense collective des le domaine de l’environnement, mais droits. C’est bien ce qu’ont compris 134 aussi en répondant à des appels les organismes communautaires qui d’offres pour la lutte contre la pau- ont négocié avec le gouvernement vreté, pour la sécurité alimentaire ou provincial une politique de soutien à corvées de ruelle ou le fleurissement pour l’intégration des nouveaux l’action communautaire dite auto- de rues. Les résidants immédiats du immigrants. Ces organismes ont cher- nome 12. Cette politique a été adoptée lieu de la corvée sont appelés à parti- † ché davantage à s’inscrire dans les en 2001 et doit être évaluée. L’analyse ciper de manière bénévole. L’appel réseaux associatifs locaux dans une de cette politique pourrait faire l’objet d’offres lancé par la Ville pose logique d’empowerment local. d’un article en soi, car la définition comme condition d’admissibilité que l’organisme soit sans but lucratif et même de l’action communautaire Nos analyses montrent donc que impliqué dans le milieu, mais aucune autonome laisse entrevoir les contra- ces éco-quartiers (et ceux étudiés obligation n’est faite de participer aux dictions inhérentes à l’encadrement ultérieurement) ont davantage œuvré réseaux de concertation de quartier gouvernemental de l’action associa- sur les questions de recyclage et de voire d’établir des partenariats avec tive revendicatrice (ou dite de défense propreté que sur les questions envi- d’autres organismes communautaires. collective des droits). Qu’il suffise ici ronnementales plus larges et de La Ville privilégie ainsi la communi- de noter que si les associations ont développement durable. Par contre, cation directe avec le citoyen, sans développé une expertise désormais certains d’entre eux ont réussi à se intermédiaire ni obligation de déve- faire une place dans les dynamiques incontournable au chapitre du cadre de lopper une référence au quartier. Les communautaires locales, encore vie et du développement local, elles se éco-quartiers s’acquittent fort bien de qu’ils suscitent à l’occasion les sont aussi professionnalisées. Les ce mandat limité, à faible portée envi- méfiances des organismes lorsqu’ils postes de direction, de coordination ou ronnementale, à faible incidence sur s’aventurent à l’extérieur du champ d’agent de développement sont de l’empowerment collectif. La subven- de l’environnement pour rivaliser plus en plus occupés par des per- tion de base est de 50 000 dollars par avec des organismes spécialisés dans sonnes engagées pour leurs compé- district électoral et elle peut être dou- les domaines visés mais pouvant tences et leur expérience plus que pour blée voire triplée pour tout organisme bénéficier d’une logistique moindre. leur engagement militant. On chargé de deux ou trois districts. Les Enfin, plusieurs éco-quartiers sont s’éloigne donc des fonctions purement éco-quartiers peuvent ainsi bénéficier parvenus à déjouer le choix d’une revendicatives qui ont été à l’origine d’un budget de fonctionnement suffi- échelle spatiale peu commune, le de bien des associations. sant pour s’affranchir du mandat district électoral, et à interagir à Les atouts et les contraintes étroit et envisager d’élargir leur l’échelle du quartier, en accaparant la d’une logique de territoire champ d’action. Dans deux arrondis- subvention de deux ou trois districts. sements étudiés, il se dégage en effet Récemment, le redécoupage de la À première vue, c’est bien autour deux modèles d’éco-quartiers. Dans carte électorale de l’ancienne ville de du territoire local que s’organise la un arrondissement du nord de Montréal a permis de constituer des concertation de l’action communau- Montréal, les organismes mandatés districts élargis, donnant ainsi une taire, mais un territoire local à géo- par la Ville ont poursuivi sans relâche portée territoriale accrue aux éco- métrie variable. Ainsi, l’échelle la réalisation des activités prévues par quartiers qui y travaillent. d’intervention des CDEC ne corres-
LSP 52 24/02/05 12:17 Page 135 pond guère à celle des tables de les immigrants qui composent la éviter l’« émigration » des popula- † concertation, puisqu’il s’agit de l’ar- majorité du personnel de ces orga- tions qui sont en fait leur clientèle ? † rondissement pour les premières, du nismes. Ce faisant, la concertation L’exaltation du sentiment d’apparte- quartier pour les secondes. Quant communautaire de quartier renforce nance relève de la même stratégie de aux éco-quartiers, en dépit de leur le clivage qui existe depuis toujours fixation… et d’allégeance à ceux qui nom, ils fonctionnent à une échelle dans les milieux communautaires représentent le quartier. encore plus petite, le district électo- entre les associations ethnocultu- Sans nier l’existence d’un senti- ral. Ces décalages spatiaux induisent relles et celles de la majorité (ou ment d’appartenance, il faut recon- d’ailleurs certaines frictions, lorsque mainstream). Il faut dire que ces der- naître que la réalité de nombreux par exemple les quartiers regroupés nières redoutent particulièrement de quartiers s’est fortement complexi- dans une CDEC sont par trop diffé- voir les premières introduire dans la fiée, révélant parfois de forts rents, ou lorsque la tâche de concer- dynamique des tables le point de vue contrastes entre groupes de popula- tation devient lourde et complexe de communautés culturelles spéci- 135 tion et par extension entre les besoins quand les territoires ne se superpo- fiques (Germain et Sweeney, 2001). qu’ils commandent. Quoi de commun sent pas. Dans tous les cas on a Pour les tables de concertation, le entre les populations homosexuelles cependant bien à faire à une logique territoire est un atout, la base d’une et les familles pauvres dans Centre- de territoire : c’est sur cette base † solidarité intersectorielle. C’est la Sud ? Quoi de commun entre les habi- qu’on définit les solidarités, qu’on † condition du dialogue entre les sec- tants enracinés dans un quartier et les établit des objectifs communs, c’est teurs publics, privés et communau- nombreux usagers qui y passent pour sur un territoire que l’on construit taires. Cette solidarité confère à son travailler, consommer, flâner ? L’État une matrice de confiance qui traverse † tour une existence au territoire du serait-il en train de traiter les quartiers les secteurs d’intervention et les quartier. Des morceaux de territoire comme des communautés respon- types d’organismes. Mais un second comme le Centre-Sud ou le Sud- sables de leurs membres et les orga- regard révèle les contraintes asso- Ouest ont pu construire une image nismes communautaires comme les ciées à ce genre de logique. publique et fédératrice en tirant parti opérateurs de ces communautés ? † La concurrence à laquelle plu- de cette dynamique. Mais la fluctua- Mais les organismes fonctionnent sieurs éco-quartiers se sont livrés tion dans les appellations révèle aussi selon une logique réticulaire qui pour obtenir des mandats sur plu- aussi un opportunisme qui profite ne coïncide pas avec celle du terri- sieurs districts témoignait de l’inadé- d’une réalité ambiguë. Ainsi, le Sud- toire. Les CDEC ont créé une Inter- quation du choix de leur emprise Ouest apparaît comme un territoire CDEC pour être plus fortes face à territoriale initiale. Par ailleurs, plu- homogène alors que tout sépare l’État. Le réseau des éco-quartiers sieurs organismes communautaires notamment la Petite-Bourgogne (for- voulait s’unir face à la Ville décrite, n’hésitent pas à offrir des services à tement multiethnique et stigmatisée par certains, comme coupée de la des résidants d’autres quartiers que par des problèmes raciaux) et Pointe- base et autocratique. Les tables inter- le leur. Enfin, les organismes qui Saint-Charles (bilingue mais majori- sectorielles de concertation de quar- s’occupent des personnes immi- tairement blanche). tier se sont également regroupées afin grantes ont souvent des « clientèles » de défendre des positions communes, † † qui sont de plus en plus dispersées La logique de territoire a aussi ses notamment face aux modalités d’éva- sur plusieurs quartiers. Il leur est effets pervers, dont celui de la tenta- luation que leurs bailleurs de fonds donc difficile de participer aux ins- tion de rendre captif. Le non-enraci- voulaient leur imposer. Si l’offre de tances de concertation communau- nement de certaines catégories services suppose une territorialisation taire dans plusieurs quartiers, et ce d’habitants, leur mobilité peut déran- de leur action, les missions davantage d’autant plus que plusieurs orga- ger les stratégies de fixation des revendicatives, voire politiques exi- nismes ethnoculturels sont relative- populations sur un territoire. Si la gent qu’ils s’en affranchissent, ment modestes et ne peuvent pas mixité travail-habitat est un principe comme l’ont noté Ion et Ravon dans compter sur de nombreux perma- ardemment défendu par certains le contexte français (1998). nents. Notre enquête a aussi montré organismes, c’est bien sûr pour ses que la « culture de concertation » † † vertus pour la revitalisation des quar- Le territoire peut devenir une res- n’est pas universelle et désarçonne tiers. Mais n’est-ce pas aussi pour source politique redoutable. Les
LSP 52 24/02/05 12:17 Page 136 LIEN SOCIAL ET POLITIQUES–RIAC, 52 se « délocaliser » pour formuler des † † communautaire ne sont pas fré- enjeux de société. Au total, le secteur quentes dans les anciennes banlieues L’évolution du mouvement associatif montréalais : un retour au territoire † communautaire s’avèrerait éminem- au chapitre de l’aménagement urbain. programmé par l’État ? † ment post-moderne : il pratiquerait le † Ensuite, les réformes municipales « je, ici, maintenant » plutôt que le † † engagées induisent déjà des dyna- « nous, dans le monde, demain ». † † miques multi-échelles de reposition- Par ailleurs, on ne peut conclure nement des acteurs politiques comme cette analyse sans évoquer le fait de la société civile. Car on n’a pas seu- que, dans le sillage des fusions muni- lement fusionné toutes les municipali- cipales décrétées par le gouverne- tés de l’île pour en faire une seule ment du Québec au début des années municipalité. Le gouvernement a aussi 136 2000, ou plus exactement de la mis sur pied une Communauté métro- reconfiguration des institutions politaine de Montréal couvrant la municipales, une nouvelle donne région, et une décentralisation est tables de concertation de quartier semble se jouer même s’il est bien venue conférer des pouvoirs significa- tendent à être reconnues par les difficile d’en prédire l’impact sur les tifs aux arrondissements de l’ancienne acteurs publics comme des interlocu- dynamiques décrites jusqu’à présent. ville de Montréal (y compris la créa- teurs qui représentent le quartier et tion de mairies d’arrondissement) en ses besoins, comme si le quartier Tout d’abord, la fusion de toutes plus de créer de nouveaux arrondisse- parlait alors d’une seule voix. Cette les municipalités de l’île de Montréal ments correspondant aux anciennes reconnaissance tant souhaitée par les vient accentuer des traditions diffé- banlieues. Il est aussi question de créer groupes communautaires est parfois renciées au chapitre de la vie associa- un conseil d’agglomération puisque reçue avec réticence par les orga- tive. En effet, ce modèle de certaines anciennes banlieues ont nismes de concertation qui représen- concertation établi dans les quartiers décidé de défusionner. Cette nouvelle tent leurs membres mais non péricentraux de Montréal est surtout architecture municipale va, au moins l’ensemble du quartier (Germain et propre aux anciens quartiers indus- pour un temps, canaliser les énergies Sweeney, 2001). On touche ici aux triels de la ville centrale. Certes, des politiques sur la négociation des dilemmes de la démocratie de parti- expériences plus ou moins similaires niveaux où seront traités les différents cipation : où finit la participation, où † existent à Verdun ou à Lachine depuis dossiers. Cela aura-t-il un impact sur commence la représentation ? † un certain temps. D’autres débutent à les stratégies des associations ? Dans † Montréal-Nord ou à Saint-Laurent. un sens, on pourrait penser que les Des territoires ou des niveaux ? † Mais il reste une sorte de clivage cul- niveaux vont remplacer, momentané- Au total, si l’on tente d’apprécier turel entre les pratiques des quartiers ment, les territoires dans la structura- les effets de la territorialisation des de l’ancienne ville de Montréal et tion des dynamiques associatives. organismes communautaires, on celles des arrondissements de l’an- Mais il est encore trop tôt pour évaluer notera qu’elle a induit un certain cienne banlieue. Une recension des les effets réels que ces restructurations pragmatisme lié au fait de traiter de pratiques communautaires et locales municipales auront sur le référent ter- problèmes locaux concrets. Mais de revitalisation urbaine et sociale sur ritorial dans les dynamiques associa- cette territorialisation peut comporter le territoire de l’île de Montréal a jus- tives. À suivre donc ! † deux pièges. Dans la mesure où elle tement mis en évidence l’absence de incite les organismes communau- mouvement associatif autonome pour Annick Germain taires à promouvoir la défense du ter- tout ce qui touche les questions INRS-Urbanisation, Culture et société ritoire local, elle peut conduire, avec d’aménagement ou d’environnement Richard Morin le temps, au développement d’une urbains dans la plupart des anciennes Département d’études urbaines et identité de repli, ou si l’on veut à une banlieues de l’île (Sénécal, Germain touristiques forme de localisme. D’un autre côté, et Bénard, 2002). Dans ces dernières, Université du Québec à Montréal les organismes sont accaparés par des le rôle des municipalités était par problèmes locaux en nombre crois- contre décisif. Dans la même veine, Gilles Sénécal sant et ont en corollaire bien du mal à les pratiques de concertation inter- INRS-Urbanisation, Culture et société
LSP 52 24/02/05 12:17 Page 137 une démarche qui lui permettra de s’ap- Notes proprier les réseaux de sociabilité de son Bibliographie quartier, le réseau des services publics 1 Annick Germain, Richard Morin et gouvernementaux et municipaux et les BÉLANGER, Paul R., et Benoît Gilles Sénécal, L’évolution récente du réseaux scolaires ». Extrait de l’allocu- † LÉVESQUE. 1987. « Le mouvement † mouvement associatif montréalais : un† tion de Robert Perreault, ministre des social au Québec : continuité et rupture † retour au territoire programmé, un prag- Relations avec les citoyens et de (1960-1985) », dans P. R. BÉLANGER, † matisme renouvelé, Rapport, Secrétariat l’Immigration, 1er novembre 1999. B. LÉVESQUE, R. MATHIEU et F. Urbanisme, construction et architecture, MINDY, dir. Animation et culture en Ministère des Équipements, des 8 On peut sans doute établir un lien entre mouvement. Fin ou début d’une Transports et du Logement (France), ce virage territorial et une vaste étude époque ? Sillery, Presses de l’Université † INRS-Urbanisation, 2000, 30 p. financée par le ministère et la ville du Québec : 253-266. † quelques années auparavant, sur la coha- 2 Dans le cas des éco-quartiers, la plupart bitation interethnique et la vie de quar- BLOCKLAND, Talja. 2003. Urban Bounds. des arrondissements ont été couverts par tier (Germain et al., 1995). Cette étude Social Relationships in an Inner City des études ultérieures. Neighbourhood. Cambridge, Cambridge 137 montrait l’importance de la vie associa- tive dans les quartiers multiethniques et Polity Press. 3 Cette étude, commandée par la Ville de la cohabitation somme toute relative- Montréal, examinait d’une part la pré- BLONDIN, Michel. 1967. « Notes sur † sence des associations ethnoculturelles ment pacifique qui prévalait dans les l’animation sociale en milieu urbain », † sur les 20 tables de concertation intersec- lieux publics. Les cahiers de L’ICEA, 4-5 : 51-71. † torielle de quartier, et analysait d’autre 9 Le Galès, pour mémoire, définit la gou- part en profondeur la participation (y DULH, Leonard, et Trevor HANDCOCK. vernance locale comme « capacité à † 1986. Promoting Health in the Urban compris l’absence de participation) au intégrer, à donner forme aux intérêts conseil communautaire des associations Context, « Healthy Cities Paper » No. 1. † † locaux, aux organisations, groupes Genève, Organisation mondiale de la ethnoculturelles dans un quartier donné sociaux » (Le Galès, 1995 : 90). † † santé. (Germain et Sweeney, 2001). 10 Les centres locaux de développement FAUTEUX, Martial. 2001. Les centres 4 Ce projet de recherche financé par le (CLD) ont été créés par le gouverne- locaux de développement (CLD) de l’île CRSH a débuté en 1998 pour se termi- ment du Québec en 1998 et couvrent de Montréal et de Laval. Bilan triennal ner en 2003 et a été mené sous la res- l’ensemble du territoire québécois. 1998-2001. Québec, Ministère des ponsabilité de Richard Morin et la coresponsabilité de Jean-Marc Fontan, Affaires municipales et de la Métropole, 11 Le programme Éco-quartier est sans Pierre Hamel et Eric Shragge. Pour une Sous-ministériat au développement et pareil au Canada, dans la mesure où la synthèse des résultats concernant aux projets de la Métropole, Direction municipalité délègue à une association Montréal, voir Fontan et al., 2003a. du développement local et régional. autonome des fonctions habituellement 5 Ces tables, qui couvrent 20 des 24 quar- réservées à sa fonction publique, dont la FAUTEUX, Martial. 1999. Rapport d’acti- tiers de Montréal, seront financées distribution des bacs de recyclage. vité 1998-1999. Centre local de déve- conjointement par la ville, Centraide (un Certains commentateurs y verront une loppement (CLD) de Montréal. Québec, organisme qui centralise les dons de forme de sous-traitance communautaire. Ministère des Affaires municipales et de charité et les redistribue, notamment, à la Métropole. 12 Cette politique distingue l’action com- des organismes communautaires) et le munautaire au sens large (pour être FAVREAU, Louis. 1989. Mouvement popu- Gouvernement provincial (Régie régio- laire et intervention communautaire de reconnu comme tel, un organisme com- nale de la santé et des services sociaux 1960 à nos jours. Continuités et rup- munautaire doit avoir un statut d’orga- de Montréal Centre). tures. Montréal, Le Centre de formation nisme à but non lucratif, démontrer un 6 Le district électoral couvre un territoire enracinement dans la communauté, populaire et Les Éditions du Fleuve. généralement plus petit que celui du entretenir une vie associative dans la communauté, être libre de déterminer sa FONTAN, Jean-Marc, Pierre HAMEL, quartier, faisant en sorte qu’une associa- Richard MORIN et Eric SHRAGGE. tion doit gérer deux, parfois trois dis- mission, ses orientations, ses approches, 2003a. « The institutionalization of the ses pratiques) et l’action communautaire † tricts pour agir sur l’ensemble du Montreal’s CDECs : From grass roots autonome (l’organisme doit aussi avoir † quartier. En de rares exceptions, comme organizations to the state apparatus ? », † † dans Saint-Henri et Saint-Jacques, le été constitué à l’initiative des gens de la Canadian Journal of Urban Research/ district électoral regroupe deux ou trois communauté, et poursuivre une mission Revue canadienne de recherches urbaines, quartiers différents. sociale propre à l’organisme et qui favo- 12, 1 : 58-76. † rise la transformation sociale). Bien que 7 Le ministre déclare que « Toute la straté- † centrale, la notion de communauté reste FONTAN, Jean-Marc, Pierre HAMEL, gie d’intégration passera désormais par vague, tout particulièrement lorsque Richard MORIN et Eric SHRAGGE. la nécessité d’inscrire l’immigrant dans 2003b. « Repenser le développement appliquée au champ de l’immigration. †
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