Le " néopatrimonialisme hybride " du cas Berlusconi : entre charisme médiatique et représentation politique et sociale

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XII

            Le « néopatrimonialisme hybride »
                   du cas Berlusconi :
              entre charisme médiatique et
            représentation politique et sociale
                             Mauro Barisione

L    a démocratie italienne des vingt dernières années a souvent été
     présentée comme une sorte de laboratoire politique, au sein duquel
certaines tendances communes aux démocraties contemporaines se
manifestaient dans leur expression la plus extrême. Dominée par la figure
centrale de Silvio Berlusconi qui fut, à plusieurs reprises, soit Premier
ministre soit leader de l’opposition politique, la scène politique italienne
peut être analysée essentiellement à la lumière du « cas Berlusconi », au
moins dans la mesure où le but de l’analyse est de faire ressortir la dimen-
sion néopatrimoniale de la sphère publique politique et de l’exercice du
pouvoir.
      Toutefois, l’expérience politique du « Berlusconisme » n’est pas, à son
tour, intelligible en dehors du cadre historique et social dans lequel elle a
pu apparaître et s’épanouir. Ainsi, les éléments néopatrimoniaux que l’on
peut déceler dans une pratique répandue de privatisation du public et de
publicisation du privé doivent être analysés comme les ingrédients d’une
dynamique plus complexe, combinant des facteurs à la fois structurels
et conjoncturels. Les sources de la légitimation politique de ce cas sont
en effet multiples, et peuvent être recherchées tant dans la dimension
charismatique émergeant d’une conjoncture extraordinaire de crise natio-
nale, que dans les éléments idéologiques et de représentation politique
mobilisés à partir d’une structure sociale plus profonde.
276                             L’État néopatrimonial

            Dans l’analyse de cette forme de « néopatrimonialisme hybride » qui
      semble caractériser le cas Berlusconi, nous examinerons d’abord la genèse
      de ce phénomène dans son contexte historique et dans sa spécificité
      nationale ; ensuite, nous considérerons l’interaction entre un élément de
      type patrimonial tel que l’usage politique des ressources médiatiques, et
      l’élément de nature charismatique lié à la reconnaissance publique d’un
      leadership perçu comme « extraordinaire ». Enfin, nous en présenterons
      les aspects les plus typiquement néopatrimoniaux, tout en soulignant une
      difficulté qui nous paraît être au fond la raison essentielle de son succès :
      celle de scinder clairement ces éléments d’une part et, d’autre part, le dis-
      cours politique, les énoncés idéologiques et les justifications sociologiques
      qui concourent, par un usage stratégique et un effort communicationnel
      continus, à la légitimation publique de la domination berlusconienne.

                 La genèse du Berlusconisme et le
                 contexte systémique et culturel

      Le cas Berlusconi révèle des caractéristiques à la fois systémiques et
      culturelles spécifiques au contexte italien. Au plan systémique, il faut
      souligner le rôle joué par les partis politiques comme principales ancres
      institutionnelles pour la consolidation et le maintien d’une démocratie
      qui jouissait, dans l’ère républicaine postérieure à la Seconde Guerre mon-
      diale, d’une légitimité limitée auprès de la société civile1. Le système de
      partis avait également la particularité d’être un « bipartisme imparfait »2
      du fait de la présence du plus grand Parti communiste occidental. Il en
      résultait une polarisation inachevée, celui‑ci étant dans l’impossibilité,
      pour des raisons de politique internationale, d’accéder au gouvernement
      et de rendre possible une démocratie de l’alternance. Pour ce qui est de la
      culture politique, le fonctionnement de la démocratie italienne renvoie à
      deux phénomènes que les historiens de la fin du xixe siècle mettaient déjà
      en lumière : la tendance à un certain « transformisme » – ou capacité à se
      métamorphoser politiquement – au sein de la classe politique, et la large
      diffusion de pratiques clientélistes aux différents niveaux du pouvoir3.
            Au‑delà de ces données de fond, et pour bien cerner le cas
      Berlusconi, il est également nécessaire de retracer la genèse de son itiné-
      raire politique, lié aux événements politiques contingents du début des
      années 1990. L’arrivée de Silvio Berlusconi sur la scène politique est à
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi             277

mettre en rapport avec le déficit inédit de représentation que la disparition
soudaine des principaux partis de la première République avait produit
dans le système politique et dans la société italienne. Les célèbres enquêtes
anticorruption conduites à partir de 1992 avaient impliqué des représen-
tants majeurs des partis historiquement au gouvernement, c’est‑à‑dire la
Démocratie chrétienne, le Parti socialiste, le Parti républicain, le Parti
libéral et le Parti social‑démocrate. Après avoir perdu en quelques mois
leur capital de crédibilité et leur légitimation publique, ces derniers avaient
littéralement implosé. Aucun de ceux‑ci, qui représentaient un électorat
modéré, idéologiquement plutôt hétérogène mais essentiellement anti-
communiste, ne devait survivre aux scandales judiciaires. Il en est résulté
un déficit important d’offre politique en vue des élections législatives anti-
cipées de 1994. Le principal parti postcommuniste – le Parti démocrate
de la gauche –, qui était traditionnellement dans l’opposition et avait été
relativement épargné par les enquêtes, paraissait alors destiné à obtenir
une majorité parlementaire aisée.
       Sur la scène publique de ce début des années 1990, S. Berlusconi
était un entrepreneur extrêmement connu, qui s’était imposé dans un
premier temps dans le domaine immobilier pour ensuite diversifier ses
activités dans des domaines aussi variés que la télévision, les services
financiers, la publicité, la grande distribution, ou le football. Bien qu’il
ne se soit pas directement impliqué en politique, des liens personnels
directs l’avaient rapproché du leader ultramodernisateur du Parti socia-
liste, Bettino Craxi, considéré comme son « parrain » politique au sein
du gouvernement. Tout semblait l’éloigner en revanche de l’univers post-
communiste : systèmes de valeurs, styles culturels, modèles de consom-
mation, mais aussi intérêts économiques, horizons financiers et stratégies
d’entreprise4.
       Deux faits relatifs aux activités de Fininvest, la principale société
dont Berlusconi était propriétaire, semblent avoir contribué à sa décision
de descendre lui‑même dans l’arène politique : l’implication embryonnaire
du groupe Fininvest dans certains chapitres des enquêtes judiciaires en
cours et le fort endettement financier de ce dernier. De telles interpréta-
tions, si on les retient, tendent à accréditer la thèse de l’interchangeabilité
des ressources politiques et économiques des chefs néopatrimoniaux5.
Selon cette hypothèse, un changement du cadre politique favorable à la
gauche démocratique postcommuniste aurait pu avoir des conséquences
278                             L’État néopatrimonial

      néfastes pour les équilibres de la société Fininvest, dépendante de banques
      encore pour la plupart de propriété publique. À l’inverse, la possibilité
      d’accéder directement aux centres politiques décisionnels pouvait permet-
      tre de limiter les dommages attendus de procédures judiciaires destinées
      à se multiplier dans les années à venir.
            Après l’écroulement des principales forces politiques italiennes, la
      consécration de Berlusconi comme acteur politique s’est faite par le biais
      d’une déclaration de soutien en faveur de Gianfranco Fini, à l’occasion des
      élections municipales de Rome en novembre 2003. Fini était le leader du
      Mouvement social italien, une petite formation de droite nostalgique de
      l’expérience fasciste de la République de Salò (1943‑1945). Ce nouveau
      positionnement public allait servir de prélude au lancement, quelques
      semaines plus tard, d’un parti politique, Forza Italia, suivi par la conquête
      du leadership d’une plus large coalition politique. Outre le parti de Fini,
      débarrassé pour l’occasion de l’étiquette postfasciste et renommé « Alliance
      nationale », cette coalition englobait la formation fédéraliste aux accents
      xénophobes de la Ligue du Nord et le segment le plus conservateur de la
      vieille Démocratie chrétienne.
            Si l’on suit l’hypothèse qu’« un homme riche ne puisse se réaliser
      pleinement en tant que big man que s’il entre en politique »6, le cas
      Berlusconi semble donc conforme à l’idéal-type. Toutefois, les objec-
      tifs plus ou moins latents d’autodéfense d’intérêts personnels ou privés
      paraissent difficilement dissociables de la quête, publiquement énoncée,
      d’une alternative politique au gouvernement de gauche. L’appel rhéto-
      rique à l’anticommunisme en est l’exemple paradigmatique, s’exprimant
      dans ses formes les plus élémentaires mêlant vieilles techniques de la
      propagande idéologique à la mobilisation des nouveaux canaux de la
      communication politique médiatisée. L’anticommunisme allait également
      fournir le fil conducteur de toutes les campagnes électorales ultérieures,
      afin de (re)mobiliser un électorat en majorité hostile ou non identifié à
      la tradition communiste. À telle dimension idéologique s’est ajouté un
      facteur sociologique plus complexe : cette sorte de représentation sociale
      que l’offre politique de Berlusconi est parvenue à construire – bien que
      probablement dans une vision de représentation plus « symbolique »
      que « substantielle »7 – pour des couches significatives de la population,
      notamment pour les catégories socioprofessionnelles liées au travail
      autonome.
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi             279

      Il est en effet nécessaire de considérer que la structure particulière
de la société et de l’économie en Italie se fonde sur une proportion
remarquablement élevée de petites et moyennes entreprises à majorité
familiales d’une part, et de travailleurs autonomes (petits entrepreneurs,
professions libérales, commerçants, artisans) sur le total de la population
active d’autre part ; et que, par ailleurs, le nombre de lois qui réglemen-
tent les activités productives y est considérablement plus élevé que dans
les autres grands pays européens8. Pour une sorte d’interaction entre la
nécessité de s’inventer quotidiennement une forme d’adaptation et d’es-
quive des contraintes législatives d’une part, et l’adhésion à un type de
culture civique individualiste et particulariste inspirée de ce qui fut défini
comme une forme de « familialisme amoral »9 de l’autre, l’attitude com-
mune à cette couche importante de la population italienne est celle d’une
méfiance fondamentale non seulement envers l’État, souvent perçu comme
le contrôleur à fuir aussi bien en matière d’impôts que de législation du
travail, mais aussi envers l’univers du secteur public, identifié comme un
fardeau économique et un obstacle à la compétition.
      Cette catégorie si symptomatique de la société italienne s’est révélée
particulièrement sensible aussi bien au discours politique de Berlusconi,
souvent évoquant le « vol » accompli de l’État qui demande aux entrepre-
neurs la moitié de leurs gains et ouvertement légitimaire face à la pratique
exceptionnellement répandue de l’évasion fiscale, qu’à son appel idéologi-
que de type anti étatique et néolibéral, mélangé à des accents populistes
et à des éléments empruntés à la tradition catholique‑populaire. Ce n’est
pas un hasard si, aux élections législatives de 2006, vaincues de peu par la
coalition de centre‑gauche, la coalition de centre‑droit menée par Silvio
Berlusconi obtenait environ 67 % des voix parmi l’ensemble des tra-
vailleurs autonomes, donnant lieu ainsi au clivage le plus significatif entre
les possibles facteurs explicatifs du vote dans l’Italie contemporaine10.
      Un dernier élément doit être pris en compte avant d’en venir aux
composants les plus typiquement néopatrimoniaux qui caractérisent les
formes quotidiennes de la domination berlusconienne – de la propagation
de la politique informelle à la personnalisation du pouvoir, de la publi-
cisation du privé au conflit d’intérêts. Les pages qui suivent s’attachent
à rendre compte de la dimension « extraordinaire » de cette légitimation
du leadership politique dans sa phase critique initiale, qui a souvent
induit les observateurs à évoquer la notion wébérienne de « charisme ».
280                             L’État néopatrimonial

      Cependant, l’élément charismatique est lui aussi indissociable du canal
      médiatique et du moyen télévisuel, qui donnent une empreinte décisive à
      la relation singulière post ou pseudo‑charismatique entre un leader donné
      et ses électeurs. Mais il n’est pas non plus dissociable de l’élément patri-
      monial, présent sous la forme de « ressources contextuelles‑­persuasives »11
      du leader, qui, dans le cas qui nous intéresse, est propriétaire de ces
      mêmes moyens de communication qui participent à la construction de
      la domination « charismatique ». Pris dans leur ensemble, ces éléments –
      patrimoniaux, média‑charismatiques, idéologiques et de représentation
      sociale – constituent les fondements de ce que nous définissons ici comme
      le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi12.

                  Entre leadership charismatique
                     et propriété télévisuelle

      Parmi les conditions nécessaires à l’avènement d’un leadership de type
      charismatique13 figure un contexte exceptionnel de crise – à savoir, dans
      le cas italien des années 1992‑1994, une crise institutionnelle et un état
      d’« anomie » politique accompagnés d’une disparition des repères parti-
      sans traditionnels. C’est en effet dans les situations historiques extraor-
      dinaires qu’un homme doté de qualités perçues comme exceptionnelles,
      pourra être reconnu par la masse comme un leader charismatique, investi
      d’une mission salvatrice pour le pays. C’est bien comme cela qu’apparaît
      la stratégie narrative que pratique Berlusconi pour présenter, au début
      de 1994, sa candidature à un leadership national. La mission est celle
      d’un outsider couronné de succès – la phrase « comme entrepreneur,
      Berlusconi y’a pas à discuter » en est le stéréotype le plus diffus – qui,
      fort d’une vie exemplaire sur le plan des réalisations individuelles, se
      propose d’être le sauveur du pays face au péril de la gauche commu-
      niste, mais aussi le porteur d’une nouvelle ère de prospérité et de succès
      nationaux14.
            Le contexte de crise, un parcours personnel censé être exemplaire et
      la tonalité messianique du message sont des éléments qui coïncident avec
      l’idéal‑type de légitimation charismatique du pouvoir. Il en va de même
      pour l’élément de la reconnaissance populaire, dont témoigne la surpre-
      nante victoire électorale de mars 1994 à la tête d’une coalition politique
      axée sur un parti « personnel »15, Forza Italia, tout récemment fondé.
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi              281

      Considérer que le leadership berlusconien relève du type charisma-
tique n’est toutefois pas totalement justifié, et cela pour plusieurs raisons.
Premièrement, si le leadership charismatique est par définition lié au
caractère exceptionnel du contexte, l’étiquette n’est plus utilisable dès
lors qu’il s’agit de décrire les bases ordinaires et continues de l’exercice
du pouvoir politique. Berlusconi n’aurait été un leader charismatique
que partiellement et durant la phase de statu nascendi de son expérience
politique. Cela n’était plus le cas avec l’inévitable processus d’institution-
nalisation de son leadership, achevé notamment par sa nomination en
tant que Premier ministre (avril 1994, puis mai 2001 et encore mai 2008).
Il a également été observé16 que son message, visant trop explicitement à
la conquête d’un consensus majoritaire et à la maximisation des résultats
économiques (personnels et ­nationaux), contrastait avec ce désintérêt
supérieur et cette énergie visionnaire et révolutionnaire propres au type
pur de leadership charismatique. Enfin, l’utilisation de la télévision comme
principal moyen pour la construction d’un leadership charismatique peut
contenir une contradiction intrinsèque, notamment à cause des effets
de « restructuration de l’espace » engendrés par les médias électroniques
quant aux rapports entre leader et électeurs17. La télévision tend en effet
à réduire la distance entre l’acteur (le leader) et le spectateur (le citoyen).
Elle contribue donc à banaliser le leader, à le démystifier, tout en l’abaissant
au niveau de son audience18. Ce faisant, la télévision nie la possibilité d’un
leadership authentiquement charismatique, fondé sur une aura de grandeur
et sur une perception de supériorité que seul le maintien d’une certaine
distance physique et symbolique pourrait garantir19. De ce fait, Berlusconi
aussi, à l’instar des autres leaders politiques des média‑­démocraties
contemporaines, serait tout au plus un leader pseudo‑charismatique, doté
d’un charisme « postiche »20 ; ou média‑charismatique, dès lors que, dans
l’usage journalistique et quotidien d’aujourd’hui, on emploie l’adjectif
« charismatique » là où l’on entend plus simplement « communicatif »
ou « télégénique »21 ; ou encore « postcharismatique », faisant référence à
une ère communicative, télévisuelle et encore plus digitale, où le charisme
dans l’acception wébérienne est devenu structurellement impraticable22.
      Le charisme attribuable au leadership de Berlusconi peut donc
être considéré profondément hybride ou éloigné du type pur. Une telle
hybridation mérite également d’être mise en relation avec la forte conta-
mination de la composante média‑charismatique par les éléments de type
282                             L’État néopatrimonial

      patrimonial, relatifs à la propriété et au contrôle des moyens de définition
      du leadership charismatique lorsqu’il est mis en scène publiquement.
             Le débat autour du rôle des télévisions de Berlusconi dans la
      détermination de ses succès électoraux a longtemps été central en Italie.
      L’observateur externe, dès lors qu’il se place du point de vue des journalis-
      tes23, ne peut que stigmatiser une étrange réticence des analystes italiens
      à identifier la télévision comme le secret mal caché du pouvoir politique
      de Berlusconi. En effet, le principe selon lequel « Berlusconi a gagné
      les élections parce qu’il possède les télévisions » a subi le sort des objets
      rapidement usagés pour excès d’utilisation : trop souvent proférée dans les
      premiers temps de l’ère berlusconienne, cette affirmation a subi un trai-
      tement critique tellement intense qu’elle en est devenue imprononçable,
      sinon au risque d’immédiates accusations de simplisme et de banalité.
             Bien sûr, il serait méthodologiquement et, plus encore, épistémo-
      logiquement irréaliste de penser pouvoir obtenir, à partir des données
      empiriques, une réponse définitive quant aux effets électoraux directs des
      canaux télévisuels Mediaset contrôlés par Berlusconi. Certes, un modèle
      économétrique construit à partir de données d’enquête24 a semblé attri-
      buer à ces canaux un effet décisif en termes de voix déplacées en direction
      du centre‑droit. D’autres analyses du vote conduites à un niveau agrégé,
      ont, en revanche, mis en lumière une notable stabilité des comportements
      électoraux au niveau territorial25. Plus généralement, les spécialistes en
      communication politique ont dénoncé le risque d’un retour à un compor-
      tementalisme naïf dans l’interprétation des effets des médias sur le vote26.
      Lors des campagnes électorales italiennes des années 1990 et 2000, ils ont
      effectivement constaté un net effet de mobilisation et de réactivation des
      identités politiques existantes (anticommunisme contre antiberlusconisme),
      et une moindre importance des conversions et déplacements des voix
      d’un camp à l’autre27. Ces campagnes conduites à travers la télévision, en
      somme, ne feraient basculer que très peu de voix d’une coalition à l’autre,
      notamment du fait d’un double mécanisme d’exposition et de perception
      sélectives : les électeurs qui suivent l’information politique des chaînes
      Mediaset seraient déjà affectivement proches de Berlusconi28, alors que
      ceux de centre‑gauche tendraient d’une part à suivre essentiellement les
      chaînes publiques de la RAI pour l’information politique, et d’autre part
      à interpréter en termes négatifs toute communication ayant pour objet
      le leader du centre‑droit29.
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi            283

       L’empreinte de la contamination patrimonialiste sur le charisme
médiatique de Berlusconi a pu se manifester sous des formes autres que
celles de l’impact électoral immédiat et direct. En premier lieu, il faut
considérer l’hypothèse d’un effet de « culture » (cultivation effect) de long
terme, d’une sorte d’adéquation culturelle entre telle offre télévisuelle
et telle offre politique et symbolique. Selon cette hypothèse, les chaînes
Mediaset auraient affirmé et rendu socialement dominants des styles
culturels et des modèles de consommation particulièrement congruents
avec la proposition de leadership incarnée par Berlusconi. Cela pouvait
également impliquer une mise en valeur implicite des éléments néoli-
béraux et individualistes contenus dans son amalgame idéologique et
politique30. En second lieu, cette entrée en politique dans un contexte de
crise et de fort changement représentait en soi un vecteur de nouvelles
identifications politiques pour des électeurs privés des repères tradition-
nels. C’est dans ce processus de définition d’une nouvelle identité politique
diffuse que ses télévisions privées se sont avérées susceptibles de déployer
leurs effets les plus puissants, notamment en garantissant à l’intéressé une
forte visibilité et en contribuant à la construction d’une image de leader
média‑charismatique, clairement située dans un nouvel espace politique de
centre‑droit31. Enfin, si rien ne peut démontrer l’impact direct sur le vote,
et donc sur l’accès au pouvoir politique, des chaînes Mediaset, la couver-
ture des campagnes électorales de la part de leurs organes d’informations
s’est signalée, de façon tout à fait prévisible et même inévitable, tant pour
le choix d’un cadrage (framing) d’informations qualitativement – plus
ou moins subtilement – favorable au candidat‑propriétaire, que pour des
temps de présence et de parole quantitativement déséquilibrés en faveur
de Berlusconi32. L’effet global de ce déséquilibre qualitatif et quantitatif
dans les flux de communication politique provenant des chaînes Mediaset
fut décisif, sinon pour la conversion de nouveaux électeurs, du moins pour
le maintien du capital de consensus acquis dans la phase critique initiale –
celle de la définition des nouvelles identités politiques.

                   Néopatrimonialismes et
                     discours politique

La présence d’une importante dimension néopatrimoniale dans l’expé­
rience du cas Berlusconi est aussi bien perceptible durant ses années
284                              L’État néopatrimonial

      de gouvernement du pays, que dans la phase initiale du lancement du
      nouveau parti, sans parler des conditions préliminaires à cette expérience.
             Le préliminaire le plus évident concerne le thème déjà évoqué des
      ressources médiatiques et d’information politique à la disposition de l’un
      des candidats en présence. Cela a contribué ab origine à une situation
      paradoxale de déséquilibre compétitif, en laissant envisager la possibi-
      lité d’un usage personnel et partisan de ressources privées obtenues par
      concession étatique, en vue de missions de service public. Sur ce plan,
      la stratégie politique de Berlusconi paraît s’être toujours inspirée d’une
      logique de type patrimonial : par exemple en transférant, quand ceci était
      nécessaire, la propriété formelle à des membres de sa famille ou aux plus
      fidèles collaborateurs, tout en conservant un contrôle substantiel malgré
      la vente de certaines parts de propriété à des associés externes33.
             La phase de fondation de Forza Italia, sujet de droit privé issu de la
      société civile mais concourant à l’exercice du pouvoir politique, offre un
      exemple évident de déploiement de pratiques néopatrimoniales, du fait
      de « l’immédiate correspondance entre structures de parti et cadres de
      l’entreprise » et une totale « identification entre leadership et propriété »34.
      Dès l’origine Forza Italia s’est appuyée, pour toutes ses activités consti-
      tutives – dirigeants, responsables locaux, candidats, mais aussi logistique,
      communication, marketing, sondages, organisation territoriale – sur
      le principal groupe appartenant à Berlusconi (dans sa phase initiale
      dénommé Fininvest et comprenant les chaînes du futur Mediaset) et
      sur sa branche publicitaire (Publitalia). L’ensemble de l’organigramme
      du parti se présentait comme une sorte d’« appareil personnel »35, et
      reflétait un système de relations fondé sur un principe de fidélité et de
      proximité à la personne du leader. Ceci contribuait à donner vie à une
      sorte de dimension clanique qui dissolvait toute distinction entre parti et
      business36. Le modèle de Forza Italia apparaissait unique également sur
      le plan des financements, puisqu’il préfigurait un système dans lequel un
      parti dépend d’une seule entreprise et de son propriétaire. En ce sens, « la
      relation symbiotique de Forza Italia avec Fininvest produit des conflits
      d’intérêts sur une échelle qui n’a pas de précédent »37.
             Malgré un processus partiel d’institutionnalisation du modèle orga-
      nisationnel et d’enracinement du parti sur le territoire au fil des années38,
      la définition de « parti entreprise » s’accole toujours à celle de « parti per-
      sonnel » afin de désigner le modèle originel de parti de Forza Italia. Cela
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi             285

a contribué à rappeler la nature singulièrement hybride de l’offre politique
de Berlusconi, tout à la fois néopatrimoniale et postcharismatique.
       En matière de néopatrimonialisme, néanmoins, la question centrale
demeure l’enchevêtrement entre intérêts privés et intérêts publics, entre
entreprise et gouvernement, entre « patrimoine » et État. Ce qui est ici en
jeu est, plus précisément, la capacité, y compris à l’état potentiel, de géné-
rer des bénéfices d’entreprise à travers des réglementations contraignantes
fixées dans l’exercice des fonctions du gouvernement. En un mot, c’est tout
le problème du « conflit d’intérêts », que pose l’hypothèse du glissement
d’une forme de parti‑entreprise vers un « gouvernement‑entreprise »
capable d’atteindre le cœur des institutions étatiques.
       La question est bien connue et fut débattue dès la première candida-
ture politique de Berlusconi, qui souleva le débat sur l’opportunité d’une
loi restreignant l’accès des détenteurs d’intérêts économiques importants
à des charges publiques. Dès cette époque, en effet, un paradoxe potentiel
apparaît clairement : celui d’un conseil des ministres discutant ou approu-
vant un projet de loi en matière d’assurances, d’éditions, ou d’attribution
de fréquences télévisuelles, etc., au sein duquel le Premier ministre serait
porteur d’un intérêt personnel. En cela, l’existence d’une volonté straté-
gique de favoriser un intérêt économique spécifique peut être considérée
comme secondaire, une issue objectivement favorable pouvant être indé-
pendante d’une intention explicite. Malgré cela, les gouvernements de
centre‑gauche qui se sont succédé entre 1996 et 2001 – soucieux de dia-
loguer avec l’opposition guidée par Berlusconi afin de réaliser une réforme
constitutionnelle plus vaste – ne furent jamais capables de parvenir à
une loi sur le conflit d’intérêts. Le gouvernement Berlusconi lui‑même
(2001‑2006) ne voulut pas adopter une mesure plus contraignante de la
« loi Frattini », laquelle ne reconnaissait pas le caractère problématique
de la propriété pour les prétendants à une fonction publique.
       Les problèmes engendrés par l’interpénétration entre ressources
politiques et économiques se sont néanmoins présentés sous des formes
variées et à plusieurs reprises. La loi pour la dépénalisation du faux en
bilan et la « réforme Gasparri » sur les télécommunications en sont deux
exemples particulièrement explicites. Dans le premier cas, l’effet immédiat
fut l’annulation directe de chapitres entiers de certains procès qui concer-
naient les sociétés de Berlusconi39. Dans le cas de la réforme du marché
des télécommunications, en revanche, les bénéfices furent plus diversifiés.
286                              L’État néopatrimonial

      On citera ici la dérogation à la décision de la Cour constitutionnelle qui
      imposait à l’une des chaînes Mediaset d’émettre seulement via satellite,
      l’élévation de facto du plafond limitant la concentration des propriétés
      dans le domaine des médias, ou encore la confirmation d’une situation de
      quasi‑monopole sur le marché publicitaire parmi les chaînes privées. De
      cette façon, le groupe appartenant au Premier ministre de l’époque a pu
      consolider par voie législative sa position dominante sur le plan national
      dans le secteur télévisuel et publicitaire40.
            Par‑delà la faible différenciation entre les sphères du politique et de
      l’économique, le problème de la poursuite des intérêts privés au sein de
      l’État s’est également manifesté dans la fusion entre domaines politique
      et judiciaire qui a véritablement marqué l’histoire du cas Berlusconi.
      Les mesures, prétendument de nature « libérale », destinées à réduire
      la marge d’action de la magistrature sont apparues comme des priorités
      pour les gouvernements successifs qu’il a présidés : une loi adoptée durant
      l’été 1994 (en pleine saison de l’enquête « Mains Propres ») a permis
      de limiter l’incarcération préventive des personnes faisant l’objet d’une
      enquête ; la « Loi Cirami » de 2002 a consenti aux avocats le droit de
      réclamer le déplacement du siège de l’instruction d’un procès en cas de
      « légitime suspicion » de non-impartialité des juges ; en 2003, le « Lodo
      Schifani », avant d’être abrogé en partie par la Cour Constitutionnelle en 2004,
      puis présenté de nouveau en 2008 sous la dénomination de « Lodo Alfano »,
      a voulu garantir l’immunité du Premier ministre et des détenteurs des
      plus hautes charges de l’État. Dans tous les cas, les répercussions de ces
      dispositions législatives devaient être bénéfiques pour Berlusconi ou les
      représentants de ses entreprises et collaborateurs personnels qui étaient
      personnellement mis en cause dans divers procès. L’ensemble de ces actes
      n’a pu que renforcer l’image d’un leader politique enclin à « utiliser à son
      profit, subvertir ou encore contourner » les règles et les contraintes de la
      vie publique et institutionnelle41.
            Dans l’enchevêtrement complexe de type néopatrimonial entre
      organisation partisane, action du gouvernement et intérêts économiques
      et judiciaires, s’insère toutefois l’énonciation d’un discours politique
      structuré, qui avance des objectifs à la fois idéologiques (l’invocation
      d’un État libéral face à une présumée « République des juges ») et prag-
      matiques (l’appel à la nécessité d’une force plus importante des groupes
      nationaux dans la compétition mondiale). Il en résulte la difficulté de
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi             287

faire exactement la part entre idéaux, rationalisations a posteriori et simple
propagande dans le décodage public du discours berlusconien. C’est ainsi
que la réduction de l’impôt sur les revenus les plus élevés, ou l’abolition
des taxes de succession sur les grands patrimoines, répondent à un objec-
tif, inséré dans une matrice néolibérale, de poursuite d’une politique de
réduction du poids de l’État. Pour autant, ces mesures ont pour résultat
objectif de faire économiser chaque année d’importantes sommes au
citoyen privé et à l’entrepreneur. Dès lors, les bénéfices engagés du fait de
cette fusion profonde entre discours public et position privée pourraient
même être considérés comme le but premier de cette entrée en politique.
Celui‑ci, alors même qu’il annonçait sa candidature, acquérait en effet
les droits d’usage de l’argumentation qui accompagnera toute sa défense
publique : au cours des nombreux procès judiciaires où il sera impliqué
dans les quinze années successives, il ne cessera de dénoncer la nature
fondamentalement politique, porteuse d’intérêts partisans, des attaques
de la magistrature.
       En plus de la question de conflit d’intérêts potentiel, une autre trace
de type néopatrimonial marque l’expérience de ce gouvernement. Elle
peut être décelée dans le processus de diffusion de la politique informelle
vers la sphère des institutions formelles, parallèlement à un phénomène
de personnalisation du pouvoir politique. Parmi les exemples les plus
représentatifs de ces processus, il est possible d’indiquer : la nomination
de certains de ses avocats personnels comme ministres ou présidents de
commissions parlementaires ; l’utilisation de sa résidence privée de Rome
pour des rencontres intragouvernementales, ou de sa villa en Sardaigne
pour la réception informelle de chefs d’État étrangers avec lesquels il
affirmait entretenir des relations d’amitié personnelles (Vladimir Poutine
et Tony Blair). À ceci s’ajoutera l’invitation à des dîners hebdomadaires,
systématiques à partir de 2001, de Umberto Bossi, leader de la Ligue
du Nord, le parti responsable de la chute du premier gouvernement
Berlusconi en 1995 ; et plus généralement, l’accent mis sur le jeu des
relations personnelles et sur les réseaux de fidèles, fondés sur l’octroi d’im-
posantes « ressources personnelles‑rétributives »42. Par ailleurs, dès qu’il
eut obtenu, en tant que chef de gouvernement, un pouvoir de supervision
formelle des nominations des dirigeants de la télévision publique (RAI),
Berlusconi a paru se consacrer à une extension du réseau de ses fidèles au
sein des institutions formelles, en nommant certains de ses ­collaborateurs
288                             L’État néopatrimonial

      de confiance dans des positions clés de la télévision publique. Ces der-
      nières se sont révélées, à la lumière de certaines écoutes téléphoniques
      rendues publiques par la presse en 2007, et avec encore plus de retentis-
      sement en 2011 être autant de tremplins en vue de l’homogénéisation de
      l’information politique sur les chaînes RAI et Mediaset, et un contrôle
      des canaux étatiques d’information.
             Enfin, et pour renverser les termes de la problématique sur les for-
      mes de privatisation du politique, le cas Berlusconi semble combiner une
      tendance générale à la publicisation du privé, ou à l’exposition médiatisée
      de la dimension personnelle. Ce phénomène est à mettre en relation
      avec un processus plus global de personnalisation et de médiatisation de
      la politique moderne, mais aussi avec l’extension corrélative du champ
      d’intérêt des médias à la sphère privée de la personnalité publique. La
      communication de Berlusconi s’est nourrie en permanence de ces éléments
      personnalistes et privés, qu’il s’agisse d’anecdotes sur sa vie familiale, de
      l’exposition publique des désaccords de son couple, de la distribution de
      dizaines de millions d’exemplaires d’une biographie autoglorifiante, ou
      encore d’affiches représentant son portrait au détriment des candidats
      locaux de son parti. À ceci sont venues s’ajouter les affaires à connota-
      tion sexuelle révélées par les médias depuis 2009. Dans ce cas, toutefois,
      l’éclatement de ces scandales, ainsi que leurs conséquences judiciaires, ne
      reflètent en rien une stratégie berlusconienne de « publicisation du privé »,
      mais confirment plutôt l’élargissement de l’emprise des médias jusqu’aux
      affaires les plus intimes de la vie des hommes publics.

      Encore une fois, le caractère singulièrement hybride du cas Berlusconi
      réside ainsi dans cette tendance à condenser les divers éléments – néo-
      patrimoniaux, charismatiques et communicationnels, idéologiques et de
      représentation politique et sociale – en un unicum, qui est au fond l’essence
      de ce qui a été désigné et diversement défini comme « berlusconisme ».
      Ce phénomène, qui pourrait bien n’être qu’une variante de processus plus
      amples émergents dans les démocraties contemporaines, peut se décrire
      exactement comme la revendication sous forme idéologique, sociologi-
      quement fondée et propagée par voie médiatique et personnalisée, de la
      privatisation du public et de la publicisation du privé.
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi                    289

                                      notes

 1.   L. Morlino, « Consolidation démocratique : la théorie de l’ancrage », Revue
      internationale de politique comparée, 8(2) (La consolidation de la démocratie :
      nouveaux questionnements), 2001, p. 245‑267.
 2.   G. Galli, Il bipartitismo imperfetto: comunisti e democristiani in Italia,
      Bologna, Il Mulino, coll. « La specola contemporanea », 1966.
 3.   C. Tullio‑Altan, La nostra Italia: clientelismo, trasformismo e ribellismo
      dall’unità al 2000, Milano, Egea/Università Bocconi, 2000.
 4.   Par exemple, le PCI (Parti communiste italien) s’était battu au Parlement
      en 1989 pour que soient imposées des limites à la programmation des spots
      publicitaires, jugés culturellement délétères, des trois chaînes télévisées
      appartenant à Berlusconi (Canale 5, Rete 4, Italia 1). La même année, ce
      dernier avait engagé une bataille financière, doublée de multiples rebon-
      dissements judiciaires (procès Lodo‑Mondadori pour corruption en actes
      judiciaires) afin de s’adjuger le contrôle d’une série d’hebdomadaires et de
      quotidiens, parmi lesquels figuraient L’Espresso et La Repubblica, tous deux
      réputés politiquement de gauche.
 5.   J.‑F. Médard, « L’État néo‑patrimonial en Afrique noire », dans
      J.‑F. Médard (dir.), États d’Afrique noire : formation, mécanismes et crise,
      Paris, Éd. Karthala, coll. « Hommes et sociétés », 1991, p. 323‑353.
 6.   Ibid., p. 343.
 7.   H.F. Pitkin, The Concept of Representation, Berkeley/Los Angeles, University
      of California Press, 1967.
 8.   P. Ginsborg, Italy and Its Discontents: Family, Civil Society, State, 1980‑2001,
      New York, Palgrave Macmillan, 2003.
 9.   E.C. Banfield and L.F. Banfield, The Moral Basis of a Backward Society,
      New York, The Free Press, 1958.
10.   Un phénomène analogue fut également relevé aux élections de 2001,
      vaincues par la coalition de centre‑droit (I. Diamanti et R. Mannheimer,
      « Le basi sociali del voto. La frattura che attraversa i ceti medi », dans
      M. Caciagli et P. Corbetta (dir.), Le ragioni dell’elettore. Perché ha vinto il
      centrodestra nelle elezioni italiane del 2001, Bologna, Il Mulino, 2002). Italian
      National Election Studies (ITANES), Dov’è la vittoria? Il voto del 2006
      raccontato dagli italiani, Bologna, Il Mulino, coll. « Contemporanea, 174 »,
      2006.
11.   J.‑P. Lacam, « Le politicien investisseur. Un modèle d’interprétation de la
      gestion des ressources politiques », Revue française de science politique, 38(1),
      1988, p. 23‑47.
290                                L’État néopatrimonial

      12.   Le néopatrimonialisme comme catégorie d’analyse se présente toujours, du
            moins dans les démocraties contemporaines, sous une forme « hybride »
            greffée sur une base de domination légale‑rationnelle. Le phénomène
            d’hybridation auquel nous faisons ici référence se situe à un niveau plus
            spécifique, marqué par l’enchevêtrement profond des dimensions patrimo-
            niale, charismatique, politico‑idéologiques et de représentation sociale du
            cas Berlusconi.
      13.   M. Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, Tübingen, Mohr, 1922.
      14.   L. Cavalli, “The Personalization of Leadership in Italy”, Working Paper
            no 2, Firenze, Centro Interuniversitario di Sociologia Politica, 1994.
      15.   M. Calise, Il partito personale, Roma/Bari, Laterza, 2000.
      16.   E. Poli, “Silvio Berlusconi and the myth of the creative entrepreneur”,
            Modern Italy, 3(2), November 1998, p. 271‑279.
      17.   J.B. Thompson, The Media and Modernity: A Social Theory of the Media,
            Stanford (CA), Stanford University Press, 1995.
      18.   J. Meyrowitz, No Sense of Place: The Impact of Electronic Media on Social
            Behavior, New York (NY ), Oxford University Press, 1985.
      19.   D. Katz and R.L. Kahn, The Social Psychology of Organizations, 2nd ed.,
            New York, Wiley, 1978.
      20.   J. Bensman and M. Givant, “Charisma and modernity: Use and abuse of
            a concept”, Social Research, 42(4), 1975, p. 570‑614.
      21.   D. Aberbach, Charisma in Politics, Religion and the Media: Private Trauma,
            Public Ideals, New York (NY ), New York University Press, 1996.
      22.   M. Barisione, L’immagine del leader: quanto conta per gli elettori, Bologna,
            Il Mulino, coll. « Contemporanea. Centosettanta, 170 », 2006.
      23.   T. Jones, The Dark Heart of Italy, London (UK), Faber and Faber, 2003.
      24.   L. Ricolfi, « Elezioni e mass media. Quanti voti ha spostato la tv »,
            Il Mulino, 6, novembre‑décembre 1994, p. 1031‑1046.
      25.   R. D’Alimonte et S. Bartolini (dir.), Maggioritario ma non troppo: le elezioni
            politiche del 1994, Bologna, Il Mulino, 1995.
      26.   G. Mazzoleni, La comunicazione politica, Bologna, Il Mulino, coll. « Le Vie
            della civiltà », 2005.
      27.   H. Schadee et P. Segatti, « Informazione politica, spazio elettorale ed
            elettori in movimento », dans M. Caciagli et P. Corbetta (dir.), Le ragioni
            dell’elettore : perché ha vinto il centro‑destra nelle elezioni italiane del 2001,
            Bologna, Il Mulino, coll. « Studi e ricerche », 2002, p. 339‑369 ; ITANES,
            2006, op. cit.
      28.   Les enquêtes relèvent de fortes corrélations entre les informations télévisées
            suivies habituellement (RAI vs Mediaset) et le choix de vote (centre‑­gauche
Le « néopatrimonialisme hybride » du cas Berlusconi                    291

      vs centre‑droit). De telles relations sont toutefois interprétées comme
      étant moins le signe de modèles d’« influence » (des infos à la préférence
      politique) que l’expression de modèles d’« incorporation » (de la préférence
      politique aux infos) (G. Legnante, « Tra influenza ed incapsulamento :
      cittadini, comunicazione e campagna elettorale », dans M. Caciagli et
      P. Corbetta (dir.), Le ragioni dell’elettore : perché ha vinto il centro‑destra
      nelle elezioni italiane del 2001, Bologna, Il Mulino, coll. « Studi e ricerche »,
      2002, p. 233‑273).
29.   Un trait personnel comme celui de son honnêteté offre un cas évident de
      perception influencée par les orientations idéologiques et affectives du
      récepteur : 77 % des sondés qui se situent au centre‑droit jugent qu’il est
      « fondamentalement honnête », contre seulement 16 % de ceux de cen-
      tre‑gauche (M. Barisione, 2006, op. cit.).
30.   La corrélation significative entre les heures d’exposition quotidienne à
      la télévision et le vote pour Forza Italia semble favorable à cette hypo-
      thèse (ITANES, Perché ha vinto il centro‑destra, Bologna, Il Mulino, coll.
      « Contemporanea”, 2001).
31.   C’est justement dans les conjonctures politiques de crise, conflit ou fort
      changement, qu’apparaissent une plus grande ouverture à l’influence des
      médias, mais aussi une dépendance du public plus élevée envers ces derniers
      (M.L. DeFleur and S.J. Ball‑Rokeach, Theories of Mass Communication,
      New York/London (UK), Longman, 1989).
32.   Durant les deux mois de la campagne électorale officielle pour les élections
      législatives de 2006, la loi obligeait les moyens d’information à donner des
      temps télévisés égaux aux deux principaux leaders de la coalition. Malgré les
      sanctions économiques auxquelles elles pouvaient être soumises, les chaînes
      Mediaset ont globalement attribué 74 % du temps de parole à Berlusconi,
      les 26 % restant revenant à Prodi (données de ­l’Observatoire de Pavie).
33.   Son frère possède officiellement le quotidien Il Giornale. Mediaset a pour
      président, l’ami de toujours Fedele Confalonieri. Son vice‑président est le
      fils de Berlusconi, Pier Silvio. Fininvest est présidée par sa fille Marina,
      qui dirige également les importantes Editions Mondadori.
34.   M. Prospero, Lo stato in appalto: Berlusconi e la privatizzazione del politico,
      Lecce, P. Manni Editore, coll. « Studi », 2003, p. 54.
35.   M. Maraffi, « Forza Italia », dans G. Pasquino (dir.), La politica italiana.
      Dizionario critico, 1945‑95, Roma, Laterza, coll. « Storia e società », 1995,
      p. 247‑259.
36.   F. Raniolo, “Forza Italia: A Leader with a Party”, South European Society
      and Politics, 11(3‑4), 2006, p. 439‑455.
292                                L’État néopatrimonial

      37.   J. Hopkin, “Towards a chequebook democracy? Business, parties and the
            funding of Politics in Italy and the United States”, Journal of Modern Italian
            Studies, 10(1), March 2005, p. 55.
      38.   E. Poli, Forza Italia: strutture, leadership e radicamento territoriale, Bologna,
            Il Mulino, coll. « Studi e ricerche, 478 », 2001.
      39.   Procès Fininvest All‑Iberian, Sme‑Ariosto, Droits télévisés Mediaset.
      40.   M. Hibberd, “Conflicts of interest and media pluralism in Italian broad-
            casting”, West European Politics, 30(4), September 2007, p. 881‑902.
      41.   M. Lazar, L’Italie à la dérive : le moment Berlusconi, Paris, Perrin, 2006, p. 19.
      42.   J.‑P. Lacam, 1988, op. cit.
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