LE MOT DU DIRECTEUR - Les Cuisiniers de France
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LE MOT DU DIRECTEUR En haut de l’affiche On essaie tous d’être en haut de l’affiche. Certains y parviennent avec force patience, persévérance et travail, et un peu de chance. Si les chemins sont différents, ils ne tolèrent cependant ni lacune ni mensonge. D’ailleurs, les gens qui réussissent s’entourent de personnes pour qui compétences, savoirs et honnêteté sont intimement liés. C’est peut-être la recette qu’ont suivie Johnny Hallyday, Charles Aznavour, Paul Bocuse et Joël Robuchon qui, parvenus au sommet de leur profession, ont su y rester. Comme en écho à cette excellence, Monaco permet à des chefs de cuisine d’affirmer leur savoir-faire et leurs talents. C’est pourquoi la principauté est à l’honneur dans ce numéro avec les portraits de Benoît Witz, Marc Maccari, Marcel Ravin et Francis Poidevin. Re t ro u vez également le troisième C h e f s Wo r l d Summit qui a eu lieu au Grimaldi Forum Monaco sous la houlette de Catherine Decuyper. Un grand rendez-vous de la profession auquel les Cuisiniers de France ont participé en tant que partenaires. Autre sujet, tout aussi gourmand, le chocolat et son histoire au sein de la maison Valrhona, sous le regard de Frédéric Bau et Thierry Bridron, qui évoquent leur passion pour notre plus grand plaisir. Et je n’oublierai pas le si sympathique et talentueux Philippe Joannes qui, lui, est pour l’heure en bonne voie d’inscrire en majuscules son nom en haut de la prestigieuse affiche monégasque. Pierre Miécaze La Revue Culinaire N°916 novembre/décembre 2018 1
Sommaire N°916 NOVEMBRE /DÉCEMBRE 2018 6 EN COUVERTURE Philippe Joannès 22 PARCOURS Francis Poidevin p.6 p.22 36 VALEUR SÛRE Benoît Witz 46 CUISINIER DE LA RÉPUBLIQUE Marc Maccari 56 CUISINE DE SENTIMENTS Marcel Ravin 70 CRÉATRICE D’ÉVÉNEMENTS Catherine Decuyper 76 PRODUIT PASSION p.36 p.46 Thierry Bridron 88 VIE DE LA SOCIÉTÉ Visite de la maison Pannier 89 In Memoriam, Joël Robuchon, 1945-2018 92 LIVRES À DÉGUSTER p.56 p.68 p.76 En couverture, Philippe Joannès © Sylvain Monjanel 2018 La Revue Culinaire N°916 novembre/décembre 2018 3
Quel meilleur préambule que sportives, caritatives, ludiques, solidement associée et ancrée, co- cette réflexion de Philippe Joan- culturelles. Autant d’événements rollaire de tous ses événements nès ? constituant son épine dorsale. et créations mythiques comme « Lorsqu’on a la chance d’être Et qui ont fait, font et feront ses l’Hôtel de Paris. cuisinier, il y a deux rêves qui heures de gloire et la notoriété Paris, ville lumière, et Monaco, s’offrent à nous et des passages de celle qui enfanta son prestige, principauté de tous les soleils, obligés : travailler à Paris ou à la Société des Bains de Mer, née parmi les plus hauts lieux azu- Monaco… » en 1863. réens qui furent d’abord des sta- La principauté, fille de toutes Aura d’un rocher à laquelle la tions de villégiature, de santé et les manifestations mondaines, gastronomie est bien évidemment de mondanités hivernales. 4 La Revue Culinaire N°916 novembre/décembre 2018
Monaco Rocher gourmet par excellence ! Ce numéro de novembre est donc À commencer par Philippe Joan- associé à Pascal Rambaud, a su une occasion malicieuse et à pro- nès, directeur des événements apporter la brasserie à « l’esprit pos de lui rendre hommage, tout culinaires de la principauté parisien » dont S.A.S. le prince en mettant quelques rayons de depuis le 1 er octobre dernier ; Rainier III rêvait. Un patchwork soleil dans notre grisaille. Benoît Witz, chef de l’Hermi- de l’excellence complété par Marc Et celle d’honorer les chefs qui tage introduisant « l’âme du ter- Maccari qui, pour être le chef de contribuent à la pérennité gour- roir dans la cuisine de palace » ; l’ambassade de France à Monaco, mande de ce rocher, qu’Alain Marcel Ravin, chef du Blue apporte son accent et sa cuisine Ducasse a couronné des lauriers Bay* « As de la cuisine intros- chantante et méditerranéenne à suprêmes en 1998. pective » ; Francis Poidevin qui, un haut lieu de notre députation. La Revue Culinaire N°916 novembre/décembre 2018 5
En couverture MONACO - SBM Philippe Joannès Fédérer, transmettre, être de son temps Philippe Joannès est un coureur de fond. Cela se sent dans sa foulée comme dans sa démarche professionnelle. Après avoir été le chef exécutif du Fairmont Monte-Carlo depuis 2012, il a cédé la place à Didier Aniés avec lequel il partage la distinction enviée de MOF (millésime 2000). Le voici donc depuis le 1er octobre dernier, directeur des événements culinaires du groupe Monte-Carlo, Société des Bains de Mer. Poste prestigieux auquel s’ajoutent d’autres responsabilités tout aussi éloquentes, comme celle de président des MOF pour la région Sud et Corse. L’occasion rêvée, à l’approche de 2019, de rendre hommage à ce fédérateur toutes catégories. Monaco, reine des spectacles, des ries, d’apporter une expertise casion de l’Exposition universelle jeux et des sports ! Voilà qui au- reconnue aux équipes de restau- de Milan. Dans le pavillon moné- gure des journées bien remplies ration de nos exploitations. Au- gasque — sculpture plus qu’archi- pour Philippe Joannès, appelé à delà d’un chef, c’est un homme tecture composée de containers de sa nouvelle fonction de directeur de grande expérience, porteur transports —, il aura fait le buzz, à général des opérations hôtelières et des valeurs d’excellence, de per- la tête de son équipe, jouant la carte des achats de la Société des Bains formance et de transmission du de « l’excellence solidaire, nourrir de Mer par Didier Boidin. Didier savoir… » le monde autrement ». Boidin... prince de l’hôtellerie de Ainsi, à ce poste, Philippe endosse Puis, en 2016, il s’investira encore luxe à son poste depuis début 2017 la responsabilité des nouveaux dans un autre registre, directeur avec, pour mission, de redonner services de boulange- des programmes du à la SBM un lustre international rie, pâtisserie et gla- « Écoute Chefs World Summit, pour en faire la référence absolue cerie centralisés pour et dynamisme » dont la troisième édi- du luxe en Europe dans les sec- les établissements du tion se tiendra les 25, teurs de l’hôtellerie, des boutiques groupe Monte-Carlo Société des 26 et 27 novembre au Forum Gri- et casinos. Bains de Mer. Il sera également maldi. Un rendez-vous pas comme Restait à trouver l’homme de la la cheville ouvrière de la salle des les autres. Un congrès profession- situation… Philippe Joannès, ce- Étoiles pour le restaurant Coya, nel où sont abordés les aspects de lui pour lequel il a créé ce poste et Buddha Bar et celui des Thermes la profession dans leur plus large auquel il a rendu un vibrant hom- Marins. spectre ; comme cette année l’éco- mage le jour de sa prise de fonc- responsabilité des chefs, la forma- tion devant un parterre choisi : « Nous sommes très heureux Fédérateur tion et l’emploi du personnel, leur contribution sociale aux démunis d’accueillir Philippe Joannès et sinistrés. pour la création de notre nou- Une responsabilité à laquelle Phi- Manifestation orchestrée par Ca- veau pôle d’activités autour des lippe Joannès était bien sûr pré- therine Decuyper, présidente d’In- métiers de la restauration. Pôle destiné, ne serait-ce que pour s’y forma Exhibitions France qui aime qui nous permettra de viser être pleinement investi dès 2015. rendre à César ce qui appartient encore plus haut en termes de Et cela, en ouvrant une parenthèse à César : qualité avec la fabrication de aussi marquante que princière, « L’idée de ce congrès qui réunira notre propre pain et viennoise- trois ans après son arrivée à l’oc- 130 intervenants nous préoccu- La Revue Culinaire N°916 novembre/décembre 2018 7
mage à Paul Bocuse à laquelle représentons que 10 % d’entre cette soirée hommage était consa- eux ! Compte tenu de la média- crée, ainsi qu’à Johnny Hallyday, tisation dont notre métier jouit réincarné sur scène par son sosie actuellement, il est de notre Johnny Vegas. devoir de prêcher la bonne pa- Philippe a le don d’ubiquité. Il aime role pour inciter les jeunes de s’investir pour la Principauté. Il tous les autres corps de métier participe entre autres au côté de à s’intéresser à ce concours et de Christian Plumail au concours s’y présenter un jour. Une tâche culinaire rassemblant qui, pour Jean- douze chefs de yachts « Prêcher François Girardin premium au Yacht Club (MOF 1993), pré- de Monaco dans le la bonne parole » sident national des cadre de son centre de MOF, Jean-Marc formation dédié aux professionnels Delacourt (MOF 1991), notre de la grande plaisance. trésorier, et moi-même revêt une priorité absolue. » MOF Prêcher la bonne parole, c’est prendre son bâton de pèlerin et se rendre dans les lycées, les centres pait depuis 2013. Quand en 2015, Autre casquette, où plutôt toque as- Philippe Joannès m’a confortée sortie du col tricolore quand il a été dans ce projet. C’est donc à lui élu en janvier 2018 président des que vont d’abord mes remercie- MOF pour la région Sud et Corse. ments pour m’avoir accompa- Haute responsabilité qu’il conçoit gné dans cette belle aventure en comme une reconnaissance et dans m’apportant sa précieuse aide, laquelle il s’investit avec ferveur. Et sa gentillesse, son écoute et son pas seulement pour les métiers de professionnalisme et son extraor- bouche : dinaire dynamisme. » « C’est grâce à des maîtres comme Paul Bocuse et Joël Ro- Don d’ubiquité buchon que le mot MOF com- mence à être aujourd’hui connu du grand public. Mais il ne faut Une troisième édition parrainée par pas oublier qu’il y a 227 autres Mauro Colagreco (Mirazur**) qui professions concernées par le comptera pléthore de toques pres- concours Un des Meilleurs Ou- tigieuses telles Yoshihiro Narisawa, vriers de France et que nous ne Dan Barber, Paul Pairet, Georges Blanc, Arnaud Donckele, Jean Sul- de formation pour convaincre les pice, François Pasteau pour ne ci- jeunes de s’intéresser aux MAF, ter qu’eux. Autant de grands noms la première marche, puis de viser qui ne manqueront pas de visiter les MOF, fort de la notoriété et de le stand des Cuisiniers de France l’aura professionnels que ce titre accueillis par notre président Chris- suprême confère : tian Millet, Pierre Miécaze et, bien « Il faut aller de l’avant ! Et puis sûr, Patrice Trincali. Des Cuisiniers je suis très fier de présider une de France très investis à Monaco, région qui s’investit pour faire présents aux Awards décernés le partie de l’une des plus représen- 10 novembre par l’AIHM (Asso- tées en ayant un grand nombre ciation des industries hôtelières de candidats au concours. monégasques), dont le président 438 inscrit au total ! Dont une n’est autre que Francis Poidevin. trentaine qui sont médaillés d’or, À cette occasion, lors du dîner de sésame pour défendre les cou- gala, Christian Millet, notre pré- leurs de la région aux épreuves sident, a rendu un vibrant hom- finales nationales. » 8 La Revue Culinaire N°916 novembre/décembre 2018
teurs. Pas du double, mais presque : nombreux événements d’envergure 500 000 couverts, rien de moins ! internationale qui s’y déroulent. Progression vertigineuse, somme Pour cela, Philippe développe un toute prévisible. On est toujours programme s’ouvrant par la créa- rattrapé par son passé et Philippe tion d’un atelier de production n’échappe pas à la règle pour s’être de 2000 m² à Mouans-Sartoux, brillamment illustré au préalable suivi d’ouvertures de boutiques, chez Lenôtre à Plaisir, où il est entré d’une école de cuisine et de lieux en 1999, nommé premier adjoint du de réception prestigieux, tels La directeur de production chargé de Bastide du Park Lenôtre à Mou- créer et développer des produits en gins pouvant accueillir jusqu’à accord avec la demande du service 2000 personnes ou encore le joyau commercial et du marketing. de la Belle Époque qu’est l’architec- turale Rotonde Lenôtre à Beaulieu- Lenôtre sur-Mer. Outils qui permettent à l’enseigne d’être désormais présente sur tous les évènements exception- Dans la foulée, novateur, il met nels, tandis que l’équipe passe de sur pied une cellule de développe- 25 à 100 employés en l’espace de Innovateur Il faut souligner que Philippe a tou- jours cumulé passion de la forma- tion, de l’artisanat, du produit et, dans sa globalité, goût de s’investir, de concevoir, d’innover quoi qu’il entreprenne. On n’échappe pas à son passé… Ainsi, lorsque Xavier Rugeroni, président-directeur général du Fairmont Monte-Carlo, lui pro- pose le poste de chef exécutif en mars 2012, la feuille de route fixée était d’atteindre la barre des trois cent mille repas par an. Intensifica- tion de couverts conséquente dans le respect de cette règle absolue : le souci constant de la qualité et de la régularité, du meilleur que l’on puisse proposer pour chaque ment des nouveaux produits avec la trois ans, tandis que le chiffre d’af- niveau de prestations, du gastro bénédiction de son directeur, alors faire est multiplié par cinq ! L’Argentin Monte-Carlo à l’Horizon Patrick Scicard. Puis il décroche le aux allures de pont supérieur de titre de MOF en 2000 et s’installe Retour aux paquebot, en passant par le lumi- sur la Côte d’Azur dès septembre neux lounge-bar Le Saphir, sans 2001 pour occuper les fonctions, sources oublier banqueting et d’abord de chef de pro- private dinner… « Exploser les duction, puis de direc- Quand en mars 2012, il entre au Entouré de sa brigade de compteurs ! » teur régional du labora- Fairmont Monaco. Un nouveau quatre-vingts pâtissiers toire Lenôtre. pari passionnant à gagner, mais et cuisiniers (chef adjoint Laurent Décennie au cours de laquelle il aussi une affaire de cœur. À pied Smeulder, sous-chef des banquets n’aura de cesse d’élargir l’implan- d’œuvre dans le plus imposant des Alessandro Surano, sous-chef des tation et le rayonnement de l’en- vaisseaux de l’hôtellerie moné- restaurants Simon Ganache) aux- seigne Lenôtre dans cette région où gasque, les souvenirs se bousculent. quels le chef tient à rendre hom- les infrastructures sont alors bien Il revoit ses parents, Denise et mage, il aura explosé les comp- loin d’être au diapason des très James, dans leur hôtel–restaurant La Revue Culinaire N°916 novembre/décembre 2018 9
celles du Perreux où il décrochera en 1988 le premier prix plat froid, catégorie professionnelle, puis un an après le Prosper-Montagné rem- portant le premier prix plat chaud. Ensuite le Taittinger, raflant les 2e et 3e prix plat chaud, avant la consé- cration suprême en 2000, le titre de MOF qu’il assortira en 2004 du Bernache d’argent Accor. Mai 1984. Le voilà demi-chef de partie aux poissons, le temps d’une saison au Royal de Deauville, dans la très imposante brigade de Pa- Saint-Nicolas de Liesse-Notre- trick Moraine. Et c’est à ce même Dame dans l’Aisne. Et lui, au beau poste qu’il intègre la brigade de milieu de la cuisine, perché sur son Roland Durand (MOF 1982) du petit banc pour ne rien rater de ce Relais de Sèvres* au Sofitel Sèvres que cuisinait son père, enfin chez (Paris 75015) dans laquelle on lui, après un prestigieux parcours sacs de glaces contre les murs des compte Philippe Renard (La table (George V, Grand Cerf, Trianon chambres froides pour les mainte- du Luxembourg), Martial Engue- Palace, Thermal Palace et Carl- nir frais ! hard (MOF 1992/Chef Martial), ton). Écrevisses (qu’il aide à châ- C’est auprès de ce MOF 1993 qu’il Marc Marchand, Patrice Trincali. trer), truite au bleu… les amateurs va se découvrir une passion pour C’est là qu’il acquiert la science avertis ne s’y trompent pas. Parmi les concours, faisant ses armes à du volume et se passionne pour la eux, des châtelains de Marchais, le Arpajon puis Romorantin. Les maîtrise de la formation, tant en ce village voisin, la famille Grimaldi, plus hautes marches des podiums qui concerne l’hygiène que le mana- bien sûr, propriétaire de cette forte- seront pour plus tard ! Notamment gement et la gestion des hommes. resse renaissance, demeure favorite de la princesse Charlotte, grand- mère de SAS le Prince Albert de Monaco. Entre ces deux dates, 1970 et 1999 — année où il intègre Lenôtre —, quel prestigieux parcours. D’abord apprentissage chez son père qui lui mène la vie dure, tout en l’envoyant chez ses amis Gaston et Gérard Boyer et Serge Courville, qu’il ap- précie d’autant qu’il lui laisse dres- ser les assiettes, et encore Bruno Pastorelli (MOF pâtisserie 1996), qui travaille alors dans l’auberge familiale Pastorelli. Une fois son CAP obtenu (men- tion très bien), son père le confie, en 1981, à Jean-Jacques Mathou, chef du Trianon Palace à Versailles. Roland Durand Philippe y fait ses premières armes de commis en septembre 1981, là même où, jadis, son père passait le plus clair de son temps à poser des 10 La Revue Culinaire N°916 novembre/décembre 2018
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