PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client

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PLANIFICATION
DE LA RETRAITE :
Petit guide à consulter
avant de rencontrer
votre client

Contributeurs: Martin Dupras, Yves Gingras, Michaël Leclerc, François Normand, Dany Provost, Sophie Stival
Présentation
Risque de survie
Martin ­DUPRAS.......................................................................... 5

La règle du 70 % mise à mal
Yves ­GINGRAS........................................................................... 7

Pour savoir si le client aura assez d’argent
Sophie ­STIVAL............................................................................ 10

Forme des revenus de retraite
Martin ­DUPRAS.......................................................................... 13

Décaissement : quatre stratégies pour combattre
l’inflation
François N
         ­ ORMAND.................................................................. 15

Miser sur les rentes différées
Sophie ­STIVAL............................................................................ 18

L’effet réel d’une cotisation R
                              ­ EER
Michaël ­LECLERC...................................................................... 21

Optimisation ­REER-CELI : un peu de concret
Dany ­PROVOST.......................................................................... 23

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Les auteurs

Martin DUPRAS, M. Fisc, A.S.A., Pl. Fin.
président fondateur, ConFor financiers

Yves GINGRAS
journaliste

Michaël LECLERC, CPA, CMA
conseiller associé, Valeurs mobilières Groupe Investors

François NORMAND
journaliste

Dany PROVOST, Act., D.Fisc., CFA, Pl. Fin.
directeur à la planification financière et fiscale, SFL Cité de Montcalm

Sophie STIVAL, CFA
analyste financière et journaliste

Les textes de cet ouvrage ont été sélectionnés et réunis par
Richard Cloutier, journaliste, Finance et Investissement.

                                     PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 3
Présentation
Le départ à la retraite est un moment important de la vie
de votre client et les enjeux liés à la planification de cette
étape sont multiples : de la définition d’attentes réalistes
quant à son style de vie, en passant par la transformation
optimale de son épargne en revenu afin de s’assurer de
disposer des ressources suffisantes pour la durée de cette
période de sa vie. Dans ce contexte, les conseils que vous
pourrez lui donner peuvent certainement s’avérer détermi-
nants pour l’atteinte de ses objectifs.

Finance et ­Investissement publie régulièrement des articles
concernant la planification de la retraite et aborde des
thèmes aussi diversifiés que le risque de survie, et les ren-
tes différées.

Dans cet esprit, le présent ouvrage a été conçu comme un
­aide-mémoire pour soutenir les conseillers dans leurs dé-
 marches auprès de leurs clients. On y retrouve une dizaine
 d’articles abordant différentes facettes de cette période de
 transition, incluant l’évocation des formes de revenus de
 retraite, ainsi que des stratégies de décaissement.

Excellente lecture !

L’équipe de F
            ­ inance et ­Investissement

                               PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 4
Risque de survie
Martin ­DUPRAS

Une projection de revenus de retraite se base sur un             on utiliserait l’espérance de vie à la naissance. Un tel
grand nombre d’éléments. Les actifs du client, sa si-            exercice, assez théorique, aurait peu de valeur, voilà
tuation familiale et fiscale, ses droits acquis au titre de      pourquoi on analysera plutôt ici l’espérance de vie du
régimes de retraite privés et/ou publics, les hypothèses         particulier qui a atteint l’âge de 65 ans.
de rendement et d’inflation constituent ­quelques-uns
de ces éléments. La durée de projection représente               Toutefois, utiliser l’espérance de vie du particulier
fréquemment un élément central de ces projections.               comme date cible d’épuisement des actifs implique un
                                                                 certain risque en raison du fait que, statistiquement,
                                                                 50 % des gens dépasseront cette durée. Si 50 % des
Risque de survie                                                 particuliers survivaient à leur capital, cela impliquerait
                                                                 qu’une planification de retraite tablant sur l’espérance
Il apparaît parfois ­contre-intuitif                                                  de vie aurait 50 % de probabilités
de parler de risque de survie. Les                                                    de ne pas tenir la route. La survie
risques de marché, d’inflation, de                                                    constitue donc réellement un
coûts de santé semblent fréquem-               Utiliser                               risque financier à considérer pour
ment plus importants. Toutefois, le                                                   la retraite.
particulier dont une part importante           l’espérance de
des revenus de retraite proviendra                                                    Pour pallier ce risque, la pra-
de ses propres actifs devra se sou-
                                               vie du particulier                     tique prudente consiste à ajouter
cier du risque de survie, autrement            comme date cible                       quelques années à l’espérance
dit du risque de survivre à son capi-                                                 de vie du particulier. Cette nou-
tal, d’épuiser c
               ­ elui-ci.                      d’épuisement                           velle durée constitue la durée rai-
                                                                                      sonnable de décaissement. Elle
                                               des actifs                             représente essentiellement un âge
Espérance de vie et
durée raisonnable de
                                               implique un                            auquel 75 % (et non 50 %) des
                                                                                      membres d’un groupe homogène
décaissement                                   certain risque.                        (âge atteint, sexe) seront décédés.
                                                                                      Une planification de retraite tablant
Historiquement, on a longtemps uti-                                                   sur la durée raisonnable de décais-
lisé l’espérance de vie pour établir                                                  sement plutôt que sur l’espérance
le moment où le capital retraite s’épuisait dans les pro-        de vie n’aurait que 25 % de probabilités de ne pas tenir
jections. L’espérance de vie est une donnée statistique          la route, donc 75 % d’être valable.
qui se base sur un âge futur auquel 50 % des membres
d’un groupe homogène (âge atteint, sexe) seront décé-
dés. Par exemple, si on avance que l’espérance de vie            Normes de l’IQPF
d’un homme de 65 ans est de 24 ans, cela signifie que
sur un groupe de 1 000 hommes de 65 ans observés                 L’Institut québécois de planification financière présente
aujourd’hui, 50 %, donc 500, devraient être décédés à            ces données, espérance de vie et durée raisonnable
l’âge de 89 ans. Si l’on planifiait la retraite d’un enfant      de décaissement pour différents âges dans les ­Normes
à sa naissance, ce qui est quand même assez rare ( !),           d’hypothèses de projection.

                                                              PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 5
Coût de cette prudence                                          En conclusion

Il semble donc pertinent (et prudent) d’utiliser la ­Durée      Le décès constitue évidemment un risque, mais au mo-
raisonnable de décaissement plutôt que l’Espérance              ment de la retraite, la survie (ou la trop longue survie)
de vie, mais cette pratique a un coût. Imaginons un             constitue également un risque à gérer.
homme de 65 ans qui possède un capital ­REER de
250 000 $ et qui vise en tirer un revenu uniforme. En
ayant un rendement annuel de 3,90 %, il pourrait tou-
cher un revenu annuel de 16 229 $ jusqu’à 89 ans (son                                  Initialement publié dans la ­Zone ­Experts
espérance de vie). S’il vise toucher un revenu annuel                                             de ­Finance et ­Investissement,
pour toute la ­ Durée raisonnable de décaissement,                                                                  en août 2017
soit jusqu’à 94 ans, il pourra tirer un revenu annuel de
14 546 $ de ses actifs. Dans ce ­cas-ci, le coût de cette
prudence s’avère donc être une diminution de revenus
annuelle de l’ordre de 1 683 $, ou 11,6 %.

                                                             PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 6
La règle du 70 % mise à mal
Yves ­GINGRAS

Bon nombre de membres de l’industrie remettent en              Éric ­Brassard et ­Robin ­Lévesque illustrent leur point
question la règle selon laquelle un client doit compter        de vue de l’exemple suivant. D’un côté, un céliba-
à la retraite sur un revenu équivalant à 70 % du revenu        taire de 50 ans qui gagne 100 000 $ par an, et à qui
avant impôt qu’il gagnait durant sa vie active.                ses parents ont dit qu’il hériterait d’une somme ron-
                                                               delette. De l’autre, une personne qui touche aussi
C’est le cas des conseillers Éric ­     Brassard et ­
                                                    Robin      100 000 $ annuellement, mais qui a à sa charge quatre
Lévesque, qui contestent le
­                                                                                  enfants dont l’un est handicapé et
­bien-fondé de cette règle sur le                                                  un conjoint sans revenus, et qui,
 site web de leur cabinet, ­Brassard                                               de plus, est l’aidant naturel d’un
 ­Goulet ­Yargeau, ­Services financiers      Ce ratio de                           ­beau-parent qui habite chez lui.
  intégrés.
                                             70 % du revenu                                  « ­Dans les deux cas, il y aurait ap-
Ils proposent plutôt une autre dé-
marche, toute simple : « ­   La vraie
                                             avant impôt                                     paremment un besoin de 70 000 $
                                                                                             avant impôt durant la retraite… ­En
question qu’il faut se poser est : "À        n’est basé sur                                  fait, dans aucun de ces cas la règle
la retraite, quel est le train de vie                                                        de 70 % ne sera pertinente, car le
que je veux mener ?" »                       rien de concret,                                coût de vie est une valeur après
                                             et il a depuis                                  impôt, alors que la règle utilise une
                                                                                             valeur avant impôt », observent Éric
Un modèle désuet                             longtemps été                                   ­Brassard et ­Robin ­Lévesque. D’au-
                                                                                             tant plus que les responsabilités
Les conseillers Éric B ­rassard et           réfuté.                                         financières de ces deux contribua-
Robin L
­       ­évesque associent la po-                                                            bles sont entièrement différentes.
pularité de la règle du 70 % aux
régimes à prestations déterminées. De nombreux ré-
gimes en vigueur chez les grands employeurs privés et          Cible surestimée
publics donnent droit à une rente de 2 % du salaire par
année d’expérience jusqu’à concurrence de 70 %, soit           David ­Truong, conseiller principal en planification fi-
35 ans de service.                                             nancière chez B­ anque N ­ ationale G
                                                                                                   ­ estion privée 1859,
                                                               abonde dans le même sens. Il renvoie à l’expert
« ­En fait, ce ratio de 70 % du revenu avant impôt n’est       ­Malcolm ­Hamilton, ­Fellow de l’Institut C.D. Howe, qui
basé sur rien de concret, et il a depuis longtemps été          décortique cette problématique avec un autre cas type
réfuté. Il en est de même d’ailleurs de n’importe quel          dans son analyse « ­Do ­Canadians ­Save ­Too ­Little ».
autre ratio, qu’il soit de 60 % ou de 80 %. Toute l’ap-
proche est erronée », ­écrivent-ils.                           Il y cite l’exemple d’un jeune couple torontois dont les
                                                               membres ont chacun 25 ans. Il divise leur vie en trois
« ­Un des problèmes avec cette règle, c’est qu’elle cor-       périodes : celle de 25 à 44 ans, durant laquelle ils ga-
respond à un modèle désuet, soit celui d’une personne          gneront 120 000 $, auront des enfants et s’achèteront
qui travaille longtemps pour une entreprise qui a une          une maison ; celle de 45 à 64 ans, durant laquelle ils
caisse de retraite », observe ­Robert ­Laniel, conseiller      toucheront 140 000 $ par an et verront leurs respon-
en planification successorale chez ­RBC ­Dominion va-          sabilités diminuer graduellement ; puis la dernière pé-
leurs mobilières.                                              riode, celle où ils seront à la retraite.

                                                            PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 7
Malcolm ­Hamilton arrive à la conclusion que même sans             L’effet capital de l’impôt
aucune épargne, ils toucheront à la retraite 39 732 $ par
année (régimes publics, crédits d’impôt, etc.)                     D’où l’importance de tenir compte également de la
                                                                   fiscalité. « ­En effet, les 10 000 $ provenant d’un ­REER
Cela représente plus de 78 % des revenus discré-                   ou d’intérêts d’un ­CPG correspondent ­peut-être à
tionnaires (revenus bruts moins impôts, cotisations di-            une rentrée nette de 6 000 $, tandis que les 10 000 $
verses, paiements hypothécaires, dépenses liées aux                du ­CELI ne seront pas imputés par l’impôt », souligne
enfants, etc.) de 50 487 $ dont ils disposaient au cours           ­Robert ­Laniel.
de la première période de leur vie
adulte, où ils devaient s’acquitter                                                                Selon les conseillers Éric B
                                                                                                                              ­ rassard
de nombreuses dépenses incom-                                                                      et R­ obin ­
                                                                                                              Lévesque, « une plani-
pressibles (données de 2015).                   Cependant,                                         fication de retraite effectuée à
                                                                                                   l’aide d’un chiffre avant impôt
Toutefois, ce montant correspond                 pour la majorité                                  est une mission impossible. »
à 46 % de leurs revenus discré-                                                                    C’est sans compter tous les pro-
tionnaires tout juste avant leur re-
                                                des ­Canadiens,                                    grammes sociaux qui, selon le
traite, période durant laquelle ils             la règle du 70 %                                   cas, sont imposables ou non, et
n’avaient plus de responsabilités                                                                  les clauses de récupération si les
familiales. On peut donc consta-                surestime à la                                     revenus excèdent certains seuils,
ter le côté arbitraire de la règle du                                                              comme pour le S    ­ upplément de
70 %.
                                                fois le revenu de                                  revenu garanti.
                                                remplacement à
Selon M ­ alcolm H
                 ­ amilton, « la règle                                              Les deux conseillers de B ­ rassard
traditionnelle du 70 % convient aux             la retraite et le                   Goulet ­
                                                                                    ­        Yargeau citent l’exemple
jeunes familles prêtes à faire d’im-                                                des prestations du ­Régime de ren-
portants sacrifices durant 20 ans
                                                taux d’épargne                      tes du ­Québec (RRQ). « ­Il est par-
dans le but, une fois à la retraite, de         requis.                             fois préférable de les demander
maintenir le niveau de vie supérieur                                                plus tard, par exemple d’attendre
dont ils auront bénéficié tout juste                                                à 67 ans au lieu de 60 ans. ­Est-ce
avant la retraite. Elle convient éga-                                               que cela signifie que le client
lement à ceux qui n’ont pas d’enfants et qui n’achète-             devra dépenser moins à 60 ans et plus à 67 ans ? »
ront pas de maison ».                                              ­demandent-ils.

« ­Cependant, pour la majorité des C  ­ anadiens, la règle         « ­En réalité, pas du tout, ­répondent-ils. À 60 ans, il
du 70 % surestime à la fois le revenu de remplacement              devra simplement utiliser des ressources différen-
à la retraite et le taux d’épargne requis », ­ajoute-t-il.         tes de son patrimoine afin de stabiliser le coût de vie
                                                                   au niveau souhaité. Il paiera ­peut-être plus d’impôt à
De plus, Éric B   ­ rassard et R ­ obin ­Lévesque soulèvent        67 ans et moins à 60 ans, mais le coût de vie ne sera
que la règle omet complètement tout le capital détenu              pas modifié. »
par le retraité. « ­La règle tient pour acquis que le coût de
vie dépendra à 100 % des revenus », ­font-ils remarquer.            Ils poursuivent leur raisonnement avec un autre
                                                                    exemple : « ­Les retraits du ­REER deviennent par-
En effet, le retraité qui, par exemple, vendrait son                fois plus élevés à partir de 72 ans et il faut prévoir
chalet ou effectuerait des retraits de son ­CELI, pourrait          plus d’impôt. Le coût de la vie ­changera-t-il pour au-
encaisser des sommes supplémentaires et maintenir                   tant ? ­Probablement pas. Seule la ponction fiscale
un train de vie supérieur à celui qu’indique son seul               sera différente », illustrent Éric ­Brassard et ­Robin
revenu imposable.                                                  ­Lévesque.

                                                                PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 8
Ces derniers mentionnent également le fait que plu-                Éric ­Brassard et ­Robin ­Lévesque sont inflexibles : « ­La
sieurs retraités tirent des sommes d’une société de                règle de 70 % est mauvaise à tous points de vue, et
gestion.                                                           la seule option raisonnable est de l’éviter complète-
                                                                   ment ».
« ­Pour eux, il est difficile d’établir le revenu avant impôt
avant la retraite, et par conséquent, plus difficile encore        Ils déplorent d’ailleurs que ­Retraite ­Québec utilise cette
d’établir le revenu à la retraite basé sur le revenu avant         règle sur son site web. « ­Cela entretient la désinforma-
la retraite. Souvent, le client touche des dividendes              tion et évite que les gens n’entreprennent un vrai pro-
pour lesquels le traitement fiscal est bien différent de           cessus de planification de retraite basé sur des notions
celui du salaire. La règle du 70 % est inopérante dans             pertinentes », ­affirment-ils.
ce contexte », insistent les deux experts.
                                                                   Sur le blogue de R  ­ etraite ­Québec, on précise qu’il
Ils en concluent qu’il est maladroit de tenter d’établir           s’agit simplement d’une règle générale. Cette règle se-
un coût de vie futur avant impôt, même dans des cas                rait particulièrement utile pour les gens qui n’ont pas
relativement simples. Allez voir alors pour des cas plus           encore établi de plan précis pour la retraite.
complexes…
                                                                   « ­Retraite ­Québec est consciente du fait qu’il y a un
                                                                   débat à ce sujet au Q    ­ uébec depuis toujours. Nous
Point de départ ou piège ?                                         croyons que l’idéal est de consulter un planificateur fi-
                                                                   nancier pour obtenir un objectif personnalisé », indique
Si de nombreux experts déboulonnent la règle, l’ardeur             la ­porte-parole de l’organisme, ­Shanie ­Lévesque-Baker.
avec laquelle ils le font diffère.

Ainsi, dans « ­  Le point sur les pensions », ­Claude
­ astonguay reconnaît qu’« il n’existe aucun fondement
C                                                                                                                  Initialement publié dans
scientifique » à l’appui du ratio de 70 %. Mais il choisit                                                     ­Finance et ­Investissement,­
sans autre explication une cible de 60 %, jugée « plus                                                              à la ­mi-novembre 2016
réaliste et atteignable ».

Quant à R  ­ obert L
                   ­ aniel et D
                              ­ avid ­Truong, ils considèrent
qu’il s’agit d’un point de départ pour aborder la ques-
tion de l’­épargne-retraite avec les clients. « ­On peut
s’asseoir avec eux et leur dire : « ­Voici : 10 % de vos re-
venus seront remplacés par la pension de la ­Sécurité de
la vieillesse, 25 % par le R ­ RQ et 30 % par votre caisse
de retraite. Cela donne une idée du portrait d’ensemble
et on peut partir de cela », explique D   ­ avid T
                                                 ­ ruong.

                                                                PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 9
Pour savoir si le client aura
assez d’argent
Sophie ­STIVAL

 Après avoir estimé la longévité en années du porte-            Moshe A. Milevsky cite l’exemple d’un client qui a ac-
 feuille de retraite et l’avoir comparée à l’espérance de       cumulé 750 000 $ et qui souhaite retirer 65 000 $ par an
 vie du client, le conseiller peut entamer avec ­celui-ci       (en dollars constants) jusqu’à son décès. Le taux de re-
 des conversations franches et s’assurer de bien se             trait (w/M) est donc de 8,6 %. Si on estime que le por-
 faire comprendre, explique ­Moshe A. Milevsky dans la          tefeuille pourra générer un rendement réel net de 2,5 %
parution printanière du journal du                                                  en moyenne, la longévité estimée
­CFA ­Institute. Selon le professeur                                                du portefeuille sera de 13,6 ans.
 de finance de l’Université ­York, les
 conseillers accordent trop d’impor-            Les conseillers                                ­Est-ce bon ou mauvais ? C’est là
 tance aux probabilités de survivre                                                            où le dialogue avec le client prend
 à l’actif. Beaucoup de scénarios               accordent trop                                 tout son sens.
 basés sur des simulations de type              d’importance
 Monte C
 ­        ­ arlo reposent sur des hy-                                                          Si votre client estime qu’il pourrait
 pothèses que de nombreux conseil-              aux probabilités                               vivre encore une bonne vingtaine
 lers méconnaissent.                                                                           d’années (espérance de vie), le dé-
                                                de survivre à                                  calage est alors évident et il faudra
Bien qu’il soit utile, ce genre d’ana-          l’actif.                                       prendre des mesures.
lyse devrait passer en second lieu,
croit ­Moshe A. Milevsky.                                                           Cette équation permet au conseil-
                                                                                    ler de faire prendre conscience
 Comment estimer le nombre d’années que durera le               à son client qu’il dépense trop, qu’il prend sa retraite
 pécule de vos clients ? ­Voici l’équation proposée par         trop hâtivement ou qu’il n’a pas assez épargné, par
­Moshe A. Milevsky.                                             exemple.

                                                                Dans la pratique

             EL=
                     1
                     g
                       ln
                            (     w/M
                                (w/M)-g    )                    Daniel ­Laverdière, directeur principal, planification fi-
                                                                nancière et ­services-conseils, de ­Banque ­Nationale
                                                                ­Gestion privée 1859, a décortiqué cette équation pour
     (EL : longévité estimée du portefeuille en années)          ­Finance et ­Investissement. Il a comparé l’estimation de
                                                                  ­Moshe A. Milevsky avec le calcul exact (voir le tableau
                                                                   à la page suivante).
Dans cette équation, w = le taux de décaissement me-
suré en montant réel annuel, M = le montant accumulé            « ­Il émet une hypothèse qui permet de simplifier les
à ce jour, et g = la croissance réelle nette des actifs.        calculs, et l’impact sur les résultats est mineur. Cette
Le terme ln (logarithme naturel) se trouve sur la plupart       formule est donc un bon estimé de la longévité d’un
des calculatrices et permet de faciliter les calculs com-       portefeuille », indique ­Daniel L
                                                                                                ­ averdière.
prenant de nombreuses opérations. Il faut noter que
cette équation ne fonctionne que si on dépense plus             Malgré la simplicité mathématique de l’équation, plu-
que le montant accumulé.                                        sieurs variables restent inconnues, comme le rende-

                                                            PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 10
Longévité en années d’un portefeuille de 1 M$
  Ce tableau présente la longévité en années d’un portefeuille de 1 M$, selon différents taux de
  rendement réels nets de frais. Les résultats estimés résultent de l’équation de Moshe A. Milevsky.

   Résultat exact               G            60 000 $             55 000 $             50 000 $               45 000 $              40 000 $ (w)

                                                                                                                                                  }
                              0,0 %            16,7                 18,2                 20,0                   22,2                    25,0
                              0,5 %            17,4                 19,1                 21,1                   23,6                    26,8
                              1,0 %            18,3                 20,2                 22,4                   25,3                    28,9
                              1,5 %            19,3                 21,4                 24,0                   27,2                    31,6                   (L)
                              2,0 %            20,5                 22,8                 25,8                   29,7                    35,0
                              2,5 %            21,8                 24,5                 28,1                   32,8                    39,7
                              3,0 %            23,4                 26,7                 31,0                   37,2                    46,9

   Résultat estimé              G            60 000 $             55 000 $             50 000 $               45 000 $              40 000 $ (w)

                                                                                                                                                  }
                              0,5 %            17,4                 19,1                 21,1                   23,6                    26,7
                              1,0 %            18,2                 20,1                 22,3                   25,1                    28,8
                              1,5 %            19,2                 21,2                 23,8                   27,0                    31,3
                                                                                                                                                               (L)
                              2,0 %            20,3                 22,6                 25,5                   29,4                    34,7
                              2,5 %            21,6                 24,2                 27,7                   32,4                    39,2
                              3,0 %            23,1                 26,3                 30,5                   36,6                    46,2

  Légende : G = taux de rendement réels nets de frais ; w = montant annuel retiré ; L = longévité exprimée en années
  Source : ­Daniel ­Laverdière, ­Banque ­Nationale ­Gestion privée 1859
  Tableau : ­Finance et ­Investissement

ment réel net des actifs (g). L’espérance de vie en est                           à un homme de 60 ans qu’il a 50 % de possibilités (pro-
une autre et on doit la comparer au résultat obtenu.                              babilité de survie) de se rendre à 89 ans, par exemple.

« N’oublions pas que l’espérance de vie est une                                   « ­Le planificateur financier suggérera à son client d’en-
moyenne, souligne ­Daniel ­Laverdière. Si je planifie en                          visager un âge pour l’épuisement de son actif où la
fonction de cette moyenne, quand j’arriverai à cet âge,                           probabilité de survie n’excède pas 25 %, car on juge
soit environ 85 ans, la moitié de mes clients seront en-                          que 50 % de probabilité de survie ou une possibilité
core en vie. On voudra donc prévoir une probabilité de                            sur deux d’être encore vivant et de manquer d’argent,
survie dite raisonnable. »                                                        c’est trop risqué. Le décaissement du capital sera ain-
                                                                                  si étalé jusqu’à 91 ans plutôt que jusqu’à 85 ans. Le
Il suffit de consulter les tables de mortalité qui varieront                      client verra sur papier son épargne diminuer au fil des
selon l’âge du client, son sexe et le fait qu’il soit fumeur                      ans jusqu’à l’âge où il ne lui restera plus rien », explique
ou non. L’Institut québécois de planification financière                          ­Nathalie ­Bachand.
(IQPF) publie une mise à jour régulière de ces tables.
                                                                                  Le professionnel propose donc un scénario qui fonc-
  « ­La notion de probabilité de survie n’est pas si com-                         tionne. Ensuite, ce sera au client de prendre la décision.
  pliquée à expliquer aux clients », affirme ­Nathalie
­Bachand, planificatrice financière et présidente de                              « ­Ce sont bien sûr des projections, et plusieurs varia-
 ­Question ­Retraite.                                                             bles sont estimées. On tente de lire l’avenir et rien n’est
                                                                                  statique. Mais on n’a pas besoin de montrer des gra-
Selon l’âge de la personne, on lui présentera un tableau                          phiques avec des courbes en forme de cloche pour se
qui lui montre qu’en vieillissant, les possibilités qu’elle                       faire comprendre », ­précise-t-elle.
vive de nombreuses années diminueront. On expliquera

                                                                              PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 11
Des estimations prudentes                                         Un scénario qui évolue

Quant à l’estimation du rendement réel net du porte-              Daniel L­averdière rappelle l’importance de revoir la
feuille, le fameux g dans l’équation de ­Moshe A. Mi-             projection de retraite du client régulièrement, chaque
levsky, elle aura aussi une grande incidence sur le ré-           année ou tous les deux ans.
sultat de l’équation. « ­Cette variable doit être au centre
des conversations avec le client », souligne d’ailleurs le        « ­On pourra alors s’adapter. Le client pourra éventuelle-
chercheur.                                                        ment dépenser plus ou, au contraire, il devra se serrer
                                                                  la ceinture à la suite, par exemple, d’une séquence de
« ­Il suffit que le rendement estimé dévie d’un ­demi-point       mauvais rendements, ou si l’inflation est plus impor-
de pourcentage pour que les résultats changent de                 tante que prévu », explique ­Daniel L­ averdière.
quelques années. On voudra donc estimer pendant
combien de temps le capital pourra s’étirer en testant            Comme l’épuisement du capital est fonction de la ca-
différents scénarios », remarque D  ­ aniel ­Laverdière.          dence des retraits (w/M), du rendement réel généré (g)
                                                                  et de l’espérance de vie, « on doit s’attarder aux va-
Par ailleurs, « il faut cesser de se fier à des taux de           riables que l’on contrôle, soit aux montants retirés à
rendements historiques », affirme ­Hélène ­Gagné, ges-            la retraite, rappelle D
                                                                                        ­ aniel L
                                                                                                ­ averdière. Une cadence de
tionnaire de portefeuille chez G
                               ­ estion privée P
                                               ­ eak.             retraits élevée, soit 6 % ou plus, risque d’être difficile à
                                                                  soutenir, à moins que le client soit très âgé ou que son
« ­Les taux obligataires baissent depuis 35 ans. On ne            rendement soit très élevé. »
peut donc plus compter sur les gains en capitaux du
passé pour améliorer la performance du portefeuille de            Enfin, ­Moshe A. Milevsky reconnaît ­lui-même que son
retraite », ­dit-elle.                                            équation n’est pas parfaite. Elle laisse de côté des
                                                                  concepts plus complexes, comme celui des annui-
« ­Et lorsqu’on planifie la retraite, ce n’est pas le mo-         tés variables, et elle utilise des rendements fixes et
ment de présenter des scénarios trop optimistes, pré-             constants, ce qui est peu réaliste. Cependant, cette
vient ­Hélène ­Gagné. Pour un profil équilibré, composé           estimation est un bon moyen, ­croit-il, d’expliquer le
à parts égales d’actions et d’obligations, si on prévoit          concept de longévité du portefeuille à une clientèle qui
un rendement de 4 % net de frais, en tenant compte                est peu familiarisée avec cette notion.
d’une inflation de 2,5 à 2 %, on obtiendra un rende-
ment réel net d’environ 1,5 % ou 2 %. »                           Ensuite, on peut pousser plus loin la conversation avec
                                                                  le client en parlant du côté aléatoire des résultats en
« ­Si on obtient un meilleur rendement, tant mieux, il            raison de variables qui le sont également. On peut
sera alors temps d’actualiser le scénario pour en tenir           alors préciser qu’il existe des distributions de résultats
compte », ­ajoute-t-elle.                                         pour la longévité de son portefeuille. Alors que le temps
                                                                  passe, le niveau de dépenses et les besoins financiers
Le client doit aussi comprendre que si le scénario le             de chaque client varieront également.
plus probable ne fonctionne pas, il n’existe pas des
centaines de solutions : soit il travaille plus longtemps         « ­Cette équation est un premier pas intéressant, mais
ou à temps partiel après 65 ans, soit il dépense moins.           on ne s’en sort pas. Il faudra à un moment ou à un
« ­
 On ne peut pas tabler uniquement sur les rende-                  autre parler de probabilité de survie avec le client »,
ments », rappelle ­Nathalie B
                            ­ achand.                             croit ­Daniel ­Laverdière.

                                                                                                                  Initialement publié dans
                                                                                                              ­Finance et ­Investissement,
                                                                                                                   à la ­mi-novembre 2016

                                                              PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 12
Forme des revenus
de retraite
Martin ­DUPRAS

Beaucoup de particuliers vont tirer une part de plus en          ­ ELI), pour générer, pour la durée de décaissement
                                                                 C
plus importante de leurs revenus de retraite de leurs            raisonnable, un revenu annuel de 10 000 $. Dans le cas
propres actifs.                                                  d’un outil tel que le ­REER, le ­CRI, le ­FERR, le ­FRV ou
                                                                 le ­RVER, le revenu annuel précité de 10 000 $ sera sou-
Qu’il s’agisse d’actifs enregistrés (REER, ­CELI, ­RVER,         mis à l’imposition. À l’inverse, si l’instrument utilisé est
etc.), d’actifs immobilisés (CRI, ­REER immobilisés,             le ­CELI, ce revenu annuel sera exempt d’impôts. En
­FRV, etc.), d’actifs immobiliers (résidence principale,         raison de l’imposition annuelle des rendements sur les
 secondaire, etc.), d’actifs corporatifs (sommes dé-             actifs non enregistrés (hors les outils déjà cités), le ta-
 tenues dans une société par actions) ou autre, leur dé-         bleau s’applique difficilement à ces actifs.
 caissement optimal entraînera son lot de défis. L’arri-
 mage des retraits de ces actifs aux sources de revenus          Les calculs ont été effectués en utilisant les ­Normes
 récurrentes (régimes de retraite publics, régimes de            d’hypothèses de projection de l’IQPF de 2017. On y
 retraite à prestations déterminées, etc.), dont certaines       spécifie la durée de décaissement raisonnable, le ni-
 sont indexées, nécessitera également une planifica-             veau d’inflation annuel de 2,00 % et un rendement
 tion. ­Au-delà des considérations fiscales, d’immobili-         net de 4,00 %, ce qui correspond, toujours selon ces
 sation ou autres, quelle devrait être la forme globale          ­Normes, au rendement à long terme d’un portefeuille
 des revenus de retraite du particulier ?                         équilibré dans un environnement de frais annuels ap-
                                                                  proximatifs de 1,00 %. La durée de décaissement
                                                                  raisonnable, qui apparaît au tableau, représente le
Revenus stables ou indexés                                        nombre d’années ­au-delà duquel le particulier n’a sta-
                                                                  tistiquement que 25 % de probabilités de survivre.
Viser un revenu global indexé coutera cher, très cher.
Le tableau suivant présente le capital nécessaire, dans          En utilisant ce tableau, on peut estimer qu’un homme
un instrument enregistré (REER, ­CRI, ­FERR, ­FRV ou             âgé de 65 ans qui désire tirer de son ­REER un revenu

Capital nécessaire dans un véhicule enregistré pour générer
un revenu annuel de 10 000 $
                                     Homme                                                                ­Femme
                                          Épargne requise                                                        Épargne requise
     Âge             Durée             Revenus         Revenus                  Durée                     Revenus                   Revenus
    atteint       décaissement       ­non-indexés      indexés               décaissement                non-indexés                indexés
      60                34             184 112 $       246 462 $                      36                    189 083 $               256 501 $
      65                29             169 837 $       219 592 $                      31                    175 885 $               230 654 $
      70                24             152 470 $       189 982 $                      26                    159 828 $               202 172 $

                                                             PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 13
annuel non indexé de 40 000 $ aura                                                              Tout dépendant du niveau global
besoin de quatre fois le solde pré-
                                              Viser un revenu                                   de revenus, ­serait-il imprudent de
senté à ce tableau, soit un montant           constant                                          tabler sur une baisse importante
de 679 348 $. Ce même homme qui                                                                 des revenus à un âge avancé ? ­La
vise un revenu de 40 000 $, mais              implique                                          définition de la qualité de vie du
cette fois indexé à l’inflation, donc                                                           particulier va forcément changer
un pouvoir d’achat constant, aura
                                              littéralement un                                  entre les deux périodes précitées,
besoin d’un montant de 878 368 $.             appauvrissement                                   mais pourquoi la qualité de vie de
Ce dernier montant est supérieur de                                                             la seconde période ­serait-elle in-
29 % au montant nécessaire pour fi-           annuel du                                         férieure à celle de la première pé-
nancer le même revenu non indexé.                                                               riode ?
Viser un revenu indexé nécessitera
                                              retraité.
donc un effort d’épargne supplé-                                                     L’optimisation des revenus de re-
mentaire de cet ordre, 29 %, ou, à                                                   traite nécessitera évidemment une
solde d’épargne égal, impliquera un revenu de départ             analyse mathématique très structurée. Ce travail de-
moindre. L’alternative, soit viser un revenu constant,           vrait toutefois probablement être précédé d’une dis-
implique littéralement un appauvrissement annuel du              cussion avec le client sur plusieurs éléments, dont les
retraité.                                                        deux déjà cités.

                                                                                        Initialement publié dans la Z­ one ­Experts
Revenus uniformes ou en escalier                                                                   de ­Finance et ­Investissement,
                                                                                                                    en février 2018
De très nombreux retraités, actuels ou futurs, voient
leur retraite comme deux périodes successives. La pé-
riode « ­Vacances » (par exemple de 60 ans à 75 ans)
sera celle où ils seront très actifs, feront du sport,
voyageront et feront du bénévolat, par exemple. Sui-
vra la période « ­Repos » (après 75 ans dans l’exemple
précité) durant laquelle le rythme va forcément ralentir.
Quoiqu’il semble assez clair que le style de vie et la na-
ture des dépenses seront très différents d’une période
à l’autre, ­est-ce que cela se traduira nécessairement
par une baisse des dépenses ? ­Il est fort probable que
les dépenses de loisirs de la première période seront
éventuellement remplacées par des dépenses de soins
de santé dans la deuxième période.

                                                             PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 14
Décaissement :
quatre stratégies
pour combattre l’inflation
François ­NORMAND

Allouer une partie du portefeuille d’un client dans une            La prudence est donc de mise concernant l’inflation,
rente viagère indexée n’est pas la seule façon de pro-             d’autant plus que son impact peut être très sournois.
téger son pouvoir d’achat durant sa retraite.                      Par exemple, un panier de biens qui coûtait 100 $ en
                                                                   1992 coûte aujourd’hui 155 $, selon un calculateur de
D’autres stratégies peuvent être déployées pour lutter             la B
                                                                      ­ anque du C
                                                                                 ­ anada, ce qui équivaut à un taux d’infla-
contre l’inflation en période de décaissement, selon des           tion annualisé de 1,77 % pendant cette période.
spécialistes interviewés par ­Finance et ­Investissement.
Ainsi, l’inflation est un risque important à la retraite           Nous avons demandé à quatre spécialistes d’élabo-
puisqu’elle peut gruger le pouvoir d’achat des clients.            rer des stratégies pour aider un client fictif de 65 ans
                                                                   à protéger son pouvoir d’achat avec un portefeuille
La hausse de l’espérance de vie fait que l’inflation de-           d’une valeur d’un million de dollars. Les voici.
vient un enjeu de plus en plus important, souligne l’Au-
torité des marchés financiers (AMF) dans une analyse
publiée en 2016 « L’inflation et l’espérance de vie : une          1. Se constituer un coussin et reporter la
combinaison dangereuse pour votre retraite ? ».                    demande de sa ­RRQ et de sa ­PSV

« ­La possibilité d’être à la retraite                                                            S’il en a les moyens, ce client jeune
plus longtemps vous demandera                                                                     retraité devrait consommer moins
plus d’épargne », rappelle l’AMF.                                                                 que son réel pouvoir d’achat, affirme
Plus d’épargne certes, mais encore              L’inflation est un                                Daniel ­
                                                                                                  ­       Laverdière, directeur princi-
­faut-il qu’elle ne soit pas grugée par                                                           pal, centre d’expertise, chez ­Banque
 l’inflation entre le début de la re-           risque important                                  ­Nationale ­Gestion privée 1859.
 traite du client et son décès.
                                                à la retraite                                     C’est pourquoi il suggère d’ajuster
Au cours des dix dernières années,              puisqu’elle peut                                  la consommation du client, comme
le taux d’inflation annuel a toujours                                                             si l’inflation était supérieure d’un
été inférieur à 3 %. À long terme,              gruger le pouvoir                                 point de pourcentage à ses pré-
les experts prévoient qu’il se si-                                                                visions de décaissement. Si les
tuera aux alentours de 2 %, selon
                                                d’achat des                                       spécialistes anticipent une inflation
l’AMF.                                          clients.                                          annuelle de 2 %, il faut planifier en
                                                                                                  fonction d’un scénario à 3 %.
Par contre, des poussées infla-
tionnistes sont possibles, comme                                                        Daniel ­Laverdière a fait un calcul
par le passé. En 1981, l’inflation a atteint 12,47 % au            pour notre retraité fictif, tout en lui donnant une espé-
­Canada, un record depuis 1950, selon le site ­Inflation.eu.       rance de vie de 90 ans. Cette personne a donc besoin
 Et en 1991, elle était encore à 5,64 %.                           de prestations pendant 25 ans.

                                                               PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 15
Dans cet exemple, un coussin d’un point de pourcen-              La multinationale versait récemment un dividende de
tage représente une diminution de 10 % du montant                1,96 % par action, selon B  ­ loomberg. Or, depuis cinq
maximum que notre retraité peut dépenser en théorie              ans, le titre s’est apprécié de 91 % (plus la valeur du
chaque année. « ­Si l’inflation augmente, je suis un peu         titre augmente, plus la valeur du dividende augmente).
protégé », insiste ­Daniel ­Laverdière.
                                                                                                Le stratège aime bien aussi les
Par contre, si l’inflation demeure aux                                                          actions de ­Bank of ­America (BAC)
alentours de 2 %, le retraité pourra          Dans la                                           et de ­ Citigroup (C), deux impor-
toujours ajuster sa consommation à                                                              tantes institutions financières aux
la hausse s’il le souhaite.
                                              stratégie,                                        ­États-Unis.
                                              l’important
Pour réduire le risque de l’inflation,                                                          Bank of ­America offrait récemment
­Daniel L­ averdière suggère aussi de         c’est qu’on                                       un dividende de 1,87 % par ac-
 reporter de cinq ans le moment où                                                              tion. Depuis cinq ans, la valeur du
 un client commence à toucher ses
                                              s’assure d’avoir                                  titre a bondi de 175 %. Citigroup
 prestations du R ­ égime de rentes du        un rendement                                      verse pour sa part un dividende de
 ­Québec, de la ­Sécurité de la vieil-                                                          1,73 % par action. En cinq ans, le
  lesse (PSV) et du S   ­ upplément de        supérieur à                                       titre de l’institution a plus que dou-
  revenu garanti. Ces trois sources                                                             blé (112 %).
  de revenus sont entièrement in-
                                              l’inflation afin
  dexées à l’inflation.                       de prolonger                                      3. Investir dans les
Les sommes auxquelles le client re-           la durée du                                       obligations à rendement
traité a droit peuvent être majorées,
                                              patrimoine du                                     réel
selon le régime, d’un facteur variant
de 0,6 % à 0,7 % par mois, entre le           client.                                 Jocelyn B
                                                                                              ­ issonnette, gestionnaire
moment où le client atteint 65 ans                                                    de portefeuille chez D  ­esjardins
et le moment où il atteint 70 ans. En                                                 Gestion internationale d’actifs,
                                                                                      ­
reportant le moment où il touche sa                                                   propose de réduire le risque infla-
rente, le client verra qu’une part plus importante de son        tionniste en investissant dans les obligations à rende-
revenu de retraite est donc « protégée » contre l’infla-         ment réel telles que les obligations du gouvernement
tion.                                                            canadien.

                                                                 Ces titres à revenu fixe sont conçus pour suivre le
2. Acheter des actions privilégiées                              rythme de l’inflation. Ainsi, deux fois par année, l’inves-
                                                                 tisseur reçoit des paiements d’intérêt ajustés à l’indice
Stéphane ­Rochon, ­vice-président et directeur général,          des prix à la consommation.
chef de la recherche pour la clientèle privée chez B ­ MO
­Nesbitt B ­ urns, suggère d’investir dans des actions qui       De plus, lorsqu’une obligation à rendement réel arrive
 versent un dividende pour réduire le risque d’inflation.        à échéance, le montant que l’investisseur récupère (la
 « ­Le dividende compense l’inflation », d
                                         ­ it-il.                valeur nominale) est également ajusté en fonction de
                                                                 l’inflation.
Le stratège conseille de rechercher les entreprises
dont les actions versant un dividende sont en forte              Par ailleurs, le retraité peut investir dans les obligations
croissance. C’est pourquoi il recommande le titre d’Ac-          aussi bien à long terme qu’à court terme afin de proté-
centure (ACN), un consultant américain dans le secteur           ger son pouvoir d’achat, précise J    ­ ocelyn B
                                                                                                                ­ issonnette.
des technologies.                                                « ­La mécanique des obligations à rendement réel fait

                                                             PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 16
en sorte qu’elles s’ajustent automatiquement chaque               être utilisés (le ­CELI, par exemple) ou l’ordre de décais-
mois en fonction de l’inflation observée le mois pré-             sement des comptes.
cédent. »
                                                                                                « ­
                                                                                                  Tous ces facteurs peuvent faire
Les clients peuvent aussi investir                                                              une différence majeure dans la si-
dans l’éventail de fonds d’obliga-                                                              tuation financière d’une personne
tions à rendement réel, qui com-              Le retraité peut                                  qui décaisse ses actifs. Souvent, la
prennent notamment des obliga-                investir dans les                                 différence réside justement dans le
tions de sociétés.                                                                              fait de pouvoir se permettre des re-
                                              obligations aussi                                 venus indexés ou non à l’inflation »,
                                                                                                souligne ­Guylaine ­Dufresne.
4. Avoir trois années de                      bien à long terme
flux monétaire dans des                       qu’à court terme                         Elle cite l’exemple d’un client qui
placements liquides                                                                    a des actifs importants dans un
                                              afin de protéger                         ­REER, un ­CELI et un compte non
Guylaine D ­ ufresne, directrice princi-                                                enregistré. À sa retraite vers 60 ans,
pale, investissement et planification         son pouvoir                               ce client décide de retirer des ac-
financière chez ­Valeurs ­Mobilières          d’achat.                                  tifs uniquement de son ­CELI, car
­Banque ­Laurentienne, préconise                                                        les retraits sont non imposables et
 de réserver une somme représen-                                                        reportent les retraits du ­REER au
 tant trois années de flux monétaire                                                    moment où il est obligé de le faire,
 dans un portefeuille de placements dits sûrs, comme              c’­est-à-dire à 72 ans.
 des certificats de placement garanti (CPG), des obliga-
 tions à court terme ou des fonds de marché monétaire.             Si le solde de son ­REER fait que le minimum qu’il est
                                                                   tenu de retirer de son ­FERR (provenant de son ­REER)
En même temps, le client peut investir le reste de                 est relativement élevé, le client pourrait perdre cer-
son capital dans un portefeuille plus dynamique (tout              tains crédits sociofiscaux ou même devoir rembour-
en respectant bien entendu sa tolérance au risque),                ser une partie de sa P­ SV. « ­Des retraits de montants
comme des actions privilégiées. Le retraité s’assure               moins importants de son ­FERR avant 72 ans auraient
ainsi que cette partie du patrimoine obtient un rende-             possiblement pu éviter une telle situation », précise
ment supérieur à l’inflation.                                     ­Guylaine ­Dufresne.

 « ­Dans la stratégie, l’important c’est qu’on s’assure
 d’avoir un rendement supérieur à l’inflation afin de
 prolonger la durée du patrimoine du client. Le por-                                                              Initialement publié dans
 tefeuille plus dynamique servira à alimenter le por-                                                         ­Finance et ­Investissement,
 tefeuille de flux monétaire au fil des ans », explique                                                                  en novembre 2017
­Guylaine ­Dufresne.

Selon elle, la gestion du portefeuille est tout aussi im-
portante pendant la période de décaissement que pen-
dant la période d’accumulation.

Pour réduire le risque d’inflation, ­Guylaine ­Dufresne af-
firme qu’un conseiller peut aussi tenir compte de fac-
teurs importants, comme l’imposition des différentes
formes de revenus, les types de comptes qui peuvent

                                                              PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 17
Miser sur les
rentes différées
Sophie ­STIVAL

L’augmentation de l’espérance de vie fait en sorte que           sa ­PSV, c’est une autre histoire. Si on est en bonne
de plus en plus d’épargnants s’inquiètent de ne pas              santé et que notre espérance de vie est élevée, on
avoir suffisamment d’argent pour vivre décemment                 voudra profiter de ces bonifications qu’on pourra dif-
jusqu’à un âge avancé. Reporter certaines rentes gou-            ficilement générer avec notre ­REER. Chaque cas est
vernementales ou acheter une                                                         unique. »
rente différée peut se révéler une
solution intéressante pour apaiser                                                               Daniel L ­ averdière, directeur prin-
leurs craintes.                              Pour l’investisseur                                 cipal, planification financière et
                                                                                                 ­services-conseils, de ­Banque
Dans une telle situation, la pre-
                                             qui a un profil                                      Nationale G
                                                                                                  ­           ­ estion privée 1859,
mière stratégie à envisager sera le          prudent, le coût                                     juge lui aussi que « l’idée de dif-
report de la pension de la ­Sécurité                                                              férer une rente à partir de 80 ans,
de la vieillesse (PSV) et de la rente        d’une rente                                          par exemple, est pertinente ». Le
du R­ égime de rentes du ­Québec                                                                  client s’assure ainsi d’avoir des
(RRQ). « ­La possibilité de reporter
                                             viagère ou différée                                  revenus à une date ultérieure, au
de 65 à 70 ans la P   ­ SV et la R
                                 ­ RQ        n’est ­peut-être pas                                 moment où son plan financier
est une excellente idée sur le plan                                                               pourrait connaître des ratés.
financier », affirme ­Hélène ­Gagné,         si élevé.
gestionnaire de portefeuille chez                                                       Et comme le souligne l’expert
­Gestion privée P ­ eak.                                                                dans le numéro de mai du ma-
                                                                                        gazine ­La ­Cible, de l’Institut qué-
N’oublions pas que ces deux allocations sont pleine-             bécois de planification financière (IQPF), seulement
ment indexées, ce qui n’est pas le cas de bien des ré-           10 % de la population en général décède entre 60 et
gimes de retraite.                                               70 ans. En attendant après 70 ans pour prendre une
                                                                 rente viagère, le client évite de payer des frais adminis-
                                                                 tratifs à l’assureur, puisque ce dernier sait qu’il est peu
Situations à considérer                                          probable que le client décède avant cet âge, explique
                                                                 ­Daniel ­Laverdière.
Il ne faut toutefois pas perdre de vue les objectifs suc-
cessoraux du client. « ­Si une personne diffère sa rente         Ainsi, ceux qui meurent tôt et qui ont choisi d’acheter
de cinq ans, elle va utiliser davantage de capital et cela       une rente à un plus jeune âge contribueront à financer
risque d’en laisser moins pour le conjoint survivant ou          ceux qui vivent longtemps.
la succession », rappelle ­Hélène ­Gagné. Il faut donc
discuter de tous ces aspects avec le client.
                                                                 Préfinancer la rente
« ­
  Dans le cas où l’état de santé d’une personne
pose un risque, je ne recommande pas de reporter                 Afin d’éviter des frais inutiles, le conseiller peut préfi-
les rentes, ­ajoute-t-elle. Par contre, si une personne          nancer la rente de son client en mettant de côté une
travaille encore à 65 ans et qu’elle risque de perdre            partie de son actif. Il se renseignera également au-

                                                             PLANIFICATION DE LA RETRAITE : Petit guide à consulter avant de rencontrer votre client 18
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