Les difficultés juridiques d'Alitalia dans la participation au groupe Air France - Klm
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Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 1 FIORINIELLO Daniele D.E.A de droit des affaires Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France - Klm Sous la direction de Monsieur Quentin Urban Faculté de droit de l’Université Robert Schuman de Strasbourg Année universitaire 2003/2004
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 2 PLAN – SOMMAIRE Liste des abréviations Introduction Partie I : Alitalia, la crise actuelle et les efforts nécessaires à l’intégration Titre I : Le groupe Alitalia aujourd’hui Chapitre 1 : Configuration juridique et financière du groupe Alitalia Chapitre 2 : Etat actuel des relations juridiques et financières avec Air France-KLM Titre II : Les étapes et scénarios possibles de l’intégration dans le groupe Air France-Klm Chapitre 1 : La privatisation, condition sine qua non Chapitre 2 : La restructuration, condition nécessaire Partie II : Un régime imposé par un marché contraignant Titre I : Contraintes et obstacles du marché du transport aérien Chapitre 1 : L’intransigeance des autorités antitrust Chapitre 2 : La primauté des intérêts nationaux dans le transport aérien Titre II : L’issue du « contingency plan » Chapitre 1 : Avantages et inconvénients de l'intégration dans le groupe Chapitre 2 : La gestion politique et le nanisme d’Alitalia Conclusion Bibliographie Table des matières
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 3 LISTE DES ABREVIATIONS - AD : Administrateur délégué - AG : Assemblée générale (ordinaire des actionnaires) - AGCM : Autorité Garante de la Concurrence et du Marché - AGE : Assemblée générale extraordinaire - AJDA : Actualité juridique, Droit administratif - Art. : Article - BSA : Bons de souscription d’actions (warrants) - CA : Conseil d’administration - Chron. : Chronique - CS : Conseil de surveillance - D.-L : Décret- loi - Dpcm: Décret du président du conseil des ministres - EEE : Espace économique européen - ENAC : Institut ( Ente ) National de l’Aviation Civile - JO : Journal officiel - JOCE : Journal officiel des Communautés européennes - J.-CL : Juris-Classeur - L. : Loi - NRE : Nouvelles réglementations économiques (loi) - Op. Cit. : Opere citato - RDUE : Revue du droit de l’Union Européenne - RFAP : Revue française d’administration publique - RFDA : Revue française de droit administratif - RIDE : Revue internationale de droit économique - TGI : Tribunal de grande instance - V. : Voir
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 4 INTRODUCTION Y-a-t il un pilote dans l’avion ? Jamais la question n’a été aussi importante chez Alitalia. Au lendemain du succès de l’OPE d’Air France sur KLM, les « fiancés » de la compagnie transalpine lui font savoir d’avoir ultérieurement reporté le mariage, faute de ne pas avoir remis de l’ordre dans ses comptes. Alors qu’Air France est assuré d’avoir mené à bien son offre amicale sur la compagnie néerlandaise avec 89,22 % du capital de KLM, signant ainsi la première opération majeure de consolidation du secteur aérien en Europe, se font désormais rares les options pour sortir Alitalia du gouffre financier dans lequel il est sombré. Etranglé par son déficit, le groupe transalpin est en bout de cycle. Il lui faut un remède de cheval, car Alitalia a clôturé l’exercice 2003 avec un chiffre d’affaires de 4.669 millions d’euros, face à 5.026 M € de coûts opérationnels. Selon le boulier compteur, manquent donc à l’appel 357 M €. De surcroît, bien qu’à partir de 2004 le chiffre d’affaires est censé être dopé jusqu’à 5.120 millions, les coûts opérationnels augmenteront eux aussi à la même vitesse. Le résultat ne changera qu’en pire, car le déficit grimpera en effet d’un million d’euros, à 358 millions d’euros1. « Alitalia n’arrive pas à décoller » - dit-on –, « mais comment peut-on prétendre qu’un avion puisse voler si personne n’a le droit de le réviser ». On a presque l’impression qu’Alitalia est intouchable et que cela est devenu un dogme pour les syndicats et les parties politiques. Comment cela s’explique-t il ? Lorsqu’on parle de “flag carrier” et à ce titre de porte drapeaux de l’identité nationale, aujourd’hui on fait habituellement référence à une société de navigation aérienne, alors que dans le passé il s’agissait d’entreprises de commerce maritime. C’était le cas des Compagnies des Indes, orientales et occidentales, ainsi que de la compagnie française du Mississipi, qui créa la Louisiane. La présence commerciale était le prodrome de la présence politique coloniale. Aujourd’hui cela n’est évidemment qu’un souvenir, mais les compagnies de navigation aérienne, qui ont en quelque sorte substitué les compagnies de navigation maritime, arrivent là où ces dernières n’arrivaient pas. 1 S. Liviadotti, Perde mille euro a minuto, L’espresso, 4 mars 2004, p. 151-154
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 5 Ce que le Portugal et l’Angleterre ont fait en grand dans le passé, toutes les compagnies aériennes le font en petit aujourd’hui et, bien qu’elles n’aient aucune prétention d’annexion territoriale, elles ont la prétention d’une sorte d’ubiquité territoriale. Par conséquent, lorsque Alitalia porte son drapeau dans le monde, Alitalia porte l’Italie dans le monde, avec une extraterritorialité qui n’est reconnue même pas aux équipes de foot. Il faut penser à ce qui était – et en partie ce qui est encore – l’autorité du capitaine sur le navire. Le manque de communications « en temps réel » la rendait absolue : cela descendait directement de Dieu. Le droit de la navigation fut ainsi le premier chapitre du droit colonial. Or, il n’est pas difficile de comprendre à quel point ce caractère régalien de l’activité de navigation a poussé les Etats à une telle fierté qu’aujourd’hui toute concession sur un transporteur aérien national semble devoir recevoir le consentement de la nation entière. Néanmoins, cela a souvent fait oublier que les compagnies aériennes sont des entreprises de transport aérien purement commerciales, sans aucune ambition de représenter un pouvoir transcendant. Il serait donc souhaitable que leur gestion obéisse aux seuls critères économiques. Malheureusement pour Alitalia, la gestion étatique qui la caractérise encore, doublée d’un étrange phénomène d’inamovibilité des administrateurs a acheminé la compagnie au bord de la faillite. Ainsi, le transporteur transalpin doit aujourd’hui faire face à un certain nombre de problèmes, accumulés pendant des années, qui l’obligent à aller vers un redressement financier désespéré ; et la solution de l’alliance avec d’autres compagnies se fait de plus en plus obligée. Alitalia dépense chaque année le 23 % des recettes pour payer les salaires, les plus chers d’Europe. Pour faire face à la crise du transport aérien, British Airways a supprimé d’emblée 13.000 emplois, 16.000 chez Delta Airlines ; mais à Palazzo Chigi (le Matignon italien), seuls trois administrateurs en trois mois ont été mis à la porte. Un certain nombre de licenciements sont ainsi nécessaires pour arrêter l’hémorragie. Alitalia ne peut d’ailleurs pas renoncer à un effort de productivité. Néanmoins, là encore on a l’impression que les dirigeants rêvent le « global carrier » d’un passé de gloire, dans la mesure où ils obligent Alitalia à « voler » là où il ne gère aucun trafic. Certes la compagnie a besoin de développer les vols long-courriers, mais il ne faut pas oublier que la position géographique de la péninsule italienne ne permet pas de concurrencer à plein régime les aéroports mieux consolidés de l’Europe continentale.
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 6 Ainsi, il faut se poser la question de savoir si le mariage avec le groupe Air France-KLM a des chances de sauver Alitalia. La compagnie sera-t elle capable de partager le marché du transport aérien international dans le cadre de cette alliance ? Sa part de marché nécessairement petite aujourd’hui, pourra-t-elle croître demain ? Alitalia a commis l’erreur de se concentrer pendant longtemps sur le seul trafic domestique, dont les résultats ont paradoxalement été négatifs si on considère qu’à l’heure actuelle il ne transporte que la moitié des passagers des vols nationaux. Pourtant, les autres compagnies qui exploitent le ciel italien arrivent à s’en sortir. Le réseau aéroportuaire italien est excessivement fragmenté : il compte 103 aéroports (28 peuvent vanter le passage de plus de 100.000 passagers par an), dont les plus petits ont enregistré une croissance continue. Mais seuls les aéroports régionaux ont vu leur trafic augmenter de 10 % en 2003 par rapport à l’année précédente, alors que pour la même période les hubs (plates-formes aéroportuaires de correspondances) ont cédé 2 %. Ainsi, si comme Air France ou Lufthansa chez eux, Alitalia doit concentrer sa présence dans les escales principaux, l’amplitude du système aéroportuaire est devenue le principal allié des compagnies low cost, désormais présentes dans 16 escales pour les vols nationaux et dans 19 pour les vols long-courrier. L’Autorité à la concurrence, quant à elle, n’a pas simplifié le redressement d’Alitalia. Elle a en effet rejeté nombre d’accords commerciaux qui chez nos voisins sont à l’ordre du jour. Peut-on lui reprocher d’avoir trop poussé la concurrence, d’en avoir fait un idéal abstrait, de ne pas avoir considéré les spécificités d’un secteur particulier comme celui du transport aérien? En voulant suivre la politique de l’Antitrust, Alitalia serait obligé de se transformer en compagnie low cost, afin de pallier à la concurrence acharnée des transporteurs à bas coût. Un transporteur qui, comme Alitalia, exerce une mission de service public, peut-il vraiment agir en pleine logique libérale face à ses concurrents, quitte à mettre en danger la desserte des régions périphériques à faveur desquelles il exerce un service d’intérêt général ? Face à cette situation, c’est peu de dire que toute l’Italie attendait une réaction des autorités publiques. Rome est sortie de sa torpeur et, in extremis, le gouvernement est volé au secours de la Compagnie en apportant sa garantie à un crédit relais bancaire de 400 M €. Pourtant, bien que le Trésor se soit engagé à relancer le processus de privatisation de la compagnie pour que l’opération soit compatible en matière d’aides d’Etat, reste le doute sur la portée réelle de ce projet. Certes les Etats peuvent injecter des fonds dans les sociétés dont ils sont actionnaires pour
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 7 peu qu'ils soient réputés agir avec la logique qui animerait un investisseur privé. Toutefois, nous analyserons les raisons qui autorisent la Commission européenne à surveiller l’attitude des autorités italiennes, et certaines compagnies européennes à estimer, peut être à raison, que le crédit relais est en fait une subvention déguisée. Il faut se poser la question de savoir si une énième forme d’assistance étatique, tel que le prêt garanti, aurait encore une raison d’être lorsque le bénéficiaire est une société dont l’activité est devenue non viable. Le maintien artificiel d’Alitalia ne profiterait vraisemblablement ni a lui ni à l’Etat, contraint de renflouer les caisses du transporteur. Par ailleurs, semble être un signe celui qui vient des banques italiennes, qui restent réservéees sur l’octroi d’un financement. En particulier, après avoir déjà participé à la dernière recapitalisation d’Alitalia en 2002, le troisième groupe bancaire italien, San Paolo IMI, n’a pas caché ses réserves sur le principe d’un nouveau concours, en l’absence d’élément concret sur le plan industriel. Une gestion étatique empèche la valorisation actionnariale : une société peu compétitive, peu concurrentielle, est forcément gérée par des administrateurs peu attentifs à la maximisation des bénéfices des investissements des actionnaires. Alors, vivement la privatisation, qui ne peut d’ailleurs pas être conçue préalablement et indépendamment de la restructuration de la société. La participation des investisseurs privés et la privatisation qui en résultera sont indispensables pour assurer l’assainissement et la continuité de l’entreprise, qui, sans une levée de fonds, se dirigerait lentement vers l’administration contrôlée. Ainsi, comment doit s’opérer la relance d’Alitalia ? Est-il envisageable un recentrage sur le coeur d’activité du transport aérien ? Faut-t il que le gouvernement prenne des mesures de soutien au secteur aérien en général ? Une solution vise l’abattement de la base des coûts. Toutefois, le nouveau patron de la Compagnie, Giancarlo Cimoli – il est le troisième en quelques mois – semble privilégier le développement du groupe sur les suppressions d'emploi. Alors même qu’il a proposé une suppression de personnel concernant 200 pilotes et 600 hôtesses, l’administrateur délégué envisage d’absorber le sureffectif avec le développement de la flotte. Nous verrons pourtant que cette perspective n’est pas convaincante. L’ensemble des nouvelles destinations proposées ne constitue pas la niche naturelle d’Alitalia : sa desserte n’est pas rentable. Il est d’ailleurs évident qu’Alitalia a le double des salariés nécessaires et nombre d’observateurs restent persuadés que sa survie reste liée à une réduction drastique des effectifs. Héritage du laxisme de sa gestion
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 8 antérieure, cette situation ne semble pas destinée à changer rapidement, compte tenu de l’origine politique des mandataires sociaux. L’idée d’une réduction des coûts a toujours été une obsession pour les administrateurs de la Compagnie de Via Migliana. L’ex-administrateur délégué, Francesco Mengozzi (comme beaucoup d’autres avant lui), avait basé son plan industriel sur un faible nombre de licenciements (comparé aux bulletins de guerre annoncés par les autres compagnies aériennes) et sur une série d’externalisations touchant plusieurs activités annexes au transport passagers et fret. Cette solution, bien que mitigée, lui a néanmoins coûté cher, car en décidant de ne pas retirer son plan, suite à la rupture des négociations avec les syndicats, il a été sacrifié au nom de la paix social. Mengozzi croyait dans son plan, c’est pourquoi il l’a défendu, et il est étonnant que ce projet, qui avait été pourtant approuvé à l’unanimité par le CA, ait été par la suite condamné par le président, lui-même, Giuseppe Bonomi, qui avait pourtant voté pour. Mengozzi était persuadé, coûte que coûte, que le plan de redressement ainsi conçu était la seule chance d’Alitalia de redresser la barre et de rejoindre Air France-KLM. Certes, pour l’instant tout le monde est content, car on a arrêté de parler de licenciements. Toutefois, le nombre de décisions contradictoires fait redouter que cette nouvelle soit fausse. Heures décisives donc chez Alitalia. Comment résoudre alors le « rébus » de l’abattement des coûts ? A l’instar de Swissair, nous analyserons l’hypothèse d’une scission du transporteur en deux sociétés, l’une gérant les services au sol (entretien, handling, informatique), l’autre, les activités de transport. Mais comment faire passer un projet d’une bad company, avec plusieurs milliers de licenciements, qui sonne comme une aberration pour les syndicats ? La quadrature du cercle passe-t-elle peut être par l’outsourcing ? Là encore les syndicats confédéraux risquent d’être désavoués par la base, comme il est arrivé en juin lors des grèves sauvages du personnel de bord, qui ont cloué au sol les avions de la compagnie pendant trois jours. Les salariés ont d’ailleurs démontré la flexibilité d’une poutrelle en acier, au point de risquer de faire mourir « Sanson avec tous les Philistins ». Cette manifestation a en effet coûté un manque à gagner (ou plutôt un manque à perdre) égal à un quart de la trésorerie d’Alitalia. Quoi qu’il en soit, une solution sera adoptée. Soit un processus de restructuration extrêmement coûteux et intolérable sur le plan social sera déclenché, soit on en arrivera à un compromis acceptable et raisonnable avec tous les stakeholders (syndicats, salariés, politiciens,
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 9 fournisseurs), afin qu’Alitalia puisse se présenter le front haut face à ses partenaires Air France- KLM. De fait, le groupe Air France-KLM est l’horizon de référence d’Alitalia. Dans un contexte aérien mondial toujours aussi instable (attentat aux Twin Towers, épidémie de pneumopathie, conflit irakien), les observateurs du secteur sont largement favorables à la concentration aérienne, seule solution avancée pour améliorer les fondamentaux d’un secteur structurellement destructeur de valeur. Le pari osé par Air France-KLM n’est pas chose courante et leur union (deux compagnies aériennes de nationalité différente) a été une véritable première. Les experts minimisent aujourd’hui la tiédeur de l’accueil réservé à l’annonce il y a un an et soulignent les perspectives qui s’ouvrent, qui devraient aussi fortement bénéficier de la reprise prévue du transport aérien. La plupart des analystes admettent qu’Air France a initié son opération au bon moment, car le cycle de l’aérien est en phase ascendante, ce qui place KLM en bonne position pour la reprise, du fait d’une exposition long-courrier figurant parmi les plus importantes en Europe2. Toutefois, ils soulignent que leurs hubs Paris Roissy et Amsterdam Schiphol sont géographiquement très proches et que la rationalisation de leur organisation s’avérera délicate. A fortiori si Alitalia s’insérait dans l’alliance. Alitalia est en effet la seule compagnie européenne à être implantée sur deux hubs (Rome Fiumicino et Milan Malpensa) à l’intérieur du même marché. En effet, alors même qu’elle dessert copieusement une des premières destinations touristiques mondiales, la société publique a vu sa trésorerie nette fondre comme neige au soleil. Cette dégradation est imputable en grande partie à la lourdeur de ses frais de fonctionnement, conséquence directe de son incapacité à trancher entre ses deux hubs, dont la rivalité exacerbée teintée de joutes politiques a fini par obérer les finances du groupe. Or, en dehors de certaines compagnies comme l’américaine Southwest, la plupart d’entre elles, notamment en Europe, ont développé un système de liaisons autour d’une seule plate-forme de correspondances. Aucun transporteur possède plus d’un hub : même Lufthansa, qui avait essayé en vain de saturer Munich, y a renoncé pour se recentrer sur Francfort. Alitalia est-il alors une anomalie dans le secteur du transport aérien ? Dispose-t-il des ressources suffisantes pour développer deux hubs ? Leur présence est elle justifié dans le système aéroportuaire italien. Une chose est sûre : Rome Fiumicino ainsi que Milan Malpensa ne sont pas saturés. Par ailleurs, pour développer un deuxième hub, Alitalia aurait besoin d’investir deux milliards d’euros dans l’acquisition d’une flotte adéquate. 2 Les Echos, jeudi 12 février 2004.
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 10 Fort heureusement pour Alitalia, les experts soulignent quand bien même l’intérêt stratégique d’un rapprochement entre la Compagnie et le groupe Air France-KLM. Par ailleurs, Alitalia paraît ne pas disposer d’autres véritables alternatives au duo franco-néerlandais, car la solution étudiée il y a une dizaine d’années d’un partnership avec une compagnie américaine, comporterait de plus grands sacrifices en termes de restructuration. Une alliance avec un transporteur américain verrait la naissance d’un joint venture et l’aménagement des vols italiens sur un seul hub européen. Il s’agirait de Paris pour Delta Airlines, ou de Londres pour American Airlines. Ce partenaire deviendrait cessionnaire des slots italiens vers l’Amérique du Nord, qui seraient exploités à partir de son hub européen. Certes les passagers italiens bénéficieraient en contrepartie de l’augmentation du nombre de destinations, mais Alitalia serait moins international qu’aujourd’hui3. Néanmoins, si on songe au futur de la compagnie transalpine au sein du groupe Air France- KLM, il faut se poser la question de savoir si Alitalia n’est pas déjà condamné à jouer le rôle de transporteur régional. Certes avoir une compagnie nationale de référence est important, mais Alitalia n’est pas assez fort, n’a pas les ressources nécessaires, n’engendre pas de bénéfices. Il a par contre accumulé du retard par rapport à ses principaux competitors, dans un marché aérien, le sien, déjà fortement limité. Il y a un an, personne n’ aurait parié sur la survie de Fiat, alors qu’aujourd’hui, restructurée tambour battant par un management obsédé par les coûts, c’est une société en pleine relance. Aujourd’hui, Alitalia vit le même drame que Fiat il y a un an, avec le spectre de la liquidation qui menace si la direction et les syndicats ne parviennent pas à s'entendre sur une réduction drastique du personnel et des coûts. De ce fait, il est primordial que le Trésor (actionnaire de référence) assume enfin ses responsabilités : qu’il choisisse un management adéquat et digne de confiance, qu’il lui donne des objectifs et qu’il le laisse travailler en lui donnant la couverture pour le temps nécessaire à atteindre les objectifs fixés. Les dirigeants sont en effet responsables de ne pas avoir conclu l’alliance avec Air France-KLM lorsque elle était possible. En 2002, Alitalia venait d’être recapitalisé, avait un accord avec les syndicats qui lui abaissait le coût du travail, venait de conclure une alliance commerciale (avec échanges d’actions) avec Air France et avait gagné son litige avec KLM (condamné pour rupture 3 Il sole 24 ore, samedi 10 avril 2004.
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 11 unilatérale de l’alliance), dont le paiement des dommages et intérêts aurait pu s’effectuer par un échange actionnaire. En 2002, Alitalia avait les atouts pour devenir le pivot de l’alliance à trois, sans dépenser un euro. Il aurait suffi une décision politique ; mais le management fut passif. Dommage. Quel est le résultat aujourd’hui ? Alitalia est bien sûre encore là, mais moribonde. On a gardé une compagnie de référence, mais il nous reste qu’un nom, car « Alitalia » c’est un beau nom, il n’y a rien à dire. Certes l’affaire s’est coloré de ridicule avec le nouveau logo dont le transporteur vient de se faire affublé. Always Late In Takeoff Always Late In Arrival : A.L.I.T.A.L.I.A. Toutefois, il s’agit encore d’une entreprise qui offre des bonnes perspectives (Partie I), mais qui a besoin de rallier le bord, le marché du transport aérien (partie II).
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 12 PARTIE I ALITALIA, LA CRISE ACTUELLE ET LES EFFORTS NECESSAIRES A L’INTEGRATION Créée en 1947, Alitalia est la sixième compagnie aérienne en Europe par nombre de passagers transportés, environ 22 millions4 par an. Elle couvre une centaine de destinations dans 60 pays dans le monde grâce à un flotte de 186 appareils (dont 31 gros porteurs) et à l’engagement de 20.650 employés5 en Italie et à l’etranger. Sur les dix dernières années, le résultat d’exploitation de la Compagnie a été presque constamment dans le rouge. Après avoir réussi à redresser la barre avec un bénéfice net de 93 M € (après éléments exceptionnels)6 en 2002 (contre une perte nette de 907 M € un an plus tôt), Alitalia est largement retombée dans le rouge, avec une perte d’exploitation de 517 M € en 20037. De manière générale, les attentats du 11 septembre 2001 et la forte diminution du trafic aérien enrégistrée au cours du premier semestre de l'année 2001, ont fortement pesé sur les recettes de toutes les compagnies aériennes. Celles-ci ont été confrontées à une croissance de la fiscalité destinée à financer les mesures de sûreté, ainsi qu'à une hausse des tarifs des redevances, directement liée à la diminution du trafic. De ce fait, les analystes prévoient la marginalisation d'un certain nombre de petites et moyennes compagnies s'obstinant à vouloir maintenir, voir développer, des réseaux internationaux surdimensionnés. S’engager dans un projet de concentration, afin de développer de véritables stratégies alternatives, est aujourd’hui le seul moyen de resister. Les compagnies les plus fragiles financièrement, comme Swissair ou Sabena en Europe, n'ont pas résisté à cette situation et d'autres sont condamnées à disparaître sous la pression conjuguée des compagnies leaders, en l'occurrence celles qui disposent de plate-formes aéroportuaires, et des compagnies développant de véritables alternatives, notamment les low cost (à bas-coût) 8. 4 22.205.000 passagers transportés en 2002, contre 24.737.000 en 2001 et 26.700.000 en 2000. 5 22.536 salariés à la fin 2002, contre 22.948 à la fin 2001. 6 Ce n’est que grâce à une indemnité de 250 millions d’euros versée par KLM – suite à la rupture unilatéral de leur alliance en 1999 – que la compagnie a pu sortir du rouge en 2002. Infra, Titre I, chap. 1, sect. 2, p. 26. 7 Les Echos, mardi 29 juin 2004. 8 Les compagnies low cost ont démontré leur capacité de faire concurrence aux compagnies traditionnelles : elles ont notamment généré du nouveau trafic en éduquant la clientèle à des nouvelles tarifs. Les echos, vendredi et samedi 27 et 28 février 2004.
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 13 En tout état de cause, la menace terroriste ayant fragilisé la reprise du cycle, chaque compagnie aérienne a mené son propre programme de réduction des coûts. Certains transporteurs traditionels, comme Iberia, confrontés au déclin structurel de leurs « yields » (recettes unitaires) sur le moyen-courrier européen, n’ont pas eu d’autre choix que de baisser leurs tarifs pour répondre à la concurrence des « low cost ». Pénalisée par son exposition sur le long-courrier transatlantique et le trafic affaires, British Airways a intensifié son programme d’économies de 450 M de livres lancé en février 2002 (suppression de 13.000 emplois). En choisissant de se marier avec KLM, Air France a opté pour une stratégie de part de marché9. Alitalia, quant à elle, a concentré ses efforts dans une stratégie de renforcement de sa position en procédant à la cession des actifs non rentables. Nous allons donc reparcourir, dans un premier temps, les étapes de ce premier processus d’adaptation d’Alitalia à l'évolution du marché du transport aérien (Titre I), dont la crise actuelle – la plus importante de son histoire – a généré de profonds bouleversements et entraînera sans doute une restructuration massive des entreprises, au moins à l'échelle européenne. A terme, seulement trois ou quatre compagnies majeures devraient subsister dans l'UE au côté des compagnies low cost. Dans un second temps, nous nous intéresserons au tout récent plan de redressement de la Compagnie (le premier n’a évidemment pas suffi) : l’ensemble franco-batave a en effet demandé qu’Alitalia soit privatisé et resané avant son eventuelle adhésion au groupe Air France-KLM (Titre II). TITRE I : LE GROUPE ALITALIA AUJOURD’HUI Le groupe Alitalia est constitué par la société-mère Alitalia-Linee Aeree Italiane S.p.A. et par onze filiales qui travaillent à la fois dans le secteur du transport aérien et dans des activités annexes. L’Europe et l’Italie représentent les marchés sur lesquels Alitalia développe les 62 % de son trafic, alors que le business restant est réalisé notamment sur les destinations américaines et asiatiques. Son chiffre d’affaires atteint les 4,3 milliards d’euros10, dont la plus grande partie est représentée par les recettes engendrées par le transport de passagers, alors que le transport de courrier et de fret a une incidence plus réduite. 9 Les echos, lundi 26 avril 2004. 10 4.7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2002, contre 5.2 milliards l’année précédente.
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 14 Telle qu’elle se présente aujourd’hui (Chapitre 1), la configuration du groupe Alitalia est le résultat d’un processus de relance inachevé, au cours duquel la société s’est engagée dans une série d’accords commerciaux et de partennariat avec d’autres transporteurs afin de regagner des parts de marché (Chapitre 2). Chapitre I : Configuration juridique et financière du groupe Alitalia Alitalia a débuté le processus de recentrage de l’activité sur son métier principal par une série d’opérations d’envergure effectuées au cours de la période 2002-2004. Ces opérations ont été menées par des impératifs d’assainissement et ont obéi à une stricte logique industrielle11. Néanmoins, seules celles qui ont été engagées dans un second temps se sont inscrites dans une logique de recentrage des énergies disponibles, alors que dans un premier temps, par une série de fusions-absorptions, Alitalia semblait mener une politique de croissance et de renforcement des compétences, afin d’augmenter la rentabilité12. La cession d’Eurofly S.p.A. (la compagnie charter d’Alitalia) avait semblé clôturer le processus de cession des “no-core assets” (les actifs les moins rentables), mais le transporteur transalpin devait évidemment se tromper. En effet, à l’heure actuelle, le sous-groupe Alitalia présente une configuration encore très diversifiée dans les activités de service au sol, donc annexes au transport passagers. Parmi ses actifs, seule la récente acquisition de la compagnie régionale en faillite Gandalf13 aura servi à des fins louables : recupérér des parts de marché domestique. SOCIÉTÉ ACTIONNAIRES ACTIVITÉ CAPITAL SOCIAL Exercise, directe ou pour compte de tiers, d’aéronefs, de ALITALIA 23.400.000 M € Alitalia 100 %. lignes aériennes et de services EXPRESS S.p.A. entièrement pour le transport de personnes, libérés. courrier et fret en Italie et entre l’Italie et les pays étrangers. Entretien et révision des Alitalia 99 %, aéronefs ; construction, 32.039.941,56 M € Sviluppo Italia réparation, entretien et révision ATITECH S.p.A. entièrement S.p.A. 1 %. des parties et des composantes libérés. aéronautiques. 11 F. Garrouste, C. Motol , Fusions-acquisitions, Option Finance n° 772, 16 fevrier 2004, p. 20. 12 Des lors que toutes les sociétés en cause relèvent de l’impôt sur les sociétés, les opérations de fusion ont été largement neutres. Groupes de sociétés 2001-2002, Memento Pratique Francis Lefebvre, 2000 Paris, p. 625 et s. 13 Les Echos, vendredi et samedi 26 et 27 mars 2004.
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 15 Service d’assistence aux ALITALIA 7.650.000 M €, Alitalia 100 %. passagers, aux marchandises et AIRPORT S.p.A. dont les 3/10 aux aéronefs du groupe Alitalia libérés. et de tiers. Activité de vente de billets et GA 2000 Travel Alitalia 100 %. de services liés au transport Service Ltd N.D. aérien. Global Executive Activité de vente de billets et Alitalia 100 %. Travel Selections de services liés au transport N.D. Inc aérien. Acquisition, gestion et coordination de participations dans les sociétés, les 516.460 € AVIOFIN S.p.A. Alitalia 100 % associations et les autres entités entièrement opérant dans le secteur du libérés. transport aérien, aéroportuaire et du transport de fret. Agent multi-mandataire Aviofin S.p.A. 104.000 € agissant dans le secteur du ALINSURANCE 88%, Alitalia 6 %, entièrement courtage d’assurance, S.r.L. Aeroporti di Roma libérés. notamment pour le groupe S.p.A. 6 %. Alitalia. Activité industrielle d’entretien, de révision, de réparation, de modification des ALITALIA Alitalia 60 %, installations et de configuration 10.120.000 M € MAINTENANCE Lufthansa Technik d’aéroneufs, de leurs parties, entièrement SYSTEMS A.G. 40 %. des moteurs et des libérés. S.p.A. composantes, ainsi que la prestation de services de support logistique integré pour les marchés civil et militaire. SISAM - Società Italiana Servizi Services de transport aérien 1.548.000 M € Aerei Alitalia 100 % non de ligne et d’école de vol entièrement Mediterranei en Italie et à l’etranger. libérés. S.p.A. ( en liquidation ) Exercise, directe ou pour compte de tiers, d’aéroneufs, de GANDALF Alitalia Express lignes aériennes et de services S.p.A. 100 % pour le transport de personnes, courrier et fret en Italie et entre l’Italie et les pays étrangers. Source : Società controllate, la struttura del gruppo. Dernière mise à jour 25 mars 2004. www.alitalia.it
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 16 AIR FRANCE ETAT San Paolo - IMI 2% 62,39 % 2,6 % Alitalia - Linee Aeree Italiane S.p.A. ALITALIA EXPRESS 100 % S.p.A. 100 % GANDALF SVILUPPO ATITECH S.p.A. 1% 99 % ITALIA S.p.A. ALITALIA AIRPORT 100 % S.p.A. GA 2000 Travel 100 % Service Ltd Global Executive 100 % Travel Selections Inc. AVIOFIN S.p.A. 100 % 88 % AEROPORTI di ALINSURANCE 6% 6% ROMA S.p.A. S.r.L. Lufthansa Alitalia Maintenance 40 % 60 % Technik A.G. Systems S.p.A. SISAM - Società Italiana Servizi Aerei 100 % Mediterranei S.p.A.
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 17 Chapitre 2 : Etat actuel des relations juridiques et financières avec Air France – KLM Bien qu’encore très diversifiée, l’actuelle structure juridique du groupe démontre à quel point Alitalia a senti le besoin de s’orienter vers une utilisation optimale des ressources14. L’alliance commerciale Skyteam a en partie pu satisfaire à cette exigence, car son système de synergies, dont le partage des codes et la fusion des programmes de fidélité sont les mécanismes de coopération les plus utilisés, améliore les performances d’Alitalia (section 1). Néanmoins, l’horizon de référence du transporteur reste la participation directe à un groupe de sociétés, Alitalia visant moins des accords commerciaux que des partenaires plus activement impliqués dans son capital, capables de le relancer (section 2). Section 1 : Relationships au sein de l’Alliance Skyteam Au sein de l’alliance Skyteam, officialisée le 22 juin 2000 et aujourd’hui la deuxième alliance globale, le transporteur italien se place à côté de partenaires de prestige comme Air France, Delta Air Lines, Aeromexico, Korean Air et CSA15. Visant à conquérir des parts de marché au détriment des autres alliances et des compagnies non integrées16, Skyteam permet d'accroître considérablement l'offre de transport aérien et de réaliser des économies d'échelle en termes de coûts d'exploitation. De ce fait, l’alliance dans le transport des passagers a été également transposée dans le cargo, en septembre 2000, avec le lancement de Skyteam Cargo, en considération de l’étroite imbriquation des deux activités dans l’exploitation17. En janvier 2002, après avoir obtenu par le département américain des transports (Department of Transportation, 14 Il gruppo Alitalia, il profilo. www.alitalia-corporate.it 15 Pierre Merlin, Le transport aérien: situation et perspectives, PUF, Paris, 2002, p. 68-72. 16 Les transporteurs non integrés sont eux aussi concernés par des possibilités de partnership. L’Alliance bénéficie donc d’une gestion flexible lui permettant l’élargissement à d’autres compagnies. KLM, Continental et Northwest sont ainsi cencés adhérer à Skyteam en septembre prochain. Communiqué de presse, Joint Venture per Alitalia Cargo, Rome, 2 octobre 2003. www.alitalia-corporate.it. 17 Il n’existe pas une seule ligne long-courrier qui soit rentable avec les seules passagers. C’est la logique optée par les « belly carriers » ( de belly : le ventre, la soute ), comme British Airways, qui n’utilisent que les soutes des avions passagers pour le fret. En revanche, pour les compagnies mixtes, qui transportent à la fois des passagers et des marchandises, le fret représente un centre de profit à part entière, qui finance l’ensemble des coûts, directs et indirects, et dégage des résultats. Ce modèle économique est une évidence pour les acteurs qui, comme Alitalia, opèrent à la fois des avions passagers et des freighters ( la part de trafic des appareils tout cargo varie toutefois d’un « combination carrier » à l’autre : 50 % chez Air France, 30 % chez Alitalia, 60 % pour Lufthansa et jusqu’à 75 ou 80 % pour certaines compagnies asiatiques ). Ainsi, pour des compagnies moyemment impliquées dans l’activité cargo, comme Air France, KLM, Alitalia, ou Lufthansa, le fret représente entre 12 % et 17 % du chiffre d’affaires, alors que pour les acteurs très impliqués, comme beaucoup d’asiatiques, le fret peut représenter jusqu’à 40 % des recettes totales. Les Echos, lundi 5 avril 2004.
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 18 DoT) l'approbation de sa demande d'immunité antitrust18 (gestion commune de lignes avec liberté de fixation des prix), Skyteam a permis à ses membres d'approfondir leurs accords de coopération commerciale et de mettre en oeuvre une collaboration plus étroite sur leurs réseaux transatlantiques. Ils peuvent aujourd’hui effectuer des vols en code-sharing coordinant slots, stratégies de marketing et de vente19. Alitalia a pu ainsi étendre son réseau et ses possibilités de commercialisation sans qu'il lui soit nécessaire de mettre en oeuvre des moyens supplémentaires. Après quatre ans de vie, Skyteam a augmenté considérablement l’offre de services de ses membres, en passant de 451 à 512 destinations, de 98 à 114 pays desservies, de 176 à 228 millions de voyageurs transportés par an, de 6.400 à plus de 8.000 vols journaliers. L’ensemble compte une flotte de près de 1.200 avions et environ 170.000 salariés. Alitalia et Air France, quant à elles, ont consolidé une joint venture au sein de Skyteam par le biais d’un échange actionnaire de 2 %. La Commission européenne a récemment autorisé l'alliance à la suite d’un certain nombre de concessions nécessaires pour sauvegarder la concurrence entre la France et l'Italie, notamment la restitution de 42 paires de slots (crénaux horaires de décollage et d’atterrissage). Par ces accords, les deux compagnies vont augmenter l’offre et la coopération sur l'ensemble de leurs réseaux respectifs en termes de tarification, d'horaires et de capacité20. Les parties se sont accordées sur les prix et partagent leurs bénéfices sur les liaisons entre la France et l'Italie. Le dispositif adopté, le code-share, se base sur l’engagement réciproque de développer un système multi-hub sur les aéroports de Paris Charles De Gaulle, Milan Malpensa et Rome Fiumicino, qui, situés au centre d’un large réseau, offriront plus de 64.000 liaisons par semaine. Les deux Compagnies offrent d’ores et déjà 82 vols par jour entre l'Italie et la France21. Le code-share sera donc étendu à toutes les liaisons entre les deux pays. Aussi, l’accord prévoit la réciprocité dans les programmes des frequent flyers : les membres d’Alitalia « MilleMiglia » et les membres « Fréquence Plus » d’Air France pourront demander leurs billets prime et accumuler milles sur les vols des deux Compagnies22. 18 Communiqué de presse, Alitalia, Delta, Air France, CSA Czech Airlines ricevono l’immunità antitrust dal dipartimento del trasporto americano, Rome, 23 janvier 2002. www.alitalia-corporate.it 19 Exemplaires sont, en 2002, l’ouverture près de l'aéroport Marco Polo de Venice de la première plate-forme de vente de tickets commune, ou l’accord de marketing d’une durée de dix ans avec la marque Coca-Cola. 20 L'alliance entre les deux compagnies donne aux clients d'Alitalia l'accès à plus d'une centaine de destinations nouvelles, alors que ceux d'Air France se voient proposer une vingtaine de nouvelles liaisons. Le Figaro, mercredi 7 avril 2004. 21 Il s’agit des vols entre Paris et Rome, Milan, Venice, Bologne, Naples, Turin, Florence, Verone et Gêne; entre Lyon et Rome, Milan, Venice et Bologne; entre Milan e Toulouse, Strasbourg, Nantes, Marseille, Nice et Clermont- Ferrand; entre Turin et Clermont-Ferrand et entre Rome et Nice.
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 19 Section 2 : Relationships en déhors de l’Alliance Skyteam Hormis les relations nouées au sein de l’alliance Skyteam, les relations juridiques et financières entre Alitalia, d’un côté, et KLM et Air France, de l’autre, ont recues un coup de pouce depuis le 30 septembre 2003. En effet, le 1er octobre 2003, Alitalia a signé à Amsterdam un contrat bilatéral avec Air France, un contrat trilatéral avec Air France et KLM et un contrat bilatéral avec KLM, dans le cadre de l’accord d’intégration sociétaire entre Air France et KLM qui représente l’horizon de référence de la Compagnie italienne. De tels accords représentent d’ailleurs un pas important dans le parcours d’intégration entre Alitalia et Air France entrepris par les deux Compagnies en 2001 avec la signature de l'Alliance Coordination Agreement (ACA), dont les accords actuels constituent l’évolution naturelle23. Ainsi, dans un contrat bilatéral, Air France et Alitalia se sont donnés réciproquement le consentement de conclure des accords avec KLM. Le contrat prévoit pour Alitalia, dès que l’Etat en aura perdu le contrôle, la possibilité d’entreprendre les négociations nécessaires pour son intégration dans le nouveau groupe Air France-KLM. La privatisation est condition sine qua non imposée par le duo franco-batave. Par ailleurs, l'accord prévoit l’engagement des parties à l’activation d’une joint venture sur le business cargo, que Alitalia a d’ores et déjà developpé au sein de la US Cargo Sales Joint Venture (Vente Cargo), constituée en 2001 par Air France Cargo, Delta Air Lines et Korean Air. Ces derniers sont d’ailleurs membres, avec AeroMexico et CSA Czech Airlines, de l’alliance Skyteam Cargo, dont Alitalia Cargo fait partie depuis août 2001. Le contrat trilatéral entre Alitalia, Air France et KLM contribue à définir les modalités de l’extension à KLM de l’alliance industrielle et commerciale entre Alitalia et Air France. L'intégration trilatérale est censée dégager des synergies en termes de force vente combinée, de centre services et résérvations unifié et d’une gamme commune de produits. Enfin, le contrat bilatéral entre Alitalia et KLM définie les lignes stratégiques de leur collaboration au lendemain de l’entrée du transporteur batave dans Skyteam et, le cas échéant, 22 Communiqué de presse, Alitalia e Air France comunicano l'inizio dell'alleanza, Rome 13 novembre 2001. www.alitalia-corporate.it 23 Suite à la concrétisation de la Joint Venture sur le faisceau de routes Italie-France et de l’échange actionnaire de 2% des respectifs capitals sociaux, les deux compagnies ont nommé les deux CEO (Chief Executive Officer), Francesco Mengozzi (aujourd’hui substitué par Giancarlo Cimoli) et Jean Cyril Spinetta, dans les respectifs CA.
Les difficultés juridiques d’Alitalia dans la participation au groupe Air France-KLM 20 dans le cadre de l’alliance à trois24. Les accords signés par KLM avec Air France et Alitalia, conjointement aux accords de août 2002 avec Delta, Continental et Northwest, amèneront à l’élargissement de Skyteam, qui sera la seconde alliance globale à l’échelle mondiale. Récemment, le 15 décembre 2003, Alitalia Engineering & Maintenance a obtenu de KLM l’attribution du programme de révision de sa flotte de 10 aéronefs MD11 passagers. Le contrat, de la valeur de 15 millions d’euros, a une durée de quatre ans et prévoit l’exécution du deuxième cycle de révision (les vehicules ont un age entre six et neuf ans). Alitalia et KLM participent conjointement dans le domaine de l’entretien déjà de l’époque de leur alliance en 1999 en s’occupant respectivement des interventions de révision des B767 et B74725. Cet accord, qui s’ajoute à celui signé en 2001 pour la révision des B767-300, confirme certainement la confiance de KLM dans l’expérience d’Alitalia Engineering & Maintenance dans le domaine de l’entretien des appareils. D’une certaine façon il anticipe l’évolution du scénario des alliances aériennes, car le fait que les deux compagnies aient renouvelé leurs rapports commerciaux, nonobstant la séparation en 2000, est synonyme de satisfaction et respect réciproques, gage du futur mariage. TITRE II : LES ETAPES ET SCENARIOS POSSIBLES DE L’INTEGRATION DANS LE GROUPE AIR FRANCE - KLM L’alliance entre Air France et KLM est une opération remarquable autant économiquement que juridiquement. La nécessité d’une consolidation du ciel européen a été reconnue par les acteurs du secteur et par les autorités communautaires, tandis que l’accord sur le rapprochement soumis à Mario Monti, le commissaire européen à la concurrence, a rapidement (en phase d’enquête simple) gagné le feu vert de la Commission. Les Autorités Américaines ont elles aussi avalé sans difficultés le projet26. Convaincu du caractère inéluctable de la consolidation du marché aérien, Alitalia souhaite faire un mariage à trois avec le duo franco-néerlandais. En s’insérant à l’intérieur du groupe Air 24 Communiqué de presse, Alitalia: contratti con Air France et KLM, Rome, 1er octobre 2003. www.alitalia- corporate.it 25 Alitalia Engineering & Maintenance développe et gère les activités de révision et entretien de la flotte pour le groupe Alitalia et pour les clients tiers. Son chiffre d’affaires par an égal à 164 millions d’euros. Elle compte, parmi ses clients, Lufthansa Cargo, Volare, Gemini Air Cargo, Aeroflot, Meridiana et Eurofly. Communiqué de presse, Alitalia Engineering & Maintenance acquisisce contratto per la revisione degli MD11 di KLM, Rome 24 décembre 2003. www.alitalia-corporate.it. 26 Les Echos, lundi 29 mars 2004.
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