LA RENTRÉE LITTÉRAIRE - 2019 Albin Michel - Editions Albin Michel
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Sommaire RENTRÉE LITTÉRAIRE Amélie NOTHOMB Soif....................................................................................................................... p.4 Bruno DE CESSOLE L’île du dernier homme................................................................................ p.6 Fatou DIOME Les veilleurs de Sangomar........................................................................................ p.8 Emmanuelle FAVIER Virginia............................................................................................................ p.10 Dana GRIGORCEA La dame au petit chien arabe................................................................................p.12 Frédéric GROS Le guérisseur des lumières..............................................................................................p.14 Sana KRASIKOV Les patriotes.....................................................................................................................p.16 Victoria MAS Le bal des folles..........................................................................................................p.18 Alexis MICHALIK Loin........................................................................................................................p.20 Laurence NOBÉCOURT Le chagrin des origines........................................................................p.22 Tommy ORANGE Ici n'est plus ici....................................................................................................p.24 Franck PAVLOFF Par les soirs bleus d'été......................................................................................p.26 Éric-Emmanuel SCHMITT Journal d'un amour perdu..............................................................p.28 Sébastien SPITZER Le cœur battant du monde.........................................................................p.30 Sándor MÁRAI Journal......................................................................................................................p.32 2 3
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE AMÉLIE NOTHOMB Soif Production Iconoclast Image © Jean-Baptiste Mondino 21 AOÛT 2019 160 PAGES 17,90 € 4 5
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE BRUNO DE CESSOLE “ Comme il aimait parer ses défauts L’île du dernier homme d’un habit flatteur, Saint-Réal s’était trouvé en Benjamin Constant et Stendhal deux ancêtres spirituels à sa ressemblance. La dépréciation de soi, le masochisme sournois, la valse-hésitation entre deux partis ou deux femmes, le prurit de l’introspection, « Ceux qui sacrifient la liberté l’incapacité à tirer profit de la lucidité sur à la sécurité n’obtiendront soi-même, autant de faiblesses de caractère dont l’auteur d’Adolphe et du Cahier Rouge ni l’une ni l’autre. » avait souffert, non sans complaisance, et dont lui-même n’était pas indemne. Plus encore, Saint-Réal avait trouvé en Stendhal, sans cesse tiraillé entre S urnommée « l’île du bout du monde », Jura a longtemps été la plus isolée des Hébrides écossaises. C’est sur ce bout de terre inaccessible que le journaliste François Saint-Réal est venu cher- le sentiment et la raison, divisé entre un tempérament de droite et des convictions de gauche, un frère d’élection. Dans cher refuge, après avoir été confronté, des banlieues françaises au le faisceau de contradictions de Stendhal champ de bataille d’Alep, aux hommes qui désignent l’Occident – un comble pour un fanatique de la logique matérialiste comme leur pire ennemi, jusqu’à éprouver une étrange et de la méthode ! – il discernait ses propres fascination pour leur combat. écartèlements. Au vrai, rien n’était plus facile pour le stendhalien de gauche qu’il était © Astrid di Crollalanza Est-ce un hasard si George Orwell choisit cette lande sauvage pour écrire 1984, dénonçant un système d’oppression plus vivace que que de multiplier arguments et citations jamais ? Traqué par les services secrets qui le soupçonnent de sym- en faveur de l’ancrage révolutionnaire pathies islamistes, François Saint-Réal va devoir composer avec ses et progressiste de l’écrivain. Combien de fois engagements, réviser ses idéaux et résoudre ses contradictions. Stendhal n’avait-il pas réaffirmé sa détestation Un roman d’une actualité troublante, où Bruno de Cessole livre de l’Ancien Régime et des aristocrates, Journaliste, critique littéraire, Bruno de Cessole a dirigé 21 AOÛT 2019 432 PAGES son enthousiasme pour la Révolution, la Revue des Deux Mondes, les pages livres des Lettres une réflexion intempestive sur l’Histoire, sur l’engagement et sur 21,90 € sa ferveur pour Bonaparte, sa haine ” françaises et le service culturel de Valeurs actuelles. le cynisme de nos sociétés contemporaines. de la Restauration et du cléricalisme ? Auteur d’une quinzaine de livres, il a obtenu le grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. 6 7
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE FATOU DIOME “ Les veilleurs Coumba ne dormait presque plus de Sangomar depuis qu’elle avait appris par la radio que le Joola avait sombré et, avec lui, ce qu’elle avait de plus cher au monde : son ami d’enfance, son confident, Bouba son tendre époux. Elle était alors à Dakar, avec leur fille de cinq mois, dans leur « Mon cou se souvient du feu minuscule studio de jeunes mariés désargentés. L’hivernage comptait de tes baisers comme les fleurs ses derniers jours, incubait les futures fanées se souviennent du soleil. » récoltes dans sa moiteur, mais ce fut l’annonce de la mauvaise nouvelle qui suffoqua le pays. Coumba et la famille de son mari avaient patienté une longue N ul ne s’aventure sans appréhension à Sangomar, ce bout de terre inhabitée où, dans la tradition animiste sérère, se rassemblent les djinns et les âmes des défunts. Sur l’île voisine, journée avant d’admettre le pire. Il fallait partir, dès le lendemain, quitter ce lieu où le malheur était venu les frapper. Partir ! la jeune Coumba entame un long veuvage, recluse chez sa belle- Parce que la vie elle-même les harcelait, mère. Elle vient de perdre son mari dans le naufrage du Joola, en les mettait à l’étroit dans l’angoisse. 2002, au large du Sénégal. Ils veillèrent tard et ne se couchèrent Dès la nuit tombée, après le cortège des prières rituelles et des que pour trouver ensuite la force de tenir visites obligées, Coumba peut enfin faire face à son chagrin, consi- debout. De l’eau ! Au lever, ils n’avalèrent gner les souvenirs heureux, invoquer les morts. Alors, sa chambre que de l’eau, parce qu’ils n’avaient plus de larmes. De l’air ! Il leur fallait de l’air, © Astrid di Crollalanza s’ouvre grand aux veilleurs de Sangomar, esprits des ancêtres et des naufragés qui lui racontent leur destin et la mèneront à la ren- prendre le large pour ménager leurs poumons comprimés par la douleur. ” contre de son « immortel aimé ». Un grand roman de liberté et d’amour fou, porté par le souffle Las, ils partirent, chassés par le glas. 21 AOÛT 2019 ensorcelant de Fatou Diome. 336 PAGES 19,90 € Révélée en 2003 par Le Ventre de l’Atlantique, Fatou Diome, auteure, entre autres, de Kétala, Celles qui attendent et Impossible de grandir, transforme de livre en livre notre regard sur l’Afrique et le monde. 8 9
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE EMMANUELLE FAVIER “ Virginia Stephen, dont nous seuls Virginia savons qu’elle deviendra Virginia Woolf – nous qui savons tout ce qui suit, la langue liquide, la légende, l’amour tronqué et pourtant le plus grand bonheur possible, le succès, les craintes et les pages et les pages et les masses d’eau sans fond, l’eau médiévale L’enfance est un rêve, et barbare – c’est le réveil qui nous tue. Adeline Virginia Alexandra Stephen, dite AVS, dite Ginia ou Ginny ou miss Jan ou Janet ou encore Viginea ; dite la chèvre – the Goat ou Billy Goat ou Capra ou il Giotto ou Goatus D ans le lourd manoir aux sombres boiseries, Miss Jan s’apprête à devenir Virginia. Mais naître fille, à l’époque victorienne, c’est n’avoir pour horizon que le mariage. Virginia Woolf dérogera voire Goatus Esq. – dite Sparroy – drôle de moineau – ou le Singe ou tout autre animal qu’elle jugera bon d’incarner, à toutes les règles. Elle fera œuvre de ses élans brisés et de son à ce stade contentons-nous de Virginia – âpre mélancolie. Virginia, donc, est assise dans un fauteuil La prose formidablement évocatrice d’Emmanuelle Favier, l’autrice à oreilles au centre d’une pièce remplie du Courage qu’il faut aux rivières, fait de cette biographie subjec- de livres, de photographies et d’objets tive un récit vibrant, fiévreux, hypnotique. acquérant peu à peu le statut de reliques d’être ainsi couvés de son regard, baignés © Astrid di Crollalanza de son souffle. Songeuse, elle contemple son admirable main ; elle tient une cigarette, ou peut-être un petit cigare. Virginia ne craint ni la chaleur, ni les rages de l’hiver – elle songe.” Emmanuelle Favier, née en 1980, est une romancière 21 AOÛT 2019 et poétesse française. 304 PAGES Son premier roman, Le Courage qu’il faut aux rivières, 19,90 € a été très remarqué et a reçu de nombreux prix (prix Révélation de la SGDL, prix de la Fondation Prince Pierre de Monaco…) 10 11
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE DANA GRIGORCEA “ Mais Anna était prise maintenant La dame d’un sentiment familier qu’elle n’éprouvait d’ordinaire qu’à la fin des longues tournées, elle était soulagée et nostalgique en même temps. au petit chien arabe Une histoire s’achevait, et une fois encore elle s’était montrée parfaite, sensible et gracieuse, elle avait joué sa partie avec savoir-faire, Traduit de l'allemand (Suisse) par Dominique Autrand et un respect plutôt limité pour son partenaire. Elle rejoignit le brouhaha des voix et la musique du grand hall, seule à présent. Son dernier spectacle lui revint en mémoire. Il y avait ce rideau Le bonheur n’est-il pas dans avant le deuxième tableau, et les interprètes principaux ainsi que quelques-uns des seconds le pressentiment fugace de sa fin ? rôles étaient allés comme toujours sur la scène pour se hâter de répéter une dernière fois, en place, la partie la plus difficile de leur rôle, tous mélangés et chacun pour soi. Anna Karénine D e nos jours, sur les bords du lac de Zurich, Anna, une danseuse mondaine et mariée, croise Gürkan, un jeune jardinier kurde. La conversation s’engage à propos du petit chien qui accompagne se roulait par terre tandis que le comte Wronski, derrière, dans le coin gauche de la scène, dansait autour d’une Anna imaginaire pour ensuite – Anna et qu’elle a ramené d’Algérie. Les deux inconnus se plaisent, se tournant toujours le dos à sa partenaire – caresser revoient, deviennent amants, puis se quittent. Pour Anna, familière à genoux et avec une dévotion extrême une silhouette immatérielle. © by www.guntergluecklich.com du jeu de la séduction, c’est une aventure comme tant d’autres qui Anna se réjouit d’en avoir bientôt terminé avec ” s’achève, du moins le croit-elle. Car avec l’été s’installe une étrange sensation de vide sur laquelle il lui faudra bientôt mettre des mots : la scène. elle est amoureuse. Et rien n’est plus comme avant. C’est cette métamorphose, où l’incertitude des sentiments défie la 21 AOÛT 2019 raison, que Dana Grigorcea explore avec une délicatesse extrême 160 PAGES 15,00 € dans un récit tout en nuances. Hommage libre et fidèle à Tchekhov, Née à Bucarest, Dana Grigorcea est philologue et écrivain. La Dame au petit chien arabe évoque la question éternelle du Ses deux premiers romans, non traduits en français, ont été désir, des conventions sociales et de la liberté intérieure. récompensés par de nombreux prix littéraires. 12 13
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE FRÉDÉRIC GROS “ Le guérisseur Et voilà, monsieur Wolfart, que je me des Lumières suis réveillé ce matin avec la caresse des premières lumières de l’aube. Je me suis réveillé les mains palpitantes et pleines des lambris de ma chambre d’enfant avec son vernis grumeleux. Je me suis réveillé la lèvre fraîche, les épaules légères. « Le corps est la lumière de l’âme. » Je me suis levé et je n’ai d’abord pas osé comprendre. Puis en tremblant j’ai ramassé mes mains comme pour la prière et là, distinctement, quand elles furent à quelques centimètres l’une de l’autre, j’ai senti F ranz-Anton Mesmer publie son Mémoire sur la découverte du magnétisme animal en 1779. Il y annonce la découverte d’un fluide vital, d’une énergie élémentaire, qui traverse toute la le coussin de fluide, élastique et chaud, qui se tenait entre mes paumes comme un petit merle blanc. Il était revenu. Création et dont la circulation entravée provoque les maladies. Il Tout était revenu. Je me suis assis. y révèle aussi comment de simples effleurements de la main (les J’ai regardé mes mains, mes mains grandes, passes magnétiques) permettent de rétablir la santé en restaurant épaisses. Je leur ai parlé, ou plutôt nous l’harmonie perdue des corps. Rejetée par la médecine officielle avons parlé ensemble. Je les ai remerciées. et condamnée par les cercles académiques, portée par quelques Voyez-vous, le corps est un mystère guérisons « spectaculaires », cette théorie vaut à Mesmer une fou- et la pensée toujours en retard sur lui. droyante popularité. La fièvre mesmériste enflamme les imagi- L’intelligence est le retard du corps, parce nations dans la France prérévolutionnaire des Lumières où son qu’elle en est l’interruption, elle en est © Astrid di Crollalanza harmonie universelle fait écho aux aspirations à l’égalité et à la le moment de relâche et de pause. La peau fraternité. C’est au cœur de cette histoire fascinante, celle d’un même n’est pas une surface, mais homme en qui s’incarne toute l’effervescence d’une époque, que un sidérant témoignage. Le corps, monsieur Frédéric Gros, puisant sa matière romanesque au cœur de l’évé- 21 AOÛT 2019 ” Wolfart, est la lumière de l’âme. Professeur de pensée politique à Sciences Po, Frédéric Gros nement historique, nous entraîne. 176 PAGES 17,90 € est notamment l’auteur d’États de violence, de Principe sécurité et de Désobéir, un essai salué par la critique. Après le succès de Possédées, il signe avec Le guérisseur des Lumières, son deuxième roman. 14 15
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE SANA KRASIKOV “ Les patriotes J’aurais peut-être été moins dur avec ma mère si elle avait été une Russe Traduit de l'américain par Sarah Gurcel ordinaire, affligée de cette forme nationale de syndrome de Stockholm qu'on nomme patriotisme. Mais non. Elle était, comme moi aujourd'hui, Américaine. Et même plus que « Briser le cœur de sa famille était moi. Elle avait grandi dans les rues bordées d'ormes de Flatbush, à Brooklyn, débattu le prix à payer pour sauver le sien. » du Fédéraliste au lycée Erasmus Hall, étudié les mathématiques aux côtés d’autres jeunes filles qui comptaient comme elle parmi les premières bénéficiaires d'une éducation A lors que les États-Unis sont frappés par la Grande Dépression, Florence Fein, à seulement 24 ans, quitte Brooklyn pour une ville industrielle de l’Oural, dans la toute jeune URSS. Elle n’y trou- mixte à l'université de Brooklyn, écouté les « conversations au coin du feu » de Roosevelt, et regardé James Cagney vera pas ce qu’elle espérait : un idéal d’indépendance et de liberté. embrasser Jean Harlow sur l'écran du Comme de nombreux Refuzniks, son fils Julian, une fois adulte, Paramount. Elle avait beau prétendre avoir émigre aux États-Unis. Des années plus tard, en apprenant l’ou- tout oublié, je n’ai jamais cru qu'on puisse verture des archives du KGB, il revient en Russie et découvre les effacer une jeunesse new-yorkaise zones d’ombre de la vie de sa mère. de sa mémoire comme on gratterait © Alexis Calice Entremêlant époques et lieux, ce premier roman magistral de une peinture écaillée. Elle avait forcément, Sana Krasikov nous plonge au cœur de l’affrontement Est-Ouest j'insiste encore aujourd'hui, respiré un jour en explorant, à travers le destin de trois générations d’une famille juive, l’histoire méconnue de milliers d’Américains abandonnés ” l’odeur de la liberté. Née en Ukraine en 1979, Sana Krasikov a grandi dans par leur pays en pleine terreur stalinienne, et les conséquences l'ancienne république soviétique de Géorgie avant d'émigrer de nos choix individuels sur la vie de nos enfants. aux États-Unis avec sa famille. Elle est l’auteure d’un recueil de nouvelles, L’An prochain à Tbilissi (Albin Michel, 2011), 21 AOÛT 2019 608 PAGES récompensé par le O. Henry Award et le prix Sami Rohr. 23,90 € Elle a consacré neuf années à l’écriture de ce premier roman qui lui a valu d’être distinguée par la revue britannique Granta comme l’un des vingt meilleurs jeunes écrivains américains de la décennie. 16 17
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE VICTORIA MAS “ Le bal des folles En dehors des murs de la Salpêtrière, dans les salons et les cafés, on imagine ce à quoi peut bien ressembler le service de Charcot, dit le « service « Elles ne seront jamais des femmes des hystériques ». On se représente des femmes nues qui courent dans les couloirs, qu’on désire ou qu’on aime : se cognent le front contre le carrelage, elles sont des malades. écartent les jambes pour accueillir un amant imaginaire, hurlent à gorge déployée Des folles. Des ratées. » de l’aube au coucher. On décrit des corps de folles entrant en convulsion sous des draps blancs, des mines grimaçantes sous des cheveux hirsutes, des visages C haque année, à la mi-carême, se tient un étrange bal. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, de vieilles femmes qu’on fait bien de maintenir à l’écart, même si on ne saurait dire pour quelle raison exactement, celles-ci gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Réparti sur deux salles – n’ayant commis ni offense ni crime. d’un côté les idiotes et les épileptiques ; de l’autre les hystériques, Pour ces gens que la moindre excentricité les folles et les maniaques –, ce bal est en réalité l’une des dernières affole, qu’ils soient bourgeois ou prolétaires, expérimentations de Charcot, désireux de faire des malades de songer à ces aliénées excite leur désir la Salpêtrière des femmes comme les autres. Parmi elles, Eugénie, et alimente leurs craintes. Les folles Louise et Geneviève, dont Victoria Mas retrace le parcours heurté, les fascinent et leur font horreur. dans ce premier roman qui met à nu la condition féminine au Leur déception serait certaine s’ils venaient XIXe siècle. à faire un tour dans le service en cette fin © Astrid di Crollalanza de matinée : les folles y préparent leur bal de la mi-carême. ” 21 AOÛT 2019 256 PAGES 18,90 € Victoria Mas, 31 ans, a été assistante de production, scripte et photographe de plateau, en France et à l'étranger. Le bal des folles est son premier roman. 18 19
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE ALEXIS MICHALIK “ Lorsque les roues de l’appareil Loin quittent la piste, il entend son cœur accélérer. Mais ce n’est pas la peur de mourir, c’est l’excitation de l’inconnu, l’envie d’un ailleurs, la promesse d’une aventure. C’est ce qui soufflait aux Vikings, « Je pose à présent cette question : aux aborigènes, aux Indiens, aux explorateurs espagnols de pousser toujours plus loin leur où es-tu allé ? frêle esquif, leur si dérisoire embarcation, face à un océan gigantesque, bravant Combien de pays as-tu visité ? les dieux instables des mers, du vent Combien de villes, de continents ? » et du tonnerre. C’est l’audace de l’être humain, cette si petite chose orgueilleuse, c’est le désir de savoir, la soif d’apprendre, le besoin de découvrir. T out commence par quelques mots griffonnés au dos d’une carte postale : « Je pense à vous, je vous aime ». Ils sont signés de Charles, le père d’Antoine, parti vingt ans plus tôt sans laisser C’est l’amour de l’inconnu, la perspective de trembler, de rire, d’être découragé, rassuré, de tout perdre ou de tout gagner, d’adresse. Avec son meilleur ami, Laurent, apprenti journaliste, et de chercher, sans fin, la réponse Anna, sa jeune sœur complètement déjantée, Antoine part sur les aux questions que l’on se pose. traces de ce père fantôme. C’est l’affaire d’une semaine, pense-t-il… De l’ex-Allemagne de l’Est à la Turquie d’Atatürk, de la Géorgie de De vivre, enfin.” © Astrid di Crollalanza Staline à l’Autriche nazie, de rebondissements en coups de théâtre, les voici partis pour un road movie généalogique et chaotique à la recherche de leurs origines insoupçonnées. Alexis Michalik a décidément le goût de l’aventure : après le succès phénoménal d’Edmond, le comédien, metteur en scène et drama- 4 SEPTEMBRE 2019 Avec Le Porteur d'histoire et Le Cercle des Illusionnistes, turge couronné par cinq Molières, nous embarque à bord d’un 656 PAGES 22,90 € Alexis Michalik s’est imposé comme l’un des jeunes prodiges premier roman virevoltant, drôle et exaltant. du théâtre français. Edmond, à l’affiche depuis septembre 2016, a été couronné par cinq Molières, et a fait l’objet d’une adaptation au cinéma. Loin est son premier roman. 20 21
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE LAURENCE NOBÉCOURT “ Je suis née du verbe, sans rituel Le chagrin des origines ni sermon. Je suis née de ces après-midi blanches où, retirée à ma table, au centre du temps, j’écris ce qui ne peut se dire ni se taire (…) Mes pensées se roulent en boule tels des petits renards sauvages, ou s’éloignent à la manière des hérons L’écriture peut sauver la vie. qui traversent le ciel et disparaissent comme des lignes d’encre dans un ciel diffus. Elles s’en vont loin. Je les perds, je me perds avec elles. Et ainsi je m’absente jusqu’à L aurence Nobécourt ne se paie pas de mots quand elle nous dit que l’écriture l’a sauvée : ce récit est un brûlant hommage à cette « voie du verbe » qui permet de se rapprocher de soi-même naître dans un autre monde, une réalité différente où surgissent d’autres pensées que je ne savais pas m’appartenir. Les mots et de donner sens à la vie. Elle nous fait partager les moments initia- me protègent en même temps qu’ils tiques qui ont jalonné pour elle cette voie escarpée : le corps qui m’exposent. À cause des mots et grâce à eux, exsude la souffrance psychique ; la quête incessante du pourquoi je me sépare et je m’unis (…) Car l’écriture de ce « chagrin des origines » ; les années douloureuses à vouloir rend visible l’indicible, elle découvre se perdre dans l’addiction ; l’aspiration de la mélancolie mais aussi le double-fond, traque le secret, débusque les lectures qui ouvrent la ligne d’horizon ; une nuit fondatrice le non-dit, dévoile cet outre-monde qui sous l’emprise d’un champignon hallucinogène, où lui est révélée nous regarde par les fenêtres de la nuit. la réalité d’un monde qui n’est qu’amour – et qu’elle n’aura de Par elle surgit tout ce qui fut perdu. ” © France Keyser/M.Y.O.P. cesse de retrouver dans l’écriture… Elle est miracle, et je lui dois la vie. Dans cette prospection intime dont Laurence Nobécourt nous décrit les aléas, les rêves meurtris, les illusions et les éblouissements, une âme se met à nu sans tricher, toujours guidée par une foi aussi libre que fervente – et communicative. 4 SEPTEMBRE 2019 ENV. 224 PAGES Connue sous le nom de Lorette Nobécourt jusqu’à ce qu’elle ENV. 17,90 € décide d’abandonner ce surnom et toute la lourdeur familiale qu’il portait en publiant Lorette (2016), Laurence Nobécourt est l'auteure d'une quinzaine de romans, récits et essais publiés aux éditions Grasset. 22 23
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE TOMMY ORANGE “ Ici n’est plus ici Nous sommes nombreux à être urbains, désormais. Moins parce que nous Traduit de l'américain par Stéphane Roques vivons en ville que parce que nous vivons sur Internet. Dans le gratte-ciel des multiples fenêtres de navigation. On nous traitait d'Indiens des rues. On nous traitait de réfugiés « Être indien en Amérique urbanisés, superficiels, inauthentiques, acculturés, on nous traitait de pommes. n’a jamais consisté à retrouver Une pomme est rouge à l'extérieur et blanche notre terre. Notre terre est partout à l'intérieur. Mais nous sommes le résultat de ce qu'ont fait nos ancêtres. De leur survie. ou nulle part. » Nous sommes l'ensemble des souvenirs que nous avons oubliés, qui vivent en nous, que nous sentons, qui nous font chanter et danser et prier comme nous le faisons, À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la pauvreté, où chacun porte les traces d’une histoire doulou- des sentiments tirés de souvenirs qui se réveillent ou éclosent sans crier gare dans nos vies, comme une tache de sang imbibe reuse. Pourtant, tous les membres de cette communauté disparate la couverture à cause d'une blessure faite tiennent à célébrer la beauté d’une culture que l’Amérique a bien par une balle qu'un homme nous tire failli engloutir. À l’occasion d’un grand pow-wow, douze person- dans le dos pour récupérer nos cheveux, nages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs notre tête, une prime, ou simplement destins se lier. Ensemble, ils vont faire l’expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux. pour se débarrasser de nous. ” © DR Débordant de rage et de poésie, ce premier roman, traduit dans plus d’une vingtaine de langues, impose une nouvelle voix saisis- sante, véritable révélation littéraire aux États-Unis. Ici n’est plus ici 21 AOÛT 2019 Né en 1982, Tommy Orange a grandi à Oakland en Californie, mais ses racines sont en Oklahoma. Il appartient à la tribu a été consacré « meilleur roman de l’année » par l’ensemble de la 352 PAGES 21,90 € des Cheyennes du Sud. Diplômé de l’Institute of American presse américaine. Finaliste du prix Pulitzer et du National Book Indian Arts, où il a eu comme professeurs Sherman Alexie Award, il a reçu plusieurs récompenses prestigieuses dont le PEN/ et Joseph Boyden, il a fait sensation sur la scène littéraire Hemingway Award. américaine avec ce premier roman. 24 25
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE FRANCK PAVLOFF “ Par les soirs Agenouillé à ses côtés, l’enfant cerne bleus d’été la toile du pinceau de ses doigts peinturlurés. Il assortit les couleurs chaudes et froides avec le sérieux d’un apprenti verrier qui place sa fleur-obus au cœur d’un vitrail d’église encadré de bleu et de violet. Stépan est sidéré, son dessin prend une ampleur « Pour rejoindre son fils, imprévue, s’envole, comme quand, dans la musique de l’Estonien, deux voix il ne fallait pas craindre d'être se rejoignent et forment quelque chose à la marge du réel. » de plus ample, d’indissociable. Léo regarde ses doigts mâchurés, cligne des yeux devant ces drôles de marionnettes qui lui obéissent, prête l’oreille à la musique. D ans le lieu-dit la Montagne perdue, Détélina, une jeune femme hantée par la mémoire des mineurs de fond, veille sur son fils Léo, un enfant hors du commun, qui ne s’exprime que par un Ces airs ne sont pas ceux que sa mère et les monitrices lui chantent. Où sont-elles ? Un léger tremblement agite ses jambes, rituel minutieux de dessins et de couleurs. Quand arrive du Donbass, un grognement s’apprête dans les profondeurs terre de combats, un étranger sur un side-car d’une autre époque, de son corps. Intuitivement l’homme réagit, l’enfant se laisse peu à peu approcher. Mais que cherche cet homme refait le geste amorcé à leur première © Astrid di Crollalanza qui bouscule leurs habitudes, ce frère d’exil qui rend leur quotidien rencontre devant la moto. Il appuie sa main plus lumineux ? bien à plat derrière le cou, à l’amorce Depuis Le Pont de Ran-Mositar, Franck Pavloff poursuit une des épaules, et la sensation de lourdeur œuvre à l’écriture ciselée et puissante où évoluent des « perdants bienveillante calme l’enfant. Ils restent ainsi, magnifiques » qui vivent aux frontières du réel et de l’imaginaire, ” reliés par des ondes essentielles et secrètes. Franck Pavloff s’est établi dans les Cévennes depuis quelques et reconstruisent un monde de liberté. années. Il est l’auteur de Matin brun, nouvelle devenue culte, 21 AOÛT 2019 rééditée et illustrée par C215 et d’une œuvre romanesque 208 PAGES aussi exigeante que cohérente. 17,90 € Il a été récompensé par le Prix France Télévision en 2005 pour Le Pont de Ran-Mositar, Prix des Grands espaces en 2009 pour Le Grand Exil, Prix Lettres Frontière en 2012 pour L’homme à la carrure d’ours. 26 27
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT “ Notre voyage, à Maman et moi, s’effectua d’abord en silence dans la Renault 4 aux tôles tremblantes qui Journal suivait le corbillard à travers les rues escarpées. À bout de nerfs, Maman pilotait avec brusquerie, fulminant, d’un amour perdu contre les priorités, les feux rouges, les dos d’âne, les stops, la rapidité ou la lenteur des automobilistes ; elle haïssait le monde entier. – Excuse-moi d’avoir autant pleuré, Maman. « Maman est morte ce matin Je ne comprenais pas que ça t’empêchait, et c’est la première fois toi, de pleurer. C’est ton père avant d’être mon grand-père. J’ai été égoïste, qu’elle me fait de la peine. » je suis désolé. Malgré son exacerbation, ses yeux s’embuèrent en se tournant vers moi. – Tu as le droit de pleurer, Éric. P endant deux ans, Éric-Emmanuel Schmitt tente d’appri- voiser l’inacceptable : la disparition de la femme qui l’a mis au monde. Ces pages racontent son « devoir de – Oui, mais toi, tu ne pleures pas. – Si je pleurais, je pleurerais trop. – Je vois. bonheur » : une longue lutte, acharnée et difficile, contre – Et puis les larmes, ça ne fait pas partir le chagrin. Demeurer inconsolable trahirait sa mère, tant le chagrin. cette femme lumineuse et tendre lui a donné le goût de Quarante ans après, je tente d’assimiler la vie, la passion des arts, le sens de l’humour, le culte de son conseil et cherche à me hisser la joie. à sa hauteur : je m’essuie le visage, Ce texte explore le présent d’une détresse tout autant que me débouche le nez et jette à la poubelle le passé d’un bonheur, tandis que s’élabore la recomposition les mouchoirs en papier. d’un homme mûr qui n’est plus « l’enfant de personne ». Éric-Emmanuel Schmitt atteint ici, comme dans La Nuit de feu, à l’universel à force de vérité personnelle et intime 4 SEPTEMBRE 2019 Les larmes ne font pas partir le chagrin. ” 280 PAGES dans le deuil d’un amour. Il parvient à transformer une 19,90 € expérience de la mort en une splendide leçon de vie. © Pascal Ito 28 29
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE SÉBASTIEN SPITZER “ Charlotte est si fatiguée. Elle enfonce Le cœur battant son chapeau pour cacher son crâne ras. L’autre jour, elle a vendu ses mèches à un perruquier du centre-ville. du monde Deux shillings. L’auburn est à la mode. Charlotte a pu payer sa dette pour une chambre à six lits. Pourtant sa mère lui a enseigné le maniement de l’aiguille. Charlotte sait ranger aussi, plier, Derrière cet enfant né comme laver, écrire, compter, se taire et danser quand c’est l’heure de faire la fête au son l’aube, sans avant, sans hier, de la flute et du violon. Charlotte est se cache le « bâtard » de Karl Marx. une bonne fille d’Irlande. Londres déborde de bonnes filles comme elle. Londres est la ville-monde immonde. Ses rues sentent l’exil et la suie, le curry, D ans les années 1860, Londres, le cœur de l’empire le plus puissant du monde, se gave en avalant les faibles. Ses rues sentent la misère, l’insurrection et l’opium. Dans les faubourgs de le safran, le houblon, le vinaigre et l’opium. La plus grande ville du monde est une Babylone à bout, traversée de mille langues, la ville, un bâtard est recueilli par Charlotte, une Irlandaise qui a gavée de tout ce que l’Empire ne peut plus fui la famine. Par amour pour lui, elle va voler, mentir, se prostituer absorber. Elle a le cœur des Tudor et se gave sans jamais révéler le mystère de sa naissance. en avalant les faibles. Et quand elle n’en peut L’enfant illégitime est le fils caché d’un homme célèbre que pour- plus, elle les vomit plus loin et les laisse suivent toutes les polices d’Europe. Il s’appelle Freddy et son père s’entasser dans ses faubourgs sinistres. © Astrid di Crollalanza est Karl Marx. Alors que Marx se contente de théoriser la Révo- Un rayon de soleil frappe le bas de son visage. lution dans les livres, Freddy prend les armes avec les opprimés Ses cheveux repousseront. Ses seins ne lui feront plus mal. ” d’Irlande. 21 AOÛT 2019 Après Ces rêve qu’on piétine, un premier roman très remarqué qui 464 PAGES Son enfant naîtra, avant le début de l’hiver. 21,90 € dévoilait l’étonnante histoire de Magda Goebbels, Sébastien Spitzer Sébastien Spitzer est l’auteur d’un premier roman, Ces rêves prend le pouls d’une époque où la toute-puissance de l’argent brise qu’on piétine, traduit dans plusieurs pays et couronné par les hommes, l’amitié et l’espoir de jours meilleurs. de nombreux prix littéraires. 30 31
LA RENTRÉE LITTÉRAIRE SÁNDOR MÁRAI “ Journal Budapest. Chaque sonnerie a un sens. Dorénavant, je n’ouvre la porte que Les années hongroises 1943-1948 si on sonne d’une manière convenue. Je ne réponds à la sonnerie du téléphone que Traduit du hongrois par Catherine Faye si elle est codée. Voilà comment nous vivons. Celui qui n’aura pas vécu cette époque avec nous jusqu’au bout, celui qui n’était pas parmi nous quand tout s’est déclaré, installé Traduit pour la première fois et montré sous son vrai jour, celui qui ne sait pas ce que c’est de sursauter à chaque coup en français, le Journal du grand de sonnette, d’avoir cessé depuis longtemps écrivain hongrois Sándor Márai de craindre pour sa propre vie, celui qui ne sait pas les efforts qu’il nous a fallu pour éclaire son œuvre ne plus réagir au son de la sirène annonçant un bombardement que par un battement d’une lumière nouvelle. de cils, parce que notre système nerveux a depuis longtemps banalisé ce genre de danger en l’incorporant dans un mélange É diteur de la quasi-totalité de l’œuvre de Sándor Márai en France, les éditions Albin Michel se sont attelées à une tâche colossale : la publication du journal du grand auteur hongrois qui constitue empoisonné plus amer et plus dangereux, celui qui n’a pas au moins porté secours à un enfant, offert l’asile à un misérable la pièce maîtresse de son œuvre. Édité en Hongrie en dix-huit sans-logis, celui qui ne sait pas ce que cela volumes, il sera publié en France en trois volets, d’après une signifie d’avoir en main, au courrier du matin, sélection rigoureuse : Les Années hongroises, 1943-1948, L’Exil une carte jetée d’un wagon dans une gare par quelqu’un en route vers la mort avec © DR à Naples et New York, 1948-1967 et Second exil à Naples et San Diego, 1967-1989. quatre-vingts autres de ses semblables… Ce premier volume, dirigé par Catherine Fay, la traductrice de Sándor que celui qui n’a pas vécu tout cela Né en 1900 à Kassa, en Hongrie, Sándor Márai fait ses études 4 SEPTEMBRE 2019 Márai en français, en collaboration avec András Kányádi, maître de ENV. 400 PAGES avec nous, ces trois derniers mois, ces cinq, à Leipzig, puis vit à Francfort, Berlin et Paris, avant de rentrer conférences à l’INALCO, couvre la période historique la plus riche ENV. 22,90€ ces dix dernières années, ne s’avise jamais dans son pays où il devient dans les années 1930 un auteur adulé. Il tombe dans l’oubli après 1948, date de son exil de s’ériger en juge. Ici n’a le droit de juger ” – la guerre, l’arrivée des Soviétiques, le départ en exil – et met en en Europe puis en Californie, où il se suicide, à San Diego, que celui qui vit parmi nous. lumière des passages plus personnels de l’œuvre littéraire où se en 1989. déploient la causticité et la clairvoyance de Sándor Márai. 32 33
Albin Michel 22, rue Huyghens 75014 Paris Tél. 01 42 79 10 00 Fax 01 43 27 21 58 www.albin-michel.fr 9496748 -:HSMCMG=YYY\]X: Hachette
Vous pouvez aussi lire