Micro-mécanique des milieux granulaires triphasiques

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Micro-mécanique des milieux granulaires triphasiques
24ème Congrès Français de Mécanique                                            Brest, 26 au 30 Août 2019

           Micro-mécanique des milieux granulaires
                       triphasiques

                                     J. DURIEZa, R. WANb
    a. Irstea, Aix Marseille Univ, RECOVER, Aix-en-Provence (France) ; jerome.duriez@irstea.fr
         b. Dept of Civil Engineering, University of Calgary, AB (Canada) ; wan@ucalgary.ca

Résumé :
Le comportement mécanique des milieux granulaires triphasiques, tels que les sols partiellement sa-
turés en eau, est étudié en combinant deux approches micro-mécaniques : une homogénéisation ana-
lytique avec des simulations numériques aux Éléments Discrets. Par homogénéisation, on exprime les
contraintes macroscopiques de ces matériaux à partir des forces de contact inter-grains, des deux pres-
sions différentes des fluides, et des efforts de tension superficielle, tous présents à l’échelle microsco-
pique. L’expression µUNSAT ainsi obtenue associe de manière générale un caractère tensoriel (non-
sphérique) aux différentes contributions, en accord avec la microstructure du matériau. Un modèle nu-
mérique aux Éléments Discrets permet ensuite de mesurer ces différentes contributions dans le cas d’un
milieu granulaire idéal en conditions humides. Les résultats numériques démontrent l’anisotropie des
contraintes capillaires dues aux phases fluides, et, dans une certaine mesure, le caractère effectif des
contraintes dues aux forces de contact.

Abstract :

The mechanical behavior of triphasic granular media, such as unsaturated soils, is studied through a
multi-scale approach combining analytical homogenization with Discrete Element Method simulations.
Homogenization first expresses the macroscopic stress state of such a material starting from micro-scale
inter-grains contact forces, the different fluid pressures, and surface tension. The resulting µUNSAT ex-
pression describes all these stress contributions through generic tensorial terms, according to the ma-
terial’s microstructure. A Discrete Element Method numerical model then enables one to access these
stress quantities for ideal wet granular materials. The simulations demonstrate the tensorial, anisotro-
pic, character of fluid-induced capillary stress, and the somewhat effective nature of the contact stress
stemming from contact forces.

Mots clefs : Méthode aux Éléments Discrets (DEM) ; contrainte effective ;
régime pendulaire

1 Introduction
Du génie civil à l’agro-alimentaire, en passant par les industries pharmaceutiques, un grand nombre
de procédés industriels mettent en oeuvre des milieux granulaires dont la rhéologie est affectée par la
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présence quasi-inévitable d’un mélange de deux fluides au sein de leur espace poral. En géotechnique
par exemple, les sols granulaires qui servent souvent de matériau de fondation, voire de construction
dans le cas de remblais, voient leur déformabilité et leur stabilité modifiées en cas de saturation par-
tielle en eau, comme le montre l’exemple classique du château de sable. Alors qu’une interprétation du
comportement partiellement saturé à partir d’une “contrainte effective” et des mêmes lois de compor-
tement et critères de rupture déterminés en conditions sèches (ou saturées) serait d’un intérêt majeur,
cet objectif n’a toujours pas été complétement atteint. Plusieurs travaux expérimentaux ou numériques
[1, 2, 3, 4, 5, 6] ont d’un côté démontré la possibilité d’interpréter les états limites de contrainte des sols
partiellement saturés à partir d’un critère de rupture déterminé en conditions sèches, et de l’estimation
des contraintes dites capillaires, correspondant à la différence entre les contraintes macroscopiques, ou
“totales”, et les contraintes effectives propres au squelette solide, et auxquelles le critère de rupture des
conditions sèches s’applique. D’un autre côté, l’application des lois de comportement des conditions
sèches à la contrainte effective d’échantillons partiellement saturés ne permet toujours pas de rendre
compte fidèlement des déformations observées dans de telles conditions [3], hormis peut être dans un
domaine réduit de comportement élastique des sols [7, 8, 9].
On présente alors ici une synthèse des approches micro-mécaniques suivies précédemment dans [5, 6,
10, 11, 8, 9] sur cette question du comportement des milieux granulaires triphasiques, et des résultats
obtenus au sujet des contraintes capillaires et effectives pour de tels matériaux. Du fait de l’importance
de la microstructure sur le comportement mécanique des matériaux granulaires, de telles approches
multi-échelles semblent particulièrement adaptées et on considère ici, premièrement, une démarche ana-
lytique d’homogénéisation des contraintes ; ainsi que des simulations numériques selon la Méthode aux
Éléments Discrets (DEM) de matériaux granulaires idéaux dans un état pendulaire de (faible) saturation.
L’ensemble de la communication adopte la convention de signe de la mécanique des sols, avec des
contraintes et déformations positives en compression.

2 Homogénéisation µUNSAT d’un milieu granulaire triphasique
On considère donc un Volume Élementaire Représentatif (VER) V d’un matériau triphasique dont la
phase solide s, de volume Vs , se compose d’un assemblage discret de particules de formes quelconques,
et de taille caractéristique suffisamment faible pour que les effets capillaires et les conditions triphasiques
aient une influence : par exemple, un sol de taille granulométrique de l’ordre du 1/100e , voire 1/10e , de
mm. L’espace poral Vv “ V zVs est lui constituté d’une juxtaposition de deux fluides immiscibles, l’un
mouillant, w (par exemple de l’eau), et l’autre non-mouillant, n (par ex. de l’air), de volumes respectifs
Vw et Vn . Les interfaces Sαβ , α et β ‰ α P tn; s; wu, entre les différentes phases sont aussi prises
directement en compte de même que les lignes triples Γ, point de rencontre des trois phases, afin de
rendre compte des tensions superficielles y existant, et qui constituent des efforts internes du matériau.
Les contraintes macroscopiques, ou totales, correspondant aux chargements imposés en frontière du
VER ou à distance, correspondent alors à la moyenne des contraintes microscopiques existant au sein
des différentes phases et interfaces :

                             ¨                                        ˛
                                    ż              ÿ ż
                           1 ˝ ÿ
                        Σ“              σα dV `                παβ dS ‚                                    (1)
                           V α“n,s,w Vα         α,β“n,s,w S αβ
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Les états de contrainte des deux phases fluides α P tn; wu sont décrits par σα “ uα δ, avec δ le tenseur
identité du second ordre, et uα les pressions de fluide, dont la différence définit la pression capillaire
uc “ un ´ uw , elle-même équivalente à la suction dans le cas présent de sols granulaires.
La contrainte de la phase solide est, elle, définie à partir des contraintes existant au sein de chaque grain,
fonction des efforts s’exerçant à la surface de ceux-ci :
    — des forces de contact f~c , où on associe à chaque paire de grains en contact un vecteur ~l reliant
       leurs deux centres (Fig. 1)
    — des pressions de fluide ´uα~n le long de Ssα , α P tn; wu, avec ~n la normale sortante à Ssα
    — des efforts (linéiques) de tension superficielle γnw ~ν , avec ~ν la conormale à Snw (voir Fig. 1).
                 contact
                 pression capillaire
                 tension superficielle                                         Snw
                                                           l                 ν
                                                                       Ssw              x

                                                                         ν          Γ

                    Figure 1 – Matériau granulaire triphasique vu à la petite échelle

Finalement, les interfaces sont le siège d’efforts internes de tension superficielle décrits tensoriellement
par παβ “ γαβ p~n b ~n ´ δq , et par ailleurs associés à des discontinuités des contraintes normales de
part et d’autre de Sαβ [12, 10, 11].
Tous calculs faits, l’équation (1) mène finalement à l’expression µUNSAT suivante des contraintes [12,
10, 11] :

  Σ ´ un δ “ σcont ` σcap                                                                   (2)
             1   ÿ
    σcont “          f~c b ~l                                                               (3)
             V cont.
                 „ ˆ          ż               ˙      ˆż                       ż           ˙
       cap     1
     σ     “´      uc Vw δ `        ~n b ~x dS ` γnw        pδ ´ ~n b ~nq dS ` ~ν b ~x dl
               V                Ssw                     Snw                    Γ
                 „                                       
               1
           “´      uc pµV w ` µSsw q ` γnw pµSnw ` µΓ q                                     (4)
               V

L’approche µUNSAT permet donc d’arriver à une décomposition des contraintes en (2), entre des
contraintes dites de contact, exprimées en (3) à partir des forces de contact, et des contraintes dites
capillaires, exprimées en (4). Les contraintes de contact décrivent la partie des contraintes de la phase
solide causée uniquement par les interactions (de contact) à l’intérieur de celle-ci, et seraient égales
aux contraintes totales (moins la pression d’air) en conditions sèches. Les contraintes capillaires, elles,
rassemblent toutes les contributions dues à la présence des deux phases fluides, selon une expression
fortement différente d’autres travaux, e.g. [1, 2, 7], selon deux aspects. Premièrement, ces contributions
présentent ici un clair caractère tensoriel (non-sphérique) dans le cas général, ce qui correspond par
exemple à l’action de la pression capillaire (en tant que différence de pression) uniquement suivant les
normales des surfaces mouillées, plutôt que de manière isotrope. Deuxièmement, la tension superficielle
fluide-fluide γnw intervient directement dans l’expression des contraintes, là encore de manière tenso-
rielle en fonction des orientations des interfaces Snw , et de celles des lignes triples Γ. L’ensemble des
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caractères microstructuraux d’importance, et leurs orientations, définissent en fait les contraintes capil-
laires via les tenseurs µV w , µSsw , µSnw et µΓ . On peut finalement noter que les tensions superficielles
solide-fluide γsα , α P tn; wu, ont une contribution nulle dans le cas de particules suffisamment rigides
et de contacts ponctuels entre grains [11].

3 Modélisation DEM du régime pendulaire
Une connaissance exhaustive de la microstructure est donc nécessaire afin d’appliquer les équations (2)
à (4) et d’analyser les différents termes de contrainte qui y apparaissent. Cet accès à la microstructure du
matériau est obtenu ici par simulation numérique dans le cas idéal d’un matériau granulaire aux parti-
cules sphériques, et pour lequel la phase w se compose uniquement de ponts capillaires, ou ménisques,
disjoints entre différentes paires de particules, correspondant au régime pendulaire (Fig. 2). Ce régime
pendulaire est caractéristique des très faibles saturations, correspondant à des valeurs de Sr “ Vw {Vv
inférieures à 10%.
                                                         ρ

                                                      R1                  θ        R2
                                                                 θ ρ(z)
                                                        δ1                         δ2
                                                             0        z       zf             z

           Figure 2 – Ponts capillaires du régime pendulaire et leur description géométrique

Le modèle numérique, proposé en [6] à la suite de [4], adopte la DEM et le code YADE [13] pour décrire
les particules solides, leurs forces de contact et leurs déplacements relatifs. Les possibles ménisques entre
particules sont décrits via des forces attractives d’interaction capillaire. L’existence des ménisques, leurs
géométries, et les forces capillaires résultantes sont obtenues par résolution de l’équation de Laplace-
Young avec des conditions aux limites de mouillage définies par l’angle de contact θ (Fig. 2). Reliant la
courbure div ~n de l’interface Snw , avec ~n la normale à Snw dirigée vers la phase w, à uc et γnw selon
(5) :
                                             uc “ γnw div ~n ,                                            (5)

l’équation de Laplace est ici résolue pour une valeur uniforme et constante de la pression capillaire
au sein de l’échantillon, en accord avec la considération d’un équilibre thermodynamique. En fonction
des valeurs d’uc , des rayons et de θ, l’équation de Laplace n’admet plus aucune solution au-delà d’une
certaine distance inter-particulaire, ce qui correspond par exemple à la rupture d’un pont capillaire pré-
existant.
Du fait de l’interaction capillaire, la distribution des tailles de particules et l’angle θ, pris ici uniforme
et constant par simplification, constituent des paramètres du modèle ; auxquels s’ajoutent les paramètres
classiques de la description du contact en DEM : deux paramètres de raideur et un angle de frottement
local.
Outre les déformations des échantillons DEM, décrites par le cycle classique de la DEM, la descrip-
tion exhaustive des microstructures fluides et solide permet de mesurer les tenseurs µV w , µSsw , µSnw
et µΓ au sein des échantillons, et d’isoler les contraintes capillaires, ou de contact, des contraintes to-
tales. Concernant les contraintes capillaires, le régime pendulaire et ses interactions deux-à-deux entre
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sphères, donne la possibilité d’utiliser indistinctement l’équation µUNSAT (4), ou l’équation (6) sui-
vante, à partir des forces capillaires f~cap de chaque ménisque :

                                                    1 ÿ ~cap ~
                                          σcap “            f bl                                            (6)
                                                    V mén.

L’équation de Laplace-Young assure en fait l’équivalence, non-triviale, de (6) avec (4) [12, 10, 11, 14].
Concernant les contraintes de contact, la modélisation DEM permet aussi une mesure directe de σcont .
Dans les cas où la microstructure des phases fluides, et donc les contraintes capillaires, seraient plus
faciles à mesurer que les forces de contact, les contraintes σ cont pourraient en fait également être ex-
primées par différence entre les contraintes totales et les contraintes capillaires.

4 Résultats et discussions
Une application des expressions µUNSAT et du modèle DEM est désormais proposée le long de chemins
de sollicitations axisymmétriques dσ2 “ dσ3 et dε2 “ dε3 , avec p1, 2, 3q les directions principales. On
considère en particulier les compressions triaxiales de la mécanique des sols, définies par dε1 ą 0 et
dσ2 “ dσ3 “ 0 depuis un état isotrope σ1 “ σ2 “ σ3 . Dans le cas de conditions triphasiques, celles-ci
correspondent donc à l’imposition d’une pression capillaire uniforme à travers l’échantillon.

4.1     Quantification et anisotropie des contraintes capillaires
Mesurant les différents tenseurs microstructuraux µX le long de tels chemins triaxiaux, pour deux va-
leurs de pression capillaire imposée, on s’intéresse à leurs parties sphérique et déviatoire, m et t :

                                             trpµX q
                                         m“                                                                 (7)
                                             c 3
                                                3
                                          t“      ||µX ´ m δ|| ,                                            (8)
                                                2

et au rapport t{m choisi pour quantifier le caractère déviatoire de ces tenseurs, hormis pour µV w “ Vw δ
qui est de nature purement sphérique par construction.
Alors que tous les tenseurs sont logiquement sphériques dans la configuration isotrope initiale, les ré-
sultats (Fig. 3, [11]) démontrent que la plupart développent clairement une nature déviatoire lors de
l’évolution de la microstructure associée au chargement mécanique.
C’est en premier lieu le cas de µSsw , relatif aux surfaces solides mouillés, et dont les évolutions peuvent
être rapprochées de celles des directions de contact, quantifiées par le tenseur F :

                                                   1 ÿ
                                             F “            ~n b ~n                                         (9)
                                                   nc cont.

L’anisotropie du réseau de contacts induite par le chargement mécanique se retrouve en effet au niveau
des surfaces solides mouillées par les ménisques, et ce d’autant plus que la pression capillaire est élevée
et que les ponts capillaires ne peuvent subsister qu’au niveau des contacts, et pas à distance. Le tenseur
µΓ relatif aux lignes triples développe lui aussi un fort caractère déviatoire, qui est également à relier au
faible angle de contact utilisé ici (θ “ 100 ) : la partie sphérique de µΓ tend en effet vers zéro lorsque c’est
le cas de θ [11]. Finalement, µSnw , relatif aux interfaces fluide-fluide peut ici être considéré comme
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              0.4                                                                              0.8
                                                     F
             0.35                                    µ     (u = 4 kPa)
                                                     Ssw      c
                                                     µ     (u = 40 kPa)                        0.6
              0.3                                    Ssw      c

             0.25
                                                                                                                                       µ
 t / m (−)

                                                                                   t / m (−)
                                                                                               0.4                                            (u = 4 kPa)
                                                                                                                                        Snw       c
              0.2
                                                                                                                                       µ      (u = 40 kPa)
                                                                                                                                        Snw       c
             0.15
                                                                                               0.2                                     µ (u = 4 kPa)
                                                                                                                                        Γ     c
              0.1
                                                                                                                                       µ (u = 40 kPa)
                                                                                                                                        Γ     c
             0.05                                                                               0

               0
                0       10         20                    30               40                     0              10               20         30              40
                                 ε (%)                                                                                         ε (%)
                                 1                                                                                             1

Figure 3 – Caractère déviatoire des différents tenseurs microstructuraux lors de compressions triaxiales
en conditions triphasiques [11]

sphérique à l’échelle de l’échantillon bien que ce ne soit pas le cas à l’échelle d’un seul pont capillaire
[10, 11].
Tel qu’illustré en Fig. 4, les contraintes capillaires elles-même incluent donc une partie déviatoire q cap
non négligeable devant leur valeur moyenne pcap , où q cap et pcap sont définis par :

                                                                    trpσ cap q
                                                           pcap “                                                                                                (10)
                                                                      c3
                                                                        3 cap
                                                           q cap   “´     ||σ  ´ pcap δ||                                                                        (11)
                                                                        2

                                                0

                                              −0.2                                                              cap
                                                                                                     u = 4 kPa: p
                                                                                                      c
                                                                                                                    cap
                                                                                                     u = 40 kPa: p
                                      (kPa)

                                              −0.4                                                    c
                                                                                                                cap
                                                                                                     u = 4 kPa: q
                                                                                                      c
                                     cap

                                              −0.6                                                                  cap
                                     σ

                                                                                                     u = 40 kPa: q
                                                                                                      c

                                              −0.8

                                               −1
                                                 0                 10            20                       30              40
                                                                               ε (%)
                                                                               1

             Figure 4 – Contraintes capillaires durant une compression triaxiale en conditions triphasiques

L’expression µUNSAT (4) des contraintes capillaires est donc très différente de l’expression classique
σcap “ ´uc Sr δ inspirée par Bishop [15]. Une telle expression néglige en effet toute contrainte dévia-
toire capillaire, en contradiction avec la microstructure du matériau, et sous-estime de plus la pression
capillaire moyenne dans le régime pendulaire. Le choix de σcap “ ´uc Sr δ reviendrait en effet ici à
une valeur de |pcap | de l’ordre de 0.1 kPa, bien moins que les 0.8 kPa mesurés (Fig. 4). Quantitative-
ment, l’ordre de grandeur des contraintes capillaires est à relier avec un diamètre moyen relativement
conséquent de 0.3 mm utilisé ici [11], et n’est pas négligeable dans les cas de faible confinement.
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4.2            Caractère effectif des contraintes de contact
Considérant finalement les contraintes de contact, on s’intéresse à leur caractère effectif, c’est à dire
à la possibilité d’appliquer les critères de rupture et lois de comportement d’un matériau granulaire
sec à σcont pour interpréter les états limites de contrainte et déformations observées en conditions
triphasiques.
Concernant la description de la rupture, les états limites en contraintes totales et en contraintes de contact
ont été relevés lors de compressions triaxiales en conditions sèche et triphasique [9]. Alors que les
conditions triphasiques induisent classiquement des états limites en contraintes totales avec une cohésion
plus importante (non-nulle) qu’en conditions sèches, la considération des contraintes de contact permet
bien d’obtenir une description unique de la rupture en conditions sèches et triphasiques, avec un critère
de rupture de Mohr-Coulomb sans cohésion (Fig. 5).

         100                                                                     70
                                                                                                         cont
                                                                                          sec:    =
                                                                                 60                         cont
          80                                                                              u c =25 kPa:

                                                                                 50       u c =25 kPa:
 (kPa)

                                                                         (kPa)

                                                                                                                cont
                                                                                          u c =125 kPa:
          60                                                                     40
                                                                                          u c =125 kPa:
 cont

                                                                         cont

                                                      cont
                                       sec:    =
 1

                                                                         1

          40                                            cont                     30
                                       u c =25 kPa:
 ,

                                                                         ,
    1

                                                                            1

                                       u c =25 kPa:                              20
          20                                                 cont
                                       u c =125 kPa:
                                                                                 10
                                       u c =125 kPa:
           0                                                                      0
               0    10         20             30                    40                0     5         10               15      20   25   30
                               cont                                                                                cont
                         3
                           ,   3
                                      (kPa)                                                                3
                                                                                                             ,     3
                                                                                                                            (kPa)

Figure 5 – Etats limites de contraintes en conditions sèches et triphasiques, pour des échantillons dense
(gauche) ou lâche (droite)

Concernant le comportement en contrainte-déformation, les mêmes chemins de déformation ont été
imposés à des échantillons en conditions sèche ou triphasique, et les réponses en contrainte de contact
ont été relevées. Dans le cas où une loi de comportement unique relierait les chemins de déformation aux
chemins de contrainte, les réponses en contraintes de contact devraient être identiques quelques soient les
conditions de saturation. Ce caractère effectif des contraintes de contact est en fait approximativement
obtenu pour des échantillons denses et le long de chemins de déformation contractants [9, 8]. Pour
des échantillons initialement lâches et/ou des chemins dilatants, une interprétation du comportement
triphasique à partir des lois de comportement des conditions sèches et des contraintes de contact n’est
possible que pour l’estimation des raideurs initiales.

5 Perspectives
L’application des expressions µUNSAT, ici menée à partir de simulations DEM, semble désormais envi-
sageable sur des échantillons réels à partir de techniques d’imagerie telles que la tomographie à rayons X
et/ou à neutrons. Combiner de telles mesures de microstructure avec les expressions µUNSAT constitue-
rait certainement une avancée très importante dans l’étude du comportement des matériaux granulaires
en conditions triphasiques.
24ème Congrès Français de Mécanique                                             Brest, 26 au 30 Août 2019

Remerciements
Un certain nombre des résultats résumés ici ont été obtenus en collaboration avec Félix Darve, de l’Uni-
versité Grenoble Alpes, ainsi que Mahdad Eghbalian et Mehdi Pouragha, de l’University of Calgary.

Références
 [1] N. Khalili et M. H. Khabbaz. A unique relationship for χ for the determination of the shear strength
     of unsaturated soils. Géotechnique, 48(5):681–687, 1998.
 [2] N. Lu et W. Likos. Suction stress characteristic curve for unsaturated soil. Journal of Geotechnical
     and Geoenvironmental Engineering, 132(2):131–142, 2006.
 [3] M. Nuth et L. Laloui. Effective stress concept in unsaturated soils : Clarification and validation of a
     unified framework. International Journal for Numerical and Analytical Methods in Geomechanics,
     32(7):771–801, 2008.
 [4] L. Scholtès, B. Chareyre, F. Nicot, et F. Darve. Micromechanics of granular materials with capillary
     effects. International Journal of Engineering Science, 47(1):64 – 75, 2009.
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