La lettre DU MÉDECIN VASCULAIRE - SFMV
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JUIN 2020 - N°51 La lettre DU MÉDECIN VASCULAIRE COVID-19 : MTEV, ATTEINTES MICROCIRCULATOIRES DOSSIER FMC : SITUATIONS PARTICULIÈRES EN SCLÉROTHERAPIE MÉDECINE CONNECTÉE MÉDECINE & ARTS : VAN GOGH Société Française de Médecine Vasculaire La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 -1
LA LETTRE DU MÉDECIN VASCULAIRE LA LETTRE DU MÉDECIN VASCULAIRE EST LE JOURNAL D’INFORMATION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE MÉDECINE VASCULAIRE DESTINÉ À SES MEMBRES, ET COMPLÈTE LE VECTEUR WEB DE LA SFMV (www.portailvasculaire.fr). LA REVUE CONTIENT 4 PARTIES 1. La première traite des actualités de la SFMV 2. La seconde partie est orientée FMC : recommandation commentée, et/ou un dossier FMC 3. La troisième est une veille bibliographique, à partir d’analyses bibliographiques commentées sur des thématiques majeures. 4. La quatrième est axée sur la pratique du médecin vasculaire ORGANISATION Rédacteur en chef : Christophe BONNIN Comité de Rédaction : Joël CONSTANS (Bordeaux), Michel DADON (Paris), Anne-Sophie DEBUSE (Lille), Ileana DESORMAIS (Limoges), Antoine DIARD (Langoiran), Michel FESOLOWICZ (La Rochelle), Pascal GIORDANA (Nice), Romain JACQUET (Reims), Christine JURUS (Villeurbanne), Jean-Pierre LAROCHE (Avignon), Gilles MISEREY (Rambouillet), Gilles PERNOD (Grenoble), Jean-Noël POGGI (Toulon), Christophe SEINTURIER (Grenoble) Comité Scientifique : Marie-Thérèse BARRELLIER (Caen), Luc BRESSOLLETTE (Brest), Dominique BRISOT (Clapier), Alessandra BURA-RIVIERE (Toulouse), Patrick CARPENTIER (Grenoble), Claudine HAMEL-DESNOS (Caen), Philippe LACROIX (Limoges), Pierre OUVRY (St Aubin sur Scie), Isabelle QUERE (Montpellier), Marie-Antoinette SEVESTRE-PIETRI (Amiens), Stéphane ZUILY (Nancy) Graphisme : Jérôme DURAND (jrmedurand@gmail.com), crédit photo : Istock CHARTE DE LA REVUE Séparation entre l’information (sélection et relecture par le comité de rédaction) et les articles scientifiques ou didactiques (sélection et relecture par les comités scientifique et de rédaction). Existence d’une bibliographie référencée dans les articles le nécessitant : résumé, implications pour la pratique et QCM dans les rubriques FMC et analyses bibliographiques. Identification de toute promotion de médicaments et de matériels y compris en ce qui concerne les rédactionnels, ne devant pas interrompre la continuité des articles. Identification et mention des conflits d’intérêts des auteurs ou rédacteurs. NOUS CONTACTER contact-lmv@sfmv.fr, pub-lmv@sfmv.fr, redaction-lmv@sfmv.fr www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020
Éditorial NUMÉRO 51 Christine JURUS (cjurus.sfmv3@gmail.com) La période que nous venons de traverser a été pour le MV, ce diplôme (de reconnaissance ordinale) constitue moins inédite, et totalement imprévisible, tant par son une formation complémentaire pour tous les médecins déclenchement initial, brutal, que par l’évolution à en vasculaires qui souhaitent optimiser leurs compétences attendre. en phlébologie. Les internes et tous les jeunes sont évidemment les bienvenus ! Au sein de la SFMV, pour nous les médecins vasculaires, comme pour toutes les spécialités, nous en avons géré Cette année 2020 signe aussi la fin de la mandature les conséquences inéluctables : annulation des réunions pour l’équipe en place : les élections sont en cours et le et ateliers lors du congrès du Collège Français de passage de relais se fera lors de la réunion du nouveau Pathologie Vasculaire à Paris en mars, annulation de conseil d’administration à Bordeaux ; de façon anticipée, nos journées pratiques lors du Printemps de Médecine nous leur souhaitons la bienvenue, et nous sommes Vasculaire à Marseille en mai, et intenses réflexions pour heureux de cette transmission pour 3 ans d’une nouvelle l’organisation de notre congrès national prévu à Bordeaux aventure, et de nouvelles pages à écrire ! en septembre prochain. Sans aucun doute cette crise sanitaire sans précédent Nous sommes heureux de vous annoncer que, à l’heure a bouleversé nos sociétés et nos modes de vie ; mais où seront publiées ces lignes, nous avons pris la décision nous avons une communauté de destin et de projets de maintenir cet évènement. Bien évidemment, la professionnels, ainsi qu’un humanisme à partager sans situation peut être amenée à évoluer, en adéquation réserve. avec les contraintes gouvernementales et la gestion sanitaire du moment ; mais restons optimistes, nous Mutualisons notre capacité à travailler ensemble, sommes certains de nous retrouver nombreux lors de ce partageons nos compétences, nos expériences et nos congrès, qui sera comme à l’accoutumée un temps fort forces pour chaque jour progresser dans notre quotidien de notre société pour nous retrouver et échanger ; et de soignants, nous qui avons été applaudis et érigés en cette année plus que jamais, le mot résilience prendra héros lorsque nous ne faisions que notre métier. ici tout son sens. De tout cœur, j’espère que nous nous retrouverons Parallèlement à cette actualité « mono-thématique », nombreux à Bordeaux en septembre, heureux d’être au sein de la SFMV, les projets poursuivent leur route : ensemble, mus par tout ce qui nous unit et nous rend ainsi le DIU de Techniques avancées en Phlébologie » plus forts. a vu le jour, grâce à l’énergie de nos enseignants en médecine vasculaire ; loin de se substituer au DES de Forza SFMV ! La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 - 03
RÉDUIRE LE TEMPS DE CICATRISATION PRENEZ DÈS LE DÉBUT LE CHEMIN DE LA CICATRISATION AVEC ! Patients porteurs d’ulcère de jambe veineux • Le système multitype qui garantit une compression continue et fiable.(1,2) • Efficacité accrue quand le patient est pris en charge rapidement avec UrgoK2.(3) (1) European Wound Management Association (EWMA). Management of Patients With Venous Leg Ulcers: Challenges and Current Best Practice (multicomponent system). J Wound Care. 2016 Jun; 25 Suppl 6:S1-S67. (2) Jünger et al. Comparison of interface pressures of three compression bandaging systems used on healhy volunteers. J Wound Care (2009) 18(11): 474-80. • (3) Observatoire National des Plaies et Cicatrisations (Nurstrial®) - Etude de l’Efficacité des bandes UrgoK2® dans le traitement des ulcères veineux et évaluation de l’apport d’un programme de promotion des bonnes pratiques d’utilisation” – 2018. UrgoK2 et UrgoK2 Latex Free. Systèmes de compression multicouche bi-bandes étalonnées / compression forte. Traitement de l’ulcère veineux de jambe, de l’oedème d’origine veineuse et du lymphoedème, justifiant d’une compression forte. Contre-indications : • Présence d’une pathologie artérielle (ulcères artériels ou à forte composante artérielle ; arthériopathie avérée ou suspectée) • Indice de pression systolique (IPS) < 0,8 • Patients sourant de microangiopathie liée au diabète, de phlegmatiawww.portailvasculaire.fr La Lettred’origine coeruleadolens (phlébite bleue douloureuse avec compression artérielle), de thrombose septique • Ulcération du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 infectieuse • Allergie à l’un des constituants - en particulier le latex pour le kit contenant du latex. Intégralement remboursable LPPR (Séc. Soc. 60% + Mutuelle 40%) dans le traitement de l’ulcère de jambe d’origine veineuse (IPS ≥ 0,8). Dispositif Médical de classe I. Lire attentivement la notice avant utilisation. Laboratoires Urgo – 02.2020.
Sommaire NUMÉRO 51 P.65 LES ACTUALITÉS RIVAROXABAN DANS L’AOMI REVASCULARISÉE : L’ÉTUDE VOYAGER PAD C. Le Hello P.08 P.67 ATTEINTES MICROCIRCULATOIRES CUTANÉES MALADIE THROMBO-EMBOLIQUE VEINEUSE ET COVID-19 ET COVID-19 S. Blaise, C. Le Hello, M.A. Pistorius L. Khider, S. Soudet, G. Goudot, JP. Laroche, T. Mirault. CJMV P.12 L’ÉPIDÉMIE COVID-19 AUX HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG (HUS), FOCUS SUR LA MALADIE VEINEUSE THROMBOEMBOLIQUE D. Stephan, M. Cordeanu, C. Mirea, G. Salier, MÉDECIN M. Heitz, H. Lambach, M. Pianezze, A.S. Frantz VASCULAIRE P.74 LA MÉDECINE CONNECTÉE FORMATION M. Nou-Howaldt, S. Mestre-Godin MÉDICALE CONTINUE P.80 ABÉCÉDAIRE DE L’ASPIRINE : LE COUTEAU SUISSE DE LA MÉDECINE P.22 JP. Laroche SCLÉROTHÉRAPIE ET SITUATIONS PARTICULIÈRES P.86 L. Moraglia LA MÉDECINE À TRAVERS LES ARTS FOLIE ET CRÉATION ARTISTIQUE : VINCENT VAN GOGH ENCORE ET TOUJOURS R. Jacquet P.94 FICHE RECOS. SVS/ESCM/WFVS. PRISE BIBLIOGRAPHIE EN CHARGE DE L’ISCHÉMIE CHRONIQUE MENAÇANTE DES MEMBRES INFÉRIEURS. Comité recommandations P.55 EFFET DU MODE DE VIE SUR L’ESPÉRANCE DE VIE SANS CANCER, MALADIE CARDIO- VASCULAIRE NI DIABÈTE D. Stephan P.58 ÉLABORATION D’UN SCORE DU HALO DANS LA MALADIE DE TAKAYASU : ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DIAGNOSTIQUE ET CORRÉLATION AVEC L’ISCHÉMIE OCULAIRE P. Giordana La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 - 05
ELIQUIS, parce que l’efficacité est importante et la tolérance aussi. ELIQUIS® est un traitement de 1ère intention dans ces indications 1 : Prévention de l’accident vasculaire cérébral (AVC) et de l’embolie systémique chez les patients adultes atteints de fibrillation atriale non valvulaire (FANV) et présentant un ou plusieurs facteur(s) de risque tels que : antécédent d’AVC ou d’accident ischémique transitoire (AIT) ; âge ⩾ 75 ans ; hypertension artérielle ; diabète ; insuffisance cardiaque symptomatique (classe NYHA ⩾ II) 2. Traitement de la thrombose veineuse profonde (TVP) et de l’embolie pulmonaire (EP), et prévention de la récidive de TVP et d’EP chez l’adulte (voir rubrique Mises en garde spéciales et précautions d’emploi pour les patients ayant une EP hémodynamiquement instable) 2. ELIQUIS® fait l’objet d’un plan de réduction des risques relatifs aux hémorragies com- Pour une information complète prenant un guide de prescription destiné aux professionnels de santé que nous vous recom- sur le médicament, consultez le Résumé mandons de consulter au moment de la prescription. Nous vous recommandons également des Caractéristiques du Produit sur la base de données publique du d'inciter vos patients à récupérer la carte de surveillance insérée dans les boites d'ELIQUIS®. médicament directement sur le site Liste I ; Remboursement Sécurité Sociale à 65 % ; Agréé aux collectivités. internet : http://base-donnees-publique. medicaments.gouv.fr/ 1. Avis de la Commission de la Transparence ELIQUIS®. HAS janvier 2018. ou en flashant ce QR code. 2. Résumé des Caractéristiques du Produit ELIQUIS® (apixaban). 432FR2000313 - 01- PR - Avril 2020 – PP-ELI-FRA-0310 – Visa Nº 19/04/61902218/PM/007 – Pfizer, Société par actions simplifiée au capital de 47.570 €. Siège social 23-25 avenue du Docteur Lannelongue – 75 014 Paris – 433 623 550 RCS Paris – Locataire-gérant de Pfizer Holding France. Tous droits réservés. www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 Bristol-Myers Squibb SARL au capital de 33 724 848 euros – RCS 562 011 742 Nanterre.
Les Actualités NUMÉRO 51 P.08 ATTEINTES MICROCIRCULATOIRES CUTANÉES ET COVID-19 S. Blaise, C. Le Hello, M.A. Pistorius P.12 L’ÉPIDÉMIE COVID-19 AUX HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG (HUS), FOCUS SUR LA MALADIE VEINEUSE THROMBOEMBOLIQUE D. Stephan, M. Cordeanu, C. Mirea, G. Salier, M. Heitz, H. Lambach, M. Pianezze, A.S. Frantz La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 - 07
Atteintes microcirculatoires cutanées et COVID-19 Sophie BLAISE1 (SBlaise@chu-grenoble.fr), Claire LE HELLO2, Marc Antoine PISTORIUS3 pour la Société Française de Microcirculation. Correspondance : Sophie BLAISE (SBlaise@chu-grenoble.fr) MOTS CLEFS : 0,2 % dans une cohorte de patients chinois à 20,4 % microcirculation, engelure, livedo, COVID-19. dans une étude transversale en Italie (8). Les premiers résultats publiés concernant la série rétrospective française rapportent 14 patients au total avec une atteinte confirmée du COVID par prélèvement nasopharyngé Nous sommes encore très loin de connaître l’ensemble par PCR. Les lésions dermatologiques commençaient des atteintes du COVID-19. Nul doute que les quelques jours après les signes généraux et comportaient : vaisseaux sont largement impliqués et impactés dans 4 exanthèmes, 2 éruptions varicelleuses, une urticaire au la physiopathologie de ce nouveau virus qui sévit froid, une éruption avec macules violacées “porcelain- depuis février 2020 en France et quelques mois avant like”, un livedo, un purpura non nécrotique et un autre dans d’autres pays d’Europe. C’est bien entendu en nécrotique, un tableau d’engelures associées à un Chine que l’histoire a débuté, mais l’impact de ce phénomène de Raynaud, un tableau d’engelures et une virus en termes de morbidité et de mortalité n’avait angiomatose éruptive (9). Si les tableaux d’engelures semble-t-il pas vraiment laissé place à la question de cette série avaient des similarités avec les tableaux des vaisseaux, puisque ce n’est que plus tardivement d’interféronopathies de type 1 tel le syndrome d’Aicardi- que les atteintes microcirculatoires ont été déclarées. Goutières, une quarantaine de patients était colligée Le mécanisme physiopathologique prioritairement avec des lésions d’engelures inhabituelles et PCR évoqué initialement était un état inflammatoire avec négatives ou non réalisées malgré un environnement dysrégulation auto-immune. Depuis, les atteintes contact COVID + probable. La plupart des tableaux macrocirculatoires au niveau veineux puis artériel sont était donc non compliquée, chez des sujets jeunes apparues et dans un deuxième temps la question de sans antécédent d’engelure, parfois avec un contexte l’atteinte microcirculatoire. d’engelures concomitantes chez plusieurs membres de la même famille. D’autres publications issues d’auteurs C’est ainsi qu’une alerte a été lancée mi-avril par la étrangers décrivent ce tableau d’“engelure-COVID” mais Société Française de Dermatologie sur la possibilité hélas avec bien souvent, dans un contexte de pénurie de d’un lien entre la survenue de pseudo-engelures et le réactifs pour les prélèvements, une absence de test par COVID-19. Les atteintes dermatologiques du COVID-19 PCR ou de sérologies (7, 9-12). Une série pédiatrique ont été peu à peu décrites dans la littérature (1-7). La de 16 patients est bien documentée rapportant des prévalence des signes cutanés au cours des infections formes cliniques sans signe de gravité avec prurit et au COVID-19 apparaît très variable selon les études : de douleur modérée (11). www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020
Un autre tableau clinique pourrait concerner les patients ayant des antécédents d’engelures et une réactivation de poussées d’engelures sans autre facteur déclenchant retrouvé. Dans la série Skin COVID de la Société Française de Dermatologie, 17 patients parmi les 84 patients avec des signes cliniques « engelure-COVID » auraient soit des antécédents d’engelures soit des antécédents de phénomène de Raynaud (9). Le fait qu’un grand nombre de cas de tableau d’engelures potentiellement liées au COVID-19 survienne chez des patients avec prélèvement nasopharyngé par PCR négatif pourrait être lié au grand nombre de faux négatifs. Il pourrait évoquer le fait que l’apparition de ces engelures puisse être liée à un facteur confondant, comme un effet indirect du confinement par exemple. Une autre hypothèse serait que le tableau « engelure-COVID » soit un tableau clinique d’une forme pauci-symptomatique (sans expression virale au niveau pharyngé) ou une présentation vasculaire chez des patients avec une réponse immunitaire anti-virale particulière (9). La description de plusieurs cas d’autres atteintes micro- circulatoires à type de livedo plaide en faveur d’une imputabilité assez forte avec le COVID-19 (13). La physiopathologie avancée actuellement pour expliquer la prédominance des atteintes vasculaires est encore mal comprise. Une des hypothèses serait l’état d’hypercoagulabilité des patients avec atteintes sévères respiratoires du COVID-19, hypercoagulabilité constatée biologiquement avec des taux de D-dimères augmentés (11-12), mais également cliniquement par le taux élevé d’évènements thrombo-emboliques (14). Si certains patients ont été décrits comme présentant des formes d’engelures sévères avec orteils cyaniques, décollement bulleux voire une évolution vers une gangrène avec l’association de coagulation intravasculaire disséminée (15), d’autres mécanismes pourraient être évoqués comme : la présence d’une dysimmunité avec dans certains cas un syndrome des anticorps anti- phospholipides (16), mais également des mécanismes vascularitiques ou des micro-thromboses vasculaires. L’histologie, dans les cas où elle a été faite, montre des signes d’engelure ou de lupus-engelure (9-12). Des aspects de vascularites ou de micro-thrombi associés ont été parfois décrits (11-12). D’autres virus tel que le virus influenza ont déjà été associés à des ischémies digitales, probablement via des mécanismes immunologiques et des activations pro-thrombotiques (17). Le tropisme particulier vasculaire du COVID 19 serait lié au récepteur de l’enzyme de l’angiotensine 2 (ACE2) qui est exprimé dans de nombreux organes tels que le poumon, le coeur, le rein et l’intestin. Le récepteur ACE2 est également exprimé par les cellules endothéliales (18). L’ensemble des atteintes vasculaires induites par le COVID-19 ne sont pas encore connues mais la piste serait que la présence du récepteur cellulaire ACE2 induirait le mode d’entrée du virus COVID-19 La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 - 09
à l’intérieur des cellules. Ce mécanisme entrainerait de patients jeunes sans signe de gravité (9), il est une accumulation de l’angiotensine II, qui, en excès, préconisé de réaliser le bilan biologique habituel des induirait une dysfonction de la paroi vasculaire avec engelures en cas de survenue de novo. Il paraît légitime vasoconstriction, augmentation de la perméabilité de ne pas préconiser un prélèvement naso-pharyngé vasculaire ou anomalie du remodelage myocardique (9). PCR COVID-19 en l’absence de signes généraux Le recrutement des cellules inflammatoires soit par un notamment respiratoires associés. Une étude de suivi effet direct viral sur l’endothélium, soit via une réponse longitudinal avec réalisation de la sérologie COVID auto-immune médiée, pourrait aller jusqu’à l’apoptose (quand elle sera disponible de manière généralisée) cellulaire en passant par différentes dysfonctions telles serait sans doute très utile chez les patients avec ces qu’une vasoconstriction, une vascularite, un œdème, formes cliniques afin d’étayer le lien entre COVID 19 une ischémie d’organe, un état procoagulant (18). et engelure. Par ailleurs, la connaissance de la nature Cette physiopathologie via la dysfonction endothéliale histologique exacte du processus lésionnel en cause expliquerait que différents organes puissent être atteints (microthrombotique, inflammatoire ou vascularitique) ainsi que les différents mécanismes (thrombotique ou est entravée par le faible nombre de document vascularitique par exemple). La piste de la dysfonction anatomopathologique cutané dont nous disposons, endothéliale argumente les différentes thérapeutiques faute de prélèvement réalisé. qui pourraient être tentées dans le COVID-19 (anti- cytokines, molécules inhibitrice d’ACE ou statines...). Concernant la thérapeutique, il est actuellement Cette théorie pourrait également expliquer les atteintes conseillé d’appliquer un dermocorticoïde fort à raison plus sévères survenant chez les patients avec facteurs de deux applications par jour pendant une durée de risque cardio-vasculaire ayant une dysfonction prolongée. Il n’existe pas d’argument à l’heure actuelle endothéliale pré-existante (18). devant l’évolution spontanément favorable de prescrire en première intention de l’hydroxychloroquine. L’absence en général de forme sévère d’“engelure- COVID” et l’absence d’association à des formes N.B : un appel de la Société Française de Microcirculation symptomatiques sévères systémiques conduisent le avait été lancé via la SFMV pour colliger les cas potentiels plus souvent à maintenir le confinement et à ne pas d’”engelure COVID” vus par les médecins vasculaires. forcément réaliser des prélèvements nasopharyngés. La Merci de continuer à nous adresser vos observations à sensibilité médiocre du test et les faux négatifs (33%) « isabelle.dauriac@sfmv.fr ». générés par les difficultés techniques du prélèvement incitent peu à prescrire le prélèvement nasopharyngé. Il est donc difficile à l’heure actuelle d’avoir une 1. Département de Médecine Vasculaire, Grenoble épidémiologie de ces tableaux cliniques d’“engelure- University Hospital, University Grenoble Alpes, COVID”. Le nombre de publications sur le thème du F-38000 Grenoble, France COVID-19 allant exponentiellement et surtout étant favorisé et peu contrôlé, il est intéressant de rappeler 2. Département de Thérapeutique et de Médecine que les procédures de contrôle des publications ne sont Vasculaire, St Etienne University Hospital, INSERM, actuellement que très peu respectées. Ainsi, le Journal U1059 Sainbiose, University de Lyon, Saint-Etienne, of the American Academy of Dermatology (JAAD) a F-42000 Saint-Etienne, France publié un article d’accès libre intitulé “COVID-19 can present with a rash and be mistaken for Dengue” par 3. Département de Médecine Vasculaire, Nantes deux auteurs, Beuy Joob et Viroj Wiwanitkit, qui signent University Hospital, F-44000 Nantes, France de Thaïlande pour le premier et d’Inde et de Chine pour le second, en mentionnant qu’un cas de COVID-19 parmi les 48 cas décrits a été confondu avec une dengue sans qu’il y ait de description du cas (19). L’article, reçu le 6 mars, a été révisé le 13 mars et accepté le 17 mars avec mise en ligne. Dans Rheumatology International, un article intitulé “Arthralgia as an initial presentation of COVID 19: observation” par les mêmes auteurs mentionne un cas de COVID-19 confondu avec une dengue (20). L’article, reçu le 6 mars, a été accepté le 18 mars avec mise en ligne le 28 mars. Il s’agit de toute évidence du même malade avec une soumission le même jour dans deux revues différentes, à l’encontre des standards éthiques de la publication médicale. Une des revues aurait décidée de blacklister les auteurs. En l’état des connaissances, devant ces tableaux d’“engelure-COVID” le plus souvent survenant chez www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020
RÉFÉRENCES 14. Jianpu Chen et al. Findings of acute pulmonary embolism in COVID-19 patients. Lancet Infect Dis, 2020. 1. Recalcati S. Cutaneous manifestations in COVID-19: a first perspective. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2020 15. Zhang Y et al. Clinical and coagulation Mar 26. PMID: 32215952. characteristics of 7 patients with critical COVID-2019 pneumonia and acro-ischemia]. Zhonghua Xue Ye Xue 2. Mahé A et al. A distinctive skin rash associated with Za Zhi. 2020 Mars 28;41(0):E006. Coronavirus Disease 2019. J Eur Acad 16. Zhang Y et al. Coagulopathy and Antiphospholipid Dermatol Venereol. 2020 Apr 15. Antibodies in Patients with Covid-19. N Engl J Med. 3. Estébanez A et al. Cutaneous manifestations in 2020 Apr 8. COVID-19: a new contribution. J Eur Acad 17. Korytny A, Kibari A, Rosner I, Zisman D. Digital Dermatol Venereol. 2020 Apr 15. doi: 10.1111/ ischemia in a patient with recent influenza A infection. jdv.16474. Isr Med Assoc J. 2018; 20: 446–7. 4. Su CJ, Lee CH. Viral exanthem in COVID-19, a 18. Varga Z, Flammer AJ, Steiger P, Haberecker M, clinical enigma with biological significance. J Eur Acad Andermatt R, Zinkernagel AS, Mehra MR, Schuepbach Dermatol Venereol. 2020 Apr 15. RA, Ruschitzka F, Moch H. Endothelial cell infection 5. Mungmungpuntipantip R et. , COVID-19 and and endotheliitis in Cutaneous manifestations. J Eur Acad Dermatol COVID-19. Lancet. 2020 May 2;395(10234):1417- Venereol. 2020 Apr 15. 1418. doi: 10.1016/S0140-6736(20)30937-5. 6. Henry D, Ackerman M, Sancelme E, Finon A, Esteve 19. Joob B, Wiwanitkit V. COVID-19 can present E. Urticarial eruption in COVID-19 infection. J Eur Acad with a rash and be mistaken for dengue. J Am Acad Dermatol Venereol. 2020 Apr 15. Dermatol. 2020 May;82(5):e177. doi: 10.1016/j. 7. Tosti G, Barisani A, Queirolo P, Pennacchioli E, Villa jaad.2020.03.036. L, Lodeserto AM, Vaccari S. Skin signs resembling 20. Joob B, Wiwanitkit V. Arthralgia as an initial vascular acrosyndromes during the COVID-19 outbreak presentation of COVID-19: observation. Rheumatol in Italy. Clin Exp Dermatol. 2020 May 2. doi: 10.1111/ Int. 2020 May;40(5):823. doi: 10.1007/s00296-020- ced.14267. 04561-0. Epub 2020 Mar 28. 8. Madigan LM et coll. How Dermatologists Can Learn and Contribute at the Leading Edge of the COVID-19 Global Pandemic. JAMA Dermatol., 2020 ; publication avancée en ligne le 30 avril. doi: 10.1001/ jamadermatol.2020.1438. 9. Bouaziz JD, Duong T, Jachiet M, Velter C, Lestang P, Cassius C, Arsouze A, Than Trong D, Bagot M, Begon E, Sulimovic L, Rybojad M. Vascular skin symptoms in COVID-19: a french observational study. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2020 Apr 27. doi: 10.1111/ jdv.16544. 10. Alramthan A, Aldaraji W. A case of COVID-19 presenting in clinical picture resembling chilblains disease. First report from the Middle East. Clin Exp Dermatol. 2020 Apr 17. doi: 10.1111/ced.14243. PubMed PMID: 32302422. 11. Andina D, Noguera-Morel L, Bascuas-Arribas M, Gaitero-Tristán J, Alonso-Cadenas JA, Escalada-Pellitero S, Hernández-Martín Á, de la Torre-Espi M, Colmenero I, Torrelo A. Chilblains in children in the setting of COVID-19 pandemic. Pediatr Dermatol. 2020 May 9. doi: 10.1111/pde.14215 12. Landa N, Mendieta-Eckert M, Fonda-Pascual P, Aguirre T. Chilblain-like lesions on feet and hands during the COVID-19 Pandemic. Int J Dermatol. 2020 Apr 24. doi: 10.1111/ijd.14937 13. Manalo IF, Smith MK, Cheeley J, Jacobs R. A Dermatologic Manifestation of COVID-19: Transient Livedo Reticularis. J Am Acad Dermatol 2020, Apr 10. doi: 10.1016/j.jaad.2020.04.018 La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 - 11
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L’épidémie COVID-19 aux hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), focus sur la maladie veineuse thromboembolique. Dominique Stephan1,2,3, Mihaela Cordeanu1,2,3, Corina Mirea2, Gabrielle Salier2, Marie Heitz1,2, Hélène Lambach2, Marion Pianezze2, Anne-Sophie Frantz2. Correspondance : Dominique.stephan@chru-strasbourg.fr MOTS CLÉS 01/04/2020, 772 patients ont été inclus dans un COVID-19, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, registre rétrospectif. Parmi ces patients, 60 (7.8%) ont maladie veineuse thromboembolique. présenté un événement thromboembolique veineux au cours de l’hospitalisation. Il s’agissait de 43 embolies pulmonaires (EP), 15 TVP isolées et 2 TVS isolées des membres supérieurs. L’incidence de la MTEV RÉSUMÉ dans la population ayant présenté une forme sévère de pneumopathie COVID (n=233) était de 21.4% versus La COVID-19 qui a émergé en Chine fin 2019 est la 1.9% chez les patients ne présentant pas ces critères de plus importante pandémie qu’ait connue le monde sévérité (p
A Mulhouse, début mars 2020, sept personnes dont cinq un prélèvement SARS-CoV-2 positif réalisé aux HUS. d’une même famille étaient atteintes du coronavirus. Le nombre des patients qui sont sortis à domicile ne Toutes avaient participé à un rassemblement religieux concerne que les patients hospitalisés en court séjour. organisé entre le 17 et le 24 février par l’église de la L’information concernant les décès par COVID-19 n’est Porte Ouverte Chrétienne à Bourtzwiller, une commune disponible que pour les services d’hospitalisation en proche de Mulhouse. Environ 2000 évangélistes, venus court séjour. Cette information n’est pas disponible pour des deux départements alsaciens et d’un peu partout les services de soins et de réadaptation (SSR), EHPAD et en France, voire d’autres pays, avaient participé à ce psychiatrie en particulier. Ces données ont été recueillies rassemblement, qui se révéla être le principal foyer de à partir de la mi-mars jusqu’au 11 mai 2020, date du contamination du Grand Est. Dans le sillage de l’éclosion déconfinement. de l’épidémie dans le Haut-Rhin, des cas apparaissaient début mars dans le Bas-Rhin et à Strasbourg. Des Nous avons constitué, rétrospectivement, un registre « clusters » de patients contaminés par des participants des patients hospitalisés aux HUS pour COVID-19 au rassemblement religieux de Mulhouse étaient identifiés avérés (PCR positive), du 25 février 2020, date notamment à l’hôpital et dans les établissements d’hospitalisation du premier patient COVID-19, au médico-sociaux. 1er avril 2020 avec une période d’observation allant jusqu’au 9 mai 2020. Ils étaient âgés de plus de 18 L’infection engendrée par le SARS-CoV-2 se résume dans ans et leur durée d’hospitalisation était d’au minimum la plupart des cas à un syndrome grippal mais 5 à 10 24 h. Nous avons exclu les patients avec frottis positifs % des patients développent un syndrome respiratoire mais dont l’admission était justifiée par un autre motif aigu sévère (SRAS) menant à une hospitalisation que la COVID-19. Le diagnostic de MVTE a été porté sur [1]. A côté de l’infection respiratoire, le potentiel pro l’analyse des dossiers informatisés des patients COVID. thrombotique du virus a fait l’objet de descriptions de La MVTE a été retenue sur un diagnostic de thrombose cas ou de séries de cas. Des premiers cas d’embolie veineuse profonde (TVP) ou superficielle (TVS) posée pulmonaire avaient été signalés chez des patients de par échographie-Doppler. Le diagnostic d’embolie Wuhan hospitalisés en unité de soins intensifs dont l’état pulmonaire (EP) reposait majoritairement sur un examen respiratoire s’était dégradé secondairement [2]. L’étude angio-scanographique et exceptionnellement sur une rétrospective portant sur 1008 patients de Wuhan, faisait scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion. Les état de 10 diagnostics d’embolie pulmonaire confirmés formes sévères de pneumopathie COVID ont été définies par angioscanner [3]. Dans une étude portant sur 191 comme ayant nécessité une intubation endotrachéale patients hospitalisés dans cette même ville, les auteurs ou une oxygénothérapie nasale à haut débit ou une montraient qu’environ 90% des patients hospitalisés ventilation non invasive ou ayant entrainé le décès. atteints de pneumonie présentaient une activité pro thrombotique accrue si on en jugeait par l’augmentation des taux de D-dimères [4]. D’autres facteurs de gravité de l’infection COVID-19 étaient par ailleurs été identifiés RÉSULTATS tel l’âge, la surcharge pondérale ou l’obésité, qui sont également des facteurs de risque de MTEV. Epidémie COVID-19 en Alsace Nous avons répertorié tous les patients hospitalisés en Dans cet article, nous avons collecté les données de cette Alsace, dans le Bas-Rhin (département 67) et dans épidémie au niveau de l’Alsace, une des régions les plus le Haut Rhin (département 68) à partir du 18 mars, touchées par l’épidémie, et local en décrivant la situation lendemain de la mise en place du confinement. Le des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS) face au groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud- virus. Nous discutons les principaux résultats concernant Alsace (GHRMSA) regroupe 10 établissements dans le la MTEV chez des patients COVID aux HUS. Haut-Rhin, d’une capacité de 2612 lits et qui comprend deux gros établissements : le Centre Hospitalier Général de Mulhouse et les Hospices Civils de Colmar. Le Bas- Rhin comporte deux gros établissements hospitaliers : MÉTHODES les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS) qui comptent 2566 lits et le Centre Hospitalier Général de Les valeurs alsaciennes du nombre total de cas Haguenau qui compte 893 lits. COVID-19 avérés hospitalisés et du nombre de cas hospitalisés en réanimation proviennent du bulletin Le nombre des patients hospitalisés et admis en quotidien du site Géo Données en Santé Publique réanimation était d’emblée plus important dans le Haut (GEODES) de Santé Publique France. Les données des Rhin compte tenu de la proximité géographique avec Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS) sont issues le lieu du rassemblement religieux à Bourtzwiller, une du bulletin quotidien de la Cellule de Gestion des Lits, commune proche de Mulhouse. L’augmentation des des Flux et Parcours et par le Système d’Information admissions dans les départements 68 et 67 suivait une et de suivi des victimes (SI-VIC). Les cas avérés sont même pente d’admissions qui était décalée d’environ des patients hospitalisés aux HUS ayant eu au moins 3 jours pour le 67 (figure 1). www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020
Figure 1. Nombre total de patients hospitalisés pour COVID-19 et nombre de patients hospitalisés en réanimation, dans le département du Haut-Rhin (68) et dans le département du Bas-Rhin (67) de la date du confinement à celle du déconfinement. Source GEODES Santé Publique France. Un plateau des admissions totales était atteint les 2 et 3 le 21 mars ce nombre était multiplié par 2,5 et le 28 avril, quinze jours après le confinement de la population, mars, trois semaines après le début de la crise sanitaire, avec 1105 hospitalisations dans le département du il y avait 4 fois plus de malades admis. Le nombre total Haut-Rhin et 1064 hospitalisations dans le département de patients hospitalisés atteignait un maximum de 555 du Bas-Rhin. patients le 3 avril, date à partir de laquelle s’amorçait une lente décroissance. En réanimation, il y avait 77 patients hospitalisés dans le Haut-Rhin le 18 mars. Ce chiffre était doublé en douze Le nombre de patients hospitalisés en réanimation était jours. Un hôpital de campagne, d’une capacité de 30 lits de 41 malades le 14 mars, il était multiplié par 2 au de réanimation, était installé par l’Armée Française le 24 bout d’une semaine et par 3,5 au bout de 15 jours. Un mars sur le site de l’Hôpital Emile Muller à Mulhouse. Le maximum de 170 patients a été hospitalisé en réanimation nombre maximal de 163 patients admis en réanimation au cours des 10 premiers jours d’avril. L’essentiel des était atteint le 3 avril. A partir de cette date s’amorçait hospitalisations en réanimation était le fait de patients un plateau puis une lente décroissance. Il y avait 58 dans la tranche d’âge 50 à 79 ans. A partir du 26 mars, patients en réanimation dans le Bas-Rhin le 18 mars. Ce des malades de réanimation ont été transférés vers des chiffre était doublé en moins d’une semaine. Le nombre établissements moins en tension. Le 26 mars, vingt maximal de 283 patients admis était atteint le 3 avril. malades étaient transférés par TGV médicalisé depuis A partir de cette date s’amorçait un plateau puis une Strasbourg vers les réanimations d’Angers, Nantes et La lente décroissance similaire à celle observée dans le Roche Sur Yon. Le 29 mars, 2 malades de réanimation Haut-Rhin. Une centaine de patients de réanimation du étaient transférés à Ulm en Allemagne. Au total 71 GHRMSA et des HUS ont été transférés à partir du 26 patients des HUS ont été transférés vers des régions mars vers des régions moins en tension. moins en tension. Le nombre des malades non COVID hospitalisés en réanimation était en constante baisse et passait par un minimum à 6 malades le 26 mars puis réaugmentait progressivement jusqu’à environ 30 malades EPIDÉMIE COVID-19 AUX HÔPITAUX début mai. Ce nombre décroissant était expliqué par la UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG déprogrammation massive des interventions non-urgentes dans le cadre du plan blanc. Hospitalisations Le premier patient COVID-19 a été hospitalisé le 25 Le nombre de patients hospitalisés en unités février 2020 aux HUS. L’afflux des patients a ensuite fonctionnelles d’hospitalisation non-réanimation était suivi une courbe d’ascension linéaire (figure 2). Le de 63 les 14 mars, ce nombre était multiplié par 3 nombre de malades hospitalisés au 14 mars était de 104 ; à 7 jours et par 5 deux semaines après. Un effectif La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 - 15
Figure 2. Nombre de patients hospitalisés pour COVID-19 avérés aux HUS de la date du confinement à celle du déconfinement. Nombre total (courbe en bleu), nombre de patients en UF conventionnelles (courbe en gris) et en réanimation (courbe en orange). total d’environ 400 patients était hospitalisé en UF dont 3,65 dans la population des 75 ans et plus. Nous standards au cours de la première semaine d’avril. Si avons noté un pic des décès fin mars qui culmine à 12 la croissance du nombre des patients présents fluctuait, patients décédés le 31 mars dont 10 personnes de plus l’ascension était linéaire. Les variations de la courbe de 75 ans. La mortalité cumulée due au virus depuis le étaient inhérentes aux flux des entrées, des sorties et 12 mars atteignait 246 patients le 12 mai. des transferts. A partir du 15 avril, une décroissance s’amorçait tant en hospitalisation conventionnelle qu’en réanimation. MVTE et COVID-19 aux HUS Entre le 25 février 2020, date d’hospitalisation du Au 12 mai, 870 membres du personnel des hôpitaux premier patient COVID-19 aux HUS et le 1er avril universitaires de Strasbourg avaient été testés positifs 2020, avec une période d’observation allant jusqu’au au SARS-CoV-2. Il s’agissait de 590 membres du 9 mai 2020, 772 patients COVID-19 ont été inclus personnel testés au laboratoire de virologie hospitalier rétrospectivement dans un registre observationnel. Dans universitaire et 280 membres du personnel testés cet effectif, 81% des patients analysés bénéficiaient positifs dans des laboratoires de ville ou dont le d’une anticoagulation intra-hospitalière. Il s’agissait diagnostic de la COVID-19 avait été établi par scanner. d’une anticoagulation préventive chez 62% des cas Il s’agit pour la plupart des membres du personnel et curative chez 19% des malades. Parmi les 772 contaminés, de soignants et de médecins. patients COVID, 60 patients (7.8%) avaient présenté un événement thromboembolique veineux au cours de l’hospitalisation. Chez ces 60 patients, nous Décès recensions 43 embolies pulmonaires (EP) dont quatre La mortalité intra-hospitalière quotidienne des patients associées à une TVP et une à une TVS, 15 TVP isolées identifiés COVID-19 avérés correspondait à la mortalité (8 thromboses de localisation atypique et 7 TVP des en court séjour, le nombre des décès dans les EPHAD et membres inférieurs dont 2 associées à des TVS) et les soins de suite et de réadaptation de malades décédés deux TVS des membres supérieurs isolées (tableau 1). n’étaient pas pris en compte. Les chiffres sont indicatifs Un effectif de 233 patients sur 772 a présenté une car des patients COVID-19 hospitalisés depuis le début forme sévère de pneumopathie COVID définie comme de la crise sanitaire séjournent encore en réanimation ou ayant nécessité une intubation endotrachéale ou une eu UF standard. La mortalité pour les formes admises oxygénothérapie nasale à haut débit ou une ventilation en réanimation serait de 30% et de hors réanimation non invasive ou ayant entrainé le décès. L’incidence de de 20%. La moyenne d’âge des patients décédés était la MTEV dans cette population était de 21.4% versus de 79 ans. Le plus jeune des patients décédés avait 37 1.9% chez les patients ne présentant pas ces critères ans, la plus âgée avait 100 ans. Dans 70% des cas, de sévérité (p
Total Intubation/Optiflow/VNI/décès Pas d’Intubation/Optiflow/VNI/décès N = 772 - N (%) N = 233 - N (%) N = 539 - N (%) MTEV 60 (7.8) 50 (21.5) 10 (1.9) EP ±TVP 43 (5.6) 35 (15) 8 (1.5) EP+TVP 4 3 (1.3) 1 TVP isolée 15 (1.9) 13 (5.6) 2 (0.4) TVS isolée 2 (0.3) 2 (0.8) 0 EP : embolie pulmonaire ; MTEV : maladie thromboembolique veineuse ; TVP : thrombose veineuse profonde ; TVS : thrombose veineuse superficielle ; VNI : ventilation non invasive. Tableau 1. Nombre de MVTE et pourcentage dans les formes sévères de la COVID-19 (cf. texte) et chez les patients ne présentant pas ces critères de sévérité. mortalité était de 35% chez les patients victimes d’un maximale théorique de 220 lits. Compte tenu des événement thromboembolique veineux versus 20% chez difficultés à mobiliser un personnel supplémentaire pour les patients n’ayant pas présenté de MVTE (p=0.012). le fonctionnement d’un tel nombre de lits, le nombre Un anticoagulant circulant (ACC) était présent chez maximum de malades hospitalisés en réanimation sera 129 patients sur 154 recherches réalisées. Seuls 57 au maximum de 170 patients. A partir de la troisième d’entre eux ont bénéficié d’un dosage des anticorps semaine de mars, 71 malades de réanimation stables anti-cardiolipines et anti-β2GP1 (revenus positifs chez des HUS ont été transférés en plusieurs séquences vers 5 patients). Parmi les patients victimes de MVTE, 43 des régions de France moins en tension : la Bretagne, (72%) ont bénéficié d’une recherche d’ACC. Cette les Pays de la Loire et la Nouvelle Aquitaine et pour recherche était positive chez 88% d’entre eux. Au total, quelques malades vers l’Allemagne. Au total, 342 nous dénombrions 33 complications hémorragiques patients du Grand Est ont été transférés vers des régions majeures (4.3%) dont 14 hémorragies cérébrales. de France moins en tension ou vers l’Allemagne, le Luxembourg ou la Suisse. Quinze jours après la date du confinement national, nous voyons les nombres des patients hospitalisés et admis en réanimation DISCUSSION atteindre un plateau puis décroitre lentement. Cette période correspond en effet aux durées d’incubation La pandémie au SARS-CoV-2, plus grave crise sanitaire et de déclaration des formes sévères conduisant à connue depuis la grippe espagnole de 1918-20, a créé l’hospitalisation et pour 5% d’entre eux à l’admission une situation inédite pour les professionnels de la santé. en réanimation. Cette évolution montre que dans Dans les hôpitaux, l’afflux massif de patients dont des notre région comme en France, la stratégie du formes graves nécessitaient une assistance respiratoire, confinement a été efficace sur la réduction du nombre a bouleversé l’organisation des services. Aux HUS, le des hospitalisations en réanimation, un marqueur Plan Blanc a été déclaré le 12 mars et toute l’activité essentiel de la gravité de cette pandémie. La mortalité non urgente a été déprogrammée. Le confinement du en réanimation ne peut être établie avec précision car pays a été décrété le 17 mars. Tandis que l’hôpital il y a encore des malades COVID-19 qui y séjournent. se remplissait inexorablement de patients COVID, les Elle se situerait entre 25 et 35%. services se vidaient de leurs malades habituels. A titre d’exemple, le nombre des urgences cardiologiques a A partir de la littérature, nous savions qu’à côté de été réduit de 30%. l’infection respiratoire, le potentiel pro thrombotique du virus avait été souligné. Des premiers cas d’embolie Toutes les structures susceptibles d’accueillir des pulmonaire avaient été signalés chez des patients de malades nécessitant une réanimation ont été mobilisées. Wuhan hospitalisés en unité de soins intensifs [2]. La capacité totale d’accueil de réanimation aux HUS Avec la propagation de la pandémie, il apparaissait passait de 90 lits en temps normal à une capacité que la COVID-19 pouvait être associée à un sur risque La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 - 17
de thrombose : thrombose veineuse profonde (TVP) s’agissait d’une anticoagulation préventive chez 62% des membres inférieurs et embolie pulmonaire (EP) malades et curative chez 19%. Parmi les patients ayant mais également thrombose artérielle et thrombose fait un ETV, nous recensons une majorité d’embolies microvasculaire [4,5]. Des observations de malades pulmonaires. L’incidence de la MTEV dans la population thrombosant sous traitement anti-coagulant au moins ayant présenté une forme sévère de pneumopathie prophylactique étaient rapportées dans des séries COVID définie comme ayant nécessité une intubation chinoises et européennes [6,7]. Les sociétés savantes endotrachéale, une oxygénothérapie nasale haut débit, nationales ou internationales (ISTH, GIHP-GFHT, SFMV) une ventilation non invasive ou ayant entrainé le décès, ont alors rédigé des propositions pour la prophylaxie de était très significativement supérieure par rapport à celle la MVTE faisant appel le cas échéant à des protocoles des patients ne présentant pas ces critères de sévérité d’héparinothérapie renforcée [8-10]. Le bénéfice d’une (p
Figure 3. Arbre décisionnel pour la demande d’échographie-Doppler vasculaire en période d’épidémie SARS-CoV-2 DEMANDE D’ÉCHO-DOPPLER VASCULAIRE EN PÉRIODE D’ÉPIDÉMIE SARS-COV 2 EVALUATION DE L’INDICATION DIFFÉRABLE ? URGENTE, NON DIFFÉRABLE ? Remplaçable par un examen de type scanner/IRM ? oui non A DIFFÉRER A REMPLACER A MAINTENIR EXAMENS DIFFÉRABLES EXAMENS URGENTS, REMPLAÇABLES EXAMENS URGENTS, NON (Liste non exhaustive) (Liste non exhaustive) DIFFÉRABLES (Liste non exhaustive) 1. Echo-doppler veineux MS/MI : 1. Echo-doppler veineux MS/MI : 1. Echo-doppler veineux MS/MI : • suspicion TVP chez un patient ayant • suspicion d’EP : AngioTDM/ • suspicion de TVP chez un patient une autre indication d’anticoagulation scintigraphie pulmonaire si Cl à n’ayant pas d’autre indication l’angioTDM d’anticoagulation • EP confirmée • suspicion d’EP chez la femme enceinte • contrôle de TVP sans nouveau signe ---------------------------- (hors exception*) clinique 2. Echo-doppler TSA : • TIH suspectée/avérée • bilan d’insuffisance veineuse (même en présence d’un trouble trophique • suspicion de dissectionTSA: ---------------------------- veineux) AngioTDM/angio IRM si possible en 2. Echo-doppler TSA : même temps que l’imagerie cérébrale ---------------------------- • AIT/AVC ischémique et n’ayant pas pu ---------------------------- avoir une exploration par angioscanner/ 2. Echo-doppler TSA : IRM des TSA au moment de 3. Echo-doppler artériel Ml : l’exploration cérébrale initiale • réévaluation d’une sténose asymptomatique • ischémie chronique menaçante/ ---------------------------- ischémie aigue angioTDMMI • bilan d’athérosclérose polyvasculaire 3. Echo-doppler artériel des membres ---------------------------- inférieurs : ---------------------------- 4. Echo-doppler artères digestives : • ischémie aigue ou chronique 3. Echo-doppler artériel des membres menaçante ayant une contre-indication inférieurs : • Suspicion d’ischémie mésentérique : à la réalisation d’un angioscanner angioTDM abdominale (insuffisance rénale, allergie) • contrôles post-opératoires/suivi AOMI des patients ne présentant pas de ---------------------------- dégradation clinique 4. Echo-doppler des artères rénales : • bilan d’une AOMI au stade d’ischémie • Insuffisance rénale aigue de cause d’effort vasculaire suspectée ---------------------------- ---------------------------- 5. Echo-doppler de fistule : 4. Echo-doppler des artères rénales : • suspicion de thrombose de FAV • bilan d’HTA résistante ---------------------------- • bilan d’insuffisance rénale chronique * grossesse + suspicion EP + suspicion COVID : angioTDM thoracique COVID(+)/STATUT COVID (?) : COVID(-) RÉDUIRE AU MAXIMUM LE TEMPS D’EXAMEN EQUIPEMENT Opérateur : Équipement de protection maximal dans la mesure de la dotation : masque chirgïcal (idéalement Opérateur : Masque chirurgical, +/- gants FFP2), lunettes, charlottes, surblouse, gants, surchaussures Patient : masque chirurgical Patient : (si symptomatique) : masque chirurgical La Lettre du Médecin Vasculaire n°51 - Juin 2020 - 19
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