La Revue des conditions de travail N 9 2018 - Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail - Anact

La page est créée Agnes Duhamel
 
CONTINUER À LIRE
La Revue des conditions de travail
 N° 9 – 2018 – Agence nationale pour l’amélioration des conditions
                            de travail

                                  Appel à contributions
                                        Juin 2018
 « Dire, raconter et faire voir le travail : modes de narration et pratiques du récit »

S’il est fréquent de déplorer la relative invisibilité du travail dans l’espace public, celui-ci
semble se représenter de façon foisonnante dans les arts, la littérature, les médias et même
internet. Montrer le travail, le filmer, raconter celui-ci, en faire un objet de récit, témoigner
de ce que l’on vit, ou encore instruire des dossiers en illustrant concrètement des situations,
les mobiles à l’origine de cette abondance sont divers. Il peut s’agir de susciter l’indignation
et la prise de position. Les récits militants sont nombreux. L’objectif peut aussi consister à
changer le regard porté sur certaines réalités méconnues. De ce point de vue, raconter le
travail possède immédiatement une vertu heuristique : découvrir le travail tel qu’il se fait – le
« travail réel » tel que le décryptent les ergonomes – les événements qui le ponctuent et les
aléas qui le caractérisent plutôt que les représentations que l’on peut en avoir. Il peut s’agir
également de ramener des preuves pour expertiser une situation, définir les raisons d’un
incident et faire valoir des éléments empiriques auprès d’acteurs avec des représentations
différentes. Il peut s’agir autrement du désir de témoigner et de passer par une expression
directe pour se faire justice. Enfin, il peut s’agir de montrer ce que les individus mettent d’eux-
mêmes dans l’activité productive, ce qu’ils en espèrent, ce qu’ils en retirent.
Il est vrai que le travail reste une expérience ambivalente, d’une part, peine et souffrance,
obligation et soumission à des rythmes sociaux et physiques, et d’autre part, manifestation
d’une capacité créatrice et source d’engagement collectif et individuel. De cette expérience,
il est toujours apparu nécessaire de témoigner par différents canaux : littérature, cinéma,
série, peinture, chansons, théâtre, internet, bande dessinée, manga, etc. Mais comment cette
activité narrative se déploie-t-elle aujourd’hui ? À quoi sert-elle et comment permet-elle de
mieux organiser le débat sur l’activité des personnes au travail ?
Ces mises en récits interviennent dans un contexte particulier de crises du travail mais aussi
de renouvellement massif et rapide des formes d’organisation du travail (flux tendu, qualité
totale, managérialisation, etc.). Dans cette perspective, il est possible d’évoquer la crise des
RPS qui structure une part importante des débats sur le travail, des années 2000 jusqu’à
aujourd’hui. Il y a aussi, de manière plus générale, la fin des « grands récits », c’est-à-dire de
la narration d’une fin de l’histoire qu’il faut atteindre et poursuivre (le bonheur social) – qui a
caractérisé en partie le XX° siècle. Il est mêmement possible d’évoquer la crise de la
représentation syndicale et politique du travail avec des acteurs, plus souvent occupée à
défendre l’emploi et la croissance et s’intéressant moins à l’activité quotidienne des
personnes.

La Revue des conditions de travail, n° 9         -1-                                        ANACT
Mais loin de forclore l’expression sur le travail, ce contexte semble favoriser une
réappropriation des situations de travail à travers de nouvelles formes de narration.
L’expression directe se développe et le témoignage abonde. La fiction n’est pas en reste avec
le cinéma, le théâtre et même les séries (Mad Men, par exemple). Dans certains cas, les
personnes au travail elles-mêmes se chargent d’écrire ou de filmer leur réalité. Des formes de
participation se développent également entre les acteurs et une offre intellectuelle pour
configurer les récits est proposée. De plus, le numérique et les facilités offertes par les
nouvelles technologies (de l’édition, de la prise du son et de l’image) permettent sans doute
de donner plus de prises aux différents modes de narration du travail (écriture, image, film,
etc.). La convergence de ces évolutions – de l’organisation du travail, des RPS, du numérique
– redonne de l’élan pour faire voir et faire comprendre ce que devient le travail dans les
transformations qu’il subit et éprouve.
C’est l’ensemble de cette problématique que ce numéro 9 de La Revue des conditions de
travail se propose d’explorer.
Les contributions retenues pourront analyser les modes d’expression suivants sans que cette
liste soit limitative :
- L’expression directe par les salariés eux-mêmes de leur vécu professionnel. Cueilleur de
pommes, cheminot, agent territorial ou hospitalier, ingénieur, chauffeur de taxi, infirmière…
tout un chacun a « quelque chose à dire » ou à montrer de son travail. Toute une littérature
s’est développée récemment autour de l’expérience vécue des personnes au travail. Quel est
l’impact de ces formes de narration sur les représentations du travail ? Est-il possible de
dépasser la plainte et la subjectivité inhérente à une description personnelle pour améliorer
les situations de travail ? Comment passer du témoignage à l’action et à une véritable pratique
de transformation des situations de travail ? Cette mise en récit peut-elle permettre de
consolider le dialogue social institutionnel ou favorise-t-elle au contraire la mise à l’écart de
celui-ci ?
- La mise en récit du travail passe également par une véritable offre intellectuelle qui donne
de la visibilité aux situations concrètes et à l’expérience des travailleurs et des managers. Il y
a sans doute loin de la situation décrite par Robert Linhart1, dans les années soixante-dix,
montrée par un ouvrage qui a exercé une forte influence sur la façon de se représenter le
travail. Aujourd’hui, il n’y a plus « d’établi » à proprement parler mais des propositions pour
mettre en forme l’expérience du travail. C’était le cas avec Pierre Rosanvallon et le Parlement
des invisibles. Certes, il ne s’agissait pas ici seulement des récits du travail mais ceux-ci ont
trouvé une place importante dans cette production. Plus près de nous, la coopérative « Dire
le travail »2 a été créée en 2014 pour accompagner la narration des salariés qui, en quelques
pages, « disent » ce qu’est leur travail. Que peut-on dire de ce mouvement qui entend d’abord
soutenir l’activité d’écriture des acteurs du travail et, ensuite, en faire des ressources pour
transformer les situations ? Est-il possible d’établir un bilan de ce mouvement et de réfléchir
à l’efficacité de ces pratiques pour transformer les conditions de travail ? Enfin, est-il possible
de favoriser des récits pluriels qui prennent en compte les différents points de vue afin de les
concilier et de développer une action commune ?
- Il existe aussi des ouvrages et des fictions qui prennent pour objet le travail et ses réalités.
Là également le sens du dramatique peut l’emporter en accentuant la pénibilité des situations.

1   « L’établi », Éditions de Minuit, 1978.
2   www.direletravail.coop

La Revue des conditions de travail, n° 9         -2-                                        ANACT
Comment réfléchir à ce type de mises en récit et à l’efficacité (ou non) de la fiction dans la
transformation des représentations qui donnent à voir la réalité du travail ? La question de la
science-fiction peut pareillement être évoquée. Que sera le travail dans un avenir rapproché
à la lecture de certaines utopies ? Faut-il, de ce point de vue, « désincarcérer le futur »,
comme nous y engage le collectif Zanzibar, et imager un monde « post-travail » ? En tout cas,
l’exercice d’anticiper ce que sera le travail de demain permet de fixer un horizon qui peut
s’avérer utile pour les politiques du travail et le management.
- De même, la mise en récit peut intervenir dans le règlement de litiges entre les acteurs
sociaux. Le travail peut ici être montré, filmé ; il est alors donné à voir de celui-ci ses opérations
au quotidien pour montrer sa pénibilité ou l’inadéquation des prescriptions à la réalité des
situations. Les propositions retenues feront état d’expériences narratives diverses – film,
chroniques d’activité – et de leur utilité dans des scènes sociales particulières (CHSCT, par
exemple). Qu’en est-il dans l’entreprise alors que nous sommes dans un contexte où des
narrations plurielles, voire opposées peuvent se superposer ou s’affronter ? Raconter le
travail n’est pas une opération neutre. Existe-t-il, de ce point de vue, des narrations multiples
qui engagent ce que l’on désigne par « partenaires sociaux » dans les organisations ?
- Quels sont les usages et les moyens utilisés dans les modalités de mises en récit ? De
nouvelles opportunités de diffusion des récits sont offertes par internet : blogs, forums,
twitter, etc. Les différentes « chroniques du travail » sont facilitées par ces nouveaux moyens
d’écriture, de films et de diffusion. Quel est alors l’impact potentiel de ces modes de
narrations dans des contextes sociaux qui peuvent se tendre rapidement ? Il s’agit ici de faire
état de différentes expériences d’utilisation de ces nouveaux vecteurs en lien avec les
transformations que connaît le travail.
Les contributions retenues prendront deux formes :
    1. Des réflexions sur la façon dont le travail est représenté dans différents supports :
       littérature, cinéma, théâtre, internet, peu importe que cela soit de la fiction ou du
       documentaire. L’enjeu consiste ici à réfléchir à la signification sociale et discursive de
       la mise en représentation du travail, particulièrement dans les situations de
       transformations que connaissent aujourd’hui les entreprises.
    2. Des récits courts de situations de travail ou d’essai narratif sur le travail lui-même et
       sa signification pour les acteurs. Une sélection des meilleurs récits trouveront leur
       place dans la revue.
Représenter le travail, le raconter, le décrire, montrer des facettes inédites de celui-ci
comporte des enjeux sociaux et symboliques conséquents. Telle est l’ambition ultime de ce
numéro 9 de La Revue des conditions de travail : décrire les formes de mises en récit, leur
signification sociale et analyser l’efficacité des dispositifs mobilisés pour transformer les
conditions de travail.
Articles attendus*
Les intentions d’articles doivent être reçues avant le 30 septembre 2018.
Les intentions d’articles doivent comprendre le titre de l’article, un résumé d’une page au
maximum indiquant la problématique de l’article et la méthodologie utilisée. Le comité
éditorial de l’Anact donnera une réponse positive ou négative sous une quinzaine de jours
après réception de l’intention. L’acceptation de l’intention d’article ne présume pas de

La Revue des conditions de travail, n° 9           -3-                                         ANACT
l’acceptation de l’article final. Celui-ci sera évalué par deux personnes désignées par le comité
éditorial.
Les articles devront être reçus au plus tard le 31 décembre 2018 à l’adresse suivante :
t.rousseau@anact.fr

La parution du numéro est prévue pour mars 2019.

Les attentes suivantes seront privilégiées : pertinence conceptuelle par rapport à l’objet du
dossier thématique de la Revue, qualité de la description du milieu de travail dans lequel
l’intervention se situe, capacité de mettre en récit et de problématiser les enjeux sociaux et
organisationnels issus de l’observation empirique, attention aux questions de contenus et aux
controverses qui ont animé les acteurs en situations pratiques. La Revue entend plus
particulièrement valoriser des approches qui relatent des expériences et/ou des tentatives de
transformations du travail.

La longueur des articles se situera entre 15 000 et 25 000 caractères espaces compris.

Pour toute demande de renseignements sur la Revue ou l’appel à contribution, vous pouvez
contacter Thierry Rousseau, rédacteur en chef, à l’adresse suivante : t.rousseau@anact.fr
* Pour plus de détails, consultez notre site : http://www.anact.fr/web/publications/revue-conditions-travail

Présentation de la revue

Publiée par l’Anact, La Revue des conditions de travail entend approfondir et renouveler le
regard porté sur les évolutions du travail. Pour cela, elle propose de cheminer sur deux voies.
La première emprunte le très riche matériau issu des expérimentations menées par le réseau
Anact-Aract et des consultants en entreprise, comme autant d’expériences originales de
conduite concertée du changement. La seconde prend appui sur des contributions
scientifiques issues des nombreuses disciplines convoquées par le travail et ses conditions
d’exercice. Le pari de La Revue des conditions de travail est de faire discuter les intérêts
singuliers avec les problématiques générales, les acquis théoriques avec les connaissances
issues de la pratique… Face à la dispersion des savoirs, mais aussi devant la nécessité d’en
créer de nouveaux, la rencontre de ces deux voies est seule à même de dépasser la
déploration des dysfonctionnements et de proposer des pistes d’amélioration légitimes et
pertinentes.

La Revue des conditions de travail s’adresse deux fois par an, sous forme numérique, à une
large communauté de chercheurs, praticiens et intervenants engagés dans la compréhension
des enjeux et des modes d’action associés à la transformation du travail.

Pour cela, la Revue se veut :

- Un creuset alimenté par les travaux de capitalisation issus de l’expérimentation du réseau
Anact-Aract, les études, mais aussi par des productions – enquêtes, travaux de chercheurs et
de consultants – de différents milieux.
- Un incubateur d’idées propice à la controverse et à la mise en débat.

La Revue des conditions de travail, n° 9                -4-                                             ANACT
- Un espace pluridisciplinaire et interinstitutionnel, nourri par des apports issus de la
psychologie du travail, la sociologie, les sciences de gestion, l’ergonomie, etc.

L’objectif ultime de La Revue des conditions de travail est de proposer des pistes de réflexion
sur ce qui, aujourd’hui, conditionne la qualité du travail et de son environnement. Le travail
est traversé par de nombreuses controverses sur son devenir et son organisation. Ces
controverses sont structurantes. Il est important d’en faire état pour s’approcher au plus près
des réalités de terrain et examiner comment les acteurs s’emparent des questions du travail
et élaborent des solutions satisfaisantes. L’enjeu est d’importance, tant pour l’avenir des
entreprises que pour les conditions de travail des salariés.

Outre un dossier thématique, La Revue des conditions de travail s’articule autour des
rubriques suivantes :

- Enquêtes : analyses et commentaires consacrés aux enquêtes conditions de travail et plus
largement au travail.
- Recherches : un espace dédié aux travaux de jeunes chercheurs sur des thématiques liées
au travail et à ses conditions.
- Lectures : recension(s) d’une sélection d’ouvrages portant sur le travail.

La Revue des conditions de travail, n° 9       -5-                                      ANACT
Vous pouvez aussi lire