Le " néopatrimonialisme hybride " du cas Berlusconi : entre charisme médiatique et représentation politique et sociale
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XII Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi : entre charisme médiatique et représentation politique et sociale Mauro Barisione L a démocratie italienne des vingt dernières années a souvent été présentée comme une sorte de laboratoire politique, au sein duquel certaines tendances communes aux démocraties contemporaines se manifestaient dans leur expression la plus extrême. Dominée par la figure centrale de Silvio Berlusconi qui fut, à plusieurs reprises, soit Premier ministre soit leader de l’opposition politique, la scène politique italienne peut être analysée essentiellement à la lumière du « cas Berlusconi », au moins dans la mesure où le but de l’analyse est de faire ressortir la dimen- sion néopatrimoniale de la sphère publique politique et de l’exercice du pouvoir. Toutefois, l’expérience politique du « Berlusconisme » n’est pas, à son tour, intelligible en dehors du cadre historique et social dans lequel elle a pu apparaître et s’épanouir. Ainsi, les éléments néopatrimoniaux que l’on peut déceler dans une pratique répandue de privatisation du public et de publicisation du privé doivent être analysés comme les ingrédients d’une dynamique plus complexe, combinant des facteurs à la fois structurels et conjoncturels. Les sources de la légitimation politique de ce cas sont en effet multiples, et peuvent être recherchées tant dans la dimension charismatique émergeant d’une conjoncture extraordinaire de crise natio- nale, que dans les éléments idéologiques et de représentation politique mobilisés à partir d’une structure sociale plus profonde.
276 L’État néopatrimonial Dans l’analyse de cette forme de « néopatrimonialisme hybride » qui semble caractériser le cas Berlusconi, nous examinerons d’abord la genèse de ce phénomène dans son contexte historique et dans sa spécificité nationale ; ensuite, nous considérerons l’interaction entre un élément de type patrimonial tel que l’usage politique des ressources médiatiques, et l’élément de nature charismatique lié à la reconnaissance publique d’un leadership perçu comme « extraordinaire ». Enfin, nous en présenterons les aspects les plus typiquement néopatrimoniaux, tout en soulignant une difficulté qui nous paraît être au fond la raison essentielle de son succès : celle de scinder clairement ces éléments d’une part et, d’autre part, le dis- cours politique, les énoncés idéologiques et les justifications sociologiques qui concourent, par un usage stratégique et un effort communicationnel continus, à la légitimation publique de la domination berlusconienne. La genèse du Berlusconisme et le contexte systémique et culturel Le cas Berlusconi révèle des caractéristiques à la fois systémiques et culturelles spécifiques au contexte italien. Au plan systémique, il faut souligner le rôle joué par les partis politiques comme principales ancres institutionnelles pour la consolidation et le maintien d’une démocratie qui jouissait, dans l’ère républicaine postérieure à la Seconde Guerre mon- diale, d’une légitimité limitée auprès de la société civile1. Le système de partis avait également la particularité d’être un « bipartisme imparfait »2 du fait de la présence du plus grand Parti communiste occidental. Il en résultait une polarisation inachevée, celui‑ci étant dans l’impossibilité, pour des raisons de politique internationale, d’accéder au gouvernement et de rendre possible une démocratie de l’alternance. Pour ce qui est de la culture politique, le fonctionnement de la démocratie italienne renvoie à deux phénomènes que les historiens de la fin du xixe siècle mettaient déjà en lumière : la tendance à un certain « transformisme » – ou capacité à se métamorphoser politiquement – au sein de la classe politique, et la large diffusion de pratiques clientélistes aux différents niveaux du pouvoir3. Au‑delà de ces données de fond, et pour bien cerner le cas Berlusconi, il est également nécessaire de retracer la genèse de son itiné- raire politique, lié aux événements politiques contingents du début des années 1990. L’arrivée de Silvio Berlusconi sur la scène politique est à
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi 277 mettre en rapport avec le déficit inédit de représentation que la disparition soudaine des principaux partis de la première République avait produit dans le système politique et dans la société italienne. Les célèbres enquêtes anticorruption conduites à partir de 1992 avaient impliqué des représen- tants majeurs des partis historiquement au gouvernement, c’est‑à‑dire la Démocratie chrétienne, le Parti socialiste, le Parti républicain, le Parti libéral et le Parti social‑démocrate. Après avoir perdu en quelques mois leur capital de crédibilité et leur légitimation publique, ces derniers avaient littéralement implosé. Aucun de ceux‑ci, qui représentaient un électorat modéré, idéologiquement plutôt hétérogène mais essentiellement anti- communiste, ne devait survivre aux scandales judiciaires. Il en est résulté un déficit important d’offre politique en vue des élections législatives anti- cipées de 1994. Le principal parti postcommuniste – le Parti démocrate de la gauche –, qui était traditionnellement dans l’opposition et avait été relativement épargné par les enquêtes, paraissait alors destiné à obtenir une majorité parlementaire aisée. Sur la scène publique de ce début des années 1990, S. Berlusconi était un entrepreneur extrêmement connu, qui s’était imposé dans un premier temps dans le domaine immobilier pour ensuite diversifier ses activités dans des domaines aussi variés que la télévision, les services financiers, la publicité, la grande distribution, ou le football. Bien qu’il ne se soit pas directement impliqué en politique, des liens personnels directs l’avaient rapproché du leader ultramodernisateur du Parti socia- liste, Bettino Craxi, considéré comme son « parrain » politique au sein du gouvernement. Tout semblait l’éloigner en revanche de l’univers post- communiste : systèmes de valeurs, styles culturels, modèles de consom- mation, mais aussi intérêts économiques, horizons financiers et stratégies d’entreprise4. Deux faits relatifs aux activités de Fininvest, la principale société dont Berlusconi était propriétaire, semblent avoir contribué à sa décision de descendre lui‑même dans l’arène politique : l’implication embryonnaire du groupe Fininvest dans certains chapitres des enquêtes judiciaires en cours et le fort endettement financier de ce dernier. De telles interpréta- tions, si on les retient, tendent à accréditer la thèse de l’interchangeabilité des ressources politiques et économiques des chefs néopatrimoniaux5. Selon cette hypothèse, un changement du cadre politique favorable à la gauche démocratique postcommuniste aurait pu avoir des conséquences
278 L’État néopatrimonial néfastes pour les équilibres de la société Fininvest, dépendante de banques encore pour la plupart de propriété publique. À l’inverse, la possibilité d’accéder directement aux centres politiques décisionnels pouvait permet- tre de limiter les dommages attendus de procédures judiciaires destinées à se multiplier dans les années à venir. Après l’écroulement des principales forces politiques italiennes, la consécration de Berlusconi comme acteur politique s’est faite par le biais d’une déclaration de soutien en faveur de Gianfranco Fini, à l’occasion des élections municipales de Rome en novembre 2003. Fini était le leader du Mouvement social italien, une petite formation de droite nostalgique de l’expérience fasciste de la République de Salò (1943‑1945). Ce nouveau positionnement public allait servir de prélude au lancement, quelques semaines plus tard, d’un parti politique, Forza Italia, suivi par la conquête du leadership d’une plus large coalition politique. Outre le parti de Fini, débarrassé pour l’occasion de l’étiquette postfasciste et renommé « Alliance nationale », cette coalition englobait la formation fédéraliste aux accents xénophobes de la Ligue du Nord et le segment le plus conservateur de la vieille Démocratie chrétienne. Si l’on suit l’hypothèse qu’« un homme riche ne puisse se réaliser pleinement en tant que big man que s’il entre en politique »6, le cas Berlusconi semble donc conforme à l’idéal-type. Toutefois, les objec- tifs plus ou moins latents d’autodéfense d’intérêts personnels ou privés paraissent difficilement dissociables de la quête, publiquement énoncée, d’une alternative politique au gouvernement de gauche. L’appel rhéto- rique à l’anticommunisme en est l’exemple paradigmatique, s’exprimant dans ses formes les plus élémentaires mêlant vieilles techniques de la propagande idéologique à la mobilisation des nouveaux canaux de la communication politique médiatisée. L’anticommunisme allait également fournir le fil conducteur de toutes les campagnes électorales ultérieures, afin de (re)mobiliser un électorat en majorité hostile ou non identifié à la tradition communiste. À telle dimension idéologique s’est ajouté un facteur sociologique plus complexe : cette sorte de représentation sociale que l’offre politique de Berlusconi est parvenue à construire – bien que probablement dans une vision de représentation plus « symbolique » que « substantielle »7 – pour des couches significatives de la population, notamment pour les catégories socioprofessionnelles liées au travail autonome.
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi 279 Il est en effet nécessaire de considérer que la structure particulière de la société et de l’économie en Italie se fonde sur une proportion remarquablement élevée de petites et moyennes entreprises à majorité familiales d’une part, et de travailleurs autonomes (petits entrepreneurs, professions libérales, commerçants, artisans) sur le total de la population active d’autre part ; et que, par ailleurs, le nombre de lois qui réglemen- tent les activités productives y est considérablement plus élevé que dans les autres grands pays européens8. Pour une sorte d’interaction entre la nécessité de s’inventer quotidiennement une forme d’adaptation et d’es- quive des contraintes législatives d’une part, et l’adhésion à un type de culture civique individualiste et particulariste inspirée de ce qui fut défini comme une forme de « familialisme amoral »9 de l’autre, l’attitude com- mune à cette couche importante de la population italienne est celle d’une méfiance fondamentale non seulement envers l’État, souvent perçu comme le contrôleur à fuir aussi bien en matière d’impôts que de législation du travail, mais aussi envers l’univers du secteur public, identifié comme un fardeau économique et un obstacle à la compétition. Cette catégorie si symptomatique de la société italienne s’est révélée particulièrement sensible aussi bien au discours politique de Berlusconi, souvent évoquant le « vol » accompli de l’État qui demande aux entrepre- neurs la moitié de leurs gains et ouvertement légitimaire face à la pratique exceptionnellement répandue de l’évasion fiscale, qu’à son appel idéologi- que de type anti étatique et néolibéral, mélangé à des accents populistes et à des éléments empruntés à la tradition catholique‑populaire. Ce n’est pas un hasard si, aux élections législatives de 2006, vaincues de peu par la coalition de centre‑gauche, la coalition de centre‑droit menée par Silvio Berlusconi obtenait environ 67 % des voix parmi l’ensemble des tra- vailleurs autonomes, donnant lieu ainsi au clivage le plus significatif entre les possibles facteurs explicatifs du vote dans l’Italie contemporaine10. Un dernier élément doit être pris en compte avant d’en venir aux composants les plus typiquement néopatrimoniaux qui caractérisent les formes quotidiennes de la domination berlusconienne – de la propagation de la politique informelle à la personnalisation du pouvoir, de la publi- cisation du privé au conflit d’intérêts. Les pages qui suivent s’attachent à rendre compte de la dimension « extraordinaire » de cette légitimation du leadership politique dans sa phase critique initiale, qui a souvent induit les observateurs à évoquer la notion wébérienne de « charisme ».
280 L’État néopatrimonial Cependant, l’élément charismatique est lui aussi indissociable du canal médiatique et du moyen télévisuel, qui donnent une empreinte décisive à la relation singulière post ou pseudo‑charismatique entre un leader donné et ses électeurs. Mais il n’est pas non plus dissociable de l’élément patri- monial, présent sous la forme de « ressources contextuelles‑persuasives »11 du leader, qui, dans le cas qui nous intéresse, est propriétaire de ces mêmes moyens de communication qui participent à la construction de la domination « charismatique ». Pris dans leur ensemble, ces éléments – patrimoniaux, média‑charismatiques, idéologiques et de représentation sociale – constituent les fondements de ce que nous définissons ici comme le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi12. Entre leadership charismatique et propriété télévisuelle Parmi les conditions nécessaires à l’avènement d’un leadership de type charismatique13 figure un contexte exceptionnel de crise – à savoir, dans le cas italien des années 1992‑1994, une crise institutionnelle et un état d’« anomie » politique accompagnés d’une disparition des repères parti- sans traditionnels. C’est en effet dans les situations historiques extraor- dinaires qu’un homme doté de qualités perçues comme exceptionnelles, pourra être reconnu par la masse comme un leader charismatique, investi d’une mission salvatrice pour le pays. C’est bien comme cela qu’apparaît la stratégie narrative que pratique Berlusconi pour présenter, au début de 1994, sa candidature à un leadership national. La mission est celle d’un outsider couronné de succès – la phrase « comme entrepreneur, Berlusconi y’a pas à discuter » en est le stéréotype le plus diffus – qui, fort d’une vie exemplaire sur le plan des réalisations individuelles, se propose d’être le sauveur du pays face au péril de la gauche commu- niste, mais aussi le porteur d’une nouvelle ère de prospérité et de succès nationaux14. Le contexte de crise, un parcours personnel censé être exemplaire et la tonalité messianique du message sont des éléments qui coïncident avec l’idéal‑type de légitimation charismatique du pouvoir. Il en va de même pour l’élément de la reconnaissance populaire, dont témoigne la surpre- nante victoire électorale de mars 1994 à la tête d’une coalition politique axée sur un parti « personnel »15, Forza Italia, tout récemment fondé.
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi 281 Considérer que le leadership berlusconien relève du type charisma- tique n’est toutefois pas totalement justifié, et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, si le leadership charismatique est par définition lié au caractère exceptionnel du contexte, l’étiquette n’est plus utilisable dès lors qu’il s’agit de décrire les bases ordinaires et continues de l’exercice du pouvoir politique. Berlusconi n’aurait été un leader charismatique que partiellement et durant la phase de statu nascendi de son expérience politique. Cela n’était plus le cas avec l’inévitable processus d’institution- nalisation de son leadership, achevé notamment par sa nomination en tant que Premier ministre (avril 1994, puis mai 2001 et encore mai 2008). Il a également été observé16 que son message, visant trop explicitement à la conquête d’un consensus majoritaire et à la maximisation des résultats économiques (personnels et nationaux), contrastait avec ce désintérêt supérieur et cette énergie visionnaire et révolutionnaire propres au type pur de leadership charismatique. Enfin, l’utilisation de la télévision comme principal moyen pour la construction d’un leadership charismatique peut contenir une contradiction intrinsèque, notamment à cause des effets de « restructuration de l’espace » engendrés par les médias électroniques quant aux rapports entre leader et électeurs17. La télévision tend en effet à réduire la distance entre l’acteur (le leader) et le spectateur (le citoyen). Elle contribue donc à banaliser le leader, à le démystifier, tout en l’abaissant au niveau de son audience18. Ce faisant, la télévision nie la possibilité d’un leadership authentiquement charismatique, fondé sur une aura de grandeur et sur une perception de supériorité que seul le maintien d’une certaine distance physique et symbolique pourrait garantir19. De ce fait, Berlusconi aussi, à l’instar des autres leaders politiques des média‑démocraties contemporaines, serait tout au plus un leader pseudo‑charismatique, doté d’un charisme « postiche »20 ; ou média‑charismatique, dès lors que, dans l’usage journalistique et quotidien d’aujourd’hui, on emploie l’adjectif « charismatique » là où l’on entend plus simplement « communicatif » ou « télégénique »21 ; ou encore « postcharismatique », faisant référence à une ère communicative, télévisuelle et encore plus digitale, où le charisme dans l’acception wébérienne est devenu structurellement impraticable22. Le charisme attribuable au leadership de Berlusconi peut donc être considéré profondément hybride ou éloigné du type pur. Une telle hybridation mérite également d’être mise en relation avec la forte conta- mination de la composante média‑charismatique par les éléments de type
282 L’État néopatrimonial patrimonial, relatifs à la propriété et au contrôle des moyens de définition du leadership charismatique lorsqu’il est mis en scène publiquement. Le débat autour du rôle des télévisions de Berlusconi dans la détermination de ses succès électoraux a longtemps été central en Italie. L’observateur externe, dès lors qu’il se place du point de vue des journalis- tes23, ne peut que stigmatiser une étrange réticence des analystes italiens à identifier la télévision comme le secret mal caché du pouvoir politique de Berlusconi. En effet, le principe selon lequel « Berlusconi a gagné les élections parce qu’il possède les télévisions » a subi le sort des objets rapidement usagés pour excès d’utilisation : trop souvent proférée dans les premiers temps de l’ère berlusconienne, cette affirmation a subi un trai- tement critique tellement intense qu’elle en est devenue imprononçable, sinon au risque d’immédiates accusations de simplisme et de banalité. Bien sûr, il serait méthodologiquement et, plus encore, épistémo- logiquement irréaliste de penser pouvoir obtenir, à partir des données empiriques, une réponse définitive quant aux effets électoraux directs des canaux télévisuels Mediaset contrôlés par Berlusconi. Certes, un modèle économétrique construit à partir de données d’enquête24 a semblé attri- buer à ces canaux un effet décisif en termes de voix déplacées en direction du centre‑droit. D’autres analyses du vote conduites à un niveau agrégé, ont, en revanche, mis en lumière une notable stabilité des comportements électoraux au niveau territorial25. Plus généralement, les spécialistes en communication politique ont dénoncé le risque d’un retour à un compor- tementalisme naïf dans l’interprétation des effets des médias sur le vote26. Lors des campagnes électorales italiennes des années 1990 et 2000, ils ont effectivement constaté un net effet de mobilisation et de réactivation des identités politiques existantes (anticommunisme contre antiberlusconisme), et une moindre importance des conversions et déplacements des voix d’un camp à l’autre27. Ces campagnes conduites à travers la télévision, en somme, ne feraient basculer que très peu de voix d’une coalition à l’autre, notamment du fait d’un double mécanisme d’exposition et de perception sélectives : les électeurs qui suivent l’information politique des chaînes Mediaset seraient déjà affectivement proches de Berlusconi28, alors que ceux de centre‑gauche tendraient d’une part à suivre essentiellement les chaînes publiques de la RAI pour l’information politique, et d’autre part à interpréter en termes négatifs toute communication ayant pour objet le leader du centre‑droit29.
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi 283 L’empreinte de la contamination patrimonialiste sur le charisme médiatique de Berlusconi a pu se manifester sous des formes autres que celles de l’impact électoral immédiat et direct. En premier lieu, il faut considérer l’hypothèse d’un effet de « culture » (cultivation effect) de long terme, d’une sorte d’adéquation culturelle entre telle offre télévisuelle et telle offre politique et symbolique. Selon cette hypothèse, les chaînes Mediaset auraient affirmé et rendu socialement dominants des styles culturels et des modèles de consommation particulièrement congruents avec la proposition de leadership incarnée par Berlusconi. Cela pouvait également impliquer une mise en valeur implicite des éléments néoli- béraux et individualistes contenus dans son amalgame idéologique et politique30. En second lieu, cette entrée en politique dans un contexte de crise et de fort changement représentait en soi un vecteur de nouvelles identifications politiques pour des électeurs privés des repères tradition- nels. C’est dans ce processus de définition d’une nouvelle identité politique diffuse que ses télévisions privées se sont avérées susceptibles de déployer leurs effets les plus puissants, notamment en garantissant à l’intéressé une forte visibilité et en contribuant à la construction d’une image de leader média‑charismatique, clairement située dans un nouvel espace politique de centre‑droit31. Enfin, si rien ne peut démontrer l’impact direct sur le vote, et donc sur l’accès au pouvoir politique, des chaînes Mediaset, la couver- ture des campagnes électorales de la part de leurs organes d’informations s’est signalée, de façon tout à fait prévisible et même inévitable, tant pour le choix d’un cadrage (framing) d’informations qualitativement – plus ou moins subtilement – favorable au candidat‑propriétaire, que pour des temps de présence et de parole quantitativement déséquilibrés en faveur de Berlusconi32. L’effet global de ce déséquilibre qualitatif et quantitatif dans les flux de communication politique provenant des chaînes Mediaset fut décisif, sinon pour la conversion de nouveaux électeurs, du moins pour le maintien du capital de consensus acquis dans la phase critique initiale – celle de la définition des nouvelles identités politiques. Néopatrimonialismes et discours politique La présence d’une importante dimension néopatrimoniale dans l’expé rience du cas Berlusconi est aussi bien perceptible durant ses années
284 L’État néopatrimonial de gouvernement du pays, que dans la phase initiale du lancement du nouveau parti, sans parler des conditions préliminaires à cette expérience. Le préliminaire le plus évident concerne le thème déjà évoqué des ressources médiatiques et d’information politique à la disposition de l’un des candidats en présence. Cela a contribué ab origine à une situation paradoxale de déséquilibre compétitif, en laissant envisager la possibi- lité d’un usage personnel et partisan de ressources privées obtenues par concession étatique, en vue de missions de service public. Sur ce plan, la stratégie politique de Berlusconi paraît s’être toujours inspirée d’une logique de type patrimonial : par exemple en transférant, quand ceci était nécessaire, la propriété formelle à des membres de sa famille ou aux plus fidèles collaborateurs, tout en conservant un contrôle substantiel malgré la vente de certaines parts de propriété à des associés externes33. La phase de fondation de Forza Italia, sujet de droit privé issu de la société civile mais concourant à l’exercice du pouvoir politique, offre un exemple évident de déploiement de pratiques néopatrimoniales, du fait de « l’immédiate correspondance entre structures de parti et cadres de l’entreprise » et une totale « identification entre leadership et propriété »34. Dès l’origine Forza Italia s’est appuyée, pour toutes ses activités consti- tutives – dirigeants, responsables locaux, candidats, mais aussi logistique, communication, marketing, sondages, organisation territoriale – sur le principal groupe appartenant à Berlusconi (dans sa phase initiale dénommé Fininvest et comprenant les chaînes du futur Mediaset) et sur sa branche publicitaire (Publitalia). L’ensemble de l’organigramme du parti se présentait comme une sorte d’« appareil personnel »35, et reflétait un système de relations fondé sur un principe de fidélité et de proximité à la personne du leader. Ceci contribuait à donner vie à une sorte de dimension clanique qui dissolvait toute distinction entre parti et business36. Le modèle de Forza Italia apparaissait unique également sur le plan des financements, puisqu’il préfigurait un système dans lequel un parti dépend d’une seule entreprise et de son propriétaire. En ce sens, « la relation symbiotique de Forza Italia avec Fininvest produit des conflits d’intérêts sur une échelle qui n’a pas de précédent »37. Malgré un processus partiel d’institutionnalisation du modèle orga- nisationnel et d’enracinement du parti sur le territoire au fil des années38, la définition de « parti entreprise » s’accole toujours à celle de « parti per- sonnel » afin de désigner le modèle originel de parti de Forza Italia. Cela
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi 285 a contribué à rappeler la nature singulièrement hybride de l’offre politique de Berlusconi, tout à la fois néopatrimoniale et postcharismatique. En matière de néopatrimonialisme, néanmoins, la question centrale demeure l’enchevêtrement entre intérêts privés et intérêts publics, entre entreprise et gouvernement, entre « patrimoine » et État. Ce qui est ici en jeu est, plus précisément, la capacité, y compris à l’état potentiel, de géné- rer des bénéfices d’entreprise à travers des réglementations contraignantes fixées dans l’exercice des fonctions du gouvernement. En un mot, c’est tout le problème du « conflit d’intérêts », que pose l’hypothèse du glissement d’une forme de parti‑entreprise vers un « gouvernement‑entreprise » capable d’atteindre le cœur des institutions étatiques. La question est bien connue et fut débattue dès la première candida- ture politique de Berlusconi, qui souleva le débat sur l’opportunité d’une loi restreignant l’accès des détenteurs d’intérêts économiques importants à des charges publiques. Dès cette époque, en effet, un paradoxe potentiel apparaît clairement : celui d’un conseil des ministres discutant ou approu- vant un projet de loi en matière d’assurances, d’éditions, ou d’attribution de fréquences télévisuelles, etc., au sein duquel le Premier ministre serait porteur d’un intérêt personnel. En cela, l’existence d’une volonté straté- gique de favoriser un intérêt économique spécifique peut être considérée comme secondaire, une issue objectivement favorable pouvant être indé- pendante d’une intention explicite. Malgré cela, les gouvernements de centre‑gauche qui se sont succédé entre 1996 et 2001 – soucieux de dia- loguer avec l’opposition guidée par Berlusconi afin de réaliser une réforme constitutionnelle plus vaste – ne furent jamais capables de parvenir à une loi sur le conflit d’intérêts. Le gouvernement Berlusconi lui‑même (2001‑2006) ne voulut pas adopter une mesure plus contraignante de la « loi Frattini », laquelle ne reconnaissait pas le caractère problématique de la propriété pour les prétendants à une fonction publique. Les problèmes engendrés par l’interpénétration entre ressources politiques et économiques se sont néanmoins présentés sous des formes variées et à plusieurs reprises. La loi pour la dépénalisation du faux en bilan et la « réforme Gasparri » sur les télécommunications en sont deux exemples particulièrement explicites. Dans le premier cas, l’effet immédiat fut l’annulation directe de chapitres entiers de certains procès qui concer- naient les sociétés de Berlusconi39. Dans le cas de la réforme du marché des télécommunications, en revanche, les bénéfices furent plus diversifiés.
286 L’État néopatrimonial On citera ici la dérogation à la décision de la Cour constitutionnelle qui imposait à l’une des chaînes Mediaset d’émettre seulement via satellite, l’élévation de facto du plafond limitant la concentration des propriétés dans le domaine des médias, ou encore la confirmation d’une situation de quasi‑monopole sur le marché publicitaire parmi les chaînes privées. De cette façon, le groupe appartenant au Premier ministre de l’époque a pu consolider par voie législative sa position dominante sur le plan national dans le secteur télévisuel et publicitaire40. Par‑delà la faible différenciation entre les sphères du politique et de l’économique, le problème de la poursuite des intérêts privés au sein de l’État s’est également manifesté dans la fusion entre domaines politique et judiciaire qui a véritablement marqué l’histoire du cas Berlusconi. Les mesures, prétendument de nature « libérale », destinées à réduire la marge d’action de la magistrature sont apparues comme des priorités pour les gouvernements successifs qu’il a présidés : une loi adoptée durant l’été 1994 (en pleine saison de l’enquête « Mains Propres ») a permis de limiter l’incarcération préventive des personnes faisant l’objet d’une enquête ; la « Loi Cirami » de 2002 a consenti aux avocats le droit de réclamer le déplacement du siège de l’instruction d’un procès en cas de « légitime suspicion » de non-impartialité des juges ; en 2003, le « Lodo Schifani », avant d’être abrogé en partie par la Cour Constitutionnelle en 2004, puis présenté de nouveau en 2008 sous la dénomination de « Lodo Alfano », a voulu garantir l’immunité du Premier ministre et des détenteurs des plus hautes charges de l’État. Dans tous les cas, les répercussions de ces dispositions législatives devaient être bénéfiques pour Berlusconi ou les représentants de ses entreprises et collaborateurs personnels qui étaient personnellement mis en cause dans divers procès. L’ensemble de ces actes n’a pu que renforcer l’image d’un leader politique enclin à « utiliser à son profit, subvertir ou encore contourner » les règles et les contraintes de la vie publique et institutionnelle41. Dans l’enchevêtrement complexe de type néopatrimonial entre organisation partisane, action du gouvernement et intérêts économiques et judiciaires, s’insère toutefois l’énonciation d’un discours politique structuré, qui avance des objectifs à la fois idéologiques (l’invocation d’un État libéral face à une présumée « République des juges ») et prag- matiques (l’appel à la nécessité d’une force plus importante des groupes nationaux dans la compétition mondiale). Il en résulte la difficulté de
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi 287 faire exactement la part entre idéaux, rationalisations a posteriori et simple propagande dans le décodage public du discours berlusconien. C’est ainsi que la réduction de l’impôt sur les revenus les plus élevés, ou l’abolition des taxes de succession sur les grands patrimoines, répondent à un objec- tif, inséré dans une matrice néolibérale, de poursuite d’une politique de réduction du poids de l’État. Pour autant, ces mesures ont pour résultat objectif de faire économiser chaque année d’importantes sommes au citoyen privé et à l’entrepreneur. Dès lors, les bénéfices engagés du fait de cette fusion profonde entre discours public et position privée pourraient même être considérés comme le but premier de cette entrée en politique. Celui‑ci, alors même qu’il annonçait sa candidature, acquérait en effet les droits d’usage de l’argumentation qui accompagnera toute sa défense publique : au cours des nombreux procès judiciaires où il sera impliqué dans les quinze années successives, il ne cessera de dénoncer la nature fondamentalement politique, porteuse d’intérêts partisans, des attaques de la magistrature. En plus de la question de conflit d’intérêts potentiel, une autre trace de type néopatrimonial marque l’expérience de ce gouvernement. Elle peut être décelée dans le processus de diffusion de la politique informelle vers la sphère des institutions formelles, parallèlement à un phénomène de personnalisation du pouvoir politique. Parmi les exemples les plus représentatifs de ces processus, il est possible d’indiquer : la nomination de certains de ses avocats personnels comme ministres ou présidents de commissions parlementaires ; l’utilisation de sa résidence privée de Rome pour des rencontres intragouvernementales, ou de sa villa en Sardaigne pour la réception informelle de chefs d’État étrangers avec lesquels il affirmait entretenir des relations d’amitié personnelles (Vladimir Poutine et Tony Blair). À ceci s’ajoutera l’invitation à des dîners hebdomadaires, systématiques à partir de 2001, de Umberto Bossi, leader de la Ligue du Nord, le parti responsable de la chute du premier gouvernement Berlusconi en 1995 ; et plus généralement, l’accent mis sur le jeu des relations personnelles et sur les réseaux de fidèles, fondés sur l’octroi d’im- posantes « ressources personnelles‑rétributives »42. Par ailleurs, dès qu’il eut obtenu, en tant que chef de gouvernement, un pouvoir de supervision formelle des nominations des dirigeants de la télévision publique (RAI), Berlusconi a paru se consacrer à une extension du réseau de ses fidèles au sein des institutions formelles, en nommant certains de ses collaborateurs
288 L’État néopatrimonial de confiance dans des positions clés de la télévision publique. Ces der- nières se sont révélées, à la lumière de certaines écoutes téléphoniques rendues publiques par la presse en 2007, et avec encore plus de retentis- sement en 2011 être autant de tremplins en vue de l’homogénéisation de l’information politique sur les chaînes RAI et Mediaset, et un contrôle des canaux étatiques d’information. Enfin, et pour renverser les termes de la problématique sur les for- mes de privatisation du politique, le cas Berlusconi semble combiner une tendance générale à la publicisation du privé, ou à l’exposition médiatisée de la dimension personnelle. Ce phénomène est à mettre en relation avec un processus plus global de personnalisation et de médiatisation de la politique moderne, mais aussi avec l’extension corrélative du champ d’intérêt des médias à la sphère privée de la personnalité publique. La communication de Berlusconi s’est nourrie en permanence de ces éléments personnalistes et privés, qu’il s’agisse d’anecdotes sur sa vie familiale, de l’exposition publique des désaccords de son couple, de la distribution de dizaines de millions d’exemplaires d’une biographie autoglorifiante, ou encore d’affiches représentant son portrait au détriment des candidats locaux de son parti. À ceci sont venues s’ajouter les affaires à connota- tion sexuelle révélées par les médias depuis 2009. Dans ce cas, toutefois, l’éclatement de ces scandales, ainsi que leurs conséquences judiciaires, ne reflètent en rien une stratégie berlusconienne de « publicisation du privé », mais confirment plutôt l’élargissement de l’emprise des médias jusqu’aux affaires les plus intimes de la vie des hommes publics. Encore une fois, le caractère singulièrement hybride du cas Berlusconi réside ainsi dans cette tendance à condenser les divers éléments – néo- patrimoniaux, charismatiques et communicationnels, idéologiques et de représentation politique et sociale – en un unicum, qui est au fond l’essence de ce qui a été désigné et diversement défini comme « berlusconisme ». Ce phénomène, qui pourrait bien n’être qu’une variante de processus plus amples émergents dans les démocraties contemporaines, peut se décrire exactement comme la revendication sous forme idéologique, sociologi- quement fondée et propagée par voie médiatique et personnalisée, de la privatisation du public et de la publicisation du privé.
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi 289 notes 1. L. Morlino, « Consolidation démocratique : la théorie de l’ancrage », Revue internationale de politique comparée, 8(2) (La consolidation de la démocratie : nouveaux questionnements), 2001, p. 245‑267. 2. G. Galli, Il bipartitismo imperfetto: comunisti e democristiani in Italia, Bologna, Il Mulino, coll. « La specola contemporanea », 1966. 3. C. Tullio‑Altan, La nostra Italia: clientelismo, trasformismo e ribellismo dall’unità al 2000, Milano, Egea/Università Bocconi, 2000. 4. Par exemple, le PCI (Parti communiste italien) s’était battu au Parlement en 1989 pour que soient imposées des limites à la programmation des spots publicitaires, jugés culturellement délétères, des trois chaînes télévisées appartenant à Berlusconi (Canale 5, Rete 4, Italia 1). La même année, ce dernier avait engagé une bataille financière, doublée de multiples rebon- dissements judiciaires (procès Lodo‑Mondadori pour corruption en actes judiciaires) afin de s’adjuger le contrôle d’une série d’hebdomadaires et de quotidiens, parmi lesquels figuraient L’Espresso et La Repubblica, tous deux réputés politiquement de gauche. 5. J.‑F. Médard, « L’État néo‑patrimonial en Afrique noire », dans J.‑F. Médard (dir.), États d’Afrique noire : formation, mécanismes et crise, Paris, Éd. Karthala, coll. « Hommes et sociétés », 1991, p. 323‑353. 6. Ibid., p. 343. 7. H.F. Pitkin, The Concept of Representation, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1967. 8. P. Ginsborg, Italy and Its Discontents: Family, Civil Society, State, 1980‑2001, New York, Palgrave Macmillan, 2003. 9. E.C. Banfield and L.F. Banfield, The Moral Basis of a Backward Society, New York, The Free Press, 1958. 10. Un phénomène analogue fut également relevé aux élections de 2001, vaincues par la coalition de centre‑droit (I. Diamanti et R. Mannheimer, « Le basi sociali del voto. La frattura che attraversa i ceti medi », dans M. Caciagli et P. Corbetta (dir.), Le ragioni dell’elettore. Perché ha vinto il centrodestra nelle elezioni italiane del 2001, Bologna, Il Mulino, 2002). Italian National Election Studies (ITANES), Dov’è la vittoria? Il voto del 2006 raccontato dagli italiani, Bologna, Il Mulino, coll. « Contemporanea, 174 », 2006. 11. J.‑P. Lacam, « Le politicien investisseur. Un modèle d’interprétation de la gestion des ressources politiques », Revue française de science politique, 38(1), 1988, p. 23‑47.
290 L’État néopatrimonial 12. Le néopatrimonialisme comme catégorie d’analyse se présente toujours, du moins dans les démocraties contemporaines, sous une forme « hybride » greffée sur une base de domination légale‑rationnelle. Le phénomène d’hybridation auquel nous faisons ici référence se situe à un niveau plus spécifique, marqué par l’enchevêtrement profond des dimensions patrimo- niale, charismatique, politico‑idéologiques et de représentation sociale du cas Berlusconi. 13. M. Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, Tübingen, Mohr, 1922. 14. L. Cavalli, “The Personalization of Leadership in Italy”, Working Paper no 2, Firenze, Centro Interuniversitario di Sociologia Politica, 1994. 15. M. Calise, Il partito personale, Roma/Bari, Laterza, 2000. 16. E. Poli, “Silvio Berlusconi and the myth of the creative entrepreneur”, Modern Italy, 3(2), November 1998, p. 271‑279. 17. J.B. Thompson, The Media and Modernity: A Social Theory of the Media, Stanford (CA), Stanford University Press, 1995. 18. J. Meyrowitz, No Sense of Place: The Impact of Electronic Media on Social Behavior, New York (NY ), Oxford University Press, 1985. 19. D. Katz and R.L. Kahn, The Social Psychology of Organizations, 2nd ed., New York, Wiley, 1978. 20. J. Bensman and M. Givant, “Charisma and modernity: Use and abuse of a concept”, Social Research, 42(4), 1975, p. 570‑614. 21. D. Aberbach, Charisma in Politics, Religion and the Media: Private Trauma, Public Ideals, New York (NY ), New York University Press, 1996. 22. M. Barisione, L’immagine del leader: quanto conta per gli elettori, Bologna, Il Mulino, coll. « Contemporanea. Centosettanta, 170 », 2006. 23. T. Jones, The Dark Heart of Italy, London (UK), Faber and Faber, 2003. 24. L. Ricolfi, « Elezioni e mass media. Quanti voti ha spostato la tv », Il Mulino, 6, novembre‑décembre 1994, p. 1031‑1046. 25. R. D’Alimonte et S. Bartolini (dir.), Maggioritario ma non troppo: le elezioni politiche del 1994, Bologna, Il Mulino, 1995. 26. G. Mazzoleni, La comunicazione politica, Bologna, Il Mulino, coll. « Le Vie della civiltà », 2005. 27. H. Schadee et P. Segatti, « Informazione politica, spazio elettorale ed elettori in movimento », dans M. Caciagli et P. Corbetta (dir.), Le ragioni dell’elettore : perché ha vinto il centro‑destra nelle elezioni italiane del 2001, Bologna, Il Mulino, coll. « Studi e ricerche », 2002, p. 339‑369 ; ITANES, 2006, op. cit. 28. Les enquêtes relèvent de fortes corrélations entre les informations télévisées suivies habituellement (RAI vs Mediaset) et le choix de vote (centre‑gauche
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi 291 vs centre‑droit). De telles relations sont toutefois interprétées comme étant moins le signe de modèles d’« influence » (des infos à la préférence politique) que l’expression de modèles d’« incorporation » (de la préférence politique aux infos) (G. Legnante, « Tra influenza ed incapsulamento : cittadini, comunicazione e campagna elettorale », dans M. Caciagli et P. Corbetta (dir.), Le ragioni dell’elettore : perché ha vinto il centro‑destra nelle elezioni italiane del 2001, Bologna, Il Mulino, coll. « Studi e ricerche », 2002, p. 233‑273). 29. Un trait personnel comme celui de son honnêteté offre un cas évident de perception influencée par les orientations idéologiques et affectives du récepteur : 77 % des sondés qui se situent au centre‑droit jugent qu’il est « fondamentalement honnête », contre seulement 16 % de ceux de cen- tre‑gauche (M. Barisione, 2006, op. cit.). 30. La corrélation significative entre les heures d’exposition quotidienne à la télévision et le vote pour Forza Italia semble favorable à cette hypo- thèse (ITANES, Perché ha vinto il centro‑destra, Bologna, Il Mulino, coll. « Contemporanea”, 2001). 31. C’est justement dans les conjonctures politiques de crise, conflit ou fort changement, qu’apparaissent une plus grande ouverture à l’influence des médias, mais aussi une dépendance du public plus élevée envers ces derniers (M.L. DeFleur and S.J. Ball‑Rokeach, Theories of Mass Communication, New York/London (UK), Longman, 1989). 32. Durant les deux mois de la campagne électorale officielle pour les élections législatives de 2006, la loi obligeait les moyens d’information à donner des temps télévisés égaux aux deux principaux leaders de la coalition. Malgré les sanctions économiques auxquelles elles pouvaient être soumises, les chaînes Mediaset ont globalement attribué 74 % du temps de parole à Berlusconi, les 26 % restant revenant à Prodi (données de l’Observatoire de Pavie). 33. Son frère possède officiellement le quotidien Il Giornale. Mediaset a pour président, l’ami de toujours Fedele Confalonieri. Son vice‑président est le fils de Berlusconi, Pier Silvio. Fininvest est présidée par sa fille Marina, qui dirige également les importantes Editions Mondadori. 34. M. Prospero, Lo stato in appalto: Berlusconi e la privatizzazione del politico, Lecce, P. Manni Editore, coll. « Studi », 2003, p. 54. 35. M. Maraffi, « Forza Italia », dans G. Pasquino (dir.), La politica italiana. Dizionario critico, 1945‑95, Roma, Laterza, coll. « Storia e società », 1995, p. 247‑259. 36. F. Raniolo, “Forza Italia: A Leader with a Party”, South European Society and Politics, 11(3‑4), 2006, p. 439‑455.
292 L’État néopatrimonial 37. J. Hopkin, “Towards a chequebook democracy? Business, parties and the funding of Politics in Italy and the United States”, Journal of Modern Italian Studies, 10(1), March 2005, p. 55. 38. E. Poli, Forza Italia: strutture, leadership e radicamento territoriale, Bologna, Il Mulino, coll. « Studi e ricerche, 478 », 2001. 39. Procès Fininvest All‑Iberian, Sme‑Ariosto, Droits télévisés Mediaset. 40. M. Hibberd, “Conflicts of interest and media pluralism in Italian broad- casting”, West European Politics, 30(4), September 2007, p. 881‑902. 41. M. Lazar, L’Italie à la dérive : le moment Berlusconi, Paris, Perrin, 2006, p. 19. 42. J.‑P. Lacam, 1988, op. cit.
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