CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires

La page est créée Dominique Sanchez
 
CONTINUER À LIRE
CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires
Alain Mabanckou à l’Espace Ouest-France
         CONFERENCE - DEDICACE
        Vendredi 21 septembre à 18h
              Présentation et modération par Francis Le Hérissé

 RUMEURS D’AMERIQUE d’Alain Mabanckou
                    Pour la première fois, j’ouvre les portes de mon
                    Amérique, celles de la Californie où je vis depuis
                    une quinzaine d’années, où j’enseigne la
                    littérature française, mais aussi où j’écris tous
                    mes romans. L’opulence de Santa Monica, l’âpre
                    condition des minorités de Los Angeles, le
                    désespoir des agglomérations environnantes,
                    mais également l’enthousiasme d’une population
                    qui porte encore en elle le rêve américain, c’est
                    aussi mon histoire aujourd’hui.
Faits divers, musique, sport, guerre des gangs, enjeux de la race,
habitudes politiques et campagne de l’élection présidentielle, mœurs
des Angelinos, découverte d’endroits insolites, tout est passé au
crible ici pour dessiner le portrait d’une autre Amérique.
                « Je considère les rencontres insolites, les lieux, les
                voyages, les auteurs et l’écriture comme un moyen de
                féconder un humanisme où l’imaginaire serait aussi bariolé
                que l’arc-en-ciel et nous pousserait à nous remettre en
                question. »      in Le Monde est mon langage

Dans ce texte, il revient sur ses quinze ans en Californie, tout en nous parlant de
l'actualité : la Covid, le confinement en France, les proches, touchés par la maladie.
Actualité américaine aussi, avec Trump, son élection, et les réactions qu'elle a
suscitées, la sécheresse en Californie, et le travail des gouverneurs successifs pour
gérer au mieux tous les problèmes. Sujet brûlant entre tous : le racisme. Il est
question de la violence faite aux Afro-américains, de la peur, qui est toujours là
quand une intervention policière est en cours, de la place des SDF dans la ville, à la
périphérie de la ville, de ses personnes qui vivent quasiment dans des campements
de fortune : l'autre visage de l'Amérique, celui que l'on ne voit jamais.
Petits chapitres avec souvenirs, la lecture est attrayante et variée mais surtout
érudite, sans être pédante. Nous vivons quelques heures au côté d'un homme
simple et naturel qui nous fait visiter son nouveau pays d'adoption.
CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires
UBUNTU n°23
p.1          Alain Mabanckou à Rennes
p.3          Edito
p.4à7        Kateb Yacine et Frantz Fanon
p.8à25       Dossier du mois
             Football et décolonisation
p.26à29 Quelques questions actuelles
p.30à44 Actualités - Actualités
           Soutien aux luttes des Kurdes        Racisme dans la presse française

                          Situation au Mali     Djihadistes au Sahel
                  Assane Ouattara candidat      Accaparement des terres
  Le Sénégal ne peut vendre son lait chez lui   Emprisonnements politiques à Brazza
             Aloys Nitiragabo révèle la politique française au Rwanda 2p
                             Parodie de démocratie en Haïti
                 Les sportifs se mobilisent contre le racisme 3p

p.45à51 Migrants, réfugiés et sans papiers
p.52à67 à lire – radio – journalisme - musique – cinéma
p.68à75 Nos partenaires de ce numéro
   ACHAC – Africultures 2p - ATTAC - CONFLITS - D’ailleurs et d’ici-
   La Cimade - Francophonie 2p - Madinin’art – SURVIE - La tribune
   Afrique

p.76à85 Le dérangeur Petit Piment - Dictionnaire enjoué
             des cultures africaines
CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires
UBUNTU
EDITO
En cette période où le football a occupé l’actualité internationale, on
a pu mesurer l’importance sociale de cette activité sportive qui
renvoie les peuples à une distraction aveugle pour échapper à leur
sort politique selon la formule antique « panem et circenses ».
Mais aussi, ce fut aussi parfois un cheval de Troie qui ont permis à
des révolutionnaires ou des militants à la libération de s’infiltrer au
sein des stades du pouvoir pour y développer leurs combats
jusqu’à la victoire. Ce fut le cas en 1958 lorsque 9 joueurs algériens
– dont 3 étaient proches de participer à la Coupe du monde en
Suède avec l’équipe de France - quittaient la France pour rejoindre
le FLN et créer la 1 ère équipe nationale d’Algérie. Nous
consacrons 18 pages à ce dossier du mois un peu inhabituel
que nous introduisons par un hommage à deux des plus
éminents écrivains qui luttèrent pour la libération de l’Algérie et
qui les ont précédés, inspirés voire accompagnés.
Et dans le même esprit, l’actualité nous offre la mobilisation des
sportifs américains contre le racisme anti-noir aux Etats-Unis
comme en témoigne le basketteur congolais Serge Ibaka (pages
42à44) et ses collègues. Ce qui ne sera pas sans conséquence
sur les élections présidentielles à venir le 3 novembre prochain
et dont on peut craindre qu’elle ne se dérouleront pas
paisiblement tant Trump qui prétend imposer « l’ordre et la loi »
s’appuie sur sa garde prétorienne composée d’agents fédéraux
sous son contrôle à laquelle s’ajoutent 273 milices armées
organisées dans plus de 40 États américains.
Francis Le Hérissé
Nb : UBUNTU est un atelier de la MIR et, naturellement, ce mensuel
s’adresse d’abord à ses associations dont nous attendons les réactions pour
un courrier des lecteurs – également ouvert à tous les lecteurs et lectrices
UBUNTU – Maison Internationale de Rennes - 7 quai Chateaubriand – RENNES
Réalisation : MIDAF - Rédacteur : Francis Le Hérissé et de nombreux complices
Chargé de mission : Morley Russel Moussala - assistant d’Alain Mabanckou
CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires
La 1ère guerre de décolonisation en Algérie
              Le «français» butin de guerre
                        Les colons rejetés de son pays, Kateb Yacine,
                        devenu trilingue, revendiquait – la guerre de
                        libération gagnée - de garder la langue du vaincu
                        comme sienne également et inventant déjà l’idée
                        même de francophonie. Ecrivain, poète,
                        romancier, dramaturge, metteur en scène,
                        essayiste et journaliste algérien, originaire des
Kateb Yacine            Aurès, il portait la parole de son peuple.
Kateb (nom qui signifie écrivain) se trouve en classe de troisième au lycée
Albertini de Sétif, devenu lycée Mohamed Kerouani après l'indépendance, quand
éclatent les manifestations du 8 mai 1945 auxquelles il participe et qui s'achèvent
par le massacre de milliers d'Algériens par la police et l'armée françaises. Trois
jours plus tard, il est arrêté et détenu durant deux mois. Il est définitivement acquis
à la cause nationale, tandis qu'il voit sa mère «devenir folle». En 1947, Kateb
arrive à Paris, «dans la gueule du loup» et prononce en mai, à la Salle des
Sociétés savantes, une conférence sur l’émir Abdelkader puis adhère au Parti
communiste algérien. Au cours d'un 2ème voyage en France métropolitaine, il
publie l'année suivante Nedjma ou le Poème ou le Couteau («embryon de ce
qui allait suivre») dans le Mercure de France. Nedjma est en effet sans conteste
le texte fondamental de la littérature algérienne de graphie française, sans doute
inégalé et, en tout cas, le plus inépuisable. Jusqu'au jour où l'auteur décide de
changer de cap littéraire et de langue d'expression, s'attelant en Algérie à un
immense travail théâtral en langue populaire dont Mohammed, prends ta valise
et La Guerre de deux mille ans constituent les jalons les plus appréciables. ».
Instruit dans la langue du colonisateur, Kateb considérait donc la langue
française comme le « butin de guerre » des Algériens. « La francophonie est une
machine politique néocoloniale, qui ne fait que perpétuer notre aliénation, mais
l'usage de la langue française ne signifie pas qu'on soit l'agent d'une puissance
étrangère, et « j'écris en français pour dire aux Français que je ne suis pas
français », déclarait-il en 1966.
Un jour, perdu en Kabylie. Il s’adresse à un paysan sur la route, lui parle en
arabe et Il répond en tamazight. Impossible de se comprendre. Il se demande si
le paysan kabyle aurait dû parler arabe, ou si lui aurait dû parler tamazight, la
première langue du pays depuis les temps préhistoriques. Alors, il écrit et
supervise la traduction de ses textes en berbère. Son œuvre traduit la quête
d'identité d'un pays aux multiples cultures et les aspirations d'un peuple.
CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires
La 1ère guerre de décolonisation en Algérie
                          La violence pour héritage
                           Frantz Fanon, né en 1925 en Martinique et
                          mort en 1961, psychiatre et essayiste français,
                          s’implique fortement dans la lutte pour la
                          libération de l’Algérie. L’un des fondateurs du
                          courant de pensée tiers-mondistes et figure
                          majeure de l’anticolonialisme, il analyse les
                          conséquences        psychologiques     de     la
                          colonisation à la fois sur le colon et sur le
                          colonisé et analyse le processus de
                          décolonisation sous les angles sociologique,
 Frantz Fanon             philosophique et psychiatrique.
En 1943, il s'engage dans l‘armée française de libération aux Antilles derrière de
Gaulle, expliquant que « chaque fois que la liberté et la dignité de l’homme
sont en question, nous sommes tous concernés, Blancs, Noirs ou Jaunes ».
Parti se battre pour un idéal, il est confronté à « la discrimination et envoyé en
Algérie, il découvre la société coloniale « pyramidale » (colons riches, petits-
blancs, juifs, indigènes évolués, masse du peuple) et intrinsèquement raciste.
De retour en Martinique, il soutient la candidature d’Aimé Césaire présentée par
le PCF aux législatives de 1945. Avec une bourse d'enseignement supérieur au
titre d'ancien combattant, il fait des études de médecine et de philosophie et
psychologie à Lyon. Sur le plan politique, il dirige le journal étudiant Tam-Tam et
participe à différentes mobilisations anticolonialistes. Après sa thèse en
psychiatrie à Lyon, il rencontre le psychiatre François Tosquelles à l’hôpital de
St.Alban en Lozère en 1952. « Cette formation est déterminante tant sur le plan
de la psychiatrie que sur celui de ses futurs engagements politiques - il interroge
l’aliénation dans tous ses registres, au lieu de rencontre entre physiologique et
historique ». De son expérience de noir minoritaire au sein de la société
française et de ses observations en Algérie, il rédige Peau noire, masques
blancs dénonciation du racisme et de la « colonisation linguistique » dont il est
l'une des victimes en Martinique.
En 1953, il devient médecin-chef à l’hôpital psychiatrique de Blida en Algérie et y
introduit des méthodes modernes de « sociothérapie » ou « psychothérapie
institutionnelle », qu'il adapte à la culture des patients musulmans algériens. Il
entreprend ensuite, avec ses internes, une exploration des mythes et rites
traditionnels de la culture algérienne..
                                                                 suite
CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires
La 1ère guerre de décolonisation en Algérie                                   suite
           Sa volonté de désaliénation et décolonisation du milieu
           psychiatrique algérien s'oppose de front aux thèses
           officielles : « Hâbleur, menteur, voleur et fainéant, le Nord-
           Africain musulman se définit comme un débile hystérique, sujet,
           de surcroît, à des impulsions homicides imprévisibles ».
«  L’indigène nord-africain, dont le cortex cérébral est peu évolué, est un
être primitif dominé, comme chez les vertébrés inférieurs, par l’activité du
diencéphale ». Pour Fanon, c'est bien plutôt la colonisation qui fait de
l'homme colonisé un être « infantilisé, opprimé, rejeté, déshumanisé,
acculturé, aliéné », propre à être pris en charge par l'autorité
colonisatrice
Dès le début de la guerre d’Algérie en 1954, il s'engage auprès de la résistance
nationaliste et noue des contacts avec la direction politique du Front de
Libération national (FLN). En 1956, il remet au gouverneur Robert Lacoste sa
démission de médecin-chef de l'hôpital de Blida-Joinville et est expulsé d'Algérie
en 1957. Il rompt avec sa nationalité française, se définit comme Algérien et
rejoint le FLN à Tunis où il collabore à l'organe central de presse du FLN, El
Moudjahid comme spécialiste des problèmes de torture parce qu'il avait soigné
des tortionnaires à Blida. En 1958, il se fait établir un vrai faux-passeport tunisien
au nom d'Ibrahim Omar Fanon et en 1959, il fait partie de la délégation
algérienne au congrès panafricain d’Acra. En 1960, il est nommé ambassadeur
du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) au Ghana.. Il
échappe durant cette période à plusieurs attentats et entame l'étude du Coran
sans pour autant se convertir.
Très critique sur les dirigeants africains ralliés à la Communauté française, il
s’interroge sur l’attitude des bourgeoisies nationales devant le système colonial.
Selon lui, le colonialisme façonne au sein de la société indigène une classe de
nature bourgeoise en raison de ses privilèges matériels mais sans rôle
économique et uniquement dédiée à la défense des intérêts du colonialisme. Il
considère par ailleurs que l'indépendance nationale n'a de sens qu'en intégrant
les questions sociales, qui déterminent ce qu'il nomme le « degré de réalité » de
cette indépendance (accès au pain, à la terre, au pouvoir pour les classes
populaires). Il milite également en faveur du panafricanisme et de
l'internationalisation de la lutte algérienne.
CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires
La 1ère guerre de décolonisation en Algérie                               suite
                  Atteint d'une leucémie, il meurt en 1961 à 36 ans,
                  quelques mois avant l'indépendance algérienne,
                  sous le nom d'Ibrahim Omar Fanon. Son corps sera
                  inhumé près de Sidi Trad, en Algérie et avec lui, 3
                  de ses ouvrages : Peau noire, masques blancs,
                  L'an V de la révolution algérienne et Les Damnés
                  de la Terre. Sa dépouille sera transférée en 1965, et
                  inhumée au cimetière des « Chouhadas » (cimetière
                  des martyrs de la guerre) à Aïn Kerma.
En hommage à son travail en psychiatrie et à son soutien à la cause
algérienne, trois hôpitaux en Algérie portent son nom.
Par contre en France, la reconnaissance de Frantz Fanon fut tardive. Il y a
désormais une avenue à son nom à Fort-de-France bien que la proposition
faite par Aimé Césaire en 1965 eût été rejetée pendant des années. Il faut
attendre 1982 pour que s'organise un mémorial international (colloque) en
son honneur en Martinique. En Algérie, dès 1963, une avenue Frantz
Fanon est inaugurée à Alger. En France métropolitaine il existe des rues
portant ce nom mais aucune avenue. A Bordeaux, en 1979 hier encore,
pour calmer une vive polémique, Alain Juppé a gelé la décision municipale
de donner son nom à une sente dans un quartier. Désormais, sa mémoire
est honorée dans de nombreux pays (Italie, Nigeria, États-Unis) où des
centres de recherche ont été baptisés à sa mémoire.
Postérité de l’œuvre littéraire
Emblème de la lutte anticoloniale, il a marqué de son empreinte la fin des
empires coloniaux et sa pensée révolutionnaire inspire de nombreux combats,
des Black Panthers aux Palestiniens, en passant par les militants anti-apartheid.
Il est devenu un maître à penser pour de nombreux intellectuels du tiers-monde
avec Les Damnés de la terre publié quelques jours avant sa mort pour la lutte
anticolonialiste et l'émancipation du tiers-monde. dont la préface de Jean-Paul
Sartre radicalise son analyse sur la violence : « Quand les paysans touchent des
fusils, les vieux mythes pâlissent, les interdits sont un à un renversés : l'arme
d'un combattant, c'est son humanité. Car, en le premier temps de la révolte, il
faut tuer : abattre un Européen c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer un
oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre. ». Il a
inspiré des mouvements de libération en Afrique ou encore les mouvements
noirs aux États-Unis. Les principales universités anglo-saxonnes le tiennent pour
un penseur majeur du post colonialisme.
CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires
Football et décolonisation en Afrique du Sud
 mettre hors-jeu la ségrégation raciale
                         Équipe des Africans Wanderers en 1956 (township
                         de Chatsworth, près de Durban), premier club noir
                         d'Afrique du Sud. © Faouzi Mahjoub/FIFA Museum.
                         Un des clubs les plus populaires auprès des Sud-
                         Africains noirs grâce à leurs succès sportifs et à
                         leur style de jeu esthétique inspiré du marabi, une
                         culture musicale née dans les shebeens, les bars
                         clandestins des bidonvilles.
Le massacre de Sharpeville du 21 mars 1960 signe la prise de conscience
mondiale de la violence de l’apartheid en Afrique du Sud. Une manifestation
pacifique antiségrégation réprimée par la police provoque 69 morts et près de
200 blessés. De 1961 à 1963, la FIFA, exclu de ses rangs l’Afrique du Sud pour
son refus d’abolir la discrimination raciale sur les terrains comme dans les clubs.
Profitant de ce contexte, une ligue professionnelle rassemblant Noirs, Métis et
Indiens est fondée dès 1961-1962 à l’initiative de clubs non blancs.. Le
Transvaal United, issu d’un township de Soweto, gagne alors le1er titre de la
South African Soccer League (SASL). Et à partir de 1962, les premières équipes
féminines noires apparaissent au sein de la ligue.
Le football noir s’organise à la prison de Robben Island
Les détenus anti-apartheid sont des passionnés de football. Après 3 années de
pétitions auprès de l’administration pénitentiaire, les prisonniers politiques
obtiennent le droit de jouer au football. En 1966, 5 détenus lancent la Makana
Football Association, du nom du chef xhosa Makana Nxele, interné pour avoir
combattu les forces coloniales britanniques. Comme une ligue de football à part
entière, la Makana se conforme strictement au règlement officiel de la FIFA et se
structure en 3 divisions, avec des entraîneurs détenus et un arbitrage rigoureux.
Les prisonniers construisent les buts avec des filets de pêche, drainent à la pelle
le terrain et sculptent un trophée en bois. Le championnat de la Makana se
déroule sur une saison de 9 mois. L’auto-organisation de la ligue par des
centaines de détenus rythme le quotidien morne de Robben Island. Des
élections ont été organisées pour choisir les dirigeants de la structure, comme
Jacob Zuma, qui deviendra plus tard président de l’Afrique du Sud. Un comité
d’arbitrage a été créé et la rédaction de la charte constitutive de l’association a
demandé des mois de débats. Au-delà d’une simple échappatoire, la Makana est
aussi un outil d’éducation à la culture démocratique pour les prisonniers. En
s’essayant à l’organisation collective d’activités sportives, les détenus militants
de l’ANC et du PAC ont appris à transcender leurs divisions politiques face à
l’oppression raciale du système carcéral sud-africain.               suite
CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires
Football et décolonisation en Afrique du Sud                               suite
« Le football était un terrain d’entraînement dans tous les sens du
terme. Les prisonniers impliqués dans la Makana savaient bien
qu’un jour ou l’autre, l’Afrique du Sud deviendrait un pays libre,
démocratique et multiethnique. L’administration du football leur a
permis d’acquérir les compétences dont ils auraient besoin
lorsqu’ils formeraient un gouvernement », explique Chuck Korr,
professeur à la Western Cape University et auteur de More Than Just A Game :
Football vs. Apartheid.
Après la sanglante répression de la révolte de Soveto du 16 juin 1976 contre
l’imposition de la langue afrikaans à l’école, la FIFA exclut définitivement la
fédération sud-africaine de football. Et alors que le gouvernement continue de
persécuter les militants anti-apartheid – Steve Biko, du Black Consciousness
Movement, sera assassiné par la police en 1977 –, les matchs de football des
townships financent clandestinement les partis de libération noire. Créés en
1970, les Kaizer Chiefs de Soweto survolent le football noir sud-africain. Au plus
fort de la répression, l’équipe, avec son slogan « Love & Peace » et son surnom
de « Glamour Boys », offre une autre image du football professionnel noir, moins
conflictuel et plus lucratif. Les moyens financiers du club attirent en 1978 un 1er
joueur professionnel blanc, Lucky Stylianou, suivi par Peta Bala’c, Jingles
Pereira et Jimmy Joubert. Ouverte aux équipes blanches la même année,
l’africaine National Professional Soccer League est alors emportée en 1979,
1981 et 1984 par les Kaizer Chiefs qui, en transcendant les barrières raciales,
devient l’équipe la plus populaire du pays.
Le démantèlement du régime d’apartheid, à partir de 1990, s’accompagne de la
libération des prisonniers politiques de Robben Island et de la fin de la ségrégation
raciale au sein du foot. Une seule et pluriethnique South African Football
Association est alors créée en décembre 1991.Un an après la victoire des
Springboks en Coupe du monde de rugby, symboles de la « nation arc-en-ciel »
triomphante, la sélection nationale et multiraciale des Bafana-Bafana (« Les
Garçons » en zoulou) remporte en 1996 la Coupe d’Afrique des nations. Le
capitaine, Neil Tovey, devient le 1er joueur blanc à soulever le trophée africain.
Ce sont ensuite les femmes sud-africaines qui perpétuent la pratique d’un
football noir synonyme d’émancipation. Créé en hommage à Thokozani
Qwabe, une footballeuse lesbienne assassinée en 2007 en raison de son
orientation sexuelle, le Thokozani Football Club rassemble des joueuses noires
du township d’Umlazi, à Durban. L’équipe LGBT s’est constituée en réponse aux
fréquents crimes de haine à l’encontre des femmes lesbiennes ou transgenres
en Afrique du Sud.
CONFERENCE - DEDICACE - Vendredi 21 septembre à 18h - Histoires Ordinaires
De la décolonisation au Printemps populaire,
en Egypte, en Algérie et peut-être au Maroc
                         Les deux clubs principaux du Caire,
                         Zamalek et Al Ahly, ont traversé l’histoire
                         politique du XXe siècle égyptien. Tour à tour
                         fers de lance face au colon anglais, puis.
instrumentalisés par les pouvoirs nationalistes, leurs supporters ont
depuis les années 2000 pris la rue ensemble
Lors d’une première rencontre entre deux Égyptiens, bien avant d’interroger sa
religion ou sa profession, la première question qui est généralement posée est
« Al Ahly ou Zamalek ? ». Ces deux clubs de football du Caire font partie
intégrante de l’identité sociale du pays.
Comme dans de nombreuses cités portuaires, le football a été introduit au Caire
par les administrateurs et industriels coloniaux. Le ballon rond y est pratiqué à
partir de 1882, dans les camps militaires anglais et les collèges réservés à l’élite
coloniale. La première formation égyptienne, l’Egypt Railway Club – dénommée
aujourd’hui Al-Sakka Al-Hadid – est fondée en 1903 par des ingénieurs
britanniques et italiens des chemin de fer.
                                En 1905, l’avocat et militant indépendantiste
                                Mustafa Kamil fonde le Students Club qui
                                rassemble la jeunesse égyptienne exclue des
                                structures sportives réservées aux colons. Voyant
                                la popularité du foot croître auprès des Cairotes, le
                                club se baptise deux ans plus tard le Al Ahly – « le
                                National » en arabe. Il regroupe dès lors les
étudiants syndicalistes en lutte contre l’occupation britannique. Son siège social
devient un espace de rencontre militant et l’épicentre politique des jeunes
résistants anticoloniaux de la capitale. Leader des indépendantistes et futur chef
de file de la révolution égyptienne de 1919, Saad Zaghloul est élu en 1909
président de l’assemblée du Al Ahly. Le club se mue en vitrine du combat
anticolonialiste : les footballeurs portent un maillot rouge et blanc, couleurs du
drapeau égyptien précolonial, et boycottent tout match contre les équipes
militaires britanniques. En 1925 – trois ans après la fin du protectorat –, le
Al Ahly décide que seuls les joueurs possédant la nationalité égyptienne peuvent
adhérer au club. Le capitaine de l’équipe, Hussein Hegazi, a quant à lui été en
1911 le premier footballeur africain international évoluant en Angleterre, avant de
revêtir les couleurs du Al Ahly dès 1915.
                                                                   suite
Alors que le Al Ahly représente un club aux
racines anticolonialistes et populaires, le
Zamalek a été édifié en 1911 par George
Marzbach, un avocat belge qui débarqua au
Caire pour la construction du tramway. Se
surnommant « Les Chevaliers blancs » en
raison de la couleur de leur maillot, le club
promeut le cosmopolitisme en offrant aux élites
coloniales et égyptiennes un espace de socialisation autour du football.
Le Zamalek devient l’équipe des classes bourgeoises et la formation
favorite du roi Farouk Ier durant son règne de 1936 à 1952 – le club se
renomma même un temps en son honneur Farouk Al-Awal.
Carton rouge pour le régime
Face au chômage de masse ainsi qu’aux carcans religieux et familiaux de la
société égyptienne, les ultras proposent un mode de vie contestataire empreint de
liberté individuelle. Insubordonnés au pouvoir de Moubarak, ils sont considérés
comme une menace par le gouvernement. Et dans les médias, les Ahlawy comme
leurs rivaux du Zamalek, les Ultras White Knights, sont qualifiés de « drogués »,
de « voyous communistes » ou de « déviants sexuels ». Dès 2008, une violente
répression policière s’abat donc sur eux. Arrestations arbitraires, coups de
matraque dans les gradins, fouilles dégradantes : des heurts éclatent avec les
forces de l’ordre après chaque match. Mais forts de leur cohésion, les ultras osent
défier la police. « Les ultras ont été le premier groupe en Égypte à réagir à la
violence et à l’oppression du ministère de l’intérieur par la violence. Dans les
stades, ils font copieusement huer Hosni Moubarak et déploient des animations
visuelles critiques envers le pouvoir. En août 2010, après des affrontements entre
Ahlawy et forces de l’ordre, une vingtaine de policiers sont blessés et évacués par
ambulance. L’opinion publique égyptienne comprend que le régime
autoritaire de Moubarak n’est pas invulnérable.
Puis vient le 25 janvier 2011. Les Ultras White Knights mènent un cortège de
10 000 personnes jusqu’à la place Tahrir où des Ahlawy et des opposants les
rejoignent pour occuper l’esplanade. Les manifestants expulsés du lieu, un
« Vendredi de la colère » est organisé trois jours plus tard. Les forces de l’ordre
chargent la foule sur le pont Qasr al-Nil. Après cinq heures de bataille rangée, la
police est mise en échec par les ultras et remplacée en catastrophe par les
forces armées. Sur la place Tahrir réoccupée, les Ahlawy scandent un de leurs
chants de stade anti-Moubarak : « Hé stupide régime ! / Quand comprendras-tu
que ce que je demande / C’est la liberté, la liberté, la liberté ! »
Dans la foulée, le siège du parti de Moubarak est incendié. Par
                  leur savoir-faire et leur détermination face aux violences
                  policières, les supporters ultras deviennent aux yeux des
                  révolutionnaires égyptiens une des figures héroïques du
                  mouvement. « Nous sommes des gens normaux. Nous aimons
                  notre pays, notre club et notre groupe, déclare un ultra présent
                  ce jour-là. Nous nous battons pour la liberté et c’est ce que nous
                  avons en commun avec les révolutionnaires. »
Le 2 février, Moubarak envoie ses hommes de main, les baltaguia, déloger les
manifestants de Tahrir. En direct devant les caméras d’Al-Jazeera, les ultras
protègent les occupants. Les supporters du Al Ahly et du Zamalek unissent leur
force et repoussent l’assaut des pro-Moubarak venus à dos de chameau. Après
cette journée baptisée la « bataille des chameaux », le mouvement social
s’enracine à Tahrir. Dans les jours qui suivent, les ultras érigent des check-points
aux entrées, vont chercher en mobylettes les blessés durant les manifestations,
diffusent leurs chants protestataires au sein des cortèges. Le 11 février, Hosni
Moubarak quitte définitivement le pouvoir face à la révolte populaire. « J’étais
contre la corruption, contre ce régime et pour les droits de l’homme, déclare
Mohamed Gamal Bechir, figure du mouvement ultra égyptien. Notre pouvoir
résidait dans notre capacité d’auto-organisation. ».
En novembre 2011, les Égyptiens sont à nouveau dans la rue pour demander la
démission du maréchal Mohamed Tantawi, président du Conseil suprême des
forces armées (CSFA), organe chargé d’assurer l’intérim du pouvoir. Ultras du
Al Ahly et du Zamalek se retrouvent aux avant-postes de la contestation. Celle-ci se
cristallise autant dans des révoltes urbaines rue Mohammad-Mahmoud – où sont
nombre de ministères –, que dans les stades : à chaque rencontre, les Ahlawy
déploient une banderole géante contre les militaires représentés en vampires ou en
chiens. Un an jour pour jour après la défaite des baltaguia place Tahrir, un match à
Port-Saïd oppose l’équipe locale au Al Ahly. À la fin de la partie, les supporters port-
saïdiens envahissent soudain les tribunes adverses et attaquent à coups de pierres
et de couteaux les Ahlawy. Les lumières du stade s’éteignent, les portes de sortie
verrouillées, les policiers demeurent impassibles. « Ce n’est pas du football, c’est
une guerre. Un de nos supporters est mort juste sous mes yeux ! » Bilan macabre
de ce « massacre de Port-Saïd » : 74 morts chez les Ahlawy.
Pointant la coïncidence des dates, les supporters du Al Ahly y décèlent une
vengeance du Conseil suprême des forces armées pour l’humiliation de la
« bataille des Chameaux ». Les ultras scandent alors un nouveau chant qui
clame : « Ce régime a pensé que son emprise le rendrait intouchable / Et mettrait
le peuple révolutionnaire à genoux face à la loi martiale / […] Oh Conseil des
salauds, quel est le prix du sang d’un martyr ? »
                                                                        suite
Depuis la reprise en main du pouvoir par Abdel Fattah al-Sissi à
                l’été 2013, toute contestation sociale est violemment réprimée.
                Matchs à huis clos, interdictions de rassemblement pour étouffer les
                revendications antiautoritaires des supporters du Al Ahly et du
                Zamalek. En mai 2015, un tribunal égyptien les interdits comme
                « organisations terroristes ». les Ahlawy et les Ultras White Knights
                annoncent officiellement leur autodissolution au printemps 2018.
Malgré les affres de la répression, la révolte des ultras égyptiens a
embrasé toute l’Afrique du Nord.
Un an plus tard, l’Algérie se soulevait contre le régime de Bouteflika.
Forts de leur capacité de mobilisation et de leur culture contestataire
forgée dans les stades, les ultras algérois ont été un des fers de lance des
marches anti-gouvernementales.. En tête des cortèges depuis la première
marche du 22 février contre le 5ème mandat de Bouteflika, les fans de
football, organisés au sein du collectif Ouled el-Bahdja, sont réputés pour
leurs chants contestataires. « La Casa del Mouradja » est devenue
l’hymne des manifestations, dépeignant la morosité de la jeunesse
algérienne et conspuant 20 ans de règne de Bouteflika. Entonné dans les
virages du stade, où s’expriment les résistances populaires dans les
régimes autoritaires, ce chant s’est emparé de la rue : « Le premier
[mandat], on dira qu’il est passé, ils nous ont eus avec la décennie [noire]
/ Au deuxième, l’histoire est devenue claire, la Casa del Mouradia / Au
troisième, le pays s’est amaigri, la faute aux intérêts personnels / Au
quatrième, la poupée est morte et l’affaire suit son cours […] / Le
cinquième [mandat] va suivre, entre eux l’affaire se conclut. »
Là encore, les racines de la révolte se nourrissent des luttes anticoloniales.
Les supporters qui sont descendus dans la rue pendant le Hirak sont issus
de deux grands clubs populaires de la capitale : l’Union sportive de la Médina
d’Alger, dont nombre de footballeurs ont participé à la bataille d’Alger de
1957, et le Mouloudia, club musulman indépendantiste qui, à sa fondation en
1921, effraya les autorités françaises.
Enfin, au Maroc, depuis fin 2019, les ultras dénoncent la corruption qui
gangrène le royaume. Dans les tribunes du Raja de Casablanca, club créé
par des militants syndicaux anticolonialistes, résonnent ces paroles :
« Vous avez volé les richesses de notre pays / Les avez partagées avec
des étrangers / Vous avez détruit toute une génération ! » Et si, à en
croire l’influence du football sur les mouvements populaires, le prochain
printemps était marocain ?                             à suivre
«L’histoire révolutionnaire algéroise a nourri
notre esprit contestataire» Ouled el-Bahdja
                              Dans les quartiers populaires de la Casbah
                              et de Bab-el-Oued, les supporters de l’Union
                              sportive de la médina d’Alger (USMA) sont
                              en première ligne dans le mouvement qui
                              emporte l’Algérie en ce printemps 2019.
En tête des cortèges depuis la première marche du 22 février contre le
cinquième mandat de Bouteflika, ces fans de football, organisés au sein du
collectif Ouled el-Bahdja, sont réputés à travers le pays pour leurs chants
contestataires. D’où viennent ces Ouled el-Bahdja qui défient le régime dans les
stades comme dans la rue ? En quoi leur histoire est-elle étroitement liée à la
lutte anticoloniale ? Comment ces supporters sont-ils devenus des acteurs
politiques à part entière ? Méfiants à l’égard des médias, par culture de
l’anonymat mais aussi pour se soustraire à la surveillance policière, les Ouled el-
Bahdja refusent systématiquement toute sollicitation de la part des journalistes.
Entretien exclusif avec les membres fondateurs de ce collectif.
L’histoire de l’Union sportive de la médina d’Alger en tribune a commencé en juin
1969, lors de la finale de la coupe d’Algérie face à l’équipe du Chabab Riadhi de
Belcourt. C’est lors de ce match que les supporters de l’USMA se sont assis pour
la première fois en virage de manière organisée. Ces derniers avaient été
frappés par les tribunes anglaises, où l’on apercevait à l’époque des fans portant
des chapeaux hauts de forme ou habillés de tuniques de la Garde royale
britannique. Pour la première fois en Algérie, des drapeaux ont été confectionnés
par les supporters et des chansons issues des gradins anglais ou inspirées du
folklore algérois – entre autres en l’honneur de l’attaquant Abderrahmane
Meziani – ont été entonnées dans un stade. À la suite de cette finale, le gardien
Djamel el-Okbi nous a baptisés du nom de « Virage Électrique Orchestra ».
Après les coupes du monde de 1982 en Espagne et 1986 au Mexique, durant
lesquelles s’est illustrée l’Algérie, le Virage Électrique Orchestra s’est inspiré de
la culture « latino », dont un des symboles phares, le taureau, est devenu
l’emblème des « usmistes » en tribune. En 1993, notre virage donne naissance
au groupe Milano, considéré encore aujourd’hui comme le premier groupe de
chant de stade en Afrique. Avec l’émergence du phénomène de l’immigration
clandestine par bateau, les Algériens trouvèrent un amour nouveau pour l’Italie.
Les usmistes se sont inspirés de la culture des supporters transalpins tout en y
ajoutant une touche algéroise. Ce qui a mené à la confection des premières
grandes animations visuelles en tribune, les tifos, dès le milieu des années 1990.
                                                                    suite
Même si tous les supporters de l’USMA sont des nôtres, notre groupe se
compose à peu près de 500 personnes, avec un noyau bien défini qui prend
ensemble les décisions concernant le collectif. Ouled el-Bahdja signifie
littéralement « les Fils de la Radieuse » [surnom de la ville d’Alger – ndlr].
Entretien exclusif avec les membres fondateurs de ce collectif.
Nos valeurs se fondent sur une histoire de résistances qui se transmet de
génération en génération. Ce qui fait qu’un esprit de rébellion et d’abnégation
nous caractérise aujourd’hui dans les luttes que nous menons pour combattre
l’oligarchie qui tient en otage notre pays, mais aussi pour préserver l’identité
usmiste et l’authenticité algéroise du club face au business du football. Nous
nous inspirons par exemple des pères fondateurs du club en 1937, à l’instar d’Ali
Zemmouri. Ce dernier passait ses vacances à réparer à ses frais toutes les
paires de crampons des footballeurs du club. Ce geste peut paraître anodin
mais, à nos yeux, ce dirigeant incarne au mieux nos valeurs d’engagement et de
solidarité. Durant la guerre d’Algérie, l’USMA a abrité nombre de résistants, à
l’image de Yacef Saâdi, chef militaire FLN de la Zone autonome d’Alger, et
Zoubir Bouadjadj, révolutionnaire algérien membre du Groupe des 22 qui ont
joué tous les deux sous les couleurs du club. En 1956, un article du Journal
d’Alger avançait : « Ce club, l’USMA, dont le siège se trouve 6, rue de Bône, a
donné tout l’état-major de la rébellion à Alger et le démantèlement par la police
des cellules du FLN a démontré le rôle néfaste joué par ce club. ».
Plus d’une quarantaine de martyrs issus des rangs de notre club sont morts pour
l’indépendance. Cette histoire révolutionnaire a nourri notre esprit contestataire
et nos pratiques de supportérisme (chants, banderoles, etc.), qui revendiquent
haut et fort cet héritage. Notre virage se distingue enfin par le fait que, dès son
plus jeune âge, l’usmiste doit cultiver une certaine élégance à travers sa façon
de s’exprimer, une fierté d’être algérois et surtout un sens de la dérision et une
pensée critique à toute épreuve.
Ouled el-Bahdja est réputé pour ses morceaux à dimension sociale, à l’instar de
Babour ellouh, qui parle des harragas, les jeunes émigrants algériens
clandestins qui tentent la traversée de la mer vers l’Espagne ou l’Italie sur des
embarcations de fortune. Publiée quelques semaines avant la mise en ligne de
La Casa del Mouradia en avril 2018, ce titre avait déjà fait plusieurs millions de
vue sur YouTube. L’autre raison du succès de cette chanson est due à la
maturité artistique et au savoir-faire musical qu’a pu atteindre notre collectif
grâce à la culture du « viragiste » de l’USMA, qui s’est transmise de génération
en génération. Notre dernière chanson, Ultima Verba – un clin d’œil à un poème
de Victor Hugo –, sortie 5 jours avant la première marche contre le régime le 22
février, a été reprise par la star franco-algérienne du rap Soolking. Rebaptisée
Liberté ce morceau a déjà été écouté plus de 60 millions de fois sur le Net.
                                                                  suite
Le président et propriétaire de l’USMA, Ali Haddad, richissime affairiste
proche du pouvoir et élu à la tête du Forum des chefs d’entreprises
(l’équivalent algérien du Medef), a trempé en 2015 dans un vaste
scandale de corruption. Que vous inspire son placement en détention
provisoire le 3 avril dernier, après qu’il a tenté de fuir le pays?
Son arrestation prouve que la classe dominante corrompue est bien en train de
se désintégrer, et nous espérons qu’il ne sera pas le dernier. À son arrivée à la
tête du club en 2010, Ali Haddad n’était encore qu’un entrepreneur du BTP. Les
paroles de notre première chanson à son encontre dès sa prise de fonctions
affirmaient déjà : « Ni Haddad ni Allik, USMA ton drapeau nous est cher. Tu
trouveras toujours tes enfants à tes côtés lors des moments difficiles, je ne
passerai mes nuits qu’avec toi. Nous ne sommes pas une entreprise mais une
équipe. Allez les Rouges!.
Au début, pour nous, c’était un homme d’affaires qui n’était pas issu du milieu
footballistique. Notre résistance s’est donc concentrée sur la protection de l’âme
du club, qui pouvait être menacée par son ignorance de l’histoire spécifique de
l’USMA. Ce n’est qu’à partir de 2014 qu’ont éclaté des scandales financiers.
Nous avons donc continué à chanter contre le système algérien, tout en étant
bien conscients que ce dernier et les autres oligarques du pays ne sont qu’un
symptôme d’une maladie bien plus grave…2014 a également signé la réélection
pour la quatrième fois consécutive de Bouteflika. Une année où presque tous les
présidents des clubs professionnels ont utilisé leur équipe pour faire campagne
pour Bouteflika. Face à une tribune engagée comme la nôtre, Ali Haddad n’a
toutefois pas osé affirmer son allégeance au système, ni pendant les élections
présidentielles, ni lors des fêtes organisées pour célébrer les titres sportifs. 2 ans
plus tard, lors du match de la dernière journée de la saison qui nous consacrait
pour la septième fois champion d’Algérie, Ouled el-Bahdja a déployé un tifo
critique envers Ali Haddad avec ce message : « L’USMA, c’est nous. » Un
couplet de notre dernière chanson vise directement Haddad en faisant allusion à
l’affaire de corruption de 2015 : « Le temps nous appartient. L’État chutera avec
ceux qui ont construit l’autoroute. »
Comment voyez-vous votre engagement et votre place singulière au sein
du mouvement dans les semaines à venir ?
Bouteflika n’est plus, mais le système reste toujours en place. À l’instar de tous
les Algériens, nous continuerons à être dans la rue jusqu’à obtenir la fin de ce
système. Et nous continuerons à composer des chansons contestataires, car
cela fait partie de nos traditions les plus importantes. Quant à notre place dans le
mouvement contestataire actuel, sa richesse provient justement du fait qu’il est
populaire et très hétérogène. Nous refusons qu’il soit récupéré par n’importe quel
parti, groupe ou personnalité publique. Un seul héros, le peuple!
Le 13 avril 1958, neuf joueurs algériens
quittaient la France pour rejoindre le FLN
                     Le 13 avril 1958, 9 footballeurs algériens désertaient
                     leurs clubs de première division pour se rendre en
                     Algérie et rejoindre l’équipe du Front de libération
                     nationale. Parmi eux, plusieurs étaient en passe de
                     participer, avec l’équipe de France, à la Coupe du
                     monde 1958 en Suède. Ces joueurs algériens
                     choisissent de rejoindre la formation du FLN, créée
                     pour représenter la lutte pour l’indépendance de
                     l’Algérie lors de tournois à l’étranger.
                     Photo : Rachid Mekhloufi à St.Etienne

Le dimanche 13 avril 1958, alors que la Guerre d’Algérie a débuté depuis près
de 4 ans, se déroule la 30e journée de Division 1 de football. À travers le pays,
plusieurs joueurs algériens évoluent sur les pelouses des 9 rencontres du jour.
Moins de 24h plus tard, 9 d’entre eux auront quitté le territoire français pour
Tunis, où siège le Gouvernement provisoire de la République algérienne
(GPRA), afin de rejoindre l’équipe du Front de libération nationale (FLN) et la
lutte pour l’indépendance algérienne. Un 10ème échoue dans sa tentative de
désertion : le Monégasque Hassen Chabri, appréhendé par la Direction de la
surveillance du territoire à la frontière italienne, du côté de Menton.
"Ceux qui ont été approchés pour rejoindre l’équipe, c’étaient les meilleurs
joueurs", et 3 sont proches de participer à la Coupe du monde 1958 en Suède
avec l’équipe de France : les Monégasques Mustapha Zitouni et Abdelaziz
Ben Tifour et le petit prodige stéphanois, Rachid Mekhloufi,
"On allait jouer au foot pour une liberté totale, bref pour une cause noble", confie,
serein, Rachid Mekhloufi plus tard. Mais à l’époque, "ces joueurs sont partis
dans l’incertitude la plus totale parce qu’ils ne savaient pas comment allait
évoluer le conflit". Partis peu nombreux, ces premiers déserteurs seront rejoints
par d’autres joueurs lors de vagues futures, en juillet 1958, juillet 1960 et
novembre 1960. La carrière de ces joueurs prend un nouveau tournant, bien plus
politique. En foulant les pelouses avec l’équipe du FLN, ils deviennent des
représentants de la lutte pour l’indépendance algérienne. Un message que leur
fait passer Ferhat Abbas, dirigeant du GPRA, lors de leur arrivée sur le sol
tunisien : "Il est évident que nous attachons une extrême importance au
comportement de cette équipe, car elle représentera à travers ses exhibitions à
l’étranger l’image d’un peuple en lutte pour son indépendance."
au Brésil, dribbler la domination blanche
                        Du pionnier Arthur Friedenreich, premier
                        footballeur noir admis en sélection nationale,
                        aux soulèvements des supporters ultras
                        contre la Coupe de monde en 2014 ou plus
                        récemment contre Jair Bolsonaro, l’histoire
                        du futebol est intimement liée à la volonté d’
émancipation et de reconnaissance des descendants d’esclaves.
Ce 29 mai 1919, à Rio de Janeiro, Depuis près de 2 heures, la rencontre n’arrive
pas à départager qui du Brésil ou de l’Uruguay remportera le championnat sud-
américain de football, ancêtre de la Copa América. Soudain, le Brésilien Arthur
Friedenreich frappe la balle dans les buts adverses. Les tribunes exultent : le
Brésil remporte son premier titre international. Un malaise traverse pourtant les
gradins : l’artisan de cette victoire historique est métis. Arthur Friedenreich est en
effet le fils d’un businessman allemand et d’une Brésilienne à la peau noire
       Introduit au Brésil en 1894 par le fils d’un ingénieur britannique, le football est
       officiellement réservé à la bourgeoisie blanche en ce début de XXe siècle.
       Les Noirs, les Métis et les Amérindiens sont exclus de toute compétition.
Toutefois, à Campinas, cité ouvrière de l’État de São Paulo, naît en 1900 le club
Ponte Preta qui rassemble des travailleurs non-blancs des chemins de fer. En
1907, dans la banlieue de Rio, le Bangu AC, club de l’usine locale, accueille des
footballeurs-ouvriers noirs et se voit de facto prohibé de championnat carioca.
Dans le sud du pays, à Porto Alegre, les joueurs noirs, mettent sur pied leur
propre ligue autonome, la Liga Nacional de Futebol Porto-Alegrense vite
surnommée péjorativement la Liga das Canelas Pretas (Ligue des Tibias Noirs).
Son premier championnat est organisé le 13 mai 1920, date anniversaire de
l’abolition de l’esclavage au Brésil. « Dans cette ligue, l’apprentissage du
football a été indépendant, plus ludique et plus intense, ce qui a conduit les Noirs
et les pauvres, en général, à jouer encore mieux que l’élite bourgeoise .
Arthur Friedenreich, est victime du racisme des arbitres blancs.: les fautes que
pratiquent sur lui ses adversaires ne sont pas sifflées, ce qui l’oblige à élaborer
des feintes de corps afin d’esquiver leurs charges violentes. « Ruse et technique
de survie des premiers joueurs de couleur, le dribble leur évite tout contact avec
les défenseurs blancs. Le joueur noir qui ondule et chaloupe ne sera pas rossé,
ni sur le terrain ni par les spectateurs à la fin de la partie ; personne ne
l’attrapera ; il dribble pour sauver sa peau. » À travers ses dribbles ravageurs,
Friedenreich met en scène sur le terrain la condition même du dominé qui, pour
exister, doit avant tout se soustraire à la violence du dominant.      suite
Vous pouvez aussi lire