Le système DPD Comment un groupe logistique bafoue toutes les règles impunément - Unia
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Index Préambule 5 Première partie : DPD en Suisse ou le hold-up derrière les livraisons de paquets 7 1.1. L’impudence érigée en système 7 1.2. La résistance s’organise 12 1.3. Une série de dysfonctionnements scandaleux 13 Deuxième partie : Revendications des chauffeurs et chauffeuses 26 2.1. Les revendications envers DPD 26 3
Troisième partie : Les effets sociaux du système DPD 29 3.1. DPD agit-il de façon déloyale ? 30 3.2. Les dysfonctionnements sont connus, mais tout le monde détourne le regard 33 3.3. Mieux réglementer le secteur des transports 35 Conclusion 36 4
Préambule On les voit partout maintenant, dans tous les quartiers, aux quatre coins du pays : les camionnettes DPD, conduites par des chauffeurs en combinaison DPD, le scanner toujours à portée de main. Ils se garent à la hâte, sortent les colis au pas de course et se précipitent jusqu’à la porte du client ou de la cliente, qui signe le bon de livraison. Pas le temps d’échanger quelques mots. Ils font partie des héroïnes et des héros de la pandémie. Peu d’employé-e-s s'exposent à des risques de contagion aussi élevés pour apporter une contribution aussi importante à des personnes isolées. On s’attendrait donc à ce qu’ils et elles soient récompensés par de l’estime et de bonnes conditions de travail. Mais il n’en est rien. Bien que DPD appartienne à l’Etat français, ce groupe logistique a monté en Suisse un sys- tème sans équivalent de sous-traitants qui exploitent principa- lement de la main-d’œuvre migrante. Les lois semblent ne pas s’appliquer. C'est un des scandales de, l'année 2020, « l’année Covid » ! Car l’immense surcroît de travail engendré par l'ex- plosion du commerce des colis, ils l’ont effectué gratuitement ! Ces derniers mois, des centaines de chauffeuses et de chauf- feurs, d’employé-e-s de bureau et de dépôt se sont confiés à leurs secrétaires Unia. Des rencontres souvent boulever- santes. Leurs histoires bien documentées pourraient remplir un livre. Elles illustrent l’exploitation de personnes précaires dans la Suisse du XXIe siècle. Ce rapport livre un premier aperçu des nombreux abus. Partant de ce constat, nous adressons une demande urgente à DPD et à ses 80 (!) sous-traitants de s’asseoir autour d'une table avec les chauffeuses et chauf- feurs, et leur syndicat. Il est temps de se confronter au passé et de conclure pour l'avenir des accords qui permettent de tra- vailler dignement. 5
Le système DPD soulève aussi d'autres questions juridiques et politiques. Il existe une défaillance généralisée des autori- tés de contrôle dans les cantons et sur le marché postal. La lutte contre la sous-enchère salariale dans la branche n'a pas fonctionné non plus. Des mesures doivent être prises en urgence. Et c’est là qu’apparaît le cœur du système DPD : le rêve d’une machine à bénéfices sans « le risque » d'avoir son propre personnel. DPD pousse l’irresponsabilité à son pa- roxysme : il centralise le pilotage, au centimètre près, de son activité principale (aller chercher, trier et livrer des paquets) réalisée par des centaines de chauffeuses et de chauffeurs portant ses couleurs, mais dont aucun n'est employé par DPD. Les grand-e-s perdant-e-s sont bien entendu les salarié- e-s. Mais c'est toute la branche qui est mise sous pression. Il faut veiller à ce que ce modèle de sous-enchère ne puisse pas faire école. Il convient d’arrêter la « DPD-isation » du monde du travail. Notre solidarité va aux innombrables chauffeuses et chauf- feurs qui se sont regroupés pour mettre en lumière leurs con- ditions de travail choquantes, et pour tenter d’améliorer leur situation. Nous serons à leurs côtés dans ce combat. Les chauffeurs et chauffeuses veulent que leurs heures de travail soient payées et ils veulent pouvoir vivre dignement de leur travail avec leurs familles. Pas plus, mais pas moins non plus. C'est ce que demandent les collègues concerné-e-s, conjoin- tement avec leur syndicat : Unia. Vania Alleva, présidente d’Unia Roman Künzler, responsable Logistique et Transports chez Unia 6
Première partie : DPD en Suisse ou le hold-up derrière les livraisons de paquets 1.1. L’impudence érigée en chauffeuses et chauffeurs effectuent du système travail non rémunéré au péril de leur santé. Pressés par les consignes de l'algorithme « Tous les matins, j’arrive au dépôt de DPD DPD, ces femmes et ces hommes livrent à 5h30. Je commence par charger des pa- des paquets toutes les minutes. Pas de quets pendant 2-3 heures, puis je les livre. temps pour les pauses. Les salaires sont Je dois m’arrêter plus de 150 fois par jour. bas. Dans l’univers DPD, chaque étape est Ensuite, je dois aller chercher des paquets enregistrée, mais pas le temps de travail dans les entreprises. Je suis souvent en- des chauffeurs. Les erreurs entraînent core au travail à 18 heures, complètement souvent des déductions de salaire. Ils doi- crevé parce que je n’ai pas pu faire de vent livrer des paquets de plus de 50 kg pause de toute la journée. Mon patron (un sans moyens auxiliaires alors que la loi sous-traitant) me paie seulement les pre- n’en autorise que la moitié. Et pendant les mières 8 heures et demie. Toutes les mois qui précèdent Noël ou pendant la autres heures, je dois les faire gratuite- pandémie de Covid-19, les conditions sont ment. Je travaille gratis tout l’après-midi. encore plus inhumaines : les journées de Via son scanner, DPD dirige ma vie. C'est 12 à 14 heures sans pause se multiplient une course permanente, j’en rêve même la alors que seules 8 à 9 heures sont rému- nuit. Personne ne supporte ça longtemps. nérées. Ce hold-up sur les salaires se fait L’ambiance est épouvantable. Quand le sur le dos des chauffeurs et chauffeuses et syndicat veut nous informer, on nous fait sur celui des assurances sociales. savoir que nous ne sommes pas autorisés à parler à Unia. Nous sommes tous mi- Après plus de 200 entretiens avec des grant-e-s. Nous n'aurions jamais cru qu’en chauffeuses et chauffeurs d’une quaran- Suisse, on pouvait se faire exploiter taine de sous-traitants et d’employé-e-s de comme ça. » dépôt, mais aussi de bureau, la situation est claire pour Unia : Le mépris de la légi- Ce témoignage illustre bien la manière slation sur le travail est érigé en système. dont les chauffeuses et chauffeurs vivent A quoi ressemble ce « système DPD » ? leur travail au quotidien. Le « système Depuis son siège central de Buchs, DPD DPD » est conçu de telle manière que la (Suisse) SA contrôle la distribution des pa- multinationale de livraison de colis réper- quets en Suisse, sans pour autant possé- cute une large part de son risque commer- der un seul camion ni employer un seul cial sur ses sous-traitants et qu’au final, les chauffeur. DPD gère directement onze 7
centres de logistique dans toute la Suisse. En général, ces sous-traitants occupent A part les cadres, la plupart des logisti- moins de 15 personnes, le personnel de ciennes et logisticiens sont employés par chauffeurs migrants étant très fluctuant, et des agences de travail temporaire. Pour la ils n’établissent pas de fiche de salaire. distribution des paquets, DPD a des rela- Quand on rend visite à leur siège commer- tions contractuelles avec quelque 80 sous- cial, on comprend que la plupart ne consis- traitants, qui emploient environ 800 chauf- tent qu’en une boîte aux lettres de loge- feuses et chauffeurs de camion ou de ca- ment privé. La présentation, le véhicule et mionnette. la tenue de travail sont imposés par contrat par DPD aux sous-traitants et aux chauf- « Les salaires des chauf- feurs et chauffeuses. La plupart des sous- feurs et chauffeuses sont traitants doivent acheter les combinaisons de travail auprès de DPD. De plus, l’algo- scandaleusement bas. De rithme de DPD impose, à la minute près, plus, selon nos calculs, les tournées à effectuer. DPD détermine elles et ils sont privés aussi le montant gagné par les sous-trai- chaque année de 6 à 12 tants par arrêt et colis. Les chauffeuses et chauffeurs, ainsi que la plupart des sous- millions de francs du sa- traitants, travaillent exclusivement pour laire qui leur est dû. Ce DPD. Une proportion importante des sous- sont de nouvelles dimen- traitants a même sûrement vu le jour dans sions de la sous-enchère le seul but de livrer pour DPD. Les gestion- salariale dans le monde naires des centres de distribution de DPD (dépôts) sont habilités à donner des ordres de la logistique. De ce fait, aux chauffeurs et chauffeuses. Ils les con- les assurances sociales tactent régulièrement dans la journée via le perdent, elles aussi, des scanner. Il semble que les sous-traitants millions de cotisations par ne soient là que pour virer les salaires. an. Les chauffeurs et Bien entendu, l’acquisition de clientèle et le chauffeuses ont droit à service clients sont le fait de DPD lui- cet argent. » même. Si l’on cherche un emploi de chauf- Roman Künzler, feur chez DPD, on ne trouvera pas syndicaliste d’Unia d’offres. Il faut se porter candidat sur le site 8
de DPD (Suisse) SA. Le nom des sous- aucun d’entre eux. DPD vit le rêve d'une traitants qui desservent les itinéraires dans entreprise extrêmement profitable, et cela les régions ne sont même pas nommés par pratiquement sans personnel propre. leur nom. Le pouvoir de négociation des Selon des estimations, DPD épargne sous-traitants est faible, voire inexistant. grâce à ce système un tiers des frais sala- Même lorsque les frais de carburants aug- riaux par rapport à son principal concur- mentent, les prix payés par arrêt ne sont rent, La Poste Suisse. Les sous-traitants pas ajustés. Les sous-traitants mention- sont là pour permettre à DPD de redistri- nent, pour les dernières années écoulées, buer les cartes sur le marché postal, sans plusieurs vagues au cours desquelles DPD assumer la responsabilité envers ceux qui a réduit les honoraires par paquet. Il est im- amènent les colis des commerces en ligne possible d’effectuer les tournées sur une au domicile des clients. Une méthode pri- journée de travail normal, dans le cadre sée pour contourner la loi suisse sur le tra- des horaires de travail prévus par contrat. vail, la législation postale et les disposi- Le matin, les colis sont triés et chargés tions contre la concurrence déloyale. (2-3 heures), puis un camion plein part les acheminer (env. 150 arrêts, 6-10 heures), DPD semble pas seulement dominer et ex- enfin il faut souvent aller chercher les pa- ploiter le système triangulaire composé du quets avant 17h chez les entreprises client, du sous-traitant mandataire et du clientes, et les amener au dépôt. Dans le chauffeur : il exerce aussi de facto un con- « système DPD », pratiquement personne trôle direct sur les chauffeuses et chauf- ne prend de pause. Dans ces conditions, il feurs. En effet, DPD surveille à tout instant n’est plus vraiment possible pour les sous- leurs moindres faits et gestes, et leurs traitants d’embaucher des salarié-e-s à actes font l’objet de sanctions. Migrant-e-s des conditions « normales ». Certains se pour la plupart, les chauffeuses et chauf- sont d’ailleurs défaits du contrat qui les liait feurs sont exploités par les sous-traitants à DPD. Ils ont abandonné. D’autres les ont parce que, pour des raisons diverses (con- remplacés. naissances linguistiques, statut de séjour notamment), il leur est difficile de s’oppo- Cette structure de sous-traitants permet à ser aux conditions de travail précaires. DPD de faire travailler quelque 800 chauf- Au travail, l’atmosphère est souvent ré- feurs et chauffeuses dans des conditions pressive. Les chauffeurs et chauffeuses scandaleuses, tout en se soustrayant à rapportent régulièrement des licencie- ses responsabilités puisqu’il n’emploie ments rapides, immédiats même, ou des 9
menaces de perdre leur travail. Avec la Dans ce contexte, on peine à y croire : crise du Covid, les dysfonctionnements se DPD (Suisse) SA appartient aux contri- sont encore aggravés. Bien entendu, DPD buables français. Un groupe public fran- est au courant des conditions de travail qui çais, qui précarise une branche entière règnent chez les sous-traitants. Car on tra- en Suisse au détriment de travailleuses vaille dans les onze dépôts comme dans et travailleurs étrangers pour la plupart - une seule et même entreprise. DPD crée donc beaucoup de Français ! - en prati- le terrain propice à ces conditions de tra- quant des conditions de travail misé- vail et on a l'impression que les respon- rables. Si l’on suit les méandres des rap- sables détournent systématiquement le re- ports de propriété, ils mènent au français gard des violations de la loi. Mais ce fai- Le Groupe La Poste, à 100 % aux mains sant, DPD et ses sous-traitants sont allés de l’Etat français. DPD (Suisse) SA ap- trop loin. De nombreux salarié-e-s se sont partient en intégralité à la holding inter- armés de courage et ont demandé de médiaire allemande « GeoPost Interna- l’aide à Unia. Ils ont enfin décidé de se dé- tional Management Holding GmbH ». fendre. Plus de trente autres sociétés nationales du groupe DPD sont hébergées par cette holding. A l’échelle européenne, le groupe DPD est le numéro deux sur le marché postal, juste derrière DHL. 10
La structure d’entreprise de DPD 11
1.2. La résistance s’organise des sous-traitants. Par ailleurs, dans sa propre opinion, DPD ne peut pas se pro- A présent, un nombre croissant de chauf- noncer sur les allégations portées au ni- feurs et chauffeuses exerce ses droits et veau des montants forfaitaires. DPD ne adhère au syndicat Unia pour améliorer sa s’est montrée uniquement prête à effectuer situation. Le personnel a créé un comité de la médiation de problèmes entre Unia et national DPD et mandaté le syndicat pour les sous-traitants dans des cas concrets entrer en négociation avec DPD. Les individuels. chauffeuses et chauffeurs réclament l’évi- dence : avec eux et leur syndicat, DPD doit Il apparaît ainsi clairement que DPD n’est trouver des solutions pour garantir que les pas prête à collaborer pour améliorer les règles seront respectées à l’avenir, que les conditions de travail du « système DPD ». chauffeurs et chauffeuses seront indemni- Il ne restait plus aux chauffeuses et chauf- sés pour le tort qui leur a été fait par le feurs, avec leur syndicat, qu’à rendre les passé, et qu’ils pourront mettre en place dysfonctionnements publics et à inviter une représentation syndicale qui veille à ce DPD une nouvelle fois à s'asseoir autour que la situation actuelle ne se répète plus de la table de négociation, dans l’esprit du à l’avenir. partenariat social, pour trouver des solu- tions aux problèmes qui se posent de fa- Avant de publier le présent rapport, le syn- çon manifeste. dicat Unia a tenté à plusieurs reprises de s’entretenir avec la direction de DPD. Nos demandes se sont heurtées soit à des ré- ponses négatives laconiques, soit à une absence totale de réaction. Nous avons, par écrit, invité DPD à pren- dre position quant aux dysfonctionnements décrits dans le présent rapport. DPD s’ap- puie, dans un e-mail du 17 février 2021 sur le fait que dans le cas des chauffeuses et des chauffeurs, il ne s’agit pas de chauf- Action cartes postales des chauffeuses et feuses et de chauffeurs de DPD mais de chauffeurs DPD, février 2021 chauffeuses et chauffeurs employé-e-s par 12
1.3. Une série de dysfonc- sous-traitants, Unia ne connaît aucun tionnements scandaleux chauffeur qui reçoive de son patron un dé- compte des heures travaillées à la fin du Les dysfonctionnements qu’Unia connaît mois. Ces entreprises n’enregistrent pas le dans le « système DPD » sont divers et temps de travail. Tout simplement. Qui vont du maraudage des salaires aux ho- croira que 80 sous-traitants ont décidé par raires de travail trop longs, en passant par eux-mêmes d’ignorer l’un des piliers du les infractions aux lois lors du travail de droit du travail : l’enregistrement du temps nuit, l’absence de l’indemnité de repas de travail ? Comble du cynisme : chaque obligatoire, la surveillance en temps réel matin, au dépôt, la plupart des chauffeurs non autorisée, les déductions de salaire de DPD se connecte au système informa- abusives, les contraintes préjudiciables à tique « Predict » de DPD. Le cœur de la santé, l'absence de toilettes, l’état insuf- « Predict » est un scanner qui permet la fisant des véhicules, la méconnaissance saisie des paquets et des chauffeurs et des plans de protection Covid-19 ou en- chauffeuses à la minute et au mètre près. core la violation des droits syndicaux. Grâce au scanner, DPD sait précisément Toutes les infractions ne sont pas com- quel paquet sera livré quand, et combien mises partout, mais elles sont toutes fré- de temps le chauffeur travaille. Certains quentes et caractérisent les conditions de contrats de travail prescrivent le nombre travail misérables des chauffeurs et chauf- d'arrêts de livraison à effectuer, et excluent feuses. en même temps la rétribution des heures supplémentaires. Quelques contrats con- clus entre le sous-traitant et les chauffeurs 1.3.1. Temps de travail (non ré- et chauffeuses prétendent prendre en munéré) et hold-up sur les compte les délais réels de chargement et salaires de livraison. A titre d'exemple, pour 100 arrêts par jour, ils comptent trois heures de Dans le « système DPD », les journées de chargement et cinq heures de livraison. La travail de 5h30 à 17h00 sans pauses sont plupart des contrats prévoient un temps de la règle à l’heure actuelle. Lorsque le vo- travail hebdomadaire de 42 à 44 heures lume de commandes augmente, des ho- (temps de chargement et de distribution in- raires de 14 heures par jour sont normaux. clus). Néanmoins, la réalité est bien diffé- Malgré les centaines d’entretiens menés rente : pendant les fêtes de Noël en parti- avec les employé-e-s de douzaines de culier, mais aussi pendant la pandémie de 13
Covid-19, il est fréquent que les chauffeurs leur temps libre et souvent à leurs frais. Le et chauffeuses travaillent 70 heures par lavage de l’uniforme n’est pas non plus in- semaine, pour un nombre d’arrêts qui peut demnisé comme il se doit. atteindre 200 par jour. Et cela pour un sa- laire inchangé et sans compensation des De plus, des chauffeurs et chauffeuses af- heures supplémentaires effectuées. firment ne pas avoir touché de salaire, ou un salaire de 50 % seulement, pendant « Le chef me dit : Tu es leur période d’initiation. Pas étonnant que nouveau. Tu me coûtes les témoignages de travail au noir se mul- tiplient. Ainsi, des chauffeurs sont priés de très cher. Donc pendant se connecter au système « Predict » sous que tu apprends tes tour- un faux nom, ce qui n’est concevable nées, tu ne recevras pas qu’avec la connivence du groupe DPD. de salaire. C'est-à-dire La non-déclaration du temps de travail et pendant un mois au le hold-up sur les salaires systématiques moins. Qu’est-ce que sont le cœur de la sous-enchère salariale j’étais censé faire ? dans le « système DPD ». Vu l’étroite col- J'avais besoin de ce job. » laboration nouée entre les gens de DPD, Un chauffeur les sous-traitants et les chauffeurs, il est certain que DPD doit connaître l’ampleur Les tournées ne sont pas faisables dans de ces pratiques illégales. Bien que par- les délais du temps de travail payé. Même fois, des pauses soient saisies dans le sys- chose pour le chargement des véhicules : tème « Predict », il doit être évident pour bien que nombre de contrats de travail DPD, étant donné sa surveillance du lieu mentionnent explicitement le chargement et du temps, que les chauffeurs ne pren- des véhicules, les deux à trois premières nent pas de pause. heures de la journée constituent du travail gratuit. Les compensations obligatoires pour le travail de nuit (avant 6 h du matin) ne sont pas octroyées. Le nettoyage et la maintenance des véhicules incombent aussi aux chauffeurs et chauffeuses : ils doivent bien entendu s'en charger pendant 14
1.3.2. Sous-enchère salariale et 100 arrêts par jour, c’est déjà énorme et frais non pris en charge pourtant c'est un minimum. En comparai- son, dans une vidéo publicitaire produite Le salaire brut de la plupart des chauffeurs par DPD et Mercedes, les deux protago- et chauffeuses oscille entre 3600 et 3800 nistes effectuent ensemble seize arrêts francs. Le plus bas salaire dont Unia a con- avant midi et qualifient cette « réussite » naissance est de 2800 francs, et le plus de stressante et pénible. Les rares élevé de 4250 francs. Seuls quelques chauffeuses et chauffeurs de sous-trai- chauffeurs et chauffeuses au siège central tants qui travaillent encore après plu- de DPD prétendent gagner des salaires sieurs années expliquent qu’ils ont com- plus élevés et bénéficier de conditions de mencé par 80 arrêts par jour, par travail meilleures en général. A ce jour, exemple, et qu'aujourd’hui on leur en de- Unia n’en a aucune preuve. Le 13e salaire mande le double, pour le même salaire ! n’existe pas. Même comparés aux salaires payés ailleurs dans la branche faiblement rétribuée des livraisons, ces salaires ex- 1.3.3. Violation des lois sur la cessivement bas sont indignes et totale- protection des données ment intolérables. Si l’on calcule le salaire horaire sur la base du temps de travail Avec « PREDICT », DPD a créé un sys- effectivement réalisé, les exemples de cal- tème qui, via les données transmises par cul montrent que les chauffeurs et chauf- les scanners des paquets, permet de sur- feuses travaillent souvent pour 12 à 15 veiller non seulement les paquets, mais francs de l’heure ! Les frais de téléphone aussi les chauffeuses et chauffeurs eux- portable, requis pour le travail, les frais de mêmes, à la seconde et au mètre près. Se- maintenance du véhicule et de repas pris lon nos connaissances actuelles, les don- à l’extérieur (le dîner) ne sont pas pris en nées sont transmises directement à DPD, charge, ou en partie seulement. et les sous-traitants n’y ont pas accès. DPD étant en mesure, à partir de ces don- nées, d’informer les sous-traitants de « fautes » commises par les chauffeurs et chauffeuses et d’exiger qu’ils soient punis, il est manifeste que des données person- nelles sont collectées. 15
« Le scanner est un ins- justifie pas la surveillance des salarié-e-s. trument de dissuasion Elle est donc illicite selon notre conception du droit. électronique. Ils voient au centimètre près où j’ai « Selon la conception du posé un paquet, ils sur- droit que défend Unia, veillent chaque mouve- avec le système PREDICT, ment et ordonnent des dé- DPD viole clairement la lé- ductions sur nos salaires gislation suisse en ma- quand nous faisons une tière de protection des erreur. » données et l'interdiction Un chauffeur de surveiller le comporte- Or, personne n’a jamais demandé aux ment des employé-e-s. Il chauffeuses et chauffeurs s’ils étaient est urgent que les autori- d’accord avec ce traçage. Ils n'ont jamais tés y mettent un terme. » été informés de l’utilisation faite de leurs Regula Dick, responsable données ; ils ne s’en sont rendu compte intérimaire du service juri- qu’en voyant les déductions de salaire. Ils n'ont pas non plus été informés de leur dique d’Unia droit de consulter ces données. Il n’appa- Pour les chauffeuses et les chauffeurs, le raît pas clairement pourquoi un suivi scanner est le nouveau chef. Il impose le presque permanent des chauffeuses et délai dans lequel le colis doit être livré (une chauffeurs serait nécessaire du point de heure en général). Le temps imparti pour vue opérationnel. A notre avis, ce mode les tournées est calculé de manière telle- opératoire viole la législation sur la protec- ment irréaliste qu’il n'est pas rare que les tion des données. « PREDICT » permet chauffeurs et chauffeuses saisissent des aux clientes et aux clients de suivre leur pauses dans le scanner uniquement pour paquet en temps réel. Etant donné que rattraper leur retard. Il ne leur reste prati- manifestement, chaque paquet est attribué quement jamais de temps pour une vraie à un chauffeur précis, celui-ci est égale- pause. Le scanner est un chef qui est là en ment surveillé en temps réel. L'argument permanence et avec qui on ne peut pas se publicitaire à destination de la clientèle ne 16
disputer. A la fin du mois, c'est son évalua- tion qui détermine si nous gardons notre emploi, si nous devons payer une amende ou si nous touchons un bonus. Si, pendant les courses, le trafic ou les délais trop courts entraînent des retards dans les li- vraisons, un collaborateur de DPD appelle le chauffeur pour le réprimander et lui rap- peler de respecter les délais imposés par « PREDICT ». 1.3.4. Des sanctions et des déductions salariales illégales «Bonjour tout le monde, Pendant la première vague de Covid-19, Malheureusement je constate que de les chauffeuses et chauffeurs ont souvent nombreux chauffeurs ne se tiennent pas travaillé plus de douze heures par jour. Un au PREDICTs et que nos résultats sont grand nombre d’erreurs semblent avoir été toujours mauvais. Comme c’est la seule commises, de sorte que DPD a instauré à solution, tous les chauffeurs qui ne se Berne, en mai 2020 (!) une amende de 50 tiendront pas à PREDICT recevront un francs par point de pénalité. Un régime si- rappel à l’ordre (1 point = 50 francs). » milaire d’amendes existait déjà avant, mais Message d’un manager DPD, mai 2020 il est désormais appliqué avec une plus grande sévérité. Le sous-traitant déduit En elles-mêmes, les sanctions sont déjà il- l’amende du salaire de ses chauffeurs et légales. Car l’employeur devrait être en chauffeuses. Une grille indique le nombre mesure de prouver l'existence d’un dom- de points de pénalité correspondant aux mage réel. Et même dans ce cas, pour erreurs commises pendant le travail. Par- qu’une sanction se justifie, encore faudrait- fois, les chauffeurs et chauffeuses doivent il que le chauffeur ait causé le dommage même assumer la responsabilité des pa- intentionnellement ou par négligence. Ce quets eux-mêmes. Un nombre de points n’est pas le cas ici. Le même problème se de pénalité trop élevé entraîne le licencie- pose lorsqu’il y a des accidents de travail ment. ou des dégâts aux véhicules. Dans ces cas 17
également, le sous-traitant fait payer les pratiques enfreignent systématiquement la chauffeurs régulièrement, en toute illéga- loi sur le travail. lité. Pour pouvoir emporter tous les paquets, il « On m’a déduit plusieurs arrive souvent que les chauffeurs et chauf- fois plus de 500 francs de feuses doivent surcharger leur camion- nette. Et ils assument eux-mêmes le risque salaire parce qu’un pa- d’amende ou de retrait du permis de con- quet avait été volé chez le duire s'ils sont attrapés par la police. Il n’y client. Le client avait pour- a pas, dans les dépôts de DPD, de balance tant donné à DPD la pro- à véhicule qui permettrait de vérifier le poids du transporteur. Des chauffeuses et curation de dépôt. Et je chauffeurs craignant des sanctions pour n’avais fait que mon tra- des courses surchargées rapportent en vail en suivant les instruc- avoir souvent parlé aux sous-traitants, tions ! » mais aucune mesure n’a jamais été prise. Un chauffeur Lorsque le volume de commandes chez DPD augmente, les chauffeurs et chauf- feuses n'ont pas d’autre choix que de sur- 1.3.5. Un travail nocif pour la charger leur véhicule. santé « Parfois, les colis sont Avec le « système DPD », l’entreprise de empilés jusqu’en haut du livraison génère des profits par tous les siège passager. Quand je moyens. En acceptant des paquets de plus démarre, mon transpor- de 33 kg par exemple, souvent refusés par d’autres prestataires. Les chauffeuses et teur est surchargé de plu- chauffeurs doivent transporter ces colis sieurs centaines de kilos. jusque devant la porte de la maison dans C'est dangereux. J’ai très le même laps de temps qu’un petit paquet. peur de perdre mon per- Souvent, ils ne bénéficient pas des aides mis de conduire si je me prescrites pour ce faire. Il est clair que ces fais choper. » Un chauffeur 18
Travailler dans le « système DPD » est dangereux pour la santé. Les secrétaires d’Unia sont souvent choqués de l’état de santé et de l’épuisement dans lequel ils trouvent des travailleuses et travailleurs jeunes pour la plupart. Beaucoup présen- tent les symptômes d'un grand épuise- ment, des douleurs et des troubles de l’ap- pareil musculosquelettique. Les difficultés à faire le vide après le travail occasionnent souvent des troubles du sommeil. Presque tous expliquent que leur état physique et Les chauffeurs et chauffeuses du dépôt psychique s’est fortement dégradé depuis de Berne doivent depuis des années qu’ils travaillent pour le sous-traitant dans charger les paquets dans une tente le système DPD. Le soir, ils n’ont plus initialement conçue comme étant d’énergie à consacrer à leur vie privée. Se- « provisoire ». La tente n'est pas chauf- lon les témoignages recueillis, les jeunes fée, de sorte que les températures sont rompent leurs relations amoureuses, arrê- les mêmes que dehors. Des chauffages tent le sport et, de manière générale, ont de terrasse, interdits s’ils sont à usage moins envie de s’adonner à des activités privé, sont utilisés tant sous la tente que agréables. Certains sont tellement épuisés dans la halle attenante. Le matin, une après le travail qu’ils ne trouvent même centaine de salarié-e-s travaillent au plus d’énergie à consacrer à leurs enfants, dépôt de Berne. Ils doivent se partager ce qui cause des tensions dans la famille. deux toilettes ! La journée de travail est marquée par le stress, sans pauses. Beaucoup courent « DPD est le camion à or- avec les paquets sous le bras pour ne pas dures des services de perdre de temps et rentrer chez eux plus coursiers. Il avale tout ce tôt. dont les autres ne veulent pas. » Un chauffeur 19
La plupart ne boivent pas assez et man- « En un an, j'ai perdu 14 gent au volant - quand ils mangent. Les kilos. Je n'avais jamais le passages aux toilettes sont réduits au strict minimum. Sur la route, les limites de vi- temps de manger. A la tesse sont souvent atteintes, ce qui accroît maison aussi, tu penses les risques d’accidents. La recherche in- sans arrêt au travail. La cessante de places de parking pour les ar- nuit, tu en rêves. Le week- rêts est pénible aussi. Les véhicules sont end ne suffit pas à rechar- souvent laissés à des endroits non autori- sés parce que le temps presse. ger les batteries. » Un chauffeur La couverture santé est également mau- vaise. Chez la plupart des sous-traitants, les trois premiers jours de maladie ou d'ac- cident ne sont pas payés, ce qui est illégal. Ensuite, tous les sous-traitants payent seulement 80 % du salaire. En cas de ma- ladie, outre la couverture, l’attitude adop- tée envers la personne malade est pi- toyable. Beaucoup de patrons se réservent le droit de recourir à un médecin de leur choix, selon différents contrats de travail, « si possible d’un autre pays (que l’em- ployé-e) ». On rapporte toujours plus sou- vent que des chauffeuses et chauffeurs ont été licenciés, certains avec effet immédiat, après trois jours de maladie. Unia a même connaissance de licenciements après des accidents graves survenus durant le travail sans faute du chauffeur. 20
1.3.6. L’hostilité envers les instructions de DPD), leur interdisant de syndicats parler avec le syndicat. Voici un extrait du « chat » d’une équipe d'un grand sous-trai- La société-mère de DPD, GeoPost Inter- tant : national, a conclu avec la faîtière interna- tionale des syndicats UNI Global Union un « accord cadre global » qui doit garantir les droits syndicaux, protégés en Suisse par la Constitution fédérale. Le groupe public s’y soumet. L'article 4 notamment stipule en substance que pour que ses employé-e-s puissent exercer leur liberté d'expression, « Beaucoup de chauffeurs s’arrêtent chez et spécifiquement le droit de créer un syn- les gens d’Unia devant le dépôt – ne parlez dicat de leur choix afin de mener des né- pas ! » gociations collectives, les supérieur-e-s (Chat d’équipe d’un sous-traitant) hiérarchiques de GeoPost créent un envi- ronnement de liberté et d'ouverture qui fa- Dans tous les dépôts, DPD réagit systéma- vorise la liberté de réunion. Il y est garanti tiquement de manière hostile aux syndi- que les supérieur-e-s hiérarchiques ont cats quand des secrétaires syndicaux toujours un état d’esprit positif et ne s’op- d’Unia informent les salarié-e-s de leurs posent pas à l’adhésion à un syndicat ni à droits. Lors de tractages, des collabora- l’exercice des droits des membres d’un trices et collaborateurs d’Unia ont été ac- syndicat. cueillis avec agressivité. Ils ont été apos- trophés par des chefs et photographiés Le syndicat Unia est membre d’UNI Global sans autorisation. Union et donc partie au contrat. DPD Suisse essaie pourtant systématiquement Après avoir distribué des tracts devant un d’empêcher ses chauffeuses et chauffeurs dépôt, Unia a reçu de la part des avocats de faire valoir leur droit à une représenta- de DPD une interdiction d'accès aux dé- tion organisée de leurs intérêts. Beaucoup pôts DPD sur tout le territoire suisse - de chauffeurs et chauffeuses craignent le interdiction totalement inappropriée, soit licenciement s'ils prennent contact avec dit en passant. Unia. Ils nous ont montré un SMS reçu par le sous-traitant (qui agit selon les 21
« Zurich [c'est-à-dire le écrit, en refusant catégoriquement d’entrer siège central de l’entre- en négociation et a répondu avec des me- naces de porter plainte contre Unia et ses prise] a informé tout le collaboratrices et collaborateurs. Il est into- monde que parler avec lérable et incompatible avec la pratique Unia entraîne le licencie- usuelle du partenariat social en Suisse que ment. » les employé-e-s de DPD, les chauffeurs et leur syndicat ne soient même pas dignes Un chauffeur d’un coup de téléphone aux yeux des pa- trons de DPD. Le dénigrement des syndicats est systé- mique chez DPD. En été 2020, Unia a dé- fendu les revendications de quelques chauffeurs à Genève. DPD a refusé toute discussion. Ce n’est qu’après une action publique et l'intervention du tribunal arbitral du canton de Genève que nous avons pu mener des discussions sérieuses. Néan- moins, DPD les a interrompues ultérieure- ment de manière unilatérale en affirmant que tous les problèmes seraient résolus. Unia a alors tenté d’entamer le dialogue avec la direction nationale de DPD. Mais plusieurs demandes écrites et appels télé- phoniques au CEO Tilmann Schultze ont résonné dans le vide. Les offres de discus- sion n'ont suscité aucune réaction ou ont été déclinées sommairement. 9 février 2021, Unia a formellement remis les revendications des chauffeuses et chauffeurs auprès de la direction et a de- mandé l’ouverture de négociations dans les deux semaines. DPD a répondu par 22
Brève chronique des relations 2017 des syndicats avec DPD DPD proteste contre l’émission de la té- lévision suisse alémanique « Kassen- 2004 sturz » du 7 février 2017 (intitulée « Des CCT d'entreprise entre DPD Suisse Sàrl, coursiers dénoncent des salaires de transfair et le syndicat de la communica- misère et une énorme pression des dé- tion (aujourd’hui Syndicom). Les sous- lais »). L’émission présente le système traitants sont inclus dans le champ d’ap- DPD du point de vue d'un sous-traitant et plication. le fait connaître dans toute la Suisse. L’ombudsman de la RTS, Roger Blum, 2016 qualifie la protestation d’ « embarras- La CCT KEP&Mail non étendue, conclue sante » et la rejette. Ni l'autorité de con- entre les partenaires conventionnels (as- trôle PostCom, ni les autorités canto- sociation patronale) et Syndicom ainsi nales ne prennent de mesures suscep- que transfair, entre en vigueur. DPD est tibles d’imposer à DPD le respect des aussi assujetti à cette convention de dispositions légales qui protègent les branche. Les sous-traitants n’y sont plus chauffeuses et chauffeurs. Aujourd’hui assujettis et il n'existe aucun mécanisme encore, des chauffeurs et chauffeuses de contrôle. expliquent qu’ils ont vécu l’absence de réaction à ce reportage comme un choc. 2017 GeoPost, propriétaire de DPD (Suisse) Octobre 2019 SA, et UNI Global Union concluent un Syndicom résilie la CCT KEP+Mail à la accord concernant les droits de l’Homme fin 2020. Sont exigées : de nettes amé- et des salarié-e-s, applicable à l'en- liorations et la renégociation avec tous semble du groupe DPD. Il est convenu les syndicats représentatifs autour de la que les sous-traitants devront répondre table. aux mêmes normes : l’art. 5 stipule que GeoPost n’envisage pas de faire des af- Janvier 2020 faires avec des partenaires qui ne res- Des salarié-e-s du sous-traitant de DPD pectent pas les normes adoptées. Enesa Sàrl à Genève s’adressent à DPD avec Unia et ont dénoncé plusieurs dys- fonctionnements. 23
Février 2020 Juin 2020 DPD Suisse et le sous-traitant Enesa Un responsable de site de DPD écrit un Sàrl refusent toute discussion et rejettent courriel à tous les sous-traitants de son les reproches en bloc. dépôt : « Informez tous les chauffeurs et chauffeuses que le syndicat Unia veut Mars 2020 nuire à vous et à nous. Quiconque con- Unia organise une manifestation pour tacte le syndicat sera licencié avec effet protester devant le dépôt de DPD à Ge- immédiat. » nève. Juin 2020 Mai 2020 Dans une lettre, Unia s’adresse une nou- DPD interdit à Unia l’accès au bâtiment velle fois à M. Schultze, CEO de DPD, et à la zone après que le syndicat a voulu renvoyant aux obligations qui découlent informer les chauffeuses et chauffeurs de l’accord international sur les droits de leurs droits devant leur lieu de travail. syndicaux et proposant plusieurs dates pour un entretien. DPD ne répond pas. Mai 2020 Unia tente à plusieurs reprises d'at- Juin 2020 teindre par téléphone et par écrit le CEO DPD interrompt les négociations avec de DPD Tilmann Schultz pour obtenir un Unia à Genève de manière unilatérale. entretien. Il finit par se fendre de trois lignes informant qu’il n'est pas disposé à Octobre 2020 discuter. Unia essaie d’aborder les dysfonctionne- ments selon les règles du partenariat so- Mai 2020 cial avec l'association patronale La Chambre des relations collectives de KEP+Mail, et demande de participer aux travail (CRCT) du canton de Genève en- négociations conventionnelles à venir en tame une procédure sur demande d’Unia tant qu'association comptant le plus de et invite DPD et le sous-traitant à une membres de la branche. Des dates d’en- séance d'arbitrage. On se met d'accord tretiens préliminaires sont proposées. sur la tenue de négociations. Avec DHL, DPD pèse le plus lourd dans l'association patronale. 24
Décembre 2020 L’association KEP+Mail décline les offres de discussion. Voici un extrait de leur réponse : « Pour nous, il n’y a pas d’avantage à étendre le partenariat so- cial, mais plutôt un inconvénient : une complexité accrue. » Depuis, Unia a renforcé de manière sys- tématique les contacts dans la branche, mais aussi avec les employé-e-s de DPD et les chauffeuses et chauffeurs. Le syn- dicat a parlé avec environ 200 d’entre eux et fait la synthèse des informations recueillies. La nature grave et systéma- tique des dysfonctionnements est de plus en plus évidente. L’attitude de l’entreprise et de son asso- ciation de branche est inacceptable. Entre-temps, Unia a reçu des chauffeurs et chauffeuses, mais aussi des employé- e-s des dépôts, le mandat largement étayé de défendre une liste de treize re- vendications que les membres du syndi- cat ont élaborée eux-mêmes. 25
Deuxième partie : Revendications des chauffeurs et chauffeuses Le « système DPD » est un moteur de pré- 2.1. Les revendications carité sur le marché suisse. La loi sur le envers DPD travail et la loi sur la protection des don- nées sont systématiquement violées selon 1. La totalité du temps de travail effectué l’avis d’Unia. DPD doit y remédier immé- est enregistré et payé. A chaque fin de diatement et s’asseoir autour d’une table mois, un justificatif des heures supplé- avec ses sous-traitants, ses chauffeurs et mentaires est remis aux chauffeurs et chauffeuses et leur syndicat afin de négo- chauffeuses, qui le contrôlent et le con- cier la réparation du hold-up sur les sa- tresignent. laires perpétré durant les années écou- lées. Les autorités de contrôle - la commis- 2. Toutes les heures supplémentaires sion nationale PostCom et les inspectorats non rémunérées des dix dernières an- cantonaux du travail -, sous le nez des- nées sont calculées et payées avec un quelles ce système est parvenu à s’établir, supplément de 50 %. Les futures heures doivent faire leur part afin de rétablir la loi supplémentaires sont payées avec le chez DPD et d'imposer la protection juri- supplément légal de 25 %. dique pour les salarié-e-s exploités. 3. Toutes les déductions salariales illi- cites des dix dernières années sont res- tituées. 4. Pour chaque tournée, un nombre maximum de paquets est défini, qui peut être acheminé dans le cadre des ho- raires de travail prévus par contrat. En règle générale, ce chiffre n'est pas dé- passé, sinon les tournées sont modifiées en conséquence. 5. Le système de surveillance « PRE- DICT » est supprimé. Le système d'amendes qui en découle est supprimé et non remplacé. 26
6. Un salaire minimum de 4250 francs est 10. La responsabilité solidaire est instau- fixé ; de plus, tous les employé-e-s et les rée, DPD étant responsable des man- chauffeuses et chauffeurs touchent un quements de ses sous-traitants, notam- 13e salaire. Le temps de travail hebdo- ment lorsqu’ils font faillite. madaire est de 42,5 heures pour un poste à plein temps. 11. On fixe un plafond du nombre de sa- larié-e-s embauchés par le biais de sous- 7. En raison des contraintes particulières traitants, et du nombre d’employé-e-s imposées au personnel durant ces der- temporaires. Les temporaires sont enga- niers mois, et de la forte hausse des gés sous contrat ferme au plus tard chiffres d'affaires de DPD en 2020, un après six mois de travail. bonus Covid d’un demi-salaire mensuel est versé à tous les salarié-e-s. 12. Ces revendications sont négociées avec Unia et font l'objet d’un accord entre 8. Les mesures sanitaires et sécuritaires le syndicat et DPD. DPD adapte tous ses légales sont strictement appliquées. Une contrats commerciaux afin de pouvoir task force DPD / représentant-e-s Unia mettre en œuvre cet accord à tous les des salarié-e-s est créée. La sécurité du niveaux de la chaîne de livraison. Par ail- véhicule en particulier est révisée régu- leurs, des négociations doivent être me- lièrement, et l’art. 25 OLT3 est appliqué nées rapidement en vue d’une nouvelle strictement. Dans un grand nombre de convention collective de travail, à la- dépôts, des améliorations sont appor- quelle les sous-traitants seront aussi tées aux installations sanitaires et à la assujettis. protection de la santé. Une balance à vé- hicule est installée dans tous les dépôts. 13. Les droits syndicaux des employé-e- Les mesures de protection Covid-19 sont s sont respectés et la répression dans communiquées aux salarié-e-s et res- l’entreprise cesse immédiatement. Unia pectées strictement. est accepté comme étant le syndicat mandaté par une part représentative des 9. Comme les autres livreurs, DPD employé-e-s. Les membres du syndicat trouve une solution client-e-s qui ne obtiennent un tableau d’affichage pour requiert pas de signature devant la porte placarder leurs informations sur tous les d'entrée. lieux de travail, ainsi que la possibilité de convoquer des assemblées des 27
salarié-e-s. L’accord international passé « système DPD ». C'est ce que confirment entre GeoPost International et UNI Glo- les entretiens qu’Unia a eus avec différents bal Union, ainsi que la charte sociale du entrepreneurs. Il est presque impossible comité d’entreprise européen de Geo- de gagner quelques sous sans enfreindre Post, sont appliqués. les règles. Ce faisant, ils mettent en dan- ger leur entreprise et eux-mêmes. Lorsque Le « système DPD » doit être réformé. des salaires ne sont pas versés pour des DPD doit améliorer les conditions de travail milliers d’heures de travail effectuées, de son personnel. il s’agit de fraude aux assurances sociales. DPD lui-même a pu fuir ses responsabili- Une des solutions pour y parvenir est que tés par le passé en s’en déchargeant sur le DPD embauche lui-même davantage de dos des sous-traitants. salarié-e-s. De plus, il faut une responsa- bilité conjointe de DPD lorsque les sous- traitants ne respectent pas les règles. Les sous-traitants n'agissent pas de manière autonome puisqu’ils dépendent totalement de DPD. Ils assument tout de même leur responsabilité d’entreprise. L'expérience a montré qu’ils n’assumaient pas (ne pou- vaient pas assumer) leurs responsabilités. Les sous-traitants se réfugient dans la fail- lite aussitôt que les chauffeurs et chauf- feuses réclament leur dû au tribunal. Les sous-traitants, qui sont presque sans exception des Sàrl, ont une responsabilité limitée à seulement 20 000 francs. Cer- tains doivent déjà plusieurs dizaines de milliers de francs à des chauffeurs. Le reportage diffusé le 7 février 2017 dans le cadre de l’émission « Kassensturz », mentionné plus haut, montre que les sous- traitants aussi peuvent être victimes du 28
Troisième partie : Les effets sociaux du système DPD Le « système DPD » exploite sans égard chauffeurs et chauffeuses sont totalement aucun les salarié-e-s qui en font partie. intégrés au « système DPD ». Ils portent Mais ce système a des retombées plus l'uniforme DPD, se présentent aux larges encore : les pratiques de DPD con- client-e-s comme des représentant-e-s de duisent à de la sous-enchère dans la DPD et conduisent tous les mêmes véhi- branche de la logistique et au-delà. Tout cules arborant le logo de DPD : comme cela ressemble à une stratégie ciblée pour s'ils étaient des employé-e-s de DPD. gagner la guerre des prix contre La Poste Suisse et les autres concurrents - au pré- Indirectement, c'est bien DPD qui décide judice des salarié-e-s et des assurances quand et combien de temps les chauf- sociales. Il faut empêcher que ce modèle feuses et chauffeurs travaillent. Les sous- d’entreprise ne s’impose et que des pra- traitants se sont engagés à couvrir les tour- tiques commerciales douteuses ne per- nées qui leur sont attribuées, sous peine mettent d'obtenir des avantages concur- de sanctions qui pourraient les ruiner, rentiels. Le système DPD est un modèle comme l’ont rapporté des journaux alle- de précarisation sociale et une attaque mands. Pour DPD, cela signifie pouvoir contre le mouvement des travailleuses et réagir très rapidement et sans frais supplé- des travailleurs qui, depuis plus de 150 mentaires à différentes quantités de colis. ans, lutte pour que les conditions de travail Quand le flux de paquets augmente, les respectent la dignité humaine. chauffeuses et chauffeurs continuent leurs tournées en effectuant d’innombrables Comme nous l’avons vu, les chauffeuses heures supplémentaires. Cela donne à et chauffeurs ne sont pas embauchés di- DPD un avantage concurrentiel sur le mar- rectement par DPD. A cet égard, la situa- ché postal très disputé. Le système forgé tion juridique est pour le moins controver- par DPD est mis en œuvre par les sous- sée. Une chose est sûre : la multinationale traitants. Ils n’enregistrent pas les heures DPD, contrôlée directement et indirecte- travaillées, n’observent pas les disposi- ment par l’Etat français, est à l’heure ac- tions de la loi sur le travail et privent les as- tuelle en Suisse le pionnier d’un modèle surances sociales de millions de francs. d’entreprise indécent. Dans ce système, DPD n'est pas le seul à en profiter, car les une large part de la responsabilité d’entre- sous-traitants peuvent aussi faire des bé- prise est répercutée sur des sous-traitants néfices. débordés et sur leurs employé-e-s. Sur le plan de l'organisation du travail, les 29
Vous pouvez aussi lire